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[Fic]L\'achèvement du Destin
heart earth
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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [03/08/2016] à 00:36

Chapitre 33 : Saya ; Accepter la réalité



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=kQuEOHbNDfI

Jamais je n’ai aimé mes parents. Et jamais ils ne m’ont aimé. Pour moi, la famille était une chose étrangère, bizarre. Je ne comprenais pas les liens qui reliaient les parents aux enfants, car ils n’existaient tout simplement pas pour moi. L’amitié, l’empathie, l’amour, l’affection, je pouvais comprendre tous ces sentiments, et je les ressentais. Mais pas pour des étrangers, même si ceux-ci m’avaient mis au monde.

C’est pourquoi, alors que nous marchions dans un long couloir au cœur même de cette sphère démoniaque, je ne comprenais pas la peine qui écrasait actuellement notre leader.

Comme l’avait prédit Miyako, l’assaut avait été un succès et, alors que les autres s’occupaient des monstres à l’extérieur, nous en avions profité pour nous introduire à l’intérieur de la sphère sans attirer l’attention.

Il faisait sombre. Très sombre et notre seule source de lumière était une flamme allumée par Hélios, nous laissant entrevoir un long canal rempli d’un liquide poisseux qui nous arrivait jusqu’aux genoux, comme si nous progression à l’intérieur d’une gigantesque artère. A intervalles régulier, nous pouvions entendre comme des battements de cœur au loin et des petites vaguelettes se formaient dans le liquide. L’odeur était nauséabonde mais cela était le dernier de nos soucis.

Nul ne disait un mot. L’ambiance était lourde. Tout le monde était sur ses gardes, à l’affut du moindre danger. Mais Laura, elle, avançait la tête basse, d’un pas lent, seule devant nous.

Soudain, un cri de terreur et le bruit d’un corps lourd tombant dans l’eau résonnèrent derrière nous et nous nous retournâmes en sursaut, prêts à nous battre.

Cependant, tout ce que nous vîmes fut Hélios, étalé par terre dans le sang de créature, l’air sonné.

Darksky soupira.

-Sérieusement…C’est quoi votre problème, Hélios…

-Tu devrais faire attention à toi, mon cher Darksky ; se contenta de répondre notre ancien chef avec un sourire malicieux.

Mon ami pencha la tête sur le côté, déconcerté. Une seconde plus tard, celui-ci s’étala sur le sol à son tour et je ne pus m’empêcher d’éclater de rire alors qu’il se noyait presque alors qu’il avait pieds.

Après avoir recraché un bon litre de liquide, Darksky ressortit sa tête de l’eau, l’air totalement perdu.

-Qu’est-ce qui…

-Des antigènes ; répondit le roi avant toute question. Enfin, en quelque sorte. Nous sommes à l’intérieur d’un être vivant après tout.

Je n’eus même pas le temps de dire un mot que je ressentis à mon tour comme une sorte d’anguille juste sous mes pieds et je perdis l’équilibre pour boire la tasse à mon tour.

Je ne m’étais pas trompée…Ce liquide avait bien le gout de sang…

Je toussai plusieurs fois afin d’être certaine d’expulser cette horreur de ma bouche et grimaçai, mécontente d’avoir été surprise aussi.

-Laura, tu devrais…

-J’ai compris ; me répondit-elle d’une voix sans émotion.

La jeune fille activa aussitôt ses pouvoirs et gela entièrement le sang de la créature tout autour d’elle, empêchant ainsi ces…choses de s’en prendre à elle.

-Vous feriez mieux de vous préparer au combat les enfants, des anticorps vont bientôt arriver à leur tour ; reprit Hélios en essorant sa cape sans avoir l’air inquiet pour autant.

-Des…anticorps ? Répétai-je, perdue.

-Tu n’écoutais pas en cours de SVT cette année Saya…Je me trompe ? Soupira à nouveau Darksky.

-Des cours de quoi ? On a une matière comme ça à l’école ? Je n’avais jamais remarqué ; m’étonnai-je en fouillant dan ma mémoire.


https://www.youtube.com/watch?v=Y8sQu1N406c


Darksky n’eut même pas l’occasion de me répondre. Un instant plus tard, le liquide rougeâtre dans lequel nous pataugions se mit à bouillir et des formes qui ne nous étaient pas inconnues en sortirent. En effet, les êtres qui nous apparurent possédaient les corps et les visages de nos amis…Une copie de Marie se présenta à Darksky, tandis que devant moi se dressa une seconde Iori. Hélios, lui, faisait face à une grande femme portant un diadème et une longue robe de sang. Et ces trois personnes se multipliaient rapidement, jusqu’à épuiser tout le liquide coulant dans la veine du monstre.

Sans réfléchir une seconde, j’activai les pouvoirs de Luminion et, dès qu’ils le sentirent, les clones passèrent à l’offensive.

Ainsi, « Iori » tenta de m’asséner un violent coup d’épée mais je parai aisément le coup en attrapant la lame entre mes mains puis je déchargeai toute mon énergie d’un seul coup. La créature de sang explosa mais fut aussitôt remplacée par une autre.

Cette fois-ci, elle me lança un jet de sang bleu que je tentai d’arrêter également. Cependant, lorsque la substance entra en contact avec ma peau, je hurlai de douleur. Ce n’était pas du sang…Mais de la lave…

Je reculai vivement, me tenant mon bras brûlé, mais derrière moi, je ressentis un puissant courant d’air qui me renversa et me plaqua au sol.

Je compris alors que ces choses n’avaient pas que copié les apparences de nos amis…Mais également leurs pouvoirs…

Je me remis débout, prudente, tout en lançant un regard furtif à Darksky. Le clone de Marie esquivait aisément toutes ses attaques, exactement comme l’originale, tandis qu’Hélios croisait le fer à armes égales avec son adversaire.

Seule Laura ne bougeait pas. Elle regardait toujours dans le vide, sans être attaquée pour autant, comme si les défenses immunitaires du monstre ne l’avaient pas repérée.

Soudain, je sentis le sol trembler sous mes pieds et je sautai juste à temps pour éviter un jet d’eau bouillant sortant de la veine.

Pendant que j’étais encore dans les airs, d’une pirouette, je me retournai et lançai un rayon de lumière sur l’un des clones. Je me réceptionnai aisément sur mes mains et enchainai immédiatement avec un coup de pied sur un second clone et terminai en transperçant le corps du troisième avec mon simple poing.

A peine touchées par mes attaques, les créatures se liquéfièrent et je souris, contente de voir que je n’avais pas perdu la main.

Mais le travail était encore loin d’être terminé. Car aussitôt retournée à l’état de liquide, ces choses se reformèrent instantanément, toujours plus nombreuses et toujours plus agiles dans leurs attaques.

Heureusement, je connaissais le style de combat de Iori et, à présent que j’avais compris ce qu’il se passait, je pus esquiver aisément les rayons de lave, vapeur et autres attaques élémentaires.

Je sautai, glissai, tournoyai dans les airs telle une danseuse pour ne pas me faire toucher puis j’enchainai les attaques plus violentes les unes que les autres.

Au bout d’une cinquantaine de clones vaincus, je commençai cependant à fatiguer. Tout mon corps était en sueur. Ma respiration était saccadée. Malgré mes efforts, je n’avais pas réussi à éviter tous les coups et de petites blessures parsemaient ma peau.

Soudain, alors que mes adversaires se reconstituaient une fois de plus et que Darksky passait près de moi, une idée stupide me passa par la tête.

J’attrapai mon ami par le col et échangeai de place avec lui pour faire face à Marie.

-Darksky, Switch comme on dit dans les RPG !

-Q…Quoi ? S’étrangla-t-il, interdit.

Je ne lui répondis pas et me jetai sur son adversaire sans réfléchir. « Marie », devant ce changement imprévu, resta simplement figée et prit mon attaque de plein fouet sans même se défendre. Je n’en restai pas là et, voyant qu’Hélios n’arrivait pas non plus à se débarrasser de son adversaire, j’attaquai la femme par derrière et elle s’évapora comme toutes les autres créatures de sang.

-Besoin d’aide, Hélios ? Lui lançai-je d’une voix moqueuse.

-Il vous en aura fallu du temps pour comprendre la faiblesse de ces anticorps ; railla le roi d’un air confiant.

-Parce que vous l’aviez comprise dès le départ, vous ?

-Qui sait, ma chère Saya.

Sans ajouter un mot de plus, j’échangeai une nouvelle fois d’adversaire et me retrouvai face à cette femme portant le même style vestimentaire que l’ex roi.

Elle tenta de m’attaquer mais je n’eus aucun mal à défier sa lame et la détruire d’une rafale d’énergie. De même, Darksky s’était débarrassé sans problème de Iori et Hélios de Marie. Mais, même si nous n’avions plus de mal à détruire ces choses, nous ne pouvions pas avancer pour autant…

Mais, pendant que je cherchais une nouvelle solution à ce problème, la température chuta brutalement. Je me tournai sans réfléchir vers Laura et je la vis entourée d’une puissante aura blanche. Rapidement, la glace à ses pieds se mit à s’étendre et enveloppa les créatures de sang. Darksky profita de leur immobilisation pour les détruire mais cette fois-ci, elles ne revinrent pas et restèrent au sol, incapable de se reconstituer sous forme solide.

-Tu aurais pu faire ça plus tôt quand même ; râlai-je en gonflant les joues.

Laura ne répondit pas et reprit sa route dans le silence le plus total.

Je rageai intérieurement que mon amie m’ignore de la sorte. J’avais bien envie de l’attraper par le col et de lui mettre la tête dans un seau d’eau glacée pour lui remettre les idées en place mais Darksky ne m’aurait jamais laissée faire.

Il me fallait un plan pour rendre le sourire à Laura. Certes, nous étions au beau milieu de ce qu’on pouvait appeler « la bataille finale », mais dans cet état, elle n’allait pas être plus utile que les scorpions noirs…Et puis, c’était déprimant de la voir ruminer seule dans son coin ! L’intérieur de ce monstre n’était déjà pas joyeux, je n’avais pas besoin d’encore plus de mauvaises ondes.

Alors que Laura avançait seule sans se préoccuper de moi, je baissai les yeux vers les créatures de sang congelées et une illumination traversa mon esprit.

En toute discrétion, je ramassai un bout par terre et le lançai de toutes mes forces sur la fille de glace.

-Attention, attaque surprise ! M’écriai-je.

Aussitôt, une nouvelle créature de sang pris forme devant nous mais cette fois-ci, elle revêtit un nouveau visage. Laura s’arrêta net et tout son corps se mit à trembler quand, devant ses yeux, Shadow lui barra la route.

Mon amie n’eut même pas le temps de réagir que la copie de son père, à moitié fusionnée avec Darkness Shadow, lui asséna un violent coup de griffe au ventre.

Laura s’effondra sur le sol en crachant une gerbe de sang mais ne fit rien pour se protéger davantage. Evidemment, Darksky vola à son secours et détruisit la créature. Mais j’avais atteint mon but.

-Laura, est-ce que tout va bien ? S’affola mon ami. Ta blessure…tu dois…

La jeune fille ne répondit rien et, bien que son adversaire ait disparu, elle continuait à trembler de tous ses membres.

Je lançai un regard vers Hélios qui compris immédiatement où je voulais en venir.

-Darksky, cet endroit n’est pas sûr. Nous devrions partir en éclaireurs. Saya et Laura, restez ici, nous ne serons pas longs.

-Non, hors de questions, je reste avec…

Sans lui laisser l’occasion de protester, le roi empoigna Darksky par son manteau et le traina derrière lui comme un vulgaire sac de patates.

J’attendis que les deux hommes eussent disparu complètement dans les entrailles de ce monstre pour enfin m’approcher de Laura.

Celle-ci ne semblait même pas avoir remarqué que nous n’étions plus que deux et continuait à regarder devant elle l’endroit où, quelques instants auparavant, se trouvait la copie de son père défunt.

Je n’étais pas certaine de pouvoir faire quelque chose désormais, mais je ne pouvais pas le savoir sans avoir essayé.

Je claquai plusieurs fois des doigts devant les yeux de mon amie et après plusieurs secondes, la jeune fille revint enfin à elle.

-Je…désolée Saya…J’ai eu un moment d’absence…

-Merci, je n’avais pas remarqué ; raillai-je.

Laura tenta de se relever mais sembla enfin se rendre compte de sa blessure et elle retomba au sol. Bon…Je n’avais pas prévu une telle blessure mais j’allais m’en accommoder…Au moins, j’étais certaine que Laura ne tenterait pas de me fausser compagnie.

-Désolée…Je ne suis vraiment pas d’une grande utilité en ce moment…

-Arrête de t’excuser s’il te plait, ça me met mal à l’aise. En général c’est moi qui m’excuse pour mes bêtises ; grimaçai-je.

Cela arracha un léger sourire à la brune et nous nous assîmes simplement contre la paroi de l’artère en attendant le retour des garçons.

Dans un premier temps, aucune de nous deux ne dit mot. Laura n’avait pas l’air d’avoir envie de parler et je n’étais vraiment pas douée pour trouver des mots de réconfort, surtout lorsqu’il s’agissait de famille. Mais finalement, après plusieurs minutes de silence uniquement rythmé par le bruit des gouttes de sang s’écrasant sur le sol, je décidai d’entamer maladroitement la conversation.


https://www.youtube.com/watch?v=EJxumxfp6NA


-C’est amusant, c’est la première fois que nous nous retrouvons uniquement toutes les deux j’ai l’impression ; ris-je.

-En effet…Me répondit-elle d’une voix lasse.

Je fus légèrement déconcertée par cette réponse froide mais j’enchainai immédiatement.

-Tu sais, ça fait longtemps que je voulais te le dire…mais tu es bien différente de ce que Darksky me décrivait à l’époque !

Laura tourna son regard vers moi, une once d’intérêt dans ses yeux, ce qui me redonna de l’entrain pour continuer.

-Oui ! il te décrivait comme sa complice, toujours enjouée et prête à botter les fesses des brutes dans le parc ! Il m’a même raconté comment une fois tu as fait fuir un garçon simplement en le saluant !

Le sourire sur le visage de la brune s’élargit un peu et ses yeux commencèrent à retrouver de leur éclat.

-Il n’avait pas tort…lorsqu’il m’a connue, j’étais comme ça…

-Oh, donc c’était vrai aussi quand il m’a dit qu’un jour, tu as invoqué Homme haricot Jerry et que ton adversaire a abandonné ?

Son sourire s’effaça aussitôt pour faire place à une honte non dissimulée.

-Non me rappelle pas que je jouais cette carte s’il te plait…

Je ne pus m’empêcher de ricaner bêtement et Laura s’empourpra davantage.

-C’est bon, on a tous le droit de débuter un jour ! Protesta-t-elle.

-Je ne me rappelle pas avoir un jour joué une carte aussi stupide ; rétorquai-je avec un sourire malicieux.

La jeune fille serra les dents et détourna le regard.

-De toute façon, Darksky raconte n’importe quoi, je n’ai jamais joué cette carte de ma vie ! Et il ne t’a jamais dit qu’il ne savait même pas jouer avant de me rencontrer je suis certaine !

Je ne répondis rien et me contentai de lui lancer un large sourire. Laura dut comprendre où je voulais en venir car elle se calma puis soupira longuement.

-Tu vois que tu peux penser à autre chose que broyer du noir quand tu ne t’enfermes pas sur toi-même ; lui lançai-je joyeusement.

-Alors c’était ça ton plan…Tu es vraiment désespérante Saya…

-Mais ça a marché au moins ; répliquai-je, fière de moi.

-Ce n’est pas parce que tu caches les larmes derrière un sourire qu’elles disparaissent pour autant, Saya ; reprit mon amie en retrouvant son sérieux.

-Tout dépend de la personne à qui tu les caches ; ajoutai-je d’un air mystérieux.

-Que veux-tu dire ? S’étonna Laura en fronçant les sourcils, dubitative.

-Alors là, je n’en ai pas la moindre idée ! Hélios m’a dit ça quand il m’a rencontrée mais je cherche encore ce qu’il voulait me faire comprendre ! M’exclamai-je en éclatant de rire.

La jeune fille eut l’air totalement déconcertée en entendant cela. Certainement s’attendait-elle à ce que je lui sorte une explication philosophique, mais je n’aimais pas me perdre en long discours moralisateurs. D’autant plus que je n’étais vraiment pas certaine d’avoir compris le message d’Hélios à l’époque…

Mais ces simples mots suffirent à faire dévier la conversation sur un terrain inattendu pour moi.

-Dis…Je sais que tu as rencontré Darksky lorsque vous étiez partenaires…Mais pourquoi as-tu rejoint l’armée d’Hélios ? Autant, quand j’ai aidé mon père, c’était à cause de nos liens familiaux…Mais toi ?

-Je pourrais te retourner la question tu sais. Pourquoi vos liens familiaux justifiaient-ils que tu le suives alors que tu n’adhérais pas à ses idées ?

-Je ne peux pas l’expliquer…Mais même s’il a fait des choses horribles, qu’il était parfois stupide et qu’il a souvent négligé son rôle de père…Je l’aimais par-dessus tout…Alors je l’ai suivi…

Je fermai un instant les yeux et souris.

-Et bien dans ce cas, je répondrais la même chose que toi. Hélios était stupide, vaniteux, possédé par ses idées de vengeance et me traitant souvent comme un simple outil…Mais il était la seule personne à m’avoir tendu la main lorsque mes propres parents m’avaient abandonnée.

-Tes…Parents t’ont abandonnée ? Bégaya Laura, abasourdie. Je…Je ne savais pas…

-Oh, tu sais, je ne le vis plus mal depuis longtemps. J’ai appris à vivre avec. Mais voilà, Hélios est la seule famille que j’ai, c’est ainsi ; déclarai-je en haussant les épaules. Même si je dois t’avouer que ce n’est pas facile tous les jours de devoir s’occuper d’un abruti fini.

-Oui…Darksky peut le confirmer…Murmura Laura en riant.

-Je ne plaisante pas, sans moi, Hélios n’aurait toujours pas compris comment faire fonctionner son téléphone ni comment allumer la lumière !

-C’est sûr que seule toi pouvais lui apprendre des choses aussi compliquées…

-Tu ne crois pas si bien dire Laura, j’ai mis au moins deux mois à apprendre à me servir de mon Smartphone et lui presque six !

-Je n’aurais jamais cru qu’un smartphone puisse être plus intelligent que son propriétaire…

-On parle d’Hélios je te signale !

-Oui…évidemment, on parle d’Hélios seulement ; sourit mon amie.

Un court silence suivit, silence pendant lequel le visage de Laura reprit quelques couleurs et son regard vert émeraude se ralluma complètement.

-Merci Saya…Grace à toi, je viens de comprendre quelque chose d’important…

-Vraiment ? M’étonnai-je.

-Oui, je suis triste d’avoir perdu mon père. Oui je m’en veux de ne pas avoir pu le sauver. Oui, j’ai fait une erreur en ne profitant pas du peu de temps que j’avais avec lui…Mais je me rends compte qu’en me morfondant, je continue à faire les mêmes erreurs et à gâcher mon temps avec vous alors que demain, on ne sera peut-être plus là.

-C’est…vraiment très optimiste comme vision des choses ; hésitai-je, n’ayant pas de meilleurs mots.

-Oui…Je suis peut-être trop pessimiste…Dans ce cas, je vais te proposer un deal puisque tu aimes tant ça : Si tu me bats aux jeux olympiques, je ferai ce duo avec toi à la fin de l’année, sur la chanson que tu veux, qu’est-ce que tu en dis ?

-Tu…es un peu optimiste là tu sais ?

-Tu te plaignais que je sois différente de celle que te décrivais Darksky, eh bien maintenant tu l’as en face de toi !


https://www.youtube.com/watch?v=cikD4AvGuH4


Ce fut à mon tour de lâcher un soupir. Laura venait d’aborder un sujet que je redoutais depuis le début de cette année. Pour l’instant, je n’en avais parlé qu’à Iori pour ne pas inquiéter les autres, mais elle ne me laissait à ce moment-là, pas le choix comme je ne voulais pas faire une promesse que je ne pouvais pas tenir.

Je détournai alors le regard et me grattai la joue d’un air gêné.

-Justement…en parlant du concert de fin d’année…je voulais te le dire…mais je ne suis pas certaine de pouvoir être présente…

-Vraiment ? Mais tu avais l’air tellement impatiente à cette idée pourtant…Il y a un problème ?

-Non, rien de bien grave…mais…

Je marquai une pause, cherchant les mots les plus appropriés pour lui annoncer mais rien de subtil ne me vint à l’esprit.

-Je…j’ai été acceptée dans une université à Néo Domino City et je dois commencer à chercher un appartement là-bas, je n’aurai sans doute pas beaucoup de temps une fois les jeux terminés !

-Si ce n’est que ça, on peut t’aider pour te faire gagner du temps, je suis certaine que Darksky…

-Je ne veux pas vous embêter avec ça ; la coupai-je en me forçant à sourire. Profitez de la fin de l’année. On se dira certainement au revoir pendant les jeux olympique…et je viendrai vous voir pendant mes vacances de toute façon !

-Saya…

Le regard de Laura se voila. Je me doutais bien qu’elle avait compris ce qui se tramait réellement mais il m’était tout de même impossible de lui révéler toute la vérité car je ne pouvais pas moi-même l’accepter et j’avais encore une lueur d’espoir de pouvoir changer le destin…

-Soit…je comprends…ça va faire bizarre sans toi tu sais…Je commençais à m’habituer à ta bê…ta joie de vivre…

-Oh, mais ne t’inquiète pas, je suis encore là pendant quelques temps pour vous entrainer avec moi dans mes plans foireux ! Et puis, ne te plains pas, sans moi, tu as le champ libre avec ce cher Darksky !

La jeune fille s’empourpra et détourna le regard en gonflant les joues.

-Je…Je ne vois pas de quoi tu parles…ce n’est pas comme si j’avais été jalouse de vous deux et que j’avais voulu être à ta place dans l’armée d’Hélios de toute façon !

-Je n’ai jamais prétendu ça il me semble…

La gêne de Laura s’intensifia et elle continua à se défendre maladroitement jusqu’au retour de Darksky et Hélios. A en juger par la tête de mon partenaire de mission, ainsi que l’odeur de brûlé qui émanait de ses vêtements, les choses n’avaient pas été paisibles de son côté non plus.

Lorsque je croisai le regard du roi, je ne pus cependant m’empêcher de lui sourire bêtement. Oui, je n’avais pas de famille et je ne pouvais pas comprendre les liens qui unissaient Laura à son père. Mais cela ne changeait rien au fait qu’Hélios avait été le seul à me tendre la main alors que j’étais au plus bas, et pour cela, je lui étais éternellement reconnaissante…Même s’il pouvait être vraiment fatigant par moment…Peut-être était-ce cela, ce que Laura appelait « liens familiaux » après tout…


https://www.youtube.com/watch?v=oA_eCPHsar0


Soudain, alors que les garçons étaient en train de faire un rapport totalement vide de leur excursion, un puissant mal de crâne me saisit et je tombai à genoux tant la douleur était forte. Ma vision se brouilla et je ne pus voir que les silhouettes de mes amis se précipiter vers moi avant de perdre ma conscience de la réalité.

C’est alors que des images se mirent à défiler à toute vitesse dans mon esprit. Je vis Laura mourir de la main de Fuji Makoto, puis le monde des esprits se faire détruire. Je vis la naissance d’une enfant, rapidement suivie de ma propre mort, Iori rencontrant Shadow, puis trahissant Miyako avant de sauter dans une machine la ramenant à notre époque. Et tout redevint noir.

Lorsque je revins à moi, j’étais en sueur. Mon corps tremblait comme une feuille. Ma respiration était saccadée. Ma tête me faisait souffrir le martyr. Mes yeux me brulaient et je ne pouvais contenir les quelques larmes qui s’en écoulaient.

Etaient-ce des larmes de tristesse ? Ou bien était-ce la douleur qui consumait mon corps ? Je ne pouvais pas le dire.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu de vision. Mais celle-ci était différente de toutes les autres. D’habitude, je voyais des événements du futur. Et pourtant, cette fois, il ne s’agissait ni d’un événement à venir, ni d’un événement déjà terminé. Alors…D’où provenaient ces images ?…

-Saya…SAYA !

La voix de Darksky me tira de mes pensées et, encore tremblante, je relevai la tête vers mon ami.

-Je…Je vais bien, ne t’inquiète pas pour moi, ce n’était qu’une vision…

-Une…vision ? s’étonna Laura.

-Oui…C’est un pouvoir que je possède depuis toute petite qui me permet de voir le futur…Mais il se déclenche assez aléatoirement…

-Vraiment ? Donc tu as vu le futur ? Ne me dis pas qu’on va…

Je secouai la tête négativement. Ce que j’avais vu, personne ne pouvait le comprendre et pas même moi. Je ne voulais pas les inquiéter pour rien avant d’en avoir parlé directement avec Iori. C’est pourquoi, j’inventai un mensonge pour me débarrasser de la question.

-Non. Cela ne nous concerne pas de toute façon. J’ai simplement vu…Angéla partir droit dans le mur avec sa voiture pendant les jeux olympiques, haha !

Darksky soupira et Hélios haussa les épaules. Heureusement que tous les deux n’étaient pas bien malin ni suspicieux. Cependant Laura, elle, fronça les sourcils. Evidemment, après notre conversation, elle devait se douter de quelque chose mais elle n’insista pas davantage.


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Ainsi, nous reprîmes notre chemin au cœur des entrailles de ce monstre gigantesque et je me remis à penser à ma vision.

Même si je ne la comprenais pas entièrement, elle me confirmait néanmoins une chose, chose que je redoutais depuis que j’avais rencontré Luminion, deux ans auparavant. Que nous survivions ou non à cette catastrophe, cette aventure allait être ma dernière aux côtés de Darksky et des autres, et cela, je devais l’accepter.

-Désolée…Darksky…d’être revenue dans ta vie…Murmurai-je dans un murmure inaudible qui se perdit dans les ténèbres de ce long, long couloir de chair.



Chapitre 34 : Miyako, Bataille pour le monde des esprits



Spoiler :



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« Dan. Je tiendrai ma promesse. Je préserverai ce monde pour lequel tu as donné ta vie. Et ce, quel qu’en soit le prix à payer. »

Nous nous trouvions sur le toit de la forteresse originelle. L’immense structure avançait lentement vers la sphère des ténèbres ornant le ciel, telle une lune noire. Le vent soufflait fort, le froid était mordant, les ténèbres étaient omniprésentes.

A côté de moi, Hiroki regardait au loin avec appréhension. Nous n’avions pas besoin d’échanger de parole pour nous comprendre. Tout était sur le point de se terminer. Et tout était sur le point de commencer.

Des bruits de pas se firent entendre derrière nous et une voix féminine s’éleva par-dessus le sifflement du vent glacial.

-Tout est fin prêt, Miyako, tout le monde est à son poste ; déclara Serena gravement.

-Soit. Dans ce cas, je n’ai qu’une seule chose à dire.

Je pris une grande inspiration pour faire tomber la tension qui s’accumulait en moi depuis plusieurs heures et je prononçai ces mots qui nous firent entrer dans le chaos.

-Mission Ragnarök…Start !


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De la forteresse, un hurlement s’éleva et Gariatron s’envola au-devant pour tirer un puissant rayon d’énergie noir vers la sphère.

Dans le même temps, Satoshi fit apparaitre la base aérienne Qliphort, ainsi que de nombreux vaisseaux dans lesquels mes compagnons sautèrent pour se lancer à l’assaut de Noun. Nous nous déployâmes tout autour de la lune noire pour l’encercler entièrement et c’est à ce moment-là que je pris conscience de la taille réelle de notre ennemi.

Alors que nous nous approchions toujours plus près, je me sentis comme attirée par la force de gravité lié à cette masse énorme flottant dans le ciel.

Je serrai le poing. Que nous affrontions un ennemi de la taille d’une lune, d’une planète ou même d’une galaxie, cela ne changeait rien pour moi. Mon seul objectif était de préserver la paix sur cette terre et nul n’avait le pouvoir de m’en empêcher.

C’est alors que, tels des milliards d’abeilles, des monstres surgirent de Noun et nous foncèrent droit dessus.

Hiroki et moi activâmes nos pouvoirs en même temps et, tandis que je fus recouverte de l’armure dorée des chevaliers des étoiles, mon partenaire revêtit une sombre tunique mauve de laquelle s’échappaient des milliers de fils coupants comme des rasoirs.

-A toutes les unités, séparation maintenant !

A mes ordres, les différents vaisseaux brisèrent la formation circulaire et se mirent à virevolter autour de la sphère, avec derrière eux, des trainées de plusieurs millions d’esprits de duels.

J’avais réellement l’impression d’être une mouche affrontant une ruche toute entière devant le spectacle qui se déroulait devant mes yeux.

Il n’y avait pas de fin au déluge de monstres. Il en sortait toujours plus et la nouvelle vague se dirigea vers nous.

