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[Fic] La légende des Six samouraïs
Quadriforce
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [30/06/2015] à 18:00

Salut ! Voici ma toute première fic, j'espère qu'elle vous plaira :mrgreen:

Comme son nom l'indique, elle portera sur…les Six samouraïs !


Petite présentation de la fic :



Spoiler :



Il y a de cela bien des années, les Six samouraïs légendaires ont sauvé la contrée d'une terrible menace. Aujourd'hui, un nouveau fléau menace le pays : les Shien, dont Le chef a destitué l'empereur….On suivra donc les aventures de Zanji, un jeune homme qui intégrera la nouvelle génération des Six samouraïs prête à lutter contre les Shien !


– Cette fic se passe donc à l'époque des samouraïs, il n'y a donc pas de duels mais plutôt des combats entre les divers personnages.

– Il existe une storyline officielle publiée par Konami pour les Six samouraïs mais je ne la suivrai que très peu dans cette fic.

– Tous les personnages de cette fic sont des cartes qui existent réellement et dont je mettrai la balise, et pas forcement issus uniquement de l'archétype des six samouraïs !

– Dites moi ce qu'il faut améliorer / modifier, tous les conseils sont les bienvenus !



Sur ce, bonne lecture 😀


Arc introductif


Chapitre 1 : Zanji



Spoiler :



Mort. Chaos. Destruction. On raconte qu'il y a de cela des décennies, un Mal ancestral s'abbatit sur notre contrée, réduisant le pays en un tas de ruines et de cadavres. C'est alors que, selon la légende, il apparurent. Ils étaient six, grands, vaillants, forts. De courrageux guerriers qui auraient libéré notre contrée de l'Envahisseur. Ce mythe se propagea rapidement dans la région, celui d'un groupe de combattants qui aurait ramené la paix dans l'Empire. On ne tarda pas à les appeler les « Héros», ou encore les « Six samuraïs légendaires ».


Zanji, lui, ne croyait pas au mythe. Les Six samuraïs ? Pffff ! Et qu'avaient-ils fait, ces « vaillants » guerriers, quand les Shien avaient pris le pouvoir, il y a 10 ans de cela ?

Zanji s'en rappelait très bien, il avait 8 ans ce jour là, ce jour où les Shien ont débarqué en ville, où ils avaient tués les soldats, violés leurs femmes et pillés leurs maisons. Le père de Zanji était l'un des ces soldats. Et l'enfant n'avait pu qu'assister avec horrreur au sort que l'on réservait à ceux qui se dressent contre le nouveau Régime.


« Ils ont destitué l'Empereur et ont exterminé tous ceux qui s'opposaient à eux. Ils ont assassiné mon père, et pillent les richesses de tout ceux de mon village depuis des années, se répétait souvent Zanji. Qu'ont fait les Six samouraïs pour les en empêcher ? Rien. Ils sont apparus il y a de cela des décénies, et sont retournés dans l'ombre aussi vite qu'ils sont venus, laissant derrière eux une paix fragile que les Shien n'on pas hesité à détruire 30 ans plus tard.

Peut-on leur faire confiance, se reposer sur leurs épaules ? NON. Si l'on veut se débarrasser des Shien, il faut se battre, par ses propres moyens. Et je le ferai. »


C'était maintenant un jeune homme de 18 ans, grand, vaillant, et fort. Le souvenir de la mort de son père avait fait naître chez lui un sens aigu de la justice et de la révolte. Fils unique, il vivait seul dans la ferme qui avait appartenu à ses parents. Il n'avait jamais connu sa mère, qui était décédée à sa naissance lors de l'accouchement. C'étaient ses voisins qui l'avaient receuilli à la mort de son père, un paysan chargé des Ravitaillements au château De Brume de Shien, la résidence officielle du nouvel empereur, et sa femme. Le jour, il menait une vie paisible, les aidant dans les champs à ramasser les récoltes. Le soir, il s'entrainnait en secret dans la grange de la ferme à manier la seule arme qu'il avait, uneepée De Bambou Brisée qu'il avait rafistolé comme il le pouvait. Il voulait apprendre à se battre, pour un jour venger son père et chasser les Shien du pays.


Un jour, une occasion d'y arriver se présenta. Un homme, présenté comme étant Masaki, le Spadassin Légendaire, avait été capturé par Tenkabito Shien, l'homme que le Régime avait placé à la tête de la ville pour le représenter.


– Nous allons l'executer en place publique toute à l'heure, cria Tenkabito. Tous les villageois seront conviés, de gré ou de force, à ce spectacle, pour qu'ils voient quel est le sort réservé à ceux qui complotent contre nous !


Des executions comme celle-ci, il y en avait presque tous les mois. Sauf qu'avant, c'étaient de simples villageois. Zanji connaissait le nom de Mazaki, son père lui en avait parlé autrefois :


– Masaki, mâitre légendaire de l'épée, a survécu à plus de 100 batailles. C'est un modèle pour moi ! Et lui, il se battera jusqu'au bout, tu peux en être certain ! Avait-il dit au jeune Zanji alors agé de 6 ans.


Masaki, partisan de l'Empereur déchu, avait donc continué à se battre 10 ans après le coup d'Etat, avant d'être capturé aujourd'hui par les Shien. Il s'agisait d'un allié de taille. Zanji ne pouvait pas le laisser tomber. Il fallait le secourir, et à deux ils se dresseraient contre l'ennemi.

Après avoir entendu Tenkabito, Zanji retourna furtivement chez lui récupérer son arme, qu'il cacha sous ses vêtements. On ne tarda pas à sonner à sa porte : c'etaient eux, ils venaient arracher les habitants à leurs occupations pour les conduire en place publique.


Il n'y avait pas beaucoup de soldats là bas, seuls 2 ou 3 écuyers de Shien qui avaient amené les villageois étaient présents, accompagnés bien sur de Tenkabito. Il descendit de son cheval, s'approchait d'une grande statue de pierre à l'effigie de son maître, le Grand Shogun Shien, ou Mazaki était attaché, et déclara à la petite foule de 400 habitants qui se tenait devant lui :


– Aujourd'hui, je vais nous débarrasser de Masaki, un traitre qui renie notre Régime. Tous ceux qui renient le Régime seront assassinés ! Maintenant inclinez vous devant moi, ou vous aussi serez déclarés traitres ! vociféra t-il.


Tous s'inclinèrent. Sauf un.


– Toi ! Quel est ton nom, pour me tenir tête ?


– Je suis Zanji. Ton règne de terreur est terminé, Tenkabito ! Je vais te tuer, libérér cette ville de ton emprise, et bientôt tout la contrée suivra !


– Pauvre fou ! Regardez, villageois !Cet inconscient va rejoindre Masaki sur la statue du Maître, et elle retrouvera sa couleur pourpre d'origine, recouverte de votre sang !


Sans plus attendre il bondit avec son épée sur Zanji. Celui ci dégaina avec un peu de retard, et ne para le coup que de très peu. Il lutta de toute ses forces pour repousser Tenkabito, mais il n'y avait rien à faire. Sa pauvre épée de bambou ne pouvait rien contre le glaive ennemi. Le Shien concentra toute sa force dans ses bras, et le bambou céda. Zanji fut proleté à terre.


– Tu voulais sauver Masaki, c'est ça ? Sois témoin de ton impuissance !


Et sur ces mots, il enfonça son arme dans la poitrine du prisonnier qui hurla de douleur, et se raidit aussitôt, mort. En proie à la peur et à une haine intense, Zanji, désarmé, se releva et courrut vers son adversaire pour le frapper à main nues.


– Pathétique…ricana Tenkabito, je ne peux tout de même pas me rabaisser à tuer ça…


Il esquiva les attaques en se décalant sur le coté avec un simplicité déconcertante, et donna un grand coup dans le dos de Zanji, qui s'écroula au sol. C'était fini, il avait perdu. Son corps était paralisé et au bord de la mort lui aussi. Il ne pouvait plus bouger. Il entendit vageument Tenkabito murmurer que 5 villageois seraient exécutés pour l'exemple, ainsi que le brouhaha des gens qui s'enfuient. Impuissant, il regarda Tenkabito et ses hommes partir avec leur méprisant, puis crut sentir comme une présence dans son dos. Il eu juste le temps de tourner la tête et de voir ce qui semblait être un vielil homme borgne en armure avant de s'évanouir.




Chapitre 2 : Ceux que l'on croyait disparus



Spoiler :



Lorsque Zanji se réveilla, il n'était plus étalé sur la place publique, mais dans un lit, dans ce qui semblait être une chambre de demeure traditionnelle. Un lieu inconnu de Zanji. Des paravents recouvraient les 4 murs de la pièce, si bien que Zanji ne pouvait rien voir d'autre que l'intérieur. C'était grand, spacieux. Rien à voir avec les petites maisons en pierre de son village. A côté de lui se trouvaient les restes de son épée et ses vêtements déchirés, qui lui rappelèrent aussitôt le cuisant échec qu'il avait subi. Sa blessure dans le dos, bien qu'encore douloureuse, commençait à cicatriser.


– Alors ça y est, tu es réveillé ? lui lança t-on.


Zanji se retourna. Derrière lui à l'autre bout de la pièce, se trouvait un homme d'un âge plutôt avancé, assis en tailleur sur le tatami, qui le regardait. Celui ci portait une sorte d'armure de fer qui recouvrait son corps et ses quatre membres n'étaient autres que des prothèses métalliques, Zanji comprit qu'il avait perdu les originaux.


– Qui êtes vous ? Où suis-je ? demanda t-il.


– Oh, moi ? Répondit l'homme calmement. Je ne suis qu'un pauvre Chambellan qui dut quitter la cour lorsque les Shien ont pris le pouvoir. Nous sommes ici dans la demeure du Grand Maître, un homme bon : c'est lui qui m' héberge et me nourrit depuis ma fuite, c'est aussi lui qui t'a sauvé lorsque tu étais sur le point de mourir.


Zanji observa plus attentivement l'homme : Il était borgne, comme celui qu'il avait entrevu avant de s'évanouir. Il faisait en tout cas plus penser à un ancien guerrier, portant sur lui les stigmates des batailles, qu'à un chambellan.


– Où puis-je le trouver pour le remercier ? demanda le jeune garçon.


– Derrière ce paravent, la porte au fond du couloir, répondit simplement le chambellan, avant de se réintéresser à l'arme qu'il astiquait.


Comprenant qu'il ne tirerait pas grand chose d'autre de lui, Zanji se leva. Il emprunta le couloir en question, toujours en observant autour de lui. Il remarqua qu'un motif se répétait à un intervalles réguliers le long des murs, celui d'un cercle noir incrusté d'ornements étranges, ainsi que de six cercles plus petits. Il savait ne les avoir jamais vu, et pourtant ils lui semblaient familier, sans qu'il puisse expliquer pourquoi. Il contempla longuement ces symboles jusqu'à parvenir au bout du couloir. Un autre jeune homme se trouvait là, les bras croisés, adossé contre la porte que le chambellan avait mentionné. Il devait avoir approximativement le même âge, si ce n'est qu'il paraissait plus grand et plus baraqué que Zanji.


– Le maître ne veut pas être dérangé, déclara t-il machinalement sans regarder devant lui. Puis il releva la tête, et changea complétement d'attitude. Oh, tu es le nouveau, excuse moi, je n'avais pas vu que c'était toi ! Alors tu es réveillé ? Super ! Tu sais, ça fait déjà trois jours que tu dors, on a fini par croire que tu étais dans le coma ! Bon, rentre, si c'est toi, je pense que le Grand Maître voudra bien te recevoir. Au fait, je m'appelle Kamon , moi aussi je suis l'un des Six ! Essaye de retenir mon nom ! Attends, je t'ouvre la porte. Mince, foutues clés…bon attends une minute…voilà c'est bon, vas y, entre, entre ! Fais comme chez toi !


Zanji était noyé dans le flot de paroles incompréhensibles de son interlocuteur. L'un des Six ? Qui étaient ces hommes qui attendaient son réveil ? Qu'attendaient de lui ? Enfin, il verrait ça plus tard. Le plus important pour le moment était de vite remercier son sauveur et de rentrer au village et prendre des nouvelles des habitants, surtout si trois jours s'étaient vraiment écoulés pendant sa convalescence comme le laissait entendre ce Kamon. Il entra.


Cette pièce ressemblait à celle qu'il venait de quitter, si ce n'est qu'on y trouvait diverses bannières, toujours à l'effigie de ce fameux symbole que Zanji avait remarqué dans le couloir.

Au milieu de la pièce se dressait un homme qu'il reconnut immédiatement. C'était lui. Le vieil homme borgne à qui il devait la vie, le Grand Maître . L'ancien aux long cheveux gris et à la barbe blanche s'approcha lentement de lui. Son corps dégagait une étrange aura, à la fois tranquille et imposante, qui fit comprendre à Zanji qu'il lui devait le respect. Il s'inclina devant lui :


– Je vous remercie sincèrement de m'avoir recueilli.


– Ce que tu as tenté pour sauver cet homme était désespéré.


– Il est vrai que j'ai peut être agi trop vite, sans analyser la situation…


– Ecoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Seul, tu ne peux rien faire contre les Shien. Si je t'ai fait venir ici, c'est pour te proposer de te joindre à nous.


– Se joindre à vous ? Y aurait – il ici une résistance menée contre les Shien ?


– Tu te trouves ici dans le repère de ceux qui furent les Six samouraïs.


Un long silence tomba. L'homme paraissait sérieux.


– Vous voulez dire…..les Six samouraïs, ceux de la légende ?


– Oui.


Zanji était stupéfait. C'était impossible ! On était même pas sur qu'ils eussent vraiment existé ! Et ce vieillard qui se tenait devant lui se prétendait membre de cet ordre, de ce groupe qui sauva l'Empire autrefois !


– C'est faux. Je ne vous crois pas. Ce n'est qu'un mythe. Sinon, vous seriez intervenus face aux Shien il y a 10 ans de cela. Vous n'êtes qu'un imposteur.


– ……


Zanji réfléchit. Il croyait comprendre maintenant le sens des « Six » dont parlait Kamon tout à l'heure, la signification du symbole aux six cercles aperçu dans le couloir. Le vieil homme disait peut être vrai, après tout. Un grand père à moitié sénile de son village, que l'on surnommait L'Immortel , racontait avoir déjà aperçu les Six. L'âge correspondait à peu près, il était possible que ce soit vraiment l'un d'entre eux. Mais alors, comment expliquer leur comportement ? Pourquoi avaient ils disparu ?


– Mon père est mort lors du coup d'Etat Shien. Et vous, les « héros », que faisiez vous pendant ce temps ? Que faisiez vous lorsque seul, je me battais contre Tenkabito pour la liberté des miens ? Hein ? demanda violemment Zanji. La discussion avait éveillé en lui de mauvais souvenirs, et il laissait exprimer cette rage trop longtemps enfouie en lui, au mépris de tous codes de conduite envers son bienfaiteur.


– C'est justement pour éviter que de telles atrocités se reproduisent que nous te demandons de te joindre à nous. Nous les anciens sommes trop faibles pour nous battre maintenant, c'est pourquoi je veux former une nouvelle génération de samouraïs qui prendra la relève pour affronter les Shien. Et je te propose d'en faire partie. Tu seras logé, nourri, équipé et entraîné.


– Je ne veux pas de votre charité, rétorqua Zanji. Mon nom ne sera pas associé à celui de lâches comme vous qui se sont fait oublier par peur de combattre les Shien. Je ne vois pas d'autre explication à votre absence ces dix dernières années. Merci de m'avoir recueilli, mais ça s'arrête là. Je rentre.


Le Grand Maître resta silencieux. Alors que Zanji allait quitter la pièce, il ajouta :


– N'oublie jamais que l'union fait la force. Tu seras toujours le bienvenu ici. Traverses la forêt au sud de cette demeure et tu devrais retrouver ton village.


Zanji écouta le vieil homme et partit, sans même un merci ou un au revoir. Kamon, toujours devant l'entrée, l'assaillit de question :


– Alors, ça c'est bien passé ? Tu vas nous rejoindre ? Quoi, tu pars déjà ? Mais c'est la nuit tu sais ! Tu veux pas rester ici pour la nuit ? Non ? Tu es sur ? Hé, prends une arme, au moins, il peut y avoir des créatures hostiles dans la forêt à cette heure ! Quoi, pas d'arme non plus ? Bon, bon, prends la petite prote à gauche alors, ça donne sur la sortie…


Après avoir une énième fois répété « Non » à Kamon, Zanji se trouva enfin dehors, seul, avec ses quelques effets personnels qu'il avait récupéré entre temps. Il regarda rapidement derrière lui : on ne pouvait distinguer dans la nuit qu'une masse sombre là où se trouvait la demeure. De cette maison, il n'avait vu qu'un couloir et deux chambres, mais c'était suffisant. Ces homme qu'il avait croisé, ceux que l'on croyait disparus, n'étaient que des vestiges du passé.


Il prit le chemin de la forêt, décidé à aller de l'avant.


Depuis la fenêtre de sa chambre, le Grand Maître observait Zanji quitter la résidence. Le chambellan l'avait rejoint :


– Alors il est parti….Kizan ?


– Oui. Décidément, il ressemble vraiment à cette fameuse personne….

Tout aussi fougeux et têtu que « lui » à ses débuts.


– Espérons seulement que Zanji n'empruntera pas la même voie que « lui »…


– Non, je ne pense pas. Il reviendra, j'en suis convaincu.




Chapitre 3 : L'archer de la forêt



Spoiler :



Il était près de 21 h lorsque Zanji pénétra dans la forêt interdite. Il repensait à tout ce qu'il avait vécu depuis peu, sa défaite contreTenkabito, son réveil dans une mystérieuse demeure…Tellement de choses avaient changé depuis ces quelques derniers jours ! Même l'ordre des Six samouraïs, qu'il pensait être un mythe, s'était avéré réel.


En rentrant dans la forêt, il songea à d'autres mythes dont il avait eu vent dans son enfance à propos de ces bois, si proches de son village, mais qu'il n'avait jamais exploré pour autant, lui qui était trop occupé à travailler la terre dans le champs et à s'entraîner. On racontait tantôt qu'une femme, surnommée la sorcière de la forêt noire avait fui le village y vivait reclue, d'autres fois on disait qu'un petit garçon qui y avait fugué apparaissait la nuit pour décocher des flèches à ceux qui menaçaient le milieu sylvestre. Ce dernier, craint des chasseurs, était ainsi appelé l'archer obscur de la forêt.


Il repensait à tout cela, suivant le petit chemin de gravier devant lui qui le guidait parmi les arbres, majoritairement des Trent, de grands arbres ternes que l'on disait immortels et qui se dressaient là depuis des siècles. Soudain, après une bonne heure de marche, alors qu'il semblait s'approcher du cœur de la forêt, il entendit du bruit dans les feuillages.


– Halte ! Qui va là ? demanda t-il.


Mais c'était trop tard. Quatre petites créatures sautèrent de la cime des arbres environnants et l'encerclèrent en un instant. Elles portaient une drôle de boule orangée en guise de tête, et étaient toutes équipées d'une arme différente.


– Je suis Samourai Sasuke ! Déclara l'un d'entre eux, qui portait une épée brillant d'un rouge étrange.


– Moi, c'est Samouraï Sasuke N°2 ! lança un autre à l'opposé, qui lui portait une grosse lame avec ses deux petits bras.


– Je m'appelle Samourai Sasuke N°3 ! dit d'une voix ferme la troisième créature, qui semblait être plus agressive que les autres avec ses deux épées. Je suis le chef.


– Quant à moi, commença le dernier, un lancier, mon nom est……


– Laisse moi deviner, dit Zanji sans le laisser finir. Tu ne serais pas par hasard Samouraï Sasuke……… N°4 ?


– Hein ? Comment a t-il fait pour le deviner ?? Bon, pas grave, on va lui régler son compte et le dépouiller !


Sans plus attendre, les 4 ennemis sautèrent sur lui. Elles n'auraient pas été dangereuses en temps normal, mais Zanji n'avait pas d'arme, contrairement à ses agresseurs. Il était donc obligé d'esquiver et de fuir comme il le pouvait. Il se rappela soudain la remarque de Kamon à propos des « créatures hostiles de la forêt », et maudit son orgueil qui l'avait fait refuser de prendre une arme.


Ca aurait pu se terminer ici pour lui. Les petits monstres oranges l'auraient attrapé, tabassé, volé, et seraient repartis, le laissant à terre, nu, au milieu de la forêt en cette nuit de pleine lune. Mais non.


Sans que Zanji ne sache par quel miracle, une flèche sortie de nul part s'abattit à toute vitesse sur le pauvre Samouraï Sasuke N°4 , qui la reçut en pleine jambe droite. Paniqués, les trois autres furent déstabilisés quelque secondes, temps suffisant pour que le jeune homme s'empare de la lance du blessé qui ne pouvait plus bouger. C'était la première fois qu'il se servait d'une telle arme, lui qui n'avait connu que l'épée de bambou toute sa vie, et pourtant elle lui semblait légère, tellement simple à utiliser, comme si elle lui avait été destinée.


Avec un coup d'estoc, il transperça l'armure du premier. Il para ensuite la lame du second et la brisa avec sa force, bien supérieure à celle de la petite créature. Constatant que ces hommes ne pouvaient plus combattre, le chef se ravisa. Il alla rapidement ramasser les autres qui étaient au sol, et s'enfuit en les portant comme il le pouvait.


« Je l'ai échappé belle » se dit Zanji. Mais quelqu'un l'avait encore sauvé d'une situation critique, pour la deuxième fois en trop peu de temps à son goût. Mais qui ? Le jeune homme scruta les arbres proches à la recherche du tireur, mais il ne distinguait rien à cause de l'obscurité.


– Tu as de la chance que j'ai été là. Sans cela, tu était condamné, lança alors une voix.


– Tu es le propriétaire de cette flèche ? demanda t-il à l'homme des bois en brandissant l'objet resté à terre, tombé dans la fuite des Sasuke.


– Oui. Je veille sur cette forêt avec ces flèches depuis des années maintenant, merci de l'avoir récupérée.


– Cela me rappelle une histoire que j'avais entendu plus jeune, dit Zanji, celle d'un enfant armé de flèches qui vivait ici…l'archer obscur de la forêt


– Ce n'est pas qu'une histoire. Cet enfant a existé, et même si il a grandi maintenant, il manie toujours l'arc, prêt à aider ceux qui en ont besoin dans la forêt….


– Tu es donc ce fameux archer…


– C'est exact.


– Mais alors… et la sorcière de la forêt noire, elle existe réellement aussi ?


– Non, ça c'est une pure invention des villageois.


– Ah bon….


Alors un peu abasourdi d'apprendre qu'une deuxième histoire qu'il croyait être un mythe était réelle, Zanji avança dans la direction d'où venait le son. Il repéra un arbre où se formait une silhouette sombree en hauteur. C'est alors qu'un rayon de la pleine lune qui couvrait le ciel lui permit d'y apercevoir l'archer. C'était un garçon d'environ 17 ans qui se tenait debout sur une grosse branche et le regardait. Il reconnut immédiatement son armure : ses ornements lui rappelaient indéniablement ceux des Six samouraïs qu'il venait de quitter.


– Se pourrait-il que tu sois….


– C'est exact. Je suis Yaichi, l'un des Six samouraïs. Je viens de la maison que tu as quitté il y a peu. Ne sois pas si surpris, j'en sais bien plus sur toi que tu ne le crois. Tout les résidants de cette demeure t'ont rendu visite au moins une fois lors de ta convalescence. Lorsque je t'ai vu, tu parlais dans ton sommeil…Tu as dit que tu t'appelais Zanji, que tu devait venger ton père…


– Assez ! Cela ne te regarde pas ! répliqua l'intéressé. Puisque tu sais tant de chose, tu as aussi dû deviner que je ne voulais pas vous rejoindre, nous n'avons donc plus rien à nous dire.


Il allait continuer sa route, mais l'homme le suivait, sautant de branches en branches malgré le poids de son armure.


– Ecoute, moi aussi j'étais un solitaire avant d'intégrer cet ordre. Petit, je fuguais régulièrement de chez moi pour venir me réfugier ici, seul, dans la forêt. Avec des branches d'arbre morts, j'ai commencé à attaquer ceux qui en pillaient les richesses, et à défendre les animaux. Mais pourtant, malgré que je vivais en autarcie sous ce nom que les habitants m'avaient donné, lorsque j'ai appris l'existence de cette demeure, je suis devenu l'un d'entre eux. Car quitter ma forêt était c'était un sacrifice nécessaire pour servir une cause plus noble. Comme tu peux le voir, je reviens ici de temps en temps la nuit. Si tu t'engages parmi nous, nous libérerons ton villages, et tu pourras t'y rendre librement en dehors des missions.


– Je n'ai pas besoin de vous. Je servirai ma cause moi même, comme je le déciderai. Je n'ai pas accepter comme chef un homme qui est resté caché pendant une décennie de peur d'affronter les Sien !


Yaichi arrêta de suivre Zanji, et se retourna.


– Tu me déçois. Je pensais que tu te battrais avec nous, que tu serais capable de comprendre que cette alliance est capitale, que contre les Shien nous n'avons pas le luxe de s'unir selon les affinités, mais apparemment non. Tu es bien trop égoïste pour cela. Tu dis que tu n'as pas besoin de nous, mais tu es incapable de te battre pour ta cause, ni même de te sauver par tes propres moyens. Tu est resté toute ta vie enfermé dans ton village, tu ne connais rien au monde. Tu ne savais même pas que les Six samouraïs avaient élu domicile derrière cette forêt, à quelques kilomètres de ton foyer ! Nous t'offrions l'opportunité de voyager, de découvrir le monde pour le libérer, mais tu as refusé. Je n'insisterai pas pour te persuader de nous rejoindre. Quelqu'un si étroit d'esprit, je n'en veux pas dans notre groupe.


Sur ces mots, il disparut dans la nuit.


Zanji, quelque peu troublé par ces paroles, reprit le chemin de son village, armé de la lance qu'il avait trouvé. Il se demandait si cet homme disait vrai, et si il ne fallait pas qu'il se remette en question dans les prochains jours



Chapitre 4 : La décision



Spoiler :



Après encore quelques heures de marche, Zanji était enfin sorti de la forêt interdite, et à quelques centaines de mètres de là se dessinaient les premières maison de son village. Il faisait toujours nuit, et il n'y avait personne dehors, ni villageois, ni même de soldats de la garde des Shien, pourtant habitués à surveiller ces lieux. Ce n'était pas une raison pour baisser sa garde : si on le repérait, tous les gardes afflueraient, et il risquerait de connaître le même sort que Masaki.


Il se faufila donc le plus discrètement possible jusqu'à la maison de son voisin, l'homme des ravitaillements, celui qui l'avait élevé depuis la mort de son père, pour le prévenir de son retour. Il frappa donc à l'étroite porte de bois de sa chaumière :


– Qui….oh Zanji, entre vite ! fit le paysan lorsqu'il le vit, et le poussa rapidement dans la maison.

Je…… , on croyais que tu était mort !


– Est-ce que tout le monde va bien ? Que s'est-il passé depuis mon départ ?


– Lorsque les Shien sont revenus sur la place publique et que tu avais disparu, chuchota t-il, le seigneur Tenkabito est entré dans une rage…! Une rumeur dit qu'il voulait te laisser en vie pour plus tard t'enrôler parmi les siens mais ton départ l'aurait fortement contrarié…Il a fait fouiller toutes les maisons, toutes les cachettes où tu aurais pu être….Ta maison est surveillée de l'intérieur par une demi-douzaines de gardes 24h/24… Ils nous ont menacé de mort au cas où tu reviendrais te cacher ici sans qu'on les prévienne…


– Mais c'est terrible !


– Chut, moins fort ! Et ce n'est pas tout, ils ont exécuté 5 personnes pour l'exemple, dont un de nos anciens,l'Immortel du Tonnerre !


Le souvenir du vieil homme revint à Zanji l'espace d'un instant. Il avait été l'un des seuls à soutenir que les Six samouraïs existaient, une vérité ignorée des jeunes générations qui le croyaient fou. Zanji aussi l'avait cru fou. Et pourtant, il comprenait aujourd'hui qu'il n'avait pas menti, qu'il a avait toujours dit vrai, et que pourtant aujourd'hui il avait été assassiné par l'ennemi.


Ce fut un déclic pour le garçon. Si le village avait tant changé depuis son départ, si la surveillance avait été à ce point accrue, si 5 personnes avaient trouvé la mort, c'était à cause de lui. Lui qui avait voulu améliorer la situation l'avait en fait empiré.


« Si j'avais pu rentrer plus tôt…se dit-il. Non, cela n'aurait rien changé, le problème est ailleurs…Pourquoi ai-je donc accumulé les échecs ? »


"Tu dis que tu n'as pas besoin de nous, mais tu es incapable de te battre pour ta cause, ni même de te sauver par tes propres moyens".



Cette phrase que l'homme appelle Yaichi avait prononcé, il n'arrivait pas à l'oublier. Serait-ce parce qu'il avait voulu faire cavalier seul qu'il n'était parvenu à rien ? Pourtant, il ne pouvait pas accepter de suivre les Six samouraïs, eux qui avaient laissé son père mourir…


– ………..Eh, tu m'écoutes ? Zanji, où étais tu ces derniers jours ? Je me faisais du chagrin pour toi ! Absorbé dans ses pensées, Zanji en avait presque oublié la conversation.


– Eh bien, figure-toi que je me suis réveillé dans la demeure des Six samouraïs !


– Hum, à mon avis tu as du avoir une hallucination à cause de ta blessure, tu sais pourtant qu'ils n'existent pas ! Tu t'es plutôt caché dans les champs en attendant que les choses se calment, voilà ce que je pense…


– Mais non, je t'assure que c'est vrai ! Et cette lance, je l'ai obtenue en l'arrachant à une créature toute orange qui me menaçait de me voler toutes mes affaires dans la forêt interdite ! C'est alors quel'archer obscur de la forêt est venu me sauver. Car oui, il existe ! Par contre la sorcière de la forêt noire, elle, n'existe vraiment pas, c'est bien un mythe !


– Zanji, que t'es t-il arrivé ? Pourquoi me mens-tu ? Aller jusqu'à inventer toutes ces choses….Affronter Tenkabito et survivre est déjà un exploit en soi, pas la peine d'en rajouter en inventant des péripéties improbables…


On ne le croyait pas. Il voyait maintenant pourquoi Yaichi l'accusait de faire preuve d'étroitesse d'esprit. Lui aussi avait nié dans les débuts ce qui lui paraissait impossible. Et pourtant, les Six samouraïs existaient vraiment, il avait fini par l'admettre en rencontrant des anciens de l'ordre. Mais sans une telle preuve, jamais ceux du village ne feraient de même.


Y croire, ne pas y croire….Un décalage commençait à se créer entre lui et les autres du habitants. Il savait ce que les autres ne savaient pas. De plus, la menace Shien dans le coin était encore plus pesante qu'auparavant. Pour ces deux raisons, il sentait qu'il n'était plus à sa place au village.


Son voisin avait accepté de l'héberger pour la fin de la nuit, qu'il puisse se reposer, mais il devrait partir à la première heure demain, avant que les Shien ne contrôle la maison et qu'ils ne soient tous capturés. Zanji sentait bien que sa présence embarrassait son voisin. Et il ne pouvait même pas rejoindre la maison de son père que des gardes surveillaient. Cette situation n'était pas viable, il commençait à le comprendre. Comment avait-il pu croire qu'après son passage à l'action, les Shien l'auraient laissé tranquillement vivre ici avec ses proches ?


Ne pouvant rester au village, deux solutions s'imposaient lui. Se rendre ou fuir. Se rendre était bien sur exclu. Mais fuir où ? Il n'avait nulle part ou aller, ne connaissait personne qui pourrait l'accueillir….à part les Six samouraïs.


"Je pensais que tu te battrais avec nous, que tu serais capable de comprendre que cette alliance est capitale, que contre les Shien nous n'avons pas le luxe de s'unir selon les affinités, mais apparemment non. Tu es bien trop égoïste pour cela".



Encore des paroles de Yaichi. Combien de temps encore allait-il entendre sa voix dans sa tête ? Il alla se coucher dans une petite pièce cachée derrière un placard, que son hôte avait aménagé au préalable. Une nuit difficile s'annonçait pour lui. L'heure de faire un choix.


Il ferma les yeux. Il revoyait le chambellan veiller sur son lit et ses affaires,Kamon lui sourire, le Grand Maître lui promettre de l'entraîner….puis le rêve tournait au cauchemar. Tenkabito était là, sur son cheval, et l'écrasait de nouveau, et Zanji se retrouvait cloué au sol encore une fois, ensanglanté. A sa droite, l'armée des Six samouraïs se battait contre lui elle aussi, mais était à son tour neutralisée par le Shien.

« Tout cela….aurait pu se passer autrement avec…ton….soutien…» murmurait Kamon à son oreille, avant de rendre l'âme. Tous tombaient au combat les uns après les autres. Il ne restait que Tenkabito et lui. « Diviser pour mieux régner…» murmurait t-il…Puis il descendait de son cheval et lui plantait son épée en plein cœur. Le décor changeait ensuite rapidement, laissant place à un monde de zombie, un veritable enfer. Une armée de cadavres étaient là, et l'un d'entre eux, un zombie cuirassé qui portait l'armure de Kamon, l'attrapait par le cou et lui disait « Regarde ! Regarde où nous en sommes arrivés, à combattre séparément ! Tu aurais pu nous aider, et à 6 nous aurions bu le battre, mais non, tu as refusé de t'allier avec nous à cause de ton stupide orgueil, et voilà le résultat ! Nous somme tous morts maintenant ! Jamais tu ne vengeras ton père ! JAMAIS ! Tu pourriras en enfer avec nous pour l'éternité ! Et les morts vivants en armure riaient, riaient, riaient… Ce fut le cauchemar que Zanji fit cette nuit là.


Il se réveilla en sursaut, avec des sueurs froides. Il ne lui restait quelques heures avant que le jour ne se lève, et il décida de les passer non plus à dormir mais à réfléchir, à interpréter son rêve.


Au petit matin, le paysan secoua énergiquement Zanji pour le réveiller, et lui fit gentiment comprendre qu'il devait partir maintenant. Le guerrier prit sa lance, des vivres, embrassa l'homme qui l'avait recueilli, sa femme et sa fille, et entreprit de partir.


– Alors, que vas tu faire, Zanji ?


– Je pars.


– Et ou vas-tu donc ?


– Là où j'aurais du aller depuis le début.


Zanji regarda une dernière fois la petite famille qui se trouvait devant lui, son village, et prit la direction de la forêt. Il la traversa de nouveau, cette fois sans encombre. Il se trouvait à présent devant la demeure des Six samouraïs qu'il pouvait admirer maintenant qu'il faisait jour. La demeure était colossale, digne d'un palais. Un grand portail se dessinait à l'entrée, le portail des Six. Les portes s'ouvrirent. Le Grand Maîtrese trouvait là, de l'autre côté.


– Si tu passes cette porte, ton choix sera définitif. Plus aucun retour en arrière ne sera possible. Je t'initierai à l'art du combat, et tu deviendra l'un des six nouveaux samouraïs. Tu devras te battre pour notre cause. Es tu prêt à accepter cela ?


Zanji réfléchit une dernière fois. Après tout, plus rien ne le rattachait ailleurs. Il ne parviendrait à rien sans eux, il avait fini par l'admettre. Si intégrer l'ordre des SIx était le prix à payer pour accomplir sa vengeance, alors il le paierait. Il avança lentement en direction du portail, regarda le maître droit dans le yeux et répondit :


– J'ai pris ma décision.




Chapitre 5 : Premier entraînement



Spoiler :



"Lorsque l'on franchit ce portail, il n'est plus possible de faire machine arrière. Tu as décidé de devenir l'un des nôtres, tu devras désormais obéir à notre règlement; et te montrer digne du titre de samouraï"


Zanji s'était fait à ces paroles que le Grand Maître avait prononcé peu de temps après son arrivée dans la demeure. On l'avait de nouveau conduit dans la pièce où il s'était réveillé la veille : ce serait sa chambre maintenant. On lui avait fait visité l'immense demeure, qui loin de se limiter au seul couloir qu'il avait vu la veille, était dotée de grands salons, de dizaines de chambres, de cuisines, de quartiers réservés au personnel, d'un vaste jardin, de bains, et d'une grande cour intérieure. On lui avait dit de se rester dans sa chambre quelques heures pour se reposer, il aurait rendez-vous à midi dans la cour pour faire les présentations avec les autres.


« J'ai bien fait d'accepter, repensait-il, vivre dans un tel environnement….j'espère que les autres seront sympathiques ! » Il était content que les choses avancent enfin, que la résistance allait finalement se former, mais appréhendait un peu ce qui allait se passer maintenant.


L'heure était venue. Il se dirigea lentement vers sa destination, demandant 3 fois de l'aide pour trouver son chemin, en regardant encore le symbole circulaire dans les couloirs : il savait maintenant qu'il s'agissait de l'emblème des Six samouraïs, et qu'il allait lui aussi le porter d'ici peu. Il arriva enfin devant la cour. Des pavés recouvraient le sol, et un arsenal d'armes de guerre de toutes sortes était entreposé le long des murs.


– Nous t'attendions, Zanji. Approche, on va faire les présentations.


4 hommes se dressaient autour du Grand Maître qui l'avait appelé. Ils portaient d'impressionnantes armures de samouraï de toutes les couleurs, comme Zanji n'en avait jamais vu auparavant. Sous une armure orangée, il reconnut l'un d'entre eux qui lui souriait.


– Bienvenue parmi nous ! lança t-il d'un ton joyeux. J'espère que tu as retenu mon nom !


– Tu es bien Kamon….c'est ça ?


– Il l'a retenu ! Tu sais, dès le début je su que tu reviendrais, tu avais l'air trop sympa, c'était pas possible que tu partes, en plus je….


– Kamon, ça suffit !


C'était l'homme qui portait l'armure verte qui avait parlé. Il semblait plus âgé que les autres samouraïs, plus robuste encore que Kamon, et devait avoir la vingtaine. Avec sa cicatrice au visage, il donnait l'impression déjà connu la réalité du front.


– Je suis Nisashi, l'ainé des Six nouveaux samouraïs. Je te souhaite de te plaire parmi nous.


Deux autres guerriers étaient là, ils devaient avoir son âge à peu près. L'un portait une armure jaune et un arc : Zanji pensa aussitôt à l'homme appelé Yaichi qu'il avait croisé dans le forêt, mais il n'avait jamais vu l'autre, qui portait une armure bleue.


– Je vois que tu as changé d'avis et que tu es revenu….constata calmement l'archer. Mais cela ne suffit pas pour que je retire ce que j'ai dit à ton sujet dans la forêt. C'était bien Yaichi, plus de doute possible avec cette allusion à ce qui s'était passé la veille. Et il le considérait toujours comme un lâche. Lui là bas avec l'armure bleu c'est Yariza, reprit-il, il est plutôt doué pour le combat, mais excuse le, il n'est pas très causeur.


L'intéressé regarda Zanji, mais ne dit rien. Le Maître reprit la parole.


– Avec l'arrivée de Zanji, vous êtes 5. Il ne reste qu'à trouver le dernier, celui des ténèbres, et vous serez au complet, prêt à livrer bataille aux Shien !


– Celui des ténèbres ? demanda Zanji. Qu' est- ce que cela signifie ?


– Oh, c'est vrai que tu n'est pas au courant pour les 6 voies attributaires. Ne t'occupe pas de cela pour l'instant, on ira voir l'ancien tout à l'heure, il va tout t'expliquer à ce sujet. Pour l'heure…ENTRAINEMENT !!!


Personne n'eut l'air surpris, à part Zanji. Les 4 autres se dispersèrent pour aller chercher des armes rangées le long des murs.


– Attendez, je viens à peine d'arriver, je ne vais pas déjà m'entraîner ? Je n'ai même pas d'armure !


– Typique d'une nouvelle recrue, commenta le maître. Que croyais tu ? Que je t'hébergerais pour que tu puisses flâner dans les jardins, te balader dans les couloirs, ou papoter au salon ? Tu es ici pour te battre, alors BATS-TOI ! Il claqua des doigts. Deux hommes portaient une armure et une lance dans leur bras, et les posèrent devant Zanji. Enfile ça. Quand tu es venu, tu portais une lance avec toi. Je t'en ai apporté une de meilleure qualité : voici un naginata, forgé par le forgeron Kotetsu en personne !


– Mais vous savez, les lances c'est pas mon truc, c'est juste que mon épée de bambou s'est brisée et c'est tout ce que j'ai trouvé pour me défendre….


– Si une arme se brise, c'est qu'elle n'est pas faite pour toi. Peu importe le temps que tu passes à t'entraîner avec, si elle ne t'est pas destinée, tu ne t'en serviras jamais correctement. En revanche, j'ai le pressentiment qu'une lance te conviendrait mieux. Sinon, tu te serais séparé de l'autre. Essaye au moins celle ci aujourd'hui, s'il te plait.


Zanji attrapa la lance. Il ressentit alors la même sensation que lorsqu'il avait pris celle du Samouraï Sasuke dans la forêt : le naginata lui paraissait simple à manier, comme si il avait toujours utilisé cette arme. Alors que c'était la première fois qu'il en touchait un.


Tout le monde était prêt. Yaichi, fidèle à lui même, avait gardé son arc, un yumi. Nisachi avait pris deux sbres courts, des wakizashi qui brillaient d'un vert étrange. Kamon aussi était prêt : il avait attaché de la dynamite à son armure, tout le long de son corps. Enfin, Yariza portait un yari, une lance qui était reliée à son armure pour on ne sait quelle raison. Ils n'avaient pas hésité dans le choix de leurs armes. Ils savaient ce qui leur correspondaient vraiment. Zanji serait il comme eux d'ici quelques jours, avec son armure et sa lance ? Il l'espérait, mais il fallait s'entraîner pour le savoir.


– Je vais rappeler pour le nouveau venu le principe de cet entraînement : tous les jours, à midi, un spécialiste des armes ou des arts martiaux se présentera devant vous, ici, dans la cour. Vous le défierez à 5, et le combat continuera jusqu'à ce que vous parveniez à le mettre à terre. Vous êtres libres de l'attaquer chacun votre tour, ou tous ensemble. Zanji, sache que je fais appel qu'à des combattants de haut niveau pour cette épreuve, même à 5 vous aurez du mal à en venir à bout. C'est le principe, il faut que ce combat soit intense, aussi difficile que contre les Shien, pour que vous puissiez progresser. Après le combat, vous disposerez d'une heure pour manger, puis nous enchaînerons avec l'apprentissage de nouvelles techniques de combat, et ce jusqu'au repas du soir. As-tu bien compris ?


– Oui, maître; mais cela veut – il dire que là, tout de suite, il y a déjà quelqu'un derrière le portail qui attend pour se battre avec nous ?


– Tout à fait. Si vous êtes touts prêts, je vais lui ouvrir.


Alors que le Grand Maître s'éloignait pour aller ouvrir la porte, Kamon interpella Zanchi :


– Hé, mon pote ! Il n'a pas précisé, mais tu sais, cette épreuve, on ne peut pas la réussir s'y on tape chacun de notre côté. Pour gagner, il faut coopérer. On ne se connaît encore pas très bien, mais il faut qu'on se fasse confiance quand même pendant le combat, c'est primordial, ok ?


– Je comprends, je vais essayer..


– Bon, j'espère que ce ne sera pas trop facile non plus, dit Nizachi qui les avait rejoint. Le combat d'hier contre le karatéka n'était pas intéressant, Yaichi et moi on l'a mis à terre en quelques minutes….


– Ca ne se passera pas comme ça cette fois ci ! Cria le Maître à l'autre bout de la cour. votre adversaire du jour n'est pas n'importe qui, c'est l'une des guerrières les plus puissantes de la région !


Yaichi avait reconnu la femme en armure aux long cheveux violets qui venait d'entrer.


– Faîtes attention ! murmura t-il. Cette femme….elle est dangereuse !


La femme plongea son regard dans le sien et esquissa un sourire. Elle se tenait prête, sûre d'elle.


– Je vous présente votre adversaire, déclara le Maître. C'est une combattante qui se déplace à la vitesse de l'éclair, soyez prudents. Son nom est Denko Sekka.




Chapitre 6 : Face à Denko Sekka



Spoiler :



Les cinq samouraïs se tenaient prêts, décidés à foncer dès qu'ils en auraient reçu l'ordre. Denko Sekka était elle aussi en position de garde, et semblait parfaitement calme, comme si elle n'avait rien à craindre de la troupe de guerrier qui lui faisait face.


– Tu les as bien préparés au moins, Kizan ?


Le Grand Maître ne répondit rien. Il attendit encore quelques instant, et déclara :


– Vous pouvez commencer.


Il n'en fallut pas plus pour que les jeunes samouraïs bondissent sur leur adversaire, armes dégainées.Nisashi regarda brièvement Yaichi qui hocha la tête en guise de réponse. Ce dernier attrapa une flèche, tandis que l'autre fonçait sur Denko.


Zanji, écarte–toi ! Cria Kamon. Ils vont exécuter la technique de la percée !


C'était une technique que le Grand Maître leur avait appris quelques semaines auparavant. Elle devait servir à se tirer de situations épineuses, et non à commencer un combat en temps normal. Mais Nisashi et Yaichi s'étaient mis d'accord : face à un tel adversaire, il fallait tout donner d'entrée de jeu.


– Pff…vos petits pièges ne peuvent rien contre moi…


Denko n'avait que faire des flèches de YaichiYaichi. Il était temps pour elle de montrer que sa réputation de combattante vive comme l'éclair était méritée. Ses réflexes étaient hors normes, les flèches de Yaichi, elle les voyait arriver. Elle se contenta de les stopper avec son épée, et lorsque Nisashiarriva devant elle, toutes les flèches étaient au sol. La diversion avait échoué.


– On y va !


Kamon avait interpellé Zanji : Yaichi n'avait plus de flèches, et Nisashi était seul devant elle. Il n'allait pas tenir longtemps sans eux. Ils foncèrent donc, accompagnés de Yariza, en direction deDenko. Pourtant, le temps de franchir les quelques mètres qui les séparaient avaient suffi pour que l'homme en armure verte se retrouve à terre…..Et elle ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin.


Elle s'attaqua à Kamon en premier : Zanji voulut le défendre, mais son naginata était bien trop lourd pour empecher la femme d'attaquer.Kamon lui aussi reçut un coup et se retrouva à terre. Yariza, qui avait attendu silencieusement une ouverture, fonça dans son dos, mais elle para et le repoussa violement sans même le regarder.


Il ne restait plus que Zanji encore en état de combattre face elle.


– Eh, Kizan ! Tu ne les aurait pas un peu surestimés, tes hommes ? Lança t-elle au Grand Maître.


– Le combat n'est pas fini, fit il observer calmement. Il en reste un.


Zanji tremblait. Cela faisait des mois que tous les autres s'entraînaient et pourtant un coup avait suffit à les terrasser. Que pouvait-il bien faire, lui qui était arrivé le jour même ? Mais il fallait essayer. Denko sembla soudain se rendre compte de sa présence.


– Ah oui, je l'avais pas vu celui là. Allez viens, je t'attends……


Le samouraï prit son courage à deux mains. Ses camarades au sol le regardaient, confiants. Il se sentait responsable, ne devait pas échouer. Motivé, il saisit son naginata une nouvelle fois, et fonça de toutes ses forces vers elle.


– Ca commence mal. Une attaque comme celle là, je pourrais l'esquiver sans regar….


Denko se figea. Zanji se rapprochait dangereusement, mais elle était paralysée, elle ne pouvait plus bouger.


– Ce regard, murmura t-elle… je l'ai déjà vu, on dirait celui de……


Elle n'eut pas le temps d'en dire plus. L'attaque de Zanji vint toucher son armure de plein fouet, et la propulsa au sol.


– Je…j'ai réussi ?


Il était stupéfait. Que s'était-il passé ? Ou bien son coup avait été trop rapide pour elle, ou bien elle n'avait tout simplement pas réagi à son attaque…Toujours est-il qu'il avait réussi là ou les autres avaient échoué, et gagner l'entraînement suffisait à le rendre heureux. Le vieux Maître se leva.


– Eh bien, je vois que vous avez pu venir à bout de Denko Sekka…félicitations à tous. Nous nous retrouverons cet après midi pour tirer des enseignements de ce combat. Pour l'heure, vous pouvez disposer.


Les autres samouraïs se relevèrent péniblement. On vint les débarrasser de leurs armes et armures. Tous coururent féliciter leur nouveau camarade. Il avait leur estime maintenant.


– C'est l'heure d'aller manger, allons y tous ensemble, tu nous raconteras comment tu as fait pour la battre ! suggéra joyeusement Kamon.


Sous les armures, les blessures étaient légères. Ils récupèreraient rapidement. Pendant ce temps, le Grand Maître s'était approché de Denko, qui s'était relevée. Les cinq samouraïs étant partis, ils étaient maintenant seuls dans la cour.


– Je t'ai vu hésiter…que s'est-il passé ?


– C'est ce lancier, Zanji…Il lui ressemble. C'est son portrait craché….


– Oh, c'est donc ça qui t'a déstabilisée….c'est vrai que ça peut effrayer au début mais ne t'inquiète pas : il est entre nos mains maintenant, aucune chance qu'une telle tragédie ne se reproduise avec lui…


– Je l'espère. En tout cas, ils n'étaient clairement pas au niveau. Pour le battre, il faudra qu'ils soient bien plus forts que ça.


– Je les entraînerai. Je reconnais que j'ai fait une erreur en te les présentant si tôt. Tu es quand même la gardienne du temple des esprits….mais d'ici peu, ils seront prêts, je te le garantis.


– Kizan ! L'yugioh=SDWA-21]Ancien a eu une vision concernant le 6e samouraï !


Le chambellan les avait rejoints pour annoncer la nouvelle. Il tenait un parchemin à la main, qu'il transmit au maître. Celui ci la lut attentivement, et déclara :


– Eh bien, voilà qui fera une excellente première mission pour les cinq qui sont déjà parmi nous. Changement de programme, pas d'enseignements, convoque les plutôt pour après le repas.


– Le temple ne peut rester longtemps sans protection. J'ai à faire, Kizan. A bientôt. Et sur ces paroles, Denko Sekka quitta la demeure par les portes qui l'avaient mené là.


Tous furent donc convoqués quelques heures après dans la chambre de l'Ancien. C'était la première fois que Zanji rencontrait le vieil homme, qui était alors allongé dans un lit majestueux.


– Je te présente le doyen de cette demeure, expliqua le Maître. C'est un grand stratège, et mon mentor. De plus, il est doué de visions concernant le futur proche. C'est lui qui vous a entrevu dans ses rêves, qui savait que vous étiez les hommes destinés à assurer la relève des Six. Obéissant à ces visions, je suis venu vous chercher un par un pour vous recruter, comme vous le savez.L'Ancien prit la parole :


– Si vous êtes réunis ici, c'est parce que je viens d'avoir une nouvelle prédiction. Vous devrez trouver votre dernier compagnon. Dans mon rêve je l'ai vu s'entrainer sous une cascade, dans la région des montagnes. Votre mission consistera donc à ramener ce guerrier ici à nos côtés. Il s'agit d'un homme aux longs cheveux bruns, solitaire, de taille moyenne.


– C'est tout ce qu'on sait à son sujet ? demanda Kamon .


– Vous êtes des samouraïs, oui ou non ? grogna leur Maître. Quelque soit la mission, vous vous y adapterez. Vous n'avez que peu d'informations ? Tant pis, c'est l'occasion de faire vos preuves ! Alors, êtes vous prêts ?


Tous se regardèrent. Cette fois ci, il faudrait assurer, pas comme avec Denko Sekka. Une mission était un enjeu de taille, mais la réponse fut unanime.


– Nous sommes prêts !




Chapitre 7 : Le 6e samouraï



Spoiler :



Il devait être 15 h environ lorsque le Portail des Six s'ouvrit. Zanji,Kamon, Yaichi,Nisashi et Yariza, tous équipés d'un cheval brun, s'en allaient accomplir leur mission et trouver leur compagnon.


– Je mets à votre disposition ces coursiers d'ébène, leur avait dit leGrand Maître. Il vous permettront de rejoindre rapidement la région des montagnes où se trouve le 6e samouraï.

Ce sont également des chevaux de guerre, mais j'espère que vous n'aurez pas à vous en servir en tant que tel aujourd'hui.


Apparemment, les autres avaient suivi une formation poussée sur l'art de monter à cheval. Mais Zanji n'était pas en reste : dans son village, les chevaux étaient nombreux et il chevauchait sa bête tout aussi bien que les autres.


La petite troupe cavala pendant deux heures durant, oscillant entre longs silences et blagues foireuses de Kamon . Enfin, les premières montagnes se firent apercevoir. Au pied de l'une d'entre elle se dressait un petit village, quelques maisons à peine, pas plus, traversé par une rue principale.


– Tiens, des étrangers ? Ché pô courant dans l'coin !


Les cavaliers regardèrent à droite : un vieil homme souriant vêtu d'un tablier les avait abordés.


– Excusez-moi; je cherche un homme aux long cheveux bruns, qui a pour habitude de s'entraîner près d'une cascade. Connaissez vous quelqu'un correspondant à cette description ? InterrogeaNisashi .


– Ah, mais tveu m'parler de c'bon vieux Irou ! Oné qu'36 à vivre dans cte village, et y a personne d'autre qui « correspond », comme tu dis ! Ptêt que c'est un gars d'un aut'village mais ici dans les montagnes y a pas grand monde, ts'ais, on s'connais tous : y a qu'à voir ta tête pour comprendre que t'es un étranger !


– Nous vous remercions sincèrement. Ou peut on trouver cet homme ?


– A la cascade au dessus du village, y passe tout son temps la bas…Eh 'tendez avant d'partir, ça vous dit d'passer par chez moi chuis un tailleur qui propose tellement de choix que z'en serez indécis !


– Euh…peut être une prochaine fois….et les samouraïs filèrent avant d'être pris au piège par le vieil homme et sa boutique.


Il fallait escalader la montagne pour trouver ce Irou ? Et bien soit, ils l'escaladeraient. Pendant ce temps, au Temple des Six, le Grand Maître avait rejoint son mentor, lAncien'.


– Maître, vous m'avez convoqué ?


– Oui, Kizan…Je viens d'avoir une nouvelle vision, et je crains que cela ne soit un mauvais présage….J'y ai vu les Shien y attaquer le 6e samouraï… Et si elle se réalise, tes hommes seront pris dans la bataille….


– Non….il est trop tard pour les aider maintenant qu'ils sont partis. J'espère qu'ils seront à la hauteur, et qu'ils reviendront sains et saufs…


A quelques dizaines de kilomètres de là, les cinq cavaliers arrivaient au pied de la cascade.


– C'est donc ici….


Le bruit assourdissant de la cascade ne parvenait pas à couvrir celui de l'homme qui s'entrainait là, le fameux Irou. L'homme aux long cheveux bruns et à la tunique violette donnait énergiquement des coups de katana tout autour de lui, sans ce soucier des visiteurs devant lui.


– Tu es bien Irou , n'est-ce pas ?


Le jeune homme s'arrêta et se retourna : une visière cachait ses yeux, il semblait aveugle.


– Qui êtes vous ? Que me voulez vous ?


– Je m'appelle Nisashi. Les hommes à mes cotés sont mes compagnons, nous avons décidé de nous unir pour servir une noble cause. Et toi, pour quoi te bats-tu ?


– Mon objectif est d'éradiquer la présence Shien de notre pays. Et si vous êtes des leurs, je n'hésiterai pas à vous supprimer.


– Au contraire, c'est pour les combattre que nous nous sommes alliés. L'union fait la force. Que dirais-tu de te joindre à nous, toi aussi ? Cela accroîtrait tes chances de réussir.


Irou releva la tête, puis ricana.


– Pourquoi devrais je vous rejoindre ? Qui me dit que je peux vous faire confiance ? Que vous avez le niveau pour que je m'associe à vous ?


Les samouraïs ne répondirent rien. Il avait raison. Comment lui prouver leur valeur, donner du crédit à leur groupe ? Ils n'avaient pas réfléchi à tous ça.


– Voila ce qu'on va faire. Je vais désigner l'un de vous au hasard, et il va se battre contre moi. Je verrai ainsi votre niveau, si vous êtes digne de confiance. Plus d'émotions se transmettent entre deux combattants que l'on ne le croit. Ce sera TOI ! Il montra du doigt Zanji.


Ce dernier déglutit, mais descendit tout de même de son cheval, sortit son naginata, et se plaça devant Irou . Il n'avait aucune idée du niveau de son adversaire.


– Commençons…


Irou avança rapidement vers lui, donnant de grands coups d'estoc devant lui pour faire reculer son adversaire. Cette stratégie était efficace : sans armure, Irou était plus rapide, l'autre n'avait pas le temps de dégainer son naginata. Mais Zanji ne pouvait pas esquiver éternellement. Il tenta un assaut, brandissant son arme. Il pensait qu'Irou, qui semblait aveugle, ne le verrait pas arriver. Grave erreur.


Le combattant violet se décala de quelque mètres, faisant échouer totalement le plan de Zanji, puis planta son katana dans son torse. Le samouraï, déséquilibré, tomba au sol.


– Décevant…je ne m'associerai jamais avec d'aussi faibles guerriers. Il se tourna vers les autres. Vous voyez, celui à terre a cru que je ne le verrai pas venir à cause de ma cécité. Il n'a pas imaginé une seconde que mes quatre autres sens, plus développés que la moyenne, palliaient à la vision. En d'autres termes, il m'a sous estimé, alors que j'étais meilleur que lui. Si vous ne savez même pas ça, vous n'êtes pas dignes de combattre. Rentrez chez vous.


Les samouraïs restèrent silencieux. La tache s'annonçait plus complexe que prévu. Mais il fallait le ramener, coûte que coûte. C'était leur mission. Cependant, un villageois vint les interrompre, essoufflé. Il avait couru ici depuis le village.


Irou…LES SHIEN ATTAQUENT LE VILLAGE !!!!!


La stupeur frappa les samouraïs. L'ennemi était là. Irou , au contraire, semblait calme.


– Merci de m'avoir prévenu. J'arrive. Il enfourcha un cheval qui l'attendait là, et se prépara à redescendre au village. Oh, et une dernière chose pour vous, dit-il en s'adressant à Nisashi et aux autres. Je vais vous montrer que je peux très bien me débrouiller seul. Pas besoin de votre aide pour me débarrasser d'eux.


Entendant ces mots, Zanji se leva brusquement.


– Il y a encore peu de temps, je pensais comme toi. Mais tu as tort. Même si tu gagnes aujourd'hui, il y aura forcément un jour où tu auras besoin d'aide. Ca ne peut pas marcher autrement.


Irou ne répondit rien et partit. Les cinq autres, une fois Zanji de nouveau à cheval, ne tardèrent pas à faire de même. Après dix petites minutes de descente au galop, ils étaient de retour dans la rue principale du village. Devant eux se trouvait Irou à cheval. Celui ci faisait face à un groupe d'une vingtaine de Fantassin De Shien. Ils étaient accompagnés d'un homme, à cheval lui aussi.


– Aaah, je t'ai enfin retrouvé, Irou…murmura le Shien en descendant de sa monture. C'était un grand soldat en armure rouge, plutôt baraqué. Son visage affichait un mélange de joie et de mépris. Il poursuivit : toi qui a entrepris des actions contre le Régime, je t'ai enfin retrouvé… Je vais te réduire au silence, moi, le Légionnaire ! Allez les macaques, attaquez !


Sans plus attendre, la horde de singe bondit sur les maisons, dans l'espoir de piller les pauvres habitants qui s'y étaient réfugiés. Ils laissaient Irou à leur chef qui avait fait le déplacement exprès, naturellement. Les samouraïs, quant à eux, se devaient d'aider ce dernier, mais les villageois passaient avant. Ils se séparèrent en deux groupes : Nisashi et Yariza s'occuperaient des singes du coté droit de la rue, Zanji, Kamon et Yaichi du coté gauche.


Zanji ne s'était pas remis de sa défaite à la cascade. Il avait été mis à terre par son adversaire sans avoir pu le toucher une seule fois. Mais cette fois, ça ne se passerait pas comme ça. Il n'allait faire qu'une bouchée de ces Shien, le Légionnaire inclus. C'est avec cela en tête qu'il s'élança sur les ennemis les plus proches. Un combat difficile allait commencer.




Chapitre 8 : La légion des envahisseurs



Spoiler :



– Kyaaaa !


Zanji s'élança, muni de son arme, vers les ennemis les plus proches. Les fantassins de Shien n'opposeraient pas une grande résistance. De petits singes comme eux ne pourraient jamais encaisser les coups de son naginata.


Mais Zanji se rappela de ce qu'Irou avait laissé entendre : il ne fallait sous-estimer aucun ennemi. D'ailleurs, ces paroles semblaient se confirmer : les singes armés compensaient leur faible constitution par une agilité et une rapidité étonnante, si bien qu'à plusieurs reprises les samouraïs manquèrent d'être mis à terre par les primates.


Ces derniers semblaient toujours plus nombreux, malgré que Zanji et ses coéquipiers en aient terrassé une quinzaine, aucune différence ne se faisait ressentir sur le champ de bataille. C'était comme si il y avait…


– Il y a des renforts, ils arrivent par vagues ! cria Nisashi. Leur objectif n'est plus d'attaquer les villageois, c'est nous leur cible ! Ils veulent nous empêcher d'interférer dans le combat de leur maître !


– Soit, retorqua Yaichi. Eh bien, on s'en mêlera quand même une fois qu'on les aura vaincu jusqu'au dernier !


Tous partageaient la volonté de montrer à Irou de quoi ils étaient capables, et de venger la défaite de Zanji. Mais avant de pouvoir se dresser contre le Légionnaire, il restait des dizaines de fantassins à neutraliser.


Pendant ce temps, l'intéressé et Irou se faisaient face, au milieu de l'avenue. Ils se scrutaient droit dans les yeux, ne faisant pas attention aux farouches combats qui avaient lieu de part et d'autres de la rue.


– Aujourd'hui, c'est montée en grade ! lança le Légionnaire en sortant de son dos une paire d'énormes sabres. L'arrestation et l'exécution d'un activiste de ton rang, ça se fête !


– Tu n'arrêtera rien du tout…murmura son adversaire en fonçant silencieusement vers lui.


– Vois tu, reprit le soldat Shien en parant tranquillement l'attaque avec son sabre de la main droite, je suis un officier du Régime Shien. Par conséquent – il para une autre attaque avec sa main gauche – je vais utiliser ma force pour préserver sa prospérité !


Son coude vint percuter le visage d'Irou de plein fouet. Ce dernier se retrouva cloué au sol, il reçut alors une dizaine de coup de pieds sans pouvoir faire le moindre geste.


– Allez, relève toi… Je dois savourer ma victoire, si tu te soumets si facilement, c'est pas drôle !


Il lui assena de nouveau une série de coups qui le projetèrent au loin. Les samouraïs assistèrent impuissants au spectacle, trop occupés par les singes soldats pour pouvoir faire quoi que ce soit. Irou se releva péniblement, mais ne s'avoua pas vaincu pour autant. Il murmura de nouveau :


– Je vais utiliser ceci….


Il marcha lentement vers l'officier, ce qui ne manquât pas de l'étonner.


– Quoi, tu ne coures plus dans tous les sens comme tout à l'heure ?


En une fraction de seconde, le samouraï violet attrapa son sabre et se mit en position, sous les yeux ébahis du Légionnaire. Impossible de contrer. Il allait trop vite. Beaucoup plus vite que jusqu'à présent. Même lui, margé son entraînement de qualité supérieure au Dojo de Shien, ne pouvait la soutenir. Le temps qu'il lève le bras, un violent coup vertical avait déjà atteint son armure, violent au point de la fendre en deux.


– C'est mon Renversement de Situation ! hurla Irou. C'était maintenant l'officier qui était au sol.


– Fhun…tu crois que tu as accomplis quelque chose en brisant mon armure ?


L'homme était de nouveau debout. Il retira les restes de la protection encore attachés à lui, puis se mit torse nu.


– Tu n'as fait qu'accroître mes possibilités de déplacement.


– Merde…..


Irouavait utilisé son atout, sa technique la plus puissante. Toutes ses forces y étaient passées, il pensait que ça suffirait à gagner. Mais il avait rendu l'ennemi encore plus fort.


– Tu ne t'en sortira pas. Je vais te tuer ici même.


Bien qu'affairé avec les singes, Zanji ne pouvait se résoudre à laisser Irou se faire ruer de coups, ou pire encore, le regarder mourir. Ce n'était même plus de la rivalité, ni une mission, mais juste de la solidarité. Cet homme était amené à devenir un frère d'armes. L'abandonner comme ça, c'était inhumain.


Kamon, je te laisse t'occuper des miens, ok ?


Hochement de tête. Son camarade avait saisi le message. Ainsi libéré de ses ennemis, il vint s'interposer entre les 2 belligérants.


– Toi aussi tu veux te battre ? demanda le Légionnaire.


– Je….je ne t'ai rien demandé, fit remarquer Irou qui saignait de la tête.


– Tu n'arriveras à rien seul, je te l'ai dit devant la cascade. Mais ensemble, on peut le battre. Es-tu prêt ?


– On dirait que je n'ai pas le choix….


Les deux se mirent en garde, côte à côte.


– Pauvres fous…à 2, 6, ou même 45, vous n'auriez pas la moindre chance de me vaincre ! Je vais anéantir tout espoir chez vous avec cet assaut !


En prononçant ces mots, il chargea vers les deux jeunes hommes, prêts à riposter.


C'est alors qu'il se passa quelque chose. Quelque chose qui traversa rapidement l'esprit des deux samouraïs. C'était une sorte de vision, un flash venant les perturber au même moment. Alors que le Légionnaire s'approchait dangereusement, Irou murmura :


– J'aperçois….


-Oui, moi aussi. Je l'ai vu.


Il se tourna vers Zanji : celui ci souriait, confiant. Il demanda


– On fait ça ?


Le légionnaire n'était plus qu'a quelques mètres. Hochement de tête.


PROMPTE TORNADE DU SAMOURAI !!!


Ils avaient réagi, crié, attaqué à l'unisson. Le naginata de Zanji vint érafler les côtes droites du Légionnaire, tandis que la lame d'Irou transperça son épaule gauche.


– Nwuaaarghhh !


Son corps entier crachait du sang, les plaies se comptaient par dizaines. Mais il était toujours debout. Il repoussa les samouraïs avec un coup vers l'avant, mais épuisé, se laissa tomber au sol.


Tous les fantassins encore mobilisables se jetèrent alors sur lui pour le porter et s'enfuirent aussi vite que possible, sans que les deux guerriers puissent se rapprocher de nouveau.


– Je vous ferai payer cet affront….lança l'officier avant de disparaître au loin.


Les samouraïs voulurent le poursuivre, mais leurs armures étaient trop lentes. Le temps de monter à cheval, il avait déjà disparu. Les villageois, criant de joie, sortirent de leurs refuges. La bataille était finie.


– Je suis forcé d'admettre que sans ton aide, gagner aurait été difficile, dit Irou à Zanji. J'accepte de vous suivre là ou vous vouliez me conduire, vous m'avez prouvé votre valeur lors de ce combat. Même si je suis fondamentalement solitaire, je sais reconnaître des alliés de valeur.


Zanji était satisfait, la mission avait été accomplie. Il se demandait seulement : quel était cette vision qu'il avait eu en plein combat, dans laquelle il utilisait une technique jamais apprise auparavant ? Et comment avait il pu réaliser cette attaque, en étant aussi bien synchronisé avec son partenaire en plus ? Bah, c'étaient des détails pour l'instants, il verrait ça une fois de retour au bercail.


– Bien ! Reprit Nisashi, en serrant la main d'Irou. Prenons donc tous ensemble la direction du Temple des Six. J'espère que c'est le début d'une longue collaboration !




Chapitre 9 : Le destin d'un officier



Spoiler :



Après s'être reposés quelques heures au village des montagnes, les six samouraïs reprirent la route vers le Temple des Six. D'ici quelques heures, ils seraient de retour chez eux, leur mission accomplie.


Au même moment, le Légionnaire ouvrit les yeux.

Il reconnaissait parfaitement le lieu où il se trouvait : ces murs sombres recouverts de tableaux à l'effigie des plus grands Shien, ce parquet de bois si lisse qu'on ne manquaît d'y glisser….pas de doute, il se trouvait dans une chambre d'officer du Château de Brume de Shien.


L'homme était seul dans la pièce, allongé sur l'un des quatre lit prévus pour les soldats. Il venait juste de se réveiller. Apparemment, il s'était évanoui.


Tout ce dont il se rappelait était sa mission : il devait capturer Irou, un activiste qui s'opposait au régime, dans la région des montagnes. Mais il avait échoué. Son adversaire s'était entouré de samouraïs, et ensemble ils l'avaient forcé à battre en retraite. Combien étaient t-il déjà ? Ces samouraïs de malheur, qui l'avaient blessé au flanc et au bras ? Quatre, cinq….oui, c'est ça, cinq avec Irou, donc six. Il n'oublierait pas cette défaite. Tôt ou tard, il se vengerait de ces types, aucun doute la dessus.


Soudain, quelqu'un frappa à la porte.


– Entrez….fit le Légionnaire.


Une femme d'un âge avancé se présenta devant lui.


– Bonsoir, je suis Dian Keto, maître guérisseur. Je vais panser vos plaies.


La guérisseuse s'approcha de lui et commença à appliquer ses soins. Ses blessures avaient un peu cicatrisé. Se redressant comme il le pouvait, l'officier lui demanda :


– Comment suis je arrivé ici ?


– Oh, vous nous avez rejoint ici au château il y a une heure à peine, répondit-elle. Ce sont vos soldats qui vous ont rapatrié, en vous allongeant dans une charrette.


– Les macaques ? Je ne pensais pas qu'ils arriveraient à me soulever….Comme quoi il leur arrive de servir à quelque chose.


– Ne méprisez pas vos hommes ainsi. Ils vous ont sauvé la vie. Je suis d'ailleurs contente de vous voir réveillé, c'est le signe de votre bon rétablissement. Je vais pouvoir prévenir son éminence le Chancelier.


Le Légionnaire se crispa.


– Le…Chancelier….en personne ?


– Oui. Vous savez, ce n'est pas courant pour un officier Shien d'échouer à une mission. Le Chancelier voudrait s'entretenir avec vous personnellement pour comprendre comment un tel échec a t-il été possible. Il m'a demandé de le prévenir à votre réveil.


L'homme était paralysé. Il n'avait encore jamais rencontré quelqu'un d'aussi haut placé dans la hiérarchie des Shien. Le chancelier était en effet le n°2 de l'Empire, après le Shogun lui même.


– Oh, et encore une chose, dit Dian Keto, sur le point de sortir de la chambre. Vous savez, je suis venu de loin pour guérir à la cour du Château de Brume. Cela ne fait pas longtemps que je soigne en ces lieux, mais j'ai au moins compris quelque chose : ici, si on ne suis pas les ordres, on meurt. Alors s'il vous plait, après le mal que je me suis donné à vous remettre sur pied, tachez de ne pas vous faire tuer.


Et elle ferma la porte sur ces mots.


Une vingtaine de minutes plus tard, des bruits de pas se firent entendre à proximité de la chambre. La maître guérisseur était déjà de retour.


– C'est ici.


La porte s'ouvrit de nouveau : une quinzaine d'hommes l'accompagnaient. L'un semblait sortir du lot, tout au fond du groupe. C'était un homme entre deux âges, barbu. Il ne portait pas une armure comme tous les autres, mais une tunique verte. Etait -ce lui ? Le chancelier ?


– Sortez. Tous. Je veux lui parler seul à seul. lança l'homme en question.


Aussitôt, les autres s'exécutèrent. Dian Keto, qui fermait la marche, jeta un dernier regard derrière elle avant de quitter la pièce à son tour.

L'homme en question s'approcha alors du Légionnaire.


– Je suis Enishi, Chancelier de Shien. On m'a raconté que tu avais perdu contre des rebelles. Je veux en savoir plus. Maintenant.


Il parlait d'une voix calme et posée. Le chancelier était connu dans les casernes pour cela : il n'avait jamais besoin ni de répéter ni de crier pour se faire obéir.


– Je vous en prie, je suis vraiment désolé, votre éminence…..ma mission initiale consistait en l'assassinat d'un seul dissident, mais des samouraïs lui sont venus en aide…Je n'ai rien pu faire, je…


Enishi eut un petit sursaut.


– Des samouraïs, tu dis ? Combien étaient t-ils ?


L'officier compta mentalement.


– Ils étaient… Six ! Avec celui que je devais tuer, Six, votre grandeur.


Son interlocuteur sursauta de nouveau. Ses craintes se confirmaient.


– Alors ce sont eux, ils sont de retour….Tu vas venir avec moi, et répéter ton récit au

Grand Shogun.


L'anxiété était à son paroxysme pour le Légionnaire. Rencontrer le Maître Suprême, c'était pire encore que le Chancelier. Contrairement à ce dernier, l'Empereur n'était pas du genre calme et posé. Bien au contraire. Cette fois ci, ces chances de survie frôlaient le 0.


Malgré ses blessures, il fut contraint de marcher jusqu'à la salle du trône, au sommet du château. Une fois arrivés tout en haut, une grande porte rouge s'ouvrit devant eux. Ils entrèrent alors dans une salle immense, dont les murs étaient recouverts d'anciennes tapisseries, témoignant de la richesse des Shien. Devant eux, il était là, assis sur son trône. Le Grand Shogun Shien.


C'était un homme grand, à la silhouette imposante. Son regard dur, ses gestes brusques et son armure écarlate dégageaient une aura menaçante.. Personne ne l'avait jamais vu sourire. Il claqua des doigts : c'était le signe pour eux d'avancer, le long de l'interminable tapis rouge qui se dressait devant eux.


– J'écoute. Parle.


Le Légionnaire, qui tremblait, s'inclina plus bas que poussière – le strict minimum de politesse – et se mit à raconter son récit de nouveau. Une forte pression régnait dans la pièce. Il faisait face à un guerrier. Il savait parfaitement que si quoi que se soit ne se passait pas comme il le voudrait, il n'hésiterait pas à se lever de son siège et à l'attaquer. Lorsqu'il eut fini, Enishi, glissa :


– Tout me porte à penser que les ennemis qu'il a affronté, c'étaient eux. Oui, j'en suis persuadé.


Le Shogun se leva brusquement.


– Peu importe que ce soient eux ou non. Rien n'excuse une défaite. Toi, debout.


Le Légionnaire tremblait encore plus. A peine fut il sur relevé qu'on lui jeta une arme. Le Grand Shogun tenait exactement la même dans ses mains.


– Je vais te laisser une chance, lui confia t-il. Si tu arrives à me toucher, ne serait – ce qu'une fois, tu seras libre. Sinon tu mourras. Je t'attends.


