Une longue journée de cours se terminait. Comme chaque jour, je rangeais mes affaires pour rentrer chez moi, par le même chemin, en croisant les mêmes personnes. La vie quotidienne aurait pu continuer ainsi éternellement, jamais je n’aurais vu le monde changer autour de moi. Les lendemains étaient identiques aux aujourd’hui : les cours, les amis, la maison…
-Drago-Chan ! M’interpella une voix alors que je franchissais la porte de la salle de classe.
Je me retournai et je vis une fille aux yeux vairons – bleu et vert – et aux cheveux tellement noirs qu’ils en paraissaient bleus, accourir vers moi, un grand sourire aux lèvres. Je m’arrêtai quelques instants pour l’attendre.
-Asuna, que se passe-t-il ? Demandai-je d’un ton neutre.
La jeune fille rougit et commença à se dandiner d’un pied sur l’autre. Que voulait-elle encore ? Quand elle prenait ce genre de pose, c’était toujours mauvais signe en général, et comme elle était ma meilleure amie, je ne pouvais rien lui refuser…Non, Ma seule amie en vérité…
-Dis…Je me disais…j’organise une fête ce soir…et tu pourrais peut-être…tu sais…
-Tu veux que je vienne, c’est ça ?
-Tout à fait ! Alors, tu en dis quoi ? Me demanda-t-elle avec un grand sourire.
Je soupirai.
-Dis, nous serons combien exactement ?
-En comptant le chien…trois !
-Je n’ai pas le choix j’imagine…
-Parfait ! Ca commence à vingt-heures, tâche de ne pas être en retard !
Asuna me donna une enveloppe avant de partir joyeusement à travers les couloirs de l’école. Je ne l’ouvris même pas, connaissant déjà le contenu à l’avance. Pourquoi se compliquait-elle la vie avec des choses aussi formelles que celles-là alors que nous nous connaissions depuis le primaire ?
Je rangeai son invitation dans mon sac et je repris mon chemin pour rentrer.
Je connaissais à présent chaque arbre, chaque buisson bordant la route de l’école. Cependant, ce jour-là, il y avait quelque chose de différent dans l’air. Je regardai autour de moi, tout était identique à d’habitude ; une longue route de bitume droite, avec au loin la fumée du centre de recherches où travaillait mon père. Il était ingénieur dans l’aérospatial. Son rêve était de trouver une nouvelle sorte d’énergie qui révolutionnerait le monde. Un beau rêve en soi, mais presque irréalisable malheureusement.
Un détail me frappa alors : il n’y avait presque personne sur cette route si animée d’ordinaire. Ce n’est pas que la solitude me pesait, au contraire j’aimais le calme, mais ce silence-là avait quelque chose d’oppressant, presque terrifiant. Etait-ce dû à une fête à laquelle tout le monde était invité sauf moi ? Ou bien un spectacle en ville ? Quoiqu’il en fût, cela ne m’intéressait guère, j’avais simplement envie de rentrer chez moi. Je continuais donc ma marche sur ce long chemin noir, seul…
J’arrivai chez moi, comme chaque jour, sauf que cette fois-ci, la porte était grande ouverte. Normalement, ma mère prenait toujours soin de la fermer à double tour avant de sortir, ce qui devait signifier qu’elle était encore là.
A peine entré, je l’appelai, mais aucune réponse ne me parvint. Tout ce silence devenait réellement inquiétant. Où étaient-ils donc tous passés à la fin ?
J’entendis alors des pas dans le jardin. Je me précipitai, pensant qu’il s’agissait là de ma mère et qu’elle pourrait m’expliquer ce qu’il se passait, mais à la place, je trouvais deux hommes en blouse blanche. Des voleurs ? Non, leur expression était plus triste que terrifiée.
-Etes-vous Drago Mio ? Demanda l’un des deux.
-Euh, oui, c’est moi ; répondis-je déconcerté.
Les deux hommes se regardèrent alors dans les yeux tristement, et celui qui n’avait pas encore parlé prit un air réellement désolé.