-Serena, à toi !

-Compris ! Viens à moi, Devyaty !

Le sol trembla sous mes pieds lorsque, entourant entièrement la forteresse, un immense serpent mécanique apparut. Sans sommation, le monstre de la jumelle cracha une gerbe de feu noir qui fut suffisant pour annihiler une escouade entière.

Je souris malgré la peur qui me prenait au ventre. J’étais bien contente à ce moment là de l’avoir dans notre équipe…Mais je redoutais à présent l’après bataille…

Néanmoins, à peine une vague avait-elle été détruite qu’une autre prit le relais, comportant cette fois-ci deux fois plus de monstres. Le serpent cracha une nouvelle gerbe de flammes mais, contrairement à la première attaque, il y eut des survivants qui s’approchèrent dangereusement de la forteresse.

Nous ne devions pas les laisser endommager notre vaisseau. Les démons se trouvaient encore à l’intérieur et ils ne pouvaient en aucun cas sortir avant d’être suffisamment proches pour ne pas être repérés.

-Apophis ! M’écriai-je.

-Apparemment, on ne peut pas se passer d’un dieu, même déchu ; ricana le serpent divin.

Devant notre embarcation, une minuscule silhouette entourée d’une sinistre aura violette s’éleva et fit face à l’armée de monstres, seul.

L’homme leva la main vers le ciel et les nuages se mirent à tourbillonner. Puis, d’un geste brusque, le dieu déchu abaissa son bras et la foudre s’abattit sur la nuée qui fut tout bonnement réduite en cendres.

Mais Apophis n’en resta pas là et recommença, encore et encore, faisant tomber le tonnerre sur tous les ennemis à moins de dix kilomètres de la forteresse…Et il semblait même y prendre du plaisir…

Enfin, cela ne me concernait pas. Tout ce qui comptait, c’était que notre progression était largement facilitée. Ainsi, nous accélérâmes tandis que Devyaty continuait à nettoyer le chemin juste devant nous.

-Bien. Maintenant, passons à la phase deux. Iori, Satoshi, les démons, c’est à vous !

-C…Compris ! Bégaya la jeune fille.

Apophis s’écarta légèrement de la proue de notre vaisseau et les murs de pierre s’écartèrent pour faire place aux démons guidés par Iori et cachant la présence de Satoshi derrière eux.

-Mes frères, aujourd’hui nous ne nous battons ni pour une idéologie, ni pour une vengeance ; entama Luminion. Nous nous battons pour notre foyer, pour notre monde. C’est pourquoi, laissons nos différents de côtés et ensemble, affrontons l’ennemi comme une seule entité !

Sur ces mots, le démon de lumière sauta dans le vide, reprenant sa forme originelle de Dragon qui fut suffisante pour illuminer le ciel comme en plein jour.

-Ridicule.

Gariatron fut le premier à suivre son frère et les autres démons entamèrent le pas. Tellas, Syphos, Pyros, Typhos, Luminion, Gariatron, les six démons originels fonçaient à présent droit vers Noun, écrasant sans pitié tout ce qui se trouvait en travers de leur chemin.

Alors qu’ils n’étaient tous plus que de minuscules points à l’horizon, une violente explosion retentit dans le ciel et la lumière de Luminion disparut.

Je souris. Nous y étions. Iori, Satoshi et les démons avaient réussi à pénétrer les défenses de la lune noire suffisamment rapidement pour que Fuji Makoto n’ait pas le temps d’envoyer des renforts.

Je tournai mon regard vers les vaisseaux restant mais plus aucun ne possédait de pilote. Laura avait dû réussir sa mission également.

A présent, il n’incombait qu’à Hiroki, Serena, Apophis, Arthur, Marie et moi de tenir les positions le temps que les autres réussissent leur mission à l’intérieur.

-Miyako à Arthur, nous passons à la phase trois.

Pas de réponse. Je fronçai les sourcils et parlai plus fort.

-Je répète, Miyako à Arthur Garden, est-ce que tu m’entends ?

Toujours rien. Je me tournai vers Serena, mécontente, mais la jeune fille eut l’air aussi surprise que moi.

-Je ne sais pas plus que toi ce qu’il fait ! Se défendit-elle.

-Bon, oublions-le pour le moment ; grognai-je. Marie, est-ce que tu détectes un changement d’attitude du côté de Noun ?

-Négatif Miyako ; me répondit la jeune fille avec sa désinvolture habituelle. Personne n’a repéré notre intrusion apparemment.

Je lâchai un léger soupir de soulagement. Le plan ne se déroulait peut-être pas exactement comme prévu mais au moins, notre objectif était atteint.

-Bien, continuons donc à…


https://www.youtube.com/watch?v=tNW9lmujZxU


Je fus coupée dans ma phrase par Marie qui reprit la parole, cette fois-ci d’une voix tremblante.

-Attends…Je viens de perdre les signaux de tous les Qliphort d’un seul coup…

-Comment ?! M’étranglai-je.

Je levai les yeux au ciel et mon cœur s’arrêta de battre un instant. Les monstres de Noun s’étaient écartés du champ de bataille et je vis les vaisseaux de Satoshi, fumant et clignotant faiblement, tomber lentement vers le sol, un énorme trou perçant leur coque d’acier.

-Qu’est-ce que…

-Attention Miyako ! Hurla Hiroki.

Mon ami me plaqua au sol et derrière nous, j’entendis le bruit d’une détonation et le cri de terreur de Serena. Lorsque je relevai les yeux, un énorme cratère s’était formé sur la forteresse originelle. Mais ce n’était qu’un détail lorsque, tournant la tête vers la jumelle, je découvris avec horreur que Devyaty avait été décapitée par cette attaque.

Je déglutis. J’avais peut-être légèrement sous-estimé la puissance de Fuji Makoto…J’allais devoir redoubler de prudence en affrontant cette chose.

-Marie, je veux que tu utilises toute notre puissance de feu en une seule attaque ; déclarai-je alors.

-Tu es sûre que…

-Oui Hiroki, je suis sûre.

Je n’avais aucune idée de la puissance réelle de Noun mais si je voulais le découvrir, il n’y avait qu’un seul moyen.

S’exécutant, Marie braqua tous les canons de la forteresse originelle. Selon les démons eux-mêmes, cette citadelle possédait un pouvoir suffisamment grand pour anéantir une ville de la taille de New York d’un seul tir.

-Feu !

Un rayon de lumière blanche fusa de la citadelle vers Noun et notre vaisseau recula sous la puissance de son propre tir. Les quelques monstres qui se trouvaient sur le chemin ne résistèrent pas une seule seconde, les canons fondirent instantanément sous la chaleur qu’ils dégageaient et même moi, je dus me protéger avec un bouclier d’énergie si je ne voulais pas être finir liquéfiée.

Lorsque le laser entra en contact avec la sphère noir, un éclat lumineux illumina le ciel plus fort que le soleil et la chaleur fit bruler les arbres en contrebas.

Lorsque la lumière se dissipa, je reculai d’un pas et faillis tomber à la renverse, interdite. A côté de moi, Hiroki ne se retint pas et tomba à genoux tandis que Serena tremblait comme une feuille.

-R…rien du tout…Murmurai-je.

-Im…Impossible ; bégaya Apophis, sous le choc comme nous tous. Impossible !

Comme perdant la raison, le dieu déchu se mit à faire pleuvoir la foudre sur la sphère des ténèbres mais il n’y avait rien à faire, elle n’avait même pas une égratignure.

Soudain, un rire grave s’éleva des cieux et le visage de Fuji Makoto, triomphant, se dessina tel un hologramme sur la surface de Noun.

-Pauvres fous. Vous pensez réellement être en mesure de faire face à celui qui est à l’origine des pouvoirs du monde des esprits ? Je vais vous montrer la véritable puissance du seul et unique roi de la terre des seigneurs ! Apparais, Noun !


https://www.youtube.com/watch?v=migpt_4aBjk


La sphère sombre se mit à trembler, sa surface se craquela, des éclairs noirs jaillirent tout autour et détruisirent le peu de monstres qui avait survécu au canon de la forteresse. Lentement, Noun s’ouvrit en deux et deux immenses ailes se déployèrent et laissèrent apparaitre derrière le corps recroquevillé d’une créature humanoïde. Ses yeux, tout d’abord éteints, prirent une teinte dorée et le colosse s’éveilla d’un sommeil millénaire.

Le moindre de ses mouvements entrainait une perturbation sur le monde des esprits. Tempête, tsunami, tremblement de terre, éruption volcanique, tous ces fléaux étaient en train de s’abattre en même temps sous nos pieds et tout ce que je pouvais faire, c’était observer, impuissante, le monde se faire avaler par les ténèbres.

Soudain, une onde de choc fit tanguer la citadelle comme un vulgaire bateau au milieu d’une tempête et la créature écarta les bras, enveloppant la terre d’une nouvelle voute céleste. Car en effet, le corps de Noun n’était pas noir comme la nuit, mais constellé de lueurs lointaines, comme des étoiles ou des galaxies sommeillant à l’intérieur même de ses membres. Lorsque le père des esprits de duel déplia ses jambes, il laissa apparaitre sur son torse une sphère lumineuse intense et si ardente que, même à des milliers de kilomètres, j’en ressentais la chaleur comme si on m’avait jetée dans des flammes.

Ce monstre ne possédait pas de visage à proprement parler. Il ne s’agissait que d’un crane noir parsemé d’étoile, possédant deux yeux brillant comme des soleils. Et sur son front scintillait une couronne de feu blanc.

Puis, dans un éclat lumineux, Noun s’enveloppa d’une aura incandescente et une auréole de lumière se dessina dans son dos.

J’avais du mal à regarder cette entité plus de quelques secondes sans devoir détourner le regard. C’était comme regarder le soleil droit dans les yeux…

J’étais à la fois fascinée et effrayée par la chose que nous devions affronter. Elle dégageait à la fois un immense sentiment de réconfort à travers la lumière qu’elle émettait…Mais également un puissant sentiment de désespoir à travers le vide infini qui constituait son corps colossal…

-Bonté divine…Murmura Hiroki, le souffle court.

-Noun…Que t’a-t-il fait…Grommela Apophis, serrant le poing jusqu’au sang.

La créature d’ombre et de lumière ouvrit alors la bouche et la voix triomphante de Fuji Makoto résonna de tous les côtés à la fois.

-Esprits de duel, humains, vous vous êtes admirablement bien battus jusqu’ici mais votre chemin n’ira pas plus loin. Anéantis-les, Noun !


https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY


Le titan poussa un rugissement déchirant les cieux son bras se mit à bouger pour se rapprocher lentement de la terre.

Mon visage, et ceux de mes partenaires, blêmirent en réalisant que, quoique nous fassions, jamais nous n’allions être en mesure d’arrêter un colosse de cette taille. Nous allions être broyés, et le monde des esprits avec nous…

-Si on m’avait dit que les choses se termineraient de la sorte…J’aurais au moins aimé être réintégré en terre des seigneurs avant de mourir ; ricana le serpent divin.

-Non, nous n’allons pas mourir ; rétorquai-je d’un ton ferme.

-Vraiment ? Vous les humains, possédez un étrange sens de l’humour.

-Nous devons simplement gagner du temps…Pour permettre à Darksky et autres de mener à bien leur mission…

-Plus facile à dire qu’à faire…

J’étais bien consciente que tout ce que je pouvais dire à ce moment là n’était que belles paroles et encouragements vides de sens. Mais au fond de moi, j’étais convaincue par ce que je disais.

Lorsque la main de Noun entra dans l’atmosphère, un bang sonique déracina les rares arbres encore debout et brisa les sommets des plus hautes montagnes. Sa mase était même si importante que je vis l’eau des mers et des rivières s’élever vers son poing, et même moi, je dus m’accrocher au sol de la forteresse pour ne pas être emportée…

-Miyako ! S’écria Serena, terrifiée, quels sont tes ordres ?! Miyako !

-Je…Je…

Je n’avais aucune réponse. La seule issue que je voyais pour sortir vivant de cette attaque était d’emprunter la brèche nous ramenant vers notre monde…Mais cela signifiait également laisser ce monde à son propre sort…Et je m’étais promise de ne plus jamais abandonner un combat !


https://www.youtube.com/watch?v=zx1Okb8QKOg


-Tenez les positions ! Hurlai-je. Utilisez toute votre puissance mais ne laissez pas ce monstre atteindre le monde des esprits !

-Mais…Miyako…

-C’est un ordre Hiroki !

Je puisai au fond de moi toute l’énergie dont j’avais besoin et mon armure rayonna de plus belle. Je saisis fermement la poignée de mon épée et me mis en position pour contre-attaquer alors que cette main titanesque menaçait à chaque seconde de s’écraser sur le sol et de nous balayer comme de vulgaires poussières.

Je lançai un regard à mon ami qui, d’abord dubitatif, se contenta de hausser les épaules et fit voltiger les fils autour de lui, comme des milliers de rubans. Serena, bien que tremblante, nous rejoignit, les mains enveloppées d’un feu sombre et les pupilles ayant viré au noir.

Depuis le poste de contrôle, Marie chargea à nouveau les canons et les braqua sur la paume du monstre géant.

-Apophis ! M’exclamai-je.

Dans un premier temps hésitant, le serpent prit place à nos côtés et s’entoura d’une aura sombre comme celle que possédait Gariatron.

-Darksky et les autres comptent sur nous. Nous ne pouvons…Nous ne devons pas perdre ce combat ! Galactic Laser !

De mon épée s’échappa un large rayon de lumière dorée, qui se mêla aux canons de la forteresse, la foudre d’Apophis, l’aura sombre de Serena et les fils d’Hiroki en une seule attaque surpuissante.

Ce fut comme si le monde entier tremblait sous la force et l’énergie dégagée de ce simple rayon. L’espace lui-même se déforma et commença à se déchirer, nous laissant entrevoir des bribes de nos mondes respectifs de l’autre côté.

Mais cela ne me découragea pas et, poussant un cri de rage, je redoublai d’intensité alors que la main du géant se rapprochait inexorablement du sol.

Lorsque notre rayon atteignit finalement la peau de Noun, une nouvelle onde de choc fit vaciller la forteresse et ébranla le monde des esprits tout entier.

L’espace d’une seconde, je crus que nous avions réussi à arrêter le colosse d’étoiles mais ce n’était qu’une illusion. Sa main n’avançait plus. C’était nous qui reculions ! Noun était en train de repousser la forteresse et je voyais le sol se rapprocher à grande vitesse !

-N…Nous sommes repoussés ! Bégaya Hiroki, affolé.

-Plus pour très longtemps ; rétorqua Serena.

La jeune fille fit un bon en arrière, nous laissant repousser la main du monstre et désactiva ses pouvoirs.

-Que fais-tu, humaine ? Rugit Apophis. Tu comptes t’enfuir ?!

La jumelle, pour toute réponse, s’entoura cette fois-ci d’une aura blanche et ses yeux virèrent au bleu azur tandis que, dans sa main se matérialisa une arme à mi-chemin entre un sceptre et une lance dorée.

Serena la pointa en direction de Noun et l’étrange arme se mit à scintiller de mille feux.

-Armageddon…Shift.

Une immense horloge apparut alors dans le ciel et l’aiguille des heures s’arrêta sur midi pile puis le son d’un gong se fit entendre au loin.

Au début, je ne constatai aucun changement mais après quelques secondes, je remarquai que l’aiguille des secondes s’était arrêtée…de même que l’avancement de la main de Noun.

-D…Dépêchez…vous…Articula difficilement Serena, le visage en sueur sous l’effort.

Il ne m’en fallut pas plus pour me convaincre et, puisant dans toutes les forces qu’il me restait, je brisai mon armure qui entravait mes mouvements et déployait toute ma puissante.

En chœur, nous poussa un autre cri de rage et le rayon de lumière s’intensifia pour devenir totalement aveuglant. Lentement, la main colossale se mit à s’éloigner. Mais, alors que je gardai un œil sur la pendule, je vis l’aiguille des secondes sursauter avant de se remettre en place.

Le temps pressait. Serena n’allait plus tenir très longtemps.

Une oscillation. Puis deux. Et cette main qui n’avait toujours pas quitté l’atmosphère. Que pouvions nous faire de plus ? Nous étions déjà à pleine puissante…


https://www.youtube.com/watch?v=_lf7C5sy1WQ


Tout à coup, j’entendis un bruit de verre se brisant et l’horloge dans le ciel disparut en même temps que Serena tomba à genoux, essoufflée et le visage blême.

-Dé…Désolée…

A peine Noun fut-il libéré de l’emprise de la jumelle que nous nous remîmes à perdre du terrain. Un par un, nous nous écroulâmes, nous aussi à bouts de forces et je me retrouvai seule encore debout à tenter de repousser en vain le titan…

Nous n’avions fait que gagner quelques minuscules secondes…Mais avait-ce été suffisant à Darksky et aux autres pour changer la donne ?

Alors que la main gigantesque traversait la fine couche de nuage, ma vision se brouilla et je cédai finalement à la fatigue. Le corps en sueur et les bras lourds, je me laissai tomber en arrière. Hiroki me rattrapa de justesse avant que ma tête n’heurte le sol et je pris appui son mon ami, tentant de rester consciente.

-Nous aurons fait notre possible Miyako…Désolé de ne pas avoir été à la hauteur…S’excusa-t-il, les larmes aux yeux.

-Non…Ce n’est pas…Fini…Haletai-je, tremblante. Pas…Avant d’avoir tenu ma promesse…

-Arrête de rêver, humaine et reconnais ta défaite ; pesta Apophis. Nous sommes incapables de sauver ce monde.


https://www.youtube.com/watch?v=yT1unx3jWxM


-Je t’ai connu plus optimiste, mon cher Apophis ; déclara soudain une voix féminine proche de nous.

Nous tournâmes tous la tête en direction de l’origine de cette fois, interdit, et un majestueux phénix cramoisi se posa délicatement sur le toit de la forteresse avant de prendre la forme d’une élégante femme.

-Nout…Murmurai-je.

-Désolée d’avoir été si longue, mais la cavalerie est là désormais.

-La…Cavalerie ? Répéta Hiroki, déconcerté.

Nout nous lança un sourire rayonnant et écarta les bras. Derrière elle, une immense main de pierre surgit des entrailles de la terre et fusa à la rencontre de celle de Noun, l’arrêtant net dans sa chute, provoquant une nouvelle secousse qui ébranla le monde des esprits si fort que je soupçonnais la planète d’avoir dévié de son orbite.

Serena poussa cri de surprise lorsque notre vaisseau tangua plus fort qu’une barque au milieu d’une tempête et nous faillîmes tomber dans le vide tant la bourrasque créée par le mouvement de cette montagne vivante était violente.

-Vous ne vous débrouillez pas trop mal pour des glands les gamins ; ricana une nouvelle venue.

-La servante de Tellas ?! S’étrangla le serpent.

-La seule et l’unique mon chou ; railla la femme aux cheveux d’argent en repoussant une mèche tombant sur son front d’un geste ample. Et je ne suis pas venue seule.

Au loin, les nuages du ciel se mirent à noircir et à tourbillonner tout autour de nous pour former un immense mur de vent et de poussière qui nous isola du reste du monde et qui s’éleva haut dans le ciel, repoussant un peu plus l’attaque de Noun.

-Alors comme ça, nous nous allions aux dieux et à Gariatron ? Intéressant, je ne pensais pas pouvoir jouer aux héros à nouveau ! S’exclama Hurricane d’un ton enjoué.

La main de pierre, qui commençait à gagner du terrain sur celle du colosse fut soudainement entourée d’un feu ardent s’échappant de sa paume, carbonisant la peau étoilée du monstre de Fuji Makoto qui reculait de plus en plus. Floges apparut à son tour dans un torrent de flammes bleues aux côtés de ses deux acolytes, arborant évidemment ses airs supérieurs et son regard glacial.

-Mon pays a déjà été ravagé par la soif de pouvoir d’un fou tel que Fuji Makoto…Voila exactement pourquoi je ne peux pas supporter l’humanité ! Rugit l’homme.

Soudain, une épaisse couche de glace vint recouvrir les doigts de Noun, glace qui se propagea rapidement le long de sa main puis de son bras, paralysant ainsi tous ses mouvements, de même que sa résistance.

Sortant de l’intérieur de la forteresse, les mains dans les poches de son uniforme de marin, un vieil homme nous fit face et lança un regard méprisant vers le ciel, en direction de Fuji Makoto.

-Je peux comprendre la rage qui vous anime. En effet, nous possédions la même il y a encore quelques temps. Nous ne sommes donc pas en mesure de faire la morale. Cependant…S’il y a bien une chose que je ne tolère pas, ce sont les injustices…Ces mêmes injustices qui ont forgé notre colère et qui aujourd’hui nous font nous dresser en travers de votre route !

La montagne vivante grandit alors d’un coup sec et la violence du choc fut suffisante pour expulser Noun de l’atmosphère du monde des esprits et le renvoyer en orbite. J’étais à la fois consternée, ébahie et effrayée par le pouvoir que possédait les serviteurs des démons. En une fraction de seconde, ils avaient totalement repoussé une menace que nous peinions à ralentir…

-Fuji Makoto ; reprit Kyuryu. Votre soif de puissance s’arrête ici. Nous, disciples des démons originels, comptons bien nous y assurer.


https://www.youtube.com/watch?v=VT6LFOIofRE


Cette aide inattendue me redonna soudainement espoir et j’en oubliai ma fatigue et mes blessures. Je me remis sur mes jambes sans trembler et m’avançai au-devant des serviteurs des démons et de Nout pour faire face à notre ennemi planétaire.

-Impossible…Personne ne peut tenir tête à Noun…Et encore moins des fous comme vous…S’étrangla Fuji Makoto, interdit.

-Qui sont les vrais fous ici ?! Ripostai-je violemment. Un vœu, aussi vertueux soit-il, demandant le sacrifice de milliers…Non, de milliards d’autres vœux, n’est qu’avarice et cupidité aux allures de charité ! Chaque esprit habitant ce monde…Chaque humain habitant le nôtre ou celui de Drago et Asuna…Chaque dieu ou chaque démon, tous, nous possédons un vœu. De quel droit te juges-tu aptes à définir le tien supérieur aux autres simplement parce que tu en as le pouvoir, Fuji Makoto !

Tout en prononçant ces mots, mon corps commença à s’envelopper d’une fine couche de flammes dorées et mon épée rayonna de plus belle.

-Je ne suis ni une déesse, ni une reine, ni une générale de guerre. Je ne suis qu’une simple femme ne désirant que réaliser le vœu d’un homme, aujourd’hui disparu mais dont la mémoire et les ambitions brûlent encore en moi. Et ce vœu, celui de préverser ceux des autres à défaut de pouvoir réaliser le sien…Je vais le rendre réel en débarrassant la planète de ton existence !

-Miyako…Murmura Hiroki d’une voix presque éteinte.

Comme entrant en résonnance avec l’énergie que je dégageai, les auras de mes compagnons réapparurent, telles un feu se réanimant après avoir frôlé l’extinction. Mais elles ne furent pas seules. Des quatre coins de la planète, d’autres lueurs se joignirent à elles et convergèrent toutes vers moi.

-Le monde des esprits semble t’avoir acceptée, Hikari Miyako ; s’amusa Apophis. Alors vas-y, utilise mon pouvoir comme bon te semble, je te le donne !

-Miyako…Je t’en supplie…Fais le pour mon frère…

-Miyako ! Satoshi va réussir, alors s’il te plait…Tiens bon encore un peu !

-Je ne suis pas sûre d’avoir grand-chose à t’apporter…Mais prends tout de même mon pouvoir, il peut s’avérer utile ; ricana la sœur de Darksky.

-Les humains sont des êtres vraiment intéressants…Je suis heureuse que mes enfants soient des leurs. Je veux, au nom de tous les seigneurs de ce monde, être témoin de votre ascension.

Apophis, Serena, Hiroki et Nout levèrent leur main vers le ciel et leurs auras se mêlèrent à celles du monde des esprits dans une explosion multicolore.

A peine fussé-je frappée par cette énergie que je sentis un nouveau pouvoir au fond de moi. Devant mes yeux défilèrent tous mes monstres de duel, agenouillés devant moi en une longue rangée menant vers une lumière éclatante. Et devant cette lumière, se tenait le fantôme de Dan, me souriant simplement.

-On dirait que tu l’as finalement trouvée, Miyako, la façon de réaliser mon rêve ; déclara le jeune homme en me tendant la main.

-Dan…Oui, je protégerai ce monde.

J’attrapai la lumière dans mes mains et mon cœur battit fort dans ma poitrine. Tout mon corps fut entouré d’un feu incandescent tandis que Noun rapetissait…Non, ce n’était pas ça…Mon corps…Il grandissait…Encore et encore…

Bientôt, la forteresse ne fut qu’un minuscule point à l’horizon et je pus voir la courbure du monde des esprits…Car je l’avais désormais quitté et faisais désormais face au seigneur du monde des esprits sur un pied d’égalité.

-Lorsque les vœux de tous se rassemblent en un seul, ils créent la force de défier les lois même de l’univers. Over the perfection…Avalon ! Contemple le pouvoir qui m’a été confié : Delteros Blazar ! As-tu réellement cru que ta volonté seule…Triompherait de celle de tous, Fuji Makoto !




Chapitre 35 : Nagisa, faire face à ses fautes



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4

Trouver Avalon et ramener Drago…Miyako ne nous avait vraiment pas confié la tâche la plus facile. Mais, même si notre mission était peut-être la plus ingrate, je m’en contentai. Après tout, j’avais causé bien assez d’ennui à tout le monde en trainant dans leurs pattes. Je préférais donc prendre mes distances et être réellement utile plutôt que de gêner un combat dans lequel je n’allais certainement pas être nécessaire.

Et puis, cela allait m’obliger à ne compter que sur moi-même pour une fois. Depuis toujours, j’avais compté sur les autres pour m’en sortir. Mon frère pour me défendre à l’école, mes parents pour m’aider dans mes devoirs, le vieux pour me redonner un objectif, Darksky pour fonder le club, Miyako pour m’encourager à en prendre la présidence…Mais jamais personne n’avait réellement compté sur moi. Même en infiltrant les serviteurs des démons, je ne m’étais pas sentie indispensable. Ils auraient pu me remplacer par n’importe qui de suffisamment convainquant. Je savais que ce n’était pas un manque de confiance ni une façon de me rabaisser, et je ne le prenais pas mal. J’en étais même heureuse. Après tout, ceux sur qui je me reposais ne voulaient que me protéger. Mais à force de côtoyer Miyako, j’avais fini par envier son charisme et à présent, je voulais, comme elle, pouvoir accomplir quelque chose pour les autres.

C’est pourquoi, aujourd’hui, bien que secondaire, ma mission était cruciale. Je ne devais pas décevoir mon amie qui avait placé ses espoirs en moi.


Alors que dans le ciel, je voyais la forteresse originelle se rapprocher lentement de la sphère des ténèbres, Sunohara et moi courions en direction de l’arbre des Naturia.

Selon lui, si une faille permettant d’accéder au monde de Ladd existait, elle ne pouvait se trouver que là où tout avait commencé, dans cette dimension parallèle où les Qliphort et les infernoids avaient été piégés pendant tant d’années.

Cependant, alors que toutes les menaces étaient concentrées du côté de Miyako et que nous avions le champ libre, mon partenaire de mission ne semblait pas à l’aise au milieu des ruines que nous traversions. Peut-être était-ce parce-que cela lui rappelait les épreuves que nous avions dû traverser lors de catastrophe du démon ? Ou bien craignait-il pour la suite des événements ? Je n’osais pas lui demander, de peur de réveiller de mauvais souvenirs en lui.

Depuis son retour, il n’avait que très peu parlé de ces deux années passées loin de moi. Il ne m’avait dit que les grandes lignes mais dès que j’essayais de le questionner sur certains détails, il changeait de sujet ou ne répondait qu’évasivement. Encore une fois, je mettais cela sur le dos du traumatisme mais au fond de moi, je savais que quelque chose de bien plus profond le tracassait.

Finalement, après plusieurs minutes de course effrénée, nous finîmes par arriver aux ruines de la mairie du sanctuaire. Là, nous repérâmes sous des décombres, le téléporteur servant à se rendre au tribunal de Voltanis…Mais également sur les autres continents.

Je posai un pied dessus et une faible lueur m’enveloppa, signe qu’il fonctionnait toujours. Il me suffit alors de penser à l’arbre des Naturia pour m’y retrouver en une fraction de seconde.

Lorsque j’émergeai, le même paysage de désolation s’offrit à moi. Je me trouvai dans ce qui avait dû être autrefois un petit village perdu en pleine nature…Même si aujourd’hui, tout ce qu’il en restait n’était que des cendres et une forte odeur de soufre. Je ne pouvais même pas estimer la taille ni imaginer à quoi il ressemblait autrefois tant il avait été saccagé.

Il n’y avait aucun cadavre ni aucun signe de vie ici. Tous les habitants avaient certainement fui l’endroit bien avant la catastrophe.