Divers souvenirs revinrent alors à l'officier. Il se rappelait le jour où il s'était engagé en tant que simple soldat dans l'armée Shien, l'été de ses 17 ans. Les cinq années qui avaient suivi, durant lesquelles il s'était entraîné extrêmement dur dans l'espoir d'obtenir le grade de légionnaire. Et ça avait payé. Mais il lui restait encore tellement de chose à accomplir, tant échelons à gravir…


Mais pourquoi repenser à tout cela ? Et à la vieille Dian Keto, qui lui avait demandé de ne pas mourir ? Etait-ce sa vie qui défilait sous ces yeux ? Pff, comme si il allait mourir ici….Il n'avait pas fait tous ces sacrifices pour rien.


Ca avait beau être le Grand Shogun en face, il n'en était pas moins humain, faillible. Un humain, qui en plus n'avait pas guerroyé depuis plusieurs années, qui avait donc peut être perdu la main ? Il avait sa chance. Et il allait la saisir. Qui sait, il allait peut être même pouvoir le tuer et prendre sa place comme Shogun ? C'était une occasion inespérée… Avec tout ça en tête, il se rua sur le Shogun.


Il y eut un tintement de métal.


Quelques secondes plus tard, la tête du Légionnaire roulait sur le sol.


– Nettoyez moi ça.


Enishi soupira.


– Encore un qui n'était pas à la hauteur, c'est ça ?


– Si il avait été talentueux, je l'aurais épargné. Mais des déchets comme lui, l'armée Shien n'en a pas besoin. Ils ne font que parasiter. Servir ma cause, réussir ou mourir. C'est le destin d'un officier.


– Tu penses que c'est l'ordre des Six qui est derrière tout ça ?


– C'est possible. Mais si c'est vraiment eux, il faut prendre des mesures radicales avant qu'ils ne deviennent gênants.


Nouveau soupir. Le Chancelier hésita quelques instants, puis demanda au Shogun :


– N'es tu donc pas nostalgique de l'époque où l'on t'appelait encore Shi En ?


– Non. Je n'aspire qu'à une chose. Les détruire.




Chapitre 10 : Et la routine s'installe….



Spoiler :



La nuit était tombée depuis logtemps lorsque les samouraïs arrivèrent devant le Portail des Six. La mission avait finalement duré la journée entière.


– Alors vous voilà….


Le Chambellan était apparu devant eux, adossé contre les portes de la demeure. Il examina rapidement Irou, puis sourit :


– Sois le bienvenu parmi nous. Il est tard, tout les autres dorment déjà. Je vous laisse donc vous reposer, cette mission a du vous fatiguer. On fera plus ample connaissance demain./


Une chambre fut assignée au nouveau venu, puis chacun se sépara pour retrouver son lit.


Demain serait un nouveau jour, pensait Zanji. Il commençait à s'habituer à sa nouvelle vie qui avait commencé il y a maintenant 2 jours, au rythme épuisant des entraînements et des missions. Il sentait d'ailleurs qu'en si peu de temps, il avait déjà progressé, et cela lui donnait confidence en l'avenir. Il y avait peut être un espoir de se débarrasser de la tyrannie Shien.


Quelques heures plus tard, le soleil se levait de nouveau. Cette courte nuit avait suffi, il avait récupéré. Et apparemment, les autres aussi : il les avait rejoint dans la salle commune où l'on servait les repas. Chacun dégusta son bol de riz en silence, à part Kamon qui essayait de dégeler l'atmosphère avec des histoires drôles, sans succès. Zanji réalisa alors qu'il n'avait jamais vraiment parlé avec ses camarades en dehors des missions.


Vint alors l'heure de l'entraînement. Le Grand Maître resta quelques instants seul à seul avec Irou pour mieux le connaître, et lui expliquer comment fonctionnait l'ordre des Six. Finalement, il se retourna vers les autres, qui en avaient profité pour revêtir leurs armures :


– Je vais chercher votre adversaire qui attend de l'autre côté de la cour. Choisissez votre arme.


Une légère sensation de déjà-vu saisit Zanji. Il s'approcha d'un naginata et le saisit. Il remarqua que les autres aussi avaient gardé la même arme que la veille. Les habitudes étaient les habitudes. A ce moment précis, les portes s'ouvrirent.


– Je vous présente le Maître des Combos, déclara le Grand Maître. C'est un mercenaire que j'ai engagé pour tester votre habilité aujourd'hui. Il se battra à main nues.


L'impressionnant combattant aux muscles surdéveloppés se mit en garde. Son corps couvert de cicatrices impressionnait Zanji. Il esperait que ça se passerait mieux qu'avec Denko Sekka.


– Tout le monde est prêt ? Commenc….


Le Grand Maître avait à peine terminé sa phrase qu'Irou avait foncé sur l'adversaire. Il dégaina son katana : l'autre tenta un violent coup de pied en sa direction. Le samouraï sauta et prit appui sur le pied encore en l'air. Il profita de l'élan pour foncer : le Maître des Combos se prit la lame du katana en plein ventre et s'écroula au sol. Il était déjà vaincu, sans avoir eu le temps de sortir la moindre combo.


Irou fut interpellé par Zanji :


– Eh ! Tu as agi tout seul, sans même attendre qu'on établisse une stratégie ! Et l'esprit d'équipe alors ?


– Et alors, tu vois bien que ça a marché comme ça, répondit l'intéressé. Je ne vois pas où est le problème.


– Je croyais que tu étais prêt à coopérer ! Que tu nous avais rejoint pour qu'on se batte côte à côte, pas unilatéralem…..eh, tu m'écoutes ?!


Le samouraï violet s'était éloigné, ignorant Zanji. Nisashi vint les interrompre :


– Ca suffit. Zanji, ce n'est pas à toi de lui faire la morale. Quant à toi, Irou, essaye un minimum de faire équipe avec nous. Nous sommes un groupe, après tout !


– Pff….


L'homme aux longs cheveux bruns ne répondit pas. Il se dirigea vers la salle de repas : l'heure de la pose midi approchait. Les autres finirent par le rejoindre au bout de quelques minutes, sous le regard du maître.


Il y avait toujours une certaine tension dans l'air alors que l'on servait les plats. Même Kamon n'osait prononcer un mot, cette fois. Pourtant Zanji tenta de rompre le silence :


– Alors, euh, je me demandais…..Que faisiez vous d'intégrer l'ordre ?


Le silence se fit plus pesant encore, si bien qu'il regretta sa question.


– Ce que l'on….faisait ? répéta Irou.


– Bah moi, c'est pas gai ! lança Kamon, sans aucune tristesse cependant. Mon père était violent. Il s'était réfugié dans la boisson après que les Shien lui aient volé ses chevaux. Il nous a mis à la porte ma mère et moi quand j'avais 10 ans, j'ai dû me débrouiller seul à partir de ce moment. Et maintenant, me voilà ici !


– Moi aussi, les Shien m'ont causé bien du tort, dit Nisashi. Dans mon village, ils ont forcé les paysans à travailler toujours plus dur dans les champs. Et ils prenaient la majorité des récoltes. Si bien que dans ma famille, on arrivait pas à nourrir tout le monde. Un de mes jeunes frères est mort de faim. Moi, je me suis exilé loin, pour ne pas être une bouche de plus à nourrir pour eux.


– Je suis désolé, répondit Zanji. Je ne pensais pas que….


– Moi, je n'ai jamais connu ma famille, coupa Yaichi. J'ai toujours vécu dans la forêt. Mais les Shien menaçaient mon environnement en chassant à outrance, en abattant les arbres. C'est pourquoi j'ai rejoint l'ordre.


– Quant à moi, ajouta Irou, je vivais avec mon maître dans le village où vous m'avez trouvé. Un jour, ils sont venus et ils l'ont tué. C'est depuis ce jour que j'ai décidé de me battre.


– Moi aussi, les Shien m'ont privé de mon père. J'ai essayé de lutter contre eux, mais un certain Tenkabito m'a mis en difficulté. Seul, je ne peux arriver à rien. D'où ma présence parmi vous ici.


Les autres approuvaient. Ils avaient tous un passé commun, une histoire qui les liait. Ils étaient pareils : leur enfance avait été gâchée par le Régime, et maintenant ils allaient prendre leu vengeance. Jamais Zanji n'aurait imaginé que leur histoire était si similaire à la sienne. Il poursuivit :


– Et toi, Yariza ?


Le samouraï était resté en retrait. Il n'avait pas participé à la conversation. Il répondit cependant :

– Rien de tel pour moi. J'ai toujours vécu ici, au Temple des Six. Mes parents habitaient ici.


– Vraiment ? de qui s'agit-il ? Des membres du personnels ? Ils sont toujours là actuellement ?


– Cela ne vous regarde pas, répondit-il simplement, avant de se réintéresser à son plat. La discussion reprit de plus belle, bien plus animée qu'auparavant, mais il n'y prêta plus attention.


Le Chambellan surgit alors dans la pièce :


Zanji, Irou, suivez moi : c'est au sujet de la voie attributaire.


Les deux combattants en question se levèrent. Après avoir traversé quelques couloirs, les trois hommes se retrouvèrent devant la chambre de l'Ancien.


– Entrez, tous les deux. C'est lui qui vous a convoqué.


Zanji reconnut la pièce où il avait déjà rencontré le vieil homme. Celui-ci était d'ailleurs toujours allongé dans son lit.


Lorsque les deux guerriers furent assis devant lui sur le tatami, le doyen prit la parole :


– Bonjour à vous. Et bienvenue à toi, Irou. Tu es exactement comme dans ma vision. Si je vous ai convoqué aujourd'hui, c'est à propos de la voie attributaire.


– C'est ce que nous a dit le Chambellan. Mais de quoi s'agit-il ?


– Eh bien, considérez cela comme votre spécialisation dans un style de combat. Chacun des Six samouraïs possède une affinité particulière avec l'un des six attributs de la nature, que sont le feu, l'eau, la terre, le vent, la lumière……et les ténèbres. Vous devrez choisir l'un d'entre eux, tous les deux.


– Si je devais choisir quelque chose de ce genre, ce seraient les ténèbres, répondit Irou. Moi qui suit aveugle, je n'ai jamais rien connu d'autre que l'ombre.


– Bien. Et toi, Zanji ?


– Je…je ne sais pas, fit il. J'aimerais faire rayonner la paix et la justice sur nos terres, alors….peut être la lumière ?


– Pff, encore tes grands airs de justicier…


– Et alors, Irou ? Je suis sincère. Tu n'as pas à me juger pour cela !


– Pff….


L'Ancien sourit.


– Comme je le pensais…Ce choix semble vraiment vous correspondre. Peut être que cela ne revêt pas beaucoup d'importance pour vous aujourd'hui, mais sachez que la voie attributaire ne détermine pas seulement votre style de combat. Considérez aussi cela comme une partie de vous même, comme votre karma. D'ailleurs, il n'est pas rare que les attributs diamétralement opposés aient des difficultés à coopérer….. fit il remarquer alors que les deux samouraïs se lançaient des regards noirs. Vous semblez ne pas échapper à la règle ! Allez, rejoignez donc votre maître, maintenant !


Ils quittèrent la salle en saluant leur ainé. Le reste de l'après midi fut consacré à l'entraînement, pour acquérir la maîtrise de nouvelles techniques.


En discutant, Zanji apprit que Kamon avait choisi la voie du feu, qui correspondait à son tempéramment, que Yaichi avait choisi la voie de l'eau, car il restait toujours calme, comme le ruisseau qui s'écoule lentement. Nisashi, avait opté pour la voie du vent, lui qui était tantôt apaisé, tantôt déchaîné comme la tempête. Quant à Yariza, il avait pris la voie de la terre : on disait que c'était à cause de son absence d'émotion….


Le soleil commença alors à décliner. Les combattants, épuisés par leur journée, quittèrent la cour pour rentrer dans leurs appartements. Le repas du soir fut bien plus jovial que celui du midi. On parla, de tout, de rien, de l'entraînement, et ce malgré les querelles répétées entre Zanji et Irou. Même Yariza tenta deux ou trois phrases. Arrivé il y a peu, le samouraï au naginata sentait déjà une routine s'installer. Coopérer avec ses compagnons, s'entraîner, puis vaincre les Shien. Il avait trouvé son rythme.


Ca y est, se disait il, en marchant vers sa chambre pour aller se coucher. Les Six samouraïs formaient de nouveau une entité réelle, comme il y a dix ans. Sauf que cette fois, il en faisait partie. Cet environnement lui plaisait, finalement.


– Comme aujourd'hui, demain sera une bonne journée, dit-il pour lui même avant de s'allonger dans son lit.


C'est alors que l'homme qui l'espionnait, caché dans l'ombre, murmura :


– Pauvre samouraï, tu ne peux même pas imaginer à quel point tu te trompes…..




Arc Ninja


Chapitre 11 : Assaut nocturne



Spoiler :



Le silence régnait au Temple des Six en cette nuit de pleine lune. Tous ses habitants dormaient profondément. Pourtant, une silhouette se tenait là, debout, sur le toit de la demeure. Elle semblait contempler l'astre, qui brillait dans l'obscurité.


– Il est suffisamment tard maintenant. L'heure est venue, murmura soudainement l'homme.


Sa bouche, cachée sous un masque de fer, émit alors un petit sifflement. C'était le signal.

Répondant à son appel, quatre hommes, cachés dans le temple, se mirent à bouger. L'opération était sur le point de commencer.


Pendant ce temps, Zanji dormait à poings fermés. Jamais il n'aurait pu se douter qu'il n'était pas seul dans la chambre. De petits bruits secs se firent entendre. Un individu, tout de blanc vêtu, sortit du placard où il était caché et s'approcha de lui silencieusement. Zanji ne bronchait pas. L'homme se rapprocha plus près encore. Pas de réaction. Il dégaina alors un poignard de son dos, s'accroupit près du samouraï, et…..


– ALERTE !!! ON NOUS ATTAQUE !!!!


Zanji ouvrit brusquement les yeux lorsqu'il vit une forme s'agiter brusquement au dessus de lui. Instinctivement, il roula sur le côté : quelques secondes plus tard, la lame du mystérieux homme en blanc venait s'abattre sur son matelas.


– Qui est là ? demanda t-il en se relevant, encore à moitié endormi.


Zanji, tu vas bien ?! demanda Nisashi en ouvrant brusquement la palissade de la chambre. C'était lui qui avait crié.


Ils étaient maintenant deux dans la chambre, avec leur agresseur. Mais, perdus dans le noir, ils n'arrivaient pas à le localiser. Celui ci profita de la pagaille pour s'éclipser discrètement par la palissade que Nisashi avait poussé.


– Qui sont ces gars ? grogna le samouraï vert. Suis moi, il n'y a pas de temps à perdre. Il faut vérifier que les autres vont bien.


– "Ces" types ? Il y en a plusieurs ? demanda son camarade, qui commençait à s'éveiller.


– Ouais, répondit Nisashi sur le même ton, alors qu'il courait dans le couloir. Il y en a un sur le toit. Plus un deuxième qui a attaqué Irou, mais heureusement il ne dormait pas et a réussi à le faire fuir. Plus ce troisième gars qu'on a trouvé dans ta chambre alors que je donnais l'alerte. C'est tout ce qu'on sait pour l'instant.


C'est alors qu'ils croisèrent Yarizaet Kamon, également affairés à l'autre bout du couloir.


– Hé, content que vous alliez bien, les gars ! s'exclama ce dernier. Vous savez ce qui se passe ici ? C'est la panique ! J'étais entrain de me balader dans le temple quand un type m'a sauté dessus ! J'arrive pas à réaliser ce qui arrive…


– Encore un ? A moins que ce ne soit le même ? Argh, je ne comprends rien ! répondit son aîné en rageant. Il reprit progressivement son calme. On nous attaque, fit-il. Pour l'instant, pas moyen de savoir de qui ils sont, ou même leur nombre, à cause de la nuit noire. Il n'y a pas de fenêtres par ici, la lumière de la lune ne nous atteint même pas. L'ennemi a pensé à tout…


– Ce ne sont pas les Shien ?


– Je ne sais pas….ça ne leur ressemble pas. Ils ont une puissante armée, je ne vois pas pourquoi ils attaqueraient comme ça, par surprise. Ca ne ressemble pas au Grand Shogun.


– Laissons ça de côté pour l'instant et essayons de trouver les autres, pour s'assurer qu'ils n'ont pas eux aussi été pris pour cible dans leur sommeil.


Les quatre hommes poursuivirent en direction de la chambre du Grand Maître. Personne.


– Il a déjà du partir, fit Nisashi. On continue. Ils arrivèrent devant la chambre de l'Ancien.


– C'est bon, il va bien, je le protège, leur lança le Grand Maître qu'ils aperçurent posté devant la porte. Rejoignez Irou et Yaichi dans la cour, leur ordonna t-il. Ils sont partis à la recherche de nos assaillants. Et le petit groupe se remit à courir dans la nuit avec la même ardeur.


– A vos ordres !


Ils croisèrent quelques membres du personnel sur le chemin – des cuisiniers, des bonnes qui avaient été réveillées par la pagaille qui animait le couloir. Ils apportèrent des torches, pour éclairer les lieux. Pendant ce temps, les samouraïs descendirent aussi vite que possible les quelques marches qui donnaient sur la cour.


La lune éclairait pleinement les lieux, contrairement à l'intérieur du bâtiment. Zanji et les autres aperçurent leurs deux camarades en hauteur, debout sur l'un des murs. Ils semblaient regarder en direction du toit du temple.


– Ils sont la haut, leur glissa Yaichi une fois qu'ils les eurent rejoint. Mais je ne peux pas les atteindre d'ici avec mes flèches. Ils faut qu'ils bougent.


Il tenait une flèche à son arc, prête à être tirée. Irou, qui l'accompagnait, regardait aussi vers les tuiles de la demeure.


Cinq hommes étaient placés sur les tuiles du dernier étage. Au milieu, un homme masqué, vêtu de vert et de gris. Il semblait les ignorer et contemplait la lune. Cela devait être leur chef, pensa Zanji. A sa gauche deux hommes, l'un en rouge et l'autre en blanc. C'était lui qui l'avait attaqué. A droite, il y avait un homme en gris, et un second en bleu. Celui ci tenait un homme sous son coude.


– Mais c'est…le Chambellan! remarqua Kamon.


– Alors ils ont réussi à avoir l'un d'ente nous….


– On ne les connaît même pas, et ils nous attaquent, dit Zanji en tramblant de colère. Je ne laisserai pas passer cela !!!


Il voulut courir en direction des murs pour escalader la bâtisse et les rejoindre, mais les hommes se mirent à jeter sur lui de petits projectiles qui le forcèrent à reculer.


– Des shurikens ?


Ils ne s'arrêtèrent pas là : celui du milieu, lui lança du haut du temple une petite boule.


– Ecartez vous ! cria Kamon. Je connais bien ce genre de trucs, c'est un fumigène!


Trop tard. Les six samouraïs, sans qu'ils n'aient eu le temps d'agir, se retrouvèrent aveuglés par la fumée .


– Ce n'est pas…fini. A gauche…


Yaichi avait en partie échappé au gaz. Il avait pu suivre des yeux les agresseurs, qui semblaient vouloir profiter de la diversion pour s'enfuir avec leur otage. Il se concentra autant qu'il le put, et tira. A la vitesse où l'ennemi courait et sautait, il n'aurait le droit qu'à une seule flèche. Il ne fallait pas la rater.


Il décocha, puis entendit un petit bruit sourd.


– Hugn.


L'un des assassins s'écroula. Mais ce n'était pas celui qui tenait le Chambellan. Les autres sautèrent par dessus le mur du Temple des Six et s'évaporèrent au dehors. Pour réaliser une telle acrobatie, ils devaient disposer d'une condition physique exceptionnelle.


L'archer et Irou, remis plus rapidement du gaz, ouvrirent les portes du Portail des Six et se jetèrent à leur poursuite. Malheureusement, ils étaient déjà loin. Il ne restait devant eux que l'homme qui avait reçu la flèche, allongé dans l'herbe. C'était celui entièrement vêtu de gris. Il respirait toujours.


– Toi ! Cria Irou, en attrapant le blessé par le cou. Qui êtes vous ? Qu'est-ce que vous nous voulez ?


– …..


– Où l'avez vous amené ? hurla t-il, plus fort encore.


– Hé hé…fit l'homme. Je ne suis qu'un Shinobi Vengeur… je n'en sais rien…


– VAS TU PARLER, OUI ???


Le shinobi, secoué dans tous les sens, arrêta de ricaner :


– Notre maître, Sasuke….Il vous tuera tous.


– Sasuke ?


– Ouais…


– Attention, Irou ! lança Yaichi. Il a quelque chose dans la bouche !


Des drogues. Le Shinobi sourit d'un air moqueur une dernière fois, puis mordit dans le sachet. Il ne tarda pas à se raidir et à tomber dans les bras du samouraï violet.


– Merde….On a échoué. Ils ont prit notre supérieur, dit-il en laissant tomber au sol le cadavre.


– On a au moins le nom de leur chef. Tu sais, des gars qui grimpent comme ça aux toits, qui s'introduisent aussi vite dans le temple et qui utilisent des shurikens…il n'y en a pas des masses.

– Oui. Et je crois savoir de qui il s'agit…


Les quatre autres les avaient enfin rejoint.


– Que s'est-il passé ? demandèrent-ils tous, plus ou moins en même temps.


Irou se tourna vers eux, et déclara d'un air grave :


– Ce soir, nous avons rencontré un nouvel ennemi. Quatre hommes se sont enfuis avec notre Chambellan. Et ces hommes, ce ne sont pas n'importe qui. L'ennemi naturel des samouraïs. Des ninjas.



Chapitre 12 : Dans la clairière



Spoiler :



Les Six samouraïs étaient réunis dans la nuit, déboussolés, essoufflés, au pied du Portail des Six.


Il y a tout juste 24h, le Chambellan les avait accueilli ici même en souriant, alors qu'ils revenaient de mission. Mais ce soir, il avait disparu au loin, kidnappé par de mystérieux assassins – des ninjas selon Irou.


L'un d'eux gisait d'ailleurs toujours au sol, blessé mortellement lors de l'assaut. Seulement, on n'avait rien pu tirer de lui, sinon le chef des agresseurs, l'homme au masque : Sasuke. Lui et ses trois acolytes s'étaient dispersés sans laisser de trace. Tandis que les guerriers réalisaient peu à peu ce qui venait d'arriver, le Grand Maître les avait rejoint.


– Alors ?


– Ils ont capturé le Chambellan.


Le vieil homme se crispa. Il resta immobile un long moment, les yeux emplis de tristesse.


– Retrouvez-le, demanda t-il d'une voit tremblante….s'il vous plait.


– Il n'y a malheureusement aucune piste qui permettrait de suivre l'ennemi , fit observer Nisashi.


Yaichi montra du doigt les bosquets à proximité :


– Ils sont partis par là.


– Comment pourrais tu le savoir ? lui répondit-on.


– On voit bien que vous connaissez mal la forêt, vous autres…C'est l'endroit idéal pour s'enfuir ou se cacher.


– Nous n'avons pas le temps de nous engager sur une piste hasardeuse, c'est sa vie qui est en jeu ! Ce que tu nous présentes là, ce n'est qu'une hypothèse !


– Non.


Il s'approcha de la direction qu'il avait pointé du doigt, et se pencha : une petite tache rougeâtre assombrissait l'herbe présente à cet endroit.


– Du sang. Il est encore frais. Et il y a plusieurs autres taches dans cette direction.


– Pourtant, personne n'avait l'air blessé ? s'étonna Zanji.


– Comment n'ai je pas pu y penser plus tôt…murmura le Maître. C'est une technique que nous, samouraïs, utilisons dans ce type de situation. Le Chambellan s'est blessé volontairement, surement en se mordant la main, afin de laisser une piste pour que nous le suivions.


Tous se regardèrent. Ils avaient maintenant une chance de suivre les ninjas. Ceux ci étaient partis il y a un quart d'heure à peine. Il n'était pas trop tard pour les poursuivre.


– Vous ne serez pas suffisamment discrets à cheval. En plus, on perdrait du temps à courir jusqu'à l'écurie du temple pour les réveiller. Vous avez tous sur vous une arme et votre armure, n'est ce pas ? Alors allez y, foncez dès maintenant ! Je reste ici pour garder le temple au cas où d'autres viendraient.


– A vos ordres ! Nous le ramènerons, je vous en fait le serment ! affirma Zanji.


Le lancier et ses camarades s'enfoncèrent alors dans les bois. Le vieillard les regarda s'éloigner, toujours aussi remué par la nouvelle.


– Alors de nous Six…..murmura t-il, je serais le dernier à protéger cette demeure ? Je t'en supplie, Kageki, mon camarade….revient vivant.


De leur côté, les jeunes samouraïs se frayaient silencieusement un chemin parmi les arbres, en suivant les traces de sang. A leur tête se trouvait Yaichi, un habitué du milieu sylvestre. Les autres se tenaient autour de lui, prêts à riposter en cas d'attaque.


– Ils partent vers l'est, expliqua l'archer, après une demi-heure de marche. C'est mauvais. Je connais mal cette partie de la forêt…


Ils avancèrent pendant plusieurs dizaines de minutes encore, appréhendant ce qu'ils trouveraient au bout du chemin. Les traces de sang, elles, se faisaient de plus en plus espacées. Au dessus de leurs têtes, les premiers rayons du soleil perçaient la cime des arbres.


– Aah, j'en peux plus, on a marché toute la nuit !


– Courage, Kamon, on y est presque ! lui glissa son camarade au naginata.


Et en effet, la lumière du jour leur révélait droit devant une clairière. Un espace isolé au milieu des bois, vers lequel convergeaient les traces de sang. Une petite maison de bois se situait au milieu de celle-ci. Il ne semblait y avoir personne.


– Cette maison serait leur repère ?


Ils se regardèrent, et approuvèrent. Quelques secondes pus tard, les six combattants s'élançaient contre la maison.


– Kyaaaaaaaaah !!!!


– Vous ne passerez pas.


Trois hommes étaient apparus soudainement devant eux et leur bloquaient le passage, armes à la main. Zanji reconnut les assaillants de la dernière fois : un Ninja Armé d'une lance, un Ninja Cramoisi, qui les menaçaient avec une épée, et un Ninja Blanc, doté des même shurikens que ceux qu'il avait reçu la nuit dernière.


Rapidement, le trio se dispersa. Le lancier se rapprocha de Zanji et d'Irou. Ce dernier, plus rapide vint intercepter la charge adverse.


Zanji ! fit il à son camarade resté en retrait. Je m'occupe de lui, fonce récupérer le Chambellan dans la cabane !


Il s'exécuta, et se mit à courir pour rejoindre la bâtisse. Dans le même temps, Nisashi et Yaichi étaient aux prises contre le Ninja Cramoisi.


– Ce maudit ninja…il bouge trop vite, je ne peux rien faire avec mon arc. Mais je ne peux pas non plus rejoindre Zanji, il ne me laissera pas passer…Nisashi, je vais devoir m'en remettre à toi.


– Ne t'en fais pas. Ca ne durera pas longtemps.


Il sortit ses deux lames. Le ninja fit de même. Les deux guerriers, épées en main, s'élancèrent vers leurs ennemis respectifs dans un fracas de métal. A leur gauche, un autre combat avait également commencé.


– Hé, Yariza ! On a jamais formé de duo, ça te dit d'essayer ? demanda Kamon sur un ton léger.


– …..Allons y.


Le binôme s'était retrouvé face à face avec le troisième ninja, le Ninja Blanc. Bien que seul face à deux samouraïs, il ne semblait nullement intimidé.

Il se mit à courir furtivement, et à lancer des shurikens. Kamon ne parvenait pas à les esquiver.


– Ils sont rapides….Mais je vais en venir à bout !


Au même moment, Zanji avait traversé la clairière et rejoint la maison de bois. Il se retourna une dernière fois : divisés en trois groupes, ses compagnons s'étaient engagés dans une lutte acharnée contre l'ennemi. Il était le seul à être libre. conscient de cette chance, il pénétra dans l'unique pièce de la maisonnette.


– Tu t'es égaré, samouraï ?


Face à lui, il y avait deux hommes. Le premier, il le reconnut immédiatement. C'était le Chambellan lui même, placé au centre de la pièce, pieds et poings liés.


Zanji…murmura t-il. Il semblait à bout de forces.


Le second homme, un ninja qui n'était pas armé, s'approcha de lui. Il possédait le fameux masque de fer sur son visage.


– Tu es…Sasuke ?


Il ne répondit pas. A la place, il se contenta de claquer des doigts. C'est alors que Zanji sentit une ombre s'approcher dans son dos, à toute vitesse. Il fut alors violement percuté et projeté au sol.


Il essaya de se lever, mais quelqu'un se précipita sur lui pour l'immobiliser au sol. Ce n'était pas Sasuke, qui observait tranquillement la scène en face d'eux. Alors, qu'il se débattait, il sentit des cheveux ondulés, d'un vert étrange, glisser sur sa peau. Il comprit : il y avait un autre ninja caché dans la pièce,prêt à l'intercepter.


– Beau travail, Yae.


Il ne put qu'apercevoir du coin de l'œil la personne en question, une femme au foulard rouge et à la tenue violette, qui était en train de le ligoter.


– Vous, les samouraïs, êtes tellement prévisibles….continua le ninja masqué, en se mettant accroupi à la hauteur du jeune homme. Je savais très bien que vous viendriez au secours de votre maître, c'est pourquoi je vous ai tendu cette petite embuscade. Toi, tu as réussi à passer, mes tes camarades vont mourir les uns après les autres. Et c'est moi qui récolterai la prime en livrant votre chef !


Il se tourna alors vers le Chambellan, toujours ligoté lui aussi, et le gifla brusquement.


– Alors, Grand Maitre, qu'est ce que ça fait de se retrouver humilié de la sorte ? demanda t-il à au prisonnier.


– Arrêtez ! cira Zanji en se débattant. Vous vous trompez, ce n'est pas le Grand Maitre ! relâchez nous !


– Qu'est ce que tu…..


Mais le ninja n'eut pas le temps d'en dire plus. Il fut interrompu par un grand fracas, un bruit sourd venu de l'extérieur. Il couru à l'encadrement de la porte d'entrée voir de quoi il s'agissait.


– Que se passe t-il ? demanda Yae, qui maîtrisait toujours Zanji au sol.


– On va avoir de la visite…Tu ne devineras jamais qui vient nous mettre des bâtons dans les roues…


– Qui ? des renforts des six samouraïs ?


– Pire. Hanzo et son clan.



Chapitre 13 : Sasuke et Hanzo



Spoiler :



CHATEAU DE BRUME, 2 JOURS PLUS TOT


Depuis le trône de la salle impériale du Château de Brume, le Grand Shogun Shien attendait ses invités. Ils ne devrait plus tarder maintenant. Effectivement, quelques minutes plus tard, les portes de la pièce s'ouvrirent. Deux hommes rentrèrent, escortés par ses gardes, et s'inclinèrent à ses pieds.


Le Shogun considéra les deux individus à genoux devant lui. Silhouette svelte, armure légère, visage camouflé. L'un par un masque, l'autre par un turban. L'un portait un vêtement vert, l'autre une tenue noire. Ils étaient tels qu'on le lui avait décrit. Sasuke et Hanzo. Il attendit un petit moment encore, puis prit la parole :


– On m'a dit que vous étiez les Maestro Ninja, les deux plus grands ninjas de la région, à la tête de clans influant. Est-ce vrai ?


– Oui, monseigneur.


– Je ne m'étais jamais penché sur la question des ninjas. Vous qui viviez cachés, je vous ai laissé une certaine indépendance tout au long de mon règne. Cependant, aujourd'hui, j'ai décidé que vous alliez m'aider.


– S'agit t-il d'une mission ? risqua Hanzo.


– Oui. Vous allez traquer pour moi un homme et me l'amener. C'est un vieillard. Vous le trouverez dans un temple, le Temple des Six. Il est à la tête d'un groupe de samouraïs nuisibles. N'hésitez pas à les neutraliser en cas de besoin.


– Veuillez me pardonner, monseigneur, mais il me sera très difficile de coopérer avec cet homme, déclara Sasuke. Nos deux clans ont toujours été rivaux.


– Je ne vous demande rien de tel. Ceci est une compétition.


Il regarda d'un air menaçant les deux chefs ninjas.


– Je reconnaîtrai personnellement le clan qui me rapportera cet homme comme allié du Régime. Il sera couvert de richesses et de gloire. Le clan perdant, lui, sera déshonoré. SI vous refusez, vous serez persécutés. Allez. Vous avez une semaine.


Sasuke et Hanzo se levèrent. Après un ultime salut au Shogun, il s'eclipsèrent discrètement.


– On dirait que nous allons devoir nous livrer une nouvelle bataille….lança alors le ninja noir à son homologue.


– Je ne te laisserai jamais gagner, prévint Sasuke. Je capturerai la cible avant toi. C'est l'occasion pour mon clan de prendre sa revanche.


– C'est vrai que tu as subi de nombreuses pertes et que ton clan a été fragilisé au cours de nos derniers affrontements. Tu veux que je te dise ?


Il donna un coup d'épaule au ninja masqué.


– Cette ultime confrontation marquera la fin de ton clan.


– On verra bien.


Dès le lendemain, Sasuke avait prit les devants. Il avait lancé l'assaut sur le temple des samouraïs et enlevé l'homme en question. Ce dernier avait été placé dans le repère de la clairière, et devait être livré aux Shien d'ici quelques heures. Juste le temps de se reposer. Mais jamais il n'aurait pensé que les samouraïs l'aurait retrouvé. Tant pis, il faudrait les neutraliser aussi. Il avait envoyé les trois ninjas à ses côtés les combattre. Heureusement, la dame ninja était là pour l'assister. Mais il y avait autre chose que Sasuke n'avait pas prévu. L'arrivée d'Hanzo.


CLAIRIERE, PRESENT


Un puissante explosion avait retenti dans la clairière. Surpris par le choc, les huit belligérants – cinq samouraïs et trois ninjas – avaient été brutalement projetés au sol. Dans la fumée qu'avait provoqué le choc, une demi douzaine de formes imprécises se dessinèrent. Lorsque le souffle fut dissipé, les combattants à terre purent enfin distinguer l'ennemi. C'étaient d'autres ninjas. Leur chef, au milieu, était entièrement vêtu de noir.


Hanzo….murmura le Ninja Blanc, affaibli par la déflagration.


– Je suis venu chercher le maître des samouraïs, déclara ce dernier. Il doit être dans la cabane. Feu, Vent, Eau, Terre ! Récupérez le pour moi !


Parmi les cinq guerriers aux côtés d'Hanzo, quatre s'exécutèrent. Ils portaient chacun une armure représentant les éléments de la nature. Rapidement, ils se mirent à courir vers l'édifice, sans prêter attention aux samouraïs et aux ninjas du clan adverse, pourtant de nouveau sur pieds.


– Ils maîtrisent sûrement les voies attributaires associées à leur surnom…glissa Irou à ses camarades. Ca ne va pas être facile de les arrêter.


Mais à sa grande surprise, ce furent les trois ninjas qu'ils combattaient depuis tout à l'heure, les Ninja Blanc, Ninja Armé et Ninja Cramoisi, qui coururent en premier à leur rencontre.


– Ils s'affrontent ? S'étonna Nisashi.


– Je crois qu'il y a deux groupes de ninjas ennemis….expliqua le samouraï violet. Si ils s'entretuent, c'est notre chance de rejoindre Zanji et, esperons le, le Chambellan !


– Vous n'irez nulle part.


Au milieu des combats acharnés que se livraient les ninjas, l'un des nouveaux venus les avaient rejoint. C'était le cinquième homme aux côtés d'Hanzo, celui qui n'avait pas bougé jusque là. Un guerrier en couleurs sombres, armé de deux katanas. Le Ninja Armure Lames.


– Tiens, tu n'es pas allé avec tes copains, petit shinobi ? railla Kamon. On est cinq, tu sais ?


– On est pas du même rang, dit il.


Il prit les devants. Bien qu'encerclé, il donna un coup de coude vers Nisashi. Avec son autre bras, il croisa le fer avec Irou. Ces deux actions simultanées ne l'empêchèrent pas d'assener un coup de tête à Yariza, qui s'approchait d'un autre côté.


– Je retire ce que j'ai dit…ce type est un monstre !


Kamon, toi et moi, on utilise des armes à distance, lui rappela Yaichi. On ne peut pas le viser d'ici, il est trop prêt des autres samouraïs. Attaquons nous plutôt à l'autre qui est seul, le type en noir. C'est sûrement leur chef.


L'intéressé se tourna vers eux :


– Vous voulez m'attaquer, alors que vos coéquipiers ont déjà du mal avec mon subalterne ? Pauvres fous….


En un instant, il s'était évaporé, sans que les samouraïs purent dégainer.


– Ou est-il ?!


– Je me demande si le Grand Shogun me donnerait quelque chose si je vous ramenais au Château de Brume ?


– Que ?


Il était derrière eux, dague en main. Il attendit que les deux samouraïs se retournèrent, et leur planta l'arme en pleine poitrine. Kamon et Yaichi s'écroulèrent. Leur sang se rependit lentement sur l'herbe de la clairière. Le coup avait transpercé les armures et pénétré leur chair.


Pendant ce temps, les combats continuaient. Ni les ninjas d'Hanzo, ni ceux de Sasuke, ni même leurs frères d'armes samouraïs n'avaient remarqué leur chute. Tous étaient bien trop occupés à lutter.


– Hum, je les achève ? se demanda le ninja noir, accroupis devant ses victimes. Non, pas le temps. Etant donné que mes hommes sont retenus de part et d'autres par les samouraïs et les ninjas de Sasuke, je vais moi même m'occuper de capturer la cible !


Ainsi, il délaissa les deux samouraïs aux sols et fonça en direction de la cabane en bois. Le Maestro Ninja Sasuke l'attendait devant l'entrée.


– Il est dedans. Mais si tu veux passer, il faudra me vaincre d'abord.


– Si tu veux..Art Ninjitsu de la Duplication !!


– Cette technique…tu n'as quand même pas osé utilisé les arts interdits de….


Hanzo ne répondit pas. Il s'était soudainement divisé en trois individus grâce à sa technique, le temps de passer devant le ninja au masque, stupéfait, et de franchir le seuil de la porte. Une fois à l'intérieur, il repéra immédiatement le Chambellan, toujours attaché, et l'attrapa vivement.


– NON ! crièrent Zanji et Yae, impuissants.

Il ne leur prêta même pas attention et sortit aussi vite qu'il était venu avec le vieil homme.


– Dispersion ! hurla t-il une fois dehors. Et aussitôt, les cinq ninjas sous ses ordres coururent dans toutes les directions vers la forêt qui entourait la clairière.


– Ne les laissez pas partir ! cria Sasuke à son tour. Il ne doivent pas nous échapper, sinon….


Répondant à sa requête, les ninjas Armé, Blanc, et Cramoisi se jetèrent silencieusement à la poursuite des ninjas en armure d'Hanzo.


En un instant, la clairière si animée avait été vidée de tous ses ninjas. Il ne restait que Sasuke, debout devant le cabane, et les samouraïs. Yae et Zanji étaient toujours à l'intérieur.


Face à lui, les cinq autres samouraïs.


– Nous aussi, on doit les suivre ! s'emporta Irou. Ils ont kidnappé notre mentor !


– Ils vont trop vite….expliqua Nisashi. Avec nos armures, on ne les rattrapera jamais…Et puis regarde là bas…on ne peut pas les abandonner.


Il montra d'un revers de bras leurs deux camarades qui gisaient au sol. Yariza était déjà à leurs côtés, essayant tant bien que mal d'appliquer les premiers soins.


– MAUDITS NINJAS !!! beugla le samouraï violet, choqué. Tout ça, c'est à cause de TOIIII !!!


En parlant, il courait vers le ninja masqué, toujours posté devant la maisonnette.


– Je ne suis pas responsable, ce sont les hommes d'un autre clan qui ont blessé tes amis.


– TU VAS PAYEEER !


Le temps de prononcer avec haine ces dernières paroles, il avait traversé la clairière.


– Mon clan ne pourra pas battre Hanzo seul vu les circonstances. Vous non plus.


Il effectua un salto arrière tout en parlant, avec la plus grande simplicité du monde, et atterrit sur le toit : Irou n'avait même pas pu l'approcher. Le ninja masqué reprit :


– Se battre ici serait une perte de temps. Vous voulez revoir votre maître ? Je veux me débarrasser d'Hanzo. Pour y parvenir, je vous propose un alliance temporaire.


Irou s'arrêta net.


– Une…alliance ?



Chapitre 14 : L'union fait la force



Spoiler :



– Une…alliance ?


Irou était stupéfait. Cet homme, qui il y a 12h de cela avait orchestré une invasion du Temple des Six, dont les hommes avaient combattu ici même dans la clairière contre eux, qui avait pris en otage leur mentor…il leur proposait de coopérer ?


– Tu te moques de nous ? vociféra le samouraï.


Sasuke retira son masque. Le jeune homme brun, qui devait avoir la vingtaine, le fixa de ses yeux noirs. Il y avait un petit air triste sur son visage.


– Je suis on ne peut plus sérieux. Je comprends parfaitement que vous ne me fassiez pas confiance, c'est bien normal. Mais le temps presse. Si Hanzo gagne le défi fixé par les Shien, nous serons tous menacés. Aussi bien mon clan que votre Ordre.


– Tu as bien dit "les Shien" ? reprit Nisashi, qui avait rejoint son camarade.


– Oui. L'enlèvement est une mission qu'ils m'ont confié. Le Grand Shogun a imposé une compétition entre mon clan et celui d'Hanzo. Il fallait enlever votre maître. Le clan perdant serait déshonoré et persécuté.


Il s'arrêta un instant, pour laisser les deux samouraïs s'imprégner de son discours.


Yae, libère celui qui est avec toi. Nous n'avons plus besoin de le retenir.

Quelques secondes après, le jeune femme aux cheveux verts apparu dans l'encadrement de la porte. Elle était accompagnée de Zanji.


– J'ai entendu ce qui se disait depuis la cabane, dit il. Poursuivez, je veux en savoir plus.

Sasuke continua :


– J'ai libéré votre ami. Je vous ai aussi raconté la vérité : si je m'en suis prit à vous, c'est uniquement parce que j'y ai été forcé. Je n'ai rien de particulier contre vous. D'ailleurs je n'ai blessé aucun de vous.


– Mais bien sur…pesta Irou en regardant ses deux camarades, Yaichi et Kamon, toujours étendus au sol.


– Ce n'est pas mon mari qui a fait ça, intervint Yae. Je reconnais cette façon de poignarder dans le dos, come un lâche….c'est Hanzo, il n'y a pas de doute.


– Mais qui est donc cet homme dont vous parlez depuis tout à l'heure ?


– L'ennemi de notre clan. Un ninja très puissant, tout de noir vêtu. Vous l'avez peut être aperçu, c'est lui et ses hommes qui ont interféré dans notre combat tout à l'heure. Mais, contrairement à moi, il n'hésite pas à supprimer tout ceux qui se placent en travers de sa route.


– Oui, je l'avais repéré…se remémora le samouraï violet. Il se dégageait quelque chose de spécial de lui…


Les autres confirmèrent. Donc, il y avait deux clans de ninja. Un clan gentil et un clan méchant ? C'était bien plus compliqué que cela. Zanji, qui restait silencieux en apparence, était en pleine réflexion. Accepter l'aide du clan Sasuke, c'était réduire de moitié le nombre de mercenaires à leur trousse. Mais c'était aussi risquer d'être trahis et poignardés dans le dos à la moindre occasion.


Les quarte samouraïs valides se concertèrent pendant une dizaine de minutes.


– J'accepte cette alliance, déclara Nisashi, après un débat animé. Cependant, lorsque nous aurons retrouvé notre mentor et éradiqué la menace de cet homme en noir, nous nous séparerons et les hostilités pourront reprendre. Mais pas avant.


Sasuke tendit la main vers l'aîné des Six samouraïs :


– Mon clan n'a qu'une parole.


Nisashi tendit également la sienne.


– Il en va de même pour nous. Après tout, même temporaire, L'Union Fait la Force !


-Je suis ravi que l'on ait pu s'entendre. J'ai de quoi soigner vos compagnons dans la cabane, suivez moi. On va élaborer un plan d'action et rejoindre mes ninjas partis en première ligne.


Il était alors midi, le soleil brillait haut dans le ciel et illuminait de ses rayons la totalité de la clairière.


Depuis le Temple des Six, la lumière resplendissait avec le même intensiité. Le Grand Maître des Six Samouraïs avait dû fermer les rideaux pour s'entretenir avec celui qui lui avait tout appris, l'Ancien, sans être dérangé. Malgré cela, le doyen de l'Ordre toussotait, crachait de temps en temps, et restait alité.


Depuis, peu, il semblait malade.


– Maître, que dois-je faire ? Ils ont capturé Kageki…


– Kizan, tu es troublé par le départ de ton ami…je le vois bien. Ma tu dois faire confiance à la nouvelle génération, je suis sûr qu'ils le retrouveront.


– Mais n'y a t-il rien que je ne puisse faire de mon côté ?


– Assurer la défense de ce temple est déjà un objectif en soi. Je te rappelle que tu es le seul ici en état de prendre les armes…Même si ce ne sera bientôt plus le cas.


– Que voulez vous dire ?


– Kizan, c'est mauvais pour toi de rester seul. C'est pourquoi je l'ai rappellée de mission pour qu'elle vienne t'assister ici.


– Vous voulez parler…d'elle ?


– Oui. Celle qui remplit le rôle d'Envoyé Des Six Samouraïs. Dès que j'ai su pour l'enlèvement, je l'ai fait contacté pour qu'elle vienne en renfort. Cela fait une demi-journée, elle ne devrait plus tarder.


Il toussa violement. Il attendit un petit moment, et reprit :


– Tu m'as bien dit qu'il s'agissait de ninjas ? Habituellement, ils subsistent en tant que mercenaires. Cela ne m'étonnerait pas qu'ils soient envoyés par les Shien. Entraînne toi, mobilise tous ceux que tu connais, même l'oracle Denko Sekka s'il le faut….mais prépare toi à un conflit qui dépasse le cadre d'un bagarre de clans ou d'ordres. C'est une guerre qui se profile.


Il n'imaginait même pas à quel point il avait raison.


Le Grand Maître avait à peine quitté la pièce que les cloches du Portail des Six avaient retenti. Elle était déjà là.


– Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas foulé le sol de cette demeure.


– Content de te revoir, après tout ce temps, glissa t-il en haletant : il avait couru pour l'accueillir et lui ouvrir les portes de la demeure. Cela doit bien faire cinq ans que je ne t'ai pas vu…Suis moi.


Il conduisit son invitée dans un petit salon où ils s'installèrent. On vint leur apporter de quoi boire et manger. Il était l'heure du déjeuner, après tout.


– Alors, pourquoi le vieux m'a t-il rappelée ? demanda la femme d'un ton sec.


Elle se saisit d'un morceau de viande qu'elle attaqua vigoureusement.


– On a été la cible d'une attaque de ninjas. Ils ont emporté Kageki. Les jeunes sont partis à sa recherche, mais…


– Alors comme ça la nouvelle génération est formée ? Je ne savais pas, commenta t-elle en mâchant le morceau précédemment ingurgité.


Il y eut un petit silence.


– Et sinon, tu as pu avancer dans ta mission ?


– En cinq ans, tu crois que je me suis tournée les pouces ? grogna t-elle. Ce n'est pas parce que je ne donne pas de nouvelle régulières que je ne dais rien. Comme tu le sais, j'ai pour mission de convaincre les divers chefs de villages de la contrée de s'unir à nos côtés pour se soulever contre les Shien l'heure venus. Eh bien oui, ça marche, j'ai négocié des accords avec plusieurs d'entre eux.


– Oh, tu m'en vois ravi. Notre cause avance grâce à toi….


….


L'Envoyée fronça les sourcils.


– Que t'arrive t-il, Kizan ? Je ressens comme une sorte de malaise. Tu ne sembles être que l'ombre de toi même !


– C'est à cause de Kageki. Tu sais qu'il était mon camarade, celui de nous six que je préférais. Et maintenant que les gamins ont reprit le flambeau, je me sens si inutile…


Elle sourit.


– C'était donc ça. Je te connais bien, Kizan. Je savais que quelque chose n'allait pas. Eh bien, si tu en ressens le besoin, vas y ! Va retrouver Kageki par toi même, je peux garder le temple seule.


– Vraiment ?


– Si je te le dis !


– Mais le maître à dit…


– Il faut parfois prendre un peu de distance avec ce que dit le vieux !


– ……Merci, Mizuho. Tu as raison, j'étais dans une mauvaise passe. Mais j'ai décidé de me prendre en main et d'en sortir. Je te revaudrait ça.


– J'y compte bien !


Le chef des samouraïs se saisit de son armure, de son arme ainsi que de sa monture, et partit au galop.


– Je ne pars pas simplement à la recherche de Kageki et des ninjas, Mizuho. Je vais faire ce que j'aurai dû accomplir depuis bien longtemps. Eradiquer le problème à sa source.


Il était déjà bien loin du temple, et savait pertinemment que son interlocuteur ne l'entendait pas.




Chapitre 15 : D'un repère à l'autre



Spoiler :



– On va rejoindre mes hommes, dit Sasuke.


Aussitôt, les quatre samouraïs encore valides le suivirent en dehors de la clairière. Ils avaient consenti à laisser Kamon et Yaichi auprès de Yae. Il faudrait faire vite maintenant. En présence d'Hanzo, le Chambellan était en grand danger.


– Suivez moi, répéta le ninja. On va suivre ces traces que mes hommes ont laissé. Elles nous mèneront au repère d'Hanzo. Ou tout du moins là où il a emmené votre maître.


– Oh, des traces de sang, comprit Irou. Cette technique est plus répandue que ce que j'imaginais.


– Enfin, vous savez, celui qu'ils ont enlevé, il ne s'agissait pas de notre…..


Nisashi asséna un violent coup de coude à Zanji qui avait prit la parole.


– Ouch !


– Imbécile, lui chuchota son aîné. Si il apprend que ce n'est pas notre maître mais un simple homme du temple, crois tu qu'il va prendre le risque d'attaquer la base des autres ninjas ? Non, il n'aura qu'à laisser leur chef se discréditer devant les Shien en apportant la mauvaise cible et retourner au Temple des Six capturer la vraie ! Tu ne lui a pas déjà dit, j'espère ?!


– Pa..Pardon, je n'avais pas pensé à cela, bégueya t-il. Je l'ai mentionné quand j'étais dans la cabane, mais il n'a pas dû prêter attention à ce que je disais…


– Bon…mais ne recommence pas de telles stupidités !


Ils suivirent finalement le chemin formé par les taches de sang, cette fois placées comme balises sur le tronc des arbres.


– Ca fait un certain temps qu'on marche, expliqua Sasuke au bout d'un moment. Et encore plus que les autres ont prit la fuite. J'espère qu'ils ne sont pas partis directement pour le Château De Brume De Shien.


Ils continuèrent à marcher dans la forêt, en essayant de ne pas trop penser à cette éventualité.


– Ici.


Il ne s'était écoulé que quelques minutes, et déjà cet appel était venu troubler le silence des cinq hommes. Ils se mirent en garde pas réflexe, mais ce n'étaient que les trois ninjas de Sasuke.


– Que font les samouraïs avec vous, maître ? demanda le Ninja Blanc en venant à leur rencontre.


– Ca va, on a monté une alliance temporaire contre l'ennemi. Quelle est la situation ?


– On a réussi à leur faire croire qu'ils nous avaient semé, répondit le Ninja Cramoisi posté au sommet d'un arbre voisin. Les samouraïs ne l'avaient même pas remarqué, les feuilles rougeâtres de l'arbre offrant une couverture parfaite.


– Ils sont en train de préparer les chevaux et les armes pour partir en direction du fief Shien, compléta le Ninja Armé lui même caché derrière un autre tronc. On a eu peur qu'ils ne partent avec la cible, et qu'on ne doivent intervenir sans vous attendre.


– Maintenant, nous sommes 7. Il faut attaquer tant que l'on a l'effet de surprise avec nous.


– La forêt se termine un peu plus loin à l'ouest d'ici. On y trouve une forteresse en pierre, la base d'Hanzo, une petit route devant celle ci. Les quatre ninjas en armure de tout à l'heure sont devant, en train de veiller sur les montures.


– J'imagine qu'ils ont mis la cible à l'intérieur ?


– Oui.


– C'est tout ce qu'il me fallait savoir. Voici mon plan.


A quelques mètres de là, les ninjas armures Feu, Vent, Eau et Terre s'affairaient à charger les chevaux d'armes et de vivres. Tout devait être prêt d'ici dix minutes : leur maître ne voulait pas s'éterniser comme l'autre clan l'avait fait dans la clairière, de peur d'être rattrapés à leur tour.

Ils furent donc on ne peut plus surpris lorsque sept guerriers enragés déboulèrent de l'orée de la forêt, en courant d'un air déterminé vers l'entrée de la forteresse.


– Formation ! cria le Ninja Armure Eau, le plus réactif. On va en retenir quelques uns ici, les autres à l'intérieur feront la peau de ceux qui entrent !


Les samouraïs ne prêtèrent pas attention à lui, et continuèrent à courir en direction de l'entrée…A l'inverse, les trois shinobis de Sasuke s'étaient interposés.


– Tiens, nos poursuivants…ils ont réussi à venir jusqu'ici ?


– On va finir ce que l'on a commencé dans la clairière ! lança le Ninja Cramoisi.


– C'est bon, avancez, indiqua le Ninja Blanc à son maître et aux quatre samouraïs. On applique le plan.


Le maestro ninja acquiesça, et disparut à l'intérieur de la forteresse avec les autres. Le plan, c'était ça. Eux trois devaient retenir les ninjas armures, pour que les autres retrouvent le Chambellan au plus vite. D'après Sasuke, il n'y avait pas beaucoup d'autres ninjas dans le clan Hanzo. 4 ou 5 maximum, le chef inclus. A force de s'affronter, les deux clans se connaissaient bien. Cette fois ci, cela jouait en leur faveur.


Dans le forteresse, tous les murs étaient eux même fait de pierres. Il n'y avait presque aucun éclairage, ni fenêtres, à peine quelques petites torches qui brillaient d'une faible lueur par endroits. Il n'y avait pas non plus de pièce devant eux, juste un long couloir, étroit, dont on ne voyait pas le bout.


– Avançons, mais restons prudents….Dans le noir, on ne peut pas voir l'ennemi arriver.


Ils progressèrent ainsi le long de l'allée de pierre, pendant une dizaine de minutes. Le couloir ne semblait pas en finir ! Et toujours rien, pas même une porte, à l'horizon.


Finalement, ils parvinrent à une intersection : un premier chemin semblait partir à droite, le second à gauche.


– On se sépare ? demanda Nisashi ?


– Surtout pas, répondit le ninja qui l'accompagnait. C'est ce qu'ils voudraient. Empruntons tous l'un des deux, tant pis si l'on doit rebrousser chemin par la suite.


Mais on ne leur laissa pas ce choix. Alors que le petit groupe, distrait, examinait les possibilités qui lui étaient offertes, un homme s'approcha furtivement des samouraïs par derrière. Il courut et les poussa violemment sur le chemin de gauche.


– Qui………?


– Non !


Pris par surprise, Zanji, Nisashi, Irou et Yariza n'eurent pas le temps de réagir. Le choc les fit reculer de quelques pas, le long du couloir de gauche. Zanji remarqua alors une nette délimitation entre ce chemin où ils étaient à présent, et l'intersection où ils se trouvaient avant d'être poussés.


– Mais cette marque au sol, c'est….


Trop tard.


Pile à cet endroit, une violente palissade de pierre vint s'écraser, accompagnée d'un bruit assourdissant.


Sasuke ?


Il était resté de l'autre côté de la palissade, avec celui qui les avait bousculé. Pas de doute, c'était volontaire. On avait fait ça pour les séparer.


Un bruit de métal attira l'attention du lancier. Il se retourna, et constatât qu'il n'était plus dans le couloir mais dans une salle carrée, parfaitement délimitée par des murs de roches polie, à l'image d'un vieux donjon abandonné. Il y avait déjà plus de torches, mais la salle était aussi vide que le reste de la forteresse. A l'exception de l'individu qui siégeait au centre.


– Je vous attendais. Commençons.


– Toi, tu es le Ninja Armure Lames qu'on a affronté dans la clairière ! remarquèrent les samouraïs.


– Je vois que ma réputation me précède….Je vais vous éliminer.


L'intéressé empoigna ses deux sabres, prêt à attaquer. Les quatre samouraïs firent de même. Ils n'avaient plus le temps de chercher à retrouver le maestro ninja. On les avait enfermé dans cette sale carrée, avec un adversaire. Si ils voulaient rester en vie, il faudrait se battre.

De l'autre côté de la palissade, Sasuke était seul avec l'agresseur.


– Tu les a écartés car tu voulais m'affronter seul à seul, n'est-ce pas….Hanzo ?


– C'est vrai, admit le ninja noir. Je vous ai laissé tourner dans les couloirs jusqu'à avoir une occasion de vous séparer. Mais tu m'excuseras, je suis pressé. J'ai une cible à apporter aux Shien. Ce combat, je vais donc le clôturer rapidement.


Trois combat avaient commencé dans les environs. Un devant la forteresse, un dans une pièce de celle ci et le dernier dans un couloir adjacent. Les deux clans, aussi bien que les samouraïs, savaient que cette bataille serait décisive. Ceux qui prendraient l'ascendant seraient presque assurés de l'avenir de la cible.




Chapitre 16 : Des pierres et du sang



Spoiler :



Ils n'étaient plus que deux dans le couloir. Sasuke et Hanzo, les deux ennemis de toujours. Il ne prononcèrent pas une parole, c'était inutile. Ils s'étaient tellement affrontés par le passé que chacun connaissait l'autre, leurs lames remplaceraient les mots une fois encore.


Chacun sortit un kunai, et s'élança vers l'autre. Le couloir se couvrit bientôt des bruits des instruments qui s'entrechoquaient. Des sons métalliques qu'ils connaissaient bien. Avec l'agilité digne du rang de maestro ninja, ils parèrent leurs attaques respectives avec aisance. Les deux shinobis effectuèrent chacun un pas en arrière, comme pour marquer une pose.


– Pourquoi te battre ici ? Ton Passage Etroit ne fait que restreindre nos possibilités, Hanzo !


– Parce que tu crois que nous allons nous battre en bonne et due forme….glissa le ninja noir. Ce n'est pas une énième guéguerre de clan. Cette fois, notre honneur est en jeu. D'ailleurs je suis pressé ! Je vais t'achever maintenant !


Ses mains s'animèrent rapidement, composèrent divers signes qui s'enchaînèrent à un rythme continu.


– Ne me dis pas que tu vas encore….


– Tu ne peux plus lutter contre moi et mes nouvelles techniques….Art Ninjitsu Armure d'Immobilisation !!!


Un flash de lumière aveugla Sasuke. Quand il put ouvrir les yeux de nouveau, il sentit une petite douleur dans ses membres, comme un engourdissement soudain. C'était mauvais. L'autre allait surement profiter de ces quelques secondes d'inattention pour lui foncer dessus. Il fallait se préparer à esquiver. Pourtant, ses membres ne semblaient pas lui obéir.


– ?!


Il essaya encore mais rien à faire, il semblait paralysé.


– Tu es pris au piège. Mon sort immobilise le corps de celui qui le regarde.


Hanzo avança lentement vers lui. Il leva son bras vers le visage de Sasuke et lui arracha son masque.


– Pourquoi ?! demanda ce dernier. Pourquoi utilises tu des sorts interdits ? Tout ça pour me vaincre ? N'as tu donc plus de fierté, comme à l'époque où nos clans s'affrontaient dignement ?


– Pff….Tu es trop naïf, rétorqua le ninja sombre. Les temps ont changé. Nous ne sommes que des pions entre les mains du Grand Shogun Shien. Avec ta mentalité, tu resteras toujours un moins que rien. J'ai décidé de prendre les devants et de me démarquer, pour obtenir la place que je mérite dans le Régime. Même si pour y arriver, je dois faire ça.


Il jeta violemment le masque de Sasuke au sol. Avec sa main ainsi libérée. Il sortit le kunai de tout à l'heure de son dos. Il leva l'arme, et l'abattit violement sur l'autre shinobi.


L'entaille fut violente. Elle traversa le corps du ninja en diagonale, de l'épaule droite aux côtes de gauche. Hanzo retira son arme du corps de son adversaire. Un flot ininterrompu de sang jaillit alors de la plaie et vint arroser le couloir. Rapidement, les murs de pierre se tintèrent du liquide écarlate. Le blessé s'écroula alors au sol.


– Les Shien……murmura l'homme au sol. Ce sont eux qui ont accéléré notre lutte, hein ? Tu te souviens, Hanzo…..du temps de la dynastie Shiranui, quand nous faisions la paix….quand nous étions tous les trois, le maître, toi, et moi…………..?


Il regarda son rival qui tremblait dans son propre sang, à moitié conscient seulement.


– Cette époque est révolue depuis longtemps, se contenta t-il d'ajouter.


Il claqua des doigts. Deux ninjas apparurent alors de l'autre bout du corridor. Ils avancèrent d'un pas mal assuré, presque grotesque. L'un portait une tenue verte, l'autre un habit violet.

– Vous avez besoin de nous, maître ? couina celui en vert.


Ebisu, l'Arriviste. Vous qui ne savez pas vous battre correctement, vous allez servir à quelque chose. Transportez moi ça jusqu'à une cellule du premier sous sol. Faîtes en sorte qu'il reste vivant. Je veux l'achever moi même à mon retour.


– A voz ordres, zef ! Tout ze que vous direz, ze le ferai ! lança le Ninja d'Or Arriviste en attappant le pied de Sasuke.


– Bien, répondit son chef. Il est temps d'accomplir cette mission.


Il traversa le long couloir, jusqu'à de nouveau voir la lumière. Dehors, les combats avaient également cessé. Les cinq chevaux, chargés de caisses, broutaient patiemment en attendant qu'on leur donna l'ordre de partir au galop.


– Vous avez terminé ? demanda t-il à ses quatre hommes qui l'attendaient.


– Oui regardez, les ennemis sont là, répondit le Ninja Armure Eau.

Il présenta un pan de mur de la forteresse de pierre. Trois grandes taches rouges obscurcissaient l'endroit. Au pied de celles ci se trouvaient le Ninja Armé, le Ninja Blanc, et le Ninja Cramoisi. Mais ces couleurs ne signifiaient plus rien. Tous étaient écarlates, recouverts du liquide rougeâtre qui se vidait de leurs vaines. Aucun ne bougeait d'un pouce.


– Oh. Quel technique avez vous utilisé pour les mettre dans cet état ? demanda le maestro ninja.


– L'Art Ninjitsu du Scellement des Ombres, expiqua Ninja Armure Feu. Aucun n'a résisté à cette attaque.


– Ils devaient être forts pour que vous ayez besoin de sortir une technique interdite. Enfin peu importe. Sortez le de la caisse.


Le Ninja Armure Terre s'approcha de l'une des quelques caisses en bois présentes non-loin de l'entrée de la forterresse et l'ouvrit. A l'intérieur se trouvait le Chambellan Des Six Samouraïs, bailloné et recroquevillé de manière à rentrer dans le réceptacle.


Il n'avait jamais été dans la forteresse, contrairement à ce que pensaient Sasuke et les samouraïs. A peine entrés dans celle ci, ils étaient tombé dans le piège, et avaient signé leur arrêt de mort. Ils avaient échoué sur toute la ligne.


Hanzo accrocha l'otage à sa monture, et grimpa à cheval à son tour. Ses hommes firent de même.


– En route pour le Château De Brume De Shien, déclara t-il. La gloire sera pour notre clan.


Ils ne pouvaient pas savoir qu'à quelques kilomètres de là seulement, dans les plaines, le Grand Maître des Six Samouraïs se dirigeait lui aussi en direction du fief Shien. Pour en découdre définitivement avec l'homme à la tête du Régime.


Quoi qu'il en soit, les cinq destriers s'en allèrent au loin.


Ca y est. Ils étaient partis. L'homme resté en retrait sourit. Les conditions étaient maintenant optimales pour intervenir. Il sortit des buissons où il était caché, et avança vers les ninjas étendus contre la forteresse.


– On dirait qu'ils sont encore en vie….Je vais m'occuper de vous.


Plus aucun ninja du clan Sasuke n'était en état de lutter. Il ne restait plus que les samouraïs.


D'ailleurs, le combat entre Zanji, Irou, Yariza, Nisashi, et le Ninja Armure Lames était sur le point de commencer.


– J'ai déjà affronté certains d'entre vous dans la clairière, se rappela le ninja. Je peux vous dire qu'avec votre niveau, vous n'avez aucune chance contre moi. Rendez vous, et il n'y aura pas de massacre inutile.


– Je vais l'attaquer de front, glissa Nisashi à ses camarades, en ignorant la tirade de l'ennemi. C'est la responsabilité des ainés que de prendre des risques. Ensuite, pendant que je l'occupe, vous lui ferez la peau !


Les autres approuvèrent. Sans attendre d'avantage, le samouraï vert dégaina ses deux armes.


– Haaa !


– Une attaque frontale ? Ridicule….


Le ninja sortit ses deux lames, et avec chacune d'elle para un des coups adverses. Le samouraï grogna. Mais c'était ce qui était prévu dans le plan. Les deux autres allaient maintenant fondre sur lui et….


– ?!


Sans comprendre ce qui lui arrivait, Nisashi fut projeté violement en arrière. Il eut juste le temps de voir la jambe du Ninja Armure Lames se lever : celui ci lui avait en fait assené un coup de pied dans le torse.


Il était maintenant libre de tout mouvement, et prêt à recevoir l'assaut des autres samouraïs. Irou se jeta sur lui à tout vitesse. Il contre l'attaque. Zanji tenta égalment de l'atteindre avec sa lance de l'autre côté, mais ce fut un échec.


– Il…il est trop fort ! constata ce dernier.


– Je vais riposter.


Le ninja déploya ses lames. Avec une violence inouïe, il transperça l'armure du lancier de toute ses forces avec le tranchant d'une de ses épées. Il réserva la seconde à Irou. Celui ci vit le coup venir, mais ne put esquiver entièrement l'assaut. Le pointe de la lame effleura son torse, suffisamment toutefois pour entailler légèrement le samouraï. Il fut distabilisé, le ninja en profita. Il s'élança, donna un coup de pied, le même que pour Nisashi. Le samouraï violet vint violement le rejoindre sur les dalles de pierre.


– Ah…c'est fini ? Il va falloir faire le ménage….railla Armure Lames.


En effet, trois des samouraïs jonchaient déjà le sol. Blessés, ensanglantés même. Ils essayèrent de se relever pour continuer à lutter, mais en vain. Ils ne pouvaient pas continuer plus longtemps.

Yariza…..chuchota le samouraï vert en tremblant, cloué au sol devant son camarade. Fais lui…re…gretter….


– Tiens, il en reste un ? remarqua le shinobi. Finissons en.


Yariza n'avait pas prononcé un mot depuis le début du combat. Il n'avait pas bougé non plus, alors même que ses camarades se faisaient laminer. Il était resté calme. Mais là, s'en était trop. Piégé dans cette pièce, entre quatre murs de pierre, il était seul devant ses amis ensanglantés, entre la vie et la mort. Il ne pouvait plus se contenir. Ses pulsions….il le sentait, elles remontaient…..


– Alors, tu viens, lavette ?


Résister….Garder son calme…


– Serais-tu lâche ? Le ninja s'approcha d'Irou, placé devant lui, et commença a lui donner des coups dans le dos avec sa jambe droite.


Résister….résisit…Oh, et puis tant pis. C'était trop fort, il ne pouvait plus lutter. Yariza sentit déferler en lui ce divin sentiment qu'il avait trop longtemps enfoui au fond de son cœur. L'une après l'autre, les pulsions destructrices remontaient. Ses yeux s'injectèrent de sang. La violence…plus personne n'était là pour le raisonner, l'encadrer, le contrôler. Il allait pouvoir se libérer son véritable potentiel. Pauvre Ninja Armure Lames. S'il savait ce qui l'attendait…



Chapitre 17 : Le ninja neutre



Spoiler :



Le jeune homme regarda les cinq cavaliers partir au loin avec le Chambellan Des Six Samouraïs. Bon, il allait enfin pouvoir agir. Il était maintenant seul devant la forterresse d'Hanzo. Seul, avec les trois ninjas de Sasuke étendus contre la façade nord de l'édifice, à l'article de la mort. Lentement, il s'approcha du petit groupe, et s'accroupit devant le plus proche des trois, le Ninja Cramoisi.


– Je vais m'occuper de vous, déclara t-il.


Il sortit de sa sacoche un petit flacon dont il hotta le bouchon. C'était un Médicament Rouge, qu'il tendit au shinobi.


– Bois ça. Ca ira mieux après.


Le liquide coula tant bien que mal à travers la bouche du blessé, qui toussotât un peu. Le jeune homme répéta alors l'opération avec ses deux camarades, le Ninja Armé et le Ninja Blanc. Leur état était critique, ils avaient perdu beacoup de sang. Il sortit des bandages de sa sacoche, et tenta comme il le put de panser les plaies des trois hommes, et de les recouvrir du tissu blanc.


Un à un, les ninjas se réveillèrent.. Sans doute un effet du médicament. Pendant ce temps, le garçon terminait de leur effectuer des soins.


– Toi, qui es-tu ? demanda brusquement le Ninja Armé lorsqu'il remarqua l'individu qui s'affairait le long de sa jambe.


– Oh, vous êtes réveillés ? Et moi qui comptais vous soigner et filer avant que vous ne repreniez connaissance….


– Qui est-tu ? répéta l'autre. Pourquoi te préoccupes tu de nôtre condition physique ?


– Bon, je suppose que je n'ai pas le choix, soupira le garçon avec un demi sourire. Je vais devoir me présenter. Vous pouvez m'appeler Goe Goe, je suis ninja tout comme vous.


– Ninja ? C'est vrai que ta tenue rouge rappelle celle des shinobis. Mais je ne te connais pas. Tu es une nouvelle recrue du clan Hanzo ?


– Non.


Le garçon se leva, il avait fini de recouvrir les blessures.


– Ce n'est pas possible. Il n'y a que deux clans de ninjas. Tu n'est pas des nôtres, tu es donc forcement chez l'ennemi.


– Je n'ai pas de clan. Je vis juste avec mon maître.


Les hommes de Sasuke se regardèrent. Etait-ce seulement possible ? Ou alors, cela faisait partie d'une ruse de l'ennemi ? Impossible, il n'aurait eu qu'à les achever si il l'avait voulu, et non à les réanimer. Il devait donc dire vrai.


Ils avaient retrouvé une certaine vitalité grâce au médicament, mais ne pouvaient toujours pas bouger à cause de leurs blessures. Adossés contre l'entrée de la forteresse, ils ne pouvaient plus se résoudre qu'à interroger leur mystérieux sauveur, ce garçon brun et souriant, plus jeune qu'eux, qui tournait maintenant les talons vers l'entrée de la base.


Goe Goe, c'est bien ça ? interpella le Ninja Blanc. Pourquoi être venu ici ? Quelle est l'objectif que tu poursuis ?


– Rééquilibrer les forces, ou quelque chose comme ça, marmonna le jeune homme d'un air détaché, sans même prendre le temps de se retourner.


Il allait pénétrer dans le bâtiment, mais s'arrêta quelques instants.


– Les autres ont peut être besoin de moi à l'intérieur, dit-il. Je vais leur apporter mon soutien. Nous bavarderons de tout cela à mon retour, lorsque l'on sera tous réunis.


Il disparut alors dans l'obscurité du long couloir de pierre.


Goe Goe courut, aussi vite qu'il le put, pour retrouver la trace de Sasuke et des samouraïs. De sa cachette, il avait vu entrer le petit groupe, mais n'avait absolument aucune idée d'où les trouver à l'intérieur. Heureusement, seul un couloir étroit se présenta à lui. Il le traversa aussi vite qu'il le put, pour compenser le tems perdu à prendre soin des autres ninjas, jusqu'à arriver devant une intersection. Le choix fut facile : le chemin de gauche était condamné par une lourde palissade de bois, tandis qu'une flaque de sang se prolongeait en direction du chemin de droite.


Du sang. Le combat avait déjà pris de l'ampleur, apparemment. Goe Goe suivit les traces, toujours aussi vite qu'il le pouvait. Il espérait ne pas arriver trop tard. Enfin, il aperçut deux petites silhouettes, qui transportaient un troisième homme le long du couloir. Dans leurs bras, le Maestro Ninja Sasuke lui même, entaillé sur toute la largeur du corps. Il respirait difficilement.


– Hiii ! Il y en a un de plus que prévu ! gémit Ebisu qui venait d'apercevoir Goe Goe.


– On….on se rend ! Pitié, épargnez nous ! lança le Ninja d'Or Arriviste en levant les mains en l'air, lâchant par la même occasion le Maestro Ninja.


Il ne savait pas se battre, et voir un ennemi foncer sur lui à toute vitesse avait suffi à le faire capituler. Ebisu fit de même.


– Où sont les samouraïs ? Cria violemment le shinobi rouge et jaune, qui avait perdu son sourire de tout à l'heure. Il écarta violement les deux ennemis inoffensifs, et attrapa Sasuke qu'il plaça sur son dos. Les sous fifres tremblaient de peur.


– OU SONT LES SAMOURAIS ?!


– Euh, c'est la palissade, là bas…montra le petit ninja obèse.


Sans en écouter d'avantage, Goe Goe fit demi tour. Il avait remarqué cet endroit à l'aller. Et dirigea rapidement. D'un violent coup de pied , il défonça la barrière de bois et atterrit dans une pièce carrée, où devaient se trouver les samouraïs. Qu'allait-il y trouver ?


Un carnage. De tous les hommes présents dans la pièce, seul un était debout. Les autres étaient étendus au sol. Goe Goe s'approcha dans un premier temps du dernier survivant. Il s'agissait d'un samouraï, qui semblait essoufflé.


– Uh….uh….uh…..


– Tu fais partie des six samouraïs ?


Yariza se retourna. Il avait un regard si particulier que le ninja en frémit. Des yeux injectés de sang, des pupilles dilatées, qui ne reflétaient aucune émotion. Il était fatigué, nerveux, toussait et riait en même temps, paraissait au bord de la folie. Il se rapprocha de Goe Goe, arme en main.


– Uh…encore un….je vais te réduire…… en pièces….


Il ne plaisantait pas. Ce n'était plus un samouraï, mais un être violent, dénué de raison. Son corps était animé de spasmes, une aura indescriptible se dégageait de lui. Il semblait véritablement n'être plus que l'ombre de lui même.