-Je…Nous ne savons pas vraiment comment vous l’annoncer mais… votre père, notre collègue, a eu un accident lors de sa dernière expérience sur des noyaux de Crypton.
Mon cœur rata un battement. Devant mon expression affolée, l’homme continua d’une voix plus douce, mais également plus triste.
-Votre… votre mère et votre sœur étaient malheureusement à son laboratoire au moment de l’explosion. Elles n’ont pas survécu, elles non plus…
Un grand vide se fit en moi et les larmes commencèrent à couler sur mes joues. L’homme continuait à parler, mais je n’entendais plus ce qu’il disait. Tout autour de moi n’était que néant. Bientôt, ma vue fut brouillée elle aussi par le flot de larmes. Je ne pouvais pas bouger, je ne pouvais pas parler, je ne pouvais rien entendre. Je ne ressentais plus qu’un seul sentiment, le désespoir. Pourquoi ? Pourquoi étaient-ils tous partis ? Pourquoi devais-je être le seul à me tenir encore debout ici alors qu’eux n’étaient plus ? Les rejoindre, voila tout ce qu’il me restait à faire à présent. Plus rien ne me retenait après tout.
J’attendis que les hommes partent, sans dire un mot. Je n’avais que faire de leur compassion. Ils pouvaient bien s’excuser, il était trop tard à présent, rien ne changerait le passé ! Voilà ce que je voulais leur crier, mais aucun son ne sortait de ma bouche.
Ils s’éclipsèrent enfin une fois la nuit tombée, me laissant un petit papier entre les mains. Certainement leur numéro de téléphone ou une bêtise du genre. Je ne le regardai même pas et je le déchirai en mille morceaux.
J’entrai chez moi, tout était à sa place. Si je n’avais rien su, j’aurais pensé que ma famille était simplement sortie et qu’elle reviendrait bientôt. Je montai les marches de l’escalier, mes jambes semblaient de plomb, chaque pas était un supplice. J’aurais pu en finir rapidement, mais je n’eus pas le courage d’entrer dans la cuisine.
Je passai devant la chambre de ma sœur, et je vis la porte entrouverte. Devais-je entrer ? Je pouvais bien la voir une dernière fois.
La pièce était identique à elle-même, toujours en désordre, des livres éparpillés partout et le lit non fait. Je déplaçais légèrement les affaires de son bureau pour les remettre un peu en ordre, lorsque je vis une lettre au nom de « Drago ». Mon cœur se mit à battre plus fort. Non, c’était impossible qu’elle ait su cela avant que ça n’arrive !
Je sortis le papier de l’enveloppe et je commençai à lire :
« Drago,
Si tu lis cette lettre, c’est que le pire est arrivé pour moi et pour nos parents. Je sais que tu vas tenter de nous rejoindre, mais, avant que tu ne commettes l’irréparable, il y a quelque chose dont j’aurais aimé te parler en face à face et que tu dois savoir : notre mission ici n’est pas terminée, et tu es à présent le seul à pouvoir l’accomplir. C’est pourquoi, il FAUT que tu restes en vie ! Tu trouveras joint à cette lettre la clé de cette énigme.
Nous serons toujours à tes côtés, quoi qu’il arrive
Ta sœur, Théa »
Un petit bout de carton tomba alors de l’enveloppe que je tenais entre mes mains. C’était une carte que ma sœur affectionnait particulièrement provenant de son jeu préféré : la magicienne des ténèbres.
Elle suffit à soulever mille questions dans mon esprit. Pour moi, tout cela n’avait aucun sens. Il s’agissait certainement d’une blague… mais elle aurait été de très mauvais goût dans ce cas-là.
Je contemplais longuement la carte et je finis par lui trouver une ressemblance avec ma sœur. Aussi belle et pleine de malice qu'elle. Elle possédait la même grâce et la même élégance avec une touche de fermeté mais surtout de la douceur émanait de leurs deux visages. Je m'endormis alors avec cette pensée et cette phrase en tête "nous serons toujours à tes cotés quoi qu'il arrive". Que voulait-elle dire par là ? Encore une question qui restait sans réponse
Origames
Lotus Noir
Shaan-RPG
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