Au loin, je pouvais entrevoir, au milieu des fumées noirâtres, les restes d’un arbre gigantesque, s’élevant bien plus haut que les nuages…Arbre à présent fendu en deux par son milieu. Toutes ses feuilles étaient tombées, toutes ses branches étaient brisées et son tronc n’était plus qu’une longue tige sombre s’effritant au gré du vent.

Dans le ciel, la sphère sombre était toujours visible, telle une lune noire et menaçante alors que la forteresse, elle, était noyée dans la pénombre.

Sunohara arriva quelques secondes après moi et détourna immédiatement le regard de cette scène apocalyptique.

-Tout va bien ? m’inquiétai-je en voyant son visage blême.

-O…Oui, ce n’est rien Nagisa ; tenta-t-il de me rassurer avec un sourire. Continuons simplement à avancer…

Mon ami prit la tête mais moi, je restai un instant sur place, étonnée. Vraiment, quelque chose n’allait pas depuis que Miyako avait séparé les groupes. Malgré mes doutes, je le suivis sans protester.

Il ne nous fallut que quelques minutes pour parvenir au pied de l’immense végétal dont la taille était encore plus vertigineuse lorsque je me trouvai juste en dessous.

Là, je me mis à inspecter les environs, faisant plusieurs fois le tour de l’arbre mais je ne trouvai rien. Il n’y avait que des habitations carbonisées mais pas de signe d’une quelconque faille ou indice de la présence d’Avalon.

-Dis…tu es certain que nous trouverons quelque chose ici ?

Pas de réponse. Sunohara resta sans réaction, continuant à regarder dans le vide un point au loin, les yeux remplis d’une émotion que je ne pouvais cerner.

-Est-ce qu’on ne devrait pas plutôt rentrer et chercher ailleurs ? Il n’y a rien ici et…


https://www.youtube.com/watch?v=MTGlrcReWrk


Avant même que je n’ai terminé ma phrase, le garçon, rapide comme l’éclair, disparut de ma vue et se faufila derrière moi puis m’immobilisa en me prenant par le cou. J’aurais pu aisément me débarrasser de lui s’il avait été un ennemi…mais son action me laissa sous le choc, incapable de faire le moindre mouvement.

-S…Sunohara…Bégayai-je, interdite, qu’est-ce que cela signifie ?

-Nagisa…Je suis désolé…Mais je ne peux pas te laisser continuer ; me répondit-il d’une voix soudain emplie de haine.

-C…Comment ? Mais qu’est-ce qui te prend ?! Lâche-moi !

Le garçon ne me répondit pas et se contenta simplement de resserrer sa prise sur mon cou, ne me laissant que peu d’air pour respirer. Je tentai de me débattre sans utiliser mes pouvoirs, de peur de le blesser, mais il n’y avait rien à faire…

-Sunohara ! Est-ce que tu as perdu la tête ?!

-Je pourrais te poser la même question, traitresse ; rétorqua-t-il sèchement.

-T…Traitresse ? Bafouillai-je, sidérée par ces paroles.

Le blond me relâcha soudainement et me poussa en avant. Je tombai à terre, toussotant tout en reprenant tant bien que mal ma respiration tandis que celui qui était auparavant mon ami continuait à me fixer de son regard désormais glacial.

-Aurais-tu oublié, Nagisa, dans quel but tu te bats ? Reprit-il.

-Pour éliminer Fuji Makoto et protéger notre monde, et toi aussi je te rappelle ! M’exclamai-je, ne sachant plus quoi dire.

-Non, c’est faux. Tu ne te bats pas pour nous protéger. Aucun d’entre vous ne le fait.

-C…Comment peux-tu affirmer une telle chose…Tu vois bien que…

-Je vois bien que vous vous êtes alliés avec celui qui a détruit nos vies ! S’écria-t-il en élevant soudainement la voix.

A ce moment-là, un déclic se fit dans mon esprit. Je ne l’avais pas remarqué jusque-là mais…même si aucun d’entre nous dans le club de duel ne se préoccupait de cela, Sunohara, lui, ne semblait pas avoir accepté cette alliance de fortune…Je pouvais le comprendre. Moi-même je n’étais pas pour faire équipe avec Gariatron. Mais je n’étais pas une chef ni un stratège. Je faisais simplement confiance aux choix de Miyako…

-Si Miyako en a décidé ainsi, alors je la suivrai ; répondis-je d’une petite voix.

-Miyako, Miyako, toujours Miyako ! Rugit-il, hors de lui. Tu n’es rien d’autre que son faire valoir, toujours à la suivre aveuglément, à lui faire confiance sans même sourciller, à exécuter le moindre de ses ordres ! Et voila que maintenant…tu t’allies avec le démon…juste parce que ta « chef » a jugé bon de se joindre à lui !

Sur ces mots, le blond me frappa au visage et je tombai à la renverse. Ma lèvre se mit à saigner et ma vision se troubla un instant.

-Quelle importance…de n’être qu’un faire-valoir ? Toussotai-je, crachant quelques gerbes de sang. Je n’ai pas besoin d’un premier rôle…alors oui…je fais confiance à Miyako et cela m’amène à m’allier au démon…Mais as-tu réellement une meilleure solution…Sunohara ?

Le garçon m’attrapa à nouveau par le col et me regarda droit dans les yeux. Là, je pus voir briller dans ses pupilles une haine et une colère sans fond…

-Nagisa…Je vais te révéler une chose : savais que ton frère se serait sacrifié pour toi et qu’il serait mort par ta faute. Et pourtant, je n’arrivais pas à te haïr, car c’était son choix, et je le respectais. Tu vois, moi aussi j’accordais une confiance aveugle à ton frère, pensant que ses décisions étaient justes, contrairement aux miennes…Et pourtant, ce que tu as fait m’a confirmé le contraire !

Dans un moment de rage, Sunohara me donna un violent coup de genou dans le ventre et je crachai une nouvelle gerbe de sang avant de tomber à genoux, paralysée par la douleur.

-Il a donné sa vie pour toi ! Et comment tu le remercies ? En faisant équipe avec son meurtrier !

Il me donna un nouveau coup en pleine figure et cette fois-ci, je sentis un torrent de sang s’échapper de mon nez mais je ne ripostai toujours pas.

-Ton frère s’est trompé en jugeant juste que tu survives ! C’est toi qui aurais dû mourir ce jour-là !

Cette phrase éveilla quelque chose au fond de moi. Oui…je me souviens m’être répété encore et encore ces mots dans ma tête. « C’est moi qui aurais dû mourir », « ils n’auraient pas dû se sacrifier pour moi », « Je n’ai plus aucune raison de vivre désormais » …Pendant des mois…Pendant des mois, je n’avais fait que broyer du noir, me maudissant un peu plus chaque jour d’avoir survécu à la catastrophe en utilisant les autres comme bouclier…Et pourtant, je ne pouvais pas me résoudre à mourir.


https://www.youtube.com/watch?v=3X4_2xPp04U


Lentement, tremblante, je me remis debout avec grand mal pour faire face à Sunohara dont la rage semblait s’intensifier à chaque seconde.

-Non…Tu te trompes…Je n’aurais pas dû mourir ce jour-là…Murmurai-je dans un soupir inaudible.

-Comment !? Rugit le blond soudain entouré d’une sinistre aura noire.

-Mon frère…Tomoya…a fait quelque chose dont j’aurais été incapable…Mourir pour un autre…pour une immortelle qui plus est…Alors que moi, même avec ce pouvoir, j’hésite à me jeter corps et âme dans la bataille…

-Se sacrifier pour une égoïste et une trouillarde…Il n’aurait pas pu faire pire choix…Maugréa Sunohara, prêt à exploser.

-Traite-moi de tous les noms…Je les mérite certainement. Mais depuis que j’ai rencontré Darksky et les autres, j’ai compris une chose, Sunohara. Si mon frère s’est sacrifié ce jour-là, c’est qu’il n’aurait jamais supporté ma mort. Alors non, je n’aurais pas dû mourir car si je l’avais fait, mon frère aurait sombré dans un désespoir bien plus profond que le mien, un désespoir duquel même toi, tu n’aurais pas pu le tirer.

-Est-ce que tu es en train de me dire…Que cela vaut mieux qu’il soit mort aujourd’hui ?!

-Comprends-le comme tu veux, Sunohara. Mais c’est pour cela que j’admire tant Miyako. Car contrairement à moi, plutôt que de broyer du noir, elle a décidé de vivre pour ceux qui se sont sacrifiés pour elle. Elle a réussi là où j’avais abandonné tout espoir sans même me battre.

-Nagisa…Grogna-t-il comme un chien prêt à mordre.

-Alors oui, je suis une peureuse, qui s’enfuit face aux problèmes et qui pleure une fois qu’elle a réalisé son erreur. J’assume aussi que jamais, je n’aurais eu le courage de donner ma vie pour un autre. Cependant, Miyako m’a dit un jour que parfois, si on ne pense pas à sa propre vie, il nous est impossible de protéger celle des autres. C’est pourquoi, tu auras beau me faire culpabiliser autant que tu le veux, jamais plus je n’essaierai de mourir…car désormais, des gens ont besoin que je vive !

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Dans un cri de rage et de haine, Sunohara se jeter sur moi et m’asséna un puissant coup de poing en pleine figure. Cependant, cette fois-ci, j’encaissai parfaitement le coup et ne vacillai pas d’un seul millimètre.

Le garçon écarquilla les yeux, interdit. J’avais fini de jouer aux gentilles.

-Sunohara…Je ne veux pas te faire de mal…Mais la mission que Miyako m’a confiée passe avant nos liens…

D’un seul coup, je relâchai mon énergie et activai mes pouvoirs. Mes cheveux se mirent à crépiter, les yeux flamboyèrent d’une lueur rouge écarlate et mes mains s’entourèrent d’un feu ardent tandis qu’une puissante aura pourpre entoura mon corps.

Le garçon fut repoussé violemment mais retomba sur ses deux jambes, plus énervé que jamais.

-Je vais terminer ce que le démon a commencé il y a deux ans à présent ! Je ne te laisserai pas salir le sacrifice de ton frère plus longtemps, Nagisa !

De sa poche, le blond sortit une arme à feu qu’il braqua vers moi mais je ne tressaillis pas. Il tira la première balle sans hésiter mais je ne bougeai pas d’un pouce. Lorsqu’elle me traversa l’épaule, je ne pus réprimer une grimace de douleur et un sourire satisfait se dessina sur le visage de mon ennemi.

Sans même attendre une réponse de ma part, il tira une seconde balle, puis une troisième, me touchant respectivement à la jambe et au bras.

Je fus obligée de m’agenouiller et le feu s’éteignit dans l’une de mes mains tandis que ma respiration était saccadée.

-C’est un adieu, Nagisa.

Une quatrième balle me transperça la tête et je tombai à la renverse, les bras écartés, la bouche ouverte et le visage couvert de sang.


https://www.youtube.com/watch?v=SaeXN-MByjU


Oui. Sunohara avait tué mon corps. J’étais incapable de faire le moindre mouvement. Cependant, alors que le garçon faisait demi-tour, laissant mon cadavre derrière lui, une grande colonne de flamme s’éleva dans le ciel tandis que mes blessures se refermèrent toutes seules.

Lorsque je me relevai, indemne, son visage blêmit et il tira immédiatement une nouvelle balle. Néanmoins, je décidai de répondre à ses attaques. J’interceptai le projectile au vol dans la paume de ma main et le désintégrai sous ses yeux.

-C’est inutile, Sunohara ; déclarai-je d’une voix solennelle. Dans ce monde, tu ne pourras jamais me vaincre de cette manière. Je te laisse une dernière chance de partir ou de m’aider à remplir notre mission avant que je ne te blesse sérieusement.

Ce fut à mon tour de pointer mon doigt vers le garçon, une minuscule boule de feu flamboyant au bout. Mais tout comme moi, il ne tressaillit pas. Ainsi, à contrecœur, j’attaquai mon ami.

-Phoenix…Flare !

Une rafale de flammes déferla en direction de Sunohara. Lorsque mon attaque le toucha, je crus que ce serait suffisant pour le blesser de telle sorte qu’il ne se relève pas mais à ma grande surprise, ses habits se désintégrèrent…me laissant voir en dessous une épaisse armure dorée.

Devant mon expression déboussolée, un sourire malsain fendit le visage de mon ennemi.

-Croyais-tu vraiment que je me serais frotté à toi sans m’y être préparé ? Ce n’est pas parce que je n’ai pas de pouvoir comme vous que je suis sans défense et je vais te le prouver maintenant !

Dans la main de Sunohara, le petit pistolet se transforma en arme bien plus imposante, une sorte de fusil d’assaut noir et luisant. A peine eut-il appuyé sur la détente qu’une pluie de balles fila vers moi à une vitesse fulgurante.

Je ne pus rien faire d’autre que protéger mes organes vitaux avec mes bras en croix devant moi. Je fus touchée à l’œil gauche, au ventre et mes épaules et mes jambes étaient devenues de vraies passoires mais il ne me fallut qu’une demi-seconde pour revenir à nouveau d’entre les morts et soigner ces blessures.

Mon ancien allié émit un sifflement d’agacement et changea à nouveau d’arme. Mais, avant qu’il n’ait eu le temps de la charger, je me précipitai vers lui. Mes poings renforcés par les flammes de Garunix, je lui assénai une série de coups sur tout le corps, l’obligeant à reculer encore et encore, sans aucun répit.

Mettant bien plus de force dans le dernier uppercut, je réussis à repousser Sunohara qui fit un vol plané jusqu’à l’arbre des Naturia sur lequel et s’écrasa violemment. Ce fut à son tour de cracher une gerbe de sang. Mais il ne s’avoua pas vaincu pour autant. Alors que je m’approchai pour lui porter le coup de grâce, le garçon sortit un couteau de sa poche et me le jeta.

Une fois de plus, je ne pus l’esquiver et je ne pus que le bloquer avec mon avant-bras. Je grimaçai en retirant la lame de ma chair et beaucoup de sang gicla de la plaie. Mais cet instant perdu fut suffisant pour permettre au garçon de se remettre debout et matérialiser une nouvelle arme : Un Sniper tirant en rafale.

Comprenant que je n’allais pas être en mesure d’esquiver, j’activai simplement mes pouvoirs et lançai une salve de boules de feu. Sunohara me répondit en me mitraillant de balles. Cependant, il tirait bien plus rapidement que moi et je fus bientôt dépassée. J’improvisai alors un mur de flammes infranchissable sur lequel toutes les balles vinrent fondre.

Néanmoins, avec ce mur qui nous séparait, je ne pouvais plus voir mon ennemi et cela causa ma perte. Un boulet de canon, fait d’un alliage inconnu, traversa mon feu ardent et arracha mon bras droit.

Je hurlai de douleur, tentant d’arrêter le saignement et mes défenses disparurent, me laissant à découvert. Sunohara tira un autre boulet qui détruisit entièrement mon flanc droit. Des os volèrent avec des bouts de chair tandis que je m’écroulai.

Je ne pouvais pas le nier : l’immortalité était une souffrance. Alors que la douleur aurait tué la plupart des ennemis, moi, j’étais condamnée à la subir en attendant que mon corps ne se régénère.

Difficilement, je me relevai encore une fois pour faire face à Sunohara. Mais étrangement, au lieu de paniquer parce que je ne tombai jamais définitivement, le garçon souriait, comme un prédateur jouant avec sa proie.


https://www.youtube.com/watch?v=SZ1OK21qII8


Le canon qui se trouvait à ses côtés se matérialisa une fois de plus et j’écarquillai les yeux lorsque je reconnus l’arme qui n’était autre…qu’un lance missile nucléaire.

-Sunohara…Est-ce que tu as perdu la tête ? M’étranglai-je.

-Nagisa…Tu es peut-être immortelle…mais tu as un point faible, n’est-ce pas ?

Je déglutis, comprenant qu’il avait certainement deviné et instinctivement, je croisai les bras sur ma poitrine pour protéger mon cœur.

-J’ai bien observé tes mouvements…tu ne peux pas régénérer un organe vital, je me trompe ?

-O…Oui, tu te trompes ; bluffai-je. Mon corps peut tomber en cendres comme lorsque nous avons affronté Ladd, je me régénèrerais toujours…C’est inutile pour toi de continuer ce combat, tu ne feras que t’épuiser !

Un rire rauque s’échappa de la gorge de mon ennemi et je serrai les dents.

-C’est vrai, en effet…Cependant, si j’altère ton ADN…Seras-tu encore en mesure de continuer ces exploits ? C’est ce que nous allons voir tout de suite !

-ARRETE, SUNOHARA ! Hurlai-je à m’en briser la voix.

Sans m’écouter, le blond enclencha le missile qui fusa vers moi. Mais…Je ne pouvais pas échouer ici, je ne pouvais pas décevoir Miyako, je ne pouvais pas…Abandonner tout le monde simplement parce que je refusais de blesser celui qui était autrefois mon ami ! Non seulement, si ce missile me touchait, je n’étais pas certaine de me régénérer correctement mais en plus, il allait emporter avec lui une grande partie du monde des esprits…Je devais l’arrêter, peu importe le prix !


https://www.youtube.com/watch?v=Wl7pKRwcuso


Je rassemblai au fond de moi toute l’énergie dont je disposai et l’aura de flammes qui m’entourait s’intensifia, passant du rouge vif au bleu royal. L’herbe à mes pieds, sous l’effet de la chaleur, s’enflamma aussitôt tandis que l’air se mit à tourbillonner.

Alors que le missile se rapprochait toujours plus de moi, au bout de mes deux mains apparut une sphère de feu bleu qui se mit à grossir lentement.

-Phoenix…

Le missile, à mis chemin, s’embrasa sous sa propre vitesse, tel un astéroïde entrant dans l’atmosphère tandis que je m’envolai grâce aux ailes de Garunix. La fusée mortelle changea de trajectoire et me suivit.

-…Flare…

La boule de feu continuait de grandir et avait maintenant la même taille d’un immeuble. Mais je ne la relâchai pas encore. Je voulais être certaine de détruire cette atrocité en un seul coup, sans quoi, j’étais finie, et la mission avec moi.

-ADIEU, NAGISA !

Lorsqu’enfin ma sphère atteignit les cinquante mètre de diamètre, le missile n’était plus qu’à quelques mètres de moi et juste en dessous, je pouvais voir le visage triomphant de Sunohara. Une larme coula de mon œil, larme qui s’évapora aussitôt sous ma propre chaleur.

-…STREAM !

Avec un cri autant de rage que de désespoir, je projetai la boule de feu de toutes mes forces sur le missile. Ce dernier se liquéfia instantanément et toutes les particules radioactives continue à l’intérieur se propagèrent dans le plasma. Mais mon attaque ne s’arrêta pas là. Après avoir absorbé la fusée, elle se dirigea en direction de Sunohara dont le regard venait de passer de la satisfaction malsaine à la peur la plus profonde.

Alors que le garçon fut happé par les flammes incandescentes, des images me revinrent en mémoire…


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


Lorsque j’avais rencontré le garçon, je n’étais qu’en sixième mais mon frère, lui, le connaissait depuis deux ans déjà. Moi qui étais plutôt studieuse, je n’avais pas aimé son attitude de dernier de la classe, toujours à vouloir s’amuser et sécher les cours. Et pourtant, au fil des visites qu’il faisait à mon frère, j’avais fini par l’apprécier. Souvent, il s’amusait à me taquiner mais jamais il n’avait perdu son sourire idiot et innocent, pas même lorsque le directeur le convoquait et le menaçait de le renvoyer.

Oui…nous en avions vécu des choses tous les trois, Sunohara, mon frère et moi…Et encore plus depuis qu’il était revenu. J’avais l’impression d’avoir enfin trouvé mon âme sœur, quelqu’un à qui me rattacher qui partageait les mêmes souvenirs…Mais je me fourvoyais. Ce passé était bel et bien révolu.

A nouveau, des larmes me montèrent aux yeux en repensant à ces souvenirs, larmes qui cette fois, coulèrent sans s’arrêter dans un véritable torrent.

-Adieu…Sunohara…Et merci pour ces moments…

Lorsque le feu se dissipa, je pus constater les dégâts de mon attaque. Le corps de mon ami gisait au sol sur le dos, les bras écartés, le regard vide fixant le ciel. Son armure n’était plus. De même que ses armes. La moitié de son visage était noircit par les brûlures et de la fumée émanait encore de sa peau. Il respirait difficilement…mais il respirait. Je voyais son torse se soulever à intervalle régulier malgré une blessure noir ébène au niveau de son cœur.


https://www.youtube.com/watch?v=Hxs-QFiIwF4


J’atterris en douceur à côté de lui et le pris délicatement par les épaules mais le garçon n’eut aucune réaction, pas même lorsque mes larmes brulantes vinrent s’écraser contre sa peau.

-Je suis désolée…Sunohara…Je ne voulais pas…Mais tu ne m’as pas laissé le choix…Sanglotai-je, la gorge nouée.

-Na…gisa…Articula-t-il d’une voix à demi éteinte.

-Ne te force pas à parler. Je vais te renvoyer dans notre monde, là, tu pourras être soigné et m’oublier définitivement si tel est ton souhait ; déclarai-je d’une voix douce.

Alors que j’activai déjà les pouvoirs qui nous avaient permis d’ouvrir le portail, le garçon me saisit le fermement le poignet, m’interrompant dans mon action sous mes yeux ébahis.

-Ecoute…moi…J’ai…Menti…

-Ce n’est pas le moment, Sunohara ! Tu dois…

-Avalon…Ce que tu cherches…Se trouve ici…Juste de l’autre côté…

Dans un effort qui lui arracha une grimace de douleur, le blond leva le bras et pointa du doigt l’arbre des Naturia.

-Va…Ne t’occupe pas de moi…Je t’ai déjà assez ralenti…

-Mais non, je…

Je fus interrompue dans ma phrase par une secousse qui ébranla le monde des esprits tout entier et, lorsque je relevai la tête, j’écarquillai les yeux, interdite. Le combat de Miyako avait déjà commencé. Des milliers…non des milliards de monstres gravitaient autour de la sphère des ténèbres et les explosions d’énergie étaient en train de mettre ce monde à feu et à sang.

Je le voyais…Tout autour de nous, les éléments se déchainaient. Les arbres tombaient, les rivières sortaient de leur lit et même la terre s’ouvrait en deux. L’arbre des Naturia, quant à lui, semblait sur le point de s’écrouler sous son propre poids et menaçait à tout instant de sombrer dans l’une des failles s’étant créées.

Un rayon d’énergie s’abattit juste devant nous et fit exploser la roche. Par réflexe, je déployais les ailes de Garunix autour de nous et utilisai mon corps comme je le pouvais afin de protéger celui de mon ami. Des éclats de pierre volèrent dans tous les sens et me transpercèrent les jambes. Je fus obligée de mettre un genou à terre. Mon ligament avait été sectionné…

Mais j’ignorai la douleur et ne bougeai pas d’un pouce, continuant à protéger Sunohara.

-Qu’est-ce…que tu fais…Idiote…Toussota le garçon. Ne t’occupe…pas de moi…

-Je fais ce que j’aurais dû faire pendant la guerre, rien de plus ; répondis-je d’une voix assurée.

-Co…Comment ?

-Tu as raison, Sunohara. L’enfant pétrifiée par la peur que j’étais il y a deux ans a fait une erreur. J’ai laissé les autres mourir pour moi, n’osant pas leur révéler la vérité. Mais aujourd’hui, c’est différent. Je n’ai plus peur. J’ai appris à maitriser mon pouvoir. Et ce pouvoir…Il ne sert pas à me maintenir en vie…

Dans mon monologue, je n’avais pas anticipé la chute d’un arbre sur nous et je ne pus rien faire d’autre que de le recevoir sur le dos.

Ma colonne vertébrale craqua, le sang gicla lorsque les branches et les épines me rentrèrent dans la peau mais je contins le hurlement de douleur en moi, activant simplement une fois de plus mes pouvoirs pour me dégager.

-Le phénix…Me sert à protéger la vie des autres !

Alors que je prononçai ces mots, je fus soudainement entourée d’une aura de flammes qui recouvrit entièrement le corps de mon ami. Mais ce n’était pas les flammes destructrices et ardentes avec lesquelles je l’avais attaqué. Ce n’était qu’un feu doux, réconfortant, apaisant…Le même feu que j’utilisais pour me soigner…

Lentement, les blessures de Sunohara se refermèrent, ses brûlures disparurent et sa peau retrouva sa couleur d’origine. Bientôt, il ne resta rien d’autre de mon attaque mortelle qu’une large cicatrice sur le cœur de mon ami et timidement, le garçon rouvrit les yeux.

-Tu…Tu es vraiment stupide…Nagisa…Soupira-t-il.

A ce moment-là, je ne sais pas ce qui me prit, mais ma main agit par elle-même et je mis une puissante claque sur la joue du blondinet.

-C’est toi qui es stupide, Sunohara ! M’écriai-je en contenant mes larmes de joie. Evidemment que s’allier à Gariatron ne me plait pas ! Evidemment que je ne fais que suivre aveuglément Miyako ! Evidemment je devrais venger mon frère…Mais tout cela ne concerne que moi et personne d’autre ! Alors, si cela peut nous amener à la victoire, je n’ai pas le droit de laisser une vieille rancœur mettre en péril la vie de milliers de gens, tu comprends ! Alors oui, je ne fais que répéter les paroles de Miyako…Mais n’ai-je pas le droit d’être en accord avec elle ?!

Choqué, mon ami passa sa main sur la trace rouge puis il ferma les yeux et un léger sourire amusé fendit son visage.

-Tomoya…lui aussi m’avait frappé de la sorte pendant la guerre…Soupira-t-il.

Je ne répondis pas et le garçon blond se mit à rire nerveusement.

-Je m’en souviens…A ce moment-là, j’avais abandonné le combat…C’était le soir de votre arrivée…Je lui avais proposé que nous fuyions tous les deux, d’abandonner tout le monde et de sauver notre peau…Je lui avais dit qu’il fallait être bien stupide pour prétendre pouvoir protéger tout le monde et que ce n’était pas son rôle…Tu sais ce qu’il m’a répondu ?

Je secouai la tête négativement.

-Rien du tout. Il m’a simplement frappé…Et lorsque j’étais au sol, il m’a dit ces mots « D’accord. Pars devant, Sunohara. Je ferai diversion et je te rejoindrai après…Avec ma famille.

Un déclic se fit dans ma mémoire et j’écarquillai les yeux en me souvenant de notre séparation. Sunohara…Avait dit exactement ces mots à mon frère avant de disparaitre, emportant avec lui tous nos assaillants pour nous permettre de fuir…

-Mais alors…Murmurai-je.

-Ce n’était que de la jalousie après tout…Je me fiche bien que tu sois alliée à Gariatron…Mais il me fallait simplement un motif valable pour te détester, toi qui as donné à ton frère le courage de mourir…

Le garçon ne put retenir ses larmes plus longtemps et un véritable torrent déferla de ses yeux tandis que derrière nous, le bruit des explosions retentissait, toujours plus puissantes. Pour toute réponse, je le pris dans mes bras et lui caressai les cheveux comme ma mère avait l’habitude de le faire pour me réconforter.

-Certains sont des leaders nés…Certains sont destinés à être des héros…Certains restent éternellement dans l’ombre…Et certains n’ont tout simplement pas à jouer leur vie à chaque seconde…Sunohara.

Quelle ironie…Nous combattions Armageddon et pourtant, j’utilisais le destin afin de rassurer mon ami. Le destin était décidemment bien utile aux hommes pour se chercher une excuse lorsque plus rien d’autre ne peut le faire.

Tout à coup, une explosion, bien plus puissante que les autres, résonna, tout proche de nous. Je levai la tête. Un bloc de pierre, aussi grand qu’une météorite, fronçait droit sur nous !

Par réflexe, je déployai les ailes de Garunix mais je savais que c’était inutile cette fois-ci. Même si j’allais survivre, ce rocher allait nous écraser comme des insectes. Je n’avais pas la force pour supporter un tel impact…

Mais, alors que je cherchais désespérément une solution, une secousse ébranla la terre tandis qu’un rayon lumineux nous aveugla. Quand je pensais recevoir sur le dos une masse colossale pouvant me briser les os, je ne ressentis que de petits chocs, comme des graviers.


https://www.youtube.com/watch?v=Gpa6R_hF9uc


Je relevai la tête, interdite. L’astéroïde avait été pulvérisé. Et à quelques mètres de nous, au pied de l’arbre des Naturia et devant un portail semblable à celui reliant nos deux mondes, se trouvait une femme. Elle était grande, blonde aux yeux vers comme l’émeraude. Ses cheveux étaient tirés vers l’arrière mais une longue mèche tombait du côté droit de son visage. A son coup était accroché un pendentif pourpre et sa robe, d’un blanc immaculé, ressemblait à celles portées dans l’antiquité grecque par les dames de haut rang. Elle ne semblait pas agressive. Mais son regard n’était pas amical non plus. C’était comme si elle nous scrutait.