– Attends, je ne suis pas ton ennemi.


Yariza leva son arme, et l'abattit sur le ninja. Sur ses gardes, ce dernier parvint aisément à parer l'attaque. D'autant que les gestes du samouraï dément étaient rapides, mais peu précis.


– Attends….derrière toi, c'est….murmura le guerrier.


Il avait enfin remarqué Sasuke, toujours sur le dos de Goe Goe. Il s'arrêta un instant, en proie au doute.


Yariza, calme toi…il dit vrai….

Sous l'effet du Médicament Rouge, que lui aussi avait reçu, le maestro ninja commençait à se reveiller.


Le samouraï tomba à genoux. Alors c'était vrai. Ce ninja était un allié. Leur équipier confirmait…Et lui, il allait lui réserver le même sort qu'au Ninja Armure Lames….Quelle folie !


– Uh……………..Uh…………….Uh.


Yariza commençait à reprendre son souffle. Il s'allongea au sol, dans un mélange de sang et de crasse, et ferma les yeux. L'aura menaçante qui l'entourait disparut progressivement, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une trace. Il ne tremblait plus. Une petite larme se dessina le long de joue, tandis que les deux ninjas se rapprochaient doucement de lui.


– Qu'ai je fait…murlura t-il. Qu'ai je fait….


– Ne t'inquiète pas…c'est terminé maintenant.


Maintenant que toute menace était écartée dans la pièce, Goe Goe put aller rejoindre les samouraïs blessés. Il déposa Sasuke à côté de Yariza. Tout comme ses hommes, il avait repris conscience mais restait grievement blessé.


– C'est mon dernier flacon. J'espère que ça suffira…


Le jeune shinobi administra ce qui restait de potion à Zanji, Irou et Nisashi. Ces derniers, blessés durant le combat, gisaient inconscients dans divers coins de la pièce. Leurs blessures étaient moins graves, leur armure les avaient protégé des coups du Ninja Armure, à l'exeption du samourai aux cheveux longs, qui avait encaissé une charge d'épée de plein fouet. Les deux autres, hors de danger, se reveilleraient , et même marcheraient, surement d'ici peu.


– Mais au fait, demanda Goe Goe, où est passé l'ennemi qui les a mis dans cet Etat ? Je ne le vois pas…il s'est enfui ?


– Au fond….murmura Yariza, qui se leva en direction de l'endroit qu'il indiquait.


Il était maintenant très calme, trop calme même. En marchant à ses côtés, son nouvel allié crut remarquer des sueurs froides le long de son cou. Ils arrivèrent bientôt dans le recoin le plus sombre de la salle, que les lumières des torches éclairaient à peine.


Le Ninja Courageux pavint enfin à distinguer le cadavre du Ninja Armure Lames. Ce fut d'abord le bras droit qu'il apercut. Machinalement, il suivit le prolongement du membre pour découvrir le reste du corps. Mais il n'en fut rien. Le bras avait littéralement été arraché, tranché violement d'un coup de lame. Plus loin, ce fut un autre bras. Lui aussi avait connu le même sort. Arraché. Sectionné. Avec une précision déconcertante, comme si le boucher qui avait fait cela s'était appliqué pour que la coupure soit la plus droite possible.


Au loin, le reste du corps gisait dans une flaque de sang. Les jambes et le buste, restées ensemble, avaient été entaillées par les lames même du ninja. Celles ci étaient d'ailleurs plantées au plus profond de sa chair, formant une croix par leur intersection, le long de ses deux poumons. Le sang coulait toujours, lentement, comme un robinet que l'on aurait mal fermé. Seule la tête semblait intacte.


– Mais qu'est ce que ?! s'exclama Goe Goe, qui ne put s'empêcher de détourner les yeux de cette horeur.


Yariza ne répondit pas. C'était lui qui avait fait ça, Goe Goe le savait. Le samouraï tentait de garder son calme, mais semblait nerveux. Il cachait maintenant son visage dans le creux de sa main, mais le jeune ninja put apercevoir ses yeux à travers ses doigts. Ils reflètaient un terrible effroi, au moins égal à l'horreur de la scène.


Yariza, tu as…….


– Ne parle de cela à personne, lança t-il d'un ton menaçant. A personne. Dépêchons nous, les autres vont bientôt se réveiller. Je veux avoir quitté cette maudite salle et ces horreurs avant.



Chapitre 18 : La volonté du maitre



Spoiler :



Les chevaux galopaient dans les plaines, le long du sentier. Au loin, le soleil commençait à décliner, il devait être au moins 18 heures maintenant. La forteresse et les forêts de l'Est semblaient bien loin désormais. D'ailleurs, on commençait à apercevoir le Château De Brume De Shien de là où ils étaient.


C'était fini. Il avait réussi. Hanzo en avait la conviction. Il n'y avait plus personne pour le retenir. Les samouraïs, les ninjas rivaux, tous avaient été retenus, voire éliminés, dans son antre. Sinon, ils auraient été à sa poursuite. Le piège avait donc fonctionné.


– Arrête toi, Hanzo.


Un homme, surgi de nulle part, le barra la route. Les chevaux des ninjas armure Vent, Eau, Terre, et Feu s'arrêtèrent brusquement. Celui du maestro ninja fit de même.


– Je ne lui ai pourtant pas donné d'ordre ! s'exclama t-il.


Etait ce à cause de l'inconnu que la monture s'était arrêtée d'elle même ? Il n'avait pourtant l'air d'être qu'un simple voyageur, couvert d'une cape trop grande, qui maintenait son corps et son visage dans l'ombre. Il allait passer son chemin, mais le mystérieux homme l'interpella de nouveau.


– Aurais-tu peur ? Je t'ai dit de t'arrêter, Hanzo.


– ……Tu connais mon nom ?


– Je suis surpris que tu ne reconnaisses pas ma voix, fit remarquer l'homme capuchonné.

Il retira la couverture. En dessous, un guerrier vêtu d'une armure noire. C'était un ninja. Vieux. Masqué. Hanzo le reconnut immédiatement.


– Vous ? c'est impossible !


– Si, Hanzo. C'est bien moi. Avec Sasuke, vous êtes allés trop loin. Alors, je te le redemande, arrête toi. Je suis venu mettre un terme à cette folie.


– Rassurez vous, samouraïs, mon maître va mettre un terme à cette folie ! assura Goe Goe, exactement au même moment.


Il allait enfin sortir de la forteresse, avec à ses côtés Yariza, Irou, Zanji, Nisashi, et le Maestro Ninja Sasuke. On les avait évacué de l'horrible salle où ils avaient été fait piégés, puis ils s'étaient réveillés tour à tour, dans le couloir qui les menait à l'entrée.


Les dégâts étaient toutefois lourds : Nisashi avait reçu des coups de pieds violents et ne pouvait plus se déplacer, Irou et Zanji s'en sortaient plutôt bien, avec des blessures superficielles, mais le chef des ninjas, lui, était grièvement blessé et tenait à peine debout.


– Les voilà !


Les trois hommes de Sasuke leur faisaient face. Ils n'étaient guère dans un meilleur état que leur maître. Mais il n'étaient pas seuls. Au contraire, ils étaient allongés dans une petite charette de bois. A leurs côtés, Yae, Yaichi, Kamon.


– Mais qu'est ce que ? s'étonnèrent les samouraïs.


– Ils étaient plus ou moins rétablis et voulaient venir en renforts, expliqua la kunoichi. Mais on semble être arrivés après la bataille.


En effet, il n'y avait plus trace de l'ennemi. Cela devait un quart d'heure que les cavaliers s'étaient enfuis. De toute façon, il n'y avait qu'un seul chemin, dont la forteresse était l'aboutissement. Il suffisait de remonter le sentier dans l'autre sens pour suivre leur trace.


Soudain, Yae appercut Sasuke.


– Toi aussi ? Mais que t'es t-il arrivé ? s'écria t-elle en le prenant délicatement dans ses bras.


– Ne t'en fais pas…répondit le blessé. Ce n'est rien. Ces hommes m'ont aidé dans la forteresse, ce sont des alliés dignes de confiance. J'aurais été dans un bien pire etat si ils ne m'avaient pas secouru.


– Vraiment ? dit-elle en considérant le quatre samouraïs et Goe Goe, alignés devant elle.


– Je te le garantis.


– Alors voilà ce que l'on va faire, poursuivit-elle. Pour cette fois, nous allons vous aider. Le clan Sasuke doit effectuer un repli stratégique. Si vous voulez poursuivre Hanzo, vous n'aves qu'à suivre le chemin, là bas. Toujours tout droit. Il s'éloigne de la forêt et se dirige vers le Château De Brume. En gage de bonne volonté, je vous confie cette charrette et ce cheval. Transportez y vos blessé, et dépêchez vous de rejoindre le ninja noir. Nous volerons des chevaux encore à l'intérieur de cette base pour rentrer.


Zanji regarda solennellement la femme ninja. La situation avait bien changé depuis ce matin, où elle le maintenant attaché dans la cabane de la clairtière. Elle était maintenant seule, affaiblie, et clamait son aide.


– Je vous remercie. Nous irons.


Il restait trois chevaux dans l'écurie de la forteresse.. Surement ceux d'Ebisu du Ninja d'Or Arriviste, et du Ninja Armure Lames. Ils n'en aurait plus besoin maintenant.


Zanji et Yariza, les plus en forme, prirent chacun un destrier, tandis que le maestro ninja se hissa tant bien que mal sur le troisième. On accrocha la charrette à l'un des animaux, et les quatre autres samouraïs furent placés à l'intérieur. Yae, elle, resta sur le cheval qui l'avait amené ici.


– Allons y, Sasuke. Souhaitons leur bonne chance, mais ne les retardons pas d'avantage. Chaque minute compte.


– Attends, fit le shinobi.


– Quoi ?


– Je vais les suivre, assura t-il.


– Pardon ? Tu as vu ton état ?


– J'ai pris ma décision. Ils peuvent nous assister, mais ceci est le combat de notre clan. C'est à moi de régler une bonne fois pour toutes mes différents avec Hanzo.


Elle tenta de s'y opposer, de résister. De lui dire qu'il avait tort, qu'il devait battre en retraite et se reposer. Mais au fond d'elle, elle savait. Elle savait qu'il y avait des choses comme ça, contre lesquels on ne pouvait pas lutter. Même si il devait y mourir, il irait. Sa volonté ne pouvait être arrêtée. Sasuke s'approcha de sa femme une dernière fois, et la serra dans ses bras.


– Je reviendrai bientôt, murmura t-il à son oreille. Elle ne put s'empêcher de retenir une petite larme.


– Samouraïs, allons y, déclara t-il. Et aussitôt, les chevaux et la charrette se mirent à avancer.


– Eh, attendez moi, lança Goe Goe, à la traine. Je n'ai pas fait toute cette route pour être mis sur le carreau !


Il sifflota. Un cheval blanc, son cheval, apparut de derrière les arbres. Il l'enfourcha rapidement, et rejoignit le petit groupe déjà au galop.


La nuit commençait à tomber. Le dernier face à face allait bientôt avoir lieu.


De son côté, le Grand Maître des Six Samouraïs avançait lui aussi dans les plaines. Fatalement, ce qui devait arriver arriva. Son propre sentier le mena à la rencontre de Hanzo et de ses hommes.


Il faillit passer son chemin. Des inconnus le long de la route, à quoi bon s'en préoccuper lorsque l'on était aussi pressé que lui ? Toutefois, il jeta un coup d'œil aux individus en question, par simple curiosité. C'étaient des ninjas. Cinq ninjas en cheval, qui faisaient face à un sixième au sol. Or c'étaient également des ninjas qui avaient enlevé Kageki dans la nuit. Et si….


– Halte ! gronda t-il en s'avançant vers eux. Etes vous….


C'est là qu'il le vit. Le Chambellan Des Six Samouraïs, ligoté au dos d'un homme en noir, sur une des montures.


– Vous allez regretter de vous en être pris à mon ordre…


Il ordonna à son Coursier D'ébène Légendaire de foncer à toute vitesse vers le kidnappeur. Les autres chevaux, à l'arrêt, ne purent réagir. Avec la violence de l'impact, des coups de sabots dans le flanc de sa monture, le maestro ninja vacilla à terre, entrainant sa cible dans sa chute.


– Qui es tu ? gronda t-il en se relevant rapidement. Que me veux tu ?


D'un signe de bras, il fit signe à ses ninjas armures de ne pas intervenir. Lui dégréna sa propre épée.


– Je suis le maître des samouraïs. Je vais te faire regretter ce que tu as fait, répéta le vieil homme.

Le chef ninja regarda rapidement son otage. Le maître de six samouuraïs ? Et lui, qui était il dans ce cas ?


– Je te reconnais…fit le vagabon, qui sortit soudain de son silence. Tu es Kizan, le samouraï, n'est-ce pas ?


Le samouraï borgne considéra son nouvel interlocuteur. Rares étaient ceux qui connaissaient son nom. Il regarda mieux son armure, tenta de mieux décerner son visage abimé par le poids des années, et en tira un certain souvenir. Il avait déjà connu cet homme. Oui…dans sa jeunesse. Au cours d'une mission au cours de laquelle samouraïs et ninjas avaient dû s'allier pour faire une cause commune. A l'époque où les choses n'étaient pas si complexes, où il n'y avait qu'un seul clan de ninjas…


– Tu es le Ninja Argent Émérite ? demanda le maître au vagabond.

Le vieux shinobi eut un petit rire.


– Je vois que le temps s'est écoulé, mais que les souvenirs perdurent…Mon vieil allié. Pardonne ce petit, il est mon disciple, mais il commet beaucoup de vagues ces derniers temps…je vais remettre les choses en place.


– Je ne suis plus votre disciple depuis bien des années, rétorqua Hanzo. Le temps du clan unique, où Sasuke et moi vous obéissions, est révolu. Vous avez pris votre retraite. Et nous notre indépendance. Alors pourquoi, alors que vous êtes resté caché des années durant, tandis que nous nous querellions tout les deux pour l'influence, ressortir votre armure et venir nous faire la morale sur la politique de nos clans ?


– Parce que vous allez trop loin. Pendant tout ce temps je n'ai cessé de vous observer. D'abord par moi même, puis par l'intermédiaire de mon nouveau disciple, Goe Goe, que vous ne connaissez même pas. Et il m'a rapporté que vous aviez conclu un marché avec ce tyran de Shien. Je ne pouvais l'accepter, ni vous laisser faire. Les ninjas ne sont pas de vulgaires larbins que les Shogun utilisent. Nous avons un honneur, que vous êtes aussi bien l'un que l'autre en train de bafouer. Du temps des Shiranui….


– Le temps des Shiranui est révolu ! coupa l'élève. Finalement, vous êtes comme Sasuke. Je discutais justement de cela avec lui, avant de lui faire mordre la poussière. Votre pensée appartient au passé. Lui aussi était contre ce défi que nous à lancé le Grand Shogun Shien. Mais je ne lui ai pas laissé le choix. Et nous les vieux frères, nous nous sommes entretués pour de bons.


Il marqua une pose. Personne n'éleva la voix. Il poursuivit :


– Je sais ce que vous allez me répondre. Que s'en prendre à ses vieux frères par soif de pouvoir, c'est mal. Que je ne suis qu'une ordure. Mais peut m'importe cela. Car bientôt, j'aurais ce que tu n'as jamais eu : le pouvoir.


– Nous n'avons donc plus rien à nous dire, constata le Ninja Argent Émérite. Laissons les armes parler pour les guerriers que nous sommes. Il dégaina lui aussi son sabre, et s'élança vers Hanzo.




Chapitre 19 : Hanzo et Sasuke



Spoiler :



Sabre en main, le Ninja Argent Émérite s'élança vers son élève. Mais Hanzo, qui avait anticipé cette frappe, était déjà en train de composer des mudras avec ses mains. Le maitre reconnut immédiatement les signes.


– Les techniques interdites ! Tu n'as quand même pas osé ?!


Art Ninjitsu Armure de Brume de Rouille ! cria son adverse en guise de réponse.


Il posa la main au sol. Instantanément , une vague surgit de la terre à toute vitesse, et manqua d'engloutir le maître ninja.


Le maître ninja se surprit lui même à avoir peur. Cette technique, il ne la connaissait pourtant que trop bien. C'était lui qui l'avait mise au point, comme tous les autres arts du ninjutsu. Lui, le tout premier ninja de la région, celui qui avait donné naissance aux codes shinobis, en s'inspirant de ce qui se faisait dans les pays voisins. Lui, qui avait au prix d'un long entraînnement, élaboré et recensé dans son parchemin d'Arts Ninjitsu Armure d'Alchimie, tout le savoir, toutes les techniques qui faisaient d'un homme un combattant invincible. Des techniques, jugée par la suite dangereuses, qu'il avait fini par interdire à ces élèves.


Hanzo avait volé le parchemin. Et maintenant, il l'utilisait contre lui.


Art Ninjitsu de la Duplication !


Déjà, une autre technique venait suivre la première. A cause de la vague, le vieux ninja avait du reculer. C'est à ce moment précis que le shinobi noir, accompagné de deux clones, fonça sur lui. C'était mauvais. Il perdait du terrain. Si il ne réagissait pas, il allait être vaincu. L'élève aurait surpassé la maître. Mais ça, il ne pouvait pas le permettre. Il était le dernier rempart, la dernière figure de l'autorité dans le monde des ninjas. Le mythe fondateur personnifié, la figure qui ne devait en aucun cas être mise à mal. Jamais il ne perdrait contre lui. Jamais.


– Je voulais te ménager. Mais tu ne me laisses pas le choix.


Il cessa de reculer. Il fallait arrêter les attaques des trois répliques d'Hanzo. Son sabre heurta violement leurs kunais. Sa lame glissa lentement vers le premier clone. D'un seul coup sec, elle s'enfonça dans son thorax. Aussitôt il disparut, ne laissant derrière lui qu'un fagot de bois entaillé.


Le second duplicata lui sauta dessus par derrière. Nullement impressionné, il se contenta de se baisser; le coup de kunai de l'autre lui passa au dessus de la tête. A découvert, le clone ne put que recevoir sa lame en plein ventre, et lui aussi se transforma en une buche de bois. Il ne restait plus que l'original.


– Pourquoi n'utilisez vous pas vous aussi des techniques ? grogna ce dernier. Vous pensez que je n'en vaut pas la peine ? Je vais vous faire ravaler votre fierté….Tant que vous êtes là, vous qui incarnez le passé, je vais vous détruire pour mieux construire le futur !


Son propre élève…A ce moment, le Ninja Argent Émérite comprit que le problème était bien plus sérieux qu'il ne le pensait. Sasuke et Hanzo. Hanzo et Sasuke. Ses apprentis….Presque des fils pour lui….Comment avaient-ils pu en arriver là ?


De son côté, le Maître des Six Samouraïs arrivait enfin devant le Chambellan, toujours ligoté au sol depuis qu'il avait été désarçonné.


– Kageki….je vais te libérer.


Il trancha rapidement les liens du vieux guerrier. Ce dernier semblait exténué. Il avait été capturé en plein sommeil, battu, ligoté, capturé de nouveau, enfermé dans une caisse, puis promené en cheval, avant d'être abandonné sur le bas de la route, le tout en une seule journée. Du repos…enfin, il avait regagné sa liberté.


– Kageki !


Il était tombé inconscient. Sans doute était-ce du au relâchement de la pression. Mais maintenant, le Grand Maître était seul face aux quatre ninjas armures. Soit, il faudrait se battre aussi.


– HANZOOOO !


Un cri perçant interrompit brusquement les belligérants. Ils se tournèrent tous dans sa direction : un convoi de trois chevaux et une charrette fonçait sur le petit chemin, droit vers eux. A l'intérieur, Sasuke, Goe Goe, et l'ensemble des Six samouraïs.


– Vous ?!


Le petit groupe ralentit à proximité. Sasuke s'avança le premier, tittubant. Il était mal en point, cela crevait les yeux. Ses plaies étaient à peine cicatrisées. Il avait retiré son masque, et regardait l'autre maestro ninja de ses yeux perçants.


– Tu es dans une état regrettable, mon disciple, remarqua le Ninja Argent Émérite.


Mais l'apprenti ne prêta pas attention à son mentor. Il savait déjà qu'il serait là, Goe Goe lui avait tout expliqué en chemin. Non, il ne voulait pas perdre de temps dans des retrouvailles. Il y avait plus urgent.


– Tu te rappelles, Hanzo ? Tu disais que ce conflit serait le dernier. Alors….il faut que l'on règle nos différents définitivement ce soir.


Le ninja noir ne sut comment réagir. Quoi ? Etait ce une déclaration de guerre de la part de cet homme, à bout de forces ? Alors que lui était à l'apogée de sa puissance ? L'homme en face de lui n'avait plus rien d'un chef de guerre. il était faible, presque mourant, misérable. Et pourtant, il avait tout ce chemin pour venir lui tenir tête encore une fois. Etait-il devenu fou, ou juste inconscient ?


Sasuke, avança doucement, jusqu'à se tenir proche de son rival. Il le fixait toujours, droit dans les yeux. Mais quelque chose dans ses pupilles avait changé. On y trouvait une lueur, une étincelle qui semblait brûler au plus profond de son âme. Le feu de la détermination, de la volonté d'en finir définitivement.


Personne n'osa intervenir. Les combats n'avaient pas repris, et le silence était retombé dans la plaine. Même les ninjas armures avaient stoppé leur intervention, faute de directives de leur chef. Les samouraïs étaient lentement sortis de la charrette à leur tour, pour rejoindre leur maître.


– Ah, vous voilà, confia celui-ci. Laissez moi examiner vos blessures.


– Que se passe t-il ici ? demanda Zanji. Pourquoi n'êtes vous pas au temple ? Pendant ce temps, ses camarades avaient formé un cercle, pour éviter une offensive des ninjas armure.


– Nous verrons cela plus tard, rétorqua le vieil homme. Regardez plutôt. Ces plaines seront le théâtre d'un duel qui restera dans l'histoire des guerriers de notre région.


Le Ninja Argent Émérite prit ses distances également. C'était horrible, mais il n'avait plus les moyens d'arbitrer ce combat fratricide. Ni même de l'empêcher. Il avait pris congé trop longtemps. Peut être même qu'il n'aurait pas du revenir. L'Histoire dont Kizan parlait, ce n'était après tout plus à lui de l'écrire. Il veillerait juste à ce que les Shien n'obtiennent pas satisfaction.


Tous les guerriers s'étaient bientôt écartés pour faire place aux deux combattants, autour des deux combattants. Les deux meneurs, les deux maestro ninjas. Les chefs de guerre, ceux qui décideraient du sort de l'ensemble des ninjas. Hanzo et Sasuke.


– Regarde toi ! railla le ninja noir. Tu veux te battre ? Tu tiens à peine debout !


– Non, rétorqua l'autre. Je veux que ces guerres…cessent. Elles ne nous apporterons rien.


– Le discours d'un perdant, fit-il en sortant un autre kunai.


Il était à sa merci. Cette fois, il ne le manquerait pas. En un ou deux coups, ce serait bel et bien fini.


– Si tu veux mourir…


Il leva le bras et abattît son kunai dans l'épaule de Sasuke. Le tranchant transperça la fine protection de tissu, et perça allégrement la peau, puis la chair du ninja. Le liquide chaud qui s'y trouvait ne tarda pas à jaillir, et à éclabousser son propriétaire le long du cou et du bras.


Pourtant, le shinobi ne cria pas. La douleur, pourtant inévitable, n'avait en aucun cas déformé son visage, et ses yeux gardaient la même intensité qu'un préalable.


– Soit, alors il faudra deux coups pour te faire plier, ajouta Hanzo, bien qu'un peu désemparé. Il prit son dernier kunai, et l'enfonça dans la seconde épaule. La blessure, plus vive encore que les précédentes, déchira la peau du jeune chef qui s'écroula au sol, déséquilibré par les deux armes plantées dans son corps.


– Enfin tu te soumet ! cria son adversaire.


Dans la plaine, tous les spectateurs regardaient le spectacle, effarés et captivés. Mais ce n'était pas encore terminé.


Le ninja noir n'en croyait pas ses yeux. Son ennemi de toujours se redressait fébrilement, malgré les deux kunais plantés dans ses membres. Il se remit debout péniblement, en une trentaine de secondes. Et malgré cela, malgré toute la douleur, tous les coups subis, son regard restait le même.


– Tu veux vraiment m'obliger à ?!


Il n'avait plus d'armes. Mais il lui restait ses bras. Il poussa violemment son ancien camarade, qui s'affala sur la pelouse.


– Mais bas toi ! hurla Hanzo. Je ne veux pas te tuer juste comme ça…pour rien !


– Nous sommes des frères…nous nous sommes déjà suffisamment battus. Pardonne moi,Hanzo, j'en ai pris conscience trop tard.


– Alors, c'est vrai, ricana t-il, désemparé. Tu penses vraiment que je vais m'arrêter, et que nous allons redevenir des compagnons comme autrefois ?


– Oui. C'est ce que je souhaite.



Chapitre 20 : Ninja et ninja



Spoiler :



– Tu crois vraiment que l'on va redevenir des compagnons…comme autrefois ?


– Oui. C'est ce que je souhaite.


Un grand calme dominait la plaine. Seul le souffle du vent venait rompre le silence qui régnait. La nuit était tombée, mais les spectateurs étaient toujours là, rivés sur le terrible spectacle qu'offraient les deux maestro ninja.


Certes, les samouraïs auraient pu partir. Le Chambellan était libre après tout, leur était mission accomplie. Leur présence ici n'avait plus de raison d'être. Pourtant, quelque chose les retenait, sans qu'ils puissent expliquer exactement de quoi il s'agissait. Voir ces deux hommes, apparemment d'anciens frères d'armes, s'entretuer ne les laissaient pas indifférents. Eux aussi resteraient jusqu'à la fin, jusqu'à ce que cette crise soit résolue.


Le Maestro Ninja Sasuke, toujours au sol, regardait la lune. Toujours aussi ronde et brillante que la veille. Il se rappelait qu'il y a tout juste 24 heures, il la contemplait aussi, depuis le Temple des Six. Son éclat doré le fascinait depuis toujours. Une douce lumière s'en dégageait à chaque fois, et les sombres pensées de son esprit se dissipaient l'espace d'un instant.


Ce spectacle lui redonnait des forces. Une troisième fois, il se releva. Les deux kunais enfoncés dans ses épaules pesaient lourd, mais malgré la pression des deux armes, il tint bon. Lentement, recouvert de sueur et de sang, Sasuke, se dressa debout devant Hanzo.


Le ninja noir ne rigolait plus. Il sentait bien que son rival était prêt à aller jusqu'au bout. Alors que le combat était gagné d'avance. Si il avait été en pleine possession de ses capacités, l'ennemi aurait pu l'emporter. Mais sa stratégie, mise en place en une journée seulement, avait ruinée toutes les chances du clan adverse. Au cours de la mission il avait anéanti l'équipe de Sasuke. Il ne restait qu'à le détruire, lui. Lui asséner le coup de grâce. Alors pourquoi hésitait il ?


– Nous sommes tous les deux des ninjas, commença le blessé. Au delà des clans, des rivalités, des affrontements, c'est le même mode de vie qui nous unit.


– …..


– Nous sommes les mêmes, Hanzo. Toute cette violence a fini par m'ouvrir les yeux. Pourquoi nous entretuons nous ?


– …..


– Viens, mon frère, attrape cette main que je te tends, et ensemble construisons un monde meilleur.


Hanzo regarda la main du ninja dirigée vers lui, sans pour autant ajouter la sienne.


– Tu te crois en position de négocier la paix ?


Il fixa Sasuke. Ses yeux paraissaient morts, ils avaient perdu toute l'étincelle qui les faisaient briller il y encore peu. Il ne le regardait même pas. Son regard se baladait sans doute quelque part dans le paysage, entre l'herbe ballotée par le vent et la lune qui brillait toujours dans la nuit.


– Tu n'a donc rien compris, malgré mes efforts….Tu vois encore les choses sous l'angle de la guerre. Alors vas y, fais le. Tue moi. Et, comme nous le souhaitons tous les deux, ce sera enfin fini.

Hanzo dégainait son sabre, et le pointa vers son ennemi.


– Je vais le faire, déclara t-il d'un ton assuré.


Seuls quelques mètres le séparait de Sasuke. Tous les autres retenaient leur souffle. Il se rapprocha d'un pas nonchalant, et brandit sa lame. Sasuke ferma les yeux.


– J'ai gagné ! hurla le shinobi noir.


Il abaissa violement son sabre sur l'autre maestro ninja, d'un coup sec.


Alors ? L'avait t-il tué ? Il avait détourné le visage, certainement par reflexe, pour ne pas être aspergé du sang du lâche. Lorsqu'il se retourna, il vit avec stupéfaction que son bras était toujours en l'air, à quelques centimètres du crâne de Sasuke.


– ?!


Il retenta d'abaisser son arme. Mais il n'y parvenait pas. Son bras tremblait, et ne semblait pas vouloir lui obéir.


– Tu as utilisé une technique de paralysie contre moi ? demanda t-il.


– Non, fit son interlocuteur en ouvrant les yeux. Je n'ai rien fait de tel.


– Mais alors pourquoi…???


Oui, pourquoi ? Hanzo ne comprenait pas. Il avait l'occasion tant attendue de devenir le ninja le plus influant du pays, le plus puissant, et voilà que son bras refusait d'abattre son rival. Il n'y arrivait pas. Qu'est ce que cela voulait dire ?


Les secondes, puis les minutes, passèrent. Aucun des deux belligérants ne bougeait. Hanzo luttait toujours pour bouger son bras, tandis que Sasuke le fixait. Le ninja noir n'osait soutenir son regard.


Hanzo n'arrivait pas à se résoudre à le tuer. Quelque chose au fond de lui, peut être les souvenirs de tous les moments passés ensemble, dans leur jeunesse, l'en empêchait. Mais pourtant, il le fallait. Pour la gloire, pour l'ambition….Seulement, c'était trop difficile. Il n'y arrivait pas.


– Je ne te considère pas comme le chef d'un clan ennemi, dit Sasuke. Seulement comme un ninja.


– Tais…tais toi !


Le sabre dans la main du guerrier se faisait de plus en plus lourde. De la sueur commençait à couler le long de son front.


– Toutes ces années de lutte…. tous ces morts, ces blessés…pour en arriver là ? continua t-il.


– Libre à nous de forger la paix pour laquelle ils se sont sacrifiés, assura l'autre.


Le ninja sombre lâcha son arme. C'était fini. Il ne parviendrait jamais à le tuer, il l'avait compris. Il ne parviendrait jamais à en finir. Il tomba d'un coup à genoux, sans le vouloir vraiment.


Il ne parvenait plus à lutter contre son bras. Il ne voulait plus. Il commençait à fatiguer. Une fois de plus, Sasuke tendit sa main, invitant son ancien camarade à se relever.

Hanzo regarda longuement la main.


– Alors tu es sérieux ? Tu veux vraiment tout arrêter ?


Il avait le sentiment que son destin, le destin de tous les ninjas, allait se jouer ici et maintenant. Il regarda alors son propre bras. Le membre ne tremblait plus. L'apaisement semblait le tenir.


– Je n'ai aucune blessure, et pourtant…je me sens à bout de force….dit il.


La volonté de combattre, de dominer, était toujours forte, mais un autre sentiment grandissait en lui. La lassitude de son adversaire était contagieuse. Lui aussi commençait à se demander si tout cela était raisonnable. Il jeta un œil à ses ninjas armures, qui attendaient toujours le long du chemin. Et si eux aussi devaient mourir dans cette guerre ? Une guerre qui serait à sens unique désormais, avec pour seul but de satisfaire son égo.


– Je suis devenu un monstre, déclara t-il. Il est impossible de faire machine arrière, Sasuke. C'est trop tard.


– Je te l'ai dit. Pour moi, tu es un ninja. Un ninja, tout comme moi.


Il osa alors détourner son regard de la paume de son camarade, pour le regarder de face. Depuis combien de temps ne l'avait t-il pas regardé ainsi, dans les yeux, si profondément ? Les souvenirs rejaillissaient, il revoyait les combats auprès du maître, les jeux, les nuits passées ensemble. Il ne pouvait que constater à quel point il avait changé. Que restait il de l'homme qu'il était à cette époque ? Son ambition avait pris le pas sur tout, seul gagner comptait pour lui aujourd'hui. Etait ce qu'il avait voulu au début, en devenant shinobi ? Quand s'était il égaré ?


La main était toujours tendue. Finalement, il se décida. Après tout, il n'était pas trop tard. Le cercle vicieux des conflits et des représailles n'avait que trop duré, et pouvait encore être enterré. Il tendit le bras à son tour. Les deux mains se rencontrèrent enfin.


Le Ninja Argent Émérite regarda ses élèves, soulagé :


– Ca y est, c'est fini.



Arc Résistance


Chapitre 21 : Deux directions pour un même chemin



Spoiler :



Minuit. Les clans Sasuke et Hanzo s'étaient enfin réconciliés. D'émouvantes retrouvailles, dans lesquelles les samouraïs n'avaient pas leur place.


– Partons, déclara le Grand Maître. Il n'y a plus rien à voir ici.


– Attends, Kizan, fit le Ninja Argent Émérite. Toi et tes hommes avez contribués à la réunification des ninjas. Je ne peux pas te laisser partir comme cela, avec Kageki et tes élèves blessés par notre faute.


– Que proposes-tu, demanda le vieil homme en regardant le Chambellan toujours convalescent.


– Mon repère est à une demi-heure à cheval. Venez donc y passer la nuit.


Il ne put qu'accepter.


Ils arrivèrent en effet, après s'être de nouveau engouffrés dans la forêt, devant plusieurs bâtiments faits de pierre et de bois. On leur en présenta un, dans lequel tous furent installés. Des hommes, qui semblaient être des servants du clan du Ninja Émérite, accoururent bientôt pour s'occupper des invités. On apporta à manger, et on soigna les blessures que Goe Goe n'avait pas pu traiter.


Ce dernier était en train de converser dehors avec les deux autres disciples de son maître, qu'il n'avait jamais vraiment connu auparavant. Les relations entre Sasuke et Hanzo commençaient à se dégeler, ils en venaient à communiquer mutuellement. Avec un peu de temps, les plaies d'années de rivalité devraient progressivement se refermer.


Dans le bâtiment, les six samouraïs se regroupèrent au coin d'un feu qu'on venait d'allumer, sous les yeux attentifs du Chambellan et du Grand Maître. Tous les domestiques étaient maintenant sortis.


– Regardez, décrivit le vieil homme, qui tenait une carte qu'il venait de trouver. Notre royaume est composé de cinq grandes régions. Ici, nous sommes dans la région des Forêts, à l'est. Rien de spécial à en dire, si ce n'est qu'on y trouve des petits villages comme le tien, Zanji. Ou encore notre temple. A l'ouest, les rizières. Une région ou l'on pratique l'agriculture. Il y a également une grande baie et l'océanlà bas. J'espère pouvoir vous y emmener, lorsque la paix sera revenue.


Il marqua une petite pause, puis continua.


– Au sud de ces deux régions, il y a la région des prairies. Sans doute la plus peuplée, celle où les Shien sont le plus présents. Il y contrôlent tout. Tout. Il n'y a que dans la région des Montagnes, au nord de toutes les autres, qui échappe encore à la domination. Vous y êtes déjà allés, quand vous êtes partis à la recherche d'Irou…Et comme vous le savez, il n'y a presque personne qui ne vit là bas.


– Et la cinquième région ? demanda Zanji.


– J'allais y venir. C'est la région centrale. La capitale de l'empire, celle où se dresse le Château De Brume De Shien. Elle reflétait autrefois la beauté et le raffinement de notre peuple, mais est aujourd'hui assujettie au Régime.


– Pourquoi nous en parler maintenant ? demanda Nisashi. D'autant que la plupart d'entre nous savons déjà tout cela !


– Un rappel ne fait jamais de mal, rétorqua le Grand Maître. D'autant que cette fois ci, ces connaissances vont vraiment vous servir.


– Comment cela ?


Le feu crépitait dans la cheminée. Il regarda un à un chacun de ses six élèves, puis son ami Kageki, et hocha la tête.


– Cela fait un certain temps que vous vous entraînez. Cette mission que vous avez accompli après l'attaque des ninjas me laisse penser que nous pouvons passer à la vitesse supérieure.


– Que….qu'entendez vous par là ?


– Vous n'êtes plus des apprentis. Vous êtes de vrais samouraïs. Et de ce fait, vous allez pouvoir accomplir la mission pour laquelle je vous ai regroupé : libérer notre royaume de l'envahisseur.

Ils n'en croyaient pas leurs oreilles. Enfin ! Ils allaient pouvoir se rendre utiles, protéger leurs proches, et regagner leur liberté !


– Tout d'abord, vous rentrerez le Temple des Six, puis vous réfléchirez à un plan d'action.


Un vent d'optimisme souffla dans la pièce. Il y avait de l'espoir. Cet espoir, c'était eux. Ils ne décevraient par le peuple. Pour qu'à nouveau, la légende des six samouraïs devienne vraie.


On se coucha. Demain, il faudrait partir tôt. Et pour les blessés, un peu de sommeil ne ferait pas de mal.


Bientôt, les premiers rayons de l'aube apparurent. Zanji fut le premier des six à se lever. Sans doute parce qu'il était aussi celui qui avait été le plus épargné par les féroces combats de la veille. Quoi qu'il en soit, il se leva rapidement, et se dirigea vers l'extérieur de la petite chambre où on les avait placé. Il ne tarda pas à entendre la voix de son maître, qui semblait discuter avec quelqu'un :


– ……….Oui, je vais le faire.


– Est tu sûr ? Tu devrais au moins leur dire, Kizan.


– Non. Ils ne me laisseraient pas partir. Ceux du temple sont déjà au courant de ma destination. Ils informeront Kageki et mes élèves à leur retour.


– ……Si telle est ta décision…..


– Merci de m'avoir accueilli dans ta demeure, Ninja Émérite. Je vais préparer mes affaires avant que les autres ne se lèvent. Dis leur que je suis parti devant.


Des bruits de pas retentirent alors. Le Grand Maître des six samouraïs entra dans la pièce, avec un air absent. Il se retouva juste devant Zanji, qui n'avait pas anticipé son déplacement.


– Oh, tu es déjà debout, sourit-il . Tu peux encore te reposer, si tu veux. Les autres dorment encore…


– Vous allez quelque part, maître ? demanda anxieusement le lancier.


– Oui, je dois régler une affaire rapidement. Je prends de l'avance, mais on devrait arriver en même temps au temple.


– Je comprends.


Il regarda le vieil homme se préparer, puis enfourcher sonCoursier D'ébène, et partir au loin en direction de l'ouest. Il ne lui restait plus qu'à attendre les autres.


Une demi heure après, tout le monde était debout. L'ambiance joyeuse des journées au temple semblait revenue. Kamonracontait joyeusement des blagues, Nisashi faisait connaissance avec des ninjas, Yariza réparait des flèches amochées.


Pourtant, lui n'était pas bien. Il avait le sentiment que quelque chose n'allait pas avec son maître. Déjà, pourquoi était il là quand ils avaient rejoint Hanzo ? Il devait pourtant les laisser retrouver le chambellan seuls ! Et même si il avait voulu les rejoindre, comment aurait-il su qu'il seraient là, le long de cette route ? Allait-il donc ailleurs avant de les croiser ? Cela donnerait un sens à la discussion surprise plus tôt. Mais si c'était vrai, alors….où ?


Le jeune homme n'arrivait plus à réfléchir. C'était trop d'hypothèses pour pas grand chose, après tout. Il était sûrement rentré au Temple des Six, tout simplement. Comme lui, ses camarades se remettaient de leurs blessures. Ils revêtirent leurs armures, tout en se remémorant leur terrible baptême du feu de la veille, et en parlant de leur future mission.


Lorsque chacun fut préparé, on se rassembla dans la cour de la demeure. Le Ninja Argent, Sasuke et Hanzo les y attendaient.


– Nous vous remercions une nouvelle fois de votre aide, confia le vieux shinobi. En faisant la paix, nous nous sommes certainement attirés les foudres du Régime. Mais nous ne nous laisserons pas faire. Sachez que le jour où la Révolution aura lieu, nous serons à vos côtés.


– Et nous vous en remercions également.


Après quelques salutations, le Chambellan et les samouraïs s'en allèrent.


– C'est par là, fit l'ainé aux élèves, en montrant un sentier à l'est. Nous arriverons d'ici trois heures environ.


Mais ? Le maître était pourtant parti vers l'ouest, il en était sûr ! Il regarda au sol, chose qu'aucun de ses compagnons enthousiastes n'avait songé à faire, et remarqua qu'effectivement les empruntes de sabot les plus fraiches partaient dans la direction opposée. Pourtant, les sept guerriers empruntèrent la route décrite par leur ainé.


Plus il avançait, plus Zanji était convaincu que son maître allait bel et bien dans l'autre direction.


"Il ne me laisseraient pas partir"


Ses mots prononcés par le vieil homme lui revinrent brusquement. Son cheval s'arrêta net.


– Eh bien, que fais tu, Zanji ?


– Je….je crois que j'ai oublié quelque chose dans le repère des ninjas…..,improvisa t-il.


– Pff…Tu nous fais perdre notre temps, lanca Irou.


– C'est bon, dit leur Chambellan . Vas y, puis tu nous rejoindras. Tu n'auras qu'à suivre ce chemin. Toujours tout droit. Nous, nous avançons.


Les chevaux repartaient. Bientôt, il se retrouva seul le long du sentier. Pourquoi avait il menti ? Bien sûr, il n'avait rien oublié là bas. C'était juste pour s'arrêter, prendre le temps de réfléchir. D'un côté son maître, qui allait, il en était convaincu maintenant, dans un endroit dont il ne savait rien. Peut être au devant de dangers importants. De l'autre ses camarades, qui rentraient tranquillement au temple. Qui rejoindre ?


Il prit quelques minutes pour réfléchir, puis prit sa décision. Il tapota le flanc de son cheval, et celui ci partit au galop.


– Désolé, mes compagnons, murmura le lancier. Cette fois ci, je vais y aller en solo. La soif d'aventure m'appelle.


Pendant ce temps, le Grand Maître des Six Samouraïs continuait sa route à quelques kilomètres de là, bien décidé à atteindre le Château De Brume De Shien avant midi.



Chapitre 22 : L'antre du démon



Spoiler :



Zanji accéléra aussi vite qu'il le put. Le chemin défilait toujours plus rapidement, tandis que le soleil se levait dans le ciel. Au fur et à mesure qu'il avançait, les arbres de la Forêt se faisaient de moins en moins nombreux. Le sentier de terre qu'il suivait se pavait progressivement, et quelques bâtiments apparurent au loin. Probablement ceux de la capitale. Il arrivait en effet au bout de la région sylvestre, lorsqu'enfin il aperçut une silhouette familière qui chevauchait devant lui.


Maître ! S'écria le jeune samouraï. Je vous ai retrouvé !


Le vieil homme se retourna, étonné.


– Que fais tu ici ? demanda t-il. Tu devrais être au….


– Oui, j'étais censé partir pour le Temple des Six. Mais je voulais savoir pourquoi vous vous dirigiez dans la direction opposée.


– Tu avais donc compris que je ne rejoignais pas le temple quand je t'ai vu ce matin…murmura t-il.


Il n'avait pas arrêté son cheval, et poursuivait sa route aux côté de son élève.


– Où allez vous ? Pourquoi avoir pris la direction de la capitale ?


– Tu ferais mieux de rentrer, Zanji. Je tiens à toi. Vous avez une mission à remplir tous les Six, après tout.


– Vous n'avez pas répondu à ma question, souligna le lancier.


Le vieil homme soupira.


– Tu ne partiras pas avant de le savoir, hein ? Très bien, je vais te dire. Je vais régler mes comptes avec le Grand Shogun Shien directement, au Château De Brume De Shien.


Parmi les bâtiments visibles à l'horizon, un commençait à émerger. Un manoir traditionnel, aussi immense que macabre. Des Yata-Garasu étaient perchés sur les branches des rares arbres encore présents. Un signe de mauvais augure. Le Maître s'arrêta là.


– Fin de la discussion. J'ai été honnête avec toi, alors pars maintenant. Si tu vas plus loin, les soldats de l'armée Shien vont te repérer. Tu n'as pas encore le niveau pour cela, mon apprenti. Le devoir t'appelle pour organiser la Résistance en région, avec tes compagnons. Je vais m'occuper personnellement de la capitale.


– Vous…vous voulez donc que je vous abandonne ici, alors que le sort du royaume tout entier va peut être se jouer maintenant ?! s'emporta Zanji.


Furieux, il fixait son maître d'un regard plein de détermination, au point de l'en troubler. Ce regard…le maître l'avait déjà vu quelque part…Oui, c'était le même air, la même expression que lui. Il lui ressemblait tellement.


Apres, tout, même si il n'en avait pas conscience, Zanji était directement concerné, songea le vieux samouraï. Mais était-ce une raison suffisante pour risquer sa vie, lui qui était si jeune ?


– DECLINEZ VOTRE IDENTITE !!!! hurla alors quelqu'un.


Trop tard pour fuir. Ils étaient repérés.


– Vous pensiez peut être qu'en restant à une relative distance du Château, vous passeriez inaperçus, lança la même voix rauque.


C'était un Légionnaire, comme celui que Zanji avait pu affronter dans les Montagnes. Il avait la même armure rouge, couleur symbolique des Shien et du sang qu'ils faisaient couler. A ses côtés, une petite dizaine de Fantassins prêts à obéir à ses ordres.


– Je viens voir votre chef, celui qui se fait appeler Shogun, annonça le Grand Maître des Six Samouraïs. Conduisez moi devant lui.


L'officier ne put échapper un ricanement. Il existait donc encore des gens dans ce royaume qui pensaient pouvoir résister à l'autorité du Régime ? Mais d'ici quelques secondes, le vieillard sénile et le rejeton seraient à terre.


Il claqua des doigts. Aussitôt, les soldats singes bondirent sur les visiteurs, arme empoignée. Zanji sortit sa lance, mais fut brutalement arrêté par l'autre samouraï.


– Je m'en occupe, fit le vieil homme en sortant sa propre lame.


Un léger coup de sabre fendit l'air. En un instant, une entaille apparut sur chacun des Fantassins, qui s'écroulèrent au sol.


– Que….? balbutia le Shien, surpris par les reflexes de l'intrus.


Il ne fut pas en reste : le Grand Maître chargea en sa direction, et lui assena une coup dans le flanc avant même qu'il n'ait pu réagir. Il tomba à genoux sous le coup de la douleur.


– Maintenant, mène moi au Shogun !


Mais au lieu de cela, le Shien siffla de tout ses forces. Il regard d'un air provocateur les deux samouraïs, puis enfonça la lame du maître plus profondément encore dans son propre corps. Dans un dernier spasme, il tomba lui aussi au sol. Chez les Shien, si on échouait, on mourrait.

Une dizaine de guerriers à l'armure similaire déboulèrent alors des bâtiments environnants, et entourèrent le Grand Maître. Ils le toisèrent d'un air menaçant, et brandirent leurs armes. La cible en fit autant.


– Arrêtez, ordonna calment une autre voix venu d'un peu plus loin.


Le petit groupe de Légionnaires se tourna en sa direction, et s'inclina unanimement dès qu'il reconnut l'individu.


C'était un homme d'âge avancé, au regard serein. Il n'avait pas d'armure comme les autres, seulement une tenue traditionnelle aux couleurs du Régime. Il s'agissait du Conseiller de Shien. D'un geste, il demanda aux soldats de s'écarter, puis toisa les deux guerriers à travers ses lunettes.


– Vous ! Vous êtes tels que mon seigneur vous a décrit. Veuillez me suivre, il vous attend là haut.


Ils étaient donc attendus. Zanji se rappela alors ce que Sasuke lui avait dit : initialement, c'était le maître et non le Chambellan qu'ils devaient capturer pour les Shien. Rien d'étonnant à ce qu'ils soient "accueillis" dans ces conditions. On ne tenta même pas de leur arracher leur équipement : les Shien savaient pertinemment qu'ils ne tenteraient rien.


L'homme les conduisit jusqu'au bâtiment principal du Château. Là, un grand escalier de bois les attendaient tous les trois. Ils montèrent les étages un à un, sans prononcer mot. Chaque pas les rapprochaient du Shogun, qui résidait au sommet de l'édifice.


Finalement, ils franchirent les dernières marches, pour se retrouver face à une imposante porte écarlate de dix mètres de haut. Deux soldats disposés devant celle ci, entreprirent d'ouvrir l'imposante entrée, afin de laisser entrer le Conseiller et les deux samouraïs. Zanji savait que de l'autre côté, il trouverait le tyran qui oppressait son royaume depuis maintenant 10 ans, le responsable de la mort de son père, de nombreux villageois, et de bien d'autres encore. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, il sentait également quelques gouttes de sueur couler dans son dos. Le vieux, lui, paraissait impassible. Il serra fort la lance accrochée à son dos, puis pénétra dans la pièce.


C'était une vaste pièce, soutenue par des piliers ornés de sculptures à l'effigie du Shogun. Le long des murs, de grandes tapisseries à la gloire du régime illustraient dix ans d'exploits militaires, qui avaient permis la conquête quasi totale de l'ancien empire. Un large tapis rouge traversait l'espace central, jusqu'au trône.


Il était là, seul dans la pièce. Sans aucun garde pour le protéger, il n'en avait pas besoin. Un homme imposant, menaçant. Un leader charismatique pour certains, un démon assoiffé de sang pour les autres. Même si de là où il se trouvait, le lancier ne pouvait pas voir distinctement son visage, il savait que c'était lui. Le Grand Shogun Shien.


– Te voilà donc, Kizan…Avance donc, ordonna le seigneur de guerre.


L'intéressé s'exécuta.

Son élève voulut le rejoindre mais soudainement, les deux hommes qui avaient ouvert la porte surgirent de son dos et l'empoignèrent violement. Il essaya de résister, mais sa réaction fut trop lente.


– Attachez le le long d'un des piliers, commenta le Conseiller. Qui qu'il soit, il ne doit pas gêner son éminence.


– Je veux me battre ! Je suis son élève ! hurla Zanji.


– Alors regarde le s'écrouler impuissant, lui susurra l'autre à l'oreille.


Et en effet, de là où il était, il n'entendait même plus ce que se disaient les deux ennemis. Il ne pouvait plus qu'assister à l'inexorable combat qui déciderait de leur avenir à tous.


– Cela faisait longtemps, Kizan des six samouraïs…Tu aurais du venir me rendre visite plus tôt, dit le Shogun, qui considérait son interlocuteur d'un regard perçant.


– Tu as raison…Shi En. Nous aurions dû régler cette affaire depuis longtemps.


Le Shogun se crispa.


– Ne m'appelle plus jamais comme cela ! lança t-il d'une voix rauque. Shi En a disparu depuis maintenant bien longtemps.


– Je suis venu mettre fin à ta folie ! s'emporta le Grand Maître. Oui, autrefois, nous avons tous les deux appartenus à la première génération des Six samouraïs, et nous sommes entrés dans la légende. Mais toi, tu étais avide de pouvoir, Shi En. Ton emprise sur le royaume n'a que trop duré. Et si quelqu'un doit nous en débarrasser, autant que ce soit moi, ton ancien camarade, qui m'en charge.


Le Shogun soupira.


– Tu as fini ? Figure toi que depuis dix ans, je vous recherche, toi et les autres, pour que vous vous soumettiez à mon Régime. Mais malgré cela, ce n'est pas moi qui vais te régler ton compte aujourd'hui…


Le Shogun se tourna vers la gauche.


Une petite porte dérobée s'ouvrit. Derrière, un homme portait une tenue verte, qui n'était pas sans rappeler celle des samouraïs. Le Grand Maître reconnut tout de suite son propriétaire


– E…Enishi ?! Toi que je n'avais pas vu depuis si longtemps….Alors tu…?


– Oui, Kizan, je suis moi aussi du côté des Shien. Je suis d'ailleurs à la tête du royaume en tant que Chancelier.


– C'est impossible….


Le Shogun claqua des doigts.


– Je n'ai rien contre toi, mon vieil ami, mais tu as choisi la mauvaise voie. Sors ton sabre, nous allons nous battre. Tu as de la chance. Rares sont ceux qui ont le droit à un véritable Combat En Présence De L'empereur.



Chapitre 23 : La dynastie perdue



Spoiler :



Kizan et Enishi pointèrent l'un vers l'autre leurs sabres respectifs. Le Combat En Présence De L'empereur, allait commencer. Celui que l'on appelait autrefois Shi En, regardait d'un air impassible ses deux anciens compagnons. Autrefois, tout trois avaient fait partie de la première génération des Six samouraïs. Mais aujourd'hui, il ne restait plus rien de tout cela.


Enishi s'élança le premier.


– Voyons si tu n'es pas trop rouillé depuis tout ce temps, lança t-il en même temps qu'il levait son sabre en direction de l'autre.


Mais de toute évidence, ce n'était pas le cas. Sans trop de difficulté, ce dernier para et repoussa le chancelier. Le Shien revint à la charge, plus agressif encore. Les fers s'entrechoquèrent dans de vifs échanges, qui s'enchainèrent de plus en plus rapidement. Les combattants bougeaient, se déplaçaient en cercle pour mieux percer la garde de l'adversaire. Cependant, aucun des deux anciens samouraïs ne parvenait à assener un coup à l'autre. Tout du moins jusqu'à cette frappe.


Un coup d'estoc. Kizan ne l'avait pas vu venir. Sa lame, proche de la tête d'Enishi, était bien trop éloignée pour contrer le sabre adverse qui se rapprochait de son thorax. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était poursuivre son coup et entailler la carotide de son camarade. Mais il ne put pas. Son bras s'arrêta à quelques centimètres du cou du chancelier. C'était trop difficile.


– Les sentiments sont une faiblesse dont les Shien se sont affranchis, Kizan. J'espère que tu t'en souviendras.


Le sabre du Chancelier de Shien s'enfonça profondément dans l'armure du Grand Maître des Six Samouraïs. Le vieil homme lâcha son glaive, et s'écroula au sol. Un filet de sang se forma rapidement au coin de sa bouche.


– NOOOOONNNNNNNN ! hurla Zanji en voyant son maître tomber au loin.


Il se débattit de toutes ses forces pour tenter de se libérer, mais rien n'y faisait, il était attaché bien trop solidement au pilier de la salle.


– Je veux me battre ! beugla t-il. Libérez moi, je veux l'affronter moi aussi !


Il regardait avec haine les deux Shien, près du trône. Le Grand Shogun et le Chancelier. Il ne pouvait pas distinguer leurs visages de là où il était, seulement leurs armures verte et écarlate, mais savait déjà qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour venger le vieil homme.


– Ce gamin commence à être bruyant, murmura t-on dans son dos. Faîtes le taire.


Quelqu'un lui asséna un grand coup au crâne. Sous le choc, la vision du lancier se brouilla, jusqu'à ce que le néant l'engloutisse totalement.


Lorsque Zanji se réveilla, le décor avait changé. Il se trouvait maintenant dans une petite pièce de quelques mètres carrés, pavée de pierres du sol au plafond. Seul un pan était constitué de barreaux, qui donnaient sur un espace plus grand. En reprenant ses esprits, le jeune homme comprit qu'il se trouvait dans un cachot.


On lui avait pris son armure et sa lance. Tout ce qui lui restait, c'était les légers vêtement qu'il portait habituellement en dessous de celle ci. Par réflexe, il regarda dans la pièce voisine à travers la grille. D'autres cellules, apparemment vides, étaient incrustées dans chaque pan de mur. Au centre, une table en bois, où s'affairait un homme de dos dans un cliquetis de métal.


– Ca y est, tu es réveillé ? demanda l'homme sans pour autant se retourner.


– Ou suis je ? demanda le jeune samouraï. Que m'est il arrivé ?


– Il t'es arrivé ce qui arrive à tous les opposants politiques du Régime, répondit tranquillement l'homme. A ton avis, pourquoi es tu le seul prisonnier ici ?


– …….


– Parce que tous les autres ont été exécutés dans les heures qui ont suivi leur venue, expliqua t-il.

Il se retourna. C'était un vieux forgeron, qui travaillait le métal sur une enclume. Mais que faisait-il là, à forger au milieu d'un cachot ?


– Raconte moi comment tu es arrivé là, proposa l'homme, toujours concentré sur son ouvrage. Avant qu'il ne t'arrive le même sort.


– Je ne vois pas pourquoi je devrais vous confier quoi que ce soit, répliqua Zanji.


Le métal s'arrêta de tinter contre l'enclume. Le forgeron jeta un regard furtif derrière lui, puis fixa le samouraï d'un air perçant.


– Et si je te dis que je peux t'aider à sortir de là ?


– Pardon ?


– Je veux savoir si tu mérites que je me donne cette peine. Raconte moi comment tu es arrivé ici !


Le lancier hésita. Mais il ne lui restait aucune autre alternative que de faire confiance au vieil homme. Il expliqua qu'il était un samouraï venu défier le pouvoir, mais se garda bien de préciser qu'il avait des camarades encore libres. Il ne faudrait pas que les Shien aient accès à cette information.


– Tu fais partie des Six samouraïs, n'est ce pas ? lui lança l'homme de but en blanc.

Il se remit à forger son arme devant un Zanji décontenancé. Mais qui pouvait bien être ce vieillard si bien renseigné ?


– Comment….?


– Tu t'es livré à moi, coupa l'intéressé. Je vais donc faire de même. Vois tu, je travaille dans ce château depuis longtemps. Bien avant les Shien. Et une telle expérience permet de savoir beaucoup de choses. J'ai tout de suite reconnu ton armure, lorsque l'on t'a désarmé. Elle était semble à celle des hommes qui ont contribué au salut de la contrée, autrefois.


– Vous avez donc connu la dynastie Shiranui ?


Il vérifia une nouvelle fois que personne ne rodait dans les parages. Ca irait. Les cliquetis du fer chaud qui s'abattait sur l'enclume devraient couvrir leur conversation.


– Oui. J'ai prêté allégeance au Grand Shogun Shien lorsqu'il a pris possession des lieux. Mais dans mon cœur, j'étais, et je serais toujours fidèle au Saga-Shogun Shiranui, le digne héritier de ce royaume.


Il serra son arme un peu plus fort. Les coups suivant furent plus saccadés.


– Mais ce chien l'a assassiné pour monter sur trône….continua t-il. Aujourd'hui la dynastie Shiranui, pourtant légitime, est presque éteinte. Tout ce que vous, les samouraïs, avez fait pour préserver la paix il y a de cela bien longtemps a été réduit à néant par les Shien.


– Presque ? demanda Zanji, qui jamais n'aurait pensé pu entendre de tels propos au sein même du Château De Brume.


– Il resta un dernier espoir, glissa le Forgeron Shuranui qui avait retrouver son rythme de travail. Il y a dix ans, lors du coup d'Etat Shien, le Saga-Shogun a été tué, mais pas son jeune fils. Il a pu s'enfuir avec quelques gardes royaux. Aujourd'hui, il doit avoir environ ton âge.


Zanji observa le silence. Son interlocuteur se leva, puis s'éclipsa le long d'un couloir. Il revint bientôt avec un grand sac et une armure d'officier Shien.


– Je vais te libérer. Mets ça, tu devrais passer inaperçu. Les guerrier Shien sont si nombreux que les officiers ne se connaissaient pas tous entre eux.


Il sortit une clef de son dos. Le verrou qui retenait le samouraï céda bientôt. Tandis que le prisonnier enfin libéré s'exécutait, le forgeron Shuranui poursuivit.


– J'ai récupéré ton armure et l'ai placé dans ce sac, explique t-il. Si tu es discret, tu pourras quitter la forteresse sans encombre.


– Je ne sais comment vous remercier…dit le jeune homme qui réalisait à quel point il avait de la chance.


– Je tiens à ce qu'un maximum d'opposants échappent au régime et entrent dans la Résistance.


– La Résistance ? répéta Zanji, qui se rappela soudain de la mission confiée par son maître. Elle existe donc ?


– Prends cette lettre que j'ai rédigé durant ta convalescence, et suis les indications notées une fois dehors, répondit simplement le vieil homme. Ce n'est pas pour moi, mais pour l'avenir de ce pays que je te le demande. Et alors, tu sauras tout sur la Résistance qui s'organise maintenant depuis quelques mois.



Chapitre 24 : Le foyer de la Résistance



Spoiler :



Les cinq samouraïs, après une demi-journée de trajet, arrivèrent enfin devant le Temple des Six. Ils n'avaient toujours aucune nouvelle de Zanji, qui était pourtant censé les rejoindre sur la route. Des serviteurs vinrent rapidement ouvrir le Portail.


La petite troupe entra. Enfin, après un combat acharné contre les ninjas, ils allaient pouvoir se reposer. A peine furent ils à l'intérieur qu'une femme vint à leur rencontre.


– Alors te voilà, Kageki…Kizan se faisait du souci pour toi, tu sais ?


Le Chambellan considéra son interlocutrice : c'était une dame capuchonnée, vêtue d'un kimono traditionnel frappé du signe de l'Ordre des Six. Elle attendait sa réponse, d'un air impassible.


– Comme ça faisait longtemps…Mizuho.


– Il m'a dit la même chose, constata l'Envoyée Des Six Samouraïs.


De toute évidence, ils se connaissaient de longue date. Pourtant, elle le salua brièvement, et aussitôt s'éloigna pour approcher les samouraïs.


– Voilà donc les nouvelles recrues censées assurer la relève…Lequel d'entre vous suit la voie attributaire du feu ?


– C'est moi ! clama Kamon, fier de susciter la curiosité de l'inconnue. Vous voulez voir ce que je sais faire ?


– C'est un clown comme lui qui a repris le flambeau ? Fit elle, apparemment dépitée. Pitié….


Elle se mit alors à examiner un à un les jeunes hommes, tout en murmurant quelques remarques pour elle même.


Les samouraïs se regardèrent entre eux. Mais qui était cette femme qui prenait tant de libertés avec les membres de l'Ordre? Aucun ne l'avait aperçu auparavant dans le Temple. Aucun, sauf un. Yariza, lui, ne savait que trop bien de qui il s'agissait. Il s'avança d'un pas pressé vers la femme. A la grande stupéfaction de ses camarades, il se jeta dans ses bras.


– Mère ! cria t-il.


L'Envoyée l'accueillit dans un geste de tendresse.


Cela faisait en effet cinq ans qu'elle n'était pas revenue au Temple, et elle n'avait pas vu son fils pendant tout ce temps. Pourtant, les retrouvailles ne paraissaient pas particulièrement émouvantes pour autant.


– Tu as bien grandi ces cinq dernières années…Es-tu devenu fort ?


– Oui, mère. Je suis en mesure de vous faire honneur.


Ce furent les premiers mots qu'ils échangèrent. Le câlin ne dura pas longtemps, elle écarta immédiatement après les bras de son fils. De toute façon, elle ne s'était jamais vraiment intéressée à lui, Yariza le savait. La seule chose qui la préoccupait, c'était son entraînement. Depuis sa naissance, il avait été destiné à être samouraï de l'Ordre. Plus exactement, il devait devenir le meilleur des six samouraïs. Pour décrocher un sourire de sa mère, être reconnu, l'enfant avait donné tout ce qu'il avait. Il ne s'ouvrait pas aux autres, ne jouait pas, ne rêvassait jamais. Seul ce fameux entraînement qui comptait tant aux yeux de sa mère était important. Elle s'éloignait souvent, de plus en plus longtemps. Parfois deux mois. Parfois six. Mais cette fois ci, c'était de cinq longues années dont il avait été question. Une durée si longue que le samouraï pensait qu'elle ne reviendrait jamais.


Telle était la relation qu'entretenait Yariza et sa mère.


Cependant, il lui faudrait attendre plus tard pour s'entretenir avec elle. Il y avait plus urgent.

Le petit groupe de sept s'installa dans un salon : beaucoup de nouvelles devaient être échangées.


– Commencez, fit la femme. Mon histoire est longue.


– Ne devrions nous pas attendre Kizan ? Demanda le Chambellan, à la grande surprise de l'Envoyée. Il est venu à notre rencontre, et a dit qu'il nous rejoindrait.


– Il ne vous a donc pas prévenu ? Demanda t-elle.


– Prévenu de ? demanda l'autre, intrigué.


– Passons, fit elle, de peur de faire une quelconque gaffe quant au départ de l'intéressé vers la demeure des Shien. Parlons de votre mission.


Un à un, les guerriers racontèrent. Ils décrient l'attaque nocturne dont ils avaient été victimes, leur traversée de la Forêt, le combat contre les ninjas et finalement la lutte des deux clans. La femme écouta attentivement, tout en avalant le riz qu'on leur servait à l'instant.


– Pas mal comme première mission, commenta t-elle en mâchant, même si la nôtre était pire.


– Cesse de tout comparer, Mizuho, demanda son camarade borgne. Et raconte nous plutôt ce que tu as fait de ces cinq dernières années, maintenant que tu as entendu tout ce que tu voulais entendre.


Elle cessa de mâcher.


– Comme tu veux.


Les cinq samouraïs la regardèrent et firent silence. Elle sortit d'une poche intérieure une carte tout froissée qui représentait le Royaume.


– J'ai rencontré des gens qui se sentent prêt à se révolter contre le Régime. Depuis tout ce temps, je les rassemble. Ils commencent à s'unir, Kageki. Une Résistance est apparue il y a quelques mois. L'appel de l'Ancien tombait bien, je comptait de toute façon rentrer pour vous en faire part.


Elle pointa du doigt la région des rizières, à l'est de la contrée.


– Là. Ils se réunissent là. J'ai réussi à fédérer des troupes de l'ancien Empire tout entier, encore fidèles au Saga-Shogun Shiranui aujourd'hui disparu. Parmi eux, des anciens officiers qui savent diriger des milices. Tous ceux que j'ai croisé ont salué l'idée, à l'exception d'un certain Masaki. Ils haïssent les Shien autant que vous et moi. Et prèparent dans le plus grand secret une révolte de grande ampleur.


– C'est là que nous intervenons. Notre rôle est de les épauler, c'est ça ?


– Mieux que ça. Votre rôle est de les guider.


– Pardon ?


L'Envoyée Des Six Samouraïs se leva.


– Ils sont peut être nombreux mais vous, vous avez reçu un entrainement d'élite. Les Six samouraïs ne sont pas entrés dans la légende pour rien. Vous êtes les héros dont le peuple a besoin en ces temps obscurs. Montrez leur que les Six ne sont pas juste un mythe.


C'était vrai. Les samouraïs d'autrefois avaient réussi à rétablir paix et espoir aux habitants de la contrée il y a de cela une trentaine d'année, lorsqu'un péril menaçait leur avenir. Ils étaient entrés dans la légende, au point que de plus en plus de gens doutaient aujourd'hui de leur réelle existence. Aujourd'hui, les Shien représentaient une nouvelle menace. Alors de nouveaux héros devaient émerger.


Unanimement, ils acquiescèrent. On s'organisa, il ne fallait pas perdre de temps. Ce soir, ils se reposeraient mais dès le lendemain, ils auraient le droit à une séance intensive de combat avec Mizuho. Enfin, ils partiraient vers leur nouvel objectif, que Zanji soit rentré à temps ou non.


Loin de là, leur camarade sortait enfin du Château De Brume De Shien. Comme lui avait prédit le Forgeron Shuranui, ce fut sans réelle difficulté grâce à son armure d'officier. Le palais impérial grouillait de soldats. Dans de telles conditions, se repérer pour rejoindre une écurie, prendre un cheval et s'évader ne fut pas une tâche insurmontable. Une heure après sa libération, le lancier était déjà dehors.


Il cavala quelque peu en gardant son véritable équipement dans son sac, et lorsqu'il pensa être suffisamment éloigné du périmètre Shien, il se décida à le revêtir. Et, par la même occasion, à sortir la lettre qu'on lui avait donné.


Avant de la lire, il regarda une dernière fois le Château De Brume. Quelque part à l'intérieur, son maître était toujours là, prisonnier du Régime. Dans quel état pouvait il être ? L'avaient t-il blessé, torturé, ou pire encore ? Il avait promis de le libérer. Cependant, il ne pouvait rien seul. Il en avait fait l'amer expérience quand il avait défié Tenkabito, à l'aube de sa nouvelle vie. S'l y allait maintenant, tout ce qu'il gagnerait serait une mort brutale.


Il reviendrait. Mais cette fois, ce serait aux côté de la fameuse Résistance, pour renverser le Shogun. C'est dans cet état d'esprit qu'il posa enfin les yeux sur l'écrit qu'il tenait en main :


« Jeune garçon,

Si tu lis ce message, c'est que tout s'est déroulé comme je l'ai prévu. Maintenant que tu es libre, dirige toi vers la région des rizières. Ceux dont je t'ai parlé sont regroupés là bas. Va au village le plus à l'ouest, et demande à parler au Zappeur. Si tu présentes cette lettre frappée de ma signature, ils devraient t'accepter parmi les leurs. »


Le mot était effectivement accompagné d'un motif tracé avec une encre différente. Finalement, peu d'informations sur la Résistance étaient données. Elle n'était même pas évoquée directement. Tant pis, il devrait tout découvrir par lui même. Zanji rejoignit alors le chemin le plus proche et prit la direction de l'ouest.



Chapitre 25 : Le commandement de la Résistance



Spoiler :



Suivant les indications de la lettre, Zanji cavala en direction de l'ouest. Progressivement, le paysage changea. Les arbres étaient moins nombreux, le terrain plus nivelé. De grandes étendues d'eau émergeaient progressivement du sol, au point d'en recouvrir l'intégralité. Il y avait un air de campagne, un quelque chose de rural dans ces grandes étendues où l'on piquait le riz. Le samouraï l'avait compris : il avait quitté la Forêt pour la région des rizières.


Plusieurs villages apparurent à lui sur son chemin. Des paysans intrigués regardaient l'inconnu cavaler sur leurs terres, tandis que ce dernier poursuivait sa route. Son objectif était le dernier village à l'ouest, comme lui avait expliqué le Forgeron.


Enfin, la route s'arrêta devant un village en bord de mer. Plus rien après. Ça devait être ici. C'était un petit regroupement de maisons modestes, faîtes de pierre et de bois. Il semblait déserté par ses habitants, tous occupés à travailler dans les parcelles voisines. Il n'y avait rien, pas même une auberge ni un endroit où boire. Juste des maisons.


– Eh, toi.


Pris par surprise, le jeune guerrier se retourna. Un homme, surement un paysan local, lui faisait signe dans l'ombre.


– Tu n'es pas un Shien n'est-ce pas ? Demanda l'homme en regardant son armure.

Je cherche le Zappeur, répondit Zanji. J'ai un message pour lui.


Le paysan hésita. Il vérifia que personne ne trainait dans les alentours, puis fit signe au cavalier de le suivre silencieusement.


– Si tu connais le nom du commandant, c'est que quelqu'un t'a parlé de notre petit groupe, explica l'homme. Tu vas pouvoir le rencontrer.


Il conduisit le samouraï jusqu'à une grange. Elle ne semblait pas bien différente de celles d'à côté, en apparence. Son guide s'approcha alors d'un tas de foin qu'il déplaça. Une trappe était cachée en dessous.


– Descend, ordonna t-il à Zanji. Je vais fermer derrière toi.


Un petit escalier de pierre avait été aménagé. Suivant les directives, il se laissa porter jusqu'au sous-sol, dans une petite pièce souterraine. Les murs de pierre, vides de toute décoration, étaient éclairés par des torches. Il y avait une porte lourdement cadenassée au fond, et devant celle ci une table en bois et des bancs. Un autre homme était présent dans la pièce, en train de lire des parchemins. En entendant les bruits de pas, celui ci releva les yeux. C'était un homme sur la fin de la trentaine, droit, aux cheveux attachés. Sa tenue ne put échapper à Zanji : il portait l'armure verte, celle de l'ancien empire Shiranui, la même que son père. Il considéra le nouveau venu d'un air sérieux.


– Tu es ?


– Je m'appelle Zanji, dit-il en s'approchant. J'ai un message d'un certain Forgeron à vous montrer.


Il tendit le mot. La signature authentique y figurait.


– Alors comme ça tu as rencontré le vieil homme ?


Le jeune homme hocha la tête. Il l'inspecta alors rapidement depuis le banc où il était assis, toujours avec cette mine sévère sur le visage.


– Je reconnais cet équipement. Tu fais partie des Six samouraïs, n'est-ce pas ?


Zanji était stupéfait. Lui aussi, comme le Forgeron, avait deviné. Etaient-il à ce point connus ? Lui qui pensait que nulle part on le croirait, que pour les gens les Six n'étaient qu'une légende.


– C'est votre Envoyée qui m'a prévenu que vous viendriez en renfort. D'ailleurs où sont les autres ?


– L'Envoyée….? Je ne vois pas de qui vous parlez. Je suis seul. Les autres ne savent pas que je suis ici.


Le Zappeur le regarda avec défiance.


-Retire ton casque, ordonna t-il.


Zanji s'exécuta. La mine du résistent se décomposa alors. Il brandit sa lame cachée derrière son dos, et regarda le jeune homme d'un air furieux. L'adolescent reconnut ce visage : un mélange de haine et de terreur, c'était celui des gens qui avaient tout perdu et n'aspiraient plus qu'à la vengeance.


– Toi ! Tu oses venir ici ! hurla t-il.


– Je…Je ne vous veux pas de mal….précisa le garçon paniqué, qui avait la pointe de l'épée sur le cou.


– Calme toi, Mataza.


– ?!


Un homme avait surgi de la pénombre. Un jeune guerrier au regard fier, vêtu d'une tenue légère de bretteur. Il se rapprocha du centre de la pièce, et s'assit à côté du premier homme.


– Seigneur…vous étiez là depuis tous ce temps ?


-C'est vrai qu'il lui ressemble, dit l'intéressé. Mais je l'ai vu de près, ce n'est pas exactement le même visage. En plus, celui ci doit avoir environ le même âge que moi, donc ça ne peut pas être lui.


Il se tourna ensuite vers le visiteur. Il lui tendit la main.


– Tu es Zanji des Six samouraïs, si j'ai bien compris ? Je suis le Samouraï Shiranui, l'héritier légitime du trône. C'est moi qui dirige la Résistance.


Zanjivoulut s'incliner devant le prince, mais ce dernier l'en empêcha d'un signe de main.


– Pas de cela entre nous. Vous êtes un valeureux guerrier et j'ai perdu mon titre, je vous considère donc comme mon égal. Vous pourrez me saluer de la sorte lorsque j'aurais retrouvé mon titre de Shogun.


– Je comprends.


– Bien, bien. Viens, Zanji, nous n'allons pas rester ici.


Il se leva, et fit signe son invité de faire de même. On ouvrit la grande porte de derrière. De l'autre côté, un long dédale souterrain de pierre et de torches s'étendait à perte de vue.


– Nous contrôlons tous l'espace sous le village, expliqua le Samouraï Shiranui. Cela a mis des années à se construire discrètement, dans le dos des Shien, mais depuis quelques mois nous sommes opérationnels. Une petite centaine d'hommes s'entraînent régulièrement ici à l'abri des regards. Nous avons aussi une importante réserve d'armes.


Zanji repensa à son petit entraînement dans la grange de chez lui avec son épée de bambou, lorsqu'il vivait encore dans son village. Il était alors bien loin d'imaginer ce qui se jouait dans les rizières, à l'autre bout de la contrée.


– En attendant les autres samouraïs, je vais te présenter au quartier général.


Il continuèrent à marcher pendant quelques temps, tournant parfois au niveau d'un couloir, avant d'arriver dans une salle gardée par deux paysans. Ils saluèrent leurs supérieurs, et libérèrent le passage. La pièce n'était pas plus grande que les autres. Il y avait plusieurs tables et des tatamis installés au sol, ainsi que quelques documents soigneusement rangés sur des étagères. Des sièges étaient aménagés en carré, comme une sorte de conseil. Deux personnes attendaient là.


– Ah, vous voilà revenus !


C'étaient un homme et une jeune femme. Le premier avait tout du vrai guerrier : l'air viril, les muscles saillants, les cicatrices, la carrure imposante, la voie rauque. Mais l'attention de Zanji se porta sur la femme. Jamais il n'avait vu de femme qui lui ressemblait auparavant. Ses cheveux étaient si clairs, sa peau si pâle ! Elle n'était certainement pas d'ici.


– Les trois commandants de la Résistance sont réunis ici, expliqua le prince Shiranui en se tournant vers lui. A mes côtés, Mataza le Zappeur, que tu connais maintenant. Sur les sièges là bas, Ben Kei et la Dame Guerrière des Terres Désolées. Elle vient d'un pays lointain ravagé par la guerre, et à décidé de nous aider pour éviter qu'une telle catastrophe ne se reproduise chez nous.


– Ravi de faire ta connaissance, fit Ben Kei en lui donnant une grande tape amicale sur l'épaule. Tu es des notres alors ?


La Dame se contenta d'un salut. Le Samouraï Shiranui lui expliqua qu'elle ne parlait pas japonais. C'étaient ses compétences exceptionnelles de combat et ses talents de soigneuse qui en faisait un leader né, apte à commander des troupes malgré la barrière de la langue.


Zanjise présenta brièvement à son tour, et fut invité à s'asseoir à leurs côté. Le Samouraï Shiranui sortit une carte de la région.


– Nous sommes ici, dit il en pointant une petite croix près de la mer. Nous nous préparons depuis quelques temps à une grosse offensive. Nous voulons reprendre aux Shien la capitale régionale.


Il montrait cette fois un gros point éloigné de quelques kilomètres. Les autres acquièrent. C'était une ville fortifiée, point de relais de l'armée Shien qui y avait installé un gouverneur. Un gouverneur qui exploitait la population, qui rendait le quotidien du peuple invivable comme pouvait le faire Tenkabito dans la région des Forêts.


– Nos hommes sont assez nombreux, mais peu à savoir vraiment se battre. Ce sont des paysans pour la plupart, qui n'ont jamais appris. Mataza et Ben Kei tentent de les entraîner et les premiers résultats commencent à se faire sentir. Mais si nous vous avions vous Six à nos côtés, je pense que les troupes seraient assez galvanisées pour emporter la victoire.


– Nous ne sommes pourtant que des simples guerriers….


– Mais vous incarnez l'espoir. Du temps de mon père, ce sont les Six samouraïs qui ont sauvé l'empire. Le peuple compte sur vous cette fois encore.


Zanji resta silencieux. Il commençait à comprendre ce qu'ils représentaient pour les gens. La légende pouvait devenir réalité. Les autres continuèrent à expliquer le détail du plan, il écouta d'une oreille attentive. Peut être qu'ici même, dans cette salle, leur avenir à tous se jouait. Finalement, après maintes délibérations, on déclara la session close. Les trois commandants quittèrent la pièce, repartant vers leurs occupations respectives. Il ne restait plus que Zanji et le Samouraï Shiranui.


– J'aimerais que nous parlions de quelque chose. C'est à propos de ce message que tu as apporté.


– Je vous écoute.


Le chef de la Résistance tenait le morceau de parchemin dans ses doigts. Il le rapprocha de la torche la plus proche. Eclairé par le feu, il laissa apparaître un autre texte au verso du premier.


– Une encre invisible ?


– L'homme que tu as rencontré est un ancien du personnel du Château De Brume. Je le connais personnellement. Il utilise ce procédé dans ses messages, mais moi seul suis au courant. J'ai déjà lu ce message, et je voulais t'en parler en privé. Lis le s'il te plait.


Zanji saisit le parchemin :


« J'ai entendu des officiers haut placés du château discuter. Ils ont dit qu'un espion avait infiltré la Résistance et attendait le moment propice pour la détruire de l'intérieur. Ils sont donc au courant qu'un mouvement contestataire au Régime se cache quelque part sur le territoire. Ils ont de plus précisé que cette personne était seule, mais parmi les commandants du quartier général. Je ne sais pas combien vous êtes, ni si tu vois de qui il pourrait s'agir, mais sois prudent. L'avenir de la Résistance est en jeu.»


Le lancier reposa la lettre.


– Mais alors…


– Oui. Une des trois personnes que tu viens de voir est un traitre d'après cette lettre. Pourtant, ils sont les seuls combattants puissants sur lesquels je peux m'appuyer. Ils n'ont jamais rien fait qui pourrait me nuire jusqu'à présent. Je ne peux pas me permettre de les sacrifier à cause de cette lettre, sans preuve. Je voudrais que tu les surveilles discrètement pour moi, et que tu me rapporte les comportements étranges que tu pourrais observer.


– Vous me faîtes donc confiance à ce point ?


Le Shiranui le regarda dans les yeux.


– Je sais reconnaître un homme de valeur, dit-il simplement. Tu devrais aller te coucher, il se fait tard. Je veux que tu sois en forme demain lorsque je vais te présenter à mes hommes.


Il lui montra une chambre où se tenaient deux lits, dans lesquels trois matelas se superposaient.


Six lits…vous pensez vraiment que les autres vont me rejoindre alors qu'ils ne savent même pas que je suis là ?


– Ils viendront. J'ai la parole de l'Envoyé.


Mais de qui pouvait-il bien parler ? Sur ces mots, les deux hommes se séparèrent. Zanji s'allongea sur le matelas le plus proche. La fatigue le prit rapidement, il s'était passé tellement de choses dans la journée ! Il avait traversé la région, été fait prisonnier dans l'antre des Shien, et finalement rejoint la Résistance. Il avait bien mérité un peu de repos.


La nuit s'écoula. A son réveil, Zanji fut surpris d'entendre ronfler sur la banquette du dessus. Il tourna la tête : Yaichi dormait tranquilement sur le lit d'en face. Mais ce n'était pas lui qui ronflait.


– Mais que ?


Il se leva pour en avoir le cœur net. Sur les quatre lits du dessus, ses autres compagnons étaient aussi en train de se reposer. Au dessus de Yaichi se trouvaient Irou puis Nisashi. Le lancier grimpa la petite échelle de bois pour voir qui dormait au dessus de lui. Il identifia le ronfleur :Kamon qui bavait à moitié dans son sommeil, et dont les pieds dépassaient de la couette.


– Alors tu es réveillé ?


Le lancier releva la tête : au dessus de Kamon se tenait Yariza, qui manifestement était debout lui aussi.


– Comment m'avez vous retrouvé ? demanda t-il à son camarade.


– Nous ne t'avons même pas cherché. Il se trouve que nous devions venir ici depuis le début, comme l'avait prévu ma mère.


– Ta mère ?


– Oui. L'Envoyée Des Six Samouraïs.


– L'Envoyée, tu dis ?


– Je ne pense pas que tu l'aies déjà rencontré.


Il comprenant mieux. Alors ce que lui avait dit le prince Shiranui était vrai. Ils devaient vraiment venir les rejoindre.


– On est arrivé en plein milieu de la nuit, il y a quelque heures. Toi, tu étais déjà profondément endormi. On a encore besoin de repos. Tu devrais aller voir ma mère en attendant.


Le jeune homme acquiesça. Il s'habilla et quitta la pièce. Ne sachant où aller, il prit la direction du bureau de la veille. Les mêmes deux gardes se tenaient devant.


– Laissez le passer, fit une voix de femme provenant de l'intérieur. Je veux lui parler.


Le lancier comprit immédiatement de qui il s'agissait. L'Envoyée.

A peine fut-il dedans qu'elle s'approcha de lui, regarda sa tenue, sa position, ses armes. Elle fixa alors longuement sur son visage. Elle pâlit alors légèrement. Elle grinça des dents, puis se laissa tomber sur un fauteuil.


– Toi, tu es son rejeton, aucun doute la dessus…Ta tête m'a rappelé de mauvais souvenirs.


– Vous connaissez mon père ? demanda Zanji, très étonné.


– Oh, je ne le connais que trop bien…Cet enfoiré….


– Je ne vous permet pas ! s'emporta le garçon. Bon père est un brave soldat qui a combattu pour empêcher l'invasion Shien. Il s'est sacrifié pour préserver la paix !


– Hein ?


Elle semblait confuse.


– Alors ton père n'est pas…pourtant en te voyant j'ai cru que…Oublie ce que j'ai dit, je suis désolée. J'ai du te prendre pour quelqu'un d'autre.


Elle se ressaisit alors. Elle l'invita à regarder une carte posée au même endroit que la veille. C'était un plan détaillé de la ville régionale.


– Le prince Shiranui m'a dit que vous en aviez parlé hier. Eh bien sache que je viens de lui apporter de nouveaux éléments sur la géographie de la ville. Grâce à mes informations, on a pu parfaire le plan. On va lancer l'assaut très rapidement, de manière à ce que tout le monde puisse se reposer, et que ce maudit espion ne puisse pas faire son rapport et gâcher l'effet de surprise.


– Quand exactement ?


Elle sourit.


– Ce soir.



Chapitre 26 : L'assaut de la porte Sud



Spoiler :



– Alors ça y est ?


– Oui. La Résistance va passer à l'action.


C'était une petite pièce isolée, coupée du reste du foyer de la Résistance. Elle avait été aménagée pour accueillir une seule personne, et non une demi-douzaine comme le faisaient les chambres de soldats ordinaires. Le Samouraï Shiranui avait voulu rendre visite une dernière fois à son mentor avant de partir en guerre. Celui qui l'avait emmené loin du château lors du coup d'état il y a 10 ans, l'homme qui avait veillé sur lui et garanti sa sécurité pendant tout ce temps. Le Maître Esprit Shiranui.


– Lorsque je reviendrai ici, ce sera en tant que Shogun, annonça t-il au vieil homme, qui

méditait calmement sur le tatami de la pièce comme à son habitude.


– Le Sage est-il revenu ? demanda ce dernier d'une voix douce.


– Non, nous ne l'avons toujours pas trouvé….Il est vrai qu'à lui seul le Sage représenterait un support conséquent pour la cause Shiranui. Mais nous ne pouvons plus attendre. Et puis, nous venons de recevoir une autre aide tout aussi précieuse.


– Les Six samouraïs ?


Le prince acquiesça. Son maître soupira.


– Comme nous l'avait prédit cette envoyée. Alors, si tu penses être prêt….Je pense que l'heure est venue.


Le Maître Esprit poussa la dalle de tatami la plus proche, laissant apparaître une petite cavité dont le Samouraï lui même ignorait l'existence. Le vieil homme en sortit une lame, délicatement rangée dans une boîte de velours.


– Mais c'est ?!


– Oui….L'Epée Spectre Shiranui, celle qui a appartenu à ton père, le Saga-Shogun. Je veillais sur elle depuis ce tragique jour d'il y a dix ans, attendant le moment opportun pour te la remettre.


– Maître….


En saisissant l'arme, il ne put s'empêcher de penser à son père, à la vie qu'il avait mené jusqu'à ses 9 ans à ses côtés. La vie que les Shien lui avaient volé. Et qu'il allait récupérer. Il rangea l'épée dans un second fourreau, au côté de son arme de feu personnelle. Il ne pouvait se résoudre à l'abandonner tant il avait combattu avec. Or il n'avait pas le luxe d'y songer plus longtemps, on l'attendait ailleurs. Le jeune homme salua alors une dernière fois son maître. Dès qu'il aurait quitté la pièce, la guerre commencerait. Finalement, il s'exécuta.


Les troupes se rassemblaient. Les rebelles, qui avaient économisé leur forces durant la journée, s'étaient réunis dans la plus grande pièce des souterrains. Il devait y avoir environ 150 hommes prêts à se battre. Le Samouraï Shiranui et ses trois commandants montèrent sur une petite estrade. Les hommes se turent, sentant que leur seigneur allait s'exprimer de manière imminente :


– Le grand soir est venu ! Cette nuit, nous allons reprendre nos terres aux Régime ! Ceux qui pillent nos cultures, qui oppressent nos femmes et nos enfants, qui nous humilient depuis des années doivent payer pour leurs crimes ! Aujourd'hui, nous avons de véritables guerriers à nos côtés. L'heure de la Révolution Globale est arrivée !


Le chef de la Résistance fit alors signe aux Six samouraïs de le rejoindre sur le devant de la scène. Ils s'avancèrent, un peu intimidés par la foule qui les scrutait.


– Alors c'est eux ?


– C'est des jeunots, non ?


– Ce sont les vrais Six samouraïs ?


Le prince Shiranui demanda le silence une nouvelle fois. Il fit signe à l'un des guerriers de prendre la parole. Mais aucun des garçons n'avait jamais vécu une telle expérience : pas un des Six n'osa se désigner volontaire. Après quelques secondes d'hésitation, se fut finalement Zanji, le plus proche de la foule, que les autres poussèrent discrètement vers l'avant.


Ce dernier déglutit. Les paysans le regardaient avec passion, prêts à boire chacune de ses paroles. Il pouvait percevoir la détermination dans leur regard, cette lueur de l'homme qui veut se battre jusqu'au bout pour défendre sa cause. Il ferma les yeux, inspira un grand coup, et se résolut à dire ce qu'il avait sur le cœur depuis si longtemps :


– Si vous saviez depuis combien de temps j'en rêve, déclara le lancier. J'étais seul dans mon village, impuissant face à l'oppression de ce Régime maudit. Je ne voulais qu'une chose : venger la mort de mon père, tué par ces traitres il y a 10 ans, leur faire payer au centuple la douleur qu'ils m'ont infligé. Puis, je me suis rendu compte que je n'étais pas tout seul. Maintenant que nous sommes tous réunis, nous avons assez de poids pour y parvenir.

Enfin, nous allons pouvoir nous battre. Pour le peuple. Pour la paix.


Il y eut des applaudissements, des hurlements. La foule était galvanisée. Le samouraï n'avait pas fait un grand discours, mais sa sincérité avait su séduire le peuple qui se reconnaissait dans son histoire. Les Six avaient sa confiance. Ensemble, ils se battraient dignement sur le champ de bataille.


– Voici comment, concrètement, nous allons procéder, ajouta l'Envoyée Des Six Samouraïs, décidée à amorcer une discussion plus stratégique. Ecoutez bien car je ne le répèterai pas. Ce soir, notre cible est la ville principale de la région, la Cité aux rizières. C'est là que se trouvent la majorité des troupes Shien. Si nous prenons la ville, la Résistance gagnera le contrôle de la région entière. Mais si nous perdons, ils découvriront notre existence, et s'en sera fini de notre association.


– Vous pensez vraiment qu'une centaine de pov'gars comme nous fra le poids cont' les Shien ? interrompit quelqu'un au loin.


D'autres murmurèrent entre eux, inquiets. Il s'agissait en effet d'un enjeu de taille. L'inquiétude montait dans la salle. Les expériences de combat réel n'étaient déjà pas nombreuses pour ces paysans, alors attaquer la Cité leur paraissait une épreuve insurmontable.


– Ayez confiance en vous ! rétorqua Ben Kei. Nous les commandants, on ne vous a pas appris à vous battre pour rien. Et puis, nous avons les Six samouraïs avec nous !


Les chuchotements se firent moins nombreux. Moyenement convaincus, les hommes attendaient d'en savoir plus. L'Envoyée en profita pour continuer :


– La Cité est protégée par une muraille circulaire qui la recouvre entièrement. Seules quatre portes, situées au Nord, au Sud, à l'Est et à l'Ouest permettent d'y pénétrer.


Elle marqua une pause. Tous attendaient les détails suivants avec impatience. La femme sourit :


– Nous allons les attaquer de partout à la fois, fit elle. Par un assaut synchronisé des quatre portes.


Un brouhaha de contestation résonna presque immédiatement dans la salle, suite à cette annonce qui semblait absurde.


– On est d'ja pas beaucoup, pis en pus faudrait encore se diviser ! cria t-on.


– On court à not' perte ! fit-on remarquer ailleurs.


D'un geste de bras le Samouraï Shiranui tenta d'apaiser ses hommes :


– Peut être trouvez vous cela ridicule, mais cette stratégie a été murement réfléchie par le quartier général. Nous alons les forcer à se disperser sur quatre fronts différents, puis nous faufiler par petits groupes dans les entrailles de la ville. Nous nous retrouverons enfin au centre de la Cité pour libérer la ville, et tuer l'homme qui représente les Shien dans les rizières. Celui que vous haissez tous, qui est responsble de toutes les atrocités qui ont lieu dans la région. Le Bushi Immortel. Ne voulez vous donc pas voir scélérat disparaître ?


L'armée Shien disposait de 1200 soldats chargés de maintenir l'ordre dans la région de manière permanente, dont 500 dans la Cité. Cela faisait plus de 100 hommes par porte, tandis que les résistants ne seraient que 40 environ à chaque point cardinal. La bataille s'annonçait difficile, mais les officiers se montraient confiants.


– On a l'effet de surprise, rassura Ben Kei. On attaque de nuit, vous pensez vraiment que les 500 font leur tour de garde en même temps ?


– Ce n'est pas seulement la taille de l'armée qui compte, ajouta Mataza le Zappeur. Eux ne sont que des pantins du Régime. Vous, vous battez pour vos familles, pour le bonheur de tous. Et lorsque l'on se bat pour les siens, on fait preuve d'une vivacité que l'on aurait même pas soupçonné jusqu'ici.


– Vous…forts ! bégueya la Dame Guerrière des Terres Désolées, qui ne connaissait que quelques mots de japonais.


Grace aux arguments mobilisateurs de leurs chefs, les paysans reprirent confiance. Les inquiétudes avaient été balayées par l'espoir de voir la paix revenir sur les terres qu'ils peuplaient. Le flot de résistant quitta alors progressivement la pièce pour aller s'équiper. Dans une heure, l'assaut serait donné. Il s'y jouerait peut être le premier acte de la chute du Régime.


Il ne restait alors plus que le prince et les Six samouraïs dans la salle. Zanji regarda les officiers quitter la pièce, puis fit discrètement signe au Shiranui.


– Votre majesté, concernant la possibilité qu'il y ait un traitre dans les rangs…


– Je sais. J'en ai informé les Six guerriers ici présent, ainsi que la femme qui vous accompagne. Mais nous ne pouvons rien faire tant qu'il ne s'est pas manifesté. J'ai surveillé les trois officiers susceptibles de l'être : aucun d'entre eux n'a pu communiquer avec l'extérieur pour prévenir les Shien de notre plan, je m'en suis assuré. C'est le plus important. Pour le reste, il faudra être vigilant. Très vigilent.


Il se tourna alors vers les cinq autres guerriers :


– Vous allez devoir vous disperser entre les portes pour diriger nos unités de soldats. Sachez que Mataza est affecté à la porte Sud, Ben Kei à la porte Sud, et la Dame Guerrière à l'Ouest. Il faut qu'au moins un de vous les accompagne à chaque fois, pour justement vérifier que tout se passe conformément au plan. Personnellement, j'irai à l'Est. Quelle porte choisissez vous ?


– J'accompagnerai Mataza, fit Nisashi d'un air déterminé. En tant qu'ainé parmi les Six samouraïs, je suis prêt à m'en occuper seul.


– Dans ce cas, je pense que je vais suivre la Dame Guerrière, laissa entendre un Kamon étrangement souriant. Je pourrai ainsi passer un peu plus de temps avec elle….


– Ce n'est pas un jeu, Kamon ! répliqua immédiatement Yaichi. Je viendrai avec toi, pour éviter que tu fasses n'importe quoi à cette pauvre jeune femme.


– Quant à moi et mon fils, nous serons à vos côtés, votre altesse, précisa l'Envoyée. Nous veillerons à vous assister sur le champ de bataille.


Tous les regards se tournèrent alors vers Yariza, à la recherche d'un signe d'approbation. Celui ci se contenta de fermer les yeux et de hocher la tête vers sa mère. Satisfait de voir que les choses avançaient bien, le Samouraï Shiranui prit les devants pour le reste :


– Ce sera donc la porte Nord pour vous deux, en compagnie de Ben Kei ! Annonça t-il à Zanji et Irou.


Le lancier écarquilla les yeux. Son camarade soupira une énième fois.


– Quoi ? Je vais devoir faire équipe avec ce type ??


– Pff….


– Oh, tu ne vas pas commencer hein ??


– Tu es pathétique….


Visiblement, l'envie de coopérer était aussi faible chez l'un que chez l'autre. Mais le chef de la Résistance, pour qui les affectations étaient arrêtées, n'y prêta pas attention.


Après quelques derniers échanges, on se prépara. Les samouraïs étaient déjà en armure, ils ne leur restait plus qu'à récupérer leurs armes et montures. La Résistance avait à sa disposition les animaux utilisés dans les fermes à proximité, mais aussi des chevaux importés clandestinement depuis tout le pays. On en dénombrait 94 au total, soit un peu plus d'un cheval pour deux combattants. Pendant leur petite discussion les autres avaient pris de l'avance, et ce fut assez rapidement que la petite armée quitta silencieusement le repère souterrain.


Deux simples veilleurs Shien rôdaient dans le village pour y maintenir l'ordre la nuit. Quelle ne fut pas leur surprise lorsque 150 hommes armés foncèrent vers eux avec colère et hargne ! Ils ne purent rien faire : balayés par le groupe, les hommes se heurtèrent aux lames successives de dizaines de combattants à la suite, avant de finalement s'écrouler au sol, raides morts. La contestation de l'autorité avait commencé.


La petite centaine de chevaux s'élança au galop sur la petite route de gravier au milieu de la nuit.

Les portes de la ville se dessinaient déjà, au loin. C'était bel et bien une forteresse circulaire, protégée par des murailles que l'ennemi surveillait. A l'intérieur s'entassaient les maisonnettes des travailleurs, tandis que les cultures de riz s'étendaient au dehors. Au centre culminait le point le plus haut de la Cité : la demeure du Bushi Immortel.


Sous ses ordres, les troupes se divisèrent en quatre comme convenu, et foncèrent vers les portes. Les hommes saisirent leurs haches, et enfoncèrent les palissades de bois de toutes leurs forces. Alertés par ce fracas, des hommes apparurent aux remparts. On siffla, courut, s'alerta. Mais c'était déjà trop tard. Au 4 points cardinaux, à quelques minutes près, toutes les portes cédèrent.


Enfin, l'assaut allait commencer. Les portes s'étaient écroulées. Les troupes entrèrent en hurlant. Tous coururent en direction de la tour centrale. Au milieu des maisonnées, une grand allée pavée facilitait leur déplacement. Mais rapidement, des gardes vinrent à leur rencontre.


C'est du moins ce qui se passait à la porte Sud. C'était Mataza qui dirigeait les Résistants de l'aile méridionale, avec à ses côtés Nisashi, le plus ancien des Six Samourais. Leur progression avait été bloquée par des Fantassin De Shien. Mais les petits singes n'étaient pas seuls. A leurs côtés se drssait non pas un, mais une dizaine de Légionnaires, reconnaissables à leur armure pourpre aux couleurs du Régime. Ils étaient armés jusqu'au dents.


– Comment ont-ils pu réagir si vite… ? s'interrogea le Zappeur.


– Toi, avec l'armure verte….tu es le chef de ces hommes ?


– …..


– Battons nous.


Cinq des Shien se jetèrent sur lui, sabre en avant. Le bretteur dégaina également, bien décidé à se défendre. Mataza esquiva un dangereux coup vertical, pour mieux pousser son assaillant d'un coup de coude. Quelque soit les techniques utilisées, il fallait à tout prix éviter de se faire encercler.


Nisashi, viens m'aider ! hurla t-il. Je peux en attaquer deux à la fois, mais là c'est trop pour moi.


Le samouraï accourut immédiatement, malgré sa peur. Il para ainsi une attaque de l'un des cinq assaillants, dans le dos du Résistant. Et dire que les Six samouraïs avaient peiné pour battre un seul de ces officiers écarlates lorsqu'ils avaient été cherché Irou dans les

Montagnes ! Là, c'étaient dix des ces bourreaux que la faible armée de la porte Sud devait affronter. Les cinq autres faisaient bloc pour empêcher les paysans de traverser la grande allée. Les Résistants affrontaient tant bien que mal les petits singes armés de lance, mais il paraissait évident qu'ils n'auraient aucune chance face aux Légionnaires.


– Dispersez vous dans les ruelles ! ordonna leur chef.


Ils s'exécutèrent. C'était bien là le plan de départ. L'adversaire aurait du mal à retrouver les petits groupes armés qui se faufilaient dans la nuit, de maisons en maisons. Pourtant, les Shien suivirent. Torche à la main, les guerriers se séparèrent à leur tour pour traquer l'envahisseur. On entendait par endroits des bruits d'affrontements, des hurlements, des hommes des deux camps qui s'écroulaient au sol. Pas de doute, la bataille avait bien débuté. Sous peu, la Cité serait à feu et à sang.


Dans ce chaos inouï, des habitants effrayés commençaient à sortir de chez eux. Ils fuyaient la violence des Shien, qui avaient entrepris de saccager les maisons à la recherche de Résistants cachés. Un flot humain se forma rapidement, à contresens des guerriers. En plein combat, Nisashi trouva le temps de tourner la tête pour voir où son unité en était. Ce fut pour lui l'occasion de constater les ravages de leurs assauts, à travers ces familles qui couraient vers la sortie de la ville. Une foule de visages terrorisés, de femmes et d'enfants en pleurs. C'est alors que dans la masse, il les vit.


Le regard de Nisashi se décomposa. A tel point qu'il faillit finir transpercé par un ennemi de front. Au loin, parmi les habitants de la ville en fuite, il avait reconnu des silhouettes familières.


– Mais que pourraient-ils faire ici ?


Nisashi, on a pas le temps de rêvasser !


Les Shien se multipliaient. De nouveaux Fantassins venaient de surgir d'une ruelle, prêts à fondre sur eux. Les silhouettes, elles, s'éloignaient de plus en plus de lui.


– Je ne peux pas me permettre de les perdre de nouveau !


Sans réfléchir plus longtemps, il entreprit de courir à leur rencontre. Il fallait qu'il sache. Il le fallait. C'était plus important que tout. Peut être avait il retrouvé sa famille, qu'il avait quitté pour venir s'entraîner au Temple des Six il y a plusieurs années de ça.


– Tu fuis ? Je croyais que tu avais le sens du devoir !


Nisashi s'arrêta. Derrière lui, il laissait le commandant d'unité seul face à cinq ennemis de taille. Mais en même temps, cette chance de retrouver sa famille était peut être unique. Et celle ci s'éloignait encore….Que devait il faire ?


Maître….qu'auriez vous fait à ma place ?


– Qu'attends tu ? Reviens m'aider !


– Je….je suis désolé. Je ne peux pas.


Tout pale, le samouraï se jeta dans les ruelles à la poursuite des siens. Des gouttes de sueur froides ruisselaient sous son armure depuis sa nuque, et son cœur battait à la chamade. Lui qui avait toujours eu un code strict de valeurs, qui se devait de représenter un modèle pour ses camarades, avait fini par désobéir à un ordre. Peut être même qu'à cause de son égoïsme, les hommes de la porte Sud n'accompliraient pas leur mission. Désorienté, il ne pouvait plus que courir droit devant, toujours plus loin, pour ne pas se retourner vers son erreur.


Le flot humain se tarissait progressivement. Les habitants apeurés se dispersaient en effet au coin des rues pour ne pas former un troupeau trop facilement repérable. A cause de cela, Nisashi devait rester extrêmement vigilent pour ne pas perdre de vue ceux qu'il poursuivait. Il avait repéré trois personnes qu'il connaissait : sa mère, aux longs cheveux blanchis par le temps, sa petite sœur , vêtue d'un tissu sombre déchiré, et un enfant d'environ six ans. Lorsque Nisashi avait quitté l'exploitation familiale, ce n'était encore qu'un nourrisson.


– MERE ! hurla le guerrier en vert alors qu'un tournant le séparait de nouveau d'eux.


Il traversa à son tour le pâté de maison adjacent. Face à lui, au milieux des autres personnes qui couraient, le petit groupe s'était arrêté.


– Ni….Nisashi ?


– Oui, c'est moi ! Mais que faites vous ici ?


Il voulut courir à leur rencontre, franchir la vingtaine de mètres qui les séparait. Mais quelqu'un le frappa brusquement dans le dos, projetant le jeune homme au sol. Un homme à l'armure rouge, un des fameux officiers.


– On ne laisse pas s'échapper un parasite de cette taille….lâcha le Légionnaire.


– Merde, il m'a suivi….


Cela s'apparentait à un duel. Les deux hommes se faisaient face dans un chemin pavé mais étroit. Derrière le Shien, les citadins paniqués rebroussaient chemin en le voyant. Derrière le samouraï, sa famille attendait, hésitant à son tour entre fuir et lui parler. Tout dépendrait de l'issue du combat.


Il pouvait y parvenir. Le moment était venu de faire ses preuves. Oui, mais la dernière fois, à six, ils n'avaient réussi que de justesse. Et là, il était seul, et sa famille attendait derrière, et… Stop. Le combattant se ressaisit. Non, il ne fallait pas se poser de question. Il fonça, tout simplement. Comme il l'avait toujours fait.


Arrivé devant le Shien, il fit un bon de quelques mètres. Ses deux armes se plantèrent alors dans les épaules de l'ennemi sans qu'il ne puisse réagir. Toutefois, au lieu de s'écrouler, celui ci regardait béatement Nisashi :


– Tu croyais vraiment que ça suffirait ?!


D'un coup de boule, il le repoussa. Il arracha les deux épées de ses articulations, mais les garda en main, tout en plaçant son sabre dans la bouche.


– Un entrainement à toute épreuve…C'est là la force des Shien.


Nisashi, cours ! cria sa sœur. Tu vas te faire tuer !


– Je…ne fuirai pas….


Il était sans arme, face à un soldat qu'il n'aurait même pas été sur de battre avec. Pourtant une puissante force en lui l'incitait à ne pas partir, à protéger les siens au péril de sa vie.


– Vous m'avez manqué, fit il en souriant.


A main nues, il se jeta sur l'adversaire de toute ses forces. Avec un sourire, ce dernier se prépara à utiliser ses propres armes contre lui. Mais Nisashi étaiit plus rapide. Il se rappela alors des paroles que Mataza avait prononcé plus tôt dans la soirée :


« Ce n'est pas seulement la taille de l'armée qui conte. Eux ne sont que des pantins du Régime. Vous, vous battez pour vos familles, pour le bonheur de tous. Et lorsque l'on se bat pour les siens, on fait preuve d'une vivacité que l'on aurait même pas soupçonné jusqu'ici.»


C'était exactement ça.


D'un coup de poing, il allongea son bras vers la tête de l'ennemi qui tituba, un filet de sang à la bouche. Mais ce n'était pas fini : il profita de son déséquilibre pour le pousser en avant, en plaquant ses deux mains contre son torse. L'autre ne put résister et s'écroula à son tour sur le sol pavé. Il voulut se relever, mais le samouraï lui arracha des main ses épées et les récupéra. A ce moment précis il se sentait invincible, capable de n'importe quel exploit pour voire sourire ceux qui attendaient dans son dos. Cette fois ci, ce ne serait pas dans les épaule qu'il enfoncerait ses lames. Nisashi visa le cœur. L'armure écarlate ne résista pas à la force de ses bras, et le sang du soldat vint bientôt se confondre avec elle. Il l'avait fait.


Nisashiiiii !


Sa petite sœur courut en sa direction, dans une ruelle devenue silencieuse. Tous les autres avaient fuit, il ne restait plus que la petite famille au milieu du champ de bataille.


– Vous m'avez tellement manqué, répéta le samouraï.


Sa mère tomba dans ses bras, si surprise de voir ce fils qui avait disparu il y a six ans de cela. En pleur, elle prit son visage entre ces bras :


-Tu as changé, mais je te reconnaitrais entre mille. Comme je suis heureuse de t'avoir retrouvé, mon fils !


– Je ne voulais pas partir…exliqua t-il en serrant lui aussi celle qui l'avait vu naître. Nous étions heureux, tous ensemble, à cultiver le riz dans la ferme familiale…Mais quand le Régime a commencé à réquisitionner les récoltes, quand mon frère est mort de faim, j'ai pensé être un fardeau pour la famille. J'ai préféré partir, laisser ma part à mes frères et sœur, moi qui avait 14 ans et pouvait subvenir à mes besoins seul.


– Tu n'a jamais été un fardeau pour nous, lança sa sœur. Tu as toujours été mon héros, grand frère. Je ne voulais pas que tu partes.


Elle se blottit à son tour contre lui, et se mit à pleurnicher comme une enfant. Elle avait maintenant le même âge que lui à son départ, et pourtant elle était restée la même qu'avant son départ, la gamine de 8 ans qu'il avait connu.


– Que faites vous dans cette ville ? Et où sont Père et mes frères ?!


– On s'est réfugié ici dans l'urgence comme beaucoup. La porte Sud ressemble un peu à un bidonville, où ceux qui sont trop pauvres pour vivre s'entassent à la recherche d'un vie meilleure. L'impôt Shien est devenu trop élevé Nous ne pouvions plus leur fournir ce qu'ils demandaient. Alors, nous avons du abandonner nos champs. Je suis désolée, mon fils.


Elle regarda son garçon de six ans, le dernier né de la famille. Il restait étonnamment silencieux devant ce frère qu'il n'avait jamais connu. C'était en partie pour qu'il ne connaisse pas le manque que la famille s'était installée ici. Nisashi le prit dans ses bras. Quel avenir connaîtrait donc cet enfant ?


– J'ai rejoint l'ordre des Six samouraï, déclara t-il. Je suis venu me battre pour libérer la ville. Je voudrais rester avec vous, mais je dois y retourner. Les autres m'attendent…


– Alors la Résistance s'est vraiment formée, sourit elle en relâchant son étreinte. Avec tous les gens qui haïssent les Shien ici, vous allez recevoir du support !


– Vraiment ?!


– Où crois-tu que ton père et tes frères soient ? Presque tous les hommes se sont dressé contre les Shien ce soir pour vous porter leur aide !


Si c'était vrai, alors tout n'était peut être pas perdu. Ils n'étaient plus 30, mais tout un peuple à se dresser contre la tyrannie. Ni les fantassins de Shien, ni les 9 Légionaires restants ne pourraient faire bloc face à un tel engouement.


– Je vais les rejoindre, sourit le samouraï. Mettez vous à l'abri ! Il embrassa les siens, et courut retourner à son poste. Il savait maintenant qu'il avait bien agi et qu'avec sa nouvelle force rejoindre le centre de la Cité ne serait qu'une question de temps.



Chapitre 27 : L'embuscade de la porte Ouest



Spoiler :



– Rah….pourquoi es-tu venu mettre ton grain de sel, Yaichi ?


Son camarade archer l'ignora. Les deux samouraïs avançaient derrière leur commandante, la Dame Guerrière des Terres Désolées, au côté des Résistants. Aux quatre coins de la ville, les combats avaient commencé. Kamon avait été affecté à l'Ouest. Il l'avait choisi, dans le but de se retrouver seul avec la belle le temps d'une bataille. Mais c'était sans compter sur Yaichi, bien décidé à surveiller chacun de ses faits et gestes.


– Concentre toi sur la mission, finit il par répondre d'un ton sec.


Ils avaient rencontré quelques ennemis, mais ceux ci avaient été neutralisés rapidement. Le petit groupe progressait rapidement en direction du centre, pour retrouver le plus rapidement les autres et affronter le Bushi Immortel. Ils avaient traversé pour l'instant un des quartiers marchands, reconnaissable par une l'étendue de boutiques fermées qui se présentait des deux côtés de la route.


– C'est louche…je m'attendais à une défense plus solide de la part des Shien.


– Peut être sont ils affairés de l'autre côté de la ville ?


Tandis qu'ils discutaient, le petit groupe se rapprochait d'une tour de pierre qui parut immédiatement suspect aux deux guerriers. La Dame Guerrière avait aussi eu un mauvais pressentiment car au même moment, elle ordonna à ses troupes de s'arrêter. C'était une tour carrée, semblable à un petit fort. D'étroites fentes carrées étaient incrustées un peu partout dans les murs. Aucun bruit ne s'en dégageait.


– Ca….y avait po dans l'coin avant les Shien, commenta un des Résistants en montrant du doigt l'édifice.


– Autre…..chemin, chuchota la Dame Guerrière qui préférait éviter de prendre des risques.


Kamon admira la façon dont cette femme parvenait à se faire obéir par une trentaine d'hommes alors qu'elle devait connaître à peu près le même nombre de mots de leur langue. Sous ses ordres, le groupe commença à se décaler. Hélas, trop tard.


Il y eut un grincement en provenance de la tour. Puis un second. Un troisième. Cela venait des fentes. A l'intérieur, on allumait des torches.


– Des canons ! Dispersez vous ! Beugla Yaichi.


La première détonation retentit à peine une seconde plus tard. Elle toucha la troupe regroupée de plein fouet. Ceux qui purent sautèrent sur les côtés. Ce fut le cas de Yaichi, qui plongea avec une dizaine d'hommes vers la droite. Kamon, lui, avait saisi la Dame Guerrière pour la protéger, l'abritant du côté gauche. Ceux qui étaient indemnes les suivirent alors. Les hommes du milieu, en revanche, avaient eu moins de chance. Sur les 36 compagnons, 7 avaient fini broyés par le boulet envoyé depuis la tour de garde. D'autres projectiles furent tirés sur l'allée principale, sans résultat car les guerriers s'étaient réfugiés dans les ruelles adjacentes. Alors les Shien changèrent de stratégie.


Yaichi, rejoins nous avec tes hommes ! cria Kamon à son allié depuis la ruelle opposée.


– Si on traverse l'avenue, ils vont nous pulvériser, expliqua l'archer. Tant pis, il faut se disperser pour le moment.


Chaque groupe avait entrepris de courir dans les petites rue avec à sa tête une quinzaine de soldats, bien décidé à rejoindre le centre de la Cité tant qu'il faisait nuit. Mais les Shien n'avaient pas dit leur dernier mot. D'autres fentes s'ouvrirent, et avec elle apparurent de nouveaux canons, braqués sur les quartiers autour de l'avenue.


– Ils vont tirer sur les habitants ?


L'armée du Régime avait toujours carte blanche concernant les civils lorsqu'il s'agissait d'un combat. Malheureusement, cette soirée ne ferait pas exception, et les autres le savaient. La tour se mit à tirer de tous les côtés aveuglement, avec frénésie, dans l'espoir de les abattre. De grands fracas retentirent à proximité, suivis de hurlements. Comme au sud, les habitants sortirent paniqués de leurs maisons, de peur d'être déchiquetés par les boulets. Certains brisèrent les toits et s'enfoncèrent dans les salons, d'autres firent de même dans les boutiques, ou au milieu des pavés. Des veilleurs Shien sortirent de l'édifice armés de torches, prêts à en découdre.


Les Résistants survivants coururent de toutes leur force pour sortir du périmètre de la tour, tout en avançant vers le centre. Il était difficile d'avancer au milieu de la foule qui s'agitait dans tous les sens, mais les deux groupes parvinrent à rester plus ou moins homogènes. Chacun se précipitait en gardant à l'esprit ce qui pouvait leur arriver à tout instant. Seulement, malgré cette peur que tous avaient au tripes, la Dame Guerrière s'arrêta un instant. Elle avait vu une petite fille, toute seule, qui pleurait au pied d'une maison détruite. Sous les gravas, on distinguait un bras et une jambe écrasés.


– Mais qué'qu'elle fait ?! Faut s'dépecher ou on va y passer !!


Mais la commandante ne releva pas. Elle fit simplement signe avec le bras d'avancer, mais contrairement à ses hommes, elle se dirigea vers la gamine.


– Hé, toi….dit elle doucement à La Petite Fille Malheureuse.


On pouvait voir dans le regard de l'enfant qu'elle avait perdu toute volonté de vivre. Elle était couverte de poussière, recroquevillée sur elle même, au bord du dernier mur de sa maison qui avait résisté au boulets Shien. Ses cheveux tout ébouriffés cachaient une partie de son visage, et plusieurs égratignures sur sa joue droite. La Guerrière comprit immédiatement que le reste de sa famille avait été enseveli sous les décombres. La petite fille releva tout doucement la tête.


Une orpheline de plus causée par la guerre…Les Shien sont de véritables monstres.


La commandante se retourna, surprise. Kamon l'avait suivi et se penchait à son tour pour examiner la petite.


– Toi ?


– Ouais…je ne pouvais pas abandonner une demoiselle en détresse, expliqua t-il en souriant. Malheureusement, le temps nous est compté et nous n'avons pas le temps de nous occuper de cette petite. Nous devons rejoindre les autres, qui sont déjà bien loin…


Mais entre temps, la fillette avait saisi le bras de la Dame Guerrière, et ne semblait plus vouloir la lâcher. Celle ci s'agenouilla à son niveau pour tenter de la réconforter. Au même moment, un autre boulet frappa à quelques maisons devant eux. Kamon comprit qu'elle n'était pas en sécurité ici.


– Bon, d'accord, admit il. On va la déposer dans un endroit plus sur.


Le duo reprit alors sa course,Kamon portant la La Petite Fille Malheureuse sur son dos. La commandante s'assurait qu'elle allait bien tandis qu'ils se déplaçaient, n'hésitant pas à faire une pause de temps à autres en plein milieu des ruelles si la jeune fille grimaçait. Kamon fut surpris devant tant d'humanité de la part de cette femme sur le champ de bataille. Elle, était belle, attentionnée, intelligente…Décidément, la Résistance avait recruté un bon élément.


Il ne s'était même pas écoulé dix secondes après qu'il eut formulé cette pensée que déjà, les veilleurs Shien vinrent à leur rencontre. Ils étaient toujours dans le rayon d'action des canons mais bizarrement, ceux ci ne tiraient plus dans leur direction. Les torches des veilleurs indiquaient en effet leur position depuis la tour, indiquant aux canonniers où il ne fallait pas envoyer de boulets.

Les ennemis étaient au nombre de sept, tous munis d'une dague dans une main et d'une torche de l'autre. On pouvait voir l'agressivité transpirer de leurs visages éclairés dans la nuit par le feu.


– Merde ! grogna Kamon. Je ne peux pas me battre car non seulement j'ai la gosse dans le dos, mais en plus avec ma dynamite je risque de faire sauter le quartier…


C'était vrai. L'arme de prédilection du samouraï était adaptée au vastes terrains ouverts, comme des plaines ou des champs. Ici, les ruelles étaient étroites et composées de nombreuses structure en bois, qui menaçaient de s'embraser à la moindre explosion. Yaichi lui avait pourtant dit de modifier son arsenal en conséquence, mais il n'avait rien voulu entendre. Ah, Yaichi…finalement, il aurait bien voulu l'avoir à ses côtés…


– Je fais, déclara la Dame Guerrière en sortant son épée.


– Attends ! Je ne peux pas laisser une jeune femme frêle et fragile se….


A peine avait il terminé sa phrase que deux des Shien tombèrent au sol, laminés par les coups de la Guerrière. A ce moment là, Kamon fut content qu'elle ne comprenne pas le japonais. Plus méfiants, les trois autres se jetèrent sur la jeune femme en tachant de ne pas la sous estimer. Mais ces précautions ne suffirent pas : elle trancha l'épaule du premier, qui fut forcé de lâcher sa dague. Le second tenta de la faire reculer avec sa torche. Un coup qu'elle anticipa, et qui ne l'empêcha pas de contre attaquer en plantant sa lame en plein cœur. Kamon. s'occupa du dernier qui passait près de lui en lui donnant un violent coup de pied qui le déséquilibra. La commandante acheva ceux qui gesticulaient au sol d'un coup d'épée vif et précis.


– Ne regarde pas, fit Kamon à la La Petite Fille Malheureuse. Ces atrocités ne sont pas pour les enfants. La Dame Guerrière se rapprocha de la petite pour voir si tout allait bien. Celle ci serra très fort le samouraï et ferma les yeux.


La Dame Guerrière se rapprocha de la petite pour voir si tout allait bien. Celle ci serra très fort le samouraï et ferma les yeux. Il ne restait plus que deux veilleurs Shien qui ne s'étaient pas précipités sur eux. Il se regardèrent, puis jetèrent un œil à leur camarades décédés et aux deux intrus encore indemnes.


On…on se casse….


Et les deux hommes apeurés s'enfuirent aussi vite qu'ils purent.


– On s'en est bien sortis, souffla Kamon. Je ne te savais pas aussi forte.


La Dame Guerrière sourit en guise de réponse.


– Mais maintenant, les bombardements vont reprendre. Dépêchons nous de trouver un abri pour la petite.


Ils reprirent leur traversée des ruelles.


De son côté, Yaichi était déjà sorti de la zone de danger avec son groupe. Ils avaient rencontré plusieurs veilleurs Shien, mais s'en étaient sorti sans trop d'encombres. Quatre soldats étaient morts, ce qui en laissait toujours une dizaine un peu fatiguée, mais toujours capable de se battre. La tour bombardait toujours, à raison d'un boulet toutes les trente secondes environ, si bien que quasiment tout le quartier à proximité était dévasté. En évaluant les destructions, les Résistants avaient pu clairement évaluer le champ de tir et éviter de lourds dégâts. Heureusement pour eux, il n'y avait aucune autre tour dans les parages, les Shien ayant considéré suffisant d'en bâtir deux ou trois dans toute la ville.


Ils approchaient à présent de l'autre tour, la grande tour centrale dans laquelle résidait le Bushi Immortel. Leur objectif final. Le point où ils devaient retrouver les autres groupes pour une attaque en bloc. Il y avait une seconde série de rempart, mais ceux ci n'était pas gardés, car la majorité des soldats s'étaient dispersés pour repousser la Résistance. Yaichi aperçut néanmoins un dizaine de cadavres à l'entrée.


– C'est nous qui nous sommes chargés d'eux, commenta une voix familière dans son dos.


Nisashi ! fit l'archer en se retournant. Toi aussi tu es là !


Le plus âgé des Six Samouraïs se tenait radieux aux côté du commandant Mataza et de ses hommes. Il était quelque peu essoufflé, et son armure verte était tintée de sang.


– Nous avons du affronter de terribles ennemis, mais Mataza et moi nous sommes battus côte à côte, et avons finalement triomphé. De plus, j'ai retrouvé des personnes qui m'étaient cher…


Il s'arrêta un moment, puis regarda autour de lui :


– Mais au fait, où sont les autres ? Tu n'étais pas accompagné de Kamon ? Ne me dit pas que…


– Je ne sais pas où ils sont, coupa Yaichi. On s'est perdus de vue à cause des Shien.


– De toute façon, il faut encore attendre les autres des portes Est et Nord, intervint Mataza. J'espère que tout s'est bien passé là bas…


Kamon et la Dame Guerrière avaient pris du retard. La La Petite Fille Malheureuse ralentissait le samouraï, qui peinait à courir tout en la protégeant d'éventuels boulets de canon.


– Je…je crois qu'on est sortis de la zone de danger, dit il au bout de cinq autres minutes de sprint. Je ne vois plus non plus de veilleurs.


L'Ouest était en réalité la partie de la ville la moins surveillée, car on estimait qu'à elle seule la tour suffisait à repousser n'importe quelle armée. Seulement, un petite troupe comme la leur avait aisément pu en triompher en se dispersant rapidement. Il y avait là un petit temple éclairé à la lumière d'une bougie. Kamon s'approcha du lieu sacré, où un prêtre veillait. Celui ci se tourna vers les guerriers, et regarda l'orpheline.


– J'ai entendu du bruit dehors. Je priais justement la déesse Amaterasu pour que ce genre de chose n'arrive pas. Vous êtes en guerre contre les Shien n'est ce pas ?


– Oui.


– Je m'en doutais. Vous pouvez me confiez l'enfant. Ce sanctuaire constitue un havre de paix où se réunissent ceux qui souffrent. Elle sera en sécurité ici.


La petite fille lâcha à contrecœur Kamon, regarda ses sauveurs une dernière fois, puis rejoignit le prêtre.


– Je vais m'occuper d'elle, soyez en sur. Je prierais pour vous également.


Ils remercièrent l'homme comme il se devait, puis partirent de nouveau. Malgré la brièveté de leur rencontre, les deux Résistants ne purent s'empêcher d'avoir un pincement au cœur en voyant la petite s'éloigner. Qui sait, peut être la rêveraient ils un jour, lorsque la paix serait revenue ? Quoi qu'il en soit, la tour du Bushi où les autres attendaient n'était plus très éloignée.


– Finalement on a réussi à sauver cette petite, ditKamon.


– Oui, répondit la Dame en s'arrêtant à une bifurcation.


– Même si maintenant on est plus que tous les deux….


– …..


– Tu sais, je crois même que j'ai un peu le béguin pour toi…dit-il en rougissant.


La Dame Guerrière se rapprocha alors de lui. Elle ne souriait plus du tout.


.- Tu veux que je te dise, Kamon ? Tu n'es qu'un imbécile.



Chapitre 28 : La crise de la porte Est



Spoiler :



Du côté de la porte Est, les choses n'étaient pas bien différentes qu'ailleurs. Une petite trentaine d'hommes luttaient pour forcer un passage dans la Cité et parvenir jusqu'à son centre. Il y avait à leur tête le grand chef en personne : le Samouraï Shiranui. L'Envoyée Des Six Samouraïs et son fils Yariza assuraient ses arrières.


Ce dernier était resté silencieux depuis le début des hostilités. Jusque là il n'avait pas vraiment eu besoin d'intervenir : le prince Shiranui terrassait à lui seul les hordes de Fantassins De Shien, qui tentaient de les retenir. Il attendait l'occasion de briller, le moment où il pourrait montrer à sa mère qu'il avait progressé depuis son départ.


– Je crois que c'est terminé, fit le prince en soufflant.


Derrière lui s'entassaient les dépouilles de la quarantaine de petits singes qu'il avait terrassé, tandis que son cheval ruminait. Les petits ennemis peinaient à faire face à l'imposant guerrier, dont le destrier renforçait la carrure. C'était l'une des rares montures de la Résistance à avoir survécu au passage en force dans la Cité. La plupart des autres avaient fui après que leur propriétaire aient pénétré dans de trop étroites ruelles, ou avaient tout simplement été abattues par les Shien. Mais pas la sienne. Le prince était un bien trop bon cavalier pour cela.


Les paysans, soulagés, tachèrent d'avancer. Pour l'instant, tout se déroulait sans encombre.


– Reposez vous, votre altesse, assura Yariza. Je prends la première ligne.


Personne ne l'avait obligé à faire cela. De son plein gré, le jeune homme voulait se montrer entreprenant. C'était décidé, les prochains ennemis seraient pour lui. Il était temps de montrer à tous la force qu'il avait acquis.


Mais peut être avait-il parlé trop tôt car soudain un puissant bruit de cloche retentit. Tous se retournèrent : on aperçut des Signaux de Fumée de Shien qui ne pouvaient réclamer qu'une seule chose : des renforts.


Un des Résistants décocha une flèche qui permit d'arrêter les cloches de sonner. Le veilleur qui les faisaient retentir, déséquilibré, tomba de sa plateforme. Cependant, le mal était fait. Une autre armée arriva bientôt, mais ce n'était plus des Fantassins De Shien. Ils avaient été remplacés par des Légionnaires armés jusqu'au dents. Ceux ci étaient au nombre de 21.


– Ils sont presque aussi nombreux que nous, commenta l'Envoyée. Je crains que l'on ne soit pas capables de les battre.


– Je suis prêt à les neutraliser, répliqua son fils en première lige tandis qu'il se mettait en garde.


Elle le regarda, mais alors que l'ennemi se rapprochait elle vint le rejoindre devant.


– Arrête. Je sais que tu ne peux pas le faire. Nous allons nous battre ensemble.


– Tu es encore un jeune guerrier, Yariza. Je vais m'en charger avec l'aide de ta mère.


Comme pour accompagner ses mots, le Samouraï Shiranui cavala devant lui pour retrouver sa place initiale, à la tête du groupe. Yariza savait comment allaient se passer les choses. Les deux autres viendraient, plus ou moins facilement, à bout de la quasi-totalité des ennemis à eux seuls. Et il ne resterait rien pour lui, personne ne le laisserait faire ses preuves. Tout comme les autres Résistant, derrière, il n'aurait pas de réel rôle dans cette bataille. Cantonné à celui de simple soldat, silencieux. Silencieux…..


Yariza frémit. L'espace d'un instant, il allait s'emporter. Or, tout bon guerrier se doit de rester calme pour analyser la situation. De toute façon, malgré leur force impressionnante, les deux leaders ne pourraient combattre une vingtaine d'officiers en même temps. Il y en aurait bien un ou deux qui échapperait à leur vigilance, que lui pourrait affronter.


Et effectivement, ce qui devait arriver arriva. Sur l'ensemble des ennemis, quatre parvinrent à franchir la barrière que les deux guerriers représentaient. Presque immédiatement, Yariza saisit sa chance et partit à l'attaque. Il sortit sa lance et la projeta sur le plus proche. Etonné, le Légionnaire para de justesse. Mais ses alliés ne tardèrent pas à répliquer à coups de sabre. Dans un premier temps, le samouraï esquiva facilement.


Toutefois, il comprit rapidement qu'il s'était frotté à plus fort que lui. Les coups s'enchaînèrent, à un rythme toujours plus soutenu. Il s'essoufflait ainsi progressivement face aux attaques simultanées des quatre experts. Ses coups devenaient de moins en moins précis avec la fatigue, au point d'ouvrir démesurément sa garde. Fatalement, une frappe mieux placée que les autres finit par atteindre Yariza. Le Légionnaire qui était derrière lui fracassa l'arrière de son armure avec sa lame, avec une telle violence que le guerrier s'écroula d'un coup. Il ne pouvait plus lutter.


– Crève, marmonna l'un des quatre, impatient de se débarrasser du jeune homme en lui plantant son arme en plein coeur.


Yariza !!


Affalé au sol, le samouraï n'eut pas le temps distinguer à qui appartenait la silhouette colorée qui rapidement s'interposa entre lui et les hommes pourpres. Tout ce qu'il vit, ce fut un filet de sang couler de l'épaule de l'individu au dessus de lui, pour venir tomber à hauteur de son nez. La personne s'était interposée devant ses bourreaux, au point de finir blessée. En reprenant ses esprits, il put enfin reconnaître son sauveur.


– Mère !!!!


L'Envoyée Des Six Samouraïs, blessée, fut propulsée au sol à l'endroit même où se trouvait son fils quelques instants plutôt. Celui ci se releva la larme à l'œil, encore stupéfait par ce qu'il venait de voir.


– Reprends ton poste, Mizuho ! ordonna le Samouraï Shiranui.


Celle ci avait foncé sans prévenir au secours de son fils, abandonnant le prince seul face aux 17 soldats qu'ils affrontaient conjointement. Certes, ils en avaient déjà éliminé 6, mais les 11 restants demeuraient un fardeau trop important pour le seul prince, et ce n'était assurément pas le reste des Résistants qui allait pouvoir l'aider. Lorsqu'il comprit dans quel état se trouvait la numéro 2 de l'expédition, il ne put retenir un grognement de colère.


Yariza était resté immobile, debout face à sa mère, cette grande guerrière qu'il avait toujours admiré. La blessure, qui partait de son épaule droite, formait en réalité une longue rayure qui déchirait tout son flanc. Elle semblait incapable de se relever.


– Alors ça y est, l'heure est venue pour moi de te rejoindre….Shinai ?


Les quatre Légionnaires s'attroupèrent autour d'elle, ignorant temporairement son fils. L'un d'entre eux leva sa lame pour appliquer la sentence réservée aux perdants, exactement comme pour lui tout à l'heure. Cependant l'un de ses camarades l'arrêta et le repoussa en arrière d'un geste brusque.


– Arrête. Malgré son âge, elle est plutôt jolie. Ce serait dommage de gâcher ça.


L'homme, en plein milieu du champ de bataille, commença à retirer son armure, dévoilant une longue chevelure grisâtre. Yariza reconnut celui qui était responsable de la blessure.


– Chaque guerre connaît son lot d'atrocités, dit il en s'approchant de la femme au sol.


Yariza se mit à trembler. Qu'allait donc tenter ce Shien sur sa mère ?! Cette puissante guerrière ne méritait donc pas plus de respect qu'une simple fille de joie ??!! L'officier déchira un peu plus le yukata de l'Envoyée. Yariza serra les poings. Tout était de sa faute. C'était à cause de lui, lui qui n'avait pas su rester à sa place, lui qui était un boulet pour sa mère, obligée de se ruer à son secours au point de finir dans cet état. Et ce alors qu'on avait besoin d'elle ailleurs. Il était le seul responsable.


Yariza…murmura la femme tandis que l'oppresseur se rapprochait dangereusement d'elle.


Le seul…le seul responsable…le seul….Le jeune homme écarquilla les yeux. Son souffle s'accentua, au point qu'il respirait difficilement. Il n'entendait plus rien autour de lui. Tout d'un coup il sentit des sueurs froides remonter, d'abord dans son cou, puis dans tout son dos. Il sentit que ça remontait. Les pulsions enfouies au plus profond de son être, qu'en temps normal il parvenait à canaliser. Ce soir, face à l'impasse de la situation, il ne pouvait plus retenir cette puissante haine qui le submergeait. Tant pis, comme dans la forteresse d' Hanzo, malgré les conséquences, il faudrait céder. Incapable de se contrôler, le samouraï se mit à hurler, comme possédé :


– HAAAAAAAAAAA !


Le cri inattendu qu'il produit sut capter l'attention des Shien. Celui aux cheveux argentés, qui semblait être le chef du petit groupe, et peut être même de la vingtaine d'hommes, s'approcha de lui.


– Je vais d'abord m'occuper de l'avorton. On sera plus tranquilles. Retenez la femme, mais n'y touchez pas. Je passe en premier.


Les sueurs froides s'étaient arrêtées. Yariza ne tremblait plus. Ses yeux regardaient vaguement à l'horizon. Le jeune guerrier était dans un état second. Il avait fini par accepter les pulsions. Il considéra le Shien qui lui faisait face :


– Je vais te détruire.


Il y eut un silence, puis l'homme déconcerté éclata de rire :


– Tu veux me détruire au combat, c'est ça ? Pauvre fou ! On ne m'appelle pas le Casse-Cou Déterminé pour rien ! Même si ton attaque était supérieure à la mienne, ce qui est impossible, je ne serais pas détruit.


Yariza n'écouta pas. Derrière son masque, il souriait. Ce soir le sang allait couler à flot. Il saisit sa lame et s'élança vers l'autre, qui avait préparé ses katanas. Le jeune homme fut le plus rapide : d'un pas vif, il se glissa derrière la garde du Casse-Cou Déterminé et brandit son arme sur lui. Il enfonça celle ci de toute ses forces dans le corps de l'officier, qui émit un puissant cri de douleur.


– Enflure….


Il crachait du sang. Yariza, qui tenait encore sa lance, l'extirpa de la poitrine de l'officier où elle était logée. Aucun point vital n'avait été touché, mais l'opération n'empêcha pas un flot de sang de s'écouler à travers la blessure à vif qu'il avait crée. Fou de rage, l'ennemi bondit sur lui, bien décidé à le tailler en pièce. Mais ce n'était plus le même Yariza qu'il affrontait, le guerrier calme, discret et raisonnable. Il avait en face de lui un guerrier enragé, un véritable chien fou que personne ne pouvait arrêter. Le samouraï laissa son adversaire s'approcher au maximum, avant de lui donner un puissant coup de pied sous la ceinture pour le faire reculer. Malgré la douleur et ses multiples blessures, le Casse-Cou Déterminé voulut reprendre son attaque. Mais le temps de s'y atteler, la lance de Yariza s'était déjà rapprochée de lui à une distance critique. Il ne put empêcher celle ci de pénétrer de nouveau sa chair, cette fois dans les parties vitales. C'était son cœur qui avait bien sur été visé, mais l'officier avait pu esquiver le coup de sorte que ce soit son poumon qui soit perforé, et sa cage thoracique broyée. Semi conscient, il était à présent cloué au sol dans une flaque de sang.


– Reste en vie, s'il te plait, fit Yariza d'un ton méprisant. Je n'en ai pas encore fini ave toi.


Il comptait bien torturer le Shien avant de le laisser partir pour l'au delà, lui faire payer pour avoir osé déshonorer sa mère. Il fut toutefois interrompu lorsque les trois autres Légionnaires tentèrent leur chance en attaquant conjointement. Bah, ils connaîtraient le même sort…A ce moment précis, le samouraï avait perdu toute once d'humanité. Il n'était plus qu'une machine à tuer qui satisfaisait ses pulsions à la vue du sang qui coulait toujours plus. Lorsqu'il abattit le premier des trois en lui fracassant le crâne, il ressentit une certaine satisfaction, un plaisir dans la cruauté. Voir le visage de ses camarades se décomposer progressivement le rendait plus fort, plus implacable encore. Les deux autres ne résistèrent pas bien longtemps. Sa lame perfora l'armure du premier, puis déchira la carotide du second. Il ne furent bientôt plus que des corps inertes étendus sur les pavés rougeâtres de la Cité.


Non loin de là, l'Envoyée Des Six Samouraïs tentait de se relever, consciente de la folie que commettait son fils. Les valeurs des samouraïs qu'elle défendait n'étaient pas celle ci : ce qui les différenciait des Shien et de leur brutalité aveugle était justement leur manière d'éliminer l'ennemi rapidement et sans souffrance, seulement lorsque cela était nécessaire, et sans céder à ses émotions. Tout l'inverse de ce qui se produisait sous ses yeux.


– Restez tranquille, mère, dit Yariza sans vraiment la regarder. Je m'occupe du dernier et je viens vous aider.


Il n'y avait peut être pas que du mal dans la crise qu'il avait déclenché. Après tout, il avait enfin montré à sa mère le potentiel qu'il détenait lorsqu'il laissait parler sa colère. Une force qui dépassait peut être celle des cinq autres samouraïs. C'était lui le héros, lui, le combattant de premier plan qui terrassait les Shien. Quelques pas lui suffirent pour retrouver le Casse-Cou Déterminé qui gisait au sol. La flaque qui l'entourait s'était entre temps élargie, et on voyait bien qu'il n'en avait plus pour très longtemps. Cela n'empêchait pas ses lèvres d'arborer un étrange sourire.


– Tous les Shien sont comme ça au bord de la mort ? demanda le samouraï d'un ton moqueur.


Sans attendre de réponse, il leva sa lame au ciel, répétant le même geste que les Légionnaires précédemment. Mais à ce moment précis, quelqu'un l'interrompit.


– Hé, attends là ! Il a eu son compte, t'y crois pô ?


Un villageois membre de la Résistance, qui apparemment avait observé la scène, l'avait saisi par la taille afin de l'empêcher d'achever l'ennemi.


– Y va mourir de tout'manière ! continua t-il. Faut pas s'acharner comme ça, on a not' dignité !


– Lâche moi, ordonna le samouraï en se débattant, tandis que ses envies de meurtres insatisfaites grandissaient d'avantage.


– Non ! insista l'autre.


L'impensable se produisit alors. Soumis à cette envie d'achever le Casse-Cou qui avait mis à terre sa mère, Yariza changea de direction sa lance toujours brandie, et la retourna contre le Résistant. Il lui enfonça celle ci dans les bras, forçant le pauvre homme à le lâcher. Cela suffit pour que le paysan peu habitué aux blessures de guerre s'éffondre à terre, évanoui. Conscient de ce qu'il venait de faire, le samouraï regarda furtivement autour de lui à la recherche d'éventuels témoins. Apparemment, ses compères étaient partout aux prises avec les Shien. Mais il en remarqua un qui le regardait fixement d'un air grave, tout en se battant. Le Samouraï Shiranui, qui entre temps avait défait 6 des 17 ennemis qui l'encerclaient. Sa mère, enfin debout, avait à peu près la même réaction. Le Casse-Cou déterminé, lui, éclatait de rire :


– Tu es encore plus monstrueux que nous ! Tu devrais faire carrière chez les Shien !


– Il suffit, dit il en brandissant sa lame de nouveau, un peu plus calme qu'auparavant.


L'officier arrêta de rigoler. Il sortit une dynamite de derrière ses cheveux, cachée dans un compartiment dont Yariza ignorait l'existance. La ficelle était extrêmement courte, la détonation allait avoir lieu dans quelques secondes à peine. Sans que la samouraï put faire quoi que ce soit, l'ennemi alluma la mèche et la lança ses pieds.


– Je ne pars pas seul, brailla t-il. Pour toi comme pour moi, l'heure de la Carbonisation est venue.


Presque instantanément, une énorme explosion retentit. Yariza tenta tant bien que mal de se jeter en arrière, mais il sentit malgré cela son armure craquer sous le choc. L'onde de choc le propulsa quelques mètres en arrière, loin de la zone d'impact. Il était de nouveau par terre, blessé légèrement. Il essaya de bouger, mais à son premier geste l'avant de son armure se fissura. Quelques morceaux tombèrent, mettant son buste et son visage à découvert. Il était sonné et hébeté, mais toujours en vie. On ne pouvait pas en dire autant du Shien, dont le corps avait été soufflé par l'explosion. Mais il y avait une autre victime : le Résistant qu'il avait assommé n'avait pas non plus pu s'enfuir, et avait connu le même sort.


Une grande tristesse traversa Yariza. Tout cela était de sa faute. S'il ne l'avait pas ramené de tels dégats, pour sa mère comme pour cet homme, auraient pu être évités. Mais non, il avait fallu qu'il joue les héros. De nouvelles larmes coulèrent le long de ses joues. Les pulsions étaient reparties.


– Je suis là, Yariza. Tout est fini.


L'l'Envoyée, à ses côtés, venait de le prendre dans ses bras. Un geste de tendresse auquel il n'était pas habitué, lui qui était resté sans elle pendant si longtemps.


– Pardon, mon fils. J'aurais du être à tes côtés plus longtemps.


– Je voulais vous montrer, mère….Mais j'ai échoué, marmonna t-il en pleurant à chaude larmes.

Je suis fière de toi, mon fils. Tu n'as plus besoin de te mettre en colère, ni de prouver quoi que ce soit. Pardonne moi, j'ai peut être été trop dure avec toi dans le passé, à toujours être exigeante… Je voulais te pousser à toujours te dépasser, sans comprendre que cette pression pouvait te mener à une telle violence. Mais je t'aime, Yariza. Et je ne veux plus que tu souffres à cause de cela.


Elle avait assisté intégralement à la scène. Les pulsions de son fils semblaient dangereuses, et elle était consciente qu'il faudrait encadrer cela au plus vite. Le prince Shiranui qui venait de se débarrasser de ses adversaires, fit signe qu'il avançait avec les autres Résistants vers la tour centrale. Elle comprit à son air grave que lui aussi avait tout vu. Le champ de bataille fut bientôt vidé de toute forme de vie à l'exception de la petite famille. Le barrage Shien s'était soldé par la mort des 21 Shien et de 11 Résistants, sur les 32 que comprenait le groupe.


L'l'Envoyée, elle, resta sur place avec son fils. La bataille était finie pour eux, mais un autre défi les attendait : reconstruire les liens de mère et de fils, que le temps avait contribué à fragiliser.


C'est à peu près à ce moment que non loin d'eux, leSolitaire Shiranui choisit de se montrer.



Chapitre 29 : L'alliance de la porte Nord



Spoiler :



– Le plan est simple, il suffit de foncer droit devant et de tout détruire sur notre passage.


Voilà ce qu'avait prévu le commandant Ben Kei, qui supervisait l'attaque dans le district Nord de la Cité. Le chef du petit groupe avait couru le long de l'allée principale, entraînant dans son sillage samouraïs comme Résistants. Parmi eux, Zanji. Le jeune homme était déterminé : il allait enfin combattre pour ramener la paix sur les terres du royaume. Son sens aigu de la justice le titillait, il avait hâte de passer à l'action.

A l'inverse, Irou semblait bien plus réservé. Le samouraï se contentait d'avancer, attendant avec flegme qu'on lui dise de combattre. Ben Kei courait juste à côté d'eux, armé de son sourire habituel.


– Bon, on dirait que les ennuis arrivent. Pourtant, on a été rapides….


Effectivement, comme ailleurs, des troupes Shien étaient venues à leur rencontre. Il y avait de tout : des Légionnaires, des Fantassins Shien,et toute sortes d'autres guerriers. Ils faisaient résolument barrage, prêts à empêcher l'ennemi d'aller plus loin. Derrière eux, on pouvait voir les premières marches d'un escalier menant à la tour centrale. L'affrontement semblait inévitable.


– Arrêtez ! gronda pourtant une voix.


A la grande surprise des Résistants, l'armée ennemie obtempéra à l'ordre. Ils s'écartèrent pour laisser un passage autour de l'escalier : celui qui avait parlé apparut alors au milieu des marches. Il s'agissait d'un jeune homme en armure, katana à la main. Il possédait des traits fins, qui lui donnaient presque un air fragile. De longs cheveux roux se dressaient derrière sa tête. On pouvait lire une grande tristesse dans ses yeux. Il balaya du regard la troupe de Ben Kei, considérant un à un chacun des Résistants. Son attitude calme et posée ne ressemblait en rien à celle d'un Shien.


– Je suis Getsu Fuhma, le protecteur de cette ville. Renoncez à cette folie avant que je ne cède à la violence.


Dans le camp Résistant, tous étaient complètement déstabilisés. La situation dépassait dépassait de loin le plan « foncer dans le tas » de Ben Kei. Mais qui était donc cet homme qui venait s'interposer devant eux, et à qui même les Shien obéissaient ?


– Laisse nous passer, tenta Zanji. Nous sommes venu libérer cette ville.


Quelques Shien grognèrent devant tant de culot. Getsu Fuhma, quant à lui se contenta de focaliser son attention sur le lancier :


– Libérer la Cité ?


Zanji hocha la tête en le fixant droit dans les yeux.


– Libérer ? Répéta l'autre. Tous ce que vous êtes venus apporter, c'est la mort et la désolation.


– Quoi ?


– Votre milice a déclenché une guerre dans la ville, continua t-il en descendant les dernières marches. Le sang va beaucoup couler ce soir. Ca a déjà commencé dans d'autres parties de la ville, je l'ai vu de là haut. Rien de cela ne serait arrivé si vous étiez resté chez vous.


Un grand silence retentit alors. Il avait raison, et aucune de leurs convictions ne pourraient effacer cela. Getsu Fuhma écarta d'un revers de bras l'armée Shien, pour se placer devant celle ci. Il toisa les Résistants, à une vingtaine de mètres de lui :


– Vous ne passerez pas.


Ben Kei fit signe à Zanji et Irou de s'approcher :


– Je préfère que vous vous occupiez de ce type tous les deux. Moi et mes hommes – c'est à dire moi tout seul vu leur niveau de combat actuel – je vais m'occuper de l'armée ennemie.

Ca va aller ? s'enquit le lancier.


Le commandant sourit de toutes ses dents en montrant l'arsenal qu'il cachait dans son dos, composé de toutes sortes d'armes plus ou moins conventionnelles.


– Avec tout cet équipement, je vais pouvoir attaquer plein de fois en même temps. Qui sait, je pourrais même tuer l'adversaire en un seul tour ?


Zanji acquiesça, rassuré. Irou, plus pragmatique, était méfiant. Il gardait à l'esprit que parmi le commandement de la Résistance se cachait peut être un traitre. Et si Ben Kei voulait les séparer volontairement du groupe pour se débarrasser d'eux plus facilement ? En tant qu'ennemi, il n'aurait rien à craindre des Shien qu'il était censé affronter seul…. Mais ce n'était qu'une supposition, et pour le moment Irou n'avait d'autre choix que de suivre les ordres. Il finirent donc par s'approcher de Getsu Fuhma.


– Seulement vous deux ? Vous me défiez ?


– Je ne sais pas qui tu es, mais nous devons à tout prix franchir ces marches, fit Zanji en brandissant son naginata. Tant pis si tu dresses sur notre chemin.

Je vais détruire le démon qui sommeille en vous, oppresseurs.


Zanji se rua le premier, profitant de l'allonge de son arme. La pointe de l'arme frôla le cou de Fuhma, qui s'inclina juste assez pour l'esquiver. Le tout en un geste parfaitement contrôlé.


– Et maintenant, tu es déséquilibré par le poids de l'arme.


Avant que le samouraï n'ait pu faire quoi que ce soit, il était déjà à moitié sur lui, brandissant son katana. Irou para de justesse.


– Tu pourrais faire plus attention, Zanji. Même un aveugle comme moi l'ai senti venir.


– Tu te débrouilles bien pour un non voyant, commenta le guerrier roux en enchainant les coups contre les deux samouraïs simultanément. Mais ce ne sera pas suffisant.


Il les balaya d'un revers de sabre. Les deux compagnons n'eurent d'autre choix que de reculer.


– Soyez raisonnables, abandonnez. J'épargnerai peut être vos vies. Il était toujours aussi calme. Contrairement à eux, il n'affichait aucune trace de fatigue.

Pourquoi fais tu cela ? beugla Zanji. Tu dis protéger cette ville, mais tu nous empêches de la libérer des Shien. Toi qui vit ici, tu dois pourtant bien voir ce qu'il font subir à la population. C'est ça, la ville que tu défends ?


Irou soupira. Encore ce discours idéaliste auquel son camarade tenait tant. Au moins, cela lui laisserait le temps de récupérer.


– Je ne défends pas les Shien. Tout comme les autres régimes, ils finiront par s'éteindre. Cependant, la Cité demeurera à travers les siècles. Et je refuse qu'elle soit souillée par des individus tels que vous.


– Nous voulons la paix !


– Alors pourquoi avoir déclanché cette guerre ?


– …..


– Vous ne valez pas mieux que les Shien.


Sur ces mots, Getsu attaqua de nouveau.


Zanji, il va falloir faire équipe, lança le samouraï aveugle. Nous avons nos différents, mais il va falloir laisser ça de côté pour aujourd'hui.