-Moi qui étais simplement venue observer le dénouement de cette bataille, voila une surprise à laquelle je ne m’attendais pas ; déclara-t-elle d’une voix claire.

-Qui…êtes-vous ? Demandai-je sur mes gardes.

-Quelle impolie je fais, je ne me suis même pas présentée, Nagisa, Sunohara.

-C…Comment connaissez-vous nos noms ?

-Ladd m’a beaucoup parlé de vous. Je suis la reine d’Avalon. Mon nom est Théa…Théa Mio.






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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [03/08/2016] à 16:37

Chapitre 36 : Le secret de Théa



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=g5lLa8guULs


La nuit noire. Des étoiles scintillant dans le ciel sans lune. Le toit d’une école. Un télescope. Quelques sièges. Au loin, deux silhouettes indistinctes. Et à côté de moi, deux yeux, bleus azur et vert émeraude, brillant à travers les ténèbres. Le visage d’une jeune fille aux cheveux sombres et au visage caché dans la pénombre. Mais, même au milieu de la nuit, son sourire innocent et sincère se dessinait dans mon esprit.

« Désolé…Asuna…J’aurais tant aimé…Ne pas avoir gâché ces années auprès de toi… »


https://www.youtube.com/watch?v=ygur5AaVzgA


Un rayon de soleil tiède me tira de mon sommeil et me fit revenir à la réalité. Lentement, j’ouvris les yeux. D’abord flou, je m’habituai petit à petit à mon environnement.

Je me trouvai dans une pièce spacieuse, entièrement blanche. Le plafond était haut, orné de bas-reliefs fleuris. Il était soutenu par quatre gros piliers romains situés dans chaque coin de la chambre. Sur les murs, des peintures de tous genres donnaient un peu de couleur à ce décor immaculé.

Le mobilier était assez pauvre, bien que luxueux : des fauteuils de la renaissance, un tapis de velours rouge, une commode en bois de l’époque de l’empire, une table de chevet et le lit sur lequel je me trouvais.

Il y avait également deux immenses fenêtres entrouvertes et donnant sur une sorte de cour intérieure dans le style de la Grèce antique. Je pouvais entrevoir quelques statues ainsi qu’une fontaine dont je distinguais clairement le clapotis de l’eau.

Le vent frais faisait onduler les rideaux de soie transparent, leur donnant une allure de mer calme et paisible et apportait une douce odeur de rose à mes narines.

Comment étais-je arrivé ici ? La dernière chose dont je me souvenais était de m’être fait transpercer par l’épée d’Asuna puis…le néant.

Je passai ma main sur mon torse mais je n’y trouvai rien. Pas la moindre trace de blessure ni de bandage. Je ne portais plus non plus mon armure. Je n’avais sur moi qu’une sorte de robe de chambre beige.

Soudain, des bruits de pas me tirèrent de mes rêveries. La porte de ma chambre s’ouvrit et, lorsque la personne entra, je réprimai un hoquet de surprise.

-Tu te réveilles enfin, Drago ; déclara la nouvelle venue avec un sourire doux.

Oui…C’était bien elle. En face de moi, en chair et en os et non plus en tant qu’esprit, se tenait ma sœur, Théa. Elle avait attaché ses longs cheveux bleus en un chignon tenu par une barrette à fleur tandis que sur son front brillait une sorte de diadème blanc. Elle portait une longue robe bleu ciel laissant ses épaules découvertes, ainsi que des collants noirs se terminant sur des bottines assorties.

Cela contrastait beaucoup avec l’image de la lycéenne typique qu’elle arborait par le passé…

Ma sœur s’avança lentement vers moi avant de s’asseoir sur mon lit pour me serrer dans ses bras.

-Idiot…Ne me refais plus jamais ça ; murmura-t-elle d’une voix où se mêlaient colère et soulagement.

-D…Désolé ; bégayai-je, trop surpris pour répondre quelque chose de pertinent.

-Heureusement, tu n’as plus rien à craindre désormais, tu es en sécurité.

-En…sécurité ? Répétai-je, étonné. Et Angéla ? Et Asuna ? Et Darksky ? Sont-ils là eux aussi ? Qu’est-il arrivé au monde des esprits ? Et où sommes-nous Théa ?

Ma sœur relâcha son étreinte puis me regarda dans les yeux sans cesser de sourire.

-Rejoins-moi dehors, Drago, je vais tout t’expliquer. Mais avant tout, tu dois reprendre des forces.

Ma sœur claqua des doigts et un plateau d’argent apparut comme par enchantement sur ma table de chevet. J’écarquillai les yeux, abasourdi mais ma sœur se contenta d’émettre un petit rire amusé avant de quitter la pièce.

N’ayant que peu d’option, et mon estomac criant famine, je m’assis sur l’une des chaises et entamai le plat de Théa. La nourriture était étrange. Elle ne ressemblait à rien de connu sur terre ni dans le monde des esprits, et pourtant, ce n’était pas mauvais.

Pendant que je déjeunais, j’essayai de me remémorer tous les derniers événements. Si mes souvenirs étaient exacts, le sanctuaire céleste avait été attaqué par Satoshi et ses Qliphorts. Asuna s’était également ralliée à Armageddon et m’avait vaincu en duel singulier malgré la puissance de Ladd.

En pensant à lui, je tentai instinctivement de le contacter mais je n’eus aucune réponse. Je ne ressentais même pas sa présence près de moi. Il en fut de même lorsque je tentai d’activer mes pouvoirs, comme si j’étais de retour dans notre monde.

Je n’espérais qu’une seule chose à ce moment-là : qu’Angéla et les autres s’en soient sortis comme moi.

Combien de temps étais-je resté dans le coma ? Un jour ? une semaine ? Un mois ? Peut-être même un an ? Je n’avais plus aucune notion du temps et rien dans cette pièce n’aurait pu me donner une indication.

Une fois mon repas terminé, je m’habillai en vitesse avec les vêtements qui se trouvaient là, les mêmes que ceux que je portais avant la bataille.


https://www.youtube.com/watch?v=HekuRuDiFCY&t


Lorsque je sortis de la chambre, je me retrouvai directement dehors…ou du moins dans une sorte d’atrium immense. Devant moi s’étendait une grande étendue d’eau bleue comme le ciel sans nuage au-dessus de ma tête. Tout autour, des colonnes romaines soutenant plusieurs voutes entouraient le bassin et formaient une longue allée ombragée, comme le cloitre d’une abbaye.

De nombreux arbres fruitiers poussaient également au bord de l’eau limpide, et leurs feuilles tombant doucement faisaient onduler la surface, seule source de désordre au milieu de ce lac cristallin.

Au loin se dessinait l’ombre du toit d’un palais gigantesque, comme un mirage à l’horizon. La forme gréco-romaine me rappelait celle du sanctuaire céleste, mais ce palais-là me semblait encore plus démesuré.

Ne voyant ma sœur nulle part, je pris me dirigeait vers cette étrange structure en empruntant l’allée voutée et longeant le bassin. Là, je pus voir de nombreuses portes mais lorsque j’essayai de les ouvrir, elles étaient systématiquement fermées à clé.

Je marchai ainsi pendant plusieurs minutes et petit à petit, le bâtiment prit forme. Effectivement, il s’agissait bien d’une réplique du sanctuaire de Voltanis, mais bien plus grand, bien plus neuf, bien plus flamboyant.

Je gravis le millier de marche menant à la grande porte sans rencontrer âme qui vive. Il n’y avait aucun bruit dans ce palais autre que le bruissement du vent dans les feuilles et le doux clapotis de l’eau.

Lorsque j’arrivai devant la monumentale porte du sanctuaire, celle-ci s’ouvrit toute seule pour me laisser pénétrer dans une immense salle, bien plus grande que tout ce que j’avais pu voir jusqu’ici.

En fouillant dans les tréfond de ma mémoire, je finis par reconnaitre l’endroit et je commençai à comprendre où je me trouvai.


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La pièce était sombre, uniquement éclairée par la lumière du soleil passant à travers les vitraux couvrant les murs latéraux, ainsi que quelques torches formant une longue allée de lumière. Les bas-côtés, eux, étaient sombres, plongés dans la pénombre et ne laissaient qu’entrevoir des formes indistinctes.

Au sol, un gigantesque tapis pourpre suivait le chemin créé par les torches et je décidai de suivre cette direction, sachant pertinemment ce que j’allais trouver au bout.

Le plafond semblait inexistant tant il culminait haut. Le seul témoin de son existence était son ombre, masquant le soleil de plomb qui brillait à l’extérieur.

Alors que j’avançai lentement au milieu de l’allée de feu, je finis par distinguer le fond de la pièce. Là, deux trônes d’or faisaient face à la salle d’audience, et sur celui de gauche, me regardant avec amusement, était assise ma sœur, accoudée à son siège, telle une reine recevant un simple visiteur.

Je m’arrêtai à quelques mètres du pied du trône et ma sœur se leva avant de prendre la parole d’une voix résonnant dans toute l’immense salle.

-J’imagine que tu as compris où tu te trouvais désormais, mon cher frère.

-Avalon…N’est-ce pas ? Et nous sommes-ici dans la réplique du palais de Papa, je me trompe ?

-Tout juste, Drago ; me répondit-elle avec un sourire enfantin contrastant avec son habit et sa position. N’est-ce pas magnifique ? Nous avons finalement réussi ! Après toutes ces années, Avalon est enfin devenu une réalité !

– « Nous » ? Répétai-je, sceptique.


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Ma sœur pencha légèrement la tête sur le côté et mit son index sur sa bouche, l’air confuse.

Lentement, Théa descendit les marches me séparant d’elle et s’arrêta juste en face de moi. C’était la première fois en trois ans que je pouvais me tenir devant elle sans qu’elle ne fût un esprit et, bien que à présent, je la dépassai d’une tête, elle continuait à m’impressionner par l’aura qu’elle dégageait, mêlant à la fois force, fermeté, douceur et compassion.

-Ladd ne t’a donc rien dit ? Je lui avais pourtant demandé de ne pas te laisser dans le secret…A moins que…Il ne t’ait révélé que ce qui l’arrangeait ?

Instinctivement, mes muscles se contractèrent et je fis un pas en arrière, sur mes gardes. Mais ma sœur, elle, n’avait pas changé d’attitude et avait gardé son expression étonnée.

Théa se prit alors la tête dans les mains et lâcha un long soupir fatigué.

-Sérieusement, il m’en aura fait voir de toutes les couleurs lui…

-Théa, explique-toi ; déclarai-je d’une voix se voulant confiante.

-Oui, explique-toi ma chère, j’aimerais, moi aussi, avoir quelques réponses.

Ma sœur et moi nous retournâmes en sursaut en entendant la voix de la nouvelle venue. Dans l’ouverture de la porte, en pleine lumière, se tenait une grande femme aux longs cheveux dorés, comme les miens ou ceux de Théa. Ses yeux rouges luisaient dans l’obscurité comme deux minuscules flammes. Elle portait une robe similaire à celle de ma sœur, à l’exception qu’elle lui arrivait jusqu’aux pieds, recouvrant entièrement le bas de son corps.

-Luna ! S’exclama Théa, interdite. Mais comment…

L’ancienne sœur d’Hélios s’avança vers nous d’un pas lent et je pus distinguer un certain amusement dans son regard pétillant.

-Ladd m’a simplement invitée, rien de plus. En tant que sœur du pharaon, j’ai bien ce droit. Mais cela ne répond pas à ma question.

-Quelle plaie ce type ; grogna ma sœur en gonflant les joues comme une enfant. Mais bon, puisqu’il refuse de vous dire la vérité, c’est à moi de le faire j’imagine.

-Et attends, tu ne m’as pas répondu non plus Théa ! Où sont Angéla et les autres ? Qu’est-il arrivé au monde des esprits ? Dans quel était…est notre monde ?

Ma sœur m’ignora et retourna simplement s’asseoir sur son trône. La, elle croisa les jambes avant de claquer des doigts. Aussitôt, la salle s’illumina et un écran géant, contrastant totalement avec l’ancienneté du lieu, se déploya devant nous.

Lorsqu’il s’alluma, ce que je vis me terrifia. Le monde des esprits était à feu et à sang. Les forêts, les montagnes, les lacs, les rivières, les villes, il ne restait plus aucune vie, nulle part. Les cendres avaient tout balayé sur leur passage. Dans le ciel, la forteresse de Satoshi était cernée de toutes part par des milliers de monstres tandis que, bien au-delà de la stratosphère, tels deux étoiles lointaines, deux colosses étaient en train de s’affronter.

-Comme vous pouvez le voir, même si Fuji Makoto est vaincu, le monde des esprits n’a plus d’avenir ; déclara ma sœur d’une voix sans émotion. Tel était l’objectif de Ladd…Non, notre objectif.

-Votre objectif ? Je ne comprends pas…

Ma sœur me lança alors un sourire triste, comme pour s’excuser en avance.

-Désolée, Drago. Je n’ai pas eu le courage de te l’avouer plus tôt mais…je t’ai menti. Mon but…n’a jamais été de t’aider dans ta quête…

-C…Comment ? M’étranglai-je en avant de travers ma salive. Qu’est-ce que tu racontes encore ? Tu es là depuis le début !

-Ce n’est qu’un concours de circonstance, mon très cher frère…Mais j’imagine que, comme Ladd, je n’ai pas eu le courage de t’abandonner.

-S…S’il te plait…explique-moi…Je ne comprends pas…

-C’est très simple, Drago ; reprit Luna en croisant les bras sur sa poitrine. Théa, tout comme Ladd, se sont alliés…Pour détruire le monde des esprits. N’ai-je pas raison, Théa Mio…Ou devrais-je dire, Théa D’Avalon ?


https://www.youtube.com/watch?v=h1UuEcJYcAI


Il y eut un instant de silence, instant pendant lequel mon regard passa successivement de Luna à Théa, espérant au plus profond de moi que tout cela n’était qu’un mensonge mais ma sœur ne sembla pas dérangée par ce titre. Au contraire, elle ferma les yeux et continua à sourire.

-Tu es bien réductrice. A t’entendre, je passerai pour un tyran, et je sais que tu t’y connais dans ce domaine, toi, Luna d’Héliopolis.

La jeune femme, elle, tiqua et grimaça en entendant son nom complet mais ne baissa pas les yeux et soutint le regard désormais glacial de ma sœur.

-Mais oui, je suis bien l’alliée de Ladd. Ensemble, nous nous sommes jurés de détruire le monde des esprits et de faire naitre sur ses cendre le royaume d’Avalon.

-Je ne comprends toujours pas…Pourquoi vouloir détruire le monde des esprits ? Ladd m’a pourtant dit qu’il voulait le protéger à tout prix et…

-Ladd t’a menti lui aussi, Drago ; me coupa sèchement ma sœur. Il est le seul responsable de ce qui arrive actuellement. C’est lui qui a amené Fuji Makoto directement de notre époque à celle-ci et ce, dans l’unique but de détruire ce monde qu’il a échoué à gouverner.

-Et toi alors, je ne comprends pas quel est ton but. Quel intérêt as-tu à le suivre ? Je doute que tu sois poussée par un désir de richesse ou de pouvoir ; continua Luna.

-Effectivement, être reine d’Avalon ne m’intéresse pas plus que cela. Je me contentai très bien de ma vie de Lycéenne dans notre monde. J’étais même impatiente de commencer mes études supérieures. Et pourtant…Il a fallu que cette catastrophe se produise…


https://www.youtube.com/watch?v=eJIfjTGDfOE


Ma sœur, qui jusque-là essayait de se contenir, laissa exploser toute sa rage et sa colère…et elle fondit en larmes devant nous.

-Nos parents…Ils sont morts dans l’explosion…Et j’ai été emportée avec eux…Je pensais y être préparée…Après tout, je savais que nous n’étions pas faits pour rester dans ce monde…Mais à la dernière minute…J’ai voulu vivre…

Théa se leva brutalement de son trône et sa couronne tomba au sol tandis que son visage était noyé dans un torrent de larmes inarrêtable.

-Pourquoi devais-je mourir aussi tôt ? Pourquoi ne pouvais-je pas, comme toi Drago, continuer ma vie dans l’insouciance ? Pourquoi…avais accepté mon destin !

D’un coup de pied violent, ma sœur écrasa son diadème qui vola en éclats.

-Tu ne peux pas savoir à quel point je me suis sentie stupide de m’être laissée convaincre par une prophétie poussiéreuse, à quel point je me suis maudite moi-même, à quel point j’ai souhaité avoir une seconde chance…Et cette seconde chance…Ladd me l’a offerte. Alors que je n’étais plus qu’un esprit vagabondant sans but dans un monde inconnu, il est venu me trouver…Et il m’a fait une proposition…la même qu’à toi, Luna.

-Et tu as accepté je vois ; grimaça la sœur d’Hélios.

-Oui. Il m’a fait part de son désir de détruire le monde des esprits, me révélant ainsi que, même avec le sacrifice de notre père, j’étais condamnée à disparaitre. Mais il y avait une échappatoire à cette issue fatale. Il me suffisait de me rallier à lui et ainsi, il me sauverait en me laissant entrer en Avalon.

A ce moment-là, alors que j’aurais dû être détruit intérieurement par cette trahison, je ne ressentis qu’une haine monstrueuse envers mon esprit de duel. Il s’était joué de moi du début à la fin. Non…Il s’était joué du monde entier. Ma sœur, mon père, et même Fuji Makoto, j’étais certain que depuis le début, tout ce qui sortait de sa bouche n’était que mensonge.

-Théa…Laisse-moi retourner dans le monde des esprits…Murmurai-je, retenant ma rage au fond de moi.

-Je suis désolée Drago, mais je ne peux pas faire ça ; me répondis faiblement ma sœur. Ladd t’a amené ici pour te protéger et je refuse que tu joues ta vie dans une bataille perdue d’avance. Ta place est ici, en Avalon.

-Je ne t’ai pas demandé ton avis, Théa. J’ai besoin de m’entretenir avec cet esprit de duel de pacotille, j’ai deux mots à lui dire ; grognai-je en serrant mon poing. Tu n’es pas obligée de lui obéir ! Si tu veux retourner dans notre monde, nous trouverons une solution sans ce menteur !

-Vraiment…J’ai essayé de me libérer par moi-même durant ces trois années…Mais il n’y a aucune issue. Luna en est la preuve. Je suis pieds et poings liés ; déclara ma sœur d’une voix presque éteinte.

-Je ne veux pas me battre contre toi mais…


https://www.youtube.com/watch?v=il_YNsAGt3w


Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase qu’un rayon de lumière fusa en direction de Théa et la heurta de plein fouet, projetant un épais nuage de fumée autour d’elle. Abasourdi, je me retournai vers Luna. La femme était entourée d’un puissant halo doré, semblable à celui d’Hélios et ses yeux brillait de la même lueur.

-Tu sais, très chère, ce n’est pas parce que je suis encore ici que j’ai échoué à me libérer de cette enveloppe spirituelle ; déclara-t-elle calmement.

Un rayon d’énergie s’échappa du nuage de poussière et fusa vers la sœur d’Hélios qui, comme un vulgaire bout de bois, l’attrapa entre ses mains et le jeta au sol.

-Aurais-tu oubliée que j’étais la grande prêtresse de cet abruti d’Hélios ? Lança Luna avec assurance.

En émergeant, ma sœur s’était elle aussi revêtue d’un halo doré et faisait face à son adversaire sans afficher la moindre émotion. Voyant cela, Luna se plaça devant moi et m’empêcha d’avancer avec son bras.

-Drago, je sais à quel point il est dur de combattre sa famille. C’est pourquoi, je te demande de partir maintenant. Je me charge de ça.

J’aurais voulu protester mais lorsque je tentai d’activer mes pouvoirs, à nouveau, je ne ressentis rien. Je me résolus donc, à contrecœur, à courir vers la sortie.

Cependant, il suffit que ma sœur claque des doigts pour que la porte disparaisse, ne laissant qu’un mur de pierre infranchissable.

-C’est inutile ; déclara calmement Théa. Vous êtes sur mon territoire. J’ai le contrôle absolu de tout ce qui se passe actuellement en Avalon. Vous ne pouvez pas m’échapper.

Elle claqua à nouveau des doigts et, du sol sortirent des barreaux métalliques qui encerclèrent entièrement Luna. Cependant, la sœur d’Hélios n’attendit pas de se faire enfermer et, rayonnant de plus belle, elle brisa les tiges avec une force invisible sans même lever le petit doigt.

-Pas de chance pour toi, mon frère ne m’a battu en duel magique malgré les pouvoirs de Gariatron. Ladd a fait un grossière erreur en m’invitant ici.

-S’il l’a fait, c’est sûrement parce qu’il te pense digne de gouverner ce royaume à nos côtés, Luna. Accepte et tu aurais tout pour toi, je suis même prête à te céder ma place, je n’ai que faire d’être reine !

-Merci mais non merci. J’ai vu assez de Mégalo dans ma vie. Je cherche simplement à me reposer maintenant.

Sans autre sommation, Luna toucha simplement le mur de sa main et, de la pierre surgit un énorme marteau qui vint s’abattre sur ma sœur. Mais sans surprise, il lui suffit de toucher la création de jeune femme pour transformer l’arme en un simple jet d’eau inoffensif.


https://www.youtube.com/watch?v=8kqls64aYUs


Voyant cela, mon alliée tendit le bras devant elle et un cercle pourpre apparut dans les airs. De celui-ci s’échappa une grande créature ailée, un dragon de lumière, semblable à ceux d’Hélios mais je ne l’avais encore jamais vu. Il avait un corps presque humain, à l’exception de sa couleur blanche comme l’or et de son apparence de lézard cuirassé.

-On combat à l’ancienne je vois ? Très bien, j’ai toujours voulu essayer ces fameux jeux auxquels Papa s’adonnait en tant que Pharaon !

Théa sourit et fit exactement la même chose que Luna, à l’exception que ce fut une tablette de pierre géante qui apparut derrière elle, tablette sur laquelle était gravée l’image d’Osiris…

Le dragon bleu se matérialisa à ses côtés et je retins mon souffle. C’était avec cette carte que j’avais réussi à vaincre Gariatron, deux ans plus tôt…Jamais je n’aurais imaginé l’avoir contre moi un jour…

Luna grimaça mais ne se laissa pas impressionner.

-Tu ne me fais pas peur. J’étais la prêtresse la plus puissante de mon époque ! Magie d’équipement activée : Bouclier miroir de la lune !

Un nouveau cercle de lumière brilla aux pieds du dragon hiératique et sur son armure resplendit un immense bouclier doré à huit côtés. Cela ne sembla nullement impressionner ma sœur qui ordonna sans hésiter à Osiris d’attaquer.

Les deux créatures se jetèrent l’une sur l’autre dans un fracas assourdissant et soulevant un épais nuage de poussière. Bientôt, il ne me fut plus possible de distinguer quoique ce soit mis à part quelques rayons d’énergie s’échappant de la bataille et s’écrasant sur les murs du temple sans leur causer une seule égratignure.

Privé de mes pouvoirs, je ne pouvais pas faire grand-chose d’autre que de regarder cette scène, impuissant. Cependant, je ne pouvais pas attendre la fin de la lutte pour agir. Le temps pressait. Mes amis étaient toujours en danger et chaque seconde qui passait était peut-être la seconde qui allait condamner le monde des esprits…

Soudain, un éclair de lumière m’aveugla et, lorsque je rouvris les yeux, je vis une simple épée d’or plantée devant moi et Luna à quelques mètres qui me lançait un sourire amusé.

-C’est cadeau Drago ; me lança-t-elle simplement.


https://www.youtube.com/watch?v=_lf7C5sy1WQ


Sans hésiter, je me saisis de l’arme et plongeai à mon tour dans la bataille. Profitant de la confusion, je tentai d’attaquer ma sœur par derrière mais elle me repéra et me repoussa sans aucune difficulté en faisant souffler le vent suffisamment fort pour me repousser. Mais c’est à ce moment-là que je croisai son regard et que je pus y lire un nouveau sentiment : le regret. Ma sœur semblait tiraillée entre deux choix et livrait une lutte intérieure contre elle-même.

Je compris alors une chose. Théa…ne voulait nullement nous combattre. Mais elle n’était pas non plus forcée par Ladd. Elle avait décidé de le suivre de son propre chef pour une raison que je ne pouvais identifier…

Mais alors qu’elle était occupée à m’empêcher d’avancer, Luna la prit à revers avec une nuée de flèches sorties à nouveau de son cercle magique. Théa n’eut que le temps d’improviser un bouclier de fortune pour se protéger. Mais pour cela, elle fut obligée d’arrêter son attaque vers moi. Profitant de l’ouverture, je me précipitai vers elle.

Néanmoins, alors que je m’apprêtai à abattre ma lame, ma sœur tourna sa tête vers moi et le regard qu’elle me lança m’arrêta net dans mon action.

Non…Je ne pouvais pas…Malgré l’urgence de la situation et sa trahison…Cela m’était impossible…Je ne pouvais pas me résoudre à lui faire du mal…

Nous restâmes quelques secondes à nous regarder sans agir quand soudain, une immense main de pierre surgit du mur et plaqua violemment ma sœur sur celui d’en face. Ce dernier ne résista pas longtemps et se brisa en mille morceaux.

Aussitôt, Osiris disparut comme s’il n’avait jamais été là et Luna, essoufflée, reprit la parole.

-Je t’avais prévenu…Que c’était difficile…d’affronter sa famille…

Je ne lui répondis rien et me précipitai simplement vers les débris pour sortir ma sœur de là. Lorsque j’eus dégagé les morceaux de pierre, je la trouvai allongée par terre, son bras droit sur son visage pour cacher les larmes qui s’écoulaient de ses yeux.

Elle ne semblait pas blessée mais elle ne semblait pas non plus avoir envie de continuer ce combat…


https://www.youtube.com/watch?v=OxvvCjMWEP8


-C’est impossible…Finalement…Je comprends que Ladd…ait voulu te cacher tout cela…Murmura-t-elle. Parce que pour lui aussi…Cela lui était impossible de t’affronter, toi, la seule personne qu’il ait un jour aimé comme un membre de sa famille…

-Théa…Ladd ne t’a jamais menacé de te faire disparaitre…N’est-ce pas ? Déclarai-je prudemment.

Ma sœur émit un petit rire et Luna vint se joindre à la discussion.

-Ladd n’a jamais menacé personne ; dit-elle d’une voix grave. Au contraire, il a proposé à de nombreux esprits de rejoindre Avalon…Mais aucun n’a jamais accepté.

-Co…Comment ? Balbutiai-je, déconcerté.

La sœur d’Hélios soupira et aida simplement Théa à se relever avant de reprendre la parole.

-Si Ladd veut détruire ce monde, c’est en grande partie pour cela. Alors qu’il rêvait d’une utopie, personne ne l’a suivi. Personne ne croyait en lui…Et c’est pourquoi, il a décidé de réaliser son rêve, seul. J’imagine que si tu l’aides actuellement, Théa, ce n’est ni parce que tu es d’accord avec lui, ni parce qu’il t’a promis de vivre en le suivant, mais simplement parce que, ayant reçu l’éducation d’une reine, tu ne pouvais ignorer son appel au secours, je me trompe ?

Le sourire sur le visage de ma sœur s’agrandit et elle ferma simplement les yeux.

-Je te l’ai dit, Luna, je ne veux pas mourir…S’il ne s’agissait que de pitié, je n’aurais certainement pas fait cet effort pour Ladd…Mais disons simplement que les circonstances s’y sont prêtées…

Je ne savais plus quoi penser. Certes, mon esprit de duel était en train de semer le chaos dans le monde des esprits, menaçant la vie de mes amis et de millions d’esprits de duel…Mais ma sœur ne semblait pas lui en vouloir pour autant. Pire, elle avait même l’air d’avoir compris son appel à l’aide sans pour autant être en accord avec lui…

-Drago ; reprit ma sœur. Tu ne dois pas en vouloir à Ladd. Il a aimé ce monde plus que tout autre chose. Je l’ai senti lorsqu’il m’a enseigné tout ce qu’il savait. Lorsqu’il prononçait le nom du créateur de telle ou telle technique, lorsqu’il évoquait un illustre esprit de la terre des seigneurs, lorsqu’il se remémorait les bons moments passés au sanctuaire et au pandémonium…A chaque fois, dans sa voix, je pouvais discerner sa peine à l’idée qu’il devait détruire tout cela…

-Dans ce cas, pourquoi se forcer s’il ne veut pas ! M’exclamai-je, totalement perdu.

-Parce que l’expérience lui a prouvé qu’il n’y avait aucun avenir dans un monde où personne n’est prêt à faire ce simple pas que d’aider à réaliser le rêve d’un autre…

Luna détourna le regard, gênée et mit à siffloter de manière très peu discrète, me faisant comprendre qu’elle aussi faisait partie de ces personnes.