L'intéressé fit signe d'approuver, même si cela ne le réjouissait gère. Irou ne semblait absolument pas intéressé par les enjeux de la bataille. Contrairement à lui, n'était pas là par conviction mais parce qu'on le lui avait demandé.


Les deux tentèrent donc une riposte en équipe. Mais dans le feu de l'action, leurs gestes furent mal coordonnés, et ils se gênaient plus qu'autre chose. En voulant se rapprocher, le lancier donna ainsi un coup de coude à son camarade qui le dévia de sa course. Cela les handicapa bien plus que nécessaire, et Getsu Fuhma n'eut aucun mal à les envoyer au tapis de nouveau.


– Il est temps d'en finir.


Le cœur de Zanji se mit à battre à toute vitesse. Alors ça allait se finir comme ça ? Si vite, sans qu'il n'ai rien pu faire pour se battre dignement ? Il regarda son coéquipier. Lui aussi haletait, et son souffle paraissait irrégulier. Soudain, une image vint en tête au lancier.


Irou…tu pourrais refaire l'attaque de la dernière fois ?


Il faisait référence à l'attaque combinée que les deux hommes avaient exécuté dans la région des Montagnes, au tout début de leur aventure. Le samouraï le regarda d'un air surpris :


– C'est étrange…moi aussi je pensais à cela.


Ce n'était pas la première fois que les deux hommes, que tout opposait, se retrouvaient subitement sur la même longueur d'onde. Là dernière fois aussi, c'était arrivé. Mais il y avait plus urgent. Les jeunes guerriers s'empressèrent de lancer leur contre-attaque :


Prompte Tornade Du Samouraï !


Ils passèrent de chaque côté de l'ennemi, le prenant en tenaille à toute vitesse. Sans s'arrêter, chacun dessina avec son arme un vaste coup horizontal au large de ses côtes. Ce dernier para mollement. Les coups rayèrent son armure dans une moindre mesure.


– Il y a du mieux. Mais c'est toujours insuffisant.


– C'est parce que ce n'est pas fini.


Ils se retournèrent et exécutèrent une attaque frontale, avec un coup d'estoc. Surpris, Fuhma se décala de justesse, manquant de se faire empaler. C'était la première fois qu'il reculait vraiment. Il n'avait pas prévu cet enchainement.


A vrai dire, les deux autres ne l'avait pas prévu non plus. Le coup était parti tout seul, sur un coup de tête…qu'ils avaient eu tous les deux exactement au même moment. Il sentaient quelque chose en eux bouillonner. Sans vraiment comment l'expliquer, il se sentaient tout les deux en parfaite confiance, comme si tous les verrous avaient cédé, comme si ils étaient capable de tout à présent.


– Je ne sais pas ce qui se passe, dit Zanji, mais j'ai l'impression qu'on continuant comme ça, on peut gagner.


Et son camarade ne pouvait qu'approuver.


Il se remirent à l'assaut. Les deux samouraïs ne réfléchissaient plus à leurs techniques, il se laissaient porter par leur intuition de guerrier. Il en résultait des techniques parfaitement synchronisées, dangereuses et imprévisibles. Le protecteur de la Cité semblait beaucoup moins à l'aise que plus tôt. Chacune de ses parades venait plus lentement que la précédente, il fatiguait, et les deux autres ne lui laissaient aucun répit. Le terrible bras de fer, mené à coup de sabres, dura une bonne dizaine de minutes. Passé ce laps de temps, il finit par céder. Le katana d'Irou lacéra l'épaule droite de Fuhma, qui perdit l'équilibre.


– On le tue? demanda Zanji d'un air sombre.


– Avant, il a peut être des renseignements sur la ville ?


– Comme si j'allais dire quelque chose à des gens comme vous….


Il avait beau être épuisé, légèrement blessé et à la merci des samouraïs, Getsu Fuhma restait calme et sur de lui. Il imposait le respect, même en tant qu'ennemi.


– Pourquoi ne veux tu pas comprendre ? Cette guerre est un mal nécessaire pour retrouver la paix ! Si nous gagnons aujourd'hui, ce sont tous les habitants de la région des rizières qui seront débarrassés de l'oppresseur !


– Je me suis assuré que les Shien ne fassent pas de mal aux habitants, répliqua l'homme à terre. Et ce depuis des années ! Vous êtes les seuls à leur faire du mal ici.


C'est alors qu'un grand vacarme retentit. Ca venait d'une tour, plus à l'Ouest. En entend ce bruit, Getsu comprit ce qui se passait.


– Ce….ce n'est pas vrai, murmura t-il en tremblant. Ils avaient promis de ne pas l'utiliser….


– Qu'est ce que c'est ?!


– Des canons…. ils tirent sur les maisons du district Est…


– Mais c'est là où il y a Kamon et Yaichi !


– Je…je croyais que….


– Je comprends que tu veuilles protéger cette ville. Mais faire confiance au Shien est impossible.


– Passez, fit l'épéiste roux. De toute façon, je ne suis plus en mesure de vous arrêter.


Il n'y avait pas de temps à perdre. De son côté, Ben Kei et ses hommes en avait fini avec les soldats ennemis. En fait, il avait vu que les deux samouraïs maîtrisaient la situation et attendait qu'ils aient terminé.


– Que fait-on de lui, à votre avis ? fit il en désignant Fuhma.


– C'est un homme bon, répondit le lancier touché par la sincérité du guerrier. Il s'était juste trompé de camp. Je pense qu'il faut le laisser vivre.


– J'espère qu'on ne le regrettera pas, commenta le commandant en accompagnant ses paroles d'une petite tape dans le dos de ses hommes.


Le petit groupe entreprit de monter les grandes marches de l'escalier central pour retrouver les autres divisions au sommet. La moitié de la Résistance avait été décimée dans cet assaut, mais la stratégie avait payé : ils étaient tout proches du but. Le Bushi Immortel n'était plus qu'à quelques marches.


Il y avait une petite terrasse où s'étaient regroupés les autres samouraïs, qui attendaient d'être au complet pour aller plus loin. Il y avait pour l'instant Nisashi et Mataza qui l'avait accompagné au Sud, Yaichi, le Samouraï Shiranui et les hommes à leurs ordres.


– Il ne manque plus que Kamon et Yariza, remarqua Zanji.


Yariza et sa mère ont été blessés tout à l'heure, expliqua le prince. Je ne pense pas qu'ils soient en état de grimper ces marches escarpées, qui m'ont soit dit en passant forcé à abandonner mon cheval.


– Pour Kamon, on s'est séparés après une embuscade, dit Yaichi. Je n'ai pas de nouvelles de lui depuis….


– Et la Dame Guerrière des Terres Désolées ? demanda Ben Kei.


– Je…arrive ! balbutia quelqu'un qui déboulait d'un escalier adjacent.


Elle s'arrêta à quelques mètres d'eux et se laissa glisser le long d'un mur. Elle était toute essouflée.


– Pardon…fit t-elle en inspirant un grand coup.


– Et Kamon ? Il était avec toi ?


Elle fit non de la tête.


– Avant oui. Mais per….per……


– Tu veux dire perdu, c'est ça ?


Elle hocha de nouveau la tête, à l'affirmative cette fois. Tous se regardèrent. Le temps leur faisait défaut : si ils patientaient trop, les renforts ne tarderaient pas à débouler. il faudrait faire sans lui. Le Samouraï Shiranui réunit la troupe de guerriers, qui devait au total comporter une soixantaine d'hommes. La première partie de l'assaut avait duré quelques heures, et déjà l'aube commençait à se lever.


– Le jour qui va naître est crucial pour notre royaume. Levez vos armes ! Nous allons montrer aux Shien ce que vaut la Résistance !


La foule d'hommes galvanisés obéit, et dans un grand vacarme d'épées, de lances et de haches, tous s'élancèrent vers les dernières marches qui les séparaient de la liberté.



Chapitre 30 : L'identité du traître



Spoiler :



L'armée résistante était finalement parvenue au sommet de la tour. Depuis les remparts, on pouvait voir un panorama de la Cité, ainsi que l'étendue des dégats causés par la bataille : petits incendies dispersés ça et là, quartiers détruits, cadavres étalés au sol. Une fois la ville conquise, il faudrait s'assurer que le calme revienne en ces lieux.


Il y avait devant eux une grande porte, qui vraisemblalement était la dernière chose qui les séparait du Bushi Immortel. Le Samouraï Shiranui fit signe d'enfoncer la porte. Peu de temps après, celle ci céda. Ils découvrirent une vaste pièce rectangulaire, bordée d'un tapis de soie rouge. Celui ci se déroulait jusqu'au fond de la salle. Au bout, le Bushi attendait, installé dans ce qui semblait être un trône. C'était un homme assez âgé, avec un air sévère gravé sur le visage. Sa calvitie ne l'empêchait pas de porter de longs cheveux gras et mal coiffés, qui renforçaient son côté effrayant. D'une main, il se tenait la tête. De l'autre, il caressait son sabre posé sur ses genoux.


– Vous êtes donc parvenu jusqu'ici ?


Chez les Résistants, on ne prit pas la peine de répondre. Chacun saisit ses armes. Épées, fourches, haches, toutes se dressèrent dans la même direction. Le Shien arrêta de jouer avec la sienne et l'empoigna fermement.


– Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas battu moi même….ça fera un bon entraînement.


Il regarda la troupe de soixante hommes attroupés devant lui. Il ajouta alors :


– Je ne me bats pas contre n'importe qui…Que les meilleurs approchent. Je vais divertir les autres.


– On ne doit pas jouer son jeu ! prévint le prince.


Sauf qu'entre temps, le leader Shien avait puissamment frappé des mains pour appeler des renforts. Une vingtaine de Légionnaire de Shien apparurent d'une salle connexe, avant de partir à la rencontre des Résistants.


– Non ! grogna l'héritier Shiranui. C'est mauvais…Les samouraïs, venez avec moi. On va s'occuper de lui. Quant aux trois commandants et leurs soldats, ils élimineront les officiers.


Le prince gardait à l'esprit l'avertissement du Forgeron Shiranui : il y avait peut être un traître parmi les commandants. Cela pouvait être n'importe qui parmi Mataza, la Dame Guerrière ou Ben Kei. Il valait donc mieux les laisser tous trois ensemble, dans une formation où ils pourraient se surveiller mutuellement. Et surtout, là où le traître ne pourrait pas entraver ses propres mouvements.


– Venez ! Ordonna t-il en bran disant son habituelle épée de feu.


– Je me demande ce que vaut ce prétendu prince…


Les lames s'entrechoquèrent. La puissance que chacun mit dans le coup se dégagea en instant, au point d'en faire trembler le sombre parquet qui ornait le sol. Pensant le Bushi occupé, Nisashi, Irou et Zanji s'élancèrent à leur tour. Yaichi se tint également prêt à décocher une flèche dès que l'occasion se présenterait.


Mais sous estimer le temps de réaction du Shien fut une grave erreur : ce dernier vit l'ensemble des coups venir. Cependant, au lieu d'esquiver ou de parer comme on pouvait s'y attendre, l'ennemi adopta une stratégie radicalement différente. Il chargea en effet sur le Samouraï Shiranui grâce à de violents coup d'épaules, ignorant les samouraïs.


– Mais qu'est ce que ?!


Tous furent surpris par ce geste, qui brisait toutes les conventions du combat au sabre. Mais pour les Shien, il n'y avait pas de conventions. Peut importe les moyens mis en œuvre, une victoire était une victoire.


– Je vais m'acharner sur toi.


Le prince vacilla. Son épée de feu lui échappa des mains, tombant sur le tapis. Immédiatement, le Bushi tapa celle ci du pied afin de l'éloigner un maximum du combat. L'arme fut projetée contre un mur hors de portée, à l'autre extrémité de la salle. Le Samouraï Shiranui était désarmé.


Le chef Shien lui asséna quelques coups de pieds, de manière à s'assurer qu'il ne reprendrait pas l'avantage. Il savait se battre à mains nues, mais il était difficile de résister à un homme armé. Forcé de reculer, le prince se retrouva bientôt bloqué contre un mur. Cependant les samouraïs, ignorés du Bushi, foncèrent de nouveau à sa rencontre. Il anticipa, mais fut forcé de laisser de côté l'héritier Shiranui. Il fallait s'occuper méthodiquement de chaque samouraï, où il reviendraient systématiquement le gêner.


Il commença par parer les attaques combinées de Nisashi, Irou et Zanji, puis enchaîna avec une série invraisemblable de coups, qui n'avaient aucune cohérence entre eux. Une fois, c'était un coup vertical, puis l'instant d'après une estocade. Il n'y avait qu'une chose que tous ces coups avaient en commun : leur extrême agressivité.


Les samouraïs avaient du mal à saisir sa stratégie. Peut être d'ailleurs n'en avait il aucune. Quoi qu'il en soit, la garde du Bushi restait infranchissable : tout opposant devait rester plusieurs mètres à l'écart sous peine de finir transpercé par ses katanas. Zanji jeta un œil à son camarade aveugle :


– On remet ça, Irou?


Ce dernier hocha la tête, tout en se préparant.


Prompte Tornade Du Samouraï !


Un peu surpris, Nisashi regarda ses frères d'armes attaquer simultanément le Shien. L'espace d'un instant, tous crurent que c'était bon, qu'il allaient enfin réussir à le toucher. Mais il n'en fut rien. Le Bushi saisit leurs deux armes avec ses bras et les arrêta, en dépit de leur vitesse, comme on attrape un taureau par les cornes. Il avait un peu de sang au niveau des mains, mais n'y prêta même pas attention. Il profita de l'effet de surprise pour cogner brusquement les deux homme avec sa tête. Le coup de boule fut si puissant que Zanji en perdit son casque. Irou, qui lui n'était pas protégé, reçut le choc de plein fouet et manqua de peu de s'évanouir. Les deux guerriers tombèrent à genoux devant le Bushi Immortel. Décidément, il portait bien son nom.


– Vous aussi, vous voulez vous battre ? lança t-il à Nisashi et Yaichi, derniers des quatre à être encore debout.


Yaichi, c'est le moment ! indiqua son camarade en vert. Vise le tant qu'il est seul.


L'archer n'avait pas attendu le conseil et était déjà en train de viser. Il fallait viser les ponts vitaux : le cœur, la tête, et les articulations pour le paralyser. Ses doigts relâchèrent la corde de l'arc, laissant partir une première flèche. Celle ci fendit l'air à toute vitesse, pour venir transpercer l'armure du Shien et se loger tout près de son cœur. Seulement, contre tout attente, il n'eut pas la moindre réaction, mis à part un petit sursaut. Il ne chercha même pas à retirer la flèche, et se contenta d'avancer vers les deux hommes en retrait, avec un sourire au coin des lèvres. Déconcerté, Yaichi prépara un autre projectile. Il visa cette fois la nuque. Un point visible, que l'armure ne protégeait pas. Cette fois ci, rien ne pourrait l'empêcher de faire mouche.


Après une petite vrille, la flèche atterrit exactement là où l'archer l'avait souhaité, c'est à dire au niveau de la carotide de l'ennemi. Il grimaça vaguement lorsque la pointe se logea dans sa chair, fit un pas en arrière, mais ce fut tout. Il ne cria pas, ne s'écroula pas non plus. Tout portait à croire que ces deux coups, qui auraient du être fatals à n'importe qui, ne lui avaient rien fait du tout. Paniqué, Yaichi décida d'envoyer une par une toute les flèches de son carquois. Il visa toute les articulations des bras, des jambes, dans le but de le faire reculer. Il tira plusieurs fois sur les même zones, sans relâche, avec une bonne vingtaine de flèche.


– C'est bon…tu as fini ?


Le Bushi Immortel ruisselait de sang. Son corps était entièrement recouvert de flèches, comme peut être celui d'un hérisson de pics. Malgré cela, il se tenait debout, juste à côté d'eux. Il sortit une fiole de sa poche. Dedans se trouvait une étrange substance verdâtre que les samouraïs n'auraient gouté pour rien au monde. Le Shien avala goulûment le liquide, jusqu'à la dernière goutte.


– Du Stim-Pac…ça fait du bien….


Les samouraïs comprirent de quoi il s'agissait. Une drogue. Voilà qui expliquait son incroyable résistance à la douleur. Elle devait également placer son corps dans une sorte d'état second, qui lui permettait de se comporter normalement malgré ses blessures. Décidément, ce Shien était véritablement prêt tout pour gagner, au mépris de toute éthique.


Il ne pouvaient cependant rien faire pour l'arrêter. Nisashi tenta de s'interposer. Mais que pouvait il faire seul, alors que même à trois sur lui il n'avaient pu dégager la moindre petite ouverture ? Ses deux épées rencontrèrent les katanas du Bushi, qui les écarta violemenent. Il chassa l'ainé de samouraïs d'un grand coup de pied, le propulsant au pieds de Yaichi. De tout évidence, les samouraïs étaient vaincus. Mais ce n'était pas le cas du Samouraï Shiranui.


Le prince s'était remis des quelques coups qu'il s'était pris. Il avait ramassé son épée de feu et s'était éloigné des murs, pour revenir au centre de la pièce. Il se pencha pour aider Zanji et Irou, qui se relevaient lentement bien qu'encore sonnés. Il fusilla du regard le Bushi Immortel, occupé à rouer un Yaichi sans armes de coups divers et variés.


– C'est moi que tu veux…Alors viens te battre, Shien.


Le Bushi cessa de jouer avec son adversaire, et prêta attention à l'héritier.


– Oh….le petit prince réclame sa correction ?


– Comment savez vous qui je suis ?


– Pauvre idiot….si tu savais tout ce que je sais sur votre misérable petit mouvement….


Le yugioh=BOSH-34]Samouraï Shiranui comprit immédiatement où il venait en venir.


– Il y avait donc bien un traître ?


Le Bushi déploya un large sourire.


– Il est un peu tard pour s'en rendre compte…Regarde par toi même.


Le prince se retourna. Derrière eux, l'affrontement était terminé. Tous les résistants étaient à terre, inanimés. Certains étaient apparemment morts, d'autres juste blessés. Ils formaient des tas d'hommes empilés les uns aux dessus des autres, incapables du moindre geste. Deux des trois commandants figuraient eux aussi au milieu des tas. Peut être avaient ils tenu longtemps, mais eux aussi avaient été vaincus. Les Légionnaires de Shien, relativement peu touchés, les encadraient pour mater toute tentative de représailles.


Il ne restait que le troisième commandant de la Résistance. Ce commandant avait été totalement épargné par la bataille, et attendait tranquillement à côté des soldats Shien. Tout portait à croire que cette personne avait aidé les Shien à l'emporter. Le Samouraï Shiranui contempla ce spectacle, horrifié. Le traître s'était dévoilé. Tous ses espoirs s’effondraient.


– Non….ne me dis pas que….


– Calmez vous, prince….susurra le traître. Tout sera bientôt terminé.


Le Samouraï Shiranui, sous le choc, ne pouvait plus bouger. La Dame Guerrière des Terres Désolées avança vers lui, avec son épée couverte de sang dans la main droite. Elle brandit celle ci vers le prince. Il ne réagit pas. Il n'y avait aucune hésitation dans son regard, alors qu'elle s'apprêtait à assassiner celui qui avait été son supérieur pendant plusieurs années.


– Alors c'était toi….l'Espion de Shien !


Elle afficha un petit sourire, puis enfonça sa lame dans la poitrine du prince. L'épée pénétra sa chair et s'enfonça profondément, au point de transpercer son corps et de jaillir de son dos. Le dernier héritier de la dynastie Shiranui s'écroula à son tour au sol, comme tous ses camarade, sans un bruit. La douleur était effroyable, mais elle ne représentait rien en comparaison avec la tristesse qui le prenait. Il avait échoué. Et toute la Résistance payait le prix de son erreur. Il savait pourtant qu'un traître courrait peut être dans ses rangs, le Forgeron Shiranui l'avait prévenu depuis le Château De Brume.


– J'en ai laissé en vie comme vous me l'avez demandé, expliqua la Dame Guerrière au Bushi. Il y en aura une trentaine à exposer demain pour les exécutions en place publique.


Tous ces gens s'étaient sacrifiés pour lui. Pour rien, au final. Le Samouraï Shiranui ferma les yeux. Même si la blessure n'avait pas touché son cœur, elle était assez violente pour rendre son état critique. En voulant toucher sa blessure, il s'aperçut que son buste était déjà couvert de sang. Il n'y avait plus rien à faire. L'obscurité se répandit partout autour de lui.


Était ce cela la mort ? Ça ne ressemblait pas à ce que décrivaient les traditions. Au milieu du noir, une forme blanchâtre apparut devant lui. C'était une forme humaine, floue. Elle semblait lui parler :


– Mmm…..fiiiii….


Qu'était ce exactement ? Le prince se concentra sur la forme. Celle ci se précisa, la voix devint plus distincte. C'était une voix familière, qui rejaillit du plus profond de ses souvenirs.


– Mon fils….


Il la reconnut instantanément.


– Père ?


La silhouette devint totalement nette : il avait bel et bien devant lui le Saga-Shogun Shiranui. Le véritable roi, celui qui régnait avant le coup d'Etat du Grand Shogun Shien. Celui ci se tenait droit devant lui, le visage impassible. Il était exactement comme dans ses souvenirs d'il y a 10 ans.


– Alors tu vas abandonner, mon fils ?


– Père…je suis seul…je ne peux rien faire face à eux…


Il y eut un silence. Le prince, toujours au sol, tenta de se relever. Mais ses blessures l'empêchaient de faire quelque geste que ce soit.


– J'ai fait tout ce que j'ai pu. Mais je dois l'avouer, la Résistance est vaincue. Tous ses membres ont été balayés, sans exception. Vous m'avez manqué, père. Je vais bientôt trouver le repos à vos côté.


– Tu n'as donc pas plus de respect que ça pour tes sujets ? demanda l'ancien shogun d'une voix rauque.


– Je ne peux plus rien faire, répéta le fils.


– Tu me déçois, mon enfant…Tu as pourtant encore un moyen de lutter.


– De quoi parlez vous ?


Comme pour répondre à sa question, un autre homme apparut devant eux. Un vieil homme que le au prince Shiranui connaissait. Il s'agissait du Maître-Esprit, son mentor resté au repère. En le voyant, le prince à terre se rappela de ce qu'il lui avait confié avant le début de la bataille.


– L'Épée-Spectre Shiranui! L'arme qu'utilisait mon père !


– Il s'agit en effet de l'épée que sa majesté utilisait en combat. Une partie de son âme réside encore dans l'épée.


Le prince regarda l'épée, toujours rangée dans son fourreau. Jusqu'ici, il n'avait utilisé que son arme personnelle, l'épée de feu.


– Mais je ne suis plus en état de l'utiliser….


Son père le regarda d'un air déterminé :


– Est ce que tu veux l'utiliser ?


– …..


– Veux tu le faire, pour tes hommes ?


– Oui, je le veux.


– Alors ta volonté se transformera en miracle.


C'est alors que l'ombre se dissipa. L'image du Saga-Shogun et du Maître-Esprit lentement. En disparaissant, un petit sourire apparut sur les lèvres de l'ancien roi.


– Ton heure n'est pas encore venue…mon fils.


Lorsqu'il ouvrit les yeux, le prince héritier était debout, avec l'Épée-Spectre Shiranui en main. Une étrange flamme bleu s'agitait tout autour de lui. Ses plaies semblaient cicatriser à vue d’œil.


– J'ai compris, père. dit-il d'un ton apaisé. Je n'aurais jamais du douter de la Résistance.


Avait il vécu un rève ? Une vision, aux portes de la mort ? Il n'en savait rien. Une seule chose importait : le Saga-Samouraï Shiranui venait de révéler son plein potentiel.


– Cette garde….je la reconnais ! beugla le Bushi Immortel. Ce jour là, il y a dix ans, l'adversaire de mon maître avait…


– Je vais vous montrer….la force de la dynastie Shiranui.


Le prince se précipita vers le chef Shien. Cette fois, il était comme invincible. Son père était avec lui, après tout. Plus rien ne pourrait l'empêcher de gagner. Le Bushi voulut attaquer. Mais la forme bleue entrava ses mouvements.


– Des flammes ?


Style du Coup de Situation Shiranui !!


La même technique que son père. L'Épée-Spectre Shiranuitournoya dans les airs, envoyant de puissantes ondes de choc sur son adversaire. Celui ci grogna, mais ne fut pas déstabilisé. De toute évidence, le Stim-Pac faisait encore effet.


– Étant donné que je ne peut pas te blesser…..


Le Saga-Samouraï fonça vers le Shien. Celui ci tenta un coup de pied, mais fut arrêté. Les réflexes du Saga-Samouraï semblaient eux aussi décuplés depuis son retour. Le Bushi gémit.


– …je vais te réduire en poussière !


Son épée était recouverte de ces étranges flammes bleues. C'était là la manifestation de l'âme de l'ancien shogun, il fallait croire. Mais le Bushi ne comptait pas se laisser faire. Son katana vint s'interposer avec violence, bloquant le Shiranui. Les deux hommes étaient bien décidés à s'engager dans un bras de fer sans merci. En effet, le premier des deux dont le sabre céderait finirait transpercé par celui de l'autre. Les deux hommes insufflèrent toutes leur force dans les deux armes, mais celles ci restaient collées à l'une à l'autre. Aucun ne parvenait à prendre l'ascendant.


– Eh, la Dame Guerrière ! Vient m'aider ! Ordona le chef Shien qui voulait en finir rapidement.


La traitresse regardait la scène depuis le petit trône du Bushi, où elle s'était posée en spectatrice. Elle avait été étonnée de voir le Samouraï Shiranui se redresser, mais n'était pas intervenue pour autant.


– Tu n'es pas capable de le battre toi même ? demanda t-elle d'un ton condescendant.


– Ne me parle pas sur ce ton ! hurla le Shien, qui se contrait tant bien que mal sur le combat. Viens m'aider, c'est un ordre !


Elle ricana. Tout en jouant avec son chapeau, elle regardait la scène qui se déroulait sous ses yeux. Le Bushi Immortel semblait mal en point. Même sans ressentir la douleur, ses organes avaient été sévèrement touchés dans son combat contre les samouraïs. Il allait craquer à tout moment.


– Je ne suis pas sous tes ordres, fit elle remarquer. Tu n'es qu'un pion entre les mains d'intérêts qui te dépassent.


– Comment ?!


Il faiblissait. Le Stim-Pac ne suffisait plus, l'effort demandé était trop grand pour la drogue. Il sentait ses bras se raidir, ses articulations le picoter. L'odeur du sang l'empreignait de plus en plus.


– Mes hommes ! hurla t-il aux derniers Légionnaires encore debout. Je vous ordonne de…


– N'y compte même pas.


Quatre hommes s'étaient dressés entre les officiers et lui. Zanji. Yaichi. Nisashi. Irou.


– Ils sont encore là, eux ?!


Voir le Saga-Samouraï debout avait redonné confiance aux samouraïs. Comme si il leur avait transmis la volonté de combattre de nouveau. Ils étaient blessés ou fatigués, mais leur détermination avait fait peau neuve. Les Légionnaires ne passeraient pas.


– Intéressant, commenta la Dame Guerrière des Terres Désolées. Ça fera un magnifique rapport pour l'Occident. C'est Freed qui va être content.


Plus le bras de fer durait, plus le Bushi cédait. Il recula d'un pas d'abord, de sorte à continuer à maintenir son arme contre celle du Shiranui. Puis, sous la pression du prince, il fit un second pas en arrière. A partir de ce moment, le Saga-Samouraï comprit que c'était terminé. Il concentra toutes ses forces dans un ultime coup. Le katana du Shien fit mine de résister dans un premier temps, mais l'illusion ne dura que quelques secondes. Une fois écoulées, l'arme se brisa net, laissant la lame bleutée du Saga-Samouraï continua sa course. Le coup fut vif et précis. L'Épée-Spectre Shiranui trancha littéralement la tête du Shien en deux. Il mourut sur le coup, sans même voir la mort arriver. Les flemmes bleues se rependirent tout le long de son armure, et en quelques instants son corps fut intégralement consumé. Comme par sorcellerie, les flammes disparurent aussitôt la combustion terminée.


A la vue de ce terrible spectacle, les quelques Légionnaires restants décidèrent de déposer les armes, et s'enfuirent en courant. De toute façon, il n'y avait plus personne pour punir les déserteurs. La pression retomba d'un coup dans la salle. Celle ci était devenu un véritable champ de bataille. Le tapis rouge était déchiré de toute part. Des traces de sang tachaient les murs, des cadavres des deux camps jonchaient le sol un peu partout. Mais au moins, les samouraïs et le prince étaient en pleine possession de leurs moyens, en dépit de leurs blessures. Derrière eux, les Résistants inconscients semblaient hors de danger. Devant, sur le trône, il ne restait plus qu'un seul ennemi.


– Pourquoi as tu voulu me tuer ? Réponds !


La Dame Guerrière soupira. Elle le regardait à peine, preferant jouer à faire tournoyer son chapeau autour de son index.


– Pff…et voilà que Monsieur réclame des explications…


Elle semblait parfaitement métamorphosée, comme si celle qu'il avait fréquenté pendant plusieurs années n'avait jamais existé. Celle qui était en face de lui était insolente, cruelle, mauvaise. La guerrière qu'il avait connu, gentille, timide, attentionnée…où était elle passée ?


– N'était elle pas censée être incapable d’aligner deux mots de notre langue ? s'enquit Zanji.


– Ah, ça ? Fit elle avec un petit rictus. Si tu savais le nombre de fois que j'ai du me retenir d'éclater de rire quand vous me preniez pour une analphabète… Bien sur que je sais lire, écrire et parler votre langue. Je ne suis pas ici par hasard. Tu n'aurais quand même pas cru à mon histoire de Terres Désolées ?


– Que viens tu faire ici, dans ce cas ? demanda le prince. Tu n'as pas l'air de travailler pour les Shien, sinon tu aurais aidé l'autre tout à l'heure. Alors, pourquoi infiltrer la Résistance ?


Elle ricana. Elle arrêta de jouer avec son chapeau, et le remit sur sa tête.


– Quand tu le sauras, tu le regretteras.


– Comment ça ?


Elle ignora la question. La Dame Guerrière s'approcha d'une fenêtre qui donnait sur les remparts. Elle brisa rapidement les vitraux, puis escalada le rebord.


– Il n'y a qu'une seule chose que tu dois savoir.


– Ou crois tu aller ? fit le prince en se précipitant dans sa direction.


– N'oublie jamais, petit prince….vous, les orientaux, vous n'êtes que des pantins de l'Occident.


Elle eu un dernier petit rire méprisant, puis sauta.



Arc Familial


Chapitre 31 : Lendemain de bataille



Spoiler :



Il faisait déjà jour lorsque Kamon se réveilla. Il était allongé au sol, au milieu des pavés de la Cité aux rizières. Comment avait il atterri là ? Quelques souvenirs lui revinrent alors qu’il reprenait conscience. La Dame Guerrière des Terres Désolées lui avait asséné un violent coup à la tête alors qu’ils parlaient tous les deux. Elle, son alliée….Le samouraï avait presque honte, lui qui allait lui avouer ses sentiments…Etait-ce pour cela qu’elle l’avait frappé ? Non, elle semblait parfaitement calme quad elle avait visé avec son épée. Il devait y avoir autre chose. Mais alors…cela faisait-il d’elle la traitresse que tout le monde cherchait parmi les résistants ? Kamon grogna. Il avait été trompé.


Il quitta la petite ruelle où il se trouvait. Dehors, le calme était revenu dans la Cité. Les habitants se promenaient dans la rue, tout en contemplant l’ampleur des dégâts. Le quartier Est où il se trouvait avait été grandement touchés par les bombardements. Ailleurs, des cadavres de Shien et de résistants jonchaient le sol un peu partout. On comptait relativement peu de pertes civiles, les résistants y avait veillé. Peut-être une cinquantaine sur un ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, mais c’était le prix à payer pour apporter la paix à la région. Car il n’y avait pas que la Cité : éliminer le bastion Shien revenait à éradiquer leur présence dans la région. En effet, il ne restait dans les environs que des petites réserves d’une dizaine de soldats, destinée à mater les populations des villages locaux. D’ailleurs, la Résistance avait prévu d’envoyer ses meilleurs éléments les neutraliser en cas de victoire.


Après avoir fait quelques pas dans la rue, le samouraï tomba nez à nez avec son camarade Yariza et de sa mère, l’Envoyée Des Six Samouraïs. Ils étaient accompagnés par un vieil homme qu’il n’avait jamais vu auparavant. On fit les présentations. L'homme se présenta sous le nom de Solitaire Shiranui.


– Que faisiez vous dans les environs de la Cité ? demanda Kamon, à la fois content de retrouver ses amis et méfiant envers l’inconnu.


– J’étais venu dans l’espoir de recruter des troupes pour lutter contre l’ennemi. Je suis directement au service de sa majesté le prince Shiranui, que vous avez apparemment rencontré.


– Il est venu à notre rencontre alors que nous étions blessés, ajouta l’Envoyée. Cet homme est notre allié.


– Si tu le dis…vu que nous sommes toujours en vie, je dois en déduire que nous avons gagné ?


En guise de réponse, un énorme gong retentit. En l’entendant, tous les habitants qui les entouraient se dirigèrent dans la même direction. Intrigués, les samouraïs suivirent le mouvement, jusqu’à se retrouver sur une grande place où tout le monde s’était regroupé. Au milieu, on pouvait voir le Samouraï Shiranui, et à ses côtés Ben Kei, Mataza le Zappeur, et un homme roux qu’ils ne connaissaient pas. Lorsque le flot d’arrivants fut tari, le prince décida de commencer ;


– Habitants de la Cité ! Nous sommes ceux qui hier soir avons mis fin à l’oppression des Shien. Le Bushi que chacun redoutait est tombé. Nous, la Résistance, avons repoussé jusqu’au dernier soldat en dehors de la ville ! Je suis le dernier descendant de la dynastie Shiranui, le légitime héritier du trône. L’objectif de la Résistance est de libérer le pays tout entier de la tyrannie du Régime, afin que chacun puisse vivre sans cette peur de l’oppression qui nous traverse chaque jour. Grâce à la victoire décisive d’hier soir, l’est et les Rizières sont d’ores et déjà libres. Ce sera bientôt le cas des Montagnes du nord, des Forêts de l’ouest, des Plaines du sud, et de la capitale.


Il s’arrêta. Le peuple, qui retenait son souffle, hurla de joie. Ils n’avaient pas saisi l’ensemble du discours, mais les Shien étaient repoussés. Cela suffisait à mettre tout le monde en effervescence. Cependant, ce n’était pas terminé. Le guerrier aux longs cheveux roux prit la parole.


– Je m’appelle Getsu Fuhma. Je suis celui qui va désormais gouverner la ville, conformément à la volonté de sa majesté. Je connais bien cette ville, j’y ai vécu toute ma vie. Cependant, je n’ai jamais rien fait pour empêcher le Régime de ruiner la vie des habitants. Je croyais qu’un contrôle strict était nécessaire pour maintenir la paix. J’avais tort. Je l’ai bien vu hier soir, lorsque ces monstres se st dressé contre le peuple. Je promets à tous la fin de l’oppression, de plus grandes libertés, et surtout la possibilité de vivre heureux.


Lui aussi fut acclamé. Après avoir salué la foule une nouvelle fois, le commandement de la Résistance se retira en direction de la tour centrale. Chacun repartit à ses occupations, heureux de profiter d’une liberté perdue il y a dix ans. Le groupe de Kamon parvint à rejoindre le cortège qui partait vers la tour.


– Oh, vous voilà ? fit le prince en les apercevant. Nous avions prié la déesse Amaterasu pour que vous nous reveniez sains et saufs.


Il vit alors le Solitaire, un peu en retrait. Leur regard se croisèrent. Le vieil homme s’inclina.


– Vous….la Résistance vous a cherché pendant tellement d’années…Où étiez-vous donc ?


– Comme vus avez grandi, mon prince….N’ayez crainte, je vais tout vous expliquer. Mais une fois à l’intérieur.


Le petit groupe, escorté par des résistants, gravit silencieusement les centaines de marches qui menaient au sommet de la tour. Ils arrivèrent bientôt dans la salle au tapis rouge, celle où avait eu lieu la bataille. On avait débarrassé les corps des victimes et fait de la salle un lieu de repos pour les combattants indemnes. Dans les rangs de la Résistance, sur environ 170 hommes, une soixantaine seulement était parvenue jusqu’à cette salle lors du combat. Ils avaient été ensuite pour la plupart blessés durant les affrontements contre les Légionnaires de Shien et la Dame Guerrière, qui les avait attaqué par surprise. Mais cela ne signifiait pas que ces soixante là étaient les seuls survivants : parmi les autres, certains s’étaient simplement perdu dans la ville. D’autres, que l’on croyait morts, s’étaient révélés être de simples blessés. A l’inverse, quelques hommes grièvement atteints avaient malheureusement succombé de leurs blessures. Finalement, il restait environ 90 des 170 résistants de départ, et au moins la moitié d’entre eux était blessée.


A la recherche d’un lieu moins peuplé, le Samouraï Shiranui invita les autres à se rendre dans une pièce adjacente. Sur des tatamis attendaient là les quatre autres samouraïs, assis avec un bol de riz. Ils paraissaient fatigués : la nuit avait été longue pour eux. Après la victoire sur le Bushi Immortel, il avait fallu fouiller la tour à la recherche d’éventuels ennemis restants, rassurer la foule, se débarrasser des cadavres…Des hommes étaient partis à la poursuite de Dame Guerrière, en vain. Trouver quelqu’un qui se cachait dans le dédale de ruelles en pleine nuit était en effet plutôt compliqué. Avec tout cela, les samouraïs – comme les autres Résistants d’ailleurs – n’avaient pu se reposer qu’à l’aurore. Kamon, en prenant son bol, se sentit un peu coupable d’avoir dormi pendant ce temps là.


Les autres en profitèrent pour raconter aux absents ce qui s’était passé : on parla d’abord du combat qui avait eu lieu contre le Bushi Immortel, de la traitresse. Puis chacun raconta ce qui s’était passé de sn côté, lorsque tous étaient séparés aux quatre portes de la Cité. Cependant l’Envoyée évita soigneusement de parler des pulsions de Yariza. Elle adressa un regard prince Shiranui, le seul à avoir assisté à la scène. Celui-ci lui fit clairement comprendre qu’il avait tout vu, mais qu’il garderait cela pour lui. Il faudrait qu’ils aient une conversation en privé à ce sujet, tous les deux. D’autant que l’armure de Yariza avait été brisée et que dans l’état actuel des choses, il ne pouvait plus combattre.


La conversation dura le temps du repas. Pendant tout ce temps, le Solitaire Shiranui n’avait rien avalé, ni prononcé le moindre mot. A un moment donné, lorsqu’il sentit le moment opportun, il se lança :


– C’est un honneur de me retrouver parmi vous.


Tout le monde se tourna vers lui. Personne n’avait fait attention à lui, et personne ne semblait non plus le connaître.


– Laissez-moi me présenter, fit il en s’inclinant. Je fus pendant un temps très proche de sa majesté le défunt Saga-Shogun Shiranui. Lors du coup d’Etat Shien il y a dix ans, j’ai fui aux côtés du Maître-Esprit afin de protéger le jeune prince, alors que tous les guerriers loyaux aux Shiranui étaient progressivement massacrés par les Shien. Nous nous sommes installés secrètement ici, dans la région des rizières, avec l’aide de quelques habitants.


– Mais vous êtes partis, fit remarquer le prince. Et je n’ai jamais su pourquoi.


– Vous étiez trop jeune. Lorsque je suis parti, trois ans après le coup d’Etat, vous aviez 11 ans. Je ne pouvais pas attendre que vous ayez la maturité nécessaire au commandement de troupes pour rassembler des hommes. Voilà pourquoi je suis parti. J’ai sillonné les routes, d’abord dans les rizières, puis dans la région voisine des Montagnes, à la recherche de soldats capables de mener une contre-révolution.


Il y eut un silence. Un grand espoir commençait à naître chez ses interlocuteurs.


– J’ai en effet rencontré beaucoup d’hommes et de femmes motivés pour se battre. Parmi eux, de nombreux anciens soldats fidèles aux Shiranui ayant échappé aux Shien, mais trop faibles pour se battre seuls. J’ai aussi croisé des hommes puissants prêts à nous aider, notamment un certain Maître Moine très doué au corps à corps. Il y a au total une petite centaine d’hommes, basés dans la région des Montagnes. Tous ensemble, ils forment la La Troupe Exilée.


Les yeux de la petite assemblée s’illuminèrent. Ailleurs, il y avait d’autres hommes qui se battaient comme eux. Si les deux groupes joignaient leur force, leur puissance de frappe serait considérable.


– Je suis venu ici dans l’espoir de recruter d’autres guerriers, continua le vieil homme. Jamais je n’aurais pensé faire face à un tel spectacle.


– Serait-il possible de rencontrer ces hommes ? demanda le Samouraï Shiranui sans attendre d’avantage. Nous devrions coopérer au plus vite.


– C’est en effet une très bonne initiative. D’autant que vos hommes vont avoir besoin de repos, votre majesté. Ceux qui nous attendent dans les Montagnes sont bien entraînés et en pleine forme. Je peux vous conduire là bas dès que vous le désirerez.


– Ce n‘est pas à moi que je pensais, rétorqua le prince en se grattant le menton. Mais plutôt à eux.


Son regard se tourna lentement vers les Six samouraïs :


– Le rôle de la Résistance est de soutenir la population locale et d’éviter les troubles dans les Rizières. En tant que chef, je ne peux pas me permettre de m’éloigner d’ici. Mais vous, vous pouvez.


– Et pourquoi faudrait-il que l’on…commença Nisashi.


Mais à peine avait-il commencé que l’Envoyée se leva :


– Nous irons. décrétât-elle. La région des Montagnes se trouve à mi-chemin entre les rizières où nous sommes et la région des Forêts, où se trouve le Temple des Six. Ca nous permettra de passer nous réapprovisionner en armes. Et puis, il y a un endroit où je dois amener les samouraïs…


– Intrigués, les samouraïs ne purent qu’obéir. Elle était leur ainée et il n’avaient d’autre choix que de lui obéir comme ils obéissaient au Grand Maître.


– N’oubliez pas, rappela le prince. Rallier la La Troupe Exilée est le plus urgent. D’ici quelques jours, les Shien seront au courant pour l’assaut et auront mobilisé leur armée contre nous. Il nous faudra un maximum d’effectifs pour tenir bon lorsque cela arrivera.


Elle acquiesça.


– Ce sera fait. Nous partirons dans quelques heures.


Chacun se sépara alors, vacant à ses occupations. Contrairement à Zanji et Irou, qui avaient seulement été assommés pendant la bataille, Yaichi avait du mal à se remettre de ses blessures. Il resta allongé sur un tatami, tandis que Kamon et Yariza discutaient à côté de lui.


Le lancer quitta la pièce. Dehors, l’Envoyée était assise à une table et étudiait une carte de la région. Il s’avança vers elle :


– Il y a une chose importante dont je n’ai pas pu vous parler plus tôt, commença t-il.


– Moui ? fit elle, sans détourner les yeux de la carte.


– C’est à propos de notre Maître, fit il. Il a voulu défier le Grand Shogun Shien au Château De Brume, et il…il…


La femme se figea.


– « Erradiquer le problème à la source ». C’est donc cela qu’il voulait dire…(nb : voir fin du chapitre 14)

Oui, ce jour là, elle l’avait bien entendu dire cela, alors qu’il s’éloignait du Temple des Six. Mais jamais elle ne se serait doutée que Kizan irait vraiment régler ses comptes avec le chef des Shien après 10 ans de statut quo.


– J’étais avec lui, continua le lancier. J’ai insisté pour le suivre…Il a pu défier un proche du Shogun, mais a perdu. J’ai été séparé de lui, et je ne sais pas ce qu’il est devenu. J’ai alors eu l’occasion de m’enfuir, et…Je me sens si faible, j’aurais dû…


– Tu ne pouvais rien faire contre le Château De Brume tout entier, c’est bien normal ! coupa t-elle. Tu as déjà beaucoup de chance de t'en être tiré…C’est de la faute de Kizan qui n’aurait jamais du t’embarquer là dedans. Mais ne t’en fais pas, ce n’est pas une priorité pour nous. Il est beaucoup trop précieux aux yeux du Shogun pour qu’il ne le tue.


– Je l’espère, répondit le samouraï à moitié convaincu.


– Va te reposer maintenant, ordonna t-elle. On part d’ici à 11 heures.


Zanji obéit. Il ne posa pas plus de questions, mais il avait le pressentiment qu’elle en savait bien plus sur le chef des Shien qu’elle ne voulait bien le dire.



Chapitre 32 : Entretien dans la brume



Spoiler :



Le petit matin se levait sur le Château De Brume De Shien. Des Yata-Garasu étaient posés sur les balcons de l’imposant édifice, et regardaient le sol en restant immobiles. Sur ces terres, le volatile était considéré comme l’oiseau du malheur, celui qu’il ne fallait pas croiser sous peine de connaître des jours sinistres. Ils étaient cependant si nombreux aux abords de la forteresse Shien que plus personne n’y faisait attention.


Le chef incontesté des Shien était levé depuis déjà longtemps. En effet, le Grand Shogun ne dormait que très peu, certaines rumeurs qui circulaient dans les rangs de l’armée stipulaient même qu’il ne se reposait jamais. Tous les matins, le Shogun se rendait au conseil de guerre, durant lequel Chancelier Enishi et ses plus proches collaborateurs lui détaillaient la situation du pays et recevaient ses ordres. Ce conseil était permanent, et maintenu même lorsqu’aucune opposition au Régime n’était déclarée. Pour les Shien, gouverner sans guerroyer était en effet inconcevable. Mais ce matin, le programme était légèrement différent. Il y avait quelqu’un à qui le Grand Shogun devait rendre visite depuis un petit moment déjà.


L’imposant chef de guerre s’installa dans un petit salon réservé aux invités prestigieux, non loin de la salle du trône. C’était une petite salle au tatami coloré. Les murs étaient recouverts de bannières à la gloire du Régime, comme un peu partout dans le Château De Brume. Il y avait une table et deux coussins. Il s’installa sur le premier et attendit.


Bientôt, deux gardes apparurent dans l’encadrement de la palissade qui fermait le salon. Ils retenaient un vieil homme vêtu d’une tenue blanche, dont les mains étaient attachées dans le dos. Le prisonnier avait été capturé quelques jours plus tôt, on l‘avait alors dépossédé de son armure. Quelques rougeurs sur son visage indiquaient qu’il avait été battu, surement pour forcer le détenu à coopérer.


– Ah, te voilà. Je t’en prie, installe-toi. Vous, détachez-le et laissez-nous.


Les gardes s’exécutèrent sans poser de question. Le Grand Maître des Six Samouraïs, lui, ne fut nullement étonné de constater que le Shogun l’attendait. Il s’installa sur le coussin libre que le Grand Shogun Shien lui présentait, juste en face de lui. Les deux hommes se regardèrent pendant un moment, droit dans les yeux. Après plusieurs minutes, le chef militaire fut le premier à rompre le silence :


– Tu as vieilli, Kizan.


– Ce n’est pourtant pas moi qui est le plus changé dans cette pièce…


Ils s’observaient toujours, sans même sourciller. Le Grand Maître des Six Samouraïs continua :


– As-tu seulement conscience de ce que tu es devenu ?


Le Grand Shogun Shien soupira.


– Je savais que tu tenterais de me faire la morale. Comment aurait-il pu en être autrement ? Mais je ne pensais pas que tu serais si direct. Tu me déçois, Kizan. Cela fait presque dix ans que nous ne nous sommes pas vus, tu pourrais te montrer un peu plus patient. Prends donc un peu de thé.


Il lui présenta une table basse où deux tasses et une théière avaient été entreposées au préalable. Le Shogun servit lui-même les deux récipients et en offrit à son invité.


– Je ne suis pas venu parler du bon vieux temps, Shi En, fit le maître samouraï en prenant la tasse. Je veux des explications.


Le Shogun avala une gorgée de thé.


– Des explications. Nous y voilà. Pourtant, tu les connais déjà. Je te l’avais expliqué, cette fameuse nuit. Cette contrée était faible. Les Shiranui ne maîtrisaient pas le territoire. Lorsque j’ai pris conscience de ma force, j’ai réalisé que j’étais plus apte qu’eux à gouverner. C’est tout. Sous mon impulsion, le Régime a instauré une nouvelle ère et a permis l’Unification de ce pays.


Le Grand Maître des Six Samouraïs écarquilla les yeux. Il tapa violement son poing contre la table, au point de renverser un peu de thé qui déborda de sa tasse. Il était très rare de voir le vieil homme, d’ordinaire calme et raisonnable, s’emporter brusquement de la sorte.


– Tout ce que tu as fait, c’est piller les richesses des habitants, et mettre le pays à feu et à sang ! Tu es devenu un monstre, Shi En ! Un monstre !


L’intéressé ne releva pas. Avec un calme qui ne lui ressemblait pas, il prit une autre gorgée de thé.


– Tu n’as donc aucun regret de l’époque où nous combattions l’ennemi tous ensemble ? Toi, Enishi, Kageki, Shinai, Mizuho et moi ? De tous ces moments que nous avons pu partager au Temple des Six ?


– Je croyais que tu ne voulais pas reparler « du bon vieux temps ».


– Ne joue pas à cela avec moi. Réponds simplement à ma question.


Un fraction de seconde fut suffisante au Grand Shogun Shien pour le dire, sans ambiguïté :


– Non.


– Ton fils ne te manque-t-il pas ?


– Non.


Le maître était dépité. Son ancien camarade semblait avoir tranché tous les liens qui l’unissait à sa vie d’autrefois. Il n’avait plus rien en commun avec celui qu’il avait été. Mais le pire était peut-être de le voir assumer cela d’un air nonchalant, et lui parler comme si de rien n’était. Comme si tout cela n’avait aucune importance pour lui. Ce qui suivit confirma ce qu’il redoutait :


– Cette fameuse nuit, ma vie a pris un tournant, déclara le Shogun. Ce qui s’est passé avant n’a plus de raison d’être. Seul l’avenir que j’ai fixé à ce pays compte désormais à mes yeux.


– Ce funeste soir où tu as trahi les Six samouraïs…Celui où Shinai est…


Le Shogun resta insensible à l’évocation de leur ancien camarade. Il ne fit même pas l’effort d’aller dans le sens du Grand Maître.


– A moi de poser les questions, coupa-t-il. Ta visite au Château De Brume tombe bien. J’ai cru comprendre qu’une nouvelle génération de samouraïs était née…Pourrais-tu m’en dire plus à leur sujet ?


Le maître ricana. Non seulement il changeait de sujet, mais il osait en plus lui demander des renseignements.


– C’est moi qui les ait formés. Ces petits sont redoutables. Cela ne m’étonnerait pas qu’un jour, ils soient capables de te faire payer pour tes crimes.


– C’est vrai qu’ils ont l’air forts. Ils ont bien résisté face aux ninjas que je leur avais envoyé.


– C’était donc bien toi…


– Oui, ils avaient pour mission de te capturer mais en réalité, c’était surtout un prétexte pour jauger leur niveau. Pour voir s’ils valaient la peine que j’envoie l’armée s’occuper d’eux ou non.


C’était mauvais. Le Grand Shogun Shien connaissait l’emplacement du Temple des Six. S’il décidait de faire un raid là-bas, les conséquences seraient terribles.


– C’est dommage, Kizan, reprit-il. Pendant 10 ans, j’ai relativement épargné l’Ordre des Six à condition qu’il se fasse petit. Mais il a fallu que tu entraînes ces gamins dans le but de me renverser. Tu comprendras que je ne suis pas indifférent à cela.


– Tu n’oserais tout de même pas…


– Si. Sur mon territoire, toute révolte est réprimée. Je vais faire raser le temple.


Le maître se leva brusquement, le poing levé. Son sang n’avait fait qu’un tour. Il projeta son poing avant, dans l’espoir de frapper le Shogun au visage. Celui-ci attrapa le poing avec ses deux mains, et repoussa le maître en arrière en lui tordant le bras. Ce ne fut pas douloureux, mais suffisent pour déséquilibrer le vieux guerrier qui tomba sur la table, renversant tout son contenu au sol.


Le bruit alerta les deux gardes qui attendaient dehors.


– Saisissez le, fit le Grand Shogun Shien. Et ramenez le dans sa cellule. Nous discuterons un jour où il sera plus calme.


Le maître se débattit de toutes ses forces, mais il ne pouvait rien faire face à deux Sentinelles Inflexibles dont la masse musculaire était le double de la sienne.


– Je ne te pardonnerai jamais ! Jamais, tu entends ? JAMAIS !


Il cria ainsi pendant plusieurs minutes, mais ses cris finirent par se dissiper alors que les gardes l’éloignaient lentement de la pièce saccagée. Shien se retrouva alors seul dans le salon.


– Il était donc prêt à me tuer…


On accourut alors dans sa direction. Un homme pénétra dans la pièce, et s’agenouilla devant lui. Il s’agissait du Conseiller de Shien, un stratège l’assistait et le renseignait en permanence lors des conseils de guerre. C’était d’ailleurs le seul homme à responsabilités chez les Shien à ne pas avoir embrassé une carrière militaire.


– Pardonnez mon intrusion, mon Seigneur. J’ai des nouvelles de la plus haute importance à transmettre.


Le Shogun se tourna vers lui :


– Parle.


– Nous venons de perdre la région des Rizières. Ceux qui se sont autoproclamés « Résistance » ont mené un assaut sur la ville principale et l’ont capturée hier soir. Nos hommes ont été mis en échec.


Une goutte de sueur coula du front du Conseiller. La tension était considérablement remontée dans la pièce, au point presque d’en étouffer. Le Grand Shogun Shien tremblait de colère. Ses yeux s’étaient soudainement injectés de sang, tandis que sa mâchoire se contractait férocement.


– Combien d’hommes ?


– On avait 1200 hommes dispersés dans la région. D’après nos sources, 600 furent tués ou fait prisonniers, 200 désertèrent, et 400 demeurent dispersés dans des petits villages ou les combats durent toujours.


– J’exige que les 200 déserteurs soient retrouvés et décapités ! rugit le Shogun. Nous allons lancer une contre-offensive immédiatement. Fais mobiliser les hommes de la garnison, ainsi que la moitié des gardes de la région des Plaines, immédiatement ! Combien d’hommes peut-on regrouper ?


– Environ 10 000 hommes, mon Seigneur. Ils seront opérationnels sous trois jours.


– Parfait, fit le Grand Shogun en se levant. Contacte aussi les hommes en poste dans la région des Forêts. J’ai une autre mission pour eux.


– A vos ordres.


Il s’exécuta et quitta la pièce à son tour.


– Nous ne devons pas montrer de faiblesse devant l’Occident, murmura le Shogun qui semblait avoir retrouvé le calme. Surtout pas maintenant.


La Stratégie de Shien qu’il était sur le point d’élaborer devait justement éviter cela. Le sang allait couler comme jamais dans l’histoire de ce pays.



Chapitre 33 : Ce visage



Spoiler :



Il fallut pas moins deux bonnes heures de route aux Six samouraïs pour voir les premières Montagnes se dessiner à l’horizon. Le petit groupe guidé par le Solitaire Shiranui et l’Envoyée traversait au galop les principales routes des rizières aussi vite qu’il le pouvait, dans l’espoir de quitter rapidement la région où des effectifs Shien demeuraient actifs. Vers deux heures de l’après-midi, ils franchirent la frontière officielle qui séparait les deux régions. Par chance, ils ne croisèrent aucun soldat ennemi sur le chemin : les Résistants avaient déjà dû nettoyer cet itinéraire.


– A partir d’ici, il nous faudra encore une heure et demi de route pour atteindre le repère, expliqua le Solitaire qui menait la marche.


La région des Montagnes était reconnue comme difficile d’accès. Il suffisait de regarder sa topographie pour comprendre que cette réputation était amplement méritée. Les rares sentiers étaient incroyablement escarpés, presque impraticables à cheval. Des roches nues couvraient la totalité de l’espace à des kilomètres, et se confondaient en une infinité de pentes montagneuses. On pouvait apercevoir des nuages gris graviter autour des sommets qui se dressaient au-dessus de leur tête. L’hiver, le vent glacial venu des glaciers enneigés pétrifiait les rares voyageurs qui osaient s’aventurer là. En réalité, seuls les habitants locaux et les individus connaissant bien la région étaient en mesure d’accéder aux routes en altitude.


Pour cette raison, les villages en hauteur étaient restés relativement épargnés de l’influence des Shien malgré des tentatives régulières de conquête. Irou, lorsqu’il vivait encore dans un des villages au pied du massif montagneux, contribuait également à chasser les milices du Régime. Cette situation faisait de la région un endroit idéal pour le développement de groupes contestataires, et le Solitaire Shiranui en avait eu rapidement conscience. L’Envoyée avait beau le savoir, elle n‘avait pas été capable de découvrir la cachette de l’un de ces groupes.


Et effectivement, jamais elle n’aurait soupçonné que la La Troupe Exilée ne se cache dans un endroit aussi reculé. Le groupe avait dû descendre de cheval et continuer à pied. Il fallait forcer les bêtes à suivre tant elles étaient dérangées par la grande pente qu’ils devaient monter. Ils franchirent également plusieurs cols, dont les parois escarpées freinaient systématiquement leur progression. Une fois un dernier obstacle passé, le vieux serviteur Shiranui s’arrêta, à un endroit qui n’avait pourtant rien de particulier.


– On fait une pause ? demanda Kamon qui était visiblement exténué.


– Non. Nous sommes arrivés.


Cela faisait bel et bien une heure et demi qu’ils avaient rejoint les Montagnes, comme convenu. Mais il n’y avait rien qui laissait penser qu’un quelconque repère se trouvait là. Il n’y avait que de la roche atour d’eux, rien de plus. Pourtant, le Solitaire s’approcha d’un amas rocailleux. Les rochers cachaient en fait un autre chemin, qui donnait sur une grotte. Il fallait vraiment s’arrêter et regarder attentivement l’endroit pour s’en rendre compte.


– C’était donc ça…


En entrant dans la grotte, ils s’aperçurent que les parois n’avaient rien de naturel. La pierre avait été travaillée de manière à former un large couloir artificiel, dans lequel hommes et chevaux s’engouffrèrent. La grotte débouchait sur une grande porte comme unique issue, que le Shiranui ouvrit.


– Soyez les bienvenus, dit-il.


De l’autre côté de la porte, la grotte donnait sur une vaste cour à ciel ouvert. Il y avait sur les côtés d’autres portes qui s’engouffraient à nouveau dans la roche, avec derrière elles les diverses salles du repère. Des caisses de matériel et d’armes étaient entreposées sur le sol pavé. Au milieu, une dizaine d’hommes s’entraînaient au combat par groupe de deux. Ils faisaient manifestement partie de la La Troupe Exilée. Lorsqu’ils aperçurent les nouveaux venus, les guerriers vinrent immédiatement à leur rencontre.


– Bon retour parmi nous, lança l’un d’entre eux au Solitaire Shiranui. On a de nouvelles recrues ?


– C’est plus compliqué que ça, répondit l’Envoyée.


Elle entreprit de raconter brièvement ce qui s’était passé la veille dans la Cité aux rizières. Il y eut une vive émotion lorsque l’on apprit que la région avait été reprise, et une plus large satisfaction encore à l’idée qu’une seconde résistance allait pouvoir s’unir à la leur.


– Il faut vite annoncer ça aux autres ! se réjouirent certains soldats.


– Bonne idée. Rassemblez tout le monde dans la grande salle.


Le Shiranui les invita à emprunter la porte de droite. Il se retrouvèrent comme prévu dans une grande pièce creusée dans la roche. La salle était couverte d’un tatami jauni par le temps, et des bougies entreposées un peu partout comblaient au manque de luminosité. Il leur fit signe de s’installer au-devant de la salle, pour que tous les soldats puissent les voir. Déjà, certains arrivaient derrière eux et s’installaient, prêts à les écouter.


Soudain, un groupe d’une bonne quinzaine de guerriers arriva. Parmi eux se distinguait deux hommes. Le premier était un vieux combattant. Ce dernier possédait de nombreuses cicatrices tout le long du corps, corps doté d’une musculature particulièrement étonnante pour son âge. Ses longs cheveux blancs lui donnaient un air de vieux sage, malgré un regard vif dans lequel on pouvait lire son gout pour le combat. Sa tenue déchirée témoignait en effet de ses récents entraînements effectués plus tôt dans la journée. La tête du second était dissimulée par un chapeau de paille. Il paraissait extrêmement maigre, n’ayant que la peau sur les os. Il portait une tenue bleue assortie d’un katana. Contrairement à son camarade, il semblait très vulnérable, comme s’il allait s’effondrer au moindre coup.


– Je vous présente le Maître Moine. Le plus puissant des hommes de cette caserne, celui qui entraîne les hommes. A ses côtés, c’est un Spadassin D'un Pays Lointain, bien plus au sud que notre royaume.


Les deux intéressés se rapprochèrent d’eux.


– Je vois que tu es de retour, commenta le Maître Moine. Je ne pensais pas que tu amènerais autant de monde, bien équipé en plus.


Il jeta un œil aux armures des Six samouraïs. Un équipement de qualité, à n’en pas douter. Ces petits étaient bien fournis en armes également. Ses yeux balayèrent ensuite les invités eux-mêmes. Des jeunes guerriers, pensa-t-il, mais qui pouvaient avoir du potentiel. Son regard se décomposa toutefois lorsqu’il aperçut Zanji.


– Toi…


Sans plus d’explications, il se jeta violement sur ce dernier. Toute la masse de l’imposant combattant déferla sur le jeune homme, qui fut plaqué au sol. Il tenta de se débattre, de se libérer de l’emprise du vieil homme, en vain.


– Lâchez-moi ! hurla-t-il


– Comment oses tu venir ici ?! ENFLURE !


Toute la salle avait les yeux rivés sur l’altercation. On savait le vieil homme impulsif, mais pas au point de se ruer sur un inconnu. L’Envoyée décida de s’interposer :


– Arrête ! Ce n’est pas l’homme que tu penses !


Le Maître Moine ne se calma pas. Il immobilisait maintenant le lancier au sol tout en le menaçant d’un poing levé, qu’il était prêt à abattre sur son visage.


– Je reconnaîtrais ce visage ente mille…grogna-t-il. Celui de l’homme qui m’a fait toutes ces cicatrices au torse…


– Ce n’est pas lui, répéta-t-elle, regarde mieux.


Seuls quelques centimètres séparaient le visage de Zanji du combattant penché sur lui. Ce dernier le fixait attentivement, avec une hostilité qu’il n’expliquait pas. Dans la salle, on retenait son souffle.


– Pff…Je me suis peut-être emballé, lâcha t-il finalement.


Il desserra son emprise, laissant un Zanji éreinté au sol. Le Maître Moine ne fit même pas semblant de s’excuser, et se contenta d’aller s’asseoir un peu plus loin, comme le lui proposait le Spadassin D'un Pays Lointain. Les derniers soldats qui arrivaient profitèrent du petit temps mort pour s’installer, et le Solitaire Shiranui crut bon de ne pas s’attarder sur ce petit incident et d’enchaîner :


– Tout le monde doit être là, maintenant. Soyez attentifs. Des informations importantes nous viennent de l’Ouest. La région des rizières a été reprise par les forces résistantes locales.


Il y eut d’abord un silence. Peu de soldats avaient réalisé ce qu’ils venaient d’entendre. Quand enfin, au bout de quelques secondes, les paroles prirent sens dans l’esprit de chacun, un puissant élan d’euphorie traversa la salle. L’orateur continua :


– Ce n’est pas tout. Sachez que la résistance en question est au moins aussi bien organisée que la nôtre. Leurs troupes ne sont pas encore entrainés correctement, mais ils disposent de commandent très puissants.


Il y eut une nouvelle acclamation. C’était presque trop de bonnes nouvelles d’un coup pour ces hommes qui vivaient cachés dans les Montagnes, où il pouvait ne rien se passer de nouveau pendant des semaines.


– Et donc, qui sont ces hommes devant nous ? Des membres de la résistance en question ? demanda un soldat au loin.


– Oui. Mais pas n’importe lesquels. Ce sont les Six samouraïs.


– Les Six… ?


Une nouvelle fois la salle était bouche bée. Il y avait bien six jeunes guerriers en face d’eux. Ils avaient l’air plutôt fort. Mais tout de même, de là à parler des six guerriers de légende qui avaient sauvé le royaume du déclin il y a 30 ans…Certains de la La Troupe Exilée n’étaient même pas nés à l’époque. Et puis, n’était-ce pas un mythe ?


– Ce sont les vrais Six samouraïs ? demanda quelqu’un.


Il y eut des murmures dans la salle. Les soldats étaient partagés. Soudain, le Maître Moine se leva, et s’avança sur l’estrade.


– Ce sont les vrais, déclara-t-il. Il fit un signe de tête en direction de Envoyé Des Six Samouraïs. J’ai combattu avec cette femme autrefois, le temps d’une mission. Je n’étais alors qu’un simple Moine Combattant. Elle, elle était déjà affiliée à l’Ordre des Six à l’époque.


Alors ils ne mentaient pas. Les Six samouraïs existaient vraiment. Les guerriers restèrent ébahis devant les six jeunes combattants en armure. Ils paraissaient si jeunes ! Et pourtant rien qu’en les voyant chacun reprenait espoir, regagnait l’envie de se battre.


– Ces résistants risquent d’être en difficulté seuls dans les rizières, ajouta le Solitaire Shiranui. Je ne pense pas que le Grand Shogun Shien accepte de perdre la seconde région du royaume si facilement. Il va contre-attaquer. Et si nous ne les aidons pas, tous leurs efforts auront été vains.


Les silences furent cette fois anxieux.


– Ils ont franchi le pas. La guerre civile est proche. Nous ne pouvons plus nous cacher.


– Alors…les deux Résistances vont s’allier et combattre à découvert ? demanda un jeune soldat assis devant, d‘une voix peu rassurée.


– Elles vont même fusionner, assura le chef.


– Attention mon vieux, murmura le Spadassin caché derrière son chapeau. Je ne me mets pas au service de n’importe qui.


– Vous pouvez avoir confiance en leur leader. Qui pourrait être plus légitime que lui pour mener cette guerre, après tout ? Il s’agit du fils du défunt empereur, le prince héritier Shiranui.


– Quoi ?!


Le silence était définitivement brisé. Dans la salle, la grande majorité étaient des soldats fidèles à la dynastie Shiranui, qui vivaient clandestinement pour avoir refusé l’autorité des Shien. Découvrir que la dynastie n’était pas encore perdue, alors qu’en dix ans tous avaient appris à y renoncer, sonnait comme un miracle à leurs oreilles. La résistance, les Six samurais, et maintenant le prince…plus personne ne tenait en place. Des hommes hurlaient de joie, complétement galvanisés par cette annonce. Les plus courageux cherchaient déjà leurs armes, comme si on allait partir combattre dans la minute qui suivait. Même ceux parmi les plus jeunes qui avaient peur d’une guerre imminente devenaient peu à peu optimistes devant tant de bonnes nouvelles.


– Nous devons nous entretenir entre commandants pour échanger des informations. Vous aurez plus d’informations demain. Toutefois, nous allons surement partir pour les rizières d’ici très peu de temps. Commencez à préparer vos affaires.


– J’imagine qu’on peut sortir les rations de saké restantes pour fêter ça ? cria un soldat. Elles ne risquent pas de resservir de sitôt !


Leur chef soupira. Il fallait bien distraire les hommes.


– Un verre par personne…


Ce qui, en général, signifiait une dizaine.


Les divers commandants en profitèrent pour se retirer. On s’installa dans une plus petite salle, autour d’une table basse. L’Envoyée prit place aux côtés du Solitaire, du Maître Moine et du Spadassin. Elle fut directe :


– Nous n’avons pas besoin de vous, lança-t-elle aux samouraïs. Vous pouvez disposer.


– Ne sont-ils pas les Six samouraïs ? demanda le vieux moine. Ils ne peuvent pas assister à la réunion ?


– Ils sont encore peu expérimentés. Ce sont de simples soldats, au même titre que les autres.


Sans argumenter plus, elle se jeta sur une galette de riz qui avait eu le malheur d’entrer dans son champ de vision, et l’avala d’une bouchée. Elle ne semblait pas décidée à négocier.


– Venez, on y va, dit Nisashi avec une pointe de déception.


Les six jeunes hommes sortirent lentement de la pièce. Il se retrouvèrent dans le couloir rocailleux qui séparait le petit salon de la grande salle.


– Que fait-on, demanda Kamon. On va faire la fête avec les autres ?


– Ils vont nous sauter dessus, prédit Nisashi. On devrait plutôt essayer de trouver des lits. Il se fait tard, bus allons surement passer la nuit ici.


Les jeunes combattants avancèrent dans le couloir. Zanji fermait la marche. Il n’arrivait pas à les suivre, quelque chose le tourmentait. Il repensait bien sûr à son altercation avec le Maître Moine. Ce dernier lui avait apparemment foncé dedans sans raison. Il avait toutefois évoqué son visage, le fait qu’il ressemble à quelqu’un…Ce n’était pas le premier à lui faire cette remarque depuis qu’il était samouraï. Mais qui était donc cette personne ? Cela le perturbait, il n’arrivait pas à penser à autre chose.


Zanji ?


Cet homme, qui pouvait-il être ? Le connaissait-il ? Qu’avait-il fait pour qu’on ait envie de se ruer sur lui avec une telle violence ?


– Hé, ZANJI? Tu es tout pâle. Ça va ?


– Excuse-moi, Kamon soupira-t-il. Allez-y, avancez. Je vais attendre l’Envoyée, il faut que je lui parle.


Le jeune lancier se laissa glisser le long du mur du couloir. La nuit commençait à tomber, le froid à s’engouffrer dans le refuge. Il pouvait entendre sur sa droite les cris animés des soldats qui s’enivraient des nouvelles venues de l’ouest. Le couloir était faiblement éclairé, et un peu humide. Toutefois, Zanji attendit. Lui qui d’habitude était si fougueux, toujours plein d’enthousiasme et de détermination, n’était à ce moment-là que l’ombre de lui-même. Cette question occupait toute la place dans son esprit. Inconsciemment, il s’avait que la réponse était primordiale et que, tant qu’il ne l’aurait pas, il ne serait pas tranquille.


Au bout d’une heure environ, la femme sortit de la pièce accompagnée des trois autres commandants. Ces derniers prirent la direction de la grande salle en quête d’un peu de saké, et les deux membres de l’Ordre des Six se retrouvèrent rapidement seuls.


– Qu’est-ce que tu fais là, assis tout seul dans l’ombre ? demanda-t-elle avec son ton strict habituel.


– Je ne comprends pas, coupa-t-il. Quel est le problème avec moi ?


Elle ne répondit pas. Il prit son courage à deux mains et demanda.


– Quelle est donc cette personne à laquelle je ressemble tant ?


Elle soupira.


– Tu veux vraiment le savoir ?


Il hocha la tête.


– Très bien. Tu auras toutes les réponses que tu souhaites là où je vous emmène demain.



Chapitre 34 : Denko Sekka, le match retour



Spoiler :



La nuit fut courte pour Zanji. Cette histoire de visage l’avait perturbé jusqu’au petit matin, l’empêchant de dormir malgré son corps épuisé qui réclamait du repos. Ses camarades avaient trouvé des futons dans une chambre apparemment libre. Dans la pièce, un vague effort de décoration avait été fait avec des inscriptions de soldats sur les murs, destinées à rendre moins monotone le petit espace carré taillée dans la roche. Une simple fenêtre donnait sur la cour intérieure, ce qui permettait à la pièce d’être alimentée en luminosité. Ce fut d’ailleurs la lumière de l’aube qui réveilla les camarades de Zanji, encore tous assoupis. Les samouraïs se levèrent, pressés par des bruits de pas qui retentissaient déjà dans le couloir. A 6h, la plupart des guerriers étaient déjà debout.


En se joignant à eux, ils aperçurent avec stupéfaction que la salle de réunion de la veille s’était transformée en une gigantesque cantine. Une petite centaine de soldats se tenait sur le vieux tatami, bol de riz en main, dévorant avidement leur ration du matin. Il fallait des forces pour se battre. Alors qu’ils allaient s’installer parmi les soldats avec leur propre repas, le Solitaire Shiranui apparut sur l’estrade du fond de la pièce. Tout le monde se tut : des nouvelles importantes allaient être transmises.


– Bonjour à tous. Hier soir, pendant que vous fêtiez les bonnes nouvelles venues des Rizières, le commandement a pris des décisions. Le Maître Moine, le Spadassin D'un Pays Lointain, l’Envoyée Des Six Samouraïs et moi-même avons décidé d’agir dès maintenant. Dès aujourd’hui, d’ici quelques heures, nous allons marcher sur les Rizières aux côtés de nos camarades.


Il n’y eut pas d’agitation dans la salle, la La Troupe Exilée dans son ensemble s’y était préparée. Fini l’entraînement, les petites actions dans les villages, cette fois c’était la vraie guerre qui commençait.


On termina tranquillement son bol de riz un peu partout, avant de partir pour la réserve. L’arsenal de la troupe était considérable. La base dans laquelle ils avaient trouvé refuge était en fait une caserne de soldat bien avant les évènements d’il y a 10 ans, un relais local Shiranui oublié par les Shien. En plus de leur katana de service, les soldats qui y vivaient avaient pu récupérer les armes oubliées dans ce repère. Le groupe, d’une dizaine de personnes au départ, avait petit à petit gonflé en retrouvant les soldats éparpillés dans le royaume. A l’heure de quitter ces murs, ils étaient plus d’une centaine.


Il devait être 11 heures lorsque l’ensemble de la troupe fut prêt. A la surprise des samouraïs, la petite armée ne se dirigea pas vers la cour extérieure où se trouvait la sortie. Au lieu de cela, les soldats s’engouffrèrent dans une pièce au plus profond du repère, dans le flanc de la montagne. Il y avait là une pente douce qui descendait visiblement au pied de a montagne.


– Elle mène à un village situé en contrebas, leur expliqua t-on. Même les chevaux peuvent passer, si on les fait descendre avec précaution. Ce passage ne peut s’ouvrir que de l’intérieur.


Les samouraïs acquiescèrent. Il y en eut pour une demi-heure de descente environ. La pente était abrupte, et uniquement éclairée par les torches des soldats. Il était très facile de glisser en contrebas et de se blesser. Après cette première épreuve, le groupe parvint enfin à rejoindre la sortie. Celle-ci était dissimulée de l’extérieur par un gros rocher en pierre, qui devait être poussé par plusieurs hommes en même temps. On s’activa, et la voie fut dégagée en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Derrière ce rocher, on pouvait apercevoir le commencement d’un petit village, qui à vue d’œil devait être doté d’une cinquantaine d’habitants.