-Si tu veux partir, je ne peux pas t’en empêcher. Mais avant cela, j’aimerais une réponse : pourquoi cherches-tu tant à protéger ce monde de Fuji Makoto ?

Je me mis à réfléchir. Il était vrai que je n’avais aucune raison de m’acharner de la sorte à présent que je connaissais les véritables intentions de Ladd. Au départ, je ne me battais que pour lui, pour créer le monde qu’il désirait…mais maintenant que je connaissais la vérité, avais-je encore réellement une raison de continuer le combat ?

Alors que je fouillais dans ma mémoire, les images du monde d’Asuna me revinrent en tête. Je revoyais parfaitement…Ces bâtiments détruits, ces camarades de classe faibles et vivant dans la peur, la haine dans le regard de mon amie…Oui…Malgré le revirement de Ladd, j’avais encore une raison de me battre.

-J’ai fait une promesse à une amie ; déclarai-je simplement. Et laisser courir Fuji Makoto serait briser cette promesse. Je ne sais pas ce qu’il en est réellement du monde des esprits actuellement, mais je sais que ce fou doit être arrêté.

-Je vois…Dans ce cas, je crois que quelqu’un serait prêt à t’aider.

Ma sœur claqua des doigts et nous fûmes tous les trois instantanément téléportés dans une nouvelle pièce. Il s’agissait d’une copie conforme du laboratoire de mon père tel qu’il était avant l’explosion…mais tout me semblait bien plus grand.

Nous nous trouvions dans le poste de contrôle qui avait une vue plongeante sur le réacteur principal. Juste en face de nous, deux personnes de dos semblaient travailler sur un projet, une sorte de vaisseau spatial gigantesque à en juger par les maquettes trainant un peu partout.

En nous attendant arriver, ils se retournèrent et nous hoquetèrent de surprises en même temps.

-Drago !

-Nagisa, Sunohara ! Mais qu’est-ce que vous faites ici ?!

-Je les ai simplement trouvés à l’entrée d’Avalon ; lança ma sœur. Et puisqu’ils étaient là et que tu n’étais pas encore réveillé, je leur ai demandé de me donner un petit coup de main.

-Un…Coup de main ? S’interrogea Luna. Quel genre de coup de main ?


https://www.youtube.com/watch?v=Th4XaNkg0ks


-Le projet Arc Avalon ; nous répondit Sunohara en nous montrant les maquettes.

-Arc…Avalon ? répétai-je, perdu.

-Une sorte de gros vaisseau comme l’arche de Noé mais en version futuriste pour faire court ; reprit ma sœur en enfilant troquant ses habits antiques contre une blouse blanche et son uniforme habituel.

-Attends…Tu es en train de me dire…

-Je n’approuve pas forcément les méthodes de Ladd. Il n’est pas au courant cependant, je travaille dessus en secret depuis quelques temps mais il me manque encore des connaissances pour le finaliser.

-C’est impressionnant n’est-ce pas ? S’amusa Nagisa.

-Tu n’avais pas une mission toi ? La coupa Sunohara avec un coup de coude dans les côtes.

La jeune fille, comme revenant à la réalité, se leva d’un bond et m’attrapa par la manche.

-Ah oui, c’est vrai ! Drago, il faut qu’on rentre dans le monde des esprits, Miyako a sonné l’assaut final !

-Je ne suis pas sûr que Théa…

Sans me laisser le temps de finir, ma sœur claqua des doigts et un portail lumineux s’ouvrit à côté de nous.

-Vas-y Drago. Je ne te demande pas de sauver le monde des esprits…Mais je t’interdis de mourir. Quelle que soit l’issue de votre combat, je veux que tu reviennes ici après, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

-Compte sur moi Théa. Et ne t’inquiète pas, je vengerai nos parents ; lui dis-je, le pouce en l’air. Parce qu’après Fuji Makoto, ce sera au tour d’Armageddon de passer un sale quart d’heure !

Ma déclaration amusa ma sœur qui se contenta de me serrer dans ses bras en guise d’au revoir. Luna resta également auprès d’elle pour l’aider à terminer son projet, de même que Sunohara.

-Quitte à vous aider, je préfère être allié à ce fou de Ladd plutôt qu’à Gariatron. Je vais travailler sur cet Arc Avalon ici. Pendant ce temps, je compte sur toi pour ne pas mourir trop souvent…Nagisa.

-Je reviens vite, évite simplement de perdre la tête à nouveau en mon absence !

-Aucune chance, je…

Le coupant dans sa phrase, Nagisa déposa simplement un doux baiser sur les lèvres du garçon qui s’empourpra jusqu’à devenir aussi rouge qu’une pivoine. Devant sa réaction, la jeune fille émit un petit rire amusé avant de franchir le portail, le laissant littéralement cloué sur place, incapable de réagir ou de parler. Ma sœur détourna le regard, gênée tandis que Luna éclata de rire.

-Les jeunes, toujours aussi stupides même cinq mille ans plus tard ! S’esclaffa-t-elle, les larmes aux yeux tant elle riait.

Les laissant derrière moi, je franchis à mon tour le portail pour me replonger dan le chaos de la bataille, et cette fois-ci, je comptais bien finir ce que nous avions commencé, Asuna et moi, un mois auparavant. J’allais vaincre Fuji Makoto et mettre un terme définitif à cette guerre qui n’avait que trop duré.

« Attends-moi, Asuna, je viens t’épauler. »




Chapitre 37 : Iori, le visage du Chaos



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=cDQ_7gSnxeo&t


Une nouvelle secousse ébranla le sol. Cela faisait déjà six fois. J’ignorais ce qu’il se passait dehors, mais j’espérais que ces tremblements étaient synonymes de bonnes nouvelles…

Derrière moi marchaient les démons, étrangement silencieux, ainsi que Satoshi. Nous progressions rapidement depuis maintenant plus de vingt minutes à l’intérieur du corps de Noun, n’accordant que peu d’importance aux parois que nous rencontrions. Nous nous contentions de détruire celles qui nous barraient la route afin d’arriver au plus vite au cœur de ce monstre pour arrêter une bonne fois pour toute Fuji Makoto.

De temps à autres, nous tombions sur des sortes d’anticorps nous barrant le chemin, mais ils ne nous ralentissaient que de quelques microsecondes. Les pouvoirs des démons, ainsi que ceux de Satoshi, étaient réellement impressionnant et ne faisaient qu’une bouchée de ces défenses naturelles…

Mais…allaient-ils être suffisant pour sauver le futur de notre monde ? Nous n’avions que très peu d’informations sur Fuji Makoto. Même les démons ignoraient quelles étaient les réels pouvoirs accordés au possesseur de Noun mais la façon dont ils en parlaient ne présageait rien de bon.

Après un vol qui me parut interminable, nous défonçâmes une dernière parfois et nous nous retrouvâmes dans un immense gouffre semblant sans commencement ni fin.

Là, des milliers d’artères et de veines s’entremêlaient et formaient une sorte de chemin menant certainement au cœur du premier esprit de duel.

Tout était sombre dans ce précipice, et la seule lumière provenait d’en bas, faible, presque éteinte, mais existante.

A intervalles régulier, je pouvais entendre de puissants battements, et en même temps, de minuscules sphères lumineuses traversaient le réseau sanguin de ce monstre pour plonger vers la lueur ténue.

Je frissonnais. Je n’aimais pas cette ambiance. Nous n’avions aucune idée de ce qu’il se passait à l’extérieur. Les communications avec les autres étaient coupées. Nous avancions à l’aveugle à l’intérieur d’un être vivant de la taille de la lune. Toutes les conditions étaient réunies pour notre défaite…

Je chassai ces mauvaises pensées de mon esprit. Je devais faire confiance au plan de Miyako. Dans le futur, elle s’était révélée à mainte reprise excellente stratège, il n’y avait pas de raison pour qu’elle échoue cette fois-ci.

-Tu me sembles pensive, Yuiko Iori ; déclara soudain Luminion en me tirant de mes pensées.

-Pas…Pas du tout ! Bafouillai-je, surprise.

-Inutile de le cacher. Vous les humains êtes si simples à cerner que cela en devient déplorable ; grogna Gariatron d’un air hautain.

-J’ignorais que tu t’y connaissais autant en sentiments humain mon cher ; ricana Typhos.

Le démon du vent eut droit à un regard noir de la part de l’intéressé qui ne trouva rien d’autre à répondre que de détourner le regard, agacé.

-Je ne pense pas que nous ayons le temps de nous battre pour des bêtises pareilles ; siffla Tellas, impatiente. Vous fêterez vos retrouvailles plus tard mais pour le moment, nous devons rester concentrés sur Fuji Makoto.

Sans ajouter un mot, les démons plongèrent vers la lumière mais, au moment où je m’apprêtais à les suivre, Satoshi me retint par l’épaule.

-Iori ; me dit-il avec tout le sérieux du monde. Je dois te dire quelque chose.

-ça ne peut pas attendre ? Lui répondis-je d’un air ennuyé.

-Cela concerne le plan de Miyako…Enfin, plus précisément, celui de Shadow.

Lorsque j’entendis cela, je perdis mon air décontracté et je fronçai les sourcils, soudain très attentive.

-Cela ne sera pas aussi simple que sur le papier, c’est ça que tu veux me dire j’imagine ?

Le garçon hocha la tête et je serrai les dents.

-Ce que Shadow demande…Envoyer Fuji Makoto en dehors du temps et de l’espace, cela m’est faisable en théorie…Cependant, pour cela, je devrais faire appel à Armageddon lui-même.

Je déglutis. A ce moment, je tentai tant bien que mal de contrôler mes tremblements et de rester stoïque mais rien que l’idée de l’affronter aussi tôt me nouait le ventre.

Lorsque Satoshi reprit, sa voix changea et je compris qu’il n’essayait pas de me menacer mais de m’avertir.

-L’espace que nous créerons sera entièrement régi par Armageddon. J’imagine que tu comprends ce que cela implique.

-Oui ; répondis-je en me mordant la lèvre.

-Les démons et toi ne devrez pas affronter un seul ennemi, mais deux. Vous feriez mieux de rester à l’écart si nous devons en arriver là.

-Et te laisser combattre seul ? C’est de la folie ! M’exclamai-je, interdite.

-Non, je ne pourrai pas me battre non plus. J’utiliserai trop d’énergie pour garder cet espace stable sur lui-même.

-Mais dans ce cas, qui…

-Asuna ; me coupa le jumeau. Je l’ai contactée, elle est en route et accompagnée d’Angéla. J’ignore si leurs pouvoirs seront suffisants mais nous n’avons d’autre choix que de leur faire confiance.

Je voulus rétorquer quelque chose, mais aucun mot de sorti de ma bouche. Je n’avais aucune solution face à ce dilemme. Je n’étais déjà pas certaine de pouvoir affronter Fuji Makoto, alors si Armageddon s’en mêlait, c’était le meilleur moyen pour tout perdre d’un coup…Je n’avais d’autre choix que de me replier si la situation s’envenimait apparemment…

La tête basse, je me contentai d’acquiescer. Je n’aimais vraiment pas la tournure que prenait les événements mais je ne pouvais pas courir le risque de compromettre l’avenir du monde par simple fierté.

Ainsi, résignés, nous plongeâmes à la suite des démons qui commençaient à s’impatienter.

Notre descente fut longue. Très longue. Et plus nous nous enfoncions, et plus je me sentais lourde à cause de la gravité.

Cependant, après une chute qui me parut interminable, j’aperçus finalement une immense plateforme sphérique se contractant régulièrement et vers laquelle convergeaient tous les vaisseaux sanguins.

Alors que nous nous approchions, je sentis en moi mes pouvoirs grandir et les démons furent entourés d’aura lumineuses bien plus puissantes qu’à l’ordinaire.

-Le cœur de Noun…Murmura Syphos, impressionné.

-La source de tous les pouvoirs du monde des esprits ; continua Pyros, sur ses gardes. Il est vrai que je me sens plus puissant…Mais ce n’est pas valable que pour nous malheureusement.

-Ne me dis pas que tu as peur la torche vivante ; railla Typhos.

-Je vous jure que je vais étrangler ce type s’il n’arrête pas de ricaner rapidement ; cracha la démone de la Terre, exaspérée.

-Mes frères, ma sœur, Iori, Satoshi, Fuji Makoto se trouve certainement derrière ces parois, êtes-vous prêts ? Entama Luminion en se plaçant face à nous. Cette bataille n’est pas la nôtre. C’est celle du monde des esprits tout entier. Nous n’avons pas le droit à l’échec.

-Arrête un peu tes grands discours Luminion. Je n’ai que faire du monde des esprits. Fuji Makoto n’est qu’une pierre sur mon chemin dans ma vengeance contre Armageddon et comme toutes les pierres, je le balayerai ! Le coupa Gariatron en plongeant vers le cœur.

-J’avais oublié à quel point il était Tsundere, comme dirait ma très chère Terra ; lança la démone en haussant les épaules.

Celle-ci se lança à la suite de Gariatron et nous fîmes de même.

Sans prendre aucune précaution, nous défonçâmes la paroi du cœur de Noun et nous nous retrouvâmes dans une immense pièce, si grande que je n’en voyais même pas le bout.

La, il n’y avait rien. Rien, à l’exception d’une minuscule sphère lumineuse en lévitation vers laquelle des milliers de lignes lumineuses tracées au sol convergeaient.

Nous nous posâmes à quelques mètres de cet étrange objet, prudents. Et nous avions raison de nous méfier. A peine avions-nous touché le sol qu’un ricanement s’éleva dans tout l’espace autour de nous et l’air se mit à vibrer près du globe.


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Instantanément, nous nous mîmes en position de défense tandis que, lentement, une brume épaisse s’éleva des fissures dans le sol pour former le corps de Fuji Makoto. Cependant, il avait modifié son apparence humaine pour devenir…une nouvelle entité de laquelle émanait une puissance phénoménale.

Tout son corps semblait avoir été recouvert par la voute céleste. Il était comme recouvert de milliards d’étoiles lointaines, perdues au milieu d’une infinité sombre et glaciale. Son visage ne se résumait plus qu’à deux yeux blancs et luisant tandis que sur son front, se dessinait une sorte de couronne. Ses cheveux quant à eux avaient poussés jusqu’à ses hanches et flottaient gracieusement derrière lui, répandant une fine poussière d’étoile sur le sol. Enfin, sur son torse étincelait une sphère dorée sur une moitié, noire sur l’autre.

Rien que la vue de ce corps presque divin suffisait à me laisser sans voix.

-Et bien, qu’avons-nous ici ? Déclara-t-il d’une voix qui résonna longuement dans tout l’espace. Je suis honoré de vous rencontrer enfin, chers démons originels. Vous ne pouvez pas savoir combien de temps j’ai attendu ce moment…Le moment où je pourrai enfin vous écraser de mes propres mains !

Un sourire mauvais se dessina sur sa figure et la lueur de ses yeux redoubla d’intensité.

Avant même que nous ayons compris ce qu’il se passait, des chaines sortirent du sol et nous clouèrent au mur sans que nous ne puissions riposter.

Je tentai instinctivement de me libérer avec les pouvoirs des démons mais il n’y avait rien à faire. Je ne pouvais pas briser ces chaines…

Gariatron, dans un élan de colère, et oubliant totalement le plan, cracha une rafale de flammes noires sur notre ennemi. Mais celui-ci ne leva même pas le petit doigt. L’attaque fut tout bonnement absorbée par la sphère bicolore de son torse.

Le démon des ténèbres écarquilla les yeux, interdit mais Fuji Makoto se contenta de rire gravement.

-Admirez la puissance du noyau du monde des esprits. Vos piètres attaques ne sont rien face à moi désormais.

-Attendez, Fuji Makoto ; commença Luminion. Nous ne sommes pas venus pour nous battre, nous voulons simplement…

-Discuter ? L’interrompit-il d’un air étonné. Pour ensuite me piéger entre les dimensions ? C’est ingénieux, en effet. Votre chef est une bonne stratège.

-Mais comment…M’étranglai-je, stupéfaite.

-Le pouvoir de lire dans les pensées. Vous possédez de beaux atouts, vous les alliés des démons ; s’amusa l’homme. Mais vous possédez bien plus amusant en réserve je vois.

Fuji ouvrit la paume de sa main droite vers nous et aussitôt, les chaines se couvrirent de glace si froide que même Pyros se mit à greloter.

Il ne m’en fallut pas plus pour comprendre. Il n’y avait qu’une seule personne dans le monde capable de générer un tel froid…

L’homme referma brutalement la paume de sa main et les chaines autour de Satoshi se brisèrent net. Mais ce-dernier ne pouvait toujours pas bouger, tous ses membres étant pris dans la glace impénétrable de Laura.

-Satoshi d’Héliopolis…En voila un nom qui me répugne ; grogna notre ennemi en s’approchant du garçon. Mais peu importe. Toi seul possède un pouvoir qui m’intéresse…Le pouvoir de modifier le destin.

-Modifier…Le de…Destin ? Grelota le jumeau. Pou…Pourquoi…A…Avez-vous…Be…Besoin de ce pouvoir ?

-Voyager dans le temps comme le fait Chronos ne m’est d’aucune utilité. Je ne suis que spectateur et tout ce que je fais est sans conséquence. J’ai besoin d’un pouvoir plus grand…Le pouvoir d’Armageddon lui-même. Mais malheureusement, celui-ci vit dans un espace qui lui est propre…un espace hors du monde des esprits…un espace hors du contrôle de Noun.

-Vous voulez…Changer le passé ? Murmurai-je, tremblante.

-Allons, tu es bien mal placée pour me dire que c’est de la folie, Yuiko Iori, toi qui ne viens même pas de cette époque.

En entendant cela, les yeux de Satoshi s’agrandirent sous l’effet de la surprise et je détournai le regard.

-Oui…Justement…Je suis la mieux placée pour le dire…parce que j’ai perdu la raison il y a longtemps maintenant…

-Iori…Alors…C’est pour ça que tu combats Armageddon ? Pour changer…Le passé ? Me demanda Satoshi, choqué. Mais pourquoi ?

-Si je te répondais honnêtement, vous abandonneriez tous ce combat…parce que ma raison n’est pas légitime.

-Que veux-tu dire ? Me lança le garçon, méfiant.

-Tout simplement qu’elle est prête à mettre le monde en danger pour un simple caprice d’enfant, et ce, malgré son âge bien plus avancé que toi ou moi ; compléta Fuji Makoto. Mais je ne peux pas la blâmer. Après tout, mon objectif est similaire. A la seule différence que moi, je ne compte pas perdre plus de quatre-vingts ans de ma vie. Alors tu vas gentiment me donner ce pouvoir que je recherche et j’épargnerai peut-être votre monde…Enfin, si votre ligne d’univers survit bien évidemment.

L’homme de lumière saisit Satoshi par le cou et je le vis grimacer sous l’effet de la douleur. La sphère lumineuse du torse de Fuji Makoto rayonna de plus belle tandis que tout son corps fut entouré d’une intense aura violette.

Le garçon lâcha un hurlement de douleur alors que son énergie semblait drainée par la sphère, exactement comme l’avait été l’attaque de Gariatron. Usant de toutes mes forces, je tentai de me libérer mais il n’y avait rien à faire, ces chaines refusaient de se briser…


https://www.youtube.com/watch?v=BGxYef6pmN0&t


A côté de moi, un rugissement furieux retentit, aussitôt suivi d’un cliquetis de métal rompu. En tournant la tête, je vis Gariatron, libre, sous sa forme originelle. Le démon des ténèbres asséna un violent coup de queue à Fuji Makoto qui fut obligé de lâcher sa prise sur Satoshi pour esquiver et se plaça à distance raisonnable de son ennemi, arborant toujours un sourire confiant.

-Fuji Makoto…Je me fiche de savoir quels sont tes plans et encore plus la raison qui les motive ; grogna le dragon ébène. Cependant, Armageddon doit disparaitre, et je ne laisserai pas un misérable humain comme toi s’emparer de ses pouvoirs !

Une brume noire enveloppa entièrement l’espace et Gariatron se fondit dedans, devenant complètement invisible pour nous.

Tout à coup, une griffe sortie du sol et heurta Fuji Makoto pour l’envoyer dans les airs. Puis, avant même qu’il n’ait commencé à retomber, une autre apparut juste au-dessus de lui et le propulsa au sol avec une violence inouïe. L’homme s’enfonça de plusieurs mètres dans la pierre avant qu’une colonne de flammes noires ne l’enveloppe totalement.

Satoshi profita de ce moment de distraction pour briser la glace qui le retenait prisonnier et il tomba à genoux en toussotant tandis que les autres démons se libérèrent de la même façon que leur frère, en reprenant leur forme originelle.

-Restez derrière nous, humains. Nous nous chargeons de lui ; déclara calmement Pyros.

Au même moment, la colonne de feu se dissipa et Fuji Makoto, réapparut sans aucune égratignure. Le démon des flammes changea entièrement son corps en un brasier ardent et se précipita sur l’homme pour le heurter de plein fouet.

Sans attendre de riposte, Typhos rugit et des centaines de lames d’air fusèrent vers le détenteur du cœur des esprits pour le trancher de toutes parts.

Alors qu’il retombait vers le sol, une immense stalagmite aiguisée comme un rasoir s’éleva et embrocha le pauvre homme, le traversant de part en part. Du sang commença à couler le long de la pierre et Fuji Makoto ne réagissait plus. Mais malgré cela, une immense sphère aquatique s’abattit sur l’homme qui se retrouva noyé pendant que son sang se diffusait lentement dans l’eau transparente et la teintait de rouge.

Le corps de Luminion se mit à rayonner aussi fort que le soleil et le roi des démons originels projeta un immense rayon incandescent qui fit exploser la bulle d’eau ainsi que la pierre, ne laissant qu’un épais écran de fumée.


https://www.youtube.com/watch?v=NxSVeuMTMfk


Tous les démons se regroupèrent, l’air satisfait d’eux et pendant un instant, je crus réellement à notre victoire…Jusqu’à ce qu’un rire rauque s’élève dans les airs et que la poussière ne se dissipe d’un seul coup, nous laissant voir notre ennemi, sans une égratignure, se tenant debout à quelques mètres au-dessus du sol, baignant dans une lumière aveuglante.

-Comment ! S’écria Pyros, fou de rage.

Fuji Makoto claqua des doigts et une minuscule boule de lumière apparut, boule qui projeta lentement vers le démon du feu. Celui-ci s’écroula aussitôt lorsqu’elle le toucha et il reprit sa forme humaine, inconscient.

Devant cela, les autres démons tentèrent d’attaquer à nouveau le possesseur de Noun mais encore une fois, toutes leurs tentatives furent absorbées par la sphère de son torse.

-Tout cela est ridicule ; soupira Fuji d’un air lassé.

Se déplaçant à la vitesse de la lumière, asséna un violent coup de poing dans la tête de Typhos qui tomba au sol lui aussi. Puis l’homme se téléporta juste au-dessus de Tellas avant de tirer un puissant rayon sombre qui mit à terre la démone en une fraction de seconde. L’instant d’après, ses yeux luirent d’un éclat intense et une lance s’échappa de son autre main pour venir se planter dans le cœur de Syphos.

J’étais soufflée par la puissance que possédait Fuji Makoto. Il venait de mettre à terre quatre démons que moi-même j’avais eu du mal à vaincre lors de mes précédents voyages dans le temps, et ce, sans même être essoufflé.

Devant ce carnage, Luminion et Gariatron passèrent en position défensive, désormais sur leurs gardes.


https://www.youtube.com/watch?v=Ii7QVyYxfA4


-Je le savais…je le savais que les humains ne nous apporteraient que des ennuis, Luminion ; grommela le démon des ténèbres.

-Allons mon bon Gariatron, voila que tu remets tout le monde dans la même catégorie, je pensais que ces millénaires d’exil t’avaient appris quelque chose ; lui répondit son frère, cherchant à masquer tant bien que mal son appréhension face à la situation.

Gariatron n’ajouta rien et, reprenant forme humaine, se précipita sur Fuji Makoto. Cependant, il n’utilisait plus ses pouvoirs mais se battait simplement au corps à corps. Au début surpris, l’homme s’adapta rapidement au style de combat de son adversaire et commença à parer tous les coups avec une facilité déconcertante.

-Je n’ai pas le choix on dirait ; soupira le démon de lumière.

A son tour, il reprit forme humaine et se jeta dans la bataille aux côtés de son frère. Fuji Makoto ne put esquiver le nouveau combattant et il fut projeté contre le mur, laissant à Gariatron un instant de répit.

-Je…Je n’avais pas besoin de ton aide…Haleta-t-il.

-Je ne suis pas venu t’aider dans ce cas. Je suis venu m’excuser de t’avoir mené sur le mauvais chemin.


https://www.youtube.com/watch?v=4M-rJr9d8sI


En entendant cela, les yeux de Gariatron s’écarquillèrent et il resta bouche bée, stupéfait par ce qu’il venait d’entendre.

-Luminion…tu…

-Nous sommes quittes à présent ; se contenta de répondre le démon doré avec un sourire. Je me charge du reste à présent.

Puis il se lança à nouveau dans la bataille, laissant l’ancien maitre de Shadow cloué sur place.

Lorsque Fuji Makoto émergea du mur dans lequel il avait atterri, Luminion n’attendit pas et lui asséna un puissant coup de pied retourné. L’homme ne put que mettre ses bras devant son torse pour parer le coup qui le repoussa tout de même. Sans attendre la fin de son attaque, notre allié sauta et attaqua Fuji par les airs, le propulsant sur le sol où il s’écrasa en crachant une gerbe de sang.

Là, Luminion changea sa main en griffe avec laquelle il lacéra son ennemi sans pitié avant de l’expulser en hauteur. Puis il prit son élan pour donner un violent coup de genou à notre ennemi alors qu’il retombait.

Cependant, Fuji Makoto anticipa le mouvement et se décala à la dernière seconde. Luminion, frappant dans le vide, fut déstabilisé et l’homme de lumière profita de cet instant pour le saisir par le bras et l’envoyer valser contre le mur à son tour.

Les yeux du démon s’agrandirent lorsqu’il heurta la pierre et j’entendis un craquement sourd. Il se décala néanmoins juste à temps pour éviter un coup de poing fulgurant qui transperça le mur sur plusieurs mètres. Mais il ne fut pas assez rapide pour esquiver dans la foulée un second coup de poing.

Luminion vola jusqu’à nous et s’écrasa juste en face de Gariatron qui n’avait toujours pas bougé tandis que Fuji Makoto vint se replacer devant nous, à peine essoufflé.

-Votre résistance est futile, démons. Ce combat n’est pas le vôtre. Donnez-moi simplement Satoshi et je vous épargnerai pour le moment.


https://www.youtube.com/watch?v=PkgfX6UaQU8


Tous les regards se tournèrent vers Gariatron, seul combattant encore en état de se battre et son visage se crispa.

-Gariatron…Murmura son frère au sol, incapable de se relever.

-Tu es vraiment pathétique, Luminion ; grommela le démon des ténèbres. Tu essaies encore de me convaincre de suivre tes méthodes alors que je vois qu’elles n’ont aucune chance d’aboutir…

Son regard passa rapidement sur Satoshi, puis sur Fuji Makoto, avant de s’arrêter en croisant le mien.

-Je suis désolé…Murmura-t-il en fermant les yeux.

Mon cœur rata un battement dans ma poitrine et j’écarquillai les yeux.

-Attends…Gariatron…Qu’est-ce que tu…

-La destruction d’Armageddon passe avant tout le reste, et ce, même avant la protection du monde des esprits.

-Oh, tu te rends ? Lança Fuji Makoto, amusé.

-Yuiko Iori ! Me lança soudain le démon des ténèbres, l’air peiné. Cela m’arrache la gorge de le dire…Mais je suis impuissant dans cet état…

-Non, ne fais pas ! N’oublie pas que Shadow…

-Il y a longtemps, j’ai placé ma confiance dans un humain qui prétendait pouvoir changer les choses sur les conseils de Luminion. Cependant celui-ci m’a trahi et j’ai sombré dans la folie de la vengeance…Mais malgré cela…Shadow m’a suivi jusqu’au bout, et ce, malgré ma haine envers vous. J’ai été incapable de sauver le seul humain que je jugeais digne de me succéder…Alors, puisqu’il a placé ses espoirs en toi, moi aussi, je vais respecter sa dernière volonté !

Gariatron se mit à rayonner d’une intense lueur noire. Fuji Makoto, méfiant, recula d’un pas. Le démon arracha de son torse une minuscule lumière qui fusa vers moi

-Utilise tout mon pouvoir…Non, notre pouvoir comme bon te semble, Humaine !


https://www.youtube.com/watch?v=h8qg-XzHgUk


La lumière fut bientôt rejointe par d’autres s’élevant du corps de tous les démons au sol et m’enveloppèrent dans une douce chaleur. Au fond de moi, je sentis une énergie nouvelle m’envahir. Mon cœur me brula, un puissant vent émana de moi, mes membres durcirent comme de la pierre et je contrôlai la glace qui entouraient les chaines pour les briser net.

Deux lueurs entourèrent mon corps, l’une sombre, l’autre dorée, et mes yeux prirent la même teinte. Devant cela, Fuji Makoto poussa un cri de rage et projeta une lance de feu sur moi. Mais cette fois-ci, ce fut à mon tour d’absorber son attaquer avec une main, et de la lui renvoyer de l’autre.

Evidemment, la sphère de son torse prit tous les dégâts de l’attaque, mais je vis dans les yeux de notre ennemi une pointe de peur se dessiner.

-Genesis…Origins ! Ton petit jeu s’arrête ici, Fuji Makoto ! Origins Pulse !

Je collais mes deux mains entre elles et un intense jet de lumière multicolore fusa vers Fuji Makoto. Ce dernier, confiant, se contenta de croiser les bras et de laisser la pierre absorber toute mon énergie. La terre se mit à trembler lorsque nos deux pouvoirs se rencontrèrent et des éclairs s’échappèrent de mon rayon qui commençait à zigzaguer tout en convergeant vers ce simple point sur le torse de mon ennemi.

Tout en maintenant mon attaque, je frappai le sol de mon pied pour ouvrir une fissure sous l’homme de lumière. Celui-ci, ignorant mon attaque, se mit à léviter mais j’avais prévu cela. Ainsi, dans mon dos, je déployai deux immense ailes sombres qui générèrent un vent violent en direction de Fuji.

Déstabilisé, son visage se crispa soudain, comprenant que je n’étais pas à prendre à la légère. Et voyant qu’il commençait à faiblir, mon rayon d’énergie redoubla d’intensité. Mais ce ne fut pas suffisant. Ses yeux se mirent à luire d’un éclat sombre et une vague de puissance s’échappa de lui, me heurtant si fort que j’en perdis l’équilibre et stoppai net mon assaut.

-Yuiko Iori. Si tu désires réellement m’affronter, essai au moins d’y mettre toute ta puissance.

Je grimaçai. Je ne voulais pas libérer tout mon pouvoir d’un seul coup. Je devais garder des forces pour mon affrontement contre Armageddon…

Mais lorsque je croisai le regard de mon ennemi, mon sang se glaça et je compris une chose. Celui que j’avais en face de moi…était certainement bien plus puissant que le maitre du destin en terme de force brute. Il possédait tous les pouvoirs du monde des esprits dans le creux de sa main…Ma seule chance de le vaincre était de gagner un combat, non pas de puissance, mais de maitrise !


https://www.youtube.com/watch?v=oGUGQRKygp4


Je fermai les yeux, concentrant tous les pouvoirs des démons qui résidaient en moi. Ma main gauche s’embrasa, la droite se liquéfia, mon corps devint aussi solide que de la pierre et mes jambes aussi légères que la brise. Dans mon dos, mes ailes rayonnèrent de plus belle, de même que mes yeux bicolores.

Je pris une grande inspiration…Et fonçai Fuji Makoto. Il crut d’abord qu’il serait en mesure de m’arrêter facilement, comme il l’avait fait avec les démons, mais je dépassai ses attentes. A quelques centimètres de lui, au lieu de lui asséner un coup de poing fulgurant, je ligotai fermement son corps avec une chaine de feu.

-Co…Comment ! S’étrangla-t-il.

Sans même prendre la peine de lui répondre, j’agrippai fermement la sphère incrustée dans son torse et tentai de la lui retirer de force.

-C’est terminé, Fuji Makoto !

Des éclairs noirs et ors jaillirent et me percutèrent mais j’ignorai la douleur, me concentrant à retirer cette horreur dans l’espoir de priver l’homme de ses pouvoirs. Il hurla à la mort, ne pouvant pas même se débattre tandis que, lentement, je sentais l’objet se détacher de son corps. Des fils de chair se rompirent et du sang doré gicla sur le sol.

-Arrête, tu ne sais pas ce que tu es en train de faire ! S’époumona Fuji, l’air effrayé.

-Si, je sais parfaitement ce que je fais, je sauve le futur !

Sentant que j’étais proche du but, je tirai de plus belle quand tout à coup, un craquement retentit et une fissure se forma dans le globe.

Sans même comprendre ce qui m’arrivait, une lueur s’échappa de cette minuscule fissure et m’aveugla totalement. Je fus alors prise dans une violente explosion qui m’arracha à ma cible. Je sentis mon corps se décomposer, exactement comme lors de mes voyages temporels et tous mes sens me lâchèrent pour ne laisser place qu’au vide.


https://www.youtube.com/watch?v=uGy45tGyDCA


Lorsque je repris mes esprits, la scène de bataille avait disparu, de même que Satoshi et Fuji Makoto. Je me trouvai à présent dans un immense palais de glace…Palais que je reconnus immédiatement. Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines au moment où une voix grave confirma mes craintes.

-Ce combat est perdu d’avance pour toi, Yuiko Iori.

Je me retournai en sursaut et c’est là que je le vis. Ce grand dragon en armure noire, accoudé sur son trône et me dévisageant d’un regard empli de haine.

-Armageddon !

-Enfin nous nous retrouvons, humaine du futur.




Chapitre 38 : Asuna, laments of a dying star



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


Une promesse faite à des amis chers, la vengeance contre un homme m’ayant tout pris, l’espoir d’un futur radieux…Est-ce que tout cela…Etait en train de voler en éclat devant mes yeux sans que je n’y puisse rien faire ?…

J’avais suivi les directions de Satoshi afin de trouver le cœur de Noun et débusquer ce rat de Fuji Makoto…Mais le temps de m’y rendre, il était déjà trop tard.

Lorsque je pénétrai la pièce, accompagnée d’Angéla, ce que je vis me sidéra. Satoshi était seul, à terre et l’homme que je haïssais le plus en ce monde semblait avoir perdu la raison. L’homme, possédant un nouveau corps auquel je ne prêtai que peu d’attention, se prenait la tête dans les mains, tremblant de tous ses membres. Dans sa poitrine était incrusté un globe bicolore et fissuré duquel s’échappaient des éclairs d’énergies. Fuji avait l’air de réellement souffrir, il hurlait de douleur, tentant de retirer cette étrange sphère de son torse mais rien n’y faisait.

Etions-nous arrivés trop tard ? Etais-je en train de voir mon pire ennemi mourir devant mes yeux, tué par la main d’un autre que moi ? Non…Cela ne pouvait pas arriver…J’avais consacré beaucoup trop de temps et d’énergie à cette cause ! Fuji Makoto était à moi et à personne d’autre !

Dans un cri de rage, je projetai un rayon sombre vers l’homme afin de lui donner le coup de grâce.

-Non, Asuna, arrête ! Hurla Satoshi en grimaçant de douleur.

Il était trop tard. Mon attaque fusait déjà sur l’homme se tordant de douleur. Cependant, elle ne l’atteignit jamais et fut simplement absorbée par la sphère, me laissant sans voix. Lorsque cela se produisit, les éclairs redoublèrent d’intensité, de même que les cris de Fuji qui tomba à genoux, se tortillant lamentablement sur le sol.

Angéla généra un bouclier pour nous protéger des éclats d’énergie frappant le sol avec une si grande intensité qu’ils le faisaient fondre…

-Satoshi…Qui s’est-il passé ici ? Finis-je par demander d’une voix timide.

-Fuji Makoto…Le pouvoir du monde des esprits est en train de le submerger…Murmura le garçon faiblement.

-Que veux-tu dire ? Cette sphère minuscule serait le noyau ? M’étranglai-je.

-Oui…Et en la brisant, Iori a libéré tout son pouvoir d’un seul coup…Et ce pouvoir est en train de submerger son possesseur…

-Tu veux dire…Que Fuji Makoto est en train de s’autodétruire ?…

-Je ne peux rien affirmer pour le moment…

Je serrai les dents. J’étais tiraillée entre la satisfaction que mon ennemi soit enfin hors d’état de nuire, et la frustration de n’y avoir été pour rien…

Soudain, un bruit de verre brisé me tira de mes songes et, en relevant la tête, je vis que le bouclier d’Angéla venait de se briser en mille morceaux.

-Il ne faut pas rester là ; grimaça la blonde. Son énergie est bien trop grande pour être contenue. Si nous restons à proximité, nous allons simplement griller sur place.

Sans protester, j’acquiesçai et je pris Satoshi sur mes épaules avant de m’éloigner au plus vite de cette centrale nucléaire ambulante.

Alors que nous quittions le cœur de Noun, nous croisâmes Laura et son groupe dans la direction opposée. Cette dernière sursauta en me voyant, se souvenant certainement de notre dernière rencontre, mais l’heure n’était pas aux représailles ni aux excuses. Nous devions simplement fuir et cela, Hélios le compris immédiatement devant l’état de santé de Satoshi.

Mais, alors que nous courions aussi vite que nos jambes nous le permettaient, une vive explosion retentit derrière nous. J’eus à peine le temps de me retourner pour voir le cœur de Noun voler en éclat dans une lumière aveuglante. L’instant d’après, nous fûmes soufflés comme de vulgaires brindilles par la déferlante.

Dans la panique, j’improvisai un bouclier de fortune qui ne m’empêcha pas de m’écraser contre une paroi et de la traverser entièrement.

Je roulai plusieurs fois au sol avant d’être en mesure de m’arrêter, le nez dans le liquide poisseux qui servait de sang au colosse.

Tous mes vêtements s’étaient déchirés lors de mon vol plané, mon corps était couvert de plaies et de bleus et tous mes muscles étaient endoloris, comme s’ils étaient claqués…

Avec difficulté, je me relevai en titubant et pus constater l’étendue des dégâts. Du cœur de Noun, il ne restait plus rien. Plus la moindre trace de l’immense sphère ni de Fuji Makoto…


https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0


Mais mon ennemi juré avait beau avoir été détruit par sa propre explosion, je ne ressentais aucune joie dans mon cœur meurtri…Simplement, un immense vide.

-Et maintenant…Me murmurai-je à moi-même.

Finalement, je n’avais servi à rien. Je n’avais fait que mettre des bâtons dans les roues de ceux qui possédaient déjà le pouvoir de vaincre ce fou. Je n’avais même pas été capable de venger la mort de Kagari ni même la perte de notre foyer. Je n’avais été que spectatrice…

Jamais je n’avais imaginé cette possibilité. Celle d’une fin banale, sans combat de ma part. Une fin dans laquelle je n’étais que moi, Hoshino Asuna, non pas la volonté d’un monde, mais une simple fillette se mêlant de choses qui la dépassaient de loin…

Je baissai la tête, dépitée. Tout était fini. Il ne me restait plus qu’à rentrer chez moi et vivre le restant de mes jours avec cet immense vide au fond de la poitrine. Que pouvais-je faire d’autre de toute façon ?

Sans conviction, je me retournai et utilisai les pouvoirs d’Armageddon pour libérer les autres, enfouis sous les gravats avant de me retirer sans prononcer un seul mot. Ma place n’était plus ici désormais. Je n’avais aucune raison de m’attarder davantage.

-Attends, Asuna ; déclara une voix grave.

Je sentis une main se poser sur mon épaule, ainsi que le cliquetis d’une armure mais je ne me retournai pas. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec les gens de ce monde…Pas même avec Drago ni Hélios.

D’un coup sec, je tentai de me dégager mais la prise se resserra.

-Je sais ce que tu ressens mon enfant.

-Non…Vous ne savez pas ; répondis-je au roi d’une voix éteinte.

-Tu te sens vide au fond de toi, n’est-ce pas ? Tu te croyais héroïne et tu te rends compte que finalement, tu n’as rien fait d’autre que mettre des bâtons dans les roues aux véritables héros, que le monde n’avait pas besoin de toi pour être sauvé, que tu n’étais rien d’autre qu’une fille banale impliquée dans une guerre qui la dépassait de loin…Je me trompe ?

Je me crispai en entendant cela. Non pas parce que cette vérité était trop dure à admettre, mais parce qu’Hélios lisait en moi comme un livre ouvert.

-Je peux comprendre ton mal être…Car c’est exactement ce que moi j’ai ressenti lorsque Drago a finalement vaincu Gariatron, il y a de cela presque trois ans.

La voix de l’homme se brisa et je me retournai, interloquée. La, celui que je vis n’était plus le fier guerrier imbu de lui-même, prétentieux et beau parleur qui était venu me trouver dans mon monde. Il avait l’air fatigué et affaibli…Exactement comme nous l’étions tous.

-Hélios…


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


L’homme soupira et s’assit sur une pierre au milieu des débris, la tête basse, un léger sourire fendant son visage où le poids des âges commençait à se faire sentir.

-Lorsque j’ai accepté Gariatron en moi, il y a cinq mille ans, je pensais réellement pouvoir sauver le royaume que le père de Drago avait laissé derrière lui. Mais finalement, je n’ai réussi à apporter que ruines et désolation sur mon passage avant de sombrer dans la folie. J’imagine que c’est cela que Fuji Makoto désirait changer, m’empêcher d’accéder au trône et sauver sa fille du désastre…

-Une…Fille ? M’étranglai-je. Fuji Makoto ferait tout cela…simplement pour sauver sa fille ?! Mais c’est ridicule !

Le sourire sur le visage d’Hélios s’agrandit légèrement et il me regarda, le regard pétillant de malice, comme s’il me cachait quelque chose.

-Moi je trouve sa motivation belle. Être prêt à tout risquer, sa vie, son humanité, un monde, une ligne d’univers toute entière, et ce, dans le seul but de corriger les erreurs d’un autre…Peu de gens en seraient capables…Et ceux qui sont suffisamment motivés finissent par sombrer dans la folie devant l’impossibilité de cette tâche…Et j’ai fait partie de ceux-là…

Le regard du roi passa alors sur Satoshi, Angéla, Darksky, Saya et Laura qui émergeaient lentement des décombres, encore sonnés par l’explosion.

-Ce n’est que lorsque je suis revenu à moi et que j’ai rencontré les jumeaux que j’ai retrouvé une chose que j’avais perdu dans ma quête de puissance. Pour la première fois depuis une éternité, je me suis senti vivre. Pas en tant que sauveur ni souverain, mais simplement en tant qu’humain. Tout ce que je souhaitais désormais, c’était de vivre avec eux, les protéger des dangers de ce monde, les voir grandir entourés de vous tous, les féliciter de leur réussite, les gronder pour leurs bêtises, leur apprendre tout ce que je savais de la vie et qu’ils m’apprennent à leur tour les mécaniques de ce monde qui m’est encore étranger…

Soudain, la voix du roi se brisa et je pus distinguer un éclat brillant au coin de son œil. Etrangement, je comprenais ce qu’il ressentait. Moi aussi, je ne m’étais sentie pleinement vivante que lorsque j’avais tenté de sortir Drago de la solitude. J’avais passé chaque heure, chaque minute, chaque seconde de mon existence à chercher une solution à son problème, si bien que jamais je n’avais ressenti ni l’ennui, ni la fatigue, ni la lassitude. Tout ce que je faisais me donnait un immense sentiment de satisfaction, même lorsque j’échouais, car j’avais cet espoir que chaque action avait un impact sur lui…Je me sentais indispensable somme toute…

-Je n’ai jamais su si j’aurais fait un bon père ; reprit Hélios d’une voix lente. Celestia est morte alors qu’elle portait notre enfant…

-Vous auriez été le pire de tous ; lança soudain Saya en le coupant.

Nos regards se tournèrent vers la blonde qui affichait simplement un sourire niais tandis que Darksky se prenait la tête dans les mains, l’air désespéré.

-Si vous aviez eu un enfant, je n’aurais pas donné cher de sa peau ; continua-t-elle d’une voix plus légère. Vous l’auriez emmené faire une course de Dragons, peu importe son âge. Vous lui auriez appris des choses inutiles comme comment jouer des mauvais tours à ses amis. Vous auriez confié sa garde à d’autres pendant vos aventures pour le protéger mais vous auriez été incapable de le punir lorsqu’il vous aurait suivi malgré vos avertissements. Et pire que tout, vous lui auriez transmis votre bêt…je veux dire, votre simplicité d’esprit !

-Dis, tu ne parlerais pas pour toi par hasard ? Railla Darksky qui se prit immédiatement un coup sur la tête de la part de Laura.

Angéla et Satoshi restèrent silencieux mais leurs regards parlaient pour eux et ils semblaient en accord avec les paroles de la blonde à queue de cheval.

Le roi soupira une nouvelle fois puis se releva en souriant à son tour.

-Si vous le dites. Tout cela pour te dire Asuna, un jour, tu retrouveras certainement toi aussi une nouvelle raison de vivre.

Je ne lui répondis rien et me contentai de lui tourner le dos.


https://www.youtube.com/watch?v=h8qg-XzHgUk


Cependant, alors que je m’apprêtai à m’envoler, une intense douleur me saisit à mon œil aveugle. Au loin, une lueur rayonna au milieu des ténèbres et mon cœur s’accéléra lorsque je vis une forme humaine en son centre.

Aussitôt, le vide immense laissa place à la colère…Mais aussi à la joie…A la joie sadique de pouvoir accomplir mon œuvre !

Mais, sans même avoir eu le temps d’activer mes pouvoirs, la forme humaine se téléporta juste devant mes yeux. Instinctivement, je tentai de sauter en arrière mais à peine fussé-je frôlée par le bout de son doigt qu’une force phénoménale me projeta contre le mur.

Je crachai une gerbe de sang lorsque des éclats de pierre pénétrèrent dans ma chair et transpercèrent mes poumons.

Laura eut également à peine le temps de se mettre en position que le monstre apparut devant elle et tenta de faire de même. Heureusement, Angéla fut plus vive et s’interposa, invoquant un nouveau bouclier entre l’homme et elle.

Le mur d’énergie de tint qu’une fraction de seconde avant de disparaitre, comme s’il avait été absorbé par le corps de cette créature aux allures divines.

La blonde écarquilla les yeux, stupéfaite. Laura la plaqua au sol de justesse avant qu’elle ne se prenne le même coup que moi.

Juste derrière elles, Darksky se tenait debout et, l’air furieux, projeta une puissance tornade de plumes d’acier acérées en direction de notre ennemi. Mais ce-dernier ne daigna même pas bouger. Les projectiles se mirent simplement à tourner autour de lui avant de se faire renvoyer à l’envoyeur. Saya contra l’attaque in extremis d’un simple revers de la main mais la chose lumineuse s’était déjà téléportée devant elle. La blonde prit l’attaque de plein fouet et fut propulsée en arrière, heurtant violemment Darksky et tous deux s’encastrèrent dans le mur.

De la glace se forma sous les pieds de la créature divine, ainsi que sur son torse et ses bras. Laura, touchant le sol du bout de ses doigts, tentait d’immobiliser notre ennemi.

Mais cela n’eut aucun effet. Il disparut purement et simplement sans même être gêné. Ayant anticipé cela, Angéla érigea une sphère de protection autour d’elle et de la fille de Shadow. Une fois de plus, ce fut un échec. La main de l’homme traversa simplement la barrière comme si elle n’existait pas et envoya au tapis les deux amies d’une simple pichenette.

Je voulus me relever mais mes jambes me lâchèrent aussitôt. Darksky et Saya semblaient au bord du coma et Laura et Angéla étaient bien trop sonnées pour réagir. Il ne restait plus que Satoshi, toujours très faible, et Hélios, en état de se battre.

Mais, alors que le garçon commençait à activer les pouvoirs d’Armageddon, Hélios mit son bras devant lui. Son expression avait changé. Jamais je ne l’avais vu aussi sérieux qu’à ce moment-là. Pour la première fois, je ne vis ni comme un bouffon, ni comme un excentrique, mais réellement comme un guerrier…non, un souverain prêt à tout pour protéger ses sujets.

Au lieu d’attaquer directement, notre ennemi regarda le roi droit dans les yeux et eut un moment d’arrêt.


https://www.youtube.com/watch?v=CoRbgUZb0n4


-Hé…Lios…Articula la créature.

-Fuji Makoto…Ta colère est légitime et je suis seul responsable de ce qui est arrivé.

-Iris…Morte…Guerre…Démon…Murmura-t-il, des larmes étincelantes coulant le long de ses yeux luisants.

-Oui, c’était une fille merveilleuse. Luna aimait passer du temps avec elle au temple. Je suis sincèrement désolé pour ce qui lui est arrivé.

-Mensonges…Trahison…Changer…le Passé…

-Je sais que ton but est noble et à ta place, je poursuivrai certainement le même. Cependant…vois-tu, j’ai moi aussi une famille à protéger désormais, alors si tu veux l’exterminer, tu devras me passer sur le corps, Fuji Makoto…Non, grand prêtre de Solaris, Amon !

-Disparais…Hélios !

Poussant un rugissement bestial, l’homme de lumière se jeta sur Hélios, comme un tigre attaquant sa proie. Mais le roi ne bougea pas d’un pouce. Tandis qu’une violente bourrasque s’échappa du corps d’Hélios, une puissante aura blanche le recouvrit entièrement et ses yeux virèrent au doré le plus pur.

Lorsque le poing du grand prêtre heurta notre allié, une explosion souleva un épais nuage de poussière tout autour des deux combattants. Mais, alors que je pensais que le roi avait été balayé comme nous, ce dernier réapparut, debout, calme, bloquant l’attaque grâce à la paume de sa main.

Je lisais dans le regard de Fuji sa surprise face à une telle réaction et je l’étais tout autant que lui. Il avait suffi à l’homme de m’effleurer pour me mettre à terre là ou Hélios encaissait une attaque frontale sans aucune difficulté.

Sans perdre une seconde, l’ennemi de l’humanité fit un bond en arrière pour tenter d’asséna un coup de pied dévastateur. Une fois de plus, Hélios bloqua l’attaque avec son avant-bras sans broncher. Le sol se fissura tout autour d’eux tant l’impact fut violent.

Fuji tenta de porter plusieurs coups si rapides que j’avais du mal à suivre tous ses mouvements, mais Hélios les bloquait tous sans bouger d’un millimètre. Lorsque son adversaire se téléporta derrière lui pour le prendre par surprise, il fut repoussé par une force invisible et le grand prêtre vola contre le mur.

-Amon…Ta force est grande, mais ce pouvoir n’est pas le tien. Tu ne le maitrise même pas au centième.

-Ne…Ne te fout pas de moi…Hélios ! Beugla-t-il.

Fou de rage, Fuji se téléporta juste devant le roi. Ce dernier tenta de parer une potentielle attaque mais son adversaire avait un autre plan. Alors qu’il était en position de défense, l’homme de lumière disparut de nouveau pour réapparaitre juste au-dessus de lui.

De là, tel une météorite, il s’écrasa sur Hélios qui ne put rien faire pour se défendre. Notre allié fut plaqué au sol avec une violence telle que je ressentis la force de l’impact de là où j’étais.

Ne laissant même pas d’instant de répit, Fuji se mit à mitrailler le pauvre homme au sol qui n’avait pour seul moyen de lutter que ses bras.

Mais, alors que je pensais que c’était terminé, une intense lumière émana du corps du seigneur soleil. Fuji fut propulsé dans les airs sans comprendre ce qui lui arrivait et, se relevant instantanément, Hélios le frappa d’un uppercut. L’homme fut envoyé si haut dans les airs que je perdis sa trace visuelle.

L’ancien roi, lui, n’attendit pas le retour de son adversaire et chargea un nouveau rayon lumineux qu’il envoya vers le ciel.

J’entendis un cri de douleur et une explosion lointaine retentit. Pendant un court instant, je crus que nous avions gagné. Mais Hélios, lui, restait sur ses gardes.

Il avait raison. A l’endroit où l’explosion avait eu lieu, le corps de Fuji Makoto réapparut, entouré à présent d’une sinistre aura sombre, comme une barrière ardente le protégeant.

Il plongea une nouvelle fois sur Hélios qui tenta de le bloquer, en vain. Le roi fut projeté en arrière. Et alors qu’il ne s’était pas encore remis en position, le grand prêtre se précipita sur lui. S’ensuivit à partir de là une pluie de coups que le roi ne pouvait que contrer maladroitement, reculant toujours un peu plus à chaque fois.

Les deux combattants se déplaçait si vite que je peinais à discerner les trainées lumineuses qu’ils laissaient derrière eux et je ne pouvais voir distinctement que lorsqu’un coup direct était porté.

Les murs et le sol ne semblaient pas exister pour les deux hommes qui les traversaient comme du papier mouillé. Partout, des éclats de pierre volaient mais cela ne les dérangeait même pas. Uppercut vers le haut, attaque d’énergie, frappe frontale, Fuji Makoto déployait tout un arsenal de coups qui aurait laissé les meilleurs combattants en piètre état. Mais pas Hélios. Celui-ci tenait chaque coup, chaque attaque, chaque frappe sans exprimer la moindre émotion, ayant toujours la parade appropriée à son ennemi.

Finalement, le roi se décida à répondre aux assauts du grand prêtre. Je vis leurs poings s’entrechoquer et je fus obligée de planta mon épée dans le sol et de m’y accrocher de toutes mes forces pour ne pas être soufflée comme une brindille.

Contre toute attente, Hélios eut l’avantage. Fuji s’écrasa sur le sol, abasourdi tandis que son ennemi réatterrit tranquillement quelques mètres plus loin derrière lui.

-Je vois…C’est donc ça la puissance que tu as acquis au cours de ces dernières millénaires…Hélios…Murmura l’homme de lumière en se relevant.

-Je vais certainement te décevoir mon cher Amon mais non. Je ne fais que protéger ceux qui me sont chers ; lui répondit le roi en haussant les épaules.

-Dans ce cas…Il est peut-être temps que moi aussi, j’utilise la même force que toi…Admire, Hélios : Fusion parfaite activée…


https://www.youtube.com/watch?v=bM9noRWNgsM&t


Je m’étranglai en l’entendant prononcer ces mots. Cet homme…il cachait un tel atout dans sa manche…Il possédait déjà plus de puissance que nous tous réunis dans sa forme normale…je tremblais rien qu’à imaginer ce que la fusion parfaite pouvait lui apporter.

Hélios était sur ses gardes. Il ne semblait pas spécialement inquiet mais je pouvais lire dans ses yeux qu’il prenait enfin ce combat au sérieux.

Fuji Makoto poussa un cri de rage. Un dôme d’énergie noire émana de lui et des éclairs s’abattirent sur le sol. Au loin, le tonnerre gronda, une bourraque de vent brûlant souffla et la terre trembla. Le sol sous nos pieds, déjà en piètre état, commença à s’effondrer et Laura du attraper Saya par le col pour l’empêcher de sombrer dans les profondeurs de Noun. Sous les pieds de l’homme, le symbole de la fusion parfaite apparut : une galaxie spirale…Non…Ce n’était pas un simple symbole…Une véritable galaxie était en train de naitre devant nos yeux, et ceux, par la simple volonté de Fuji Makoto !

Une explosion lumineuse m’aveugla et, lorsque le flash se dissipa, je retins mon souffle devant la créature que j’avais face à moi. Ce n’était plus Fuji Makoto. Une nouvelle fois, son corps s’était métamorphosé. Mais pas physiquement. Je ne pouvais pas dire ce qui avait changé en lui…mais il semblait différent. Il était toujours rayonnant comme une supernova et avait toujours autour de lui son aura presque divine.

Et pourtant, sa présence était écrasante. J’avais l’impression qu’il se trouvait partout et nulle part à la fois. Je le ressentais dans tout l’espace alors que je voyais, devant moi, en chair et en os.

Les autres semblaient aussi abasourdis que moi par cette transformation. Même Hélios recula d’un pas, prudent.

-Il est temps de vous montrer la puissance infinie de Noun ! Contemplez, pauvres fous qui osez vous dresser sur le chemin du mage le plus expérimenté de Solaris, le pouvoir de dépasser les dieux ! Viens à moi, Iris !

Cette fois-ci, Hélios écarquilla les yeux, interloqué. Dans un rire fou, Fuji leva la main au ciel et une faille s’ouvrit. Une colonne de lumière descendit jusqu’au sol et lentement, une forme humaine apparut. Il s’agissait d’une jeune fille d’une vingtaine d’années, au visage fin et aux longs cheveux ébènes flottant gracieusement derrière elle. Sa peau était mate et son nez droit. Ses yeux étaient fermés et elle était recroquevillée sur elle-même, comme un enfant dans le ventre de sa mère.

La fille s’arrêta à quelques centimètres du sol et resta dans cette position, à l’intérieur d’une sphère protectrice.

-Amon…Tu ne viens tout de même pas de…

-Je te l’ai dit, Hélios ; le coupa l’homme. Je n’ai toujours eu qu’un seul objectif, celui de reprendre ce que le destin et toi vous m’avez pris. A présent, il ne me reste plus qu’à défaire Armageddon pour m’assurer qu’Iris survive.

C’est alors que des larmes dorées s’échappèrent des yeux de l’homme et qu’il écarta les bras en levant les yeux au ciel.