Quelle ne fut pas la surprise de ces locaux lorsqu’ils virent une centaine de soldats et leurs montures surgir du flanc de la montagne. Les artisans qui travaillaient dans la rue principale en restèrent bouche-bée, incapable de continuer à travailler pendant plusieurs minutes. On crut d’abord à une invasion Shien, mais de toute évidence ces guerriers ne portaient pas les couleurs du Régime maudit de tous. Qui étaient-ils donc ?


La Troupe Exilée ne s’arrêta pas. Quitter la montagne où ils résidaient depuis tout ce temps était une chose, mais ils étaient encore loin de la région des Rizières. Ils avaient beau se trouver à une altitude qui restait élevée, les pentes se firent progressivement plus douces. Ils n’avaient plus besoin de tenir les chevaux par le harnais, et pouvaient désormais cavaler sur leur dos. Encore une demi-heure plus tard, ils étaient enfin aux pieds des

Montagnes, tout au sud de la région.


Ils y trouvèrent l’une des principales routes qui traversaient le royaume entier. Celle-ci se contentait en effet de longer les massifs montagneux et n’osait pas s’en approcher davantage, à cause des hauteurs bien trop difficiles d’accès pour le commun des voyageurs. A l’Ouest, la route menait logiquement vers les Rizières. A l’Est, elle se dirigeait vers les Forêts. Il y avait aussi une troisième voie qui donnait vers le Sud, c’est-à-dire en direction des Plaines et de la capitale.


– C’est ici que nous nous séparons, déclara l’Envoyée Des Six Samouraïs. Les rizières se trouvent à l’Ouest. Moi, j’emmène les samouraïs plus à l’Est.


– Alors qu’il en soit ainsi, souffla le Samouraï Shiranui. Mais, ne tarde pas, Mizuho. La Résistance unifiée va rapidement avoir besoin de ces jeunes guerriers.


La femme hocha la tête. Il y en avait pour un jour, peut être deux. Les centaines de soldats sur place pourraient bien se débrouiller sans eux pendant ce temps. La Troupe Exilée et ses commandants disparut bientôt au loin. Dans la direction opposée, les samouraïs se mirent en marche.


– Maintenant que nous sommes seuls, pourriez-vous nous dire où on va ? demanda Nisashi avec curiosité.


– Nous allons dans un temple situé à la frontière entre les Montagnes et les Forêts. Il y a un certain nombre de choses qui permettront d’achever votre formation.


Elle se tourna plus spécifiquement vers Zanji :


– Tu trouveras les réponses que tu cherches là-bas, comme je te l’ai promis.


Le jeune homme ne répondit rien. Il était à la fois soulagé et inquiet à l’idée d’avoir une réponse, qu’on lui dise enfin à qui il ressemblait tant.


– Mais vous ne pourrez pas rentrer si facilement, continua-t-elle. Il vous faudra battre la gardienne du temple pour qu’elle vous laisse passer. Considérez ça comme un entraînement.


Personne ne répondit. Les samouraïs étaient encore dans le flou. Ce périple, qui les éloignait du front des rizières, était-il vraiment nécessaire ?


Ils arrivèrent finalement à destination. En s’éloignant quelque peu de la route principale, ils tombèrent sur une bâtisse qui ressemblait à un temple au sommet d’une petite colline. Une femme se tenait devant le temple, épée à la main. Elle portait une armure grise aux reliefs mauves, comme si elle s’était préparée à leur venue. Elle paraissait sérieuse, prête à en découdre avec tous ceux auraient l’intention de violer le sanctuaire. En s’approchant, les samouraïs furent surpris de reconnaître le visage de la demoiselle aux longs cheveux bruns. Il s’agissait de celle qu’ils avaient affronté il y a quelques semaines au Temple des Six, la redoutable Denko Sekka.


– Alors ça y est, tu as jugé qu’ils étaient dignes de venir ici, Mizuho ? lança t-elle en les voyant arriver en contrebas de la colline.


– Leur entrainement a été accéléré par le combat en situation réelle, expliqua l’intéressée. Ils se sont battus contre des officiers Shien dans la région des rizières.


– Hum, je vois, commenta-t-elle. Mais je les ai déjà affrontés il n’y a pas si longtemps, et ils n’étaient clairement pas au niveau…Tu crois qu’en si peu de temps ils sont devenus assez forts pour gagner le droit d’entrer dans le temple ?


– Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir.


La gardienne ricana.


– Bon, toi ! lança-t-elle à Zanji. Tu fus le seul capable de m’atteindre la dernière fois. Et encore, c’était à cause d’un manque de concentration de ma part. Mais je ne me laisserai pas avoir cette fois-ci. Que penses-tu de me ré affronter en solo ?


Avant que le lancier ne puisse répondre, Irou objecta en toussotant.


– Lorsque vous avez affronté cette femme, je n’étais pas parmi vous, rappela-t-il. Je voudrais tenter ma chance face à elle moi aussi.


– Pourquoi pas, accorda Denko. Montre-moi donc ce que tu sais faire !


Le samouraï n’en attendit pas plus pour fondre sur son adversaire aussi vite qu’il le put. Sa vitesse, en revanche, était dérisoire pour Denko Sekka. La femme était capable de se déplacer à une vitesse extrême, si bien que même un œil attentif avait du mal à suivre ses mouvements. Certains disaient qu’elle se mouvait à la vitesse de l’éclair, d’autres insinuaient qu’elle était le tonnerre lui-même. Sans aucune difficulté, elle contourna Irou pour se retrouver dans son dos.


– Par quelle magie ?!


– Il n’y a pas de magie avec moi, juste de la force !


Comme pour illustrer ses propos, elle tenta un puissant coup de katana dans le dos du samouraï. Mais celui-ci, à sa grande surprise, fut en mesure de répliquer avec sa fameuse technique :


Renversement de Situation !


– Les pièges ne fonctionneront pas sur moi ! renchérit-elle en parant la contre-attaque.


Forcée de constater que son attaque avait été un échec, elle fut toutefois contrainte de reculer.


– Comment as-tu pu me voir venir ? Ce n’est pas donné au commun des mortels…


Il sourit.


– Justement, je ne t’ai pas vu. Sache que je suis aveugle. La visière que je porte m‘aide à savoir à peu près ce qui se trouve autour de moi, mais je ne l’utilise pas quand je combats. Non, je me repose sur mes autres sens. Tu vas peut-être trop vite pour être vue, mais je peux t’entendre, te sentir. Et répliquer bien plus vite que tu ne le crois.


– C’était donc ça…Tu es peut-être un peu meilleur que les autres, alors. Mais désolée, ça ne suffira pas. Je n’ai qu’à augmenter la vitesse.


Personne ne vit le coup venir, pas même Irou. En quelques fractions de secondes, la gardienne traversa la dizaine de mètres qui les séparaient et brandit de nouveau son épée sur lui. Avec l’énergie conférée par la vitesse, elle enfonça le dos de l’épée dans le torse du guerrier. Emporté par une telle force, le jeune homme recula de quelques pas en titubant, avant de tomber à genoux, recroquevillé sur le ventre. Il n’était pas blessé, mais en touchant certains points de l’organisme elle l’avait rendu incapable de combattre plus longtemps.


Irou ! crièrent ses camarades en se précipitant auprès de lui.


– Qui est le suivant ? A moins que vous ne vouliez tous venir en même temps ? Si vous êtes moins forts que lui, autant rentrer chez vous dès maintenant…


– Il vaut mieux y aller tous ensemble, suggéra Nisashi. Sans cela, nous n’y parviendront pas.


– Je te rappelle qu’elle m’a défié en solo, rappela Zanji, plus révolté que jamais par la défaite de son camarade. Je vais lui faire ravaler son orgueil !


Il brandit son naginata et entreprit à son tour d’atteindre la dangereuse guerrière. Il n’avait peut-être pas les sens d’Irou, mais son arme disposait d’une portée considérable. Malgré sa vitesse, elle ne s’approcherait pas facilement.


– Je me suis laissée surprendre par ton visage la dernière fois, mais ça ne marchera pas deux fois ! prévint-elle en esquivant en arrière une allonge de naginata.


Le lancier continua d’attaquer, mais semblait visiblement perturbé.


– Mon visage ?


– Ouais. Le même que ce type…Mais je te rassure…


Elle bondit sur lui, sautant par-dessus le champ d’action de son naginata avec une agilité déconcertante.


– …tu ne lui arrives pas à la cheville !


Elle retomba juste devant lui, et accrocha ses mains à ses épaules. En exerçant une pression avec ses mains, elle parvint à le repousser en arrière.


– Tu es faible !


– Tu connais le nom de l’homme à qui je ressemble ? demanda le lancier avec rage.


– Ça se pourrait bien, répondit Denko Sekka, satisfaite de voir la colère monter chez le samouraï.


– Tu vas me le dire…MAINTENANT !!


Il s’était à nouveau jeté sur elle, avec sa lance braquée dans les airs, à la verticale.


– Il faudra me BATTRE !


Elle courut également vers lui à toute vitesse. Tout se passa en quelques fractions de secondes. Denko esquiva sur la gauche la lame, qui retomba au sol quelques secondes plus tard dans un grand fracas. A ce moment, elle se dit que c’était fini, qu’il ne pourrait plus répliquer car son naginata s’était enfoncé dans le sol, qu’elle n’avait plus qu’à lui asséner le coup de grâce. Mais l’impensable se produisit. Alors qu’elle contournait le samouraï, leurs regards se croisèrent. Les yeux pleins de détermination de Zanji la toisèrent, alors qu’elle tentait de se glisser derrière lui. La gardienne en resta bouche-bée. Comment son corps avait-il pu soutenir sa vitesse ? Non, ce n’était pas son corps. Son naginata était resté planté dans la terre, comme elle l’avait prévu. Ses bras et ses jambes n’avaient pas beaucoup bougé non plus durant les quelques dixièmes de secondes qui venaient de s’écouler. Non, il n’y avait que sa tête, son maudit visage qui s’était tourné vers elle. Comme si la volonté du lancier pouvait soutenir sa vitesse.


– Ah…


La tête de Zanji se rapprocha rapidement de la sienne, sans qu’elle n’ait pu le prévoir. Le casque de ce dernier occupa bientôt tout son champ de vision, avant de heurter violemment sa tête. Il lui avait asséné un coup de boule.


– Tchh…


Sous, le choc, ce fut cette fois-ci au tour de la guerrière d’être projetée en arrière. Denko Sekka saignait seulement légèrement du front. En plus d’être rapide, elle était de très bonne constitution.


– Je considère que c’est bon, lâcha-t-elle en s’essuyant la tête. Vous pouvez entrer dans le temple des esprits.


– Le nom, exigea Zanji. Je veux connaitre son nom !


– Tu n’auras qu’à interroger les esprits, railla-t-elle. C’est bien pour ça que vous êtes venus, non ? Allez, suivez-moi à l’intérieur.


Les samouraïs, étonnés, se tournèrent vers l’Envoyée.


– Les esprits ?


– C’est vrai. Il y a quelqu’un qui repose ici avec qui vous devez vous entretenir.



Chapitre 35 : Toute la vérité



Spoiler :



Les portes du temple de l’Esprit s’ouvrirent sous les yeux des Six samouraïs. Il s’agissait d’un sanctuaire gigantesque, comme Zanji et les autres n’en avaient jamais vu. L’intérieur consistait en effet en une pièce tellement longue qu’on n’en apercevait pas le bout. Le plafond était supporté par deux rangées de piliers rouges parfaitement alignés, qui dessinaient un passage au milieu de la pièce. Il y avait entre chaque pilier ce qui semblait être des tombes, ou tout du moins des sépultures à la mémoire de défunts. Près de chacune d’entre elle figurait une inscription ou un symbole, qui représentait le clan du macchabé.


– Les grands guerriers qui ont combattu partout dans l’empire reposent ici, expliqua Denko Sekka qui les guidait. Mon rôle est de veiller à ce qu’ils reposent en paix.


La puissante guerrière, que l’on surnommait parfois « l’Oracle », avait en effet pour mission de protéger le temple des esprits. Au cours des dernières années, elle avait ainsi repoussé toutes les expéditions Shien qui avaient tenté de s’approcher un peu trop près du lieu sacré.


Denko continua à les guider, jusqu’à s’arrêter devant une sépulture précise. En apparence, elle ne différait pas des autres. On pouvait toutefois distinguer, en regardant d’un peu pus près la tablette funéraire placée là, l’emblème des Six Samouraïs gravé en doré.


– Vous y êtes, commenta t-elle, avant de s’éloigner.


Il fallait laisser les visiteurs partager seuls le moment avec le défunt, c’était sa règle. Mais les samouraïs, qui ne savaient même pas qui reposait dans le tombeau, n’osèrent pas approcher. Ce fut l’Envoyée Des Six Samouraïs qui s‘inclina la première devant la tombe.


– Tu as de la visite, Shinai…murmura-t-elle doucement. Je suis venue te présenter la nouvelle génération.


Presque immédiatement, quelque chose surgit brusquement de la sépulture. C’était de petites flammes bleues qui crépitaient en dansant au-dessus de la pierre tombale. Rapidement les flammes convergèrent au même endroit, formant une flamme plus grosse que les autres. Les contours du brasier, d’abord imprécis, prirent progressivement forme. Ce fut une silhouette humaine qui se dessina. Celle d’un homme vêtu d’une armure de guerre.


Bien que très étonnés, les samouraïs comprirent. Ils avaient déjà vu des flammes bleues similaires sortir de l’Épée-Spectre, son propriétaire le Samouraï Shiranui avait alors prétendu voir l’esprit de son père lui apparaître. La même chose se produisait sous leurs yeux. Un ancien Esprit Des Six Samouraïs, celui de la tombe juste en dessous, se matérialisait devant eux.


– Vous êtes…les Six Samouraïs actuels… ? souffla le fantôme d’une voix lente et grave, qui ne semblait pas humaine.


Tout en s’inclinant devant leur mystérieux ainé, les samouraïs hochèrent la tête.


– Je vois, fit-il. Relevez vous.


Il y eut un court silence, aucours duquel il rscruta attentivement chacun des six jeunes hommes.


– Si Mizuho vous a amené ici, c’est que vous avez déjà fait vos preuves, n’est-ce pas ? Vous serez capable de faire mieux que nous, l’ancienne génération. J’en suis convaincu.


– Vous étiez l’un des légendaires Six Samouraïs d’autrefois ? demanda Zanji.


– Les Six Samouraïs légendaires…C’est comme cela qu’on nous a appelé après nos exploits d’il y a 30 ans. J’en ai fait partie, en effet. Mon nom est Shinai.


Il regarda plus attentivement le visage de son interlocuteur :


– Toi, le lancier…tu dois être Zanji, n’est-ce pas ?


– Comment connaissez-vous mon nom ? demanda brusquement l’intéressé.


– Je te le raconterai tout à l’heure. J’ai beaucoup de choses à vous dire aujourd’hui. Mais avant cela, j’aimerai apprendre à vous connaître. Pouvez-vous simplement me dire votre nom ?


– Je m’appelle Yaichi commença l’archer, qui opta pour une présentation plutôt sobre. C’est un honneur de faire votre connaissance.


– Moi c’est Kamon ! enchaina son voisin dans un style autrement plus décontracté. Ravi de te connaître le vieux !


Kamon, apprends à respecter tes aînés ! beugla le samouraï vert. Veuillez l’excuser. Je suis moi-même Nisashi, l’ainé du groupe.


Irou, se contenta de dire le samouraï suivant qui visiblement n’avait pas pris compte de son conseil.


Son regard croisa alors le dernier des Six samouraïs.


Yariza ? C’est bien toi ?


Cette fois ci, sa voix était tremblante d’émotion. Le samouraï le regardait dans les yeux.


– Oui, père. C’est bien moi.


– Comme tu as grandi…Dire que la dernière fois que je t’ai vu, tu ne marchais pas encore…Je suis si fier de toi mon fils.


Le samouraï ne répondit rien. Pour lui qui n’avait pas l’habitude de montrer ses sentiments, la rencontre produisait un étrange mélange de tristesse et de bonheur.


– J’aimerais vraiment que nous discutions en privé tout à l’heure, mon fils.


– Moi aussi, père. J’ai tant de choses à vous dire.


– Mais pour l’heure, il y a quelque chose que tu dois leur raconter, rappela l’Envoyéeà contrecoeur.


Après tout, c’était la première fois depuis plus d’une décennie que tous les trois étaient réunis. Elle aurait aimé partager ce moment à l’instant avec eux, mais il fallait d’abord que son mari Shinai parle à l’ensemble du groupe.


– C’est vrai, fit-il. Mizuho m’avait prévenu que vous viendriez. Si vous êtes ici, c’est dans un but précis. Je vais vous raconter l’histoire des Six samouraïs, car c’est aussi votre histoire après tout.


Ceux qui étaient derrière se rapprochèrent. Les samouraïs s’assirent en tailleur autour de lui, comme des enfants à qui l’on raconterait un vieux conte. L’Esprit inspira lentement, de façon presque théâtrale.


– Commençons. Tout a commencé il y a environ 30 ans, alors que nous n’étions que des gamins. Nous avions entre 15 et 25 ans, tout comme vous aujourd’hui. Nous vivions chacun dans les diverses régions du royaume.


Les Six samouraïs retenaient leur souffle. Il marqua une première pause, mais reprit rapidement.


Shi En. Kizan. Kageki. Enishi. Mizuho. Et moi-même, Shinai. Voilà les noms de ce qui étaient amenés à devenir les Six Samouraïs légendaires.


– Tu as bien dit…Shien ?!


– J’y viens…A l’époque, il avait été recueilli comme nous tous par un homme de la cinquantaine. Le royaume était déjà en guerre à cette époque. Cet homme voulait nous apprendre à nous battre pour rapporter la paix. Nous, on l’appelait tout simplement l’Ancien.


L’image du doyen de l’Ordre apparut immédiatement à Zanji et aux autres. Ils n’avaient aperçu le vieil homme que brièvement, même pour ceux qui vivaient au Temple des Six depuis plusieurs mois. Après tout, l’Ancien était désormais très vieux et ne sortait que très rarement de son lit. Savoir que c’était lui qui avait autrefois crée l’Ordre des Six et tout apprit à leurs aînés était cependant impressionnant.


– Après beaucoup d’efforts et d’entrainement, nous avons acquis un niveau conséquent…Nous avons alors pu combattre le terrible fléau qui menaçait ce pays.


– Pourtant, les Shien sont toujours là, remarqua Kamon.


– Ce n’était pas les Shien. Ils n’étaient même pas apparus…Non, il s’agissait d’un ennemi venu des terres orientales. On l’appelait l’Envahisseur. Son nom était Sakyo, Swordmaster of the far East. Il était accompagné d’un puissant mage doté de pouvoirs étranges :Kuzunoah, l’Onmyojin. Tous deux étaient à la tête d’une armée gigantesque, prête à envahir notre contrée à tout moment. Avec l’aide du jeune Saga-Shogun Shiranui, nous avons pu les repousser. C’est ainsi qu’il y a 30 ans, les Six Samouraïs ont acquis leur renommé.


– Que sont devenus les samouraïs ensuite ? demanda Zanji, avide de réponses. Dans mon village, tout le monde dénigrait les samouraïs comme s’il s’agissait d’une vieille légende pour enfants. Pourquoi avez-vous soudainement disparu ?


Il y eut un soupir.


– Je vais te répondre, intervint l’Envoyée. Après tout, j’y était aussi.


– Vous étiez l’une des…. ?


– « Mizuho », coupa Irou. C’est le nom de l’Envoyée, je l’ai déjà entendu se faire appeler ainsi. Or, ce nom faisait parti de Six présentés plus tôt. De même pour « Kizan », « Kageki »…ces noms ne sonnent-ils pas familier à vos oreilles ?


– Ah ! cria Kamon. Au Temple, j’ai déjà entendu plusieurs personne appeler le Grand Maître Kizan, en effet !


– De même pour Kageki, conclut Nisashi, ce nom est celui que l’on donnait au Chambellan


– Nous avions trois des Six samouraïs légendaires si proches de nous et nous ne le savions même pas ! s’exclama Yaichi.


L’archer était d’un naturel calme, mais face à une telle annonce il ne pouvait retenir ses émotions, pas plus que ses camarades. C’était comme si la réalité qu’ils connaissaient tous se distordait, que leur vision du monde s’était métamorphosée en un instant.


– Nous attendions de voir si vous en valiez la peine avant d’en parler, expliqua Mizuho. Vous avez fait vos preuves dans les rizières. Vous pouvez donc savoir toute la vérité.


Tous restèrent ébahis, à l’exception d’Irou qui avait compris quelques instant plutôt, et de Yariza. Ce dernier avait ses deux parents parmi les Six samouraïs légendaires, et avait toujours vécu au Temple des Six. Il ne pouvait pas ne pas avoir été mis au courant. Mais il avait gardé le secret pendant tout ce temps.


– Je vais reprendre, prévint sa mère. Vous vous demandiez ce qui était arrivé après le conflit d’il y a 30 ans. Avec le retour de la paix, les hommes n’avaient plus besoin de guerriers. Nous avons donc pris notre retraite et nous sommes installés dans la capitale. Nous nous disions que si le royaume avait besoin de nous, nous serions prêts à les aider de nouveau.


– Mais nous ne pouvions pas deviner que la menace viendrait de notre propre Ordre, ajouta l’esprit de Shinai. Je pense que vous avez deviné de qui il s’agissait.


– Shien…grogna Zanji.


– Oui. C’était lors de cette fameuse nuit. Personne n’a compris. Shi En est apparu devant nous, et annoncé qu’il allait renverser le Saga-Shogun Shiranui et prendre le pouvoir. Lui qui était pourtant le plus puissant de nous Six, qui représentait un modèle pour nous…


– Une bataille très violente s’en est suivi, reprit Mizuho. Il ne nous laissa pas le choix, tout dialogue avec lui fut impossible. Les pertes furent considérables. Kizan y perdit un œil, Kageki y laissa ses quatre membres. L’un d’entre nous, Enishi, choisit quant à lui de rejoindre Shi En dans sa folie et s’allia à lui.


– Ma femme ne pouvait pas se battre, enchaîna l’Esprit Des Six Samouraïs. Elle devait protéger notre fils Yariza âgé de seulement quelques mois, et des civils aux alentours. Je fus celui qui tint tête à Shi En le plus longtemps, laissant aux autres le temps de se replier malgré leurs blessures. Mais ce combat m’a malheureusement couté la vie.


Il y eut un long silence, de nouveau. Les jeunes samouraïs commençaient à comprendre ce qui s’était joué il y a si longtemps. Sa femme reprit :


– Ce fut un véritable traumatisme pour les survivants. Les grands guerriers d’autrefois s’exilèrent dans les profondeurs de la région des Forêts, à l’abri des regards. Là-bas se trouvait une vieille demeure qui nous servit de refuge. Vous la connaissez aujourd’hui sous le nom de Temple des Six. En quelques années, Shi En avait réussi à lever une petite armée à ses ordres, tout en semant le trouble partout autour de lui. Nous étions trop faibles pour faire quoi que ce soit, les Six samouraïs ne pensaient alors plus qu’à une chose : se faire oublier.


– Les Siranui sous-estimèrent la menace. Il y a exactement 10 ans, après 8 années passées à renforcer son influence, Shi En réussit son coup d’Etat et s’autoproclama Grand Shogun. Ce fut le début du régime de terreur que vous connaissez tous.


Les samouraïs déglutirent. Alors c’était vrai, le Grand Shogun Shien avait été un membre de l’Ordre auparavant. Zanji comprenait maintenant ce qui s’était réellement passé. Mais il n’était pas au bout de ses surprises.


– Notre maître, qui se faisait vieux, eut alors une vision. Il vit une lueur d’espoir, une nouvelle génération capable de ramener la paix sur ces terres. Il fallut toutefois attendre 18 ans, soit le présent pour que ses visions se précisent et qu’il puisse vous identifier comme les dignes héritiers de vos prédécesseurs. La suite, vous la connaissez.


– Le Grand Maître vit nous chercher tour à tour, et nous sommes allés nous même dénicher Irou, résuma Nisashi.


– Oui.


Cela faisait beaucoup de révélations à encaisser pour les samouraïs, qui avaient du mal à digérer tout cela. A leurs yeux, plus rien ne serait jamais comme avant.


– A propos, la femme de Shi En a aussi fui à ce moment-là, ajouta Mizuho. Elle s’installa dans un petit village des Forêts à l’écart du Temple des Six. Elle disait avoir assez causé de problème à l’Ordre comme cela, et n’a pas voulu nous rejoindre. Et tout cela alors qu’elle était enceinte…D’après ce que l’on a pu apprendre, elle s’est alors remariée avec un soldat qui habitait là, mais elle mourut tragiquement lors de son accouchement quelques mois plus tard…


Le lancier pâlit.


– L’enfant qu’elle avait eu avec Shi En grandit auprès de son second mari, sans jamais connaître le passé de ses parents biologiques. Tu dois comprendre, désormais. Cet enfant, c’était toi, Zanji.



Chapitre 36 : Le père



Spoiler :



– Le Shogun Shien serait…mon père ?


Un silence de plomb s’abattit sur le temple des esprits. Les samouraïs se regardèrent les uns les autres d’un air interrogateur. Aucun d’entre eux n’aurait pensé une telle chose possible, ni même imaginable. Zanji lui-même ricanait :


– C’est ridicule. Vous n’avez aucune preuve de cela. C’est bien trop invraisemblable pour que je vous écoute !


On pouvait toutefois sentir que son rire était gêné, peut-être même forcé. Il paraissait évident que cette annonce ne l’avait pas laissé indifférent, malgré son déni apparent.


– C’est pourtant la vérité, affirma Mizuho avec gravité. La preuve, c’est ton visage. Tu lui ressembles comme deux gouttes d’eau. Te souviens-tu de tous ces gens qui t’ont fait des remarques sur ton apparence ? C’est à Shi En que tu leur faisais penser. Tu ne peux pas le nier, Zanji. Tu es son fils.


En entendant le nom du Shogun haï de tous répété une seconde fois, le rire du lancier se coupa net.


– Je ne vous permets pas, reprit-il, beaucoup plus sérieux. Vous ne savez rien de moi ni de mon passé. Vous prétendez que l’homme qui m’a élevé et qui a sacrifié sa vie il y a 10 ans pour me protéger n’était pas mon véritable père…Comment osez-vous ?!


– Je me doutais que ce serait difficile à accepter, répondit Esprit Des Six Samouraïs. Mais tu dois accepter le passé qui est le tien. Personne ne te le reprochera.


Zanji serra les poings. Il refusait toujours d‘admettre qu’une telle éventualité puisse être vraie. Pourtant, au fond de son cœur, quelque chose avait été piqué à vif. Les propos des deux anciens samouraïs avaient ravivé quelque chose caché au plus profond de son âme, comme s’il pouvait sentir dans leurs paroles une part de vérité qu’il aurait toujours su inconsciemment. Lui qui pensait obtenir toutes les réponses qu’il cherchait en venant ici se retrouvait avec encore plus de questions.


– Vous m’avez gonflé, cracha-t-il. J’attendais mieux de votre part qu’un tissu d’inepties. Si je ne peux rien apprendre de concret ici, je m’en vais.


Il poussa un petit grognement, et se dirigea d’un pas précipité vers la sortie.


Zanji, attends… ! voulut crier son ami Kamon, mais l’Envoyée lui fit signe de le laisser partir.


– Il doit avoir besoin de se défouler, expliqua-t-elle, et c’est bien normal. De telles nouvelles ne s’encaissent pas facilement.


– Alors c’est la vérité ? redemanda Irou, qui commençait à saisir tout ce que cela impliquait.


– Oui, tout cela est vrai. Ce combat est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Il n’y a pas d’un côté les gentils et de l’autre les méchants. C’est ce que Zanji va devoir reconnaître à présent.


Il y eut un nouveau silence.


– Il va falloir s’arrêter là, intervint Denko Sekka, qui attendait en retrait non loin de là. Les esprits ne peuvent se matérialiser trop longtemps dans notre monde…


– C’est vrai, acquiesça Shinai. Je sens que l’on m’appelle déjà de l’autre côté. Je suis heureux d’avoir fait votre connaissance à tous les Six, et d’avoir pu vous éclairer sur le passé de l’Ordre. Je dois vous quitter pour cette fois-ci, mais nous nous reverrons.


Les flammes bleutées perdirent progressivement en intensité. Celles-ci rétrécirent jusqu’à ne plus mesurer qu’une dizaine de centimètres, et ce avant de se volatiliser complétement. La sépulture redevint calme, comme si rien de tout cela n’avait eu lieu.


– N’oublie pas que tu pourras t’entretenir avec lui seuls à seuls, rappela Mizuho à l’oreille de son fils Yariza


Il acquiesça. En effet, il n’avait jamais connu son père. L’occasion de rattraper le temps perdu s’annonçait enfin.


Elle se tourna ensuite vers le groupe entier :


– Vous avez acquis les connaissances nécessaires pour mener à bien cette mission qui est la nôtre, mais votre formation spirituelle n’est pas terminée.


– Ce sanctuaire est situé à proximité d’une cascade, compléta Denko. C’est un haut lieu dans lequel les grands guerriers pratiquent l’art de la méditation depuis des siècles. Je vais vous y conduire.


– Ce n’est pas ça qui va nous rendre mes explosifs plus…explosifs, râla Kamon.


– Ne sous-estimez pas l’entrainement spirituel, prévint Mizuho. Cela fait partie de la formation des Six samouraïs. Comme la génération précédente, vous devrez trouver l’harmonie dans votre esprit. C’est cette force intérieure qui vous donnera les moyens de dépasser vos limites.


– Je suis moyennement convaincu…protesta le jeune homme.


– Vous avez une heure pour vous reposer, répliqua-t-elle sèchement. Préparez une tenue légère. Ensuite, nous irons au pied de la cascade.


Pendant ce temps, Zanji, traînait devant le bâtiment. Son cœur battait à la chamade : il n’arrivait pas à se calmer. Le samouraï était en effet pris par des sentiments très forts. Il n’aurait même pas su dire s’il s’agissait de colère ou de stupéfaction. C’était dans sa tête le chaos, l’anarchie. Tous les arguments, les souvenirs et les doutes se mélangeaient en un brouillard épais qui l’empêchait de réfléchir. Il essayait de se persuader que toute cette histoire n’était qu’un gigantesque canular, mais il n’y croyait pas lui-même. Il doutait.


– Il faut que je me défoule, souffla-t-il. J’ai besoin de prendre du recul.


Il jeta un œil à son cheval, qui l’attendait tranquillement avec les autres montures au pied du temple. Dès qu’il le vit, il l’enfourcha. Une petite ballade pour se changer les idées, l’espace d’un instant, ne pourrait pas faire de mal. A peine installé sur la selle, il partit au galop le long du petit chemin qui se trouvait là. La route était simple : un sentier en ligne droite qui longeait les flancs escarpés de la région des Montagnes.


L’adrénaline provoquée par la sensation de vitesse soulagea quelque peu Zanji. Le vent lui soufflait au visage sous son casque, le paysage défilait à toute allure devant lui. Il voyait déjà les dernières montagnes s’effacer alors qu’il s’éloignait du temple. Dans sa tête, les questions se retiraient petit à petit.


Soudain, il réalisa que la petite route qu’il avait empruntée en partant était devenue une large voie pavée de plusieurs dizaines de mètres de large. Absorbé dans ses pensées, il avait dévié sans le remarquer sur l’un des axes principaux du royaume, celui qui reliait la région des rizières à l’Ouest et celle des forêts à l’Est. C’était la route qu’il avait emprunté avec ses camarades, en sens inverse, pour aller chercher Irou. Il était d’ailleurs presque arrivé au bout de la route : on voyait au loin les premiers arbres de la Forêt se dessiner.


Zanji hésita. Il se trouvait à la frontière avec sa région natale. N’était-ce pas là l’occasion rêvée d’en savoir plus, de confirmer ou d’infirmer les choses stupéfiantes qu’il avait entendu quelques instants plus tôt ? Ces racines l’attendaient, juste devant.


Mais cela signifiait aussi laisser en plan ces cinq camarades restés dans le temple de l’esprit. En effet, il n’aurait jamais le temps de s’enfoncer dans les forêts et de revenir dans la même journée. En faisant cela, il trahirait ses camarades. Car il le savait, la coopération était l’un des piliers centraux de l’Ordre des Six samouraïs.


– Désolé, mes amis… Mais il s’agit de mon passé. Je dois le faire.


Ce n’était pas la première fois que le samouraï s’en allait en solitaire. Déjà, après l’épisode du combat contre les ninjas, il avait jugé bon de partir sur les traces du Grand Maître sans consulter les autres. Il avait alors rencontré la Résistance seul, même si ses camarades l’avaient retrouvé peu de temps après. Il avait décidé, à la suite de cet épisode, de ne pas recommencer pour que le groupe puisse garder une certaine cohésion. Mais à présent Zanji était forcé de constater que ses vieux démons le rattrapaient. Peut-être que malgré sa bonne volonté, malgré tous les enseignements de l’Ordre, il n’était pas fait pour travailler en équipe.


Le jeune homme donna un petit coup de pied dans le flac de son cheval, et pénétra dans la Forêt. A peine l’orée et les premiers arbres franchis, il le ressentit : son cœur s’apaisait à la vue d’un paysage si familier. Comme à peu près partout dans le coin, son village était en effet encerclé par les bois. Il n’était relié au reste du monde que par l’une des grandes routes pavées qui traversait la région. Zanji savait que s’il y a avait un endroit où il fallait qu’il aille, c’était le village où il avait vécu toute sa vie. C’était en revenant aux sources, là où sa famille s’était formée, qu’il en saurait plus.


Il fallut une bonne heure supplémentaire au lancier pour se frayer un chemin parmi les arbres et arriver sur place. La nuit était déjà tombée. Tout en songeant à ses camarades qui avaient dû prendre conscience de sa disparition, il s’engouffra discrètement dans le village. Il fallait être prudent, car il se trouvait désormais en territoire Shien. Même un samouraï tel que lui serait en difficulté s’il se retrouvait pris par surprise par une horde d’ennemis au milieu de la nuit.


Cela faisait environ deux semaines qu’il avait quitté son village pour intégrer les Six samouraïs. Ça n’avait l’air de rien, mais il avait l’impression qu’il n’était pas revenu depuis une éternité. Une nostalgie le saisit soudain. Il décida d’aller cacher son cheval dans la grange où il s’était entraîné toutes ces années.


En arrivant devant le vieux bâtiment, il constat avec horreur que la porte de devant avait été allègrement enfoncée par des coups de pied répétés. A l’intérieur, il ne restait plus rien : ni le foin, ni les récoltes qu’il avait précieusement collecté durant la moisson. Même ses outils de travail dans les champs, et pire encore, ses quelques effets personnels, avaient disparus. La pièce voisine dans laquelle il dormait avait connu le même sort.


– Les enfoirés…murmura-t-il avec rage, parfaitement conscient de ce qui s’était passé.


Zanji s’en voulut d’avoir pu croire un instant que les Shien auraient laissé sa maison intacte pendant son absence. La piller avait été trop tentant pour des guerriers perfides comme eux. En colère, il invita son cheval à se coucher silencieusement dans le peu de paille qu’il restait, tandis qu’il s’affalait lui-même sur son ancien lit.


Il repensa à ce qui s’était passé la dernière fois qu’il était venu. Déjà, il hésitait entre suivre l’Ordre des Six samouraïs et se battre de son côté. Cette fois-ci, il venait pour autre chose : découvrir son passé. Et il ne pouvait pas se résoudre à attendre plus longtemps.


Dès qu’il eut récupéré un peu, Zanji se dirigea vers la maison de son voisin, l’homme chargé des ravitaillements. Cet homme n’était pas n’importe qui : c’était un ancien ami de sa famille depuis qu’elle s’était installée au village. C’était un homme de condition modeste, mais en qui il avait une parfaite confiance. Il l’avait toujours considéré comme son père, depuis la disparition de ce dernier. Lui seul était le seul en mesure de lui en dire plus sur son passé.


Le lancier entreprit de toquer discrètement à sa porte. Pas de réponse. Il toqua un peu plus fort, quand soudain la porte s’ouvrit. Le quadragénaire apparut dans l’encadrement, encore à moitié endormi.


– Je suis rentré, chuchota le jeune guerrier dans la nuit.


L’homme ouvrit les yeux en grand, surpris de cette visite inattendue. Il regarda discrètement autour de lui, puis le fit rentrer furtivement. Une fois à l’intérieur, il alluma une bougie et invita le samouraï à s’asseoir sur un bout de tapis qui faisait office de coussin. La petite maison n’avait pas changé : c’était une bâtisse de piètre qualité, donc la précarité était à peine cachée par quelques éléments de décoration. Pourtant on s’y sentait à l’aise, car il y avait cet on-ne-sait-quoi de chaleureux dans l’air. Le Ravitailleur fut direct :


– Tu as dû prendre des risques pour venir, Zanji…je me doute bien qu’il y a une raison à cela. Quel bon vent t’amène ?


– Il y a des choses que j’ai besoin de savoir.


– Je t’écoute.


– Je sais que ça a toujours été un peu tabou, mais…S’il te plait, parle-moi de mon père et de ma mère. J’ai besoin de connaître la vérité.


Le paysan hésita longuement. Il jeta un œil dehors. Il n’y avait apparemment personne dehors.


– Alors tu es revenu jusque dans notre petit village seulement pour ces informations…


Zanji répondit par l’affirmative. Son regard ne mentait pas, on pouvait lire la détermination sur son visage. Il ne repartirait pas sans ces informations. Le travailleur des soupira.


– Bon, très bien. Elle ne voulait pas que tu t’encombres avec ce lourd passé, mais il est peut-être mieux que tu saches quelles sont tes racines, après tout.



Chapitre 37 : La mère



Spoiler :



– Voilà, nous y sommes. C’est ici que se pratiquait autrefois l’Ascétisme des Six Samouraïs. Etes-vous prêts, jeunes combattants ? demanda l’Envoyée qui se tenait debout sur un rocher.


Comme convenu, Kamon, Irou, Nisashi, Yaichi et Yariza l’avaient rejoint au pied de la cascade. Tous avaient revenu un kimono blanc léger, destiné à résister à l’eau omniprésente autour d’eux.


– Bien, votre entrainement spirituel va pouvoir commencer.


– Que faut-il faire ? s’impatienta Kamon, qui n’avait pas l’air séduit par l’exercice.


Elle se contenta de pointer du doigt la cascade. Elle n’était pas immense, peut-être faisait-elle 4 ou 5 mètres maximum. L’eau s’écoulait tranquillement, formant une petite source au pied des roches. L’eau était transparente, laissant entrevoir un sol rocailleux mais parfaitement lisse, dans lequel trempait les pieds nus des guerriers. Tout autour, des rochers formaient une petite crique qui isolait le lieu de l’extérieur. Quelques branches boisées ressortaient ça et là, ce qui rendait le décor plus joli à contempler. On sentait que cet espace était un endroit à part, tant le calme et la prospérité y régnaient.


– Vous allez vous asseoir sous la cascade.


– Et après ?


– C’est tout, fit-elle simplement. Quand vous vous lèverez, vous serez prêts. C’est là la magie de ce lieu.


– J’ai compris ! Il faut lutter contre la pression de la cascade, c’est ça ? lança une fois de plus Kamon, qui s’enfermait dans son rôle de mauvais élève.


Sans attendre de réponse, il alla s’asseoir en tailleur au pied de celle-ci. Ses camarades suivirent rapidement. Pourtant, le samouraï ne ressentit aucune pression. L’eau tiède caressait ses épaules tout au plus, ce qui se révélait au contraire plutôt confortable.


– Mais alors ?


Il se tût. En face de lui, le paysage avait changé. Dos à la cascade, il faisait maintenant face à une scène digne des plus belles estampes. Les rochers grisâtres avaient laissé place à deux berges fleuries, qui s’écartaient le long du cours d’eau né de la cascade. Des fleurs de lotus s’ouvraient majestueusement sur le petit ruisseau qui glissait tranquillement, au loin, sur une pente douce. On pouvait voir des oiseaux aux plumes colorées voleter joyeusement dans le ciel, au-dessus de l’eau. A un moment, il crut même voir un Poisson Volant rebondir le long du courant. Sur les rives, de grands arbres remplis de fleurs de cerisiers recouvraient l’espace de leurs feuilles à droite et à gauche. Sur les branches, des grillons venaient rompre avec le silence qui régnait, composant une petite mélodie harmonieuse aux oreilles du jeune homme.


L’esprit fougueux du samouraï se perdit dans la contemplation de ces magnifiques détails. La végétation était magnifique. Il devait déjà avoir croisé des jardins de ce style au cours de ses pérégrinations, mais n’y avait jamais prêté attention. Kamon réalisa que depuis des années, il ne s’était jamais vraiment arrêté pour prendre le temps. Dynamique, il était toujours à courir après une mission ou un entrainement. Il avait horreur des grandes questions existentielles, comme savoir pourquoi il y avait tant d’étoiles dans le ciel, ou alors se demander ce qu’il pouvait y avoir ailleurs dans le monde, au-delà de la mer. Lorsque quelque chose était ennuyeux ou paraissait trop complexe, il répondait souvent par une blague ou sourire. Mais il constatait maintenant que ce n’était qu’un moyen de contourner la difficulté. Sa vie avait beau être aussi intrépide que l’eau qui chutait de la cascade, des choses pesaient sur son cœur tout comme les lourdes pierres qu’il avait sous les yeux restaient échouées au fond de l’eau. Il voyait clairement devant lui les gros rocher s’amasser sous l’eau translucide. Peut-être était-il temps de les soulever et de voir quels souvenirs elles renfermaient, cachés dans l’ombre.


Forcément, il se rappela en premier de ce jour où son père avait dû céder ses chevaux aux soldats Shien qui étaient venus piller son village. C’était le point de départ de tout, bien entendu. Ces montures représentaient une vie entière de travail pour son père. Ce dernier avait dû trimer dur pendant des années afin de pouvoir les acheter puis les dresser. C’était eux qui assuraient un revenu pour la famille. Pourtant, lorsque les Shien l’avaient extorqué et menacé, il avait dû se soumettre et leur donner les chevaux avec le sourire, sous peine d’être abattu sur place.

Ce jour-là, il abandonna ce qu’il avait de plus précieux après sa famille, d’un air léger. Humilié et désespéré, son père avait fini par noyer son sourire de façade dans l’alcool. Kamon ne le revit plus jamais avec une mine réjouie.


Quelques années après, le respectable dresseur de chevaux était devenu un homme aigre et violent. Au cours d’une dispute qui avait mal tourné il avait même fini par les chasser de la maison, lui et sa mère. C’est à peu près à cette époque-là qu’il était devenu le nouveau sourire de leur famille brisée, tentant tant bien que mal de consoler sa mère. « La souffrance engendre la haine, et la haine ne peut engendrer que plus de souffrance », avait-il conclu. « Seul une bonne blague peut briser ce cycle ».


Kamon soupira. Il venait de découvrir d’où venait son optime légendaire qu’on lui reprochait parfois. En fait, il n’avait jamais cherché à comprendre comment il s’était construit, comment il avait acquis ce trait de caractère. Il avait le sentiment d’un peu mieux se connaître, à présent. Comme quoi s’arrêter un moment et se poser des questions avait parfois du bon. Il regarda devant lui : il avait enlevé la plus grosse, mais il restait encore de nombreuses pierres à déblayer. Comme capté par le rythme de l’eau qui s’écoulait devant lui, il entreprit alors de fouiller son passé un peu plus en profondeur.


– Eh, les gars, j’ai compris le but de l’exercice ! s’exclama-t-il lorsqu’il eut terminé ce long cheminement personnel. Ça doit faire plusieurs heures qu’on est là, mais ça valait le coup ! Rester assis m’a permis de me plonger dans mes tourments et de mettre mes idées au clair. Je me sens renaître, maintenant ! Et vous ?


En finissant sa phrase, il réalisa deux choses : d’une il faisait nuit, et de deux les autres étaient déjà rentrés depuis longtemps. En rejoignant les autres au temple de l’esprit, il apprit que ce qu’il avait vécu était l’essence même d’un art bien connu : la méditation.


Zanji, lui aussi, était confronté à ses souvenirs. A peu près au même moment, le ravitailleur commençait à lui raconter ce qu’il savait.

Le lancier retint son souffle, prêt à en découvrir plus sur ses racines.


– Ta mère était une femme remarquable, commença l’homme. Toujours aimable et soucieuse d’aider autrui. Lorsqu’elle s’est installée dans le village, alors que les gens des forêts se montraient d’habitude hostile envers les étrangers, elle a tout de suite su se faire accepter par la communauté.


Il s’arrêta pour sortir tout doucement une bouteille de saké cachée dans une calle, et commença à les servir tous les deux. Coupe à la main, il reprit :


– C’était aussi une valeureuse guerrière, tu sais ! Elle était toujours prête à se battre pour protéger les habitants. On l’appelait la Guerrière de la Tradition.


– Ma mère était une combattante ?


– Peu de femmes peuvent se targuer de l’être, en effet. Mais crois-moi, c’était une guerrière incroyablement douée. Si elle avait vécu plus longtemps, elle aurait bien pu tenir tête à l’armée Shien. Cependant…


– Je suis arrivé, murmura sombrement le samouraï.


– Tu n’y es pour rien, Zanji. Ce n’est pas parce que ta mère est morte lors de ton accouchement que tu dois te reprocher quoi que ce soit.


– Combien de temps vous êtes-vous connus ? demanda Zanji sans relever. Sa voix tremblait légèrement. Il avala sa coupe de saké d’un coup, mais continuait à serrer fermement le récipient malgré tout.


– Environ six mois entre le moment où elle s’est installée et ta naissance. C’est là qu’elle a rencontré ton père, le Héros de l'Est.


– ….


– Un puissant samouraï de l’extrême orient muni d’une épée. Lui aussi faisait la fierté de notre village, voire de la région toute entière. Il a défendu la dynastie Shiranui jusqu’au bout.


– Ce n’est pas mon véritable père, n’est-ce pas ?


Il y eut un silence. Le villageois soupira.


– Alors tu le savais déjà…


– Dites-moi ce que vous savez, répéta Zanji. J’ai besoin de savoir.


– Peu de gens le savent au village. Mais comme ta mère et moi étions très proches, elle m’a jugé capable de garder ce secret. C’est vrai, la Guerrière de la Tradition ne s’est pas installée seule dans notre village. Tu étais déjà dans son ventre à ce moment-là.


– Alors c’est vrai…murmura le samouraï. Mon père est…


– Elle ne m’en a pas dit plus sur l’identité de ton père biologique. Je n’ai pas non plus cherché à le savoir, car cela ne me regardait pas. Mais ne te méprends pas, Zanji. Même s’il était conscient que vous n’aviez pas le même sang, le Héros de l'Est t’a toujours aimé et traité comme son fils.


– Moi aussi, dit Zanji. C’est lui qui m’a élevé après tout. Je le considèrerai toujours comme mon père. Une petite larme se forma dans le coin de son œil. Il ne pouvait plus contenir ses sentiments.


– Il serait fier de toi aujourd’hui. Et dire que cela fait déjà dix ans…


– Oui. Mon père…je veux dire, le Héros de l'Est, est mort en repoussant les Shien qui voulaient conquérir la région, il y a de cela une décénie. Depuis ce jour, je me suis toujours dit que coûte que coûte, je devrais faire payer sa mort aux Shien en les exterminant jusqu’au dernier. Toutefois…


– Toutefois ?


« Toutefois le Grand Shogun Shien est mon véritable père ».


Voilà ce à quoi il pensait. Mais jamais il n’aurait osé le dire à cet homme à qui les Shien avaient tout pris.


– Non…rien.


L’homme soupira une nouvelle fois, et se résolut à boire son saké à son tour. Cul sec lui aussi.


– Il y a une dernière chose que tu dois savoir sur ta mère, continua-t-il en reposant son verre. Si ta mère n’a pas survécu à ta naissance, c’est en partie parce que l’accouchement a été dérangé.


– Quoi ?!


– Ce soir-là, il y eut un raid Shien. Ils étaient au courant que ta mère, qui faisait figure d’autorité dans la région, était vulnérable. Ils en ont profité pour attaquer le village.


La mine du samouraï se décomposa.


– Ils ont échoué à capturer le village, notamment grâce à l’aide du Héros de l'Est. Mais tout le stress occasionné par l’arrivée de l’ennemi, combiné à la douleur de la mise au monde…je ne crains que ce soit cela qui est causé la mort de ta mère.


– Non….


– Je me suis battu contre eux ce jour-là. A partir de ce jour, le visage de leur général m’a hanté à jamais. Cet homme qui finalement allait parvenir à conquérir la région huit ans plus tard, et qui règne sur ces terres d’une main de fer depuis 10 ans. Celui que l’on appelle Tenkabito Shien.


– C’est Tenkabito qui …. ?


– Il a toujours été la cause de nos malheurs dans la région, conclut tristement l’homme. Depuis la mort de la Guerrière de la Tradition, rien n’a changé.


Zanji se leva brusquement.


– Pas si fort ! cria le ravitailleur. Il y a des veilleurs qui rodent dehors ! Ils pourraient nous entendre…


Il y a encore quelques instants, des larmes culaient sur les joues du lancier. Mais à présent, c’était la colère qui l’emplissait tout entier. La haine de ce régime maudit qui ne lui avait pas pris l’un, mais les deux personnes qu’il avait chéri le plus au monde.


– Tu as raison, répondit-il à voix haute. Les Shien nous prennent tout ce que l’on a depuis des trop longtemps. La dernière fois que je suis venu ici, je suis reparti discrètement à l’aube. Mais maintenant, je ne me cacherai plus : il est temps qu’ils paient. Pour ma mère, pour celui qui malgré tout reste mon père, pour tous les villageois des forêts. Je vais les exterminer jusqu’au dernier. Et Tenkabito est le prochain sur la liste.



Chapitre 38 : Le fils



Spoiler :



Il n’y avait plus une once d’hésitation dans le regard de Zanji. Il sentait sa naginata dans son dos, qui ne demandait qu’à être dégainée. Sans attendre davantage, il sortit brusquement de la maison du Ravitailleur. Il se moquait bien de faire du bruit désormais. Au contraire, plus il y aurait de Shien venant à sa rencontre, plus il serait satisfait. Satisfait de faire ressortir cette rage qui bouillonnait en lui.


Il arrivait souvent à Zanji d’être d’humeur changeante. Il ne supportait pas l’injustice ni la cruauté. Tout cela le mettait hors de lui. En véritable tête brulée, il aurait pu déplacer des montagnes si cela avait une chance de faire triompher ses idéaux. Mais aujourd’hui, sa colère allait au-delà de tout ce qu’il avait connu. Sa haine des Shien, qui s’était quelque peu banalisée après tant de combats, était redev*enue aussi forte qu’au premier jour. Les révélations sur sa mère avaient été l’élément de trop. Son cerveau avait temporairement délaissé le cas épineux du Grand Shogun Shien, pour se concentrer sur un autre tâche : se venger de Tenkabito, en anéantissant tous ceux qui se dresseraient sur son passage.


Dehors, l’allée principale du village était calme. Pas de Shien à l’horizon. En tant qu’ancien habitant du village, Zanji savait toutefois que la nuit, il y avait en permanence un ou deux veilleurs qui rodaient quelque part, prêts à semer la terreur. De retour à la grange où l’attendait son cheval, il prit quelques instants pour regarder le bâtiment, et sa maison juste à côté. Il ne put s’empêcher de penser que sans les Shien, les choses auraient pu se passer autrement. Il aurait pu vivre une enfance heureuse ici, entouré de sa mère et du Héros de l'Est. Amer, il serra les dents et enfourcha sa monture, avant de partir au galop. Ils pairaient, ça ne faisait aucun doute.


Alors qu’il allait sortir du village, deux hommes surgirent devant lui. Ils étaient vêtus d’une tenue rouge légère sur laquelle on pouvait reconnaître le blason des Shien. Chacun avait une épée dans sa main, et un fouet dans le dos. Un connaisseur aurait tout de suite constaté que leur équipement était de piètre qualité, mais cela suffisait bien pour châtier le Peuple Opprimé quand le besoin se faisait ressentir. C’était surement les deux veilleurs qui tournaient ce soir.


– Eh le manant, arrête-toi ! beugla le premier avec condescendance.


– Pour sortir à cette heure, il doit vouloir une petite correction…ricana le second en sortant son fouet.


Zanji ne s’arrêta pas. Le visage des veilleurs se décomposa progressivement, au fur et à mesure que lui et son cheval au galop se rapprochaient d’eux à ne vitesse dangereuse. L’un des deux hommes, celui qui avait crié, eu le bon gout de plonger sur le côté. L’autre, pas assez rapide, encaissa la charge du cheval de plein fouet, et finit écrasé sous ses sabots. Le samouraï, qui aurait pu continuer tout droit, fit demi-tour. Il alla à la rencontre du veilleur encore en vie. Ce dernier était comme paralysé. Assis au sol, il regardait Zanji en tremblant, conscient de ce qui allait lui arriver. Il y avait une petite flaque sous ses jambes : avec la peur, il s’était fait dessus.


Le jeune guerrier brandit sa naginata, dont il plaça la lame sur le cou du veilleur.


– Ou se trouve Tenkabito ? demanda-t-il.


– T…Ten…répèta t-il difficilement.


– OU EST-IL ?!


– Tu le trouveras dans l’Enceinte de Château….à l’est d’ici…


Zanji connaissait la forteresse fortifiée dont l’homme faisait référence. Tenkabito avait en effet réquisitionné une bonne partie travailleurs des Forêts pendant de longs mois pour la faire construire. C’était à la fois sa résidence, et le lieu qui symbolisait son pouvoir dans la région. La trouver ne serait pas compliqué : elle était située sur une grande colline, qui lui permettait observer tous les villages aux alentours.


Sa lame était toujours posée sur le cou du veilleur. Ce dernier pleurait maintenant à chaude larme, suppliant implicitement le samouraï de l’épargner. La posture de ce couard, qui avait martyrisé les siens pendant des années sans se poser de question, dégoutait Zanji. On était bien loin de l’image véhiculée par les Shien, celle de l’homme invincible, que rien ne pouvait impressionner. Malgré toute sa colère, Zanji passa son chemin. Il ne frappait pas les hommes à terre. Et puis l’humiliation que ce soldat porterait toute sa vie serait peut-être un châtiment pire que la mort, après tout.


Le samouraï prit la direction de l’est, en partant directement au galop. Il n’y avait pas de temps à perdre. La pluie se mit soudainement à tomber. Les gouttes épaisses se mirent à ruisseler sur son armure, tandis que des flaques de boue se formaient petit à petit le long du sentier qu’il empruntait. Mais Zanji n’en avait cure : il fonçait droit devant, en direction de la résidence privée que l’on commençait à apercevoir au loin. Sans se soucier de la terre mouillée, le cheval du lancier – qui devait être au moins aussi enragé que son maître – grimpa la colline d’une traite, sans ralentir.


Il y avait des dizaines de gardes en hauteur, sur les remparts du petit château. Le samouraï fut repéré presque immédiatement : même si c’était la nuit, on ne loupait pas un cavalier qui grimpait une colline quand on était au sommet de cette dernière. Certains soldats Shien préparèrent leurs arcs, d’autres sonnère l’alerte pour mobiliser les troupes. Rien de tout cela ne perturba Zanji, qui continua sa course vers l’entrée de la forteresse. C’était une grande porte en bois, peinte du rouge écarlate si cher au régime. Surement un caprice de Tenkabito, qui avait privilégié l’esthétique à la solidité. Une grave erreur qu’il ne tarderait pas à regretter. Avec la vitesse accumulée, le cheval de Zanji défonça littéralement la porte. Celle-ci fut brisée en deux à son passage, et s’effondra sur elle-même. Les gardes eurent eux même quelques secondes de stupéfaction : personne n’avait tenté un telle folie auparavant.


– Pff, et dire que je m’étais efforcé d’entrer discrètement….


Le samouraï regarda autour de lui, à la recherche de la voix. Il avait atterri dans une sorte de cour intérieure, dont il distinguait mal les murs à cause de l’obscurité. Il calma tant bien que mal son cheval, qui devait s’être blessé lors du choc avec la porte, et le laissa se reposer dans la cour. Les gardes des remparts ne pouvaient pas tirer de là où ils étaient, mais Zanji ne doutait pas qu’il allait les recroiser d’ici peu.


– Montre-toi ! ordonna-t-il à la voix, une fois sa situation à peu près stabilisée.


– Je ne te veux pas de mal, rétorqua celle-ci, tandis qu’une silhouette quittait l’ombre pour rejoindre Zanji.


Le jeune homme restait toutefois méfiant.


– Baisse ton arme, samouraï. C’est moi, Hanzo.


– Le chef ninja ? Mais que faîtes-vous ici ?


– Je pourrais te demander la même chose…Je suis en repérage. Nous les ninjas, prévoyions une attaque surprise sur ce site d’ici une dizaine de jours.


– Vous pouvez oublier. Je vais en finir maintenant avec Tenkabito


– Ridicule, répliqua le ninja.


Sans écouter, Zanji se dirigea vers la porte la plus proche. Pour accomplir sa vengeance, il n’avait besoin de personne.


– Est-ce que tu sais au moins où aller ?


– Je ferai le tour du château s’il le faut.


– Abruti, il y a des centaines de gardes ici ! Il ne faut surtout pas….


C’était trop tard. A peine étaient-ils entrés dans la pièce suivante qu’un groupe de soldats Shien leur tomba dessus. Il y a avait parmi eux deux Légionnaires, quelques autres hommes et une flopée de Fantassins. Peut-être une trentaine de guerriers au total, dans une pièce qui pouvait en contenir 20.


– Laisse, ordonna Zanji au ninja. Je vais les pulvériser.


Il prit de l’élan et bondit sur le groupe, naginata pointée en l’air. Sa lame retomba verticalement sur les Sien, tranchant au passage tous ceux qui se trouvaient au milieu du groupe. Ceux qui avaient survécu se retrouvèrent projetés les uns sur les autres, et chutèrent par

Effet De Domino. Il n’eut plus qu’à donner une série coups aveugles dans la masse des corps agités, et au bout de quelques instants plus personne ne bougeait.


– Ca ne suffit pas…les autres doivent payer aussi…cracha-t-il avant de se diriger vers la pièce suivante.


Hanzo le suivit tant bien que mal. Il était stupéfait de voir la force du samouraï, qui semblait décuplée depuis leur dernière rencontre. A plusieurs reprises, le même spectacle se déroula. Bien décidé à abattre les Shien, Zanji détruisait tout sur son passage. Sa lame, bien que tintée de rouge, ne s’émoussait pas. Les coups échangés se multipliaient par dizaine, par centaines. Les ennemis tombaient les uns après les autres. Rien ne semblait en mesure de l’arrêter. Mais d’où tirait-il une telle puissance ?


A forcer d’avancer de salle en salle, Zanji finit par débouler sur un grand couloir particulièrement soigné. On y retrouvait un joli parquet en bois, et des tapisseries le long des murs à l’effigie de Tenkabito. Des palissades coulissantes délimitaient clairement les quartiers privés du gouverneur de la région. Lorsqu’il découvrit l’entrée, le cœur du samouraï s’emballa encore plus. Enfin. Il y était.


– Attends ! Je suis là moi aussi.


Hanzo, qui trainait un peu derrière à cause des ennemis restants, l’avait finalement rejoint.


– Moi qui venais seulement en repérage…continua-t-il. Je ne pensais pas que je me retrouverai à passer à l’assaut avec toi à mes côtés.


Mais la tournure que prenaient les choses ne plaisait pas au lancier. C’était sa vengeance, à lui et à lui seul.


Hanzo, s’il te plait. Je me dois de le combattre seul. C’est une affaire personnelle.


– Peu importe ! objecta l’intéressé. L’enjeu est beaucoup plus large, il touche la région entière ! Je ne peux pas te laisser…


Son regard croisa celui du lancier. Ce qu’il y vit coupa sa réponse de façon nette. C’était un regard chaud comme la braise, dans lequel l’envie de justice – une justice violente, mais absolument légitime – bouillonnait. Il ne rigolait pas. Le ninja réfléchit un instant, évaluant les risques. Il reprit finalement :


– Soit. Je ne sais pas quelles sont les motivations qui t’animent, mais je les respecte. Vas-y, affronte-le. Je m’occuperai des gardes qui pourraient arriver pendant ce temps. En échange, je ne te demande qu’une chose : pour le bien des Forêts, tu as intérêt à revenir vivant.


Zanji hocha la tête. Une fois son compagnon d’armes parti, il entreprit d’écarter les palissades.


– Papa, Maman, je vais le faire. Ce que vous n’avez pas pu réaliser, votre fils va l’accomplir.



Chapitre 39 : Tempête de rage



Spoiler :



La palissade s’ouvrit doucement avec un petit grincement, surement dû à l’ancienneté du bois. La première chose que Zanji vit furent deux énormes torches places de part et d’autre de la salle. Le feu crépitait calmement, éclairant un sol jonché d’un tatami impeccable à l’aspect luxueux. On trouvait le long des murs du matériel de guerre affublé du symbole des Shien, et quelques coffres en bois entreposés ça et là. Le regard du samouraï scruta de part et d’autre l’endroit, avant de se concentrer sur le fond de la pièce. Le gouverneur de la région des Forêts était bel et bien là. Il se tenait de debout et de dos, bras croisés et jambes espacées. Il remuait quelque peu la tête, comme pour montrer son impatience. Paré de l’armure rouge emblématique du Régime, il semblait prêt au combat.


– Alors te voilà…toi, le semeur de troubles qui est arrivé jusqu’ici…


Il se retourna lentement, sabre à la main. Le ton neutre qu’il employait montrait clairement qu’il ne se sentait pas en danger.


– Tu es un bien jeune guerrier, dis-moi…Quel âge as-tu ?


– Je suis venu t’exterminer, Tenkabito, cracha Zanji, bien moins calme que son interlocuteur.


– Oh, mais je te reconnais, remarqua ce dernier sans relever, après avoir passé quelques instants à le dévisager. Je n’oublie jamais le visage de ceux qui me défient. Et encore moins quand ils ressemblent comme deux gouttes d’eau au Grand Shogun Shien. Tu es le gamin à qui j’ai mis une raclée lors de l’exécution de Masaki, n’est-ce pas ?


– ….


– Tu en redemandes ? demanda-t-il d’un air narquois.


Mais le lancier avait envie de tout sauf de rire. La vue de son ennemi faisait ressortir en lui le peu de colère qui ne s’était pas encore déchainé.


– Hyaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!


Il brandit sa naginata en l’air, prêt à l’abattre sur le Shien, en la faisant retomber à la verticale sur lui. Avec cette technique, il avait abattu plus d’une trentaine de gardes sur le chemin. Cependant, son adversaire était d’un autre calibre. Tenkabito se saisit de son épée, et asséna un grand coup dans les airs. Sa lame vint entrechoquer celle de Zanji, parant par la même occasion le coup. Le samouraï en fut stupéfait : son adversaire devait avoir une puissance considérable pour arrêter l’élan d’une lance propulsée de plusieurs mètres avec un simple sabre. Pourtant, lui ne bronchait même pas. Il ne s’était même pas mis en garde.


– Grr…


Zanji recula. Il allait maintenant tenter un coup horizontal. Avec une telle armure, son adversaire ne pourrait pas sauter. La pièce étroite l’empêcherait aussi de reculer pour esquiver. Avec un tel coup, le Shien serait surement mis à terre.

– Haaaaaaaaaaa !!!!


– Prévisible.


Le guerrier rouge réussit l’impensable : avec son pied, il écrasa la lame qui rasait le sol à l’horizontale, et l’enfonça dans le tatami. Pris de court, le samouraï parvint à retirer l’arme de justesse, mais dût reculer de nouveau sous peine d’être exposé à des attaques dévastatrices.


Depuis le début, Tenkabito n’avait quasiment pas bougé. Pourtant, il parvenait à parer toutes ses tactiques sans le moindre effort. Zanji retenta. Il bondit sur lui pour la troisième fois, avec ces mêmes pulsions vengeresses qui l’animaient. Il ne fut pas plus chanceux que les deux précédentes : le Shien se paya même le luxe de lui donner un coup de pied dans la jambe, ce qui fit boîter le jeune homme pendant quelques instants.


– Alors ? C’est tout ce que tu vaux ? je suis déçu…


– Enfoiré…tu vas…payer…


La rage consumait Zanji de l’intérieur. Chaque parade, chaque coût raté lui donnait plus encore envie de tailler son adversaire en pièce. Ses yeux écarquillés étaient devenus presque aussi rouges que l’armure de son ennemi. Il soufflait lentement, pas parce qu’il était essoufflé, non, mais parce que son cœur battait tellement vite que sa respiration peinait à suivre. Un petit filet de sang coula le long de sa bouche. En proie à la frustration, il s’était mordu la langue.


– Tu t’énerves, petit samouraï ?


Le souffle s’accentua. De grosses gouttes de sueur coulaient sous le casque de Zanji. Le visage du gouverneur lui rappelait ses propres échecs, les jours d’exécution auxquels il avait assisté impuissant. Et bien entendu, le terrible sort que sa famille avait connu du fait de cet homme.


Tenkabito….je vais te….


Le Shien riait.


– Oui, vas-y ! Laisse ta haine s’exprimer…C’est cette colère…la pulsion destructrice cachée au fond de chacun, que nous les Shien voulons exploiter.


« … »


Le samouraï fondit de nouveau sur lui en criant de toutes ses forces.


– Hurle, samouraï ! Laisse la rage t’aveugler ! Et alors tu connaîtras la véritable force.


« Jiii »


Les deux hommes se rencontrèrent de nouveau. Cette fois, le combat sembla plus équilibré. Il y eut une sorte de bras de fer, entre Tenkabito qui repoussait à bout de bras la naginata de Zanji et ce dernier qui poussait de toutes ses forces vaincre l’avant pour briser sa défense.


« An…jiiii »


Cependant, le gouverneur se révéla une fois de plus supérieur : il parvint cette fois à le repousser avec un coup de boule qu’il asséna directement dans le casque du samouraï. Le casque du jeune homme glissa et tomba au sol, tandis qu’il était lui-même déséquilibré. Le sabre de Tenkabito, libéré de toute emprise, vint alors s’abattre sur l’épaule de Zanji qu’il lacéra.


« Zanji !»


Les hurlements du guerrier ne furent plus des hurlements de rage mais bien des hurlements de douleur. Son bras gauche avait été sérieusement touché, du sang ressortait à travers son armure. Sous la pression de la douleur, il s’affaissa au sol, à genoux. Le chef Shien s’approcha de lui, l’air grave.


– Tu n’es qu’un insecte, incapable d’utiliser ta colère…. Il est temps d’en finir.


« Zanji ! Ressaisis-toi !»


Le jeune lancier sursauta. Il venait d’entendre distinctement une voix féminine résonner dans sa tête. La voix, d’un infinie douceur, se laissait porter d’on ne sait où au bord de ses oreilles. Il y avait là quelque chose d’inhabituel, de presque magique. Il n’y avait personne d’autre dans la pièce, ni même à l’étage. Et pourtant, Zanji se sentait comme rassuré par cette voix.


– M…mère ?


« Tu vaux mieux que ça, mon fils. Ne te laisse pas aveugler par la haine. »


– Tu parles tout seul, maintenant ? reprit Tenkabito. Tu es vraiment pathétique….


Sans plus attendre, il brandit son sabre et l’abaissa en direction de la tête de son adversaire. Or, par une roulade au sol, l’intéressé parvint à échapper à l’assaut et à se remettre debout, naginataa en main.


– Tu as raison…murmura Zanji. J’ai été pathétique en sombrant dans la rage. Mais c’est terminé.


Lentement, il reprenait un souffle normal. Son cœur ne battait plus à la chamade. Ses yeux, quant à eux, étaient redevenus blancs. La colère s’estompait.


– Je croyais que tu me détestais…répondit le gouverneur. Que quand les autres tremblaient, tu bouillonnais en me regardant. Où est passé cet esprit combattif ?


– Rassure-toi, je te déteste toujours autant. Mais je viens de réaliser que, malgré tout, c’est en prenant de la hauteur que je pourrais accomplir de grandes choses. Voilà pourquoi ma vengeance ne pouvait pas aboutir.


– Et maintenant quoi ? railla le Shien qui avait dominé tout le combat. Tu crois que de belles paroles vont te sauver ?


Pour la première fois, c’est lui qui s’élança vers son adversaire. Ses gestes étaient souples et rapides. Comme attendu de l’un des meilleurs hommes du Régime, il ne laissait rien au hasard. Pour son premier coup, il choisit l’estocade. Une technique contre laquelle une lance ne pouvait pas faire grand-chose. Plus lucide, Zanji réalisa que lui aussi aurait pu utiliser cette technique depuis le début. C’était après tout l’utilisation la plus évidente de sa naginata : être propulsée en avant pour percuter l’adversaire. Or, depuis qu’il était dans cette forteresse, il n’avait cessé d’asséner des coups plus extravagants les uns que les autres. Des attaques fulgurantes certes, mais risquées. Enivré par la colère, il en avait oublié son style habituel et la prudence qui était de mise. Il s’était senti invincible après avoir abattu tant de gardes, et avait mal évalué son adversaire. Lorsque l’estocade parvint à lui, le garçon sut comment il fallait réagir : répondre par une autre estocade. Etonné par ce changement radical, le Shien fit un pas en arrière, pour la première fois. La contre-offensive pouvait commencer.


Comme pour répondre à la provocation, le samouraï se jeta à son tour sur son ennemi de toujours. Il le savait : cette fois, c’était la bonne. Contrairement aux assauts précédents, il serait cette fois-ci lucide. Le temps du combat, il se devait de délaisser la haine, mais aussi la crainte que lui inspirait son ennemi. Seuls les gestes, les mouvements adverses et les siens comptaient.


Le gouverneur para une première série de coup, mais avec moins d’aisance que jusqu’alors. Il disposait toujours de la même robustesse, mais semblait répondre à ses assauts plus lentement ; il lui arrivait même de grimacer lorsqu’il arrêtait un coup de justesse.


Zanji comprit : il avait cru que Tenkabito était incroyablement fort. C’était un chef de guerre qui inspirait la crainte, après tout. Mais en réalité, depuis le début du combat, c’était surtout lui qui avait été incroyablement maladroit du fait de son aveuglement. Après avoir pris le temps d’analyser sa garde, son style de combat, il réalisa que battre le guerrier rouge était tout à fait envisageable. Et en effet, pour la première fois, l’un de ses assauts fit mouche, rayant l’armure écarlate du Shien. Ce dernier se surprit à souffler, lui aussi. Le samouraï se révélait depuis peu être un adversaire coriace.


– C’est impossible…une telle transformation…d’un instant à l’autre !


L’échange qui allait suivre serait décisif. Les deux hommes étaient maintenant aussi essoufflé l’un que l’autre : celui qui prendrait l’ascendant aurait toute les chances de gagner le combat. Zanji brandit sa naginata vers le haut, comme il l’avait fait au début du combat. Le gouverneur Shien se tint prêt à parer.


– Tu ne peux plus m’échapper, Tenkabito !


– Des mots ! beugla l’intéressé. Je connais ce coup !


– Vraiment ?


A peine avait-il terminé sa phrase que le Shien se figea. Son sabre, qui était censé contrer celui de Zanji, était en train de trancher dans le vide. Le samouraï et sa naginata avaient disparu de son champ de vision. C’est alors qu’il réalisa :


– Une feinte ?


– Lorsque l’on dépasse sa rage et que l’on laisse parler ses vrais sentiments…de nouvelles possibilités se dévoilent. Voilà ma réponse.


Le Shogun se retourna : Zanji était juste derrière lui, prêt à infliger un coup qui, vu sa position, serait surement critique.


« Je suis fière de toi…Zanji…. »


La lame se déporta largement sur le côté, jusqu’à transpercer l’armure de Tenkabito au niveau de la potrine. Le guerrier se retrouva comme figé sous l’effet du coup, au point d’en lâcher son sabre. Il tenta quelque pas en arrière, tandis que ses bras tremblaient. La naginata était restée plantée dans son armure. Mais Zanji, qui était resté tout proche, arracha violement sa lance du cœur du gouverneur. Un véritable flot de sang s’échappa alors du trou béant qu’avait laissé la lame dans son armure.


– Moi….le grand Tenkabito, finir ainsi…c’est inconcevable…


Il fit encore quelques gestes en arrière, mais buta contre la palissade murale qui clôturait la pièce. Il tenta de se raccrocher aux grosses torches qui bordaient les murs. Mais c’était peine perdu : il tenait à peine debout. Tout cela laissa largement à Zanji le temps de préparer le coup de grâce : il fondit pour une dernière attaque, à la diagonale, qui entailla le corps du gouverneur de l’épaule droite au flanc gauche. Ce dernier s’écroula instantanément.


– Adieu, Tenkabito.



Chapitre 40 : La crise maximale



Spoiler :



Zanji l’avait fait : il s’était vengé. Tenkabito gisait au sol, juste devant lui. Un torrent de sang continuait à se déverser de sa plaie au niveau de la poitrine. Lui qui avait paru si terrifiant pendant toutes ces années n’était plus qu’un pitoyable mourant sur le point de passer l’arme à gauche. Pourtant, le gouverneur continuait de le toiser, droit dans les yeux.


– Ces traits…tu ne ressembles pas seulement au Grand Shogun, finit-il par lâcher. Tu es l’enfant de l’héroïne locale…la Guerrière de la Tradition, n’est-ce pas ? Je comprends mieux d’où t’es venu une telle motivation pour me battre…


– Ne prononce pas son nom, enfoiré ! menaça lancier.


Le gouverneur laissa échapper un petit rictus, tandis que Zanji pointait de nouveau sa lame sur lui.


– Tu penses avoir gagné, jeune samouraï ? Sache que nul ne peut gouverner ici, à part moi. Tout ce que tu as réussi à faire, c’est mettre cette région à feu et à sang !


Dans un ultime effort, il empoigna violement les grosses torches accrochées au mur, et les jeta au sol. Presque instantanément, le feu se répandit sur l’ensemble du tatami qui jonchait la pièce.


– Ah !


Pris par surprise, Zanji tenta immédiatement d’arrêter les flammes de s’étendre. Il savait très bien qu’en cas d’échec, c’était un immense incendie qui se profilait.

C’était cependant impossible : en quelques secondes, les poutres et les palissades en toile avaient également pris feu. Le gouverneur, qui se savait condamné se mit alors à éclater de rire. Le lancier eut une dernière fois l’occasion de voir le visage blafard couvert de sang le toiser, avant que ce dernier ne disparaisse au milieu des flammes :


– Retiens bien ça, avorton…Cette guerre, nous la gagnerons !