-Finalement, après toutes ces années de faux semblants et de lutte, j’ai enfin réussi ! Iris est là, en chair et en os ! Il ne reste plus qu’un seul obstacle à franchir avant de pouvoir trouver enfin le repos…Et cet obstacle…C’est d’éliminer ceux qui m’ont arraché ma fille !


https://www.youtube.com/watch?v=rf2ICcDLuws


Fuji se précipita de nouveau sur Hélios avec une vitesse hallucinante. Le roi tenta de parer comme il l’avait fait précédemment mais il ne put rien faire et fut projeté en arrière. Dans son vol plané, il tenta de riposter en projetant un rayon de lumière sur son adversaire mais il traversa simplement l’homme comme s’il n’existait même pas.

C’est alors qu’un second Fuji fit son apparition derrière Hélios…Non, ce n’était pas un second…il s’agissait du même être. Il s’était déplacé si rapidement que même la lumière n’avait pas suivi son corps et avait laissé une image résiduelle de lui…

D’un coup de genou, Fuji envoya le roi dans les airs puis joignit ses deux mains pour le propulser au sol. Avant qu’Hélios n’ait pu toucher la pierre pour reprendre son équilibre, le grand prêtre se téléporta à côté de lui et tira un rayon de lumière droit sur le roi.

Le père adoptif de Satoshi disparut dans les flammes de l’attaque pour réapparaitre quelques mètres plus loin, ses habits fumants et sa cape en lambeaux, mais vivant.

Sans dire un mot, Hélios passa à son tour à l’attaque, projetant une puissante déferlante d’énergie sur son adversaire. Fuji fit de même et lorsque leurs attaques se rencontrèrent, Angéla invoqua se releva d’un seul coup pour ériger un bouclier pour nous envelopper tous.

L’instant d’après, je remerciai le ciel de sa vivacité. Tout autour de nous n’était plus que ruines et chaos. Il ne restait rien des entrailles de Noun. Ses veines et son cœur avait disparu pour ne laisser qu’un immense cratère fumant sur plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Leur attaque avait libéré tant d’énergie qu’elle avait même ouvert un passage vers l’extérieur et nous pouvions voir le noir du vide spatial au-dessus de nos têtes…

Les deux hommes quant à eux se faisaient face, volant au milieu du vide, ne semblant même pas remarquer les dégâts qu’ils avaient causés.

Cependant, je pus constater une chose qui m’avait échappée jusque-là. Alors que Fuji Makoto semblait en pleine possession de ses capacités, Hélios, lui, était exténué. Sa respiration était saccadée, de nombreux hématomes couvraient sa peau, il suait à grosse gouttes et ses membres tremblaient.

-Oh, serais-tu déjà à tes limites, Hélios ? J’imagine que c’est cela que de vivre aussi longtemps. Tu as peut-être maitrisé ton pouvoir à la perfection, mais tu n’auras pas eu le temps de t’en servir à ton plein potentiel.

Sans même écouter son adversaire, Hélios se précipita sur lui mais Fuji l’avait vu venir. A la dernière seconde, alors que le roi n’était plus qu’à quelques millimètres de lui et qu’il s’apprêtait à le frapper en pleine face, l’homme libéra toute sa puissance d’un seul coup.

Un laser s’échappa de ses yeux et transperça l’armure d’Hélios à la poitrine, juste à côté de son cœur. Il poussa un cri de douleur et cracha un filet de sang tout en s’écrasant violemment plusieurs centaines de mètres plus bas.

-Hélios ! S’écria Saya, affolée.

Elle voulut le rejoindre mais Laura la retint par l’épaule. Si elle affrontait Fuji maintenant, elle n’avait aucune chance et cela. Malgré cela, Satoshi activa ses pouvoirs et se prépara à sortir pour aider le roi.

-Re…Reste où tu es…Satoshi…Lança Hélios en tentant de se relever.

-Tu résistes encore ? Tu es plus coriace que tu en as l’air ; grogna Fuji, agacé. Accepte tes limites et abandonne ta vie ici.


https://www.youtube.com/watch?v=SZ0kcB5m7_8


-Mes…Limites…quelle foutaise…

Avec difficulté, le roi se remit debout. Une rivière de sang s’écoulait abondamment de son torse mais il ne s’en préoccupait pas et regardait simplement Fuji dans les yeux d’un air déterminé.

-Hélios, ne forcez pas, j’arr…

-Satoshi…Saya, Laura, Darksky, Angéla…Et même toi, Asuna.

Tous nos regards se tournèrent en même temps vers le roi qui souffrait rien que pour rester debout mais qui refusait tout de même de s’avouer vaincu.

-Vous m’avez appris que, même pour une coquille vide comme moi, il existe encore un avenir. Vous m’avez montré, chacun à votre façon, que je pouvais aller bien plus haut, me dépasser dans des domaines dont j’ignorais même l’existence avant de vous rencontrer. Elever des enfants comme les miens, vivre ma vie loin des tourments de souverain, transmettre mon savoir aux générations futures, pardonner à ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont tenté de m’éliminer…Et découvrir les conséquences de mes actes des milliers d’années plus tard…

L’aura autour d’Hélios revint soudainement et dans ses yeux, je pus discerner comme deux minuscules galaxies à la place de ses pupilles.

-Oh non, c’est hors de question ! Meurs, Hélios !

Fuji Makoto projeta un nouveau rayon d’énergie sur le roi qui ne put l’éviter et le reçut de plein fouet. Il hurla de douleur lorsqu’il fut absorbé par la lumière mais ne faiblit pas et l’aura qui l’entourait s’intensifia davantage.

-Mes enfants !

Tout à coup, deux ailes incandescentes naquirent dans le dos d’Hélios et le rayon de Fuji Makoto commença à se dissiper au profit de l’aura éblouissante du roi. Il mit la main sur son cœur et y arracha une sphère lumineuse, bien plus radieuse que tout ce que j’avais pu voir jusqu’ici. C’était comme s’il tenait une étoile naine au creux de sa main.

-Attendez, Hélios ! Ne faites pas ça ! S’écria Satoshi, affolé.

-Amusez-vous bien ! Mangez bien ! Etudiez bien et Reposez-vous bien ! Profitez de votre vie au maximum, appréciez chaque moment, savourez chacune de vos joies, surmontez chacune de vos peines et continuez à viser les sommets ! Ne cessez jamais de croire en vous et dans les liens que vous avez tissés tous ensemble ! Ne prenez pas le même chemin que moi et épanouissez-vous dans une voie lumineuse ! Moi, Hélios, le seigneur Soleil d’Héliopolis, vous confie l’avenir de vos mondes respectifs ! Voici la plus puissante des fusions : Avalon ! Fais tomber Amon, Dragon Hiératique d’Avalon, Atum !

Le corps d’Hélios se métamorphosa en un immense dragon doré à l’armure d’argent. La sphère lumineuse dans ses mains grandit d’un seul coup et une vague d’énergie pure déferla.

-Luminion Lifelight !

Le rayon de Fuji Makoto fut noyé dans la lumière de l’attaque. Le corps de l’homme fut pris dans l’explosion également et ses membres se désagrégèrent en poussière d’étoile. Je ne pus entendre qu’un cri où se mêlaient rage, douleur et frustration avant que tout ne devienne blanc et que l’espace ne soit absorbé par la lumière.


Pendant plusieurs instants qui me parurent une éternité, je ne pus rien voir de l’issue de ce combat. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Je redoutais autant que je ne pouvais attendre de connaitre le destin de Fuji Makoto.

Lentement, la luminosité revint à la normale et une unique silhouette se dessina. Un homme se tenait debout, seul au milieu du néant, une longue cape volant derrière lui. Puis une chevelure blonde se découpa, ainsi qu’une armure dorée. A ce moment-là, je ne peux expliquer pourquoi, une immense joie emplit mon être tout entier et mon visage s’éclaira d’un large sourire que je ne pus contrôler.

Saya sauta de joie sur place, Satoshi soupira de soulagement, Angéla ferma les yeux, l’air heureuse et Darksky et Laura firent un pas en avant, abasourdis, lorsque tous discernèrent Hélios nous faisant face.

-Hélios ! Vous avez réussi ! S’écria Saya. Je savais que ce Fuji Makoto ne vous résisterait pas une seule seconde !

A ce moment-là, je fus saisie d’une angoisse incontrôlable. Quelque chose clochait. Le roi se tenait bien face à nous mais son sourire était figé…Et également incroyablement triste.

Au moment où la blonde à queue de cheval se précipita sur le roi pour lui donner une grande tape dans le dos, sa main passa simplement à travers le corps d’Hélios comme s’il n’existait plus. L’instant d’après, des sphères lumineuses commencèrent à l’entourer et peu à peu, l’homme se fondit dans le décor tel un fantôme. Mon cœur se serra lorsque je compris ce qu’il se passait et je détournai le regard, incapable de supporter cela.


https://www.youtube.com/watch?v=ubn6-n_XTXY&t


-Hé…Lios ? Demanda-t-elle timidement, interdite.

-Désolé ma chère Saya, j’ai gardé ce secret pour moi pendant tout ce temps…Mais il semblerait que nos chemins se séparent ici.

-Co…Comment ? S’étrangla-t-elle. Mais…non…Hélios…Vous n’avez pas le droit…Pourquoi…

-Luminion m’avait prévenu ; répondit le roi d’une voix chargée de regrets. Son pouvoir me maintenait en vie après toutes ces années. Mais pour protéger ce monde…pour vous protéger, j’ai dû puiser dans ce pouvoir.

-Attendez…Je ne comprends pas…Déclara Darksky d’une petite voix. Vous allez disparaitre ? C’est une blague hein ? C’est encore votre humour douteux qui prend le dessus, rassurez-moi ! Vous n’allez tout de même pas…Vous ne pouvez pas…

-Darksky…Le coupa Satoshi la tête basse. S’il te plait…Ne rends pas les choses plus dures qu’elles ne le sont déjà…

-Non ! Je refuse d’y croire ! Il doit bien y avoir une solution ! Laura, tu as pu sauver Angéla avec les pouvoirs de Gariatron, tu dois bien être en mesure de…

Hélios, le coupant dans sa phrase, secoua la tête négativement.

-Merci pour tout, Darksky…Je ne te l’ai jamais dit à l’époque…Mais tu as été la meilleure de mes recrues. Toi et Saya formiez un duo hors pair. Je suis sincèrement désolé pour tous les soucis que je t’ai causés. Excuse-toi auprès de Marie aussi…Je n’ai jamais pu lui donner de véritable revanche à la course de Dragons après tout…

Le roi se tourna alors vers Laura. La brune fit un pas en avant et mis sa main sur son cœur. Je voyais bien qu’elle faisait tout pour retenir ses larmes mais son visage trahissait ses émotions.

-Laura, mon enfant…Tu es certainement celle qui a le plus souffert par ma faute et même une dizaine de vie ne suffiraient pas à pardonner ce que je t’ai fait subir à toi, à ton père et à ta famille…

-Ce…Ce n’est rien ; bégaya-t-elle d’une voix brisée par l’émotion. On va dire…on va dire que grâce à vous, j’ai pu retrouver Darksky…Et puis…je…je…

La jeune fille ne put terminer sa phrase et des larmes se mélangèrent à son sourire forcé.

-Merci d’avoir veillé sur nous pendant tout ce temps, Hélios ; sanglota-t-elle en s’inclinant.

La lumière qui entourait le roi se fit plus intense et les sphères de lumière se multiplièrent tandis que son corps devenait toujours de plus en plus transparent.

-Angéla…Je…

-N’en dîtes pas plus, Hélios ; le coupa la blonde en lui tournant le dos pour cacher son visage mais sa voix trahissait elle aussi sa peine. Vous avez gâché ma vie…Vous avez pris mes amies…Vous avez tenté de me tuer…Et pourtant…pourtant…les jours que vous avez passés à m’entrainer restent gravés dans ma mémoire…Vous étire sévère mais juste, stupide mais amusant, lourd mais indispensable…alors…Merci pour tout…

Cela arracha un léger sourire au roi qui soupira avant de se tourner vers moi. Mon cœur se serra un peu plus lorsque ses rouges croisèrent mon œil borgne et je ne pus m’empêcher d’avoir honte. J’avais tout fait pour pourrir la vie de ses protégés…et voila qu’il me débarrassait de mon pire ennemi au prix de sa propre vie…Et malgré cela, je ne trouvais pas les mots pour remercier celui qui m’avait permis de revoir Drago.

-Asuna…La vie nous réserve bien des surprises, tu ne trouves pas ? Qui aurait cru que tu te retrouverais embarquée dans un conflit dans lequel tu n’as aucune attache ? Amon était ma responsabilité. Jamais toi et ton monde n’auriez dû payer pour mes fautes. Des excuses ne sont que des mots et ne changeront jamais ce qui est arrivé…Mais sache que je te souhaite de tout cœur de trouver la paix et le bonheur que tu recherches…et que je suis désolé.

-Ne…Ne soyez pas ridicule ; bégayai-je en détournant le regard. Même si j’aimerais vous blâmer pour tout ce qui s’est passé, j’en suis bien incapable…et encore moins dans ces circonstances…

Non…Ce n’était pas ce que je voulais lui dire…Je voulais le remercier…alors pourquoi n’arrivai-je pas à prononcer ces simples mots ? Pourquoi me sentais-je aussi indigne de l’attention et de la gentillesse que me portait le roi ? … Je ne voulais pas qu’il disparaisse, lui qui était le premier à m’avoir ouvert les bras alors que j’étais au plus bas, je voulais qu’il continue à m’épauler, à me guider, à me conseiller. Si je pouvais tout recommencer, j’aurais voulu ne jamais l’avoir quitté et l’avoir suivi avec Serena et Satoshi…Mais rien de tout cela ne sortit de mon esprit…

Lorsqu’enfin le roi se tourna vers Satoshi, son expression changea et la fausse joie disparut de son visage pour ne laisser place qu’à la tristesse et au regret.

-Satoshi, mon enfant…Murmura-t-il. Je sais que tu n’aimes pas les longs discours alors je vais être bref. La vie n’est pas faite de noire ou de blanc…

-Mais elle est colorée de milliers de couleurs différentes, je sais ; le coupa le garçon.

Le roi esquissa un sourire en entendant cela, comme un père entendant son fils ayant enfin appris une leçon compliquée.

-Hélios ; reprit-il en serrant le poing et en baissant les yeux. Je vais vous le dire clairement : lorsque je vous ai rencontré, je vous ai tout de suite détesté. Vous étiez un guignol sorti de nulle part, aux habitudes étranges et ne connaissant pas nos coutumes à Satellite. Et pourtant, aujourd’hui, je vous considère presque comme mon père…C’est ridicule, n’est-ce pas ? Serena se moquerait bien de moi en m’entendant mais je m’en fiche à présent. Je déteste faire preuve d’émotion…C’est vrai après tout…A quoi bon s’attacher à quelqu’un…à s’énerver contre lui…à se faire du souci pour lui…tout en sachant très bien qu’il va disparaitre un jour où l’autre !

A son tour, le garçon qui n’avait jusque là jamais fait preuve d’aucun sentiment envers personne, se mit à pleurer à chaude larmes, comme s’il relâchait en une seule fois tous ses sentiments refoulés depuis des années.

-Pourquoi…Je le savais…Depuis que vous nous avez emmenés à Héliopolis…Je le savais…Et je m’étais juré de ne pas refaire la même erreur qu’avec nos parents…Je savais que vous alliez nous quitter ! Alors pourquoi me suis-je attaché à vous ! Pourquoi ai-je redouté ce moment fatidique ? Pourquoi ai-je apprécié ces moments stupides passés auprès de vous ? Pourquoi ai-je été incapable de vous prendre pour une de ces simples ordures qui arpentaient les rues de notre poubelle ? Pourquoi…ai-je fini par vous traiter comme un membre de ma propre famille…

-Satoshi…Merci pour tout ce que vous avez fait, toi et ta sœur…ce que tu me dis maintenant…Me confirme que la coquille vide que j’étais à finalement réussi au moins une chose dans sa longue et interminable vie…

A bout de forces, Satoshi tomba à terre et ses larmes se répandirent sur le sol.

-Non…Merci à vous, Hélios, de nous avoir tiré de la misère…

-Lorsque tu verras ta sœur, dis-lui que je suis désolé de ne pas avoir pu lui dire au revoir en face et qu’elle saura quelle est la bonne voie à suivre.

-Je n’y manquerai pas…


https://www.youtube.com/watch?v=_-t06qBtiJk


Le corps tout entier du roi se mit à rayonner et ses membres commencèrent à disparaitre lentement dans la lumière tandis qu’il se tourna enfin vers Saya. La blonde à la queue de cheval n’avait pas bougé et lorsque leurs regards se croisèrent, elle se jeta simplement dans les bras d’Hélios. Mais contrairement à la première fois, elle ne passa pas au travers de lui et pu se blottir contre son torse pour pleurer. Dans un geste paternel, il la prit dans ses bras et ferma les yeux.

-Saya…Ma fille…Ma très chère petite fille…Tu dois être forte par toi-même à présent.

-Hélios…S’il vous plait, ne partez pas maintenant…J’ai encore besoin de vous…

-Je suis heureux de t’avoir recueillie il y a de cela dix ans. C’est ta présence qui m’a permis de tenir face aux ténèbres de mon cœur pendant toutes ces années. Tu étais ma lumière à travers la nuit, celle qui me guidait sur le chemin de l’humanité que j’avais perdue. Je me souviens encore de cette fille gambadant à travers les ruines d’Héliopolis joyeusement, ignorant tout du monde mais étant simplement heureuse d’avoir trouvé quelqu’un à qui sourire. Est-ce que tu t’en souviens toi aussi ?

-Oui…Vous avez été le premier à me tendre la main là où même mes parents m’avaient abandonnée…Vous m’avez tiré de cette chambre sombre, froide et déserte de l’orphelinat. C’est pourquoi je me suis enfuie lorsque Gariatron a commencé à prendre le dessus…Je ne voulais pas détruire l’image que j’avais de vous…

-Je vois…Dis-moi, Saya, en ai-je fait assez ?

-Vous étiez le pire des pères…Mais pour moi, il n’y avait pas meilleur homme sur terre que vous…Alors s’il vous plait…ne partez pas maintenant ! Nous avons encore tant de choses à partager !

-Je vois…

La lumière devint presque aveuglante et du corps d’Hélios, il ne restait plus que le haut de son corps enlaçant tendrement sa fille adoptive qui sanglotait dans ses bras.

-Hélios…

-Merci d’avoir accepté d’être ma fille, Saya. Merci d’avoir accepté l’homme détruit que j’étais. Merci d’avoir donné un sens à ma pauvre vie…Pour tout…Merci…Et adieu.

Un bruit de métal frappant le sol retentit dans la salle et Saya tomba sur le sol lorsque le corps d’Hélios s’envola dans pluie de poussière d’étoile.

-Hé…Hélios… ?!

La blonde, les yeux rouges et noyés dans les larmes, tenta de rattraper en vain tous ces filaments de lumière mais ne fit que brasser de l’air…Le roi était parti. Il ne restait de lui que sa couronne ainsi que ces milliers d’éclats scintillants s’élevant lentement vers le ciel, baignant dans une douce lumière.

-PAPA !

Seule la plainte déchirante de Saya résonna dans cet espace vide et dévasté. A ce moment-là, je réalisai une chose importante : malgré moi, je m’étais attachée aux habitants du monde de Drago. Mais pour le comprendre, j’avais dû payer le prix le plus élevé qui soit…






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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [05/08/2016] à 16:07

Yuiko Saya : Le sourire d’une orpheline


Prologue



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=h9sRYRrCLVE


Un cratère fumant. Des débris de pierres encore chaudes. Des larmes. De la tristesse. Un immense vide dans mon cœur. Et une couronne d’or que je serrais contre mon cœur de toutes mes forces.

Je ne voulais plus me lever. Je ne voulais plus ouvrir les yeux. Je ne voulais plus respirer. Je ne voulais plus parler. Je voulais simplement arrêter le temps sur cet instant et oublier la guerre, oublier le monde des esprits, oublier tout…tout excepté le sourire de l’homme qui un jour avait tendu la main à une orpheline faible et malade sur le bord de la route.


Je m’en souvenais encore parfaitement. J’avais fui l’orphelinat gris et froid dans lequel je vivais et m’étais lancée sur les routes, sans réel objectif, espérant trouver une vie plus joyeuse ailleurs. Mais comment une fillette de douze ans pouvait-elle survivre seule ? C’était impossible et je l’ai démontré rapidement.

C’était un jour d’orage. Le vent soufflait fort. La pluie était glaciale. Mes habits me collaient à la peau. Mon ventre était vide. Je m’étais tordu la cheville et avais trouvé refuge dans un abribus abandonné sur le bord d’une route que personne n’empruntait. Mais je n’avais pas perdu espoir. Mes pouvoirs m’avaient montré un avenir bien plus lumineux…Alors je luttais pour rester en vie, pour que ce futur se réalise…Et il prit la forme d’un homme.

Il avait eu l’air de sortir de nulle part et portait un costume étrange, tout droit venu d’un autre siècle mais je m’en fichais. Il semblait émaner une lueur si réconfortante que je me suis simplement blottie dans ses bras et ne l’avais plus quitté.

L’homme me recueillit. Il me soigna. Il me nourrit. Il m’hébergea. Il prit soin de moi. Toutes ces petites intentions insignifiantes dont personne, pas même ceux qui m’avaient donné la vie, n’avaient fait preuve envers moi, m’avaient réchauffé le cœur et pour la première fois, j’avais été capable de sourire à quelqu’un sans me forcer.

Pourquoi ne l’avais pas réalisé avant ? Pourquoi avais-je fui ce bonheur se tenant devant moi ? Pourquoi n’avais-je pas cherché à aider l’homme m’ayant sauvé la vie au lieu de le craindre ? Pourquoi avais-je été incapable de le protéger ? Pourquoi…avais-je été incapable…Simplement de le remercier ?…

« Hélios…Finalement, vous ne m’avez jamais dit ce qui vous a motivé…A interrompre vos plans pour vous occuper d’une fillette insignifiante comme moi… »



Chapitre 1 : Avant la tempête



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=pjLekG0YJZM


La ligne d’arrivée était droit devant. Et il n’y avait personne devant moi pour me bloquer le passage. Confiante, je donnais un coup de talons à Chaofeng afin de franchir les quelques mètres qui me séparaient de la victoire.

Tout à coup, un bang sonique retentit derrière moi et je serrai les dents lorsque je vis juste au-dessus de ma tête une immense carapace, prête à s’abattre sur moi.

« Oh non, pas cette fois ! Allez Chaofeng ! »

Poussant un cri de rage, mon dragon accéléra encore. Dix mètres, Cinq. Quatre. Trois. Et c’est alors que mon destrier se fit écraser par le poids de la carapace et je roulais lamentablement dans le sable alors que mon adversaire, lui, franchissait la ligne d’arrivée, l’air fier de lui.


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


-Ce qui nous fait donc 5-0 pour moi ma très chère Saya ; fanfaronna le roi avec un sourire niais aux lèvres.

-Je suis certaines que vous truquez vos blocs ; ronchonnai-je en gonflant les joues. Pourquoi ai-je uniquement des bananes Naturia alors que vous avez des Raigeki sans arrêt ?!

-Ne sois pas mauvaise perdante, je suis simplement meilleur que toi ! S’exclama-t-il en éclatant de rire.

-Quelle fierté tirez-vous à gagner contre une fillette de douze ans ! Râlai-je en crachant le sable qui s’accumulait dans ma bouche. Vous allez voir, un jour je trouverai quelqu’un qui vous ridiculisera et vous arrêterez de faire le malin !

-Ce jour-là, je m’engage à m’habiller « correctement ». Mais je ne crains rien puisque cela n’arrivera jamais.

-Pari tenu, vous allez mordre la poussière !

Nous frappâmes nos poings pour sceller notre promesse quand, au même moment, une sonnerie tout droit sortie de totally Spies retentit dans l’immense désert. Le roi sursauta et je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire. C’était moi qui avais mis ces six bips en guise de sonnerie à Hélios et je n’étais pas peu fière de ma blague. Ainsi, il passait encore plus pour un clown lorsqu’il sortait dans la rue et il ne s’en rendait même pas compte.

Après avoir passé trente bonnes secondes, l’homme en armure réussit finalement à prendre l’appel et son visage s’assombrit aussitôt puis il s’éclipsa comme il le faisait souvent.


https://www.youtube.com/watch?v=ZIZzj3e4SJs


Cela faisait maintenant six mois que j’avais rencontré Hélios. Je n’avais pas compris qui il était exactement mais je lui étais réellement reconnaissante de m’avoir sauvée. C’est pourquoi, je lui avais demandé de rester à ses côtés. Au début, il avait été réticent. Evidemment, tout le monde l’aurait été à l’idée de recueillir une fille turbulente et inconnue mais il avait fini par céder lorsque je l’avais menacé d’appeler la police pour enlèvement. Enfin…Il avait d’abord fallu que je lui explique ce qu’était la police et comment j’allais la prévenir, ce qui avait engendré pas mal de quiproquo…

Car oui, d’après le peu de choses que j’avais comprises sur lui, Hélios n’était pas de notre époque. Mais cela ne me dérangeait pas. Je trouvais même cela amusant…Du moins au début, avant que je ne comprenne le calvaire qu’était son insertion dans notre monde.

Mais nous formions pour cela un bon duo. Lui qui était bien plus âgé pouvait m’apprendre à survivre, et moi, je pouvais lui faire connaitre notre société. C’était une sorte d’échange équivalent où nous étions tous les deux gagnants.

Même si nous voyagions beaucoup, notre point de chute était un immense château enfoui dans les sables du désert. Là, il n’y avait plus grand-chose à part des ruines mais je m’y plaisais bien plus qu’à l’orphelinat. Je me sentais aventurière dès que je découvrais une nouvelle porte, un nouveau passage…même s’il n’y avait souvent rien au bout à part du sable.

Mon quotidien aux côtés d’Hélios était pour le moins original. J’alternai entre les combats à l’épée de bois, les courses de dragon, les chasses au trésor dans le désert et diverses autres activités dont tout enfant de mon âge aurait rêvé.

Cependant, plus les jours passaient, et plus je sentais une autre présence à l’intérieur de ces murs. Je ne pouvais pas mettre la main dessus ni définir exactement s’il s’agissait d’un esprit ou d’un humain…mais nous n’étions pas que deux dans ce château.

Mais lorsque j’en parlais à Hélios, à chaque fois celui-ci détournait maladroitement la conversation, ce qui me confortait dans mes soupçons. Mais je n’osais pas mener d’enquête plus profonde, de peur de découvrir une vérité déplaisante à l’intérieur de cette vie si agréable.


Ce jour-là, après le coup de fil mystérieux, Hélios me ramena à la civilisation avec l’un de ses tours de passe-passe dont lui seul avait le secret. Et ainsi, en moins d’une heure, nous passâmes du désert profond et aride à une cité moderne, futuriste même, du nom de Néo Domino City.

J’étais émerveillée en arrivant sur les lieux. Moi qui avais grandi dans un vulgaire village de campagne, je n’avais vu les grattes ciels que dans les livres. Et à présent que je les avais en face de moi, j’étais prise de vertige. J’avais réellement l’impression que cette ville pouvait toucher le ciel…

Ici, pas de bois ni de pierre. Simplement des immeubles en verre reflétant la lumière éblouissante du soleil. Et parmi les tours, une se détachait du lot, bien plus haute et bien plus colossale que tous les autres bâtiments : Le QG de la police, servant également de mairie à la ville.

Les rues étaient bruyantes. Des milliers de passant pressés s’affairaient dans les rues tandis que le défilé de voitures sur la chaussée ne semblait pas avoir de fin.

Je n’aimais pas vraiment cette ambiance agitée et stressée à vrai dire. J’avais passé bien trop de temps dans ce désert pour me réhabituer aux ambiances des grandes villes. Mais en tant que simple touriste, je trouvais l’endroit extraordinaire.

Hélios se dirigea à l’écart du centre-ville et prit la direction d’un immense pont reliant Néo Domino City à une autre partie de la mégalopole.

Les senteurs de la mer me piquèrent le nez et j’éternuai plusieurs fois face au vent salé. C’était également la première fois que je voyais la mer…mais je ne l’imaginais pas du tout ainsi. Dans tous les livres que j’avais lus, de grandes plages de sable fin étaient décrites alors qu’ici…Il n’y avait que du béton…

Nous passâmes le grand pont pour rejoindre le quartier nommé « satellite » et nous nous engouffrâmes au milieu de petites ruelles sombres.


https://www.youtube.com/watch?v=J5cgX1Pxx-U


Très vite, l’ambiance changea. Les bâtiments flambants neufs et futuristes disparurent pour ne laisser place qu’à l’obscurité, la saleté et la pauvreté. Plus nous avancions, et plus les bâtiments étaient délabrés. Certains étaient presque dans le même état que notre vieux château !