Le plafond en bois menaçait lui aussi de s’écrouler. Malgré une forteresse en pierre, Tenkabito avait eu le bon gout de faire construire les appartement intérieurs dans un style japonais traditionnel, avec comme seuls matériaux le bois et la taule. Le tout risquait de se consumer d’un moment à l’autre.


Zanji, par ici ! cria quelqu’un.


C’était bien sûr le Maestro Ninja Hanzo, qui était resté en arrière pour le couvrir.

Il s’était débarrassé d’un grand nombre de gardes. Sentant que la fin était proche, les autres s’étaient d’ores-et-déjà enfuis, ce qui avait laissé le temps au ninja de trouver lui-même une issue de secours par laquelle passer. Heureusement, le feu n’avait pas encore atteint l’Enceinte de Château.


Les deux hommes parvinrent à sortir sans trop de difficulté, car plus personne ne cherchait à les intercepter. L’incendie avait en effet généré une véritable panique : soldats rescapés, prisonniers et personnel s’étaient mis à dévaler la colline d‘un seul pas, avec pour seul objectif d’échapper au feu. Cette colline s’avérait d’ailleurs être une chance miraculeuse : si les flammes avaient pu entrer en contact avec les arbres de la Forêt, celle-ci serait véritablement partie en fumée.


– Je l’ai eu, annonça le samouraï qui courait lui aussi.


– Alors le gouverneur Shien est bel et bien mort…je n’en reviens pas, souffla Hanzo, visiblement soulagé.


– Et maintenant ?


Hanzo s’arrêta. Tout autour d’eux, les autres personnes commençaient à se disperser dans les bois.


– A ton avis, où vont aller tous ces gens ? demanda-t-il.


– Dans les villages les plus proches, réalisa Zanji.


– Et que crois-tu qu’ils vont faire, sachant que le Régime est déstabilisé dans la région ?


Le jeune guerrier pâlit.


– Une terre brûlée…il vont tout piller avant d’avoir totalement perdu.


– Mes ninjas ont dû voir la fumée, eux aussi. Ils m’attendaient dans la Cité. Commençons par les rejoinde.


On put bientôt voir la forteresse s’embraser depuis n’importe quel point des Forêts. Habitants comme veilleurs Shien, chacun savait ce que cela signifiait : le siège du Régime était touché. D’un seul mouvement, plusieurs milliers de paysans s’étaient levés, fourches à la main, pour se dresser contre le pouvoir vacillant. Quelqu’un avait fait le premier pas avec la forteresse, allumé l’étincelle nécessaire pour qu’elle gronde. Cette fois, la Révolution Globale étaient lancée.


Il n’y avait dans la plupart des villages que deux à cinq veilleurs Shien, selon la taille de ces derniers. C’était d’ailleurs bien suffisent, personne n’osant s’opposer à un Régime qui avait démontré sa force de répression depuis plus d’une décennie. Seule la capitale locale, la Cité des forêts, faisait exception avec une cinquantaine de gardes et de Légionnaires installés en permanence. C’était d’ailleurs la ville la plus proche de la forteresse, celle vers laquelle tout le monde courrait en ce moment même.


Les deux hommes arrivèrent bientôt sur place. Comme on pouvait s’y attendre, c’était le chaos. Des centaines de personnes s’échappaient dans les rues, tandis que les Shien enfonçaient les portes des maisons. Des soldats commençaient à faire des tas avec les vivres et les biens qu’ils trouvaient. Ailleurs, d’autres rassemblaient des jeunes femmes, qui étaient attachées à des arbres à l’orée de la forêt. On pouvait voir que certaines, qui s’étaient débattues, gisaient inconscientes au sol avec leurs maris. Le sang du lancier ne fit qu’un tour.


– Enfoirés…


Il se précipita vers le petit groupe de Légionnaires qui avait organisé le rapt. Après avoir vaincu Tenkabito, il pensait pouvoir venir à bout de n’importe quel adversaire. Mais c’était, malheureusement, surestimer ses forces. En courant vers les ennemis, Zanji trébucha. Il comprit alors qu’il avait trop forcé, au point que ses jambes le lâchaient. Il ne pourrait pas mener ce combat. Or, Hanzo ne pouvait pas intervenir : lui aussi était retenu par des veilleurs à quelques mètres de là. C’est à ce moment que quelqu’un intervint :


Art Ninjitsu Armure de Brume de Rouille !!


Instantanément, une énorme vague déferla devant Zanji, et balaya tous les guerriers devant lui. Un homme surgit alors d’une ruelle sombre, et s’élança sur les Légionnaires avant que ceux-ci ne puissent se relever.


– Vas-y, dragon bleu !


L’homme commença à composer des signes étranges avec ses mains. Aussitôt, l’eau qui se trouvait au sol commença à s’agiter, puis à s’élever dans les airs. Comme par magie, elle dessina bientôt la forme d’un dragon, qui se jeta sur le Shien le plus proche. Quelques instants après, ils étaient tous morts.


– Je te reconnais, dit Zanji en se relevant. Tu es le Ninja Armé au service de Sasuke, n’est-ce pas ?


– C’est bien moi, répondit le ninja sans se retourner, trop occupé à détacher des arbres les femmes prisonnières. J’ai progressé depuis notre dernière rencontre, grâce aux enseignements du Ninja Argent Émérite. Je me fais appeler Ninja Dragon Bleu, désormais.


– Maître Hanzo, vous êtes de retour ? cria un autre individu derrière eux. J’ai neutralisé les ennemis dans les quartiers est !


C’était un ninja entièrement vêtu de rouge, que le lancier connaissait sus le nom de Ninja Cramoisi. Hors le dragon de feu qui l’entourait laissa penser au samouraï que lui aussi avait surement changé de nom. Le lancier ne s’était même pas remis de ses émotions qu’un troisième homme déboula sur un toit, cette fois entièrement vêtu de blanc. Le dragon de fumée qui tournait autour de lui ne laissait aucun doute : le Ninja Blanc qu’il connaissait était devenu le Ninja Dragon Blanc.


– Je vois que vous avez pris l’initiative de défendre la ville dès le début des agitations, fit leur chef. Même sans ordre de ma part. C’est parfait. Avez-vous tous terminé ?


– Il semblerait que le Ninja Dragon Noir ait quelques difficultés dans les coin sud de la ville.


Zanji écarquilla les yeux. Mais combien étaient-ils ?


– Ah, le petit nouveau ? Pour quelqu’un qui se faisait appeler Ninja d'Intervention auparavent, je ne le trouve pas très efficace.


Il se tourna ensuite vers le samouraï.


– Ça devrait aller, il ne reste plus beaucoup de Shien entre ceux qui ont pris la fuite et ceux qui sont déjà hors d’état de nuire. D’ici moins d’une heure, nous contrôlerons la Cité. Ensuite, on ira de village en village pour s’occuper des veilleurs restants. Sans compter Sasuke et les autres ninjas restés dans notre repère, qui ont dû se mettre en route après avoir vu la fumée.


– Je suis désolé…je ne suis pas en état de vous aider davantage…


Hanzo ricana.


– Tu as lance une révolution, ça ne te suffit pas ? Nous pouvons nous passer de toi pour la suite. Prends un cheval et va, retourne au Temple des Six auprès des tiens !


Le Temple des Six ? Cela faisait si longtemps qu’il n’y était pas allé…Cela dit, dans son état, il n’avait pas vraiment le choix. C’était le seul lieu l’on pourrait le soigner à l’heure où la région entière prenait feu.


Zanji attrapa le cheval le plu proche et partit au galop. Le chemin, il le connaissait par cœur ; la région n’avait pas de secret pour lui. Sur son chemin, il put constater les conséquences qu’un simple incendie avait causé : le long des routes, à proximité des villages qu’il traversait, il retrouvait des cris, des hurlements, des scènes de combat. Partout l’insurrection des villageois se concrétisait.


Il lui fallut un certain temps pour atteindre le temple. C’était après tout un lieu discret, perdu à l’extrémité de la forêt. Il pensait que de par sa disposition, l’endroit aurait été épargné des élans révolutionnaires. Il allait réaliser à quel point il avait tort dans peu de temps.


Quelle ne fut pas la surprise du lancier quand en effet, il arriva devant le fameux Portail des Six. L’entrée était tout bonnement détruite. Les portes, sorties de leurs gonds, avaient été violement enfoncées et projetées au sol. Les pavés de la cour, pour la plupart retournés, témoignaient de la violence qui avait été déployée sur place.


– Que s’est-il passé ici ? murmura-t-il dans la nuit.


En avançant vers l’intérieur du temple, il ne tarda pas à trouver des indices : des dizaines de cadavres de guerriers Shien jonchaient le sol de la cour principale, celle dans laquelle les Six s’entrainaient. Le sang était encore frais. Tout cela avait eu lieu tout récemment. Anxieux, Zanji se dirigea rapidement vers le bâtiment. Quelqu’un surgit alors de l’intérieur et le plaqua au sol.


– C’est moi ! Zanji ! cria t-il en se débattant.


Le Chambellan Des Six Samouraïs desserra l’emprise de ses bras mécaniques en reconnaissant la voix de son élève. Son armure sentait elle aussi fortement le sang frais.


– Alors te voilà…souffla l’homme en se relevant. Viens, on t’attendait justement avec les autres.


Sans savoir ce que cela signifiait, le samouraï suivit son mentor vers les pièces centrales du temple. Il ne posa pas de question : il savait qu’il serait informé de tout en temps et en heure. Il ne pouvait toutefois pas s’empêcher d’être inquiet devant la pâleur de son maître, et l’ampleur des dégâts à l’entrée.


Le Chambellan le conduisit finalement dans un des petits salons où l’Ordre des Six se réunissait. Le lancier fut stupéfait d’y trouver l’Envoyée et les cinq autres samouraïs assis sur des cousins, le regard vide. Tous semblaient avoir participé à la bataille du portail.


– Vous n’êtes plus avec l’oracle ? demanda-t-il avec étonnement.


Les autres lui lancèrent un regard noir.


– On est partis te chercher quand, après notre entraînement spirituel, on a réalisé que tu n’étais pas rentré, cracha Kamon, que pour la première fois de sa vie Zanji voyait sans sourire aux lèvres. Comme ce n‘est pas très loin, on pensait que tu te trouerais ici. Mais non, tu n’étais pas là. Et peu de temps après, ils ont attaqué.


Le Chambellan, qui venait de s’asseoir, prit à son tour la parole :


– Ces Shien ont été envoyés directement par le Grand Shogun, cela ne fait aucun doute. Lui seul connait l’emplacement du Temple des Six. C’était déjà lui qui avait envoyé les ninjas pour capturer le Grand Maître…De toute évidence, l’Ordre paie le prix pour, après une décennie de discrétion, s’attaquer de nouveau au Régime.


– Heureusement qu’on est arrivés à temps, compléta trouver l’Envoyée. A part Kageki, il n’y avait personne pour défendre ce lieu. Hors, malgré sa force, lui aussi se fait vieux et ne peut plus combattre des hordes d’ennemis seuls comme au temps de notre jeunesse…


– Nous les avons contenus à l’entrée, expliqua Nisashi. Sans cela, ce temple n’existerait déjà plus.


Il tapa du poing.


– Malgré tout, nous n’avons pas pu empêcher le meurtre de plusieurs domestiques, et d’importantes destructions matérielles !


Il y eu un silence.


– Que faisais-tu pendant ce temps, Zanji ? demanda l’Envoyée d’un ton reprocher.


Le samouraï déglutit. Il avait agi en solo, et allait devoir maintenant l’assumer.


– Et bien, je…


Il était prêt à tout expliquer. A parler de sa vengeance, de sa colère, mais aussi du regret qu’il avait d’avoir cédé à la colère. Mais il n’en eut pas le temps : il fut interrompu par un grand bruit de pas qui se rapprochait du petit groupe. Quelques secondes après, une servante déboula dans la pièce en courant :

– Messires, c’est urgent… Notre respecté doyen…son état s’aggrave…


– Quoi ?!


Les huit occupants de la pièce se levèrent comme un homme, et prirent les escaliers avec le même élan. Tous se dirigèrent vers la chambre de l’Ancien, l’homme qui avait fondé l’Ordre des Six samouraïs et entrainé la première génération de guerriers. Depuis plusieurs années, il était alité et ne sortait que très peu de sa chambre. Tous parvinrent à la même conclusion : le tumulte généré par l’assaut avait été mauvaise pour la santé du vieil homme, presque centenaire.


Dans la chambre, les samouraïs trouvèrent face à un doyen plus livide encore qu’à l’habitude. Seule sa tête et ses épaules dépassaient du grand lit dans lequel il était habituellement installé, tandis qu’une unique bougie à son chevet éclairait la pièce. Son souffle était à peine perceptible et semblait de plus en plus lent.


– Ah, vous êtes tous réunis, constata-t-il lorsque les portes de sa chambre s’ouvrirent. J’ai bien fait de vous faire prévenir. Approchez, mes enfants. Il faut que je vous parle.


– Nous vous écoutons, maître, répondirent plusieurs d’entre eux en s’inclinant.


L’Ancien toussota quelque peu, avant de reprendre.


– Cela faisait des années que ce n’était pas arrivé…mais le vacarme de tout à l’heure m’a apporté comme…une révélation. Ecoutez-moi bien, mes enfants…cette vision que j’ai eu sera surement la dernière.


Dans la pièce, un silence tendu s’installa. Chacun attendait avec gravité les paroles du doyen.


– Ce qui se profile dans les jours qui viennent, c’est la crise la plus grave que n’ait jamais rencontré ce royaume. Oui, une double menace…on pourrait résumer ma vision par ces terme : la crise maximale….


On pouvait lire l’anxiété, la tension sur le regard de chacun des six samouraïs. Devant les ravages déjà commis par les Shien dans la région, les terribles pertes dans le temple, Zanji ne put s’empêcher de penser aux dernières paroles de Tenkabito :


« Cette guerre, nous la gagnerons. »



Arc Guerre Totale


Chapitre 41 : La menace venue de l'océan



Spoiler :



C’était une petite ville portuaire à l’extrémité ouest de la région des Rizières. Il n’y avait pas grand-chose ici, à peine quelques échoppes et des maisons modestes qui faisaient face à la mer. Les gens, pour la plupart modestes, tiraient parti de l’océan et du poisson qu’on y trouvait pour vivre et faire du commerce. La ville, calme habituellement, semblait ce jour-là euphorique. La nouvelle de la victoire du Samouraï Shiranui et de la Résistance dans la Cité aux Rizières, la veille, était en effet parvenue jusqu’aux oreilles des habitants. Ce annonce presque surréaliste avait provoqué un éclatement général de joie dans la ville, et la naissance d’un nouvel espoir quant à l’effondrement du Régime.


En pleine effervescence, la population ne fit même pas attention à la jeune femme qui pénétra à l’intérieur de la ville en fin de matinée. Celle-ci était affublée d’une épaisse cape sombre, dont elle se servait manifestement pour cacher son corps, ainsi que d’un chapeau qui lui était assorti. Rien ne dépassait de cet accoutrement peu commun dans la région, si ce n’est peut-être une mèche châtaine que l’on distinguait à peine. La jeune femme avançait difficilement. Sa démarche lente, un peu gauche, trahissait visiblement des blessures au niveau des côtes ou du bassin. Dès que cela fut possible, elle se dirigea vers une ruelle à l’abri des regards indiscrets, pour se laisser glisser contre un mur.


– Je l’ai fait, souffla-t-elle en reprenant sa respiration. Je leur ai échappé.


Il y avait de quoi être soulagée : la jeune femme avait tout de même fui la Cité aux Rizières puis traversé la région entière en une journée, à pied, malgré ses blessures. Après s’être assurée que personne ne l’avait suivie, elle s’autorisa enfin à retier son chapeau et à découvrir sa cape.


Les blessures de Dame Guerrière étaient sévères. Elle avait perdu beaucoup de sang dans sa fuite, au niveau du thorax mais aussi du bras gauche. Sa mine était elle aussi horrible. Ses cheveux en bataille, aussi raides que la paille, tachés du sang de ses ennemis, lui tombaient salement au visage. Elle qui pouvait d’habitude se montrer moqueuse, avait perdue tout envie de rigoler.


– J’espère qu’ils sont arrivés, marmonna-t-elle en se relevant, après s’être reposée une bonne heure.


Elle savait très bien ce qu’elle devait faire pour achever sa mission. Résolue, elle se dirigea vers le port de la ville. Il n’y avait là que de petits bateaux de pêche, dont la plupart étaient à quai. La plupart des habitants préféraient fêter la libération de la région plutôt que de pêcher. Ce qui intéressait la Dame Guerrière se trouvait en revanche plus loin, au large. Comme elle s’y attendait en venant ici, elle put apercevoir plusieurs grands navires amarrés au large de la côte. Il n’y avait pas de doute possible : c’était eux.


– Ces bateaux ne partent toujours pas, murmura un des rares pêcheurs sur place, qui discutait avec ses collègues non loin de là. Je n’en avais jamais vu des comme ça, avant.


– Ils sont immenses, renchérit un autre. Je ne sais même pas si le Régime possède de tels navires….


Intéressée, elle ne put que se glisser dans la conversation :


– Depuis combien de temps sont-ils là ? lança t-elle brusquement aux deux hommes.


– Oh ? Je dirais, depuis hier, répondit le premier pêcheur surpris de cette intrusion.


C’était parfait, exactement comme les plans établis le prévoyaient. La Dame Guerrière ne prit même pas la peine de remercier l’homme ou de lui demander de plus amples renseignements. Elle se contenta de se glisser dans le bateau le plus proche – probablement celui de son interlocuteur – et de le détacher du ponton.


– Eh, que fais-tu ?! cria le propriétaire en tentant de l’en empêcher.


C’était cependant trop tard. Avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, le bateau et sa passagère étaient déjà partis en direction de la flotte. Il y avait parmi celle-ci un navire qui se distinguait des autres par sa taille, bien plus imposante. C’était bien entendu celui-qui abritait le commendement, et vers lequel elle se dirigeait pour faire son rapport. Au bout d’une bonne trentaine de minutes, son embarcation parvint enfin au pied du navire. Depuis sa place, la jeune femme put voir des dizaines de matelots s’activer sur le ponton principal. Elle fit alors de grand geste de bras pour être reconnue.


Dat ben ik ! Ik ben terug ! lança t-elle aux hommes du navire.


Elle se savait attendue. Presque aussitôt, le personnel lui présenta une échelle qui lui permit de grimper à bord. La Dame Guerrière soupira. Rien n’avait changé ici. Le pont était toujours aussi impressionnant, avec son revêtement en bois lisse et ses multiples canons placés de part et d’autre sur les côtés. Le vent agitait les grandes voiles blanches caractéristiques des bateaux de chez elle. C’était un véritable soulagement que de revenir ici, de voir autant de gens de son peuple réunis, d’entendre sa langue parlée partout autour d’elle. Elle était restée trop longtemps enfermée dans le rôle de la gentille analphabète. Plusieurs fois, elle avait cru craquer tant le mal du pays était fort. Il fallait bien l’avouer, rentrer à la maison éveillait une certaine nostalgie en elle.


Elle se rappelait très bien du jour où l’imposant bateau l’avait déposée ici, sur cette côte, lorsqu’on lui avait confié la mission d’infiltrer la Résistance. Le souvenir avait beau dater de plusieurs années, il resterait probablement gravé dans son esprit pour toute sa vie. Elle avait été entraînée en amont à parler la langue des autochtones, formée à la manipulation et à la persuasion par les meilleurs professeurs de rhétoriques, et bien entendu initiée au combat. Si on l’avait choisi, elle, c’était parce qu’elle faisait partie des meilleurs. Et effectivement, elle avait aujourd’hui le sentiment d’avoir accompli la mission qu’on lui avait confié. Pendant tout ce temps, elle avait renseigné son peuple sur la situation politique du Régime, et avait alimenté la fameuse « Résistance » pour l’affaiblir de l’intérieur. Il était à présent temps d’achever sa mission. Il fallait qu’elle voie le général pour lui faire son rapport, lui donner les derniers détails de l’insurrection.


Waar is Freed ? demanda-t-elle.


On la conduisit alors vers le bureau du général, celui qui était à la tête de l’expédition. C’était un moustachu entre deux-âges, dont le visage était partiellement caché par de longs cheveux blonds. Son regard, tantôt perçant, était pour le moment porté dans le vide, signe que le général réfléchissait. Il possédait sur le front un diadème incrusté de pierre précieuse, dont on racontait qu’il lui avait été offert par sa Majesté elle-même suite à l’accomplissement d’une mission à la difficulté extrême. Toujours en première ligne, c’était l’un des officiers les plus perspicaces de tout le royaume. Son aisance au combat n’avait d’ailleurs rien à envier à son intellect : il n’était pas rare de le voir à lui seul renverser la tendance au cours de batailles que beaucoup auraient jugé perdues. Pour toutes ces raisons, il avait acquis une certaine réputation, au point d’être régulièrement surnommé Freed, le Général Irremplaçable.


Ah, fit Freed en la voyant arriver.


Lui qui était pris dans ses pensées, comme souvent, savait que se profilait une conversation de la plus haute importance. Si l’on devait faire une hiérarchie officieuse de la flotte, la talentueuse espionne qu’il avait devant lui avait tout du parfait numéro 2. La Dame Guerrière lui raconta tout ce qu’il devait savoir : l’éclatement de la révolte dans la Cité aux Rizières, l’arrivée des Six samouraïs, l’ébranlement du pouvoir du Régime dans la région…Freed écouta attentivement, puis émit un petit sourire. Il comprenait maintenant pourquoi l’espionne avait envoyé un message d’urgence pour être rapatriée. Le moment était venu : l’affaiblissement du Régime était la condition nécessaire pour procéder à l’intervention. Et elle venait d’être remplie.


Freed se leva de son bureau, et demanda à ses hommes de préparer un bateau. Maintenant qu’il savait que l’invasion était proche, il pouvait bien se permettre une petite visite aux autochtones locaux. La Dame Guerrière, qui était la meilleure guide et traductrice imaginable, l’accompagna bien entendu. On lui laissa à peine le temps de se laver, de passer devant un médecin qui examina et pansa brièvement ses blessures, et elle était de nouveau partie vers le rivage en compagnie d’une trentaine de soldats.


Leur arrivée sur le petit port de la ville ne passa pas inaperçu. Les pêcheurs restèrent bouche bée devant les passagers du navire. Comme ils étaient différents ! Leur taille dépassait d’une tête en moyenne celle de tous les habitants du village. Leur peau et leurs cheveux étaient d’une clarté comme ils n’en avaient encore jamais vu. Les yeux de certains, dont le général lui-même, était du même bleu que l’océan d’où ils venaient. Enfin, ils portaient des armes et des armures d’un style totalement différent des samouraïs locaux. Mais Freed n’avait que faire du regard intrigué des badauds. Il avait soif.


Il ne fut pas bien difficile pour le petit groupe de repérer le seul bistrot à proximité. Seul le général et la Dame Guerrière entrèrent. L’officier avait en effet confié une mission aux soldats pendant qu’eux boiraient : ils devaient rassembler un maximum de personnes devant le port.


Un serveur apparut rapidement dans l’encadrement de la porte d’entrée, et fit signe d’un air un peu intimidé au général d’entrer. Là, il lui présenta une table et des chaises sur lesquelles la jeune femme et lui s’assirent. Le bistrot était un endroit modeste, où on ne trouvait rien de plus intéressant que d’autres chaises et un comptoir. Tout autour les autres clients murmuraient discrètement, sans doute à leur sujet, même si aucun d’entre eux n’osait se retourner en leur direction. On pouvait clairement sentir que l’ambiance festive due à la libération de la régin était contrariée par leur arrivée. Sans en tenir compte, Freed regarda la barman d’un air condescendant, puis fit un geste du visage en sa direction.


Breng me een drankje, cracha-t-il.


Le pauvre serveur et les clients autours restèrent ébahis : quelle était donc cette langue, dont les sonorités sonnaient si différentes de tout ce qu’ils avaient pu entendre jusque-là ? Les mots du guerrier semblaient froids, lents, et hachés. Ils ne ressemblaient en rien à leur langue, ni même à ce qui se parlait dans les pays voisins.


Hij kan niet begrijpen. U weet dat, Freed ! fit remarquer la Dame Guerrière.


In dit geval heeft u te vertalen ! répliqua le général qui s’impatientait.


Elle soupira, puis toisa le barman à son tour :


– Le général veut boire.


– Je peux vous proposer ce saké…répondit-il. C’est ce qui se fait de mieux dans la région.


Son front affichait visiblement de grosses perles de sueurs. Il n’avait de toute évidence pas l’habitude de recevoir des clients de ce type.


– Peu importe, mais dépêche-toi, répondit-elle sèchement.


Elle qui n’aspirait qu’à se reposer était on peut plus irritée d’avoir été traînée par son supérieur dans ce genre de lieu, qu’elle avait eu le loisir de visiter durant ses années de couverture. C’étaient maintenant les locaux qui faisaient les frais de cette irritation. Quelques minutes après, l’homme était revenu auprès d’eux, avec une bouteille et deux verres à la main. Il disposa le tout le plus respectueusement possible, allant jusqu’à s’incliner devant les étrangers au moment de les servir.

La Dame Guerrière se contenta de rejeter son verre d’un revers de main. Le général, pour sa part, saisit le petit récipient et avala son contenu d’un coup. Il le garda en bouche quelques secondes, afin d’en évaluer le gout. Aussitôt après, il grimaça et cracha le contenu du verre au sol. Le serveur déglutit.


Deze drank is stront, commenta-t-il d’un air furieux.


La Dame Guerrière retranscrit alors mot pour mot ce que sont supérieur avait dit :


– Cette boisson, c’est de la merde.


Les autres clients baissèrent les yeux, tentant de se faire les plus petits possibles. Le serveur, qui cette fois dégoulinait de sueur, se mit à genoux devant les deux étrangers :


– Je suis vraiment désolé que cela ne vous ait pas plu ! s’exclama-t-il.


Ils ne firent pas attention aux remarques de l’homme, et se levèrent brusquement. Freed marmonna une nouvelle chose que personne dans la salle ne put comprendre, et donna un coup de pied dans la chaise sur laquelle il était assis quelques instants plus tôt. Cette dernière alla percuter la table en bois qui était juste à côté, renversant au passage la bouteille de saké encore pleine et les deux verres dans un grand vacarme.


– Oui, il n’y a plus rien à faire ici, ajouta sa coéquipière, suffisamment fort pour que tout le monde dans le bistrot puisse entendre. On se tire.


Après tout, leur but n’avait été que de passer le temps en attendant que les soldats aient fini le sale boulot. Ils purent constater en sortant que c’était le cas. Plusieurs centaines de personnes, soit la majorité de la ville, avaient été réunies devant le port. Le tout s’était fait dans un relatif calme : personne n’avait osé s’opposer à des étrangers si lourdement armé.


Perfect.


Le général irremplaçable claqua des doigts. Aussitôt, un soldat s’approcha de lui, et se mit à déterrer les pavés à ses pieds. La pierre polie laissa bientôt place à un carré de terre de plusieurs mètres carrés, que son chef contempla avec attention.


Reagardez zorgvuldig.


– Regardez soigneusement, traduisit machinalement la Dame Guerrière.


Il fit de nouveau signe à ses hommes. Un second guerrier vint à sa rencontre, équipé cette fois d’un drapeau. Le général l’arracha aux mains de son subalterne, et fit signe à la Dame Guerrière de continuer. Elle savait exactement quoi dire.


– Voici la Bannière du Courage. Le symbole de notre peuple et de ses exploits guerriers. Nous le plantons partout sur les territoires que nous conquerrons.


On entendit des murmures inquiets dans l’assemblée. La réponse du chef militaire fut directe : il planta d’un geste vif et assuré le drapeau dans le petit carré de terre.


Me, Freed, namens Hare Majesteit … aankondiging dat dit land behoort tot Occcident.


Son associée retranscrit une ultime fois les paroles du général :


– Moi, Freed, au nom de sa Majesté….déclare que ces terres appartiennent à l’Occident.



Chapitre 42 : L'union des forces



Spoiler :



– Ecoutez-moi bien, mes enfants…cette vision que j’ai eu sera surement la dernière.


Au Temple des Six, la tension était palpable. L’Ancien des Six Samouraïs toussota. Ses yeux fatigués semblaient lutter pour ne pas se refermer, comme si une pression quelconque implorait ses paupières de céder. On pouvait clairement voir le vieil homme lutter de toutes ces forces contre la fatigue. Le silence régnait dans la chambre, les Six samouraïs et leurs mentors attendant avec attention les paroles du vieil homme. Celui-ci ouvrit une nouvelle fois la bouche, et inspira longuement afin d’avoir assez de souffle pour raconter son récit.


– J’ai vu un immense champ de bataille, commença-t-il. C’était dans la région des plaines. Oui…J’ai clairement reconnu les grandes étendues verdoyantes caractéristiques de cette partie du Royaume. Pourtant, les prairies habituellement calmes étaient dévastées. Ma vision m’a montré des combats de toutes parts, d’une extrême violence…Une guerre totale entre plusieurs armées…


L’Ancien fit une pause qui lui permit, après cette première description, de reprendre son souffle. Ses disciples restèrent muets, désireux d’en savoir plus sur cette mystérieuse bataille.


– Il y avait bien entendu les Shien. Cependant, leur nombre n’avait rien de comparable avec ce que vous connaissez…Ils formaient une véritable marée humaine, une troupe de plusieurs milliers d‘hommes. Leur nombre d’avait d’égal que leur cruauté. Si vous les pensiez violants en temps de paix, vous auriez dû les voir, brutaux comme ils étaient, plongés e situation de guerre…De véritables bêtes féroces, les yeux injectés de sang, prêtes à tout détruire sur leur passage. Ils combattaient une autre armée qui semblait beaucoup plus hétérogène. On y trouvait de tout : des guerriers qui paraissaient expérimentés bien qu’âgés, mais aussi des mercenaires et des paysans. Ils étaient clairement moins nombreux, moins organisés aussi, mais luttaient avec vaillance et tenaient vraisemblablement tête à leurs adversaires. Leur chef, un jeune homme brun, possédait sur lui l’insigne de la dynastie des Shiranui. Il est possible qu’il s’agisse de la Résistance et du fameux Samouraï Shiranui dont vous m‘avez parlé…


Le vieux guerrier s’arrêta de nouveau, mais cette fois de manière involontaire. Il se mit à tousser, plus violement que la fois précédente, crachant un peu de sang sur ses draps de soie.


– Maitre ! cria l’Envoyée Des Six Samouraïs en se levant vers lui.


Le Chambellan, le regard vide, l‘écarta d’un revers de main.


– Laisse, Mizuho. Cela ne sert à rien.


A contrecœur, la guerrière retourna à sa place. Elle savait très bien qu’elle ne pouvait rien faire, mais voir l’homme qui leur avait tout appris à ce point affaibli ne pouvait que l’attrister.


– Ne vous inquiétez pas, mes enfants…reprit le doyen, qui se ressaisissait. Je réussirai à vous transmette ce message.


Il s’était redressé dans son lit, sans doute pour essuyer le sang qui coulait de sa bouche. Il pouvait à présent voir le visage de chacun de ses interlocuteurs. Voir son œuvre, deux générations de guerriers prêts à se battre pour leur royaume, l’emplissait de joie malgré la douleur. Il trouva alors la force de reprendre son récit :


– Les Shien et la Résistance n’étaient pas seuls. Il y avait là une troisième armée….Une armée étrange, comme je n’en ai avais jamais vu. De toute évidence, il s’agissait d’étrangers. Leur visage était blanc comme les nuages, leurs yeux bleus comme le ciel, leurs cheveux clairs comme le soleil lui-même. Tous étaient grands, musclés, et munis d’épées et de boucliers qui dépassaient l’entendement. Ils étaient équipés d’armures épaisses, mais dont la forme n’avait rien en commun avec celle des samouraïs. Beaucoup de ces guerriers hurlaient dans une langue incompréhensible, dont les syllabes étaient systématiquement hachées. Le sang sur leurs visages hargneux les rendait tout aussi terrifiants que les Shien eux-mêmes.


Les samouraïs se regardèrent sans prononcer mot. Aucun n’osait briser le silence quasi religieux qui s’était installé, mais tous avaient à peu près en tête la même chose. Cette armée était certes une terrifiante surprise, mais la description faite de ses soldats n’était pas sans leur rappeler une certaine personne.


– Nous…nous avons rencontré quelqu’un qui ressemblait à cela, lança finalement Kamon après une longue hésitation. Elle se faisait appeler Dame Guerrière et prétendait obéir à la Résistance.


– Il s’agissait en réalité d’une espionne qui a tenté de nous tuer lors de la bataille de la Cité aux Rizières, compléta Zanji. Mais elle ne semblait pas obéir aux Shien, allant jusqu’à refuser les ordres du gouverneur local. Peut-être agissait-elle directement sous les ordres de cette troisième armée ?


– Après tout, n’avait-elle pas parlé de l’« Oskidan », ou de quelque chose comme ça ? rappela Nisashi, qui avait la mémoire vive.


Ils se regardèrent tous, plongeant autant que possible dans leurs souvenirs.


– Oui. C’est possible.


– Quelque soit son nom, méfiez-vous de cette armée, continua l’Ancien. Le mystère qui l’entoure la dote d’un avantage stratégique. Il faut absolument prévenir vos alliés qui se préparent à affronter les Shien de deux choses : d’une part qu’il y a un autre ennemi tout aussi puissant que le Régime, et d’autre part qu’à cause de cet ennemi surprise, la guerre va se déclencher beaucoup plus tôt que prévu.


Pour Zanji[/yugioh, qui avait vu la forteresse de Tenkabito brûler et les villages s’insurger contre les Shien, le fait que la guerre était imminente était devenu une évidence. Mais pour les autres en revanche, qui devaient imaginer cette vision lointaine, ce fut une crispation supplémentaire que d’entendre cela.


– Dans combien de temps aura lieu cette grande bataille, d’après vous ? demanda Irou


– J’ai toujours eu des visions à très court terme. Cette bataille ne se produira que dans quelques jours. Peut-être trois, quatre, ou cinq. Mais guère plus.


– Seulement ?!


C’était le choc pour tous. D’ici peu de temps la guerre, la vraie, commencerait. Ils avaient bien senti le conflit s’intensifier lorsque la Résistance s’était imposée dans les Rizières, mais les samouraïs -excepté le lancier – n’avaient pas réalisé qu’ils en étaient arrivés là. Les petites missions isolées étaient désormais derrière eux. Ils devraient à présent combattre au jour le jour pour la survie de leurs idéaux.


– Il faut absolument prévenir le Samouraï Shiranui et ses hommes, insista leur mentor. C’est le seul moyen d’avoir une chance contre ces deux ennemis. La vision que j’ai eu montrait un combat terrifiant, extrêmement meurtrier. Mais peut-être, avec ces informations, pourrez-vous éviter le pire.


Le vieux maître voulut sourire. Ses lèvres se déformèrent pourtant sous l’effet de la douleur, et ce fut à la place un filet de sang qui en jaillit.


– Mes disciples, mes enfants…vous qui avez fait vivre l’Ordre que j’ai fondé…comme vous pouvez le voir, je n’en ai plus pour très longtemps. J’aurais vraiment voulu passer plus de temps auprès de vous, surtout à vous de la jeune génération que je n’ai pas pu côtoyer, alité comme je le suis depuis des mois.


– Maître….murmura Mizuho, la larme à l’œil.


C’était la première fois que les samouraïs la voyait exprimer ses émotions. Elle qui était d’habitude si froide semblait vraisemblablement bouleversée par ce qui se déroulait sous leurs yeux.


– Mais je suis content d’avoir pu partager une dernière vision avec vous. J’espère qu’elle vous sera utile. Maintenant, partez ! Rejoignez le front et aidez la Résistance à changer le destin de ce pays. Plus que jamais, le royaume à besoin des Six Samouraïs. Utilisez ce que l’Ordre vous a appris pour faire de nouveau régner la paix et la sécurité sur ces terres. Ceci est ma dernière volonté.


Lentement, ses paupières arrêtèrent de lutter, et se refermèrent délicatement. Le corps raide du vieil homme se détendit progressivement, se bras osseux se décontractant avec souplesse. Un dernier filet de sang coula le long de sa joue, mais ce dernier n’empêcha pas un sourire de se graver sur ses lèvres. Le corps qui souffrait il y a peu semblait avoir trouvé le repos.


– Maître….répéta Mizuho qui s’était mise à pleurer.


Le Chambellan, tout aussi ému, s’avança au chevet de l’Ancien. Il essuya avec délicatesse le sang qui s’était écoulé.


– Le meilleur moyen de lui rendre hommage est d‘exécuter sa volonté. Les Six Samouraïs prendront les armes.


Il y eut une approbation unanime dans la salle. Même s’ils n’avaient pas eu beaucoup l’occasion d’échanger avec le fondateur de l’Ordre, ils prendraient les armes sans hésitation. Chacun prit quelques instants pour se recueillir devant le doyen. Tour à tour, les samouraïs sortirent de la pèce, pour se retrouver dans le salon qu’ils avaient quitté. Des domestiques s’affairaient déjà près du corps du vieil homme, dans le but de le préparer pour la cérémonie funéraire. Après tout ce qui venait de se passer, il parut nécessaire au petit groupe de faire le point de journée.


– Nous avons beaucoup de choses à nous dire, commença le Chambellan, le seul qui était resté au Temple des Six depuis la montée des tensions. J’ai déjà entendu le récit de ceux qui viennent de chez Denko Sekka. Mais toi, Zanji, tu ne nous as pas raconté ce que tu avais fait pendant ce temps.


Le jeune lancier soupira. Le moment qu’il redoutait, celui des explications, était venu. Il savait déjà que ce que sa réponse ne plairait pas à ses camarades.


– Je suis allé affronter Tenkabito dans sa forteresse, déclara-t-il de but en blanc. Et je l’ai vaincu.


Un long silence parcourut la salle. Ce n’était plus un silence de respect comme face à l’Ancien, mais bien un signe de stupéfaction. Décontenancés, les samouraïs regardèrent Zanji droit dans les yeux, tentant d’y trouver un signe d’amusement quelconque. Pourtant, ce dernier ne semblait pas plaisanter.


– Peux-tu répéter ? demanda le Chambellan, visiblement stupéfait par cette annonce.


– Quand j’ai appris pour mon père, au temple de Denko Sekka…j’ai perdu tous mes repères. Je suis ensuite revenu ici, dans la région des Forêts où j’ai grandi. De retour dans mon village, j’ai appris que Tenkabito était celui qui, indirectement, avait causé la mort de ma mère…en plus de celle de mon père adoptif. Cette colère que j’avais en moi, depuis toujours, est remontée brutalement. Je n’avais qu’une seule personne contre qui la diriger : celui qui m’avait pris la famille que je connaissais, qui asservissait ma région depuis des années, celui même qui m’avait humilié peu de temps avant que je ne rejoigne l’Ordre. Pas un seul instant, je n’ai réfléchi aux risques que je prenais, aux conséquences de mes actes. Il fallait que la colère s’exprime.


Les camarades de Zanji avaient baissé les yeux, le regard dans le vide. Tous étaient partagés entre l’envie de réprimander leur camarade, qui avait agi une fois de plus en solitaire alors que les Six étaient censés formés un groupe uni, et leurs sentiments qui appelaient plutôt à la compassion, au regard des tiraillements qu’il avait dû connaître. Seul le Chambellan continuait de fixer de jeune samouraï dans les yeux.


– Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait ?


– Je ne chercherai pas à justifier mes actes, répondit-il aussi sereinement qu’il le pouvait. Je sais que j’ai mal agit, et je suis prêt à en assumer les conséquences.


– Assumer ? répéta le vieux guerrier en durcissant le ton. Sais-tu au moins de quoi tu parles ? Tu aurais pu mettre en péril ce qui se construit dans l’ombre depuis des années pour un simple caprice !


Zanji ne répondit pas. C’était vrai. Qu’aurait-il bien pu rétorquer à cela ?


– Je me demandais à quoi pouvait correspondre cette fumée que l’on aperçoit derrière les arbres. Tout devient clair ! Même si tu as réussi l’impossible, c’est-à-dire battre à toi seul l’un des hommes les plus puissants du Régime, tu n’as pas pu empêcher cette petite expédition de tourner à l’émeute généralisée !


Tenkabito a lui-même mis feu à sa forteresse peu de temps avant de succomber, expliqua le lancier. Les Shien qui s’y trouvaient se sont dispersés dans la région. A l’heure actuelle, les ninjas combattent dans chaque village au côté des habitants pour les repousser.


– Comment ?!


– Tu aurais dû commencer par là…glissa Irou. S’il y avait bien une information à nous donner, c’était celle-là.


– Donc, reprit le chambellan qui prenait sur lui pour maintenir un semblant de calme, tu me dis que ta promenade chez Tenkabito a crée un climat de guerre civile dans tous les villages de la région ?


– Oui, avoua Zanji. Mais sans leur forteresse les Shien sont faibles et peu organisés. D’ici demain matin, il est possible que nous ayons repris le contrôle de la régi….


– Idiot ! cria son mentor. Toute la subtilité des réseaux secrets de Résistants était d’agir dans l’ombre le temps d’être suffisamment puissants pour affronter les Shien dans les conditions qui nous arrangeraient. Nous avions presque réussi à accumuler ces forces, et à concentrer le conflit sur la région des Rizières. Mais toi, il a fallu que tu accélères le processus en déclarant la guerre aux Shien dans les Forêts !


– Les Rizières se situent à l’Ouest du royaume, et les Forêts à l’Est, fit remarquer Nisashi. Or le Château De Brume De Shien de Shien se trouve au centre du pays, entre ces deux régions. Nous seront donc séparés du Samouraï Shiranui et du reste de la Résistance.


– Mais c’est une chance ! répliqua Zanji, qui commençait à saisir les conséquences de ce qu’il avait engendré. La région des Forêts est sur le point de tomber entre nos mains, tout comme celle des Rizières. Si nous nous allions avec les ninjas, mais aussi les villageois, il est possible de prendre les guerriers du Régime en tenaille ! Ceux-ci se replieront dans la région des Plaines, au Sud des deux autres. C’est là que la vision de notre doyen aura lieu.


– Ton plan me semble bien optimiste, commenta le vieil homme.


– Admettez que ma virée en solo, même si elle viole certains principes de l’Ordre, a été positive, rétorqua Zanji. J’ai osé faire ce que vous, trop prudents, n’avez osé faire depuis tout ce temps. Et cela a payé.


– Tu as abandonné tes camarades, ignoré les directives de tes supérieurs, mis en péril les plans de la Résistance et ta propre vie, rappela son interlocuteur. Pour cela, tu devras être puni. Mais alors que la guerre est sur le point de commencer, nous ne pouvons pas nous payer ce luxe. L’Ancien t’as donné, au même titre que les autres, une mission à accomplir.


– J’accepte ma punition.


Il regarda longuement chacun de ses camarades, qui avaient relevé la tête, et ajouta :


– Je vous demande pardon, mes amis. Plus jamais je ne partirai seul. Dorénavant, les Six samouraïs combattront toujours à six.


Le Chambellan jeta un œil par la fenêtre. Son regard se posa sur les décombres qu’avaient laissé l’affrontement avec les Shien quelques heures plus tôt.


– De toute façon, le conflit était inévitable, même dans les Forêt. Ces hommes envoyés par le Grand Shogun Shien n’avaient à priori aucun rapport avec ceux de la forteresse. Et portant, ils étaient venus pour nous attaquer. Je suppose qu’à un certain point, la Résistance devient trop grosse pour rester cachée. Dans ce cas, nous…


Il allait continuer, lorsqu’il se rendit compte que du monde s’agitait au pied des restes du Portail des Six. La nuit empêchait de bien voir de loin, mais ils semblaient s’agir d’un groupe d’hommes armé. La horde était équipée d’armes de toutes sortes, du katana à la simple faucille.


– Qui êtes-vous ? demanda le Chambellan qui en quelques minutes seulement les avait rejoints.


De plus près, il put constater qu’il s’agissait pour la plupart de simples villageois. Il y avait là une trentaine d’hommes de 20 à 40 ans. Certains portaient des outils destinés à travailler la terre, improvisés pour l’occasion en armes. D’autres avaient en main des katanas de fabrication Shien qu’ils portaient maladroitement, armes sans doute dérobées à des veilleurs. Pourtant, un homme se dégageait du groupe. Il était le seul à porter une véritable armure se samouraï, accompagnée d’un katana qui n’avait rien à envier à ceux du Temple des Six. Son visage laissait transparaître une certaine expérience, malgré les nombreuses rides qui bordaient ses joues. Peut-être avait-il cinquante ans, mais cela ne l’empêchait pas de dégager une aura plus charismatique que celle de tous les autres hommes réunis.


– Je m’appelle Zanki. Je vis dans un des villages non loin d’ici, de l’autre côté des bois.


Il marqua une petite pause, comme pour se faire prier de continuer. Mais le Chambellan, qui se doutait bien qu’il n’avait pas terminé, le laissa continuer :


– Je suis un samouraï, comme vous. Ou tout du moins, je l’étais avant que les Shien ne prennent le pouvoir. Pendant toutes ces années, j’ai dû cacher mes armes et taire mon passé. Mais avec les récents évènements qui ont embrasé la région, j’ai compris que l’heure de reprendre les armes était arrivée. C’est pourquoi je viens à vous. Je souhaite m’allier à l’ordre des Six pour combattre le Régime.


– Zanki est très fort ! cria l’un des paysans derrière lui. On l’a vu à l’œuvre, croyez-moi. Sa lame rapide inflige des dommages fulgurants et mortels !


– Comment connaissez-vous l’Ordre ? répliqua immédiatement Chambellan. Pour beaucoup de gens aujourd’hui, les Six samouraïs ne sont rien de plus qu’une légende.


– Je vous l’ai dit, je suis un ancien samouraï, répliqua Zanki. J’ai toujours surveillé de près les évolutions du monde des guerriers, surtout à une époque comme la nôtre où ils se raréfient. Habiter non loin du temple m’a bien aidé à vous démasquer, je l’avoue.


– Et ces hommes ?


– Ce sont des habitants de mon village. Lorsque des gardes Shien ont débarqué pour piller notre village, ils se sont dressés contre eux à mes côtés. Ils n’ont peut-être pas l’expérience du combat, mais disposent d’un redoutable esprit de revanche contre le Régime.


– Ce n’est pas un cas isolé, commenta quelqu’un. Dans de nombreux villages, nous avons vu des cas similaires se profiler.


Les samouraïs comme les villageois se retournèrent, surpris, vers les bois. Dans aucun des deux camps, personne n’avait pris la parole. La voix venait semblait plutôt venir de l’orée de la forêt. Qui donc avait dit cela ? Peu de temps après, deux silhouettes se dessinèrent parmi les arbres. Zanji et les autres les reconnurent immédiatement : il s’agissait de deux ninjas, Goe Goe et le Ninja Argent Émérite.


– Les ennemis du Régime, ce n’est pas ce qui manque, continua Goe Goe en avançant vers eux. Maintenant que les langues se délient, réunir une coalition ne devrait pas poser trop de problèmes.


Hanzo et les autres nous ont tout raconté, intervint le Ninja Argent Émérite. L’un des votre a bousculé nos plans en attaquant la forteresse de Tenkabito. Désormais, nous devons nous préparer à une guerre imminente.


Les trois groupes tombaient d’accord sur ce constat. Les ninjas, les samouraïs et les villageois sentaient que la coalition vaguement évoquée par Goe Goe tombait sous le sens.


– Nous devons unir nos forces.


Les différents guerriers se regardèrent. Pendant ce temps, la fumée dégagée par la forteresse montait de plus en plus haut dans le ciel. Mizuho, qui séchait ses larmes, venait de les rejoindre dehors. Elle qui était toujours en mission en dehors du Temple n’avait pas vu l’état de l’Ancien de dégrader, et devait faire son deuil avec la stupéfaction en plus de la tristesse. Le Chambellan se tourna vers les six samouraïs :


Mizuho et moi, nous participerons à cette coalition. Le Temple des Six et ses armes seront à la disposition des villageois. Mais vous, samouraïs, vous avez une mission. Partez pour la région des Plaines, rejoignez la Résistance et informez-la. Dites à ses chefs qu’ils peuvent compter sur notre soutien, et prévenez-les de l’existence de cette seconde armée ennemie.


Chacun des Six regarda les deux mentors, ceux qui avaient constitué la première génération des Six samouraïs, avec intensité. Ils pensèrent aussi au Grand Maître, qui était toujours retenu au Château De Brume. Leur tour était venu, eux aussi devraient mener une guerre pour la survie du royaume. Peut-être était-ce d’ailleurs la dernière fois que tous se verraient, vivants. Quoi qu’il en soit, ils n’avaient pas le choix. Les informations qu’ils venaient d’obtenir leur apportaient une nouvelle Lueur d'Espoir. Et tant que cette lueur brillerait, ils devraient faire leur maximum pour la préserver.




Chapitre 43 : Ensemble



Spoiler :



– Il vous faudra choisir un itinéraire qui permettant de rejoindre les Rizières sans être repérés par les Shien.


Tel était le conseil que leur avait donné le Chambellan peu avant leur départ. Les Six samouraïs avaient finalement opté pour un départ de nuit, vers 2 heures du matin. Ils avaient ainsi eu le luxe de manger et de dormir : tous en avaient besoin et en particulier Zanji. Ses blessures n’avaient été prises en charge que de manière sommaire, mais lui et les autres ne pouvaient pas se permettre d’attendre le jour : leurs chances d’être repérées auraient été multipliées.


– Le trajet prend normalement une journée et demi. Mais vos Coursier D'ébène surentraînés pourront le faire en une nuit. Dépêchez-vous : moins vous rencontrerez de soldats, mieux ce sera.


Rejoindre les Rizières impliquait de traverser le pays d’est en ouest. Les six compagnons avaient décidé de cheminer par la grande route pavée au pied des Montagnes, par le nord. Ils auraient tout aussi bien pu passer directement par les Plaines du sud, peut-être même aurait-ce été plus rapide, mais le nombre de soldat grouillant là rendait cette option inenvisageable.


Ils cavalèrent ainsi pendant plusieurs heures, longeant les massifs rocheux, ombres noires immenses qui délimitaient la voie à emprunter. Les chevaux, bien préparés en amont, se révélèrent extrêmement courageux, ne réclamant que de brèves pauses malgré la longueur du trajet. Seul le bruit de leurs sabots troublait le silence ambiant. En chemin, les guerriers passèrent à nouveau non loin du temple de Denko Sekka, sans s’y arrêter toutefois.


Indépendamment de cela, il constatèrent avec enthousiasme que la route n’était pas très empruntée à cette heure. Les samouraïs ne croisèrent personne durant toute la durée de la durée de la nuit.


Ce fut seulement vers 5 heures du matin, alors que le jour se levait lentement, que des silhouettes se dressèrent au loin devant eux. Le petit groupe avait alors presque terminé sa traversée : l’altitude des montagnes se faisait moindre, des parcelles de riz commençaient déjà à apparaître ça et là. De manière indiscutable, la frontière avec leur destination était à portée.


Les samouraïs avançaient plus vite que les silhouettes. Aussi, en se rapprochant, les jeunes guerriers purent constater qu’il s’agissait d’un groupe d’hommes à l’aspect menaçant. Tous étaient vêtus d’une armure pourpre reconnaissable entre mille.


– Des Shien ! glissa Yaichi à ses camarades, alors que son regard perçant était le premier à les identifier. Que fait-on ?


– Les Montagnes sont la seule région qu’ils ne contrôlent pas, mais c’est vrai qu’ils envoient ponctuellement des patrouilles, exposa Irou qui venait de la région. Ces hommes doivent être une quinzaine, suffisamment pour que l’on s’en charge. A mon avis, on ne peut pas tracer notre route sans nous en débarrasser.


Tous tombèrent d’accord avec cette analyse. De plus, les heures passées à cheval avait quelque peu raidi les membres des jeunes samouraïs, qui n’avaient envie que d’une chose : sortir leurs armes pour en découdre.


Durant ces quelques secondes, ils s’étaient furtivement rapprochés de la troupe qui marchait au pas. La rejoignant soudain, les six guerriers se séparèrent en deux groupes pour prendre l’ennemi en tenaille. Juste après, tous assénèrent de violents coups à la tête des Shien. Le résultat fut édifiant : la plupart d’entre eux s’écroulèrent simultanément, ne laissant que quatre ou cinq survivants parmi le groupe.


Les rescapés, un peu sonnés mais réactifs, se replièrent rapidement en formation circulaire. Pris par surprise, ils s’agissaient pour eux de former une défense impénétrable, au moins le temps d’apprécier la situation. Étrangement, les Six remarquèrent au centre du cercle un homme atypique qui devait être leur chef. Ce dernier se mit éclater de rire.


– Ahahahah ! Enfin de l’action ! avait-il rugi.


– Il n’est pas comme les autres ! alerta Kamon. Est-ce vraiment un Shien ?


C’était vrai : celui-ci avait troqué l’armure rouge habituelle du Régime pour une protection légère verte et noire, qui recouvrait même sa mâchoire. De longs cheveux gris rebelles se dressaient derrière un visage tordu par des grimaces provocatrices. Avec un katana dans chaque main et une naginata dans le dos, il semblait attendre un second assaut avec impatience, sautillant comme un enfant à qui l’on aurait promis une friandise. L’attaque surprise ne l’avait en rien déstabilisé, contrairement aux autres qui l’entouraient. Excentrique, il n’avait ainsi rien du Shien classique : tout aussi violent que les autres en apparence, il n’était pas une bête assoiffée de sang. Il semblait plutôt relever du chien fou incapable de tenir en place.


– Tu te demandes si je suis un Shien ? répliqua t-il, alors que les six samouraïs tournoyaient autour du petit groupe avec leurs chevaux. Eh bien, moi aussi je me le demande !


– Hein ?


– C’est trop compliqué pour ton petit crâne ? Alors descend de ton cheval et viens te battre, je vais t’expliquer !


Kamon le prit au mot.


– Ne cède pas à la provocation !! cria Irou.


Mais c’était trop tard, son coéquipier était déjà descendu de son destrier, et allumait sa dynamite pour la jeter sur les derniers ennemis.


– Hinhin, inutile !


Kamon avait levé son bras, prêt à lancer ses explosifs. Mais déjà, sa cible principale s’était élancée vers lui. Il se rapprochait bien plus vite que ce que ce que le samouraï avait anticipé, probablement à cause de son armure légère. En quelques fractions de seconde, il s’était tellement rapproché que ses explosifs étaient devenus inutilisables : ils auraient explosé tout deux.


– Mais qu’est-ce que tu fais ?!


Agacé, Irou bondit à son tour de son cheval dans l’espoir de contrer l’attaque ennemi.


– Tu sais pourtant bien que tu ne peux rien faire en un contre un avec tes armes, alors pourquoi te laisser entrainer dans son jeu ?


Le Shien repoussa Irou en ricanant :


– Tu es déjà moins stupide que ton partenaire…


Irou a raison, continua Yaichi. Nos devons travailler ensemble, en équipe.


« Ensemble… » pensa Zanji…Lui qui avait tellement délaissé ses camarades pour partir à l’aventure seul, comment devait-il se comporter vis-à-vis d’eux à présent ?


Zanji, aide-moi de ce côté ! lança Nisashi exactement au même moment.


Les sous-fifres Shien semblaient en effet relâcher leur formation, certainement dans l’espoir d’attaquer les samouraïs encore à cheval. Cet espoir était bien entendu vain face à la puissance des montures : Nisashi et Zanji parvinrent à les mettre à terre en quelques secondes seulement. L’un des soldats essaya bien de se relever, mais un coup de naginata bien placé lui pulvérisa le crâne. Les autres jugèrent plus judicieux de rester au sol.


Dès lors, il ne restait alors plus que l’homme excentrique. Les quatre cavaliers restés à cheval l’encerclaient. Cependant, ils jugèrent bon de descendre de leur monture pour le combat qui s’annonçait : c’était le seul moyen d’affronter correctement l’ennemi à six.


– Qui es-tu, exactement ? insista Kamon. De tous les Shien que j’ai réduit en poussière, je n’en ai jamais rencontré des comme toi !


– « De tous les Shien que tu as réduit en poussière ? » répéta-t-il avec une grimace. C’est vrai que je n’ai jamais été très synchro avec les autres Shien. Ces brutes n’ont aucune personnalité…Ils n’ont pas cette folie qui distingue les hommes dignes de la masse.


– Que fais-tu dans cette région ? enchaîna Irou, constatant que l’homme s’était mis à parler. Tu sais bien que les Shien ne sont pas les bienvenus ici…


– Oui, bien sur que je sais…Après tout, c’est moi le gouverneur de cette foutue région…


– Le quoi ?!


Tous se regardèrent. Alors cet individu haut en couleurs était le chef de tous les Shien des Montagnes, celui qui faisait autorité dans la région, au même titre que Tenkabito dans les Forêt et le Bushi Immortel dans les Rizières ?


– Au Château De Brume De Shien, tout le monde m’appelait le Casse-Cou Déterminé à cause de mon appétit pour le combat….Il paraît qu’un génie comme moi est « ingérable »….Ils ne savaient plus quoi faire de moi, et ils m’ont exilé dans ce trou à rat. Alors quand je vois des gars dans votre genre débarquer par surprise sur mes terres….


Il plongea brusquement sur Kamon et Irou, les deux en face de lui.


– ça…me…donne…envie…


Irou, on pare ça !


– DE FAIRE UN CARNAGE !!


– O.K. !


Tout deux se placèrent en position de défense et encaissèrent leur choc, résistant de toutes leurs forces à la charge ennemie. Mais le Shien ne semblait nullement troublé par ce léger contretemps. Tout autour, les quatre autres samouraïs essayaient d’approcher.


– Mouwahah, inutile !!


Alors que ses deux bras étaient occupés à percer la défense d’Irou et de Kamon, le gouverneur détacha d’un coup sec la naginata accrochée dans son dos. La protection autour de sa mâchoire prenait tout son sens : sa lance était désormais coincée entre ses dents.


De par ce geste inattendu, l’excentrique guerrier gagnait plusieurs mètres de portée. A cause de sa lame de plusieurs mètres de long, tout espoir de se rapprocher devenait vain pour les samouraïs restés en retrait. Yaichi lui-même ne pouvait pas tirer de flèche, de peur de blesser ses camarades si proche de sa cible.


– On a beau sortir d’entraînement, affronter directement un gouverneur…grommela-t-il.


– Tu baisses les bras, Yaichi ?! cria Kamon, en plein bras de fer avec le Shien. Au contraire, c’est le moment de montrer…qu’il faut…se dépasser !!


Sa main gauche, cachée dans son dos, laissa apparaître un bâton de dynamite dont la mèche se rétrécissait à vue d’œil.


– Mais c’est de la folie ! Ça va vous exploser dessus ! alerta son coéquipier, désemparé.


– Ah ouais ?


Alors que la mèche était presque entièrement consumée, le samouraï se décida enfin à lâcher l’explosif. D’un coup, il lança celui-ci dans les airs, pile au-dessus des têtes des combattants. Moins d’une seconde après, la dynamite explosait.


Un grand flash de lumière, accompagné d’un bruit fracassant, retentit au-dessus d’eux. Aveuglés, le Shien et les deux samouraïs qu’il pressait furent projetés dans différentes directions.


– Prenez le relais ! cria Kamon tandis qu’il était poussé en arrière à cause de la déflagration.


Les quatre autres ne se firent pas presser : Yaichi passa le premier, en écorchant de son épée le bras du gouverneur. Il avait visé le cœur, mais le guerrier avait esquivé par une roulade sur le côté. A peine le Shien s’était-il relevé qu’il avait du faire face à la naginata de Zanji. Cependant, il semblait avoir repris ses esprits rapidement, car ses épées continrent la lame du lancier. Ne lui laissant aucun répit, Nisashi vint également à sa rencontre.


– Merde…


Les six samouraïs se ruèrent tous sur lui, tous ensemble. Soudainement, la situation avait changé. C’était à présent une pluie de coups qui jaillissaient de toute part sur lui. Le Casse-Cou Déterminé esquiva, para et renvoya un nombre inimaginable de coup. Cinq, dix, quinze minutes s’écoulèrent. Il faisait entièrement jour maintenant, et les samouraïs ne parvenaient pas à prendre l’avantage. Dès que l’un s’approchait, il était repoussé par une des trois armes ou un coup de pied ennemi. Néanmoins, un autre prenait le relais, lui laissant le temps de se relever. De temps en temps, le Shien se prenait un coup, mais ne réagissait pas. Les jeunes guerriers commençaient à fatiguer, et à perdre espoir.


Cela faisait 25 minutes à présent. On sentait que ce combat, qui était en fait une autre forme de bras de fer, approchait du dénouement. Les gestes des sept hommes devenaient plus lents. Le Casse-Cou finit par lâcher un petit soupir. Ses bras tombèrent tout doucement. Tout son corps suivit le mouvement, au point de le faire vaciller à genoux.


– Pff, j’en peux plus…Moi qui pensais être indestructible..au combat…


Tous l’encerclèrent de nouveau, prêts à lui trancher la gorge au moindre geste suspect.


– Nous sommes surement moins forts que toi, répondit Irou en haletant, mais c’est justement ce qui nous a permis de te vaincre. Car cela nous a obligé à unir nos forces. Et ainsi, à te faire plier.


« C’est vrai, pensa Zanji. Ce que j’ai accompli seul dans le repère de Tenkabito, je l’ai précisément accompli parce que c’était Tenkabito et que je souhaitais me venger de lui depuis des années. Dans n’importe quelle autre situation, je n’aurais sans doute pas fait le poids en solo. Si j’avais été seul aujourd’hui par exemple, je serais surement mort. Pardon d’avoir douté de vous les amis. Vous avez supporté mes caprices tout en me laissant une place parmi les Six. Mais au fond de moi, je savais que nous devions unir nos forces coûte que coûte. Il n’y qu’un seul moyen de procéder si nous voulons en finir avec le Régime. Se battre ensemble. »


Tout cela, il n’avait pas besoin de le dire à voix haute. Le regard que les Six s’échangèrent à ce moment-là, fiers du travail d’équipe qui leur avait permis de faire plier un gouverneur, signifiait déjà tout.


– Ahah…si vous avez besoin de vous mettre à six pour me battre…je n’ose même pas imaginer ce que ce sera si vous devez affronter des hommes comme le gouverneur des Plaines…


– Peu importe sa force. Nous le vaincrons, comme nous avons vaincu tous les autres avant lui.

Sur ces mots, Irou abaissa son arme dans la nuque du Shien, mettant brutalement un terme à sa vie. Seulement après, il se laissa tomber sur les pavés ensanglantés, s’autorisant un soupir. Même le plus lucide des samouraïs devait relâcher la pression.


– Reposons-nous quelques instants. Mais nous ne devons pas tarder : nous sommes certes fatigués, mais aucun d’entre nous n’est blessé et que les chevaux vont bien. D’ici une heure maximum, nous devrions atteindre la Cité aux Rizières.


Les autres acquiescèrent.


– Oui, nous devons prévenir le Samouraï Shiranui de la double menace qui se profile. A présent, la guerre est imminente.




Chapitre 44 : Réunion stratégique



Spoiler :



Enfin, les Six samouraïs étaient arrivés à la Cité aux Rizières. Eux qui avaient cumulé un trajet éprouvant et un combat de haute intensité ne souhaitaient qu’une chose : se poser dans le futon le plus proche, et dormir autant de temps qu’ils le voudraient. Mais c’était un luxe qu’il ne pouvaient pas se permettre : le temps pressait. Maintenant qu’ils étaient à destination, il leur fallait trouver le Samouraï Shiranui au plus vite. La prophétie entraperçue par l’Ancien dans ses dernières heures devait être transmise coûte que coûte.


Plusieurs gardes étaient logés à l’entrée de la Cité. C’était très clairement des paysans formés il y a peu à l’art de la guerre. La manière de tenir leur arme les trahissait, leur lance était empoignée comme une simple fourche. Leur dégaine était d’ailleurs tout aussi disgracieuse, les armures qu’ils revêtaient n’étant pas adaptée à leur morphologie. En voyant les six jeunes hommes arriver, l’un d’eux adopta un air menaçant, qu’il surjouait largement.


– Qui êtes-vous ? je ne peux pas vous laisser rentrer ! clama t-il.


Les camardes se regardèrent en haussant les épaules. Ce n’était pas l’accueil auquel ils s’attendaient après une traversée aussi épuisante.


Alors que Nisashi allait faire l’effort d’expliquer la situation au « soldat », une main vint se poser sur l’épaule de celui-ci. Il tourna sa tête. Au bout du bras qui tenait son épaule se trouvait une figure bien familière.


– Tu peux disposer, soldat. Je m’occupe de nos invités.


– Ah….commandant Mataza….


Un peu penaud, le paysan s’excusa et se retira, laissant son supérieur avec les samouraïs.


– Je vous ai vu arriver depuis les remparts, confia-t-il en invitant les guerriers à marcher. Je suis désolé, nous avons beaucoup de nouvelles recrues et elles ne savent pas toujours réagir de façon appropriée.


– Ce n’est rien. Nous devons parler à sa majesté, exposa Irou.


– Je m’en doute, rétorqua leur guide. En ces temps de conflit, chaque information est vitale. C’est bien pour ça que je vous guide en personne vers sa majesté.


Ils traversèrent ainsi la Cité aux Rizières, de la porte Est à la tour centrale. Les dégâts du combat qui avait eu lieu il y a demeuraient nombreux. La plupart des habitants étaient d’ailleurs occupés à nettoyer les rues environnantes : ici, un homme réparait une porte enfoncée, là un autre remplaçait un toit qui avait pris feu, ailleurs une femme prenait en charge des blessés. Ils arrivèrent alors devant la place militaire. Quelle ne fut par leur surprise en voyant plusieurs centaines d’individus en train de s’entrainer, en plus des gardes qui scrutaient le périmètre et les remparts.


– Il y avait tant de personnes que ça dans la Résistance ? s’enquit Zanji.


– Non. Mais depuis votre départ, nous avons beaucoup recruté. Il faut croire que les habitants, qui ont été humiliés toutes ces années, sont aussi motivés que nous à prendre leur revanche. Beaucoup de paysans nous ont rejoint spontanément, que ce soit ceux de la Cité ou ceux des villages environnants.


– Vous nous en voyez ravis.


A force de marcher, ils avaient finalement atteint la grande tour. Il leur fallut quelques minutes de plus pour atteindre la salle de trône où siégeait encore le Bushi Immortel il y a peu. Comme prévu, le Samouraï Shiranui était là, en pleine discussion avec son nouvel état-major. Mataza, qui les accompagnaient, avait été affecté à l’entrainement des nouvelles recrues. Le Solitaire, qui se tenait à la droite du prince, était son conseiller. Ben Kei, absent ce jour-là, était en mission pour pacifier la Région. Getsu Fuhma qui avait remplacé la traitresse comme commandant, était chargé de la protection de la Cité. On trouvait aussi dans la pièce le Maître Moine et le Spadassin D'un Pays Lointain, qui représentaient les forces venues des Montagnes sans faire partie de l’état-major à proprement parler. Zanji remarqua d’autres personnes un peu plus loin qu’il n’avait jamais vu auparavant.


– Ah, vous voilà de retour ! s’exclama le Samouraï Shiranui en remarquant leur présence. Quelle nouvelles nous apportez-vous ?


– Beaucoup de choses, votre majesté, commença Irou en s’inclinant. Tout d’abord, le conflit a éclaté dans la Forêt. L’Ordre des Six samouraïs, différents clans ninjas, mais aussi des groupuscules de soldats locaux ont crée un premier front face aux Shien. La région vacille, il y a de fortes chances qu’elle soit aux mains de la Résistance d’ici peu.


Il y eut des regards réjouis dans la salle. Voilà qui n’était pas du tout prévu. Si cela se confirmait, alors la Résistance aurait sous son contrôle les Rizières, les Montagnes et également les Forêts, soit trois des quatre grandes régions du royaume. Certes la quatrième, la région des Plaines, était de loin la plus riche et la plus peuplée, mais c’était malgré tout un symbole d’espoir pour les résistants.


– C’est une excellente nouvelle ! S’exclama le prince. Cette stratégie de guérilla semble fonctionner, le Régime cède partout dans le royaume. Y a-t-il une autre bonne nouvelle dont nous devrions nous réjouir ?


– Je crains, hélas, que la suite ne soit moins réjouissante. Notre mentor suprême, fondateur de l’ordre, l’Ancien des Six Samouraïs, a eu une dernière révélation peu avant de succomber.


– Il y a vu une nouvelle armée, ajouta Yaichi, une armée d’ennemis venus d’une terre très lointaine. Des hommes très grands, dotés de visages comme nul n’en possède ici, et d’armes terribles que personne n’aurait jamais vu. Je sais que cela peut sembler étrange, mais il faut nous croire. Les prédictions de notre fondateur sont rares, mais elles se sont toujours réalisées.


Il y eut un silence de gène dans la salle. Impossible cependant de savoir si le malaise était causé par la nouvelle elle-même, ou par son caractère surréaliste. Le prince observa lui-même un moment de silence, avant de soupirer :


– J’aurais bien voulu prendre cela sur le ton de la blague, mais malheureusement cette menace me semble crédible. Elle va dans le sens de certains rapports que m’a fait parvenir Ben Kei lors de ces déplacements dans les villages de la région. Des villageois auraient vu de gigantesques bateaux sur la côte il y a peu, qui ne ressemblaient en rien à ceux des pays voisins – qui se sont de toute façon bien trop effrayés par le Régime pour s’approcher de la côte.


– Sans parler de cette maudite Dame Guerrière, ajouta le Solitaire. Cette diablesse est toujours quelque part dans la nature, et elle travaille bien pour quelqu’un.


– C’est aussi ce que nous avons pensé, compléta Irou. Nous pensons qu’elle ne travaille pas pour les Shien, mais plutôt pour son pays d’origine. Un pays qui nous veut clairement du mal.


Le prince soupira de nouveau, accompagné de son état-major cette fois-ci.


– Je vois. Et d’après vous, cette menace est imminente ?


– En même temps que les Shien Dans la vision de notre mentor, trois armées s’affrontent en même temps : la Résistance, les Shien, et ces guerriers étrangers.


– Hum…avez-vous plus de précisions à nous confier ?


Les samouraïs prirent plusieurs dizaines de minutes pour raconter tous les détails de ce qui s’était passé ces derniers jours, mais aucune information supplémentaire qui soit de taille n’émergea de la discussion. Après cela, le chef de la Résistance les remercia et leur proposa d’aller s’entretenir avec les personnes au fond de la pièce, tandis que lui prenait en compte ces nouvelles informations avec son état-major.


Parmi le petit groupe du fond, deux personnes se distinguaient du lot. On pouvait clairement identifier un prêtre, vêtu de sa tenue cérémoniale, mais aussi un vieil homme à la mîne grincheuse qui se grattait la barbe. Il portait sur lui un tablier de forgeron.


– Bonjour, commença le prêtre. Je me nôme Jowgen le Spirit. Ravi de faire votre connaissance. Beaucoup de responsables de cette ville se sont défaussés après le siège qui en a été fait, alors nous les prêtres tentons de faire notre mieux pour aider les habitants. J’espère être en mesure de vous aider si vous avez besoin de mes services.

Il se tourna alors vers Kamon, l’air surpris.


– Je vous reconnais ! C’est vous qui m’avez confié cette Petite Fille Malheureuse le soir de la prise de la Cité. Sachez qu’elle a été placée entre de bonnes mains.


– Je vous en suis reco…allait répondre l’intéressé, mais visiblement l’autre homme se lassait d’être mis de côté et l’interrompit brusquement.


– Ah, voici nos amis les samouraïs ! lança t-il en se rapprochant. Enfin nous nous rencontrons !


Il empoigna vivement la main de Kamon :


– Je m’appelle Kotetsu. Le Forgeron Kotetsu.

Ce fut au tour des samouraïs d’aborder un air étonné :


– Le célèbre… !


– Oui, c’est bien moi. Ce sont de bien belles lames que vous avez là, fit-il en examinant les autres guerriers qui subirent un serrage de main tout aussi vigoureux. Ça ressemble bien à ce que je forge d’habitude.


Kotetsu n’était pas un forgeron ordinaire. Il était connu dans tout le royaume pour ses armes d’une extraordinaire qualité. Cet artisan d’exception ne s’occupait en effet pas seulement du métal, mais s’engageait bien souvent à concevoir les armes dans leur intégralité. Epées, lances, arcs, haches…il n’y avait rien qu’il ne maîtrisait point. Les Six savaient cela. Ils furent en revanche étonnés de son apparence. Malgré sa renommée, le vieil artisan n’était absolument pas gêné par sa tenue modeste et son ventre apparent. Son tempérament direct allait parfaitement avec le style qu’il laissait transparaître.


– Si vous êtes ici, reprit Kamon, alors vous avez rejoint…


– Ouais, coupa encore le forgeron. J’habitais dans le coin, alors quand la Résistance a récupéré la région, je me suis dit que ce serait pas mal de les aider. Les Shien me forçaient à forger de nouvelles lames autant que possible, alors que j’avais pris ma retraite pour me consacrer à d’autres projets…


– Mais pour la Résistance, vous seriez prêt à forger de nouveau ?


– Ah non ! La retraire, c’est la retraite. Par contre, l’occasion me semble parfaite pour faire connaître au monde mes projets.


– Vos projets ?


En guise de réponse, le forgeron fit un petit geste de main aux autres restés derrière, qui manifestement étaient ses disciples.


– Écartez-vous, qu’on leur montre le prototype qu’on a présenté au prince tout à l’heure !

En obéissant, les apprentis laissèrent apparaître un gigantesque pantin en bois, de la taille d’un être humain. De nombreuses articulations et rouages lui permettait de se mouvoir comme un être de chair, peut être même plus encore. Ses membres étaient dotés d’armes : il semblait, comme un réel soldat, prêt à bondir sur ses ennemis.


– Une marionnette ?


– Mieux : un automate. Bien plus agile qu’un soldat, bien plus résistant. Il pourra tuer sans que le sang des nôtres ne soit versé. Il n’a encore jamais servi, mais je suis convaincu de son efficacité. Quand il sera sur le terrain il devra attaquer, si possible.


– Incroyable…commenta Zanji. Avoir réussi a concevoir une telle chose..


– Une seule ? reprit l’artisan. Oh non. Celui là est l’archétype d’une série bien plus vaste de machines. Et d’ici peu, ils vont faire leurs preuves sur le champ de bataille. Oui…Il est grand temps que les Karakuri sortent de leur dépôt.



Chapitre 45 : Pleine mobilisation



Spoiler :



Enishi n’avait prononcé mot de toute la traversée. Sa cavale de plusieurs heures dans les vastes étendues des Plaines s’était en effet déroulée dans le silence le plus complet, créant une atmosphère des plus pesantes pour les cinq officiers Shien censés l’escorter. Même le plus robuste d’entre eux n’avait pu s’empêcher de déglutir tout au long du trajet. On pouvait cependant le comprendre tant la pression était grande : le numéro 2 du Régime, d’un naturel déjà peu aimable, s’était vu confier une mission de la plus haute importante par le Grand Shogun Shien. Une mission autour de laquelle l’avenir du Régime se jouait peut-être.


Le soleil de l’après-midi brillait déjà haut dans le ciel lorsque le petit groupe attint les premiers pavés de la Cité des Plaines, la capitale régionale. Le Chancelier, qui connaissait bien les lieux, ne prit la peine d’informer qui que ce soit de son arrivée et pénétra directement dans le centre-ville. Cela fut manifestement suffisant car l’ensemble des passants de l’artère principale s’inclinèrent au passage de son cheval. Les enfants se cachaient derrière leurs parents, parents qui s’écartaient eux-mêmes le plus possible de la voie. Dans les échoppes environnantes, marchands et clients cessaient leurs négociations, le regard apeuré. Dans la région proche du Château De Brume de Shien, sa réputation le précédait.


A force de naviguer parmi les masses effrayées, le Chancelier finit par enfin apercevoir son objectif : le domaine des Mayakashi. C’était un château de taille moyenne, qui se démarquait surtout par son style ostentatoire. Au-delà des renforcements en pierre, chaque étage voyait ses poutres couvertes d’ornements en or. D’étranges statues étaient disposées sur les toits des différents étages, représentant des kamis visiblement chers au clan. Le plus récurrent était à l’effigie d’une sorte de renard anthropomorphisé, possédant pas moins de neuf queues dansant harmonieusement dans son dos. Mais le chef Shien ne se soucia guère de la décoration et avança vers les deux soldats chargés de garder l’entrée. Comme les citadins, ceux-ci tremblèrent de peur à l’arrivée du ténor du Régime, mais parvinrent malgré tout à trouver la force de s’agenouiller plus bas que terre.


– Toi, fit-il à celui de droite. Conduis-moi à ton maître.


Moins de dix minutes plus tard, il était reçu dans le salon le plus luxueux du château régional. Rarement on avait eu à disposition des coussins aussi confortables, des estampes aussi sophistiquées et des poteries si luxueuses. L’hôte était clairement une personne raffinée, qui avait su profiter des taxes imposées aux paysans pour faire valoir son bon goût. Il y avait également quelques objets exposés contre les murs, sans doute dans le but d’impressionner les visiteurs. Le regard d’Enishi se posa un instant sur un katana différent des autres : l’entièreté de sa lame brillait d’un éclat doré.


– Il s’agit de l’Épée De Bambou D'or. C’est un dignitaire étranger en exode qui me l’a vendu. Bonne pioche, n’est-ce pas ? Il en existe toute une série.


Le Chancelier se retourna.


– Ah, vous voici enfin, gouverneur des Plaines. Vous m’avez fait attendre.


– Ne soyez pas trop dur avec moi, Enishi, répondit l’intéressé en s’avançant pour s’asseoir en face de lui. Vous savez bien que le clan Mayakashi a toujours accueilli les chefs Shien avec la plus grande hospitalité, même lorsqu’ils venaient à l’improviste.


– Je vous trouve bien détendu pour m’appeler ainsi par nom…Hajun.

L’hôte haussa les épaules. Une servante apparut pour leur servir un thé, dans de superbes tasses de porcelaine artisanale qui n’avaient rien à envier au reste du mobilier.


– C’est sans doute parce que les temps changent. Comme vous le savez, le clan Mayakashi que je dirige a été un allié indéfectible des Shien, et ce depuis la première heure. Le sang des nôtres a coulé pour que le Régime puisse s’établir. Ce n’est pas pour rien que notre famille, injustement négligée par la dynastie Shiranui, s’est vu offrir la région la plus peuplée du Royaume. Alors même que les autres seigneurs locaux ont subi la purge qu’ils méritaient.


– Mais cette région, nous vous l’avons confié en tant que gouverneur, Hajun. Confié au clan qu’actuellement vous dirigez. Or, « confier » ne signifie pas « offrir ». Si les Mayakashi prennent tant de familiarités, nous pouvons tout aussi bien vous la retirer.


– Je ne crois pas que vous ne soyez en moyen de le faire, répliqua l’hôte en se caressant le menton. A moins bien sûr que vous ayez les moyens de me menacer alors que la Résistance gagne du terrain…


Ce trait d’ironie n’amusa point son interlocuteur, qui reposa brusquement sa tasse en porcelaine sur la table. Le gouverneur écarquilla les yeux en découvrant que celle-ci s’était fissurée sur quelques millimètres à sa base.


– Vu que vous semblez vouloir aborder le sujet, cela facilitera les choses. Vous devez vous douter de la raison d’une visite si brusque ?


– Bien évidemment, mon Chancelier. Vous attendez que moi et mes troupes abandonnent toutes nos affaires en cours et participent à cette guerre contre les rebelles.


– Exactement, et ce au plus vite. Vos hommes devront être prêts dès demain. Ils se battront aux côtés de la garnison du Château De Brume de Shien.

Hajun soupira. Il passa sa main dans ses longs cheveux noirs pour finalement se gratter la nuque.


– Je pense que je n’ai pas le luxe de refuser ?


Il put parfaitement lire dans ses yeux qu’Enishi ne rigolait pas. Peut-être avait-il surestimé le quota d’ironie qu’il pouvait se permettre en tant que seigneur local. La température de la pièce avait soudainement monté, au point que le thé paraissait tiède. Il sentait maintenant que chaque parole devrait être pesée avec précaution. Il poursuivit donc de manière plus coopérative :


– Quel est votre plan d’action ? Reconquérir la région des Rizières avant que la Résistance ne soit prête ?


– Evidemment, fit l’autre satisfait par le changement de ton. Nous n’allons pas nous laisser marcher sur les pieds.


– Et si d’aventure les rebelles étaient déjà prêts ?


– Alors nous affronterions leurs troupes dans un combat direct, sur le champ de bataille. Cela ne fait pas beaucoup de différence, d’une manière ou d’une autre nous les écraserons.

Mais Hajun n’était pas convaincu.

– Avez-vous-pensé à toutes les options ? Et si des puissances étrangères profitaient de l’instabilité pour nous envahir ?


– C’est impossible, vous le savez comme moi. Au Nord, les Montagnes forment une frontière qui demeure infranchissable. Au Sud, le royaume du Paon Shinobaron et de la Paon Shinobaronne se déclare neutre et pacifiste : ils sont bien trop lâches pour tenter quoi que ce soit. A l’Est, au-delà des Forêts, toute menace a été écartée il y a bien longtemps, à l’époque des Six samouraïs. Pour avoir participé, je peux vous assurer que leur tyran et ses successeurs ne reviendront plus jamais ici…


– Oui, mais je pensais plutôt à l’Ouest, par-delà les rizières…


– A l’Ouest, il n’y a que l’océan, répondit fermement Enishi.


– Justement, j’ai eu quelques échos…Des rumeurs parlent d’une armée venue d’au-delà de l’océan…Vous qui êtes au plus haut sommet du Régime, vous devez être au courant de cela !

Le Shien fronça les sourcils.


– Vous posez beaucoup trop de questions à mon goût. Doutez-vous du leadership du Grand Shogun ?


– Non, bien sûr…mais…


– Nous avons toutes les informations nécessaires. Aussi, je vous le répète : à l’ouest, il n’y a rien de plus que l’Océan. Quelques éléments perturbateurs se situent dans la

Forêt si vous voulez tout savoir, mais nous avons déjà envoyé des renforts à Tenkabito pour qu’il s’en occupe. Nous allons donc concentrer nos forces vers les rizières.


On voyait bien que le chef des Mayakashi n’était pas convaincu. Mais il avait fini par comprendre qu’il n’avait pas vraiment le choix.


– Bien…Je peux mobiliser près de 5000 hommes. 1000 sous les ordres directs du clan, et 4000 soldats Shien de plus sous mes ordres dans la région.


– 5000, hein ? C’est plus ou moins le chiffre auquel je m’attendais. Ils se battront tous sous la bannière des Shien. Aux côtés des 7000 hommes de notre garnison. Et aussi, nous aurons réquisitionnerons votre équipement et vos Oboro-Guruma pour nous déplacer.


Le gouverneur des Plaines se leva brusquement. Au diable la précaution, s’en était trop.


– Cela commence à faire beaucoup de conditions. Il va falloir penser à des contreparties.

Enishi se leva à son tour. Sa main droite caressa le fourreau de son katana. Il fixa le gouverneur, prêt à dégainer à la moindre parole de travers.


– Tu n’es pas en position d’exiger quoi que ce soit.


« Nous verrons..pensa Hajun. Lorsque cette bataille prendra fin, que tes hommes se seront entretués avec la Résistance, nous verrons à qui reviendra le pouvoir. Oui…Vous les Shien m’accorderez plus de pouvoir, de gré ou de force ».


Mais il n’osa rien dire car, dans la situation actuelle, un tel mot de travers pouvait encore lui coûter la vie.



Chapitre 46 : Champ de bataille



Spoiler :



Ce jour-là, le temps était exceptionnel. Le ciel était parfaitement dégagé, sans que le moindre nuage ne soit visible à l’horizon. Le soleil n’étant pas tout à fait levé, il y avait encore dans l’air une lumière orangée propre à l’aube. Une lumière magique qui scintillait au-dessus des têtes, et attirait inévitablement les regards. Lever les yeux au ciel pour admirer la beauté de ce spectacle restait encore la meilleure façon de s’évader pour l’armée qui s’apprêtait à livrer bataille.


Il y avait en effet quelque chose d’effrayant dans l’herbe verte qui les entourait à l’horizon. Le paysage qui se reproduisait à l’infini, identique, monotone, ne faisait qu’angoisser les soldats. Par où l’ennemi allait-il venir ? De l’Est surement, c’est ce qu’on leur avait dit. Mais quand exactement ? D’ici quelques minutes ? Heures ? Ou même le lendemain ? Et ces soldats étrangers dont on leur avait parlé, allaient-ils se montrer ? L’attente couplée d’incertitude était devenue insoutenable. Alors il ne leur restait que le ciel, ciel paisible qui malgré toutes les atrocités qui risquaient de se dérouler ci-bas dans les prochaines heures, resterait de la même beauté.


Pour le moment les soldats de la Résistance étaient seuls, installés sur une colline qui leur permettait de scruter l’horizon et repérer les moindres troupes en approche. Le Samouraï Shiranui passait en revue ses troupes, répétant avec son état-major les différents plans selon l’évolution de la situation. Tout cela semblait bien technique vu de l’extérieur, mais la vérité était que la Résistance n’avait pas grand-chose à proposer à ses hommes à part foncer sur l’ennemi.


– Il va falloir compter sur l’aide de la déesse Amaterasu et des autres kamis, confia en privé le Samouraï Shiranui aux six samouraïs. Les chiens du Régime auront très probablement l’avantage du nombre. Nous avons certes quelques atouts en manche, mais ça va être serré. C’est pourquoi, plus que jamais, j’ai besoin de vous.


– Qu’attendez-vous de nous, votre majesté ? s’enquit Yaichi.


– Eh bien, vous qui êtes des guerriers d’élite, j’aimerai que vous preniez des chevaux parmi ceux que nous avons, et que vous traversiez le plus rapidement possible les lignes ennemies. Je veux que vous trouviez les généraux de leur armée et que vous les anéantissiez rapidement.


Les Six samouraïs se regardèrent. Alors ils seraient en première ligne sur le front, à inspirer fierté et courage aux fantassins. Soit, il en serait ainsi : la légende des Six samouraïs était sur le point de se réécrire sous les yeux du peuple.


– Pensez-vous que le Grand Shogun Shien sera sur le champ de bataille ? demanda Irou.


– Je ne pense pas qu’à ses yeux, la menace soit suffisamment importante. Après tout, il est resté enfermé pendant des années dans sa demeure. Je pense plutôt qu’il a envoyé des vassaux, peut-être des dirigeants locaux.


– Ce n’est donc pas aujourd’hui que nous allons mettre fin au Régime n’est-ce pas ? demanda

Kamon.


– Non, mais ne crois pas que cette bataille sera sans incidence pour la suite. Si nous gagnons, le Régime sera acculé. Il en faudra un peu plus, mais pas beaucoup, pour le faire plier. Si nous perdons en revanche, il y a de grandes chances pour que la Résistance s’évanouisse.


– Mais cela n’arrivera pas, assura Zanji. Nous gagnerons.


A peine sa phrase achevée le samouraï, mais aussi tous les autres, furent coupés dans leurs conversations. Au loin, ils étaient soudainement apparus. En un instant, une nuée pourpre venait de recouvrir l’autre extrémité de la Plaine. Cette fois, l’armée des Shien était là. Ils avançaient lentement, très lentement même, surement du fait de leur lourde armure de sang. Mais cette lente progression suffisait à pétrifier les rebelles. Les plus candides, qui se raccrochaient encore à l’idée que le combat puisse ne pas avoir lieu, voyaient à présent leurs espoirs s’envoler. Aucun d’entre eux n’échapperait au bain de sang.


Le troupeau Shien était bien plus long et large que ne l’étaient les rangs de la Résistance. Mesurer ou compter n’était pas nécessaire : c’était visible à vue d’œil. Plus les guerriers rouges approchaient, plus la masse grouillante qu’ils formaient semblait grossir. A vue d’œil, ils semblaient au moins 10 000.


– Tenez-vous prêts ! prévint le Samouraï Shiranui.


La centaine de cavaliers était à cheval, prête à bondir au premier signal. Derrière, environ 2000 fantassins gardaient le pied de la colline, eux aussi sur le qui-vive. Ils formaient une armée bien étrange, mélange de paysans, de volontaires recrutés dans les territoires libérés, de soldats repentis et de mercenaires. Certains se battaient depuis toujours, d’autres avaient pris une arme en main pour la première la veille. Ces hommes n’avaient bien qu’une chose en commun : le sentiment qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de risquer leur vie avant que le Régime ne la leur arrache.


Les Shien avaient cessé d’avancer. La distance séparant les deux armées était maintenant ridicule, formant un carré vert d’à peine un hectare au milieu de la foule de soldats prêts à s'entre-tuer. Ce n’était pas suffisent pour distinguer les visages adversaires, et pourtant on sentait que les deux partis se toisaient violemment. Des regards chargés de colère d’un côté, d’une puissante envie de sang de l’autre.


L’échange de regard ne dura pas longtemps. Au loin, on entendit un général hurler quelque chose. Aussitôt, l’ensemble des Fantassins, Écuyers et Légionnaires de Shien se mirent à cavaler.


– ALLEZ !!


A leur tour, les combattants de la Résistance s’élancèrent. Les fantassins chargèrent en ligne droite comme un seul homme, tandis que les chevaux partirent plus en amont à la rencontre de l’ennemi.

Ainsi, Zanji et les autres commencèrent la plus difficile de leurs missions. Les six destriers entamèrent à l’unisson leur course vers les lignes ennemies. Malgré tout son courage, Zanji ne put s’empêcher de déglutir. La guerre était là, elle se rapprochait de lui de seconde en seconde, sous la forme de cette épaisse vague opaque d’un rouge plus vif que jamais. D’ici peu, il faudrait tuer à la chaîne. Et survivre.


Après seulement quelques centaines de mètres parcourus, tout disparut autour d’eux d’un seul coup. Il n’y avait plus d’herbe, plus de collines, plus de ciel. Seulement des cris, des corps et des armes secouées dans tous le sens dans un rythme endiablé.


Très vite, les premiers coups s’échangèrent. Dans le dos des samouraïs, encore protégés par l’élan de leur destrier, les deux troupes de fantassins venaient de s’entrechoquer. Tout de suite, les premiers cris de douleur, et comme on pouvait très bien se l’imaginer, les premiers morts.Zanji frissonna à cette idée. Il avait beau s’y être préparé, un cap dans la violence avait été franchi, bien loin de tout ce qu’il avait pu connaître. Il n’avait cependant pas le temps de trop s’en préoccuper : lui aussi devait se défendre. Les samouraïs et les autres cavaliers avaient pu percer le bloc ennemi en bousculant les Shien qu’ils croisaient avec leurs chevaux. Mais après avoir été surpris sur plusieurs dizaines de mètres, le camp adverse commençait à réagir et à s’en prendre aux montures.


Cela n’était pas un problème pour la plupart des autres Résistants à cheval. Leur mission était accomplie, ils avaient pénétré les lignes ennemies. Ils n’avaient plus qu’à se défendre sur place, cela suffirait à désengorger le front principal et ainsi soutenir l’effort des fantassins plus bas sur le front. Pour les Six samouraïs en revanche, c’était différent. Leur mission à eux était de traverser intégralement les lignes ennemies pour atteindre le commandement ennemi. Ils n’avaient donc pas de temps à perdre avec ceux qui tentaient de les retenir.


Avec sa naginata, Zanji était le mieux équipé pour dégager le chemin. En la maniant habilement comme il savait le faire, le jeune samouraï parvenait à tenir l’ennemi à distance. Tous ceux qui s’approchaient trop près finissaient fauchés. Ce n’était pas assez précis pour tuer, mais suffisait amplement pour libérer le passage. De leur côté, Irou, Yariza et Nisashi s’en sortaient eux aussi relativement bien, usant de leur lame pour défaire quiconque tentait de s’agripper à leurs chevaux. L’exercice était en revanche bien plus difficile pour Kamon et Yaichi, dont les armes de prédilection n’étaient pas du tout conçues pour ce type de configuration. Le premier disposait de dynamites dévastatrices qui auraient pu faire sauter des dizaines d’ennemis, mais il n’avait pas le temps d’en préparer ne serait-ce qu’une, sous peine de se faire transpercer par une lame pendant ce laps de temps. Le second en revanche avait fini par trouver une stratégie : ne pouvant décocher assez de flèches pour se débarrasser de tous les ennemis autour de lui, il se contentait de tenir son arc bandé et de pivoter rapidement de 180 degrés autour de lui, menaçant de tirer dans le visage de celui qui s’approcherait trop près. Le temps d’hésitation de ceux qu’il croisait suffisait à son cheval pour les dépasser.


Chacun avec sa technique, les Six parvinrent progressivement à se frayer un chemin parmi les hordes écarlates. Toutefois, chaque seconde était extrêmement éprouvante. Le moindre faux pas, la moindre attaque manquée pouvait causer la mort. Le bataillon Shien semblait quant à lui infini. Il n’y avait pas de divisions, les milliers d’hommes s’entassaient en une masse uniforme se précipitant dans la direction opposée. Les Six ne voyaient rien d’autre que des bras, des pieds, une lance ou un katana surgir ça et là et qu’il leur fallait parer, parfois l’ombre pourpre d’un fou se lançant sur leur cheval avant de finir piétiné. Ils étaient au cœur de la tempête rouge, tempête dont ils ne voyaient pas le bout. Tous les autres cavaliers s’étaient arrêtés bien avant. Et eux, parviendraient-ils seulement à traverser ?


Au moment même où les Six commençaient à s’habituer à leur mission, quelque chose d’inattendu se produisit. Le vert de la plaine jaillit à nouveau sous leurs yeux. Avaient-ils fini de traverser les troupes ennemies ? Non, on pouvait voir encore des centaines de Shien à l’horizon. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître il y avait, en plein milieu de cette armée infinie, une aire de quelques dizaines de mètres carrés sans aucun soldat.


Méfiant, Yaichi décida de contourner la zone. Les autres n’eurent pas le luxe d’y réfléchir, et foncèrent en ligne droite dans le carré vert. Yariza, Kamon, Irou et Zanji le traversèrent sans problème, et ce en quelques secondes. Mais alors qu’ils se préparaient à pénétrer de nouveau la masse de soldats, un bruit sourd dans leur dos attira leur attention. Se retourner et regarder aurait été fatal à n’importe lequel d’entre eux, mais ils n’en eurent pas besoin pour comprendre ce qui c’était passé : près d’eux, le dernier cheval cavalait désormais sans destrier, l’air affolé. C’était celui de Nisashi.


Pour le samouraï aux deux sabres en revanche, tout était flou. Les choses avaient basculé en quelques fractions de secondes : en queue de peloton, il s’apprêtait lui aussi à traverser le carré d’herbe quand un gigantesque lasso surgi de nulle part l’avait attrapé. Immobilisé en un instant, il avait dû être désarçonné et attiré au sol par celui qui tenait la corde. Nisashi se trouvait à présent à terre, légèrement blessé par sa chute. Il fut surpris d’avoir le temps de se relever sans que quiconque ne l’attaque. Tentant de reprendre ses repères, il réalisa que des Shien l’avaient bel et bien repéré, mais qu’aucun d’entre eux n’osait approcher. Enfin, une fois debout, il parvint enfin à identifier celui qui l’avait fait tomber.


L’homme au lasso se tenait tout seul devant lui. Les autres Shien continuaient d’avancer : ceux qui passaient à côté se contentaient de regarder, tout en veillant à laisser le carré d’herbe aussi vide qu’ils l’avaient trouvé. Nisashi comprit aussitôt que ce n’était pas n’importe qui. Il ne portait pas d’armure, mais une tenue de guerre traditionnelle rouge bordée de coton. Ce n’était d’ailleurs pas le signe des Shien qui était inscrit sur celle-ci, mais la marque d’un clan qu’il ne connaissait pas. L’homme faisait des moulinets avec son lasso, comme pour attendre qu’il se prépare.


– Fais-tu partie du commandement ennemi ? questionna Nisashi, qui pensait encore à sa mission malgré la situation.


– Je suis Tsukahagi, Mayakashi du Poison. Combattant du clan Mayakashi, le plus honorable clan de ces terres.


– Mayakashi, le fameux clan qui domine la région..


– Je t’ai choisi pour adversaire, samouraï, expliqua Tsukahagi. Vous laisser à ces incompétents de Légionnaires serait de la folie. Je vais donc m’occuper de vous Six un par un, à moins bien sûr que les camarades de mon clan ne les tuent avant.


– Tu as mal choisi ta cible, rétorqua Nisashi, dont la garde était prête. Je suis l’aîné des Six samouraïs, et nous avons une mission importante à mener pour l’avenir de ce royaume ! Je ne laisserai aucune menace perturber mes frères d’armes !


Comme pour le faire taire, le Mayakashi lança son lasso de nouveau. Mais cette fois, Nisashi l’avait vu venir et put esquiver facilement. Sentant que son adversaire profitait de la distance, il décida d’aller de réduire l’écart pour l’attaquer au corps à corps.


– Tu pensais que je ne l’aurais pas prévu ?!


Tsukahagi saisit fermement le bout de sa corde des deux mains et tira violement en arrière tout en pivotant de 90 degrés. Au lieu de revenir directement vers son propriétaire, le lasso glissa le long du sol tout autour d’eux. Inévitablement, le samouraï en pleine course se prit les pieds dans la corde et s’écroula au sol une seconde fois. Cependant cette fois-ci, le Mayakashi n’attendit pas qu’il se relève et franchit les quelques pas qui les séparaient.


– C’est donc tout ce que tu as à offrir après ton grand discours ?


Enroulant son lasso pour le ranger, il profita que Nisashi soit toujours au sol pour s’asseoir sur lui. De tout son poids, il écrasa le dos du samouraï, sans que celui-ci n’ait la moindre chance de se relever.


– Tu m’as tout l’air d’être un homme de principe, continua-t-il en arrachant le casque du guerrier à terre. Tout ce que je déteste.


Attrapant une poignée de cheveux, il tira la tête du samouraï vers lui. Le visage du jeune homme vaincu, la mine fatiguée et dépitée, apparut à lui tel un trophée.


– Regarde-toi, avec ton visage balafré…Qu’as-tu gagné à te battre pour tes idéaux ? Toi et tes amis allez tous mourir ici.


Avec un air dégoutté, il repoussa brusquement la tête de Nisashi, qui tomba au sol.


– Je suis près à mourir pour ces idéaux…murmura le samouraï en relevant la tête, incapable de se débarrasser de la terre qui couvrait maintenant son visage. C’est ce qui fait la différence entre nous et un lâche comme toi.


Tsukahagi n’apprécia pas la réponse. Il attrapa les cheveux de son insolente victime et l’écrasa plus violement encore contre la terre.


– C’est toi qui es stupide ! Dans ce monde, seul le pouvoir compte. C’est grâce aux jeux de pouvoir que les Mayakashi ont pu atteindre les sommets sans craindre le Régime ! Grâce à ce même pouvoir que nous nous épanouissions dans le luxe et le confort tandis que les gueux comme toi trimez toute votre vie ! Oui, samouraï, le pouvoir, c’est la survie. En ce moment même, je suis celui qui a pouvoir de vie et de mort sur toi. Je peux te briser un bras, ou même te tordre le cou comme une vulgaire oie. Malgré tes idéaux, tu es totalement impuissant.


Nisashi essaya bien de gesticuler pour lui prouver qu’il avait tort, mais il n’y parvint pas. Dans son état, il n’y avait rien à faire. Il ne pouvait pas contredire son bourreau. Profitant de sa faiblesse, Tsukahagi s’empara des deux épées du samouraï, qu’il ne parvenait plus à protéger.


– Je sais ce que tu ressens en ce moment même. Tu aimerais tout abandonner. Ta mission, tes camarades, ton combat. Tu serais prêt à renoncer à tout ce en quoi tu crois, pourvu que je n’enfonce pas ces deux lames dans ta gorge.


Toujours à la merci du Mayakashi, Nisashi ne répondit rien.


– Meurs, samouraï !!


Nisashi !!


A ce moment précis, une flèche traversa le terrain et vint se loger entre les deux yeux de Tsukahagi. Celui s’écroula à terre, terrassé.


Juste après cela, le cheval de Yaichi émergea et s’arrêta devant les deux hommes.


– Tout va bien ? Désolé, j’avais repéré qu’il y avait quelque chose de louche avec ce carré vert, mais je n’ai pas pu venir plus tôt.


– Ça…va…répondit t-il en saisissant la main qu’on lui tendait pour se relever.


– Il faut qu’on rejoigne les autres devant. Le combat contre l’état-major va commencer.


Nisashi réalisa alors qu’autour d’eux, la situation avait changée. Il n’y avait plus de carré d’herbe, ni d’armée opaque pour l’entourer. Presque tous les soldats étaient désormais loin derrière eux sur le front, dont le brouhaha avait été décuplé. La vue autour d’eux était désormais dégagée. On pouvait apercevoir les quelques centaines de soldat Shien restées en retrait à quelques centaines de mètres au loin.


– Les autres ont déjà dû atteindre l’état-major Shien, expliqua l’archer. Nous devrions les rejoindre.


Mais Nisashi avait été profondément blessé. Et cela n’avait rien à voir avec les hématomes dus à sa chute ou à la terre sur son visage.


– Ce type, je n’ai pas pu le battre seul alors qu’il traînait nos idéaux dans la boue…je suis désolé, Yaichi. En tant qu’aîné, je n’ai pas été à la hauteur.


Lui qui se prenait pour le meneur, le grand frère, avait échoué sur toute la ligne. Incapable de protéger les autres, incapable de se battre pour ses idéaux ou même de mourir pour eux…


– Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je suis venu t’aider. J’ai sauvé ta vie au péril de la mienne, au milieu de ces Shien qui ne pensent qu’à leur petit pouvoir personnel. Comme le feraient de véritables camarades. Il n’y a pas de meilleure illustration de nos idéaux, tu ne crois pas ?


Le samouraï vert resta bouche bée devant ces mots. Il n’avait pas vu les choses ainsi. Et pourtant c’était vrai : il était trop tôt pour se laisser déboussoler. Lui aussi devait être prêt à donner sa vie pou ses amis. Et compte tenu du nombre de soldats encore sur le champ de bataille, il ne doutait pas que l’occasion finirait par se présenter.



Chapitre 47 : Illusions et désillusions



Spoiler :



Lorsque Yaichi et Nisashi se décidèrent à rejoindre leurs camarades, ils s’aperçurent que le gros du travail avait été fait. Entre les Shien partis guerroyer en amont et ceux croisés par leurs camarades, il n’y avait plus grand monde pour entraver leur progression. Les cadavres de ceux qui avaient eu le malheur de croiser le fer avec l’autre groupe gisaient devant eux. Ces corps inertes formaient plusieurs lignes s’éparpillant au loin, chemin que les deux compères s’avisèrent de suivre. Devant, les quatre samouraïs en finissaient avec une dizaine de Légionnaires. Descendus de leurs chevaux, ils continuaient à présent le combat au sol. Pour marquer son arrivée, Yaichi décocha une flèche sur l’un des ennemis, aux prises avec Yariza. C’était l’un des derniers : au même moment, Kamon lança un bâton de dynamite qui percuta les deux Shien restants et provoqua une formidable explosion.


– Ah, vous voici…lança Zanji, qui n’avait nullement envisagé que la défaite d’un de ses camarades contre des ennemis subalternes. Vous arrivez pile pour le plat de résistance.


Devant eux, on pouvait enfin apercevoir les limites du champ de bataille. Une bonne centaine de Shien restait en réserve, à quelques centaines de mètres en arrière. Immobiles, ils restaient à l’affut d’un ordre qui les autoriseraient à se ruer à leur tour sur le champ de bataille. Mais les samouraïs ne s’en occupèrent pas davantage : leur cible était moins en retrait, devant les troupes. Ce fut un soulagement pour les Six. Enfin ils avaient atteint leur objectif, l’état-major ennemi.


L’installation adverse était rudimentaire, rappelant qu’elle avait été établie seulement quelques instants avant que la bataille n’éclate. Le tout tenait sous une tente d’un rouge bordeaux, plus colorée que le pourpre classique des armures du Régime. En dessous de la tante se trouvait une simple table en bois mal montée et quelques tabourets. Une ébauche de plan ne semblant intéresser personne traînait sur la table, au milieu de quelques autres parchemins. Autour de la table, trois individus étaient installés.


Au sein du petit groupe, on trouvait d’abord une femme et un homme dont les tenues en soie fine trahissaient un amour certain pour le luxe. Le visage de la femme était remarquablement fait. Il était de cette blancheur inhumaine que seuls les nobles exemptés de travail manuel pouvaient espérer atteindre. Les trais fins de ses yeux, de son nez et de sa bouche venaient confirmer cette impression de grâce qui se dégageait d’elle. De longs et fins cheveux, qui viraient au mauve avec les rayons de l’aube, finissaient d’achever sa beauté. A côté d’elle, un homme entre deux âges, vêtu d’une tenue traditionnelle de chef de guerre, regardait les samouraïs approcher. Equipé d’un chapelet dans sa main gauche qu’il remuait négligemment, il laissait son visage nonchalant se reposer sur son bras droit, accoudé à la table. Nettement moins gracieux que sa voisine, le raffinement des plumes noires qui lui servaient de cape témoignait malgré tout de son opulence. Dans leur dos ensuite, un troisième homme se tenait caché, au fond de la tente. Si la teinte obscure des tissus empêchait de le voir correctement, on pouvait distinguer une silhouette colossale et menaçante. Le géant, apparemment chauve, semblait marmonner quelques lugubres paroles que lui seul comprenait. Enfin, après un bref coup d’œil à ces trois personnages, apparut devant les samouraïs le quatrième membre de l’état -major.


Trônant sur un magnifique cheval blanc, Enishi vint à la rencontre des Six guerriers en trottant. Il avait revêtu l’armure de sa jeunesse, cette magnifique armure verte avec laquelle il était entré dans la légende. En avançant, il caressait de la main la poignée de son katana pour le moment rangé dans son fourreau noir, signalant à ses ennemis qu’il était prêt à dégainer à tout moment. Lorsqu’ils le virent arriver, le monde s’effaça autour des jeunes guerriers. Il n’y avait plus que lui, le puissant Shien, le Chambellan « N°2 » du Régime, que Zanji avait reconnu. Ce fut lui qui brisa le silence.


– Tu es celui qui affronté et vaincu le Grand Maître au Château De Brume, n’est-ce pas ? Enishi, le Chancelier de Shien


Il parlait avec ce mélange de maîtrise et de rage qui lui était propre devant l’injustice. La situation lui rappelait celle du fief des Shien, où il avait été impuissant alors que son maître se faisait capturer. Aucun de ses cinq compagnons ne parut surpris lorsque l’identité du Chancelier fut révélé. Il y avait quelque chose de si puissant dans l’aura dégagé par le cavalier Shien que l’information devenait totalement crédible.


– Oh, moi aussi je te reconnais, répondit Enishi. Tu es cette petite tête brûlée qui l’avait accompagné ce jour-là, avant d’être envoyé au cachot. Je me demande comment tu as réussi à t’enfuir…Si tu avais pris la peine de rester, je serais venu m’occuper de toi personnellement, tu sais ?


– Qu’avez-vous fait du maître ? coupa Zanji en préparant sa naginata. J’espère pour vous qu’il est vivant !


– Tu as une drôle de façon de parler au Chancelier du Régime, petit…

Mais malgré la provocation, là où n’importe quelle brute du Régime aurait chargé, il ne réagit pas. Sa main caressait toujours son fourreau, Zanji attendait d’ailleurs avec impatience qu’il dégaine, mais le Shien n’en fit rien. La maîtrise de ses émotions était parfaite. Il avança de quelques pas encore, seuls quelques mètres le séparant alors des Six.


– Il y a beaucoup de choses que j’aimerais partager avec vous, jeunes guerriers, et l’odeur du sang en fait partie…Mais à cause de vos stupidités, ce ne sera pas pour tout de suite..

Il avança encore un peu, à la grande surprise des samouraïs. Il les avait maintenant dépassés, leur tournant le dos.


– Vous avez sprinté vers l’état-major ennemi, soupira t-il, au mépris de la ligne de front…Pour rétablir l’équilibre, je vais devoir faire de même…


– C’est mauvais, pressentit Irou. Il faut l’arrêter !!

Zanji avait déjà réagi et s’était jeté sur lui.


– Je n’en ai pas fini avec toi !! cria t-il.

Mais le cheval blanc s’était déjà mis en route, et la lame acérée de la naginata ne parvint qu’à trancher l’air qui les séparait.


– A vous de prouver votre loyauté..murmura le chancelier en s’évanouissant. Zanji pensa qu’il s’adressait à ses trois alliés restés sous la tente.


Quelques secondes passèrent, où les samouraïs encore hébétés par cette brève rencontre, ne purent que le regarder disparaitre au loin.


– Doit-on le rattraper ?


– Plus le temps, grogna Irou. C’était certainement le chef, mais après le trajet que nous avons fait, autant nous occuper du reste de l’état-major.


Ils daignèrent alors se tourner vers la tante bordeaux, où les trois individus n’avaient pas bougé d’un pouce. L’homme et la femme, qui avaient assisté au spectacle depuis leurs sièges, ne parurent nullement surpris par la tournure que prenaient les évènements. Avec un soupir de lassitude, l’homme entreprit de se lever :


– Bien, samouraïs…Il semblerait que ce soit nous, les Mayakashi, qui soyons chargés de briser vos rêves.


– Alors vous aussi, vous êtes des Mayakashi ? interrogea Nisashi, qui avait bien malgré lui fait connaissance avec le clan peu de temps auparavant.


– Je suis Hajun, le chef du clan. Et voici Dakki, ma compagne, qui gouverne la région des Plaines à mes côtés. Soyez honorés de mourir de la main de personnes aussi illustres que nous…


Il avait parlé sous un ton si solennel que plusieurs samouraïs sourirent. C’était ridicule.


– Ce n’est pas bien intelligeant d’amener une aussi jolie demoiselle sur le champ de bataille, fit remarquer le galant Kamon. Cela va mal se finir…


Dakki, toujours assise, porta son regard sur lui. Vu de près, elle paraissait encore plus ravissante, avec ses ornements dans les cheveux et ses yeux qui viraient au rouge. Elle ne répondit rien, laissant son mari parler pour elle.


– Tu aurais tort de la sous-estimer, samouraï. De tous nous sous-estimer.


Et, voyant que pas une parole de plus ne serait échangée, il ajouta :


– Place au combat. Yasha ! Lance donc ton maléfice !


A ces mots, le colosse caché derrière les plis de la tante se révéla. Fort d’une carrure qui devait au moins chercher dans les deux mètres, ce fut une sorte de prêtre à la peau mate qui se présenta devant les samouraïs. Bel et bien chauve, il possédait d’impressionnantes veines frontales, qui renforçaient l’aspect menaçant du personnage. Avec un chapelet et une baguette dans les mains, il ne semblait toutefois pas équipé pour le combat. Les incantations que l’on avait entendu plus tôt avaient cessé.


– Vas-y, Yasha Montre leur ce dont est capable notre clan.


Le prêtre s’avança, mais il ne tenta rien. Il se contenta de fixer les intrus avec ses grands sourcils froncés, d’un air imposant. Nullement affectés et pressés d’en finir, les six se jetèrent sur lui à l’unisson. Sans armes pour se défendre, quelques coups bien placés devraient suffire pour venir à bout du colosse, pensaient-ils. Contrairement aux taureaux Shien, ces Mayakashi ressemblaient à des coqs dont il fallait tordre le cou pour qu’ils cessent de se pavaner. Mais à leur approche, le fameux Yasha, toujours sans bouger, prononça ces inquiétantes paroles :


– Entrez dans le monde de l’illusion, samouraïs. Et abandonnez tout espoir.


Juste après, un puissant flash de lumière jaillit d’on ne sait où devant les samouraïs. Pris par surprise par le rayon aveuglant, les six guerriers furent coupés dans leur élan. Lorsque la vision de Zanji se rétablit, le samouraï constata que quelque chose avait changé. C’était particulièrement vrai pour leurs ennemis. Après le grand éblouissement, ses yeux distinguaient trois grandes ombres devant lui. Des silhouettes grises dont les proportions n’avaient plus grand-chose à voir avec des corps humains. Derrière lui, les autres avaient aussi pris conscience de ce changement.


– Mais qu’est-ce que…


Les trois généraux adverses avaient disparu du champ de bataille, et quelque chose d’autre avait pris la place. Près de la table en bois désormais renversée, deux créatures se tenaient debout. Sur la droite, une créature à la peau rouge resplendissante, parée d’une crinière de lisses cheveux blancs d’une pureté inégalée. Ce qui surprit le plus les samouraïs, c’était les ailes que possédait la créature, ailes d’un noir profond, contrastant avec les cheveux qui les bordaient dans son dos. Ces ailes n’avaient rien d’une décoration, elles étaient bien réelles, d’ailleurs l’étrange créature semblait prête à les utiliser et à s’envoler dans les cieux à tout moment. Tout en lui rappelait l’étrange créature de légende : le Tengu. Juste à côté, à sa gauche, se tenait une créature plus féminine. Son visage de renarde, à la fois douce et féroce, dégageait une beauté surnaturelle. Il y avait quelque chose d’humain dans son museau de bête, ainsi que dans les mystérieuses marques bordeaux qui paraient son visage. Inversement, l’anatomie humaine de la femme était bousculée par la bestialité. Les mains délicates étaient transformées en griffes acérées, et, surtout, neuf gigantesques queues dansaient derrière elle. On voyait en elle Kyubi, le terrible yokai. La scène était déjà invraisemblable. Mais ce n’était pas terminé.


– Dans le cauchemar de l’illusion, les Mayakashi dévoilent leur véritable apparence…


Ce n’était ni l’un, ni l’autre, mais une troisième créature qui avait parlé. Cette puissante voix ressemblait à celle du prêtre Yasha. Cependant, elle était plus lourde encore, et même inquiétante. Le porteur de cette voix n’avait lui non plus plus rien d’humain. Devant les samouraïs, ce monstre prenait la forme d’un gigantesque squelette gris, dont émanait une aura mauvaise. Loin de gésir au sol, ses cavités oculaires brillaient d’une terrifiante lumière rouge. Une armure lui couvrait le haut de la cage thoracique et les épaules, tandis que sa colonne vertébrale se plantait dans un sol, sol qui, tout autour de lui, commençait à se flétrir. Malgré cela, le colosse atteignait facilement les quatre mètres de haut, dominant les environs. On aurait juré voir Gashadokuro, le redoutable yokai, sortir des entrailles de la terre pour tous les étriper.


– Est-ce que je deviens fou ? demanda Kamon en jetant un regard à ses camarades.


La vision d’horreur de ces trois monstres avait en effet de quoi faire perdre la raison. Pourtant, les Six guerriers voyaient la même chose : l’espace d’un flash de lumière, les trois généraux Mayakashi s’étaient changé en créatures fantastiques.


– Une illusion collective…glissa Irou. Il ont du relâcher des gaz hallucinogènes ou quelque chose de la sorte..


Jamais ils n’avaient eu affaire à quelque chose d’aussi réaliste. A part Irou, tous les samouraïs étaient restés figés sur place, déstabilisés par cette soudaine apparition. Or, la créature gigantesque qui leur faisait face n’eut pas la clémence d’attendre qu’ils réagissent. Le prêtre, sous les traits de Gashadokuro éleva son poing dans les airs, prêt à l’abattre sur les guerriers restes immobiles. Quelques secondes après, la masse squelettique fendait l’air dans leur direction. Les jeunes combattants, hésitants, ne bougeaient toujours pas.


– Mais qu’est-ce que vous attendez ? hurla Irou.


Ce fut lui qui vint sauver ses amis, jetant son sabre entre les phalanges du squelette pour l’arrêter. Malgré un timing parfait, le samouraï fut balayé par l’assaut, et projeté au loin. Il était cependant satisfait le voir que ses amis avaient échappé à l’attaque.

Le fracas de ce premier échange permit aux autres samouraïs de sortir de leur rêverie. Zanji et Yaichi furent les premiers à se faire à l’idée d’affronter un squelette géant. C’était totalement irrationnel, mais sur un champ de bataille comme celui-ci, ils n’avaient pas le temps de se poser des questions. Il fallait vaincre, rien de plus. L’archer tenta de neutraliser rapidement l’ennemi. Il visa les yeux, où tout du moins la lumière rougeâtre qui brillait à cet endroit. Sur un cadavre dont il ne restait pas le moindre pont vital, cette zone lui sembla être un potentiel point faible. Yaichi atteint les deux cibles avec une précision remarquable, toutefois rien ne se produisit, à son grand désarroi.


– Tout ce que vous tenterez sera inutile, samouraïs…de ce cauchemar, il ne peut advenir que votre mort…


N’écoutant pas la voix sévère, Zanji s’élança à son tour. Il ne savait pas vraiment comment attaquer ce géant dont chaque os faisait le double du sien, l’armure et les avant-bras noirâtres de la créature formant une protection parfaite. Il tenta alors de trancher l’avant-bras gauche, dans l’espoir d’arracher un membre au monstre. Il attaqua de toutes ses forces, mais sa naginata ne parvint pas à trancher l’os. Son coup, censé sectionner l’ennemi, parvint à peine à assener une rayure que la couleur carbonée des os rendait indiscernable. En retour, Gashadokuro balaya son adversaire d’un revers de bras. Le lancier fut projeté dans la direction opposée d’Irou.Heureusement, les trois autres étaient enfin en pleine disposition de leurs moyens. Yaichi avait en effet profité de la diversion pour réveiller définitivement les guerriers abasourdis. Ensemble, ils entreprirent de reculer pour se mettre hors de portée du squelette, toujours planté dans le sol.


– Vous n’échapperez pas à votre destin…


A la grande surprise des samouraïs, le yokai ramena ses mains au sol devant lui, et poussa énergiquement avec. Sous la pression, deux nouvelles vertèbres jaillirent des profondeurs, augmentant encore sa taille de cinquante centimètres. Dans la foulée, le monstre se jeta littéralement sur Yaichi et les autres, qui de fait n’étaient plus en sécurité. Sa gueule infâme tenta de croquer Nisashi, la cible la plus proche. Yariza, juste derrière lui, put heureusement attraper la victime dans le dos et la tirer vers lui juste à temps. Les crocs de l’ennemi, tels ceux d’un chien enragé, s’arrêtèrent à quelques mètres des deux hommes, dégoulinants d’une bave d’un bleu foncé immonde.


– C’était chaud…murmura Nisashi.


– Oui, répondit l’archer. Mais au moins, l’appât a fonctionné.


Intrigué, Gashadokuro se retourna. Trop tard. A sa droite et à sa gauche, Zanji et Irou fonçaient vers lui à toute vitesse. L’impact était imminent. Le yokai tenta de ramener ses griffes vers eux pour les balayer. Il ne put rien y faire : en même temps, les deux samouraïs vinrent percuter sa colonne vertébrale de leur lame respective. Fragilisée par cet assaut simultané, l’ossature noirâtre ne put supporter le poids du géant plus longtemps. D’un grognement sourd, le tronc du squelette se détacha du reste de son corps et vint s’échouer au sol.


– Comment ?!


Kamon, maintenant ! crièrent les deux complices en cœur.


– Je sais ce que j’ai à faire, répliqua ce dernier.


Il tenait son bâton de dynamite fin prêt dans sa main droite. Malgré leur singularité, on put distinguer de l’étonnement dans les yeux rouges du yokai. En quelques secondes tout avait basculé. Cloué au sol, il fut totalement impuissant lorsqu’il vit la bombe atterrir sur son crâne, et presque simultanément exploser. L’onde de choc fut considérable. Malgré sa toute-puissance, il ne resta rien de lui après la déflagration. Un peu partout autour, des restes d’ossements noirs se dissolvèrent dans la même bave bleue qu’auparavant. Il en fut de même pour la colonne vertébrale restée plantée dans la terre. A quelques dizaines de mètres de là, les deux autres créatures échangèrent un regard.


– Vous avez réussi à avoir l’un d’entre-nous, samouraïs…j’avoue que j’avais sous-estimé votre travail d’équipe.


Irou et moi, on arrive à élaborer ce genre de stratégie sans même avoir besoin de communiquer maintenant, lança Zanji avec un petit regard provocateur vers son compagnon. On est tellement en phase tous les deux…


– Oui, enfin si je pouvais m’en passer ce serait tout aussi bien, rétorqua l’intéressé.


Ce trait d’humour ne plut pas aux deux généraux restants, qui s’impatientaient.


– Nous allons donc devoirs nous salir les mains sous cette forme…Rare sont ceux qui ont eu cet honneur. Je suis Tengu, le Mayakashi des Ailes et voici ma femme Yoko, la Mayakashi de la Grâce. Face à nous, les chefs du clan Mayakashi, vos petites combines seront inutiles.


Et sur ces mots, sans laisser un seul des Six souffler, les deux démons se lancèrent en même temps sur les jeunes guerriers. Avec ses neuf majestueuses queues, la femme fut la première à venir au contact. Ses neuf queues n’étaient pas seulement grâcieuses : de par leur taille, la violence

des coups qu’elles assénaient était comparable à celle d‘un fouet.


– Je vais trancher tout ça ! cria Nisashi, en première ligne.

Elle émit un petit ricanement. Les katanas du guerrier vinrent percuter les queues très violement, de sorte que n’importe quelle chair animale aurait cédé. Mais il n’en fut rien, sa lame ne s’enfonça pas d’un millimètre dans la chair : tout juste la queue qu’il avait ciblé avait été stoppée dans son élan.. Les huit autres en revanche continuèrent leur course, balayant Nisashi au loin.


Nisashi !!


– Vous n’avez pas de temps à lui accorer, samouraïs !


La voix venait du ciel. Le puissant Tengu trônait quelques mètres au-dessus de leurs têtes, ailes déployées. D’un coup, ses ailes se mirent à batte de manière irrégulière, à vitesse croissante. Bientôt, une véritable bourrasque apparut devant lui.


– Concentrez-vous plutôt sur ceci…


Les vents violents formés par le yokai s’abattirent d‘un coup sur les samouraïs. La bourrasque était telle que leurs jambes fléchissaient, il fallait lutter pour ne pas s’envoler.


– Je ne vois plus rien ! s’exclama Kamon, forcé de protéger son visage du vent malgré son casque.


– Tu es le prochain…


Yoko avait profité de l’attaque de son mari pour se rapprocher. La tornade artificielle de son mari commençait à s’affaiblir mais aucun des Six samouraïs, sonnés, ne fut assez réactif pour la voir arriver. Ce fut Kamon qui en fit les frais en premier : incapable de manier son équipement à cause du vent, il reçu lui aussi deux redoutables coup de queues qui le projetèrent de plusieurs mètres.


– Il faut tenter une attaque ! s’exclama Zanji.


Sa naginata semblait de taille pour cette opération. D’un coup d’estoc, il parvint à faire reculer les terribles queues de l’ennemi. Mais ce fut inutile, l’agilité de l’adversaire était trop grande : sur les neuf queues, l’une trouva le moyen d’esquiver les assauts et d’entourer la poignée de la lance. D’un coup sec, le pauvre lancier se vit subtiliser son arme. De son côté, le Tengu avait presque fini de préparer une nouvelle bourrasque.


– A ce rythme, nous ne les battrons jamais, confia Irou à Yaichi. Leurs attaques sont trop bien synchronisées. Ecoute, toi seul peut t’occuper de ce type dans les airs. Utilise tes flèches avant qu’il ne soit trop tard.


– C’est prévu, répliqua l’archer, dont la flèche était déjà prête.

Mais le temps de cette simple interaction, Yoko avait déjà neutralisé Yariza, qui avait tenté de faire barrière pour gagner du temps. Elle fonçait désormais sur les deux hommes. Irou se tint prêt à l’accueillir.


– TIRE, YAICHI !!


Dans les airs, la prochaine bourrasque était presque prête. L’archer savait qu’il n’aurait le droit qu’à une seule flèche. Ses doigts glissèrent délicatement le long de la corde, faisant abstraction du terrible yokai qui s’abattait sur son ami et lui. Puis, il lâcha la corde. La flèche courut dans les airs, à l’instant même où le démon du vent allait relâcher sa bourrasque. Il y eut un petit bruit sourd, puis les ailes du Tengu cessèrent de battre. La bourrasque se dissipa lentement. Le corps du yokai s’échoua alors lentement au sol, avant de heurter la surface dans un bruit sourd. Avec un petit sourire de satisfaction, Irou et Yaichi se laissèrent bousculer par les queues de la démone.


Affolée, Yoko accourut près de son mari blessé. La flèche l’avait atteint en plein cœur, s’en était proprement fini de lui. Mais il gesticulait encore, heureux de voir sa bien-aimée penchée sur son corps meurtri.


– Jamais je n’aurais pensé…Yoko, terrasse les pour moi ! Montre-leur que le pouvoir nous revient à nous, le clan Mayakashi !


Ce fut ses dernières paroles. Après quelques ultimes convulsions, son épouse dut lui fermer les yeux. Bouleversée, Yoko se releva. Les meurtriers de son mari, seulement légèrement blessés par les précédentes attaques, commençaient à s’attrouper près d’elle. Ce n’était toutefois plus la même femme, sa beauté est plus froide que jamais. Sous le raffinement, on pouvait sentir des envies de meurtre remonter du plus profond de ses entrailles. Ses queues se dressaient désormais en l’air, comme celles des animaux excités. Son corps lui-même s’éleva de quelques centimètres au-dessus du sol, dans une sorte de lévitation fantastique.


Les samouraïs se mirent en garde, prêts à recevoir de nouveaux assauts des queues ennemies. Mais la réaction de Yoko fut tout autre. Elle se contenta d’abord de sortir un objet d’une poche intérieure. Il s’agissait d’un étrange artéfact de verre, semblable à un miroir à main. Rapidement, l’objet se mit à flotter librement autour d’elle, entrant lui aussi en lévitation. Sous les yeux ébahis des samouraïs, la relique commença à briller d’une lumière bleue suspecte. Progressivement, des flammes du même bleu pâle émergèrent du centre de l’objet par un processus inexplicable. Les flammes, tout en s’échappant du miroir, se mettaient à danser une à une séparément dans les airs, tout autour de Yoko. Toutes les deux secondes environ, une nouvelle flamme sortait du verre et venait rejoindre le mouvement. Ces flammes bleues étaient très similaires à celles qu’ils avaient vu autour du corps de l’Esprit Des Six Samouraïs : conformément à la croyance populaire, elles manifestaient la

présence d’un défunt parmi les vivants.


– Venez à moi, Âmes des Oubliés, âmes haineuses de ceux qui sont tombés au combat ! Vous qui êtes morts une fois pour la gloire des Mayakashi, battez-vous de nouveau pour votre clan !


Cette incantation eut pour mérite de dissiper les doutes des combattants : cette fois-ci, ils avaient bien à faire à des esprits. Mais déjà, ils se demandaient : comment lutter contre de tels fantômes ? En réalité, ils n’eurent une fois de plus pas le temps de débattre. En réponse à l’incantation de Yoko, une dizaine d’âmes se jeta sur eux avec un cri strident.


– Contentons-nous de les disperser, le temps de trouver une solution !

A cet proposition de Nisashi, les samouraïs répondirent à l’unisson par de puissants coups d’épées censés arrêter les âmes errantes. Mais à chaque fois, de manière prévisible, les âmes se dissipaient pile au moment de recevoir le coup et réapparaissaient juste à côté dans l’instant qui suivait…Ainsi, malgré leurs efforts, les samouraïs ne faisaient que repousser les fantômes, sans moyen aucun pour contre-attaquer.


– Il faut que l’on arrête la fille rapidement, continua le samouraï vert. Si elle continue, on ne pourra plus les contenir très longtemps !


Il avait raison, et tous le savaient. Quelques mètres au-dessus d’eux, les fantômes continuaient à sortir du miroir et à emplir le ciel. C’était une question de minutes avant que leur défense ne cède au nombre. Ce spectacle semblait ravir la démone, dont les traits de renarde affichaient un sourire

moqueur.


– Merde…


– Laissez-moi faire, lança Yariza.

Malgré la situation, tous se retournèrent étonnés vers le guerrier. Ce n’était pas tant ses mots qui surprenaient, mais le fait même qu’il ouvre la bouche, lui qui était si silencieux en temps normal. Depuis combien de temps n’avait-il pas pris la parole sur le champ de bataille ?


Yariza ?


– Tout ceci n’est qu’une gigantesque illusion, reprit-il en annulant sa garde. Dans ce cas, il faut avoir l’ennemi à son propre jeu.


En relâchant ses armes, il venait sciemment de créer une immense faille dans la formation des Six. Ravies, les Âmes des Oubliés se détournèrent de leurs autres cibles et plongèrent toutes sur lui à l’unisson.


– As-tu perdu la raison ?? cria Zanji, pour qui son camarade était déjà perdu.


– Pas cette fois, répondit-il calmement.


Les âmes de feu, ouvrant grand leur gueule enflammée, étaient prêtes à déchiqueter le samouraï. Une à une, elles s’écrasèrent sur lui dans une terrible attaque groupée. Rapidement, un immense brasier se forma autour de son corps, jusqu’à ce que toutes les âmes s’y intégrèrent. Les cinq autres guerriers étaient tétanisés. Ils imaginaient déjà leur camarade réduit en un tas de cendre par les flammes. Pourtant, l’inimaginable se produisit sous leurs yeux. Au milieu du bucher, une forme humaine se tenait toujours debout.


– Est-ce que c’est tout ce que tu as, Mayakashi ?


Yoko ne rigolait plus. Devant elle, c’était un monstre de feu qui apparaissait, un véritable démon, une Ame Possédée qui s’était nourrie de ces attaques. Près d’elle, de nouvelles Âmes étaient sorties du miroir.


– Débarrassez-moi de cette horreur ! cria t-elle.


Les nouveaux spectres se jetèrent eux-aussi sur lui, sans succès. A peine eussent-ils approché qu’eux aussi finirent absorbés par l’être de feu. Celui-ci entama une marche vers Yoko.


– A ton tour, Mayakashi…


Furieuse, la démone relâcha son miroir, qui cessa de léviter pour s’écraser au sol. Comment avait-il fait ? Il aurait dû mourir consumé ! Serait-il lui aussi parvenu à exploiter l’illusion pour prendre les traits d’un démon à ses yeux ? Elle ne pouvait le supporter. Un tel pouvoir était la propriété des Mayakashi. Seuls eux devait pouvoir se transformer, et revêtir la forme des yokais légendaires vénérés par son clan depuis des siècles. Qu’un intru utilise leur sort pour prendre des traits aussi ignobles était impardonnable, pire encore que la mort de son mari. Prise d’une rage encore plus farouche, elle décida alors de changer de stratégie. Puisque les âmes n’étaient pas efficaces, il valait encore mieux qu’elle lui règle son compte elle-même.


– Mais qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Kamon.


Les autres samouraïs étaient restés tout pâles.


– Je crois que Yariza a réussi à tirer parti de l’illusion ans laquelle nous sommes enfermés…Il a réussi à se transformer en monstre comme nos adversaires, sous les traits de cette Ame Possédée.


– Tu n’as pas le droit ! Cette illusion nous appartient, à mon mari et à moi !!


La pointe de chacune des neuf queues, comme des fléchettes lancées à toute allure, fondirent sur la nouvelle forme de Yariza. En réponse, les flammes entourant ce dernier doublèrent de volume. L’Heure Fatidique, celle de l’issue du combat, approchait.


Au moment de l’impact, un déluge de flamme s’abattit autour des deux belligérants. De terribles cris de douleur retentirent. La souffrance, tellement intense, déformait la voix au point de ne même pas pouvoir déterminer auquel des deux elle appartenait. Pour les cinq guerriers restés au dehors du cercle de flamme, impossible de réagir. Peu après le choc, un nouveau flash de lumière éclata, comme au tout début de l’affrontement, et balaya tout sur son passage.


Quand les Six samouraïs reprirent pied, tout est fini. Ils étaient revenus sur le champ de bataille qu’ils connaissaient. Yasha, le prêtre Mayakashi, gisait au sol. Il avait une gigantesque entaille au niveau de la taille de laquelle le sang continuait de couler. Un peu plus loin, dans les débris de la tente renversée, Hajun reposait endormi, calé entre la table et l’un des poteaux. Si les ailes et la peau rouges avaient disparu, la flèche plantée dans son cœur était bien réelle. Finalement, juste devant eux, Yariza et Dakki, la Mayakashi de la Grâce étaient étalés sur le dos, dans l’herbe. Il n’y avait aucune trace de brûlure autour des deux humains.


– Alors ?


– C’est terminé, fit Irou. Nous sommes sortis de l’illusion.


En se rapprochant, il put inspecter les corps. Son ami semblait exténué, respirant difficilement. Le corps de Yariza tremblait, son souffle était irrégulier et ses yeux restaient fermés. Toutefois, sa vie n’était pas en danger. On ne pouvait pas en dire autant de Dakki en revanche. En déplaçant le corps de la demoiselle restée couchée sur le dos, Irou remarqua une terrible blessure au niveau du torse. Au milieu des somptueux vêtements, ce trou béant semblait avoir atteint directement le cœur. Le sang s’écoulait alors, telle une fontaine, et forma rapidement une flaque sombre au milieu de l’herbe. La Mayakashi était déjà morte.


Ils étaient à présent seuls avec les trois cadavres dans les ruines du QG ennemi. Les Shien de l’arrière semblaient avoir rejoint le front. S'ils pouvaient encore entendre les combat faire rage plus haut dans la plaine, eux bénéficiaient d’un relatif instant de calme.


– Quel combat ! lança Yaichi en se passant la main au visage. A part Yariza aucun de nous n’est sérieusement blessé, et pourtant je me sens épuisé…


– Oui, ce fut intense, ajouta Nisashi. Même si c’était une hallucination, ces yokai m’ont bien fichu la trouille. J’en ai encore des sueurs froides.


– Sans lui, nous ne nous en serions pas sorti, dit Irou Je ne sais pas comment il a réussi une telle prouesse.


– C’est vrai qu’il faudrait un esprit tordu pour penser à se transformer comme ça ! plaisanta Kamon.


Mais au fond de lui, un malaise s’était instauré. Cette terrifiante Ame Possédée dont Yariza avait pris la forme, que représentait t-elle ? Quelles sombres pensées se cachaient donc dans le cœur de son silencieux camarade ?


– Mais ces efforts ont payé, continua Zanji. A l’exception du Chancelier, nous sommes venus à bout des généraux ennemis. En accomplissant cette mission, nous avons augmenté considérablement nos chances de victoire.


Encore essoufflé après ce rude combat, le lancier observait le front pour essayer d’estimer le rapport de force entre les deux troupes. Il voulait y croire. Oui, plus que jamais, il y croyait. On voyait bien que la Résistance était en infériorité numérique, mais privés de leurs généraux, les Shien étaient eux aussi affaiblis. La suite serait ardue, épuisante, mais il savait qu’en donnant tout ce qu’il avait, lui et ses camarades pourraient arracher la victoire à l’ennemi.


Du moins, c’est ce qu’il pensait jusqu’à ce que la Corne du Paradis retentit. Un refrain guerrier, que personne ne connaissait, résonna bientôt sur tout le champ de bataille. Tous les belligérants, à commencer par Zanji, tournèrent leur regard vers les petites collines qui bordaient l’Ouest de la zone, endroit d'où provenait le son. Au sommet de l’une d’entre-elle apparut un cavalier bien étrange, doté d’une armure comme le jeune guerrier n’en avait jamais vu. Les traits de son visage, le bleu de ses yeux et la blancheur de sa peau étaient eux aussi inédits. Pourtant, cette description lui était familière. Lorsqu'il comprit, Zanji devint livide.


Au loin, la corne résonnait toujours. Le cavalier fit alors un geste furtif, lançant son bras droit dans les airs. Aussitôt, un gigantesque corps de cavalier apparut de l’autre versant de la colline et fonça sur le champ de bataille. Tous étaient équipés d’armures similaires.


– Alors, c’était vrai….bégaya le lancier. La prévision, l’armée venue d’au-delà des océans….


Sous le coup de l’émotion, ses jambes lâchèrent. Tandis qu’il tombait à genoux, en proie à un stress grandissant, les chevaux continuaient à débarquer par dizaines sur le champ de bataille. Il y en avait à présent plusieurs centaines accumulées là, sans que le flot ne se tarisse. Bien décidées à se battre, les premières lignes de cette nouvelle faction vinrent à la rencontre des autres combattants. Et ce fut sur les rangs de la Résistance qu’elles jetèrent leur dévolu. A quelques kilomètres de là, Zanji devinait la stupeur des régiments de Mataza et de Ben Kei, à présent confrontés aux eux ennemis simultanément. Il était évident qu'ils n'avaient aucune chance.


– Fais chier ! cria Zanji, en tapant du poing au sol. Je voulais y croire ! Je voulais y croire ! J’y ai cru…


Derrière lui, les autres samouraïs restèrent interdits. Zanji, toujours à terre, était à présent encore plus essoufflé. Son visage fatigué était couvert de tics nerveux, de convulsions propres à ceux dont les nerfs lâchent. Au milieu des cernes, quelques larmes commençaient à se former. Sous son armure recouverte d’un mélange de sang, de boue et de sueur, le guerrier ne s’en rendit même pas compte.


Oui, il y avait cru. Il avait tout donné. Mais à présent, avec l’arrivée de cette armée qu’il avait négligée dans le feu de l’action, ses rêves venaient de se briser. Il réalisait que malgré la force de leurs idéaux, ils n’avaient jamais été de taille pour mener une telle guerre. Depuis tout ce temps, ils nageaient en plein délire. La désillusion était terrible.



heart earth
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [30/06/2015] à 21:17

je trouve que c'est une idée sympa de rendre toutes les cartes "vivantes" comme si c'était une fic sur des samourais quelconques^^

j'attends d'en voir plus pour me prononcer mais ça commence assez bien 🙂




http://forum.duelingnetwork.com/index.php?/topic/157103-the-wrap-up-red-lust-circuit-series-miami-edition/#entry2134192
le bon temps…

trugun
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [30/06/2015] à 21:48

C'est sympa ^^

Ca fait du bien de lire Une fic bien écrite et ordonnée.

Je trouve juste que ça commence un peu vite ^^

Même si on est sur un forum et qu'il faut pas faire des trucs trop long, j'aurais prefere un chapitre/prologue pour introduire la situation du personnage plus précisément, le décrire un peu plus..etc. et un autre chapitre pour mettre en scène la seconde partie où il assiste a l'execution.

Enfin, penses selon à moi à décrire plus les scènes, cela donne de la consistance à l'histoire et ça nous permet de nous plonger dans l'histoire ^^


Spoiler :

Gagnant de 2 awards. Moi, déjanté? Je vois pas :3
Merci à toi, Xav, d’avoir répondu à toute mes questions et de m’avoir permis de devenir bon en ruling, comment te remercier <3
Et Dai, si tu lis ma signature, réautorises les messages privés
Quadriforce
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [30/06/2015] à 22:50

Merci de vos conseils ^^

J'ai quelques chapitres d'avance au brouillon, je vais les retravailler dans ce sens et je poste le 2 demain !


blackexpert
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [30/06/2015] à 23:20

C'était vraiment sympa je suis impatient de voir la suite demain !


Quadriforce
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [01/07/2015] à 11:11

Chapitre 2 : Ceux que l'on croyait disparus



Spoiler :



Lorsque Zanji se réveilla, il n'était plus étalé sur la place publique, mais dans un lit, dans ce qui semblait être une chambre de demeure traditionnelle. Un lieu inconnu de Zanji. Des paravents recouvraient les 4 murs de la pièce, si bien que Zanji ne pouvait rien voir d'autre que l'intérieur. C'était grand, spacieux. Rien à voir avec les petites maisons en pierre de son village. A côté de lui se trouvaient les restes de son épée et ses vêtements déchirés, qui lui rappelèrent aussitôt le cuisant échec qu'il avait subi. Sa blessure dans le dos, bien qu'encore douloureuse, commençait à cicatriser.


– Alors ça y est, tu es réveillé ? lui lança t-on.


Zanji se retourna. Derrière lui à l'autre bout de la pièce, se trouvait un homme d'un âge plutôt avancé, assis en tailleur sur le tatami, qui le regardait. Celui ci portait une sorte d'armure de fer qui recouvrait son corps et ses quatre membres n'étaient autres que des prothèses métalliques, Zanji comprit qu'il avait perdu les originaux.


– Qui êtes vous ? Où suis-je ? demanda t-il.


– Oh, moi ? Répondit l'homme calmement. Je ne suis qu'un pauvre Chambellan qui dut quitter la cour lorsque les Shien ont pris le pouvoir. Nous sommes ici dans la demeure du Grand Maître, un homme bon : c'est lui qui m' héberge et me nourrit depuis ma fuite, c'est aussi lui qui t'a sauvé lorsque tu étais sur le point de mourir.


Zanji observa plus attentivement l'homme : Il était borgne, comme celui qu'il avait entrevu avant de s'évanouir. Il faisait en tout cas plus penser à un ancien guerrier, portant sur lui les stigmates des batailles, qu'à un chambellan.


– Où puis-je le trouver pour le remercier ? demanda le jeune garçon.


– Derrière ce paravent, la porte au fond du couloir, répondit simplement le chambellan, avant de se réintéresser à l'arme qu'il astiquait.


Comprenant qu'il ne tirerait pas grand chose d'autre de lui, Zanji se leva. Il emprunta le couloir en question, toujours en observant autour de lui. Il remarqua qu'un motif se répétait à un intervalles réguliers le long des murs, celui d'un cercle noir incrusté d'ornements étranges, ainsi que de six cercles plus petits. Il savait ne les avoir jamais vu, et pourtant ils lui semblaient familier, sans qu'il puisse expliquer pourquoi. Il contempla longuement ces symboles jusqu'à parvenir au bout du couloir. Un autre jeune homme se trouvait là, les bras croisés, adossé contre la porte que le chambellan avait mentionné. Il devait avoir approximativement le même âge, si ce n'est qu'il paraissait plus grand et plus baraqué que Zanji.


– Le maître ne veut pas être dérangé, déclara t-il machinalement sans regarder devant lui. Puis il releva la tête, et changea complétement d'attitude. Oh, tu es le nouveau, excuse moi, je n'avais pas vu que c'était toi ! Alors tu es réveillé ? Super ! Tu sais, ça fait déjà trois jours que tu dors, on a fini par croire que tu étais dans le coma ! Bon, rentre, si c'est toi, je pense que le Grand Maître voudra bien te recevoir. Au fait, je m'appelle Kamon , moi aussi je suis l'un des Six ! Essaye de retenir mon nom ! Attends, je t'ouvre la porte. Mince, foutues clés…bon attends une minute…voilà c'est bon, vas y, entre, entre ! Fais comme chez toi !


Zanji était noyé dans le flot de paroles incompréhensibles de son interlocuteur. L'un des Six ? Qui étaient ces hommes qui attendaient son réveil ? Qu'attendaient de lui ? Enfin, il verrait ça plus tard. Le plus important pour le moment était de vite remercier son sauveur et de rentrer au village et prendre des nouvelles des habitants, surtout si trois jours s'étaient vraiment écoulés pendant sa convalescence comme le laissait entendre ce Kamon. Il entra.


Cette pièce ressemblait à celle qu'il venait de quitter, si ce n'est qu'on y trouvait diverses bannières, toujours à l'effigie de ce fameux symbole que Zanji avait remarqué dans le couloir.

Au milieu de la pièce se dressait un homme qu'il reconnut immédiatement. C'était lui. Le vieil homme borgne à qui il devait la vie, le Grand Maître . L'ancien aux long cheveux gris et à la barbe blanche s'approcha lentement de lui. Son corps dégagait une étrange aura, à la fois tranquille et imposante, qui fit comprendre à Zanji qu'il lui devait le respect. Il s'inclina devant lui :


– Je vous remercie sincèrement de m'avoir recueilli.


– Ce que tu as tenté pour sauver cet homme était désespéré.


– Il est vrai que j'ai peut être agi trop vite, sans analyser la situation…


– Ecoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Seul, tu ne peux rien faire contre les Shien. Si je t'ai fait venir ici, c'est pour te proposer de te joindre à nous.


– Se joindre à vous ? Y aurait – il ici une résistance menée contre les Shien ?


– Tu te trouves ici dans le repère de ceux qui furent les Six samouraïs.


Un long silence tomba. L'homme paraissait sérieux.


– Vous voulez dire…..les Six samouraïs, ceux de la légende ?


– Oui.


Zanji était stupéfait. C'était impossible ! On était même pas sur qu'ils eussent vraiment existé ! Et ce vieillard qui se tenait devant lui se prétendait membre de cet ordre, de ce groupe qui sauva l'Empire autrefois !


– C'est faux. Je ne vous crois pas. Ce n'est qu'un mythe. Sinon, vous seriez intervenus face aux Shien il y a 10 ans de cela. Vous n'êtes qu'un imposteur.


– ……


Zanji réfléchit. Il croyait comprendre maintenant le sens des « Six » dont parlait Kamon tout à l'heure, la signification du symbole aux six cercles aperçu dans le couloir. Le vieil homme disait peut être vrai, après tout. Un grand père à moitié sénile de son village, que l'on surnommait L'Immortel , racontait avoir déjà aperçu les Six. L'âge correspondait à peu près, il était possible que ce soit vraiment l'un d'entre eux. Mais alors, comment expliquer leur comportement ? Pourquoi avaient ils disparu ?


– Mon père est mort lors du coup d'Etat Shien. Et vous, les « héros », que faisiez vous pendant ce temps ? Que faisiez vous lorsque seul, je me battais contre Tenkabito pour la liberté des miens ? Hein ? demanda violemment Zanji. La discussion avait éveillé en lui de mauvais souvenirs, et il laissait exprimer cette rage trop longtemps enfouie en lui, au mépris de tous codes de conduite envers son bienfaiteur.


– C'est justement pour éviter que de telles atrocités se reproduisent que nous te demandons de te joindre à nous. Nous les anciens sommes trop faibles pour nous battre maintenant, c'est pourquoi je veux former une nouvelle génération de samouraïs qui prendra la relève pour affronter les Shien. Et je te propose d'en faire partie. Tu seras logé, nourri, équipé et entraîné.


– Je ne veux pas de votre charité, rétorqua Zanji. Mon nom ne sera pas associé à celui de lâches comme vous qui se sont fait oublier par peur de combattre les Shien. Je ne vois pas d'autre explication à votre absence ces dix dernières années. Merci de m'avoir recueilli, mais ça s'arrête là. Je rentre.


Le Grand Maître resta silencieux. Alors que Zanji allait quitter la pièce, il ajouta :


– N'oublie jamais que l'union fait la force. Tu seras toujours le bienvenu ici. Traverses la forêt au sud de cette demeure et tu devrais retrouver ton village.


Zanji écouta le vieil homme et partit, sans même un merci ou un au revoir. Kamon, toujours devant l'entrée, l'assaillit de question :


– Alors, ça c'est bien passé ? Tu vas nous rejoindre ? Quoi, tu pars déjà ? Mais c'est la nuit tu sais ! Tu veux pas rester ici pour la nuit ? Non ? Tu es sur ? Hé, prends une arme, au moins, il peut y avoir des créatures hostiles dans la forêt à cette heure ! Quoi, pas d'arme non plus ? Bon, bon, prends la petite prote à gauche alors, ça donne sur la sortie…


Après avoir une énième fois répété « Non » à Kamon, Zanji se trouva enfin dehors, seul, avec ses quelques effets personnels qu'il avait récupéré entre temps. Il regarda rapidement derrière lui : on ne pouvait distinguer dans la nuit qu'une masse sombre là où se trouvait la demeure. De cette maison, il n'avait vu qu'un couloir et deux chambres, mais c'était suffisant. Ces homme qu'il avait croisé, ceux que l'on croyait disparus, n'étaient que des vestiges du passé.


Il prit le chemin de la forêt, décidé à aller de l'avant.


Depuis la fenêtre de sa chambre, le Grand Maître observait Zanji quitter la résidence. Le chambellan l'avait rejoint :


– Alors il est parti….Kizan ?


– Oui. Décidément, il ressemble vraiment à cette fameuse personne….

Tout aussi fougeux et têtu que « lui » à ses débuts.


– Espérons seulement que Zanji n'empruntera pas la même voie que « lui »…


– Non, je ne pense pas. Il reviendra, j'en suis convaincu.




blackexpert
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [01/07/2015] à 11:42

Parfait ! quand poste tu la suite ?


Quadriforce
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [01/07/2015] à 11:50

Pas demain pour cause japan expoïenne ni cet aprem car pas le temps mais j'en mettrai 2 à la suite vendredi pour me faire pardonner :mrgreen:


blackexpert
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [01/07/2015] à 11:52

Daccord super vivement vendredi alors


trugun
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[Fic] La légende des Six samouraïs posté le [01/07/2015] à 12:26

Je ne trouve pas de conseil à donner sur ce chapitre, je le trouve très bien, impatient de lire la suite ^^


Spoiler :

Gagnant de 2 awards. Moi, déjanté? Je vois pas :3
Merci à toi, Xav, d’avoir répondu à toute mes questions et de m’avoir permis de devenir bon en ruling, comment te remercier <3
Et Dai, si tu lis ma signature, réautorises les messages privés
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