Et à chaque pas, je me sentais de plus en plus oppressée, comme si des milliers de paires d’yeux étaient rivées sur nous. J’accélérai donc le pas et m’accrochai la cape d’Hélios, peu rassurée.

-Si tu ne te sens pas bien ici, retourne en ville et trouve-toi une occupation en m’attendant, je ne serai pas long ; déclara le roi en me souriant.

-N…Non, tout va très bien ! Bégayai-je en essayant de paraitre forte. C’est vous qui devriez vous méfier si je n’étais pas là pour surveiller vos arrières !

-Dans ce cas, je suis content que tu sois à mes côtés mon enfant ; rit-il légèrement.

Nous avançâmes ainsi jusqu’à ce qui me semblait-être le centre de ce quartier délabré : un immense building en ruines, prêt à s’effondrer. Tout autour, il n’y avait rien. Pas même de la végétation. Et rien que le fixer me donnait la chair de poule…


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Hélios s’arrêta à quelques mètres de l’entrée et un homme sortit du bâtiment. Il était grand, vêtu d’un large imperméable marron et portant un chapeau assorti. Ses cheveux étaient longs et une mèche tombait par-dessus son œil gauche. Il devait avoir la quarantaine…peut-être plus. Mais ce qui m’interpela chez lui fut son extrême maigreur. On dirait dit un squelette vivant.

Aussitôt en le voyant, j’enroulai la cape d’Hélios tout autour de moi et me cachai dedans, ne laissant dépasser que mon front et mes yeux.

Mais l’homme ne daigna même pas poser un regard sur moi et s’arrêta simplement à quelques mètres d’Hélios avant de le fixer de son unique œil vert.

-Seigneur Hélios, votre plus dévoué serviteur, Sayer, est désormais de retour à votre service. Puisse votre règne être long et couronné de succès.

-Seigneur…Hélios ? Murmurai-je timidement.

Comme remarquant soudainement ma présente, l’homme au chapeau me lança un regard noir et pointa sa main vers moi qui s’illumina d’une lueur verdâtre.

Je sursautai mais Hélios s’interposa avant qu’il ne m’arrive malheur puis se tourna vers moi et me dit d’une voix douce :

-Et si tu allais t’amuser un peu en attendant que j’aie terminé ici ? Je n’en aurai pas pour longtemps. Je suis simplement venu négocier quelques…employés.

D’abord réticente à l’idée de m’éloigner du roi, le regard glacial de l’homme me convainquit de ne pas rester davantage.

-D’accord mais j’espère que ce type ne sera pas votre employé ou alors je veux être sa chef, compris ?!

-Ahah, évidemment que tu le seras.

En entendant cela, l’homme tiqua et je lui tirai la langue avant de m’éloigner rapidement en grommelant.

Je n’avais aucune idée de ce qui se tramait mais une chose était sûre : je n’aimais pas le type qu’Hélios avait rencontré. Il ne m’inspirait ni confiance, ni sympathie. Exactement comme tous ces adultes froids et faisaient uniquement leurs devoirs comme des machines à l’orphelinat.

-Hélios, espère d’idiot, je croyais que nous les prenions ensemble les décisions ; grognai-je en déambulant dans les rues.

Mais, alors que je râlai contre le roi, je n’avais pas remarqué que j’étais suivie. Ainsi, lorsque je m’arrêtai brutalement et me retournai tout aussi vite, quelqu’un me rentra dedans et nous tombâmes à la renverse dans la poussière.


https://www.youtube.com/watch?v=ek_ReBed57g


Je fus sonnée pendant quelques secondes par le choc et lorsque je rouvris les yeux, je pus distinguer en face de moi, et tout aussi étourdie que moi, une jeune fille de mon âge. Elle était brune aux yeux marrons. Son visage, bien que rond, était assez effilé et deux longues mèches tombaient devant ses yeux, au milieu de sa figure. Ses habits étaient vieux…Mais vraiment très vieux. Une sorte de sweat à capuche rouge sur lequel la capuche avait été arrachée, un t-shirt rayé tellement délavé que je ne pouvais même pas distinguer les deux couleurs de base, un jean à moitié transformé en short sur une jambe et de chaussures aussi trouées que du gruyère.

-Aie, Aie Aie…Ca ne va pas de t’arrêter comme ça quand on te prend un filature ; gémit la fille en se frottant la tête.

Mon cerveau bugga à ces mots et la fille mystérieuse pencha la tête sur le côté, intriguée.

-Ah…On ne parle peut-être pas la même langue…Tu n’as pas l’air du coin après tout.

-S…Si…Enfin non, je ne suis pas du coin mais je te comprends ! Bégayai-je, déconcertée.

-Ah tant mieux ! Dans ce cas, tu comprends si je te demande tout ton argent et tous les biens que tu possèdes ? Déclara la jeune fille en souriant.

Toujours à terre, je glissai un peu en arrière en écarquillant les yeux, soudain inquiète. Mais mon interlocutrice ne me laissa même pas le temps de me mettre sur mes gardes qu’elle éclata de rire si fort que des larmes coulèrent le long de ses joues.

-Enfin, c’est ce que je t’aurais dit si j’avais appartenu au clan de Ramon ; continua-t-elle une fois son fou rire passé.

-Ramon ? Répétai-je, intriguée.

-Oui, c’est un peu le chef ici. Il fait sa loi comme bon lui semble et s’amuse à voler les rares aventuriers qui tentent de pénétrer le quartier oublié. Mais bon, je préfère largement leur voler de la nourriture à eux plutôt qu’à des pauvres gens, c’est bien amusant ! Mon frère me dit souvent que je devrais arrêter de me mettre en danger mais que veux-tu, j’aime vivre ainsi !

Cette fille était bien bavarde…Mais ce n’était pas désagréable. A l’école, j’avais toujours été exclue des groupes et je m’étais retrouvée seule à cause de mon origine, si bien que j’avais toujours regardé de loin ces groupes d’amis riant et s’amusant tous ensemble en espérant un jour pouvoir faire partie de leur monde moi aussi.


https://www.youtube.com/watch?v=ENpWEGNycMg


-Au fait, je ne me suis même pas présentée. Mon nom est Serena. Je vis dans cette poubelle qui me sert de maison.

-Mon nom est Saya. Yuiko Saya. Je suis simplement de passage ici. J’attends un ami qui avait des affaires importantes à régler dans ce quartier.

Tout en disant cela, je désignai le grand building en ruines et la dénommée Serena haussant légèrement les sourcils, surprise.

-Ton ami…A de bien drôles de relations ; déclara-t-elle d’un air amusé. Mais bon, vu les miennes, je suis mal placée pour parler je pense. Entre le boss qui n’en fait qu’à sa tête, mon frère qui est aussi joyeux qu’une nuit sans lune, Pedro et Mario qui n’arrêtent pas de se chamailler et Jessica qui casse tout sur son passage, je suis contente d’enfin tomber sur quelqu’un de normal !

-Je ne suis pas certaine d’être la fille la plus normale au monde ; ris-je en me frottant la tête, gênée alors que je repensais à mes pouvoirs.

-Oh, tu sais, je ne le suis pas totalement non plus…Pour ne toujours pas avoir quitté cet endroit, je dois être un peu cinglée moi aussi !

-Tu…n’aimes pas vivre ici ? Répétai-je, confuse.

La brune se releva d’un bond et donna un coup de pied dans le sol. Aussitôt, des dizaines d’insectes marrons s’échappèrent et je poussai un cri de surprise en me relevant à mon tour précipitamment.

-Qui aimerait vivre ici ? Me demanda-t-elle en souriant. Quand je serai grande, je partirai d’ici et j’irai vivre loin avec mon frère ! Je suis certaine que le monde extérieur regorge de surprise dont nous n’avons même pas idée…Et ma première destination sera ce grand pont là-bas !

Serena me pointa le pont que nous avions emprunté pour venir ici et de notre position, je ne pouvais voir que le haut de son armature pointant au-dessus des immeubles détruits. D’ici, on aurait dit une sorte de mirage perdu dans la brume créée par la pollution, un rêve inaccessible pour les gens vivant dans ce taudis…

Nous discutâmes longtemps toutes les deux, au milieu des déchets et de la ferraille. Et plus elle parlait, et plus je comprenais ce qu’elle ressentait…Car j’avais vécu exactement la même chose qu’elle avant l’arrivée d’Hélios. Toutes les deux, nous étions prisonnières de nos mondes respectifs, cherchant tous les moyens pour nous enfuir loin mais continuant à sourire malgré toutes les épreuves que nous traversions. Mais contrairement à moi, Serena n’était pas seule. Elle avait son groupe, et surtout son frère qu’elle semblait adorer malgré ses dires.

Très rapidement, nous devînmes complices toutes les deux. Je sentais réellement une connexion entre nous. Peut-être parce qu’elle était la première personne de mon âge à qui je parlais franchement ou bien parce que nous étions pareilles…Mais je me sentais vraiment moi-même à ses côtés et je finis par me laisser aller.

-Dis, Serena, avec toute la ferraille qu’il y a ici, il doit bien y avoir un trésor enfoui quelque part, non ? Finis-je par demander à ma nouvelle amie.

-Un trésor ? Répéta la jeune fille, intriguée. S’il y en avait un, je pense qu’il aurait été trouvé depuis longtemps…

-Je suis certaine que tu n’as même pas essayé de creuser un peu ! Regarde, il suffit que je me baisse pour…

Je plongeai la main dans les déchets sous mes pieds et en sortis immédiatement une sorte de grosse boule de poils grise…Un énorme rat qui se débattait dans tous les sens.

Poussant un cri de terreur, je lâchai l’animal immonde et tombai à la renverse sous les éclats de rire de Serena. Je gonflai les joues de frustration tandis que mon amie se tordait de rire sur le sol.

-Voila…Pourquoi personne…ne creuse ici ! Lança-t-elle une fois sa crise passée. On ne sait jamais sur quoi on va tomber à Satellite et mieux vaut ne pas savoir !

-Quand même…je suis certaine qu’il y a des choses intéressantes sous toute cette ferraille…

-J’en suis certaine aussi mais je ne tiens pas à perdre un doigt bêtement en tombant sur un rat ; rétorqua la jeune fille en haussant les épaules.

Je soupirai, dépitée. Moi qui voulais profiter de cette occasion pour m’amuser un peu comme une fille de mon âge, c’était raté…

-Mais si tu veux trouver des choses intéressantes, je te conseille les bâtiments…Il y en a tellement que tout n’a pas encore été exploré…

-Vraiment ? Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt alors ! M’écriai-je, de nouveau d’aplomb.

-Parce que…C’est mon spot secret ça les bâtiments normalement…Grommela Serena en détournant le regard. Mais je veux bien faire une exception pour toi comme tu es de passage…

-Qu’est-ce qu’on attend alors, fonçons trouver un trésor !

Nous commençâmes à explorer les bâtiments aux alentours de notre position. Mais comme le disait Serena, il n’y avait presque plus rien dans ces ruines abandonnées : de vieilles casseroles, du mobilier brisé, des babioles sans importance…rien qui ressemblait à un trésor…

Mais alors que nous commencions à nous décourager après trois bâtiments entiers vides et que le soleil déclinait à l’horizon, nous décidâmes d’attaquer un dernier lieu.


https://www.youtube.com/watch?v=6VtewUF9yJU&t


C’était une maison bien plus sombre, une sorte de vieux manoir hanté. Les grilles avaient été défoncées et pendaient lamentablement en grinçant au gré du vent. Les statues à l’entrée, des gargouilles, étaient recouvertes de lierre et s’étaient enfoncées dans le sol avec les années. Le jardin ressemblait plutôt à une forêt qu’autre chose tant les herbes étaient hautes.

La maison quant à elle était faite de pierre sombres. Elle n’était pas grande, un seul étage et huit fenêtres à l’avant, toutes brisées. Le toit s’était effondré sous son propre poids et la porte d’entrée avait été défoncée.

Je m’arrêtai à l’entrée de la bâtisse, frissonnante. Cet endroit ne m’inspirait vraiment pas.

-Alors Saya, on a peur d’une simple maison ? Railla Serena en me donnant une légère tape dans le dos.

-B…Bien sûr que non ! Je suis venue ici pour trouver un trésor et je ne repartirai pas avant de l’avoir trouvé !

Inspirant un grand coup, je passai les grilles et m’engouffrai à l’intérieur de la vieille bâtisse accompagnée de mon acolyte. L’intérieur était sombre et poussiéreux. Les derniers rayons du soleil entraient faiblement à travers les carreaux brisés et donnaient une couleur rouge inquiétante aux murs défraichis. Le vent soufflait fort à travers toutes les fissures et la cheminée, comme si un loup s’était introduit avec nous.

J’avançai prudemment à l’intérieur. Je ne savais pas pourquoi mais quelque chose me mettait mal à l’aise ici. Comme si une présence hostile nous surveillait de loin…

Nous ne trouvâmes rien au rez-de-chaussée, pas même la moindre cuiller. Tout avait été pillé, jusqu’aux portes. Mais lorsque nous montâmes à l’étage, j’entendis comme un grattement en haut des escaliers.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Serena, sans donner d’explication, me plaqua à terre dans les marches et me fit signe de me taire. C’est alors que je pus distinguer deux voix masculines au loin.

-Forcément…Il fallait qu’ils soient là eux…Grogna Serena.

-Ils ? Tu les connais ? Murmurai-je.

-Pas personnellement…Mais ce sont des hommes de Ramon, ça ne fait aucun doute. C’est pour cela que je ne voulais pas que tu viennes, je les croise souvent quand j’explore les bâtiments…

-Et alors ? Ils sont si dangereux que ça ?

-Je ne sais pas…Le boss m’a toujours dit de ne pas les approcher alors…

Je me relevai sans réfléchir et Serena écarquilla les yeux, effrayée.

-Attends, qu’est-ce que tu…

-Je suis certaine qu’il y a moyen de négocier. Après tout, nous ne sommes que de enfants, ils ne nous feront pas de mal !

-Je ne suis pas sûre que…

-Allez, viens, je passe devant si tu veux !

Je tirai mon amie par le bras et l’entrainai à ma suite. Mais dans le même temps, je sortis de ma poche une petite dague que m’avait confiée Hélios « au cas où » comme il le disait lui-même, et la cachais dans ma manche.

Lorsque nous arrivâmes devant la pièce d’où émanaient les voix, nous nous arrêtâmes et nous collâmes contre le mur discrètement pour écouter la conversation.

-C’est le pactole ! Avec ça nous pourrons aller vivre en ville pendant plusieurs années ! Se réjouit le premier homme.

-Oui, et plus jamais nous n’aurons à nous soucier de Ramon, à nous la liberté !

Lorsque les deux hommes se mirent à rire grassement, je voulus pénétrer dans la pièce pour voir ce fameux butin mais Serena me retint. Lorsque je tournai la tête vers elle, la jeune fille avait les yeux fermés et secoua la tête négativement d’un air résigné.

Peu après, les deux hommes sortirent de la pièce par une autre porte et nous attendîmes que les bruits de pas disparaissent au loin pour nous montrer.

-Sérieusement, Serena, pourquoi tu n’as pas voulu y aller ? Nous aurions pu demander notre part ! Râlai-je, frustrée.

-Parce que, c’est la loi de satellite ; me répondit la brune sans grande conviction. Le premier arrivé est le premier servi. Et puis, nous devons rendre à nos chefs ce que nous trouvons en guise de remboursement pour ce qu’ils nous ont donnés pendant toutes ces années…Je suis certaines que ces deux types vont avoir de gros ennuis avec Ramon…

-Mais…et le trésor alors ? Couinai-je, réellement déçue.

Mon amie, sans me répondre, rentra dans la pièce et regarda rapidement ce qu’il restait. Il s’agissait d’une ancienne chambre, et sur le sol, on pouvait encore voir la trace de poussière laissée par un coffre-fort. Mis à part cela, il n’y avait plus qu’un lit délabré ainsi qu’une petite commode que les pilleurs n’avaient pas daigné ouvrir.


https://www.youtube.com/watch?v=eKKJ72i9QeU


Serena orienta ses recherches dessus et ses yeux s’agrandirent lorsqu’elle ouvrit le tiroir et en sortit deux boites. L’une contenait un pendentif à photo, vide, tandis que l’autre…

-Un…ruban ? S’étonna-t-elle. Et il a l’air neuf en plus…Ce n’est pas mon style, tu veux l’essayer Saya ?

Je pris le petit bout de tissu dans mes mains et fus surprise de la qualité. Il était soyeux mais également brodé de motif très fin, des oiseaux aux ailés déployées…

Sans vraiment savoir pourquoi, je passai ce ruban dans mes cheveux et les attachai ainsi en une longue queue de cheval.

-Alors, qu’est-ce que tu en dis ? Ca me va bien ?

-Je suis prête à parier que c’est un ruban pour le bras…Mais ce n’est pas laid ; me répondit mon amie avec un sourire. Tu peux le garder, il te va bien.

-Tu vois que ce n’était pas une perte de temps de partir à la chasse au trésor ! Lançai-je joyeusement.


https://www.youtube.com/watch?v=D6Md3aR91JA


Alors que je disais cela, les derniers rayons du soleil disparurent à l’horizon et plongèrent la pièce entière dans le noir le plus total.

Ce fut sur cette découverte que nous mîmes fin à notre exploration. Nous rentrâmes lentement vers notre point de rencontre en papotant le long du chemin comme deux vieilles amies. Lorsque nous y arrivâmes enfin, la nuit était tombée et seules les lumières lointaines de la ville m’indiquaient par où j’étais venue.

-Bien, je pense qu’il est temps pour moi de rentrer ; déclarai-je non sans une pointe de peine dans la voix.

-Pareil pour moi, sinon le boss va encore me passer un savon ; rit la jeune fille. Si tu repasses dans le quartier oublié, n’hésite pas venir dire bonjour, je traine souvent dans le coin et je pourrai te présenter mon frère la prochaine fois ! Tu verras, il est ronchon mais il a bon cœur.

-J’essaierai de revenir vite oui ! Merci pour la journée et pour le cadeau, j’en prendrai soin !

-Ce n’est rien, si je ne t’avais pas écoutée, je n’aurai pas trouvé ce médaillon non plus.

Serena me tendit la main en souriant et je lui rendis ce sourire ainsi que cette poignée.

-Je suis certaine que tu réussiras à sortir de ce trou un jour. Et quand ça arrivera, viens moi. Je ne sais pas où nous serons mais je sais que nous nous retrouverons.

-Je n’en doute pas une seule seconde. Allez, bon vent, Saya et fais attention en rentrant, les environs ne sont pas sûrs la nuit, surtout avec les rats !

-Q…Quoi ? Les rats ? Qu’est-ce que…

Mon amie ne me laissa pas le temps de terminer et disparut en courant dans la nuit. Je lâchai un long soupir avant de rentrer à mon tour.

C’était amusant. J’avais toujours été incapable de m’insérer avec mes camarades de l’orphelinat alors que nous étions tous dans la même situation, et voila que je rencontrais une fille encore moins chanceuse que moi et qui pourtant, prenait la vie avec le sourire. Et malgré tout ce qui nous séparait, Serena était peut-être la seule personne sur cette terre que je pouvais appeler « amie ».

Je retrouvai Hélios quelques centaines de mètres plus loin, à faire les cent pas devant l’immeuble, l’air inquiet. Lorsqu’il me vit, il me passa un savon pendant un bonne dizaine de minutes. Je le comprenais. Je n’étais censée m’éloigner que quelques heures et finalement, j’avais disparu toute l’après-midi. A sa place aussi, j’aurais été morte de peur. C’est pourquoi, je ne me défendis pas et le laissai râler.

Mais, alors que nous allions franchir à nouveau le pont reliant Satellite à Néo Domino City, une idée me passa par la tête et j’arrêtai le roi en le retenant par la cape.

-Dites…Hélios, je me demandais, mais est-ce que vous pourriez aider d’autres personnes dans le besoin comme moi ?

-Je…Dans l’immédiat, je ne pense pas…J’ai beaucoup à faire…Mais dans un futur proche…Qui sait…

-Dans ce cas, quand vous aurez le temps, vous pourrez rechercher une fille du nom de Serena pour moi ? Elle rêve de sortir d’ici, alors s’il vous plait, vous pouvez lui montrer le monde comme avez fait avec moi ?

Le roi marqua un temps d’arrêt avant de me sourire et de poser un genou à terre pour m’ébouriffer les cheveux.

-Oui, je te le promets. Dès que j’en aurai l’occasion, je viendrai chercher ton amie.


Les jours qui suivirent cette mésaventure furent plutôt agités. Hélios avait l’air bien plus préoccupé qu’avant et même sa désinvolture habituelle avait disparu. Il ne passait que très peu de temps avec moi et me disait sans cesse d’aller jouer en l’attendant. Mais qu’y avait-il à faire au beau milieu du désert…

Je ne comprenais pas vraiment ce qui arrivait au roi mais je n’osai pas poser de questions, espérant simplement que cette attitude n’était que passagère. Mais je me trompais.

Une semaine plus tard, je revis l’homme au chapeau aux côtés d’Hélios.

-Saya, je te présente Sayer. A partir de maintenant, il sera mon associé. Nous avons de grands projets ensemble, alors s’il te plait, accueille-le comme un nouvel ami.

Alors que l’homme me tendit la main avec un faux sourire, je me contentai de lui donner un bon coup de pied dans l’entrejambe avant de lui tourner le dos en boudant.

-Je n’aime pas ce type ; ronchonnai-je pour cacher ma jalousie de n’être plus la seule associée d’Hélios. Il ne m’inspire pas confiance. Qui porte un manteau dans le désert déjà !

-Ecoute Saya…Sayer et moi allons travailler ensemble pendant un petit moment…Essaie au moins de ne pas le tuer…Et puis, grâce à lui, tu vas pouvoir rencontrer plein de gens, n’est-ce pas génial ?

-S’ils sont dans le même genre que lui, non merci.

-Non, il y aura de tout, même des gens de ton âge ! Je suis certain que tu y trouveras un ami avec qui t’amuser le temps que je règle mes affaires.

-Vous pourriez aller chercher Serena au lieu de faire vos magouilles dans votre coin…Murmurai-je trop bas pour que le roi m’entende.


https://www.youtube.com/watch?v=B-Hi-YQ2tOE


C’est ainsi que Sayer s’installa avec nous…Enfin, nous nous installâmes avec lui plutôt. Nous déménageâmes de notre désert poussiéreux pour une grande résidence perdue en pleine forêt. C’était une bâtisse à demi abandonnée ressemblant vaguement à un ancien internat mais je ne passais pas énormément de temps à l’intérieur.

Même si ma chambre était bien plus spacieuse que celle de l’orphelinat, j’avais l’impression d’être de retour entre ces murs froids et anonymes. De plus, Hélios et Sayer passaient leur temps à faire des travaux à l’intérieur, si bien que je passais le plus clair de mon temps à l’extérieur ou dans l’ancienne bibliothèque.

C’est là que, un jour comme les autres, je tombai sur un livre qui changea ma vie. C’était un ouvrage épais, autant qu’un dictionnaire, et ancien…vraiment très ancien. Les inscriptions qui le couvraient ressemblaient plus à des runes qu’à de véritables caractères mais quelque chose se réveilla en moi lorsque je l’ouvris.

Une citadelle…Une citadelle volant librement dans le ciel…Je ne sais pas pourquoi mais dès que je la vis, mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Je me précipitai dans la salle de réunion pour y trouver Hélios et lorsque je lui montrai l’ouvrage, ses yeux s’agrandirent de surprise.

-Où…Où as-tu trouvé cela Saya ? Bégaya-t-il, comme effrayé.

-Dans la bibliothèque ! Dites, Hélios, c’est quoi cet endroit ? Est-ce que ça existe vraiment ? Où se trouve cet endroit ? On peut y aller ?


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


Le roi marqua un temps d’arrêt, l’air pensif. Il congédia alors son associé avant de s’asseoir à son bureau, l’air tout à coup épuisé.

-Tu sais Saya, il y a de nombreux contes et légendes terrifiants circulant sur notre monde. Tous ne sont pas vrais évidemment mais certains le sont malheureusement…

-Vous savez donc ce que c’est ? m’exclamai-je tout excitée pour une raison que j’ignorais.

Le roi soupira longuement et m’invita à m’asseoir pour me raconter une histoire que je n’oubliai plus jamais : celle de la citadelle originelle.

Pour une fois, j’écoutai attentivement Hélios sans l’interrompre, captivée par ses paroles. Plus le récit avançait et plus je me sentais attirée par cet endroit. Je voulais m’y rendre…Je voulais vérifier par moi-même l’existence d’un tel endroit…

Le roi, au cours de son récit, me traduisit les runes étranges entourant le dessin qui expliquaient simplement les fonctions et les atouts de cette structure mystérieuse.

Lorsque je repartis tard le soir, j’avais la tête à nouveau remplie de rêves de petite fille. Exactement comme Serena rêvait d’atteindre un jour le pont dédale, je voulais me rendre sur cette forteresse et en découvrir tous ses secrets…


https://www.youtube.com/watch?v=XzDzY3Du5No


Les jours passèrent et peu à peu, notre bâtiment se remplit de nouveaux venus. Les chambres, auparavant vide, accueillirent de nouveaux occupants. La moyenne d’âge devait tourner autour de seize ans, comme dans un véritable internat mais je ne me mêlai que peu aux autres jeunes et restai dans mon coin à rêver.

Plus le temps passait et plus Hélios devint difficile d’accès. Je ne voulais pas le déranger dans ses affaires alors je restai à distance. Il était pris sans cesse, soit avec ses « élèves », soit avec Sayer, si bien que le temps que je passais avec lui ne se résumait qu’à quelques heures par semaines.

Je n’avais aucune idée de ce qui se tramait dans mon dos, mais du haut de mes douze ans et demi, je pouvais pressentir une légère brise annonçant une tempête bien plus grande…une tempête capable de balayer le monde en une seule nuit…une tempête que j’étais la seule à pouvoir arrêter…




Yuiko Saya : Dans l’œil du cyclone



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=5KMzDVf2Bx4


Trois mois avaient passé depuis l’arrivée de Sayer et l’internat était désormais plein à craquer. Tous les élèves étaient d’après Hélios, des duellistes Télépathes, des personnes possédant de puissants pouvoirs psychiques qu’ils déployaient lors de leurs duels.

J’ignorais ce que les deux hommes comptaient faire avec autant de duellistes sous leurs ordres mais je ne cherchais pas vraiment à comprendre. J’étais simplement jalouse d’eux. Le roi passait de moins en moins de temps avec moi et, même lorsque nous étions ensemble, il semblait constamment perdu dans ses pensées et préoccupé.

Son état ne s’arrangea pas lorsqu’un homme du nom de Shadow débarqua dans nos rangs. Rapidement, il gravit les échelons sous le pseudonyme de « Garden » et se retrouva promu bras droit d’Hélios, écartant ainsi Sayer et cela ne me déplaisait pas.

En effet, même si Hélios et Shadow semblaient diverger sur de nombreux points et que le mystérieux homme avait l’air de vouer une haine sans nom au roi, il ne m’inspirait pas autant de mépris que Sayer. Contrairement à lui, il me paraissait triste, détruit de l’intérieur, comme une coquille vide, là où Sayer ne respirait que la fourberie et les coups fourrés.

Je me souviens de m’être un jour retrouvée seule en compagnie de Shadow. Alors que j’étais venue retrouver Hélios dans son bureau, je n’y trouvai que l’homme masqué, regardant au loin par la fenêtre.

Les mots qu’il prononça à ce moment-là en me voyant me firent douter de ses intentions, mais aussi de celles d’Hélios.

« Alors comme ça, même quelqu’un comme toi, tu as quelqu’un à protéger… » avait-il murmuré d’une voix presque éteinte.

Sans rien ajouter, je m’étais simplement enfuie pour me réfugier dans ma chambre et faire comme si je n’avais rien vu mais les paroles de l’homme continuèrent à me hanter pendant plusieurs jours. Cependant, comme n’importe quel enfant, je finis par les oublier et passer à autre chose sans même m’en rendre compte.

Durant le week-end qui suivit, voyant qu’Hélios avait l’air encore plus fatigué que d’ordinaire, je l’obligeai à prendre du repos. Au début, il était réticent, invoquant des arguments plus farfelus les uns que les autres, mais voyant que je n’étais pas prête à céder, il finit par accepter et confia les rennes à son bras droit pour la journée.

Ainsi, nous partîmes tous les deux dans une petite ville côtière du nord de la France comme si nous étions en vacances. Là-bas, il n’y avait pas grand-chose à l’exception de quelques bâtiments, une plage, et au loin une grande falaise en forme d’aigle surplombant la mer.

Pour la première fois depuis une éternité, j’eus l’impression de passer du temps avec le roi. Nous nous baladions dans les rues, regardant les boutiques, essayant des vêtements tous plus farfelus les uns que les autres et ressortant avec plus de boites que nous ne pouvions en porter.

C’était amusant. Nous ne faisions que des activités banales dans une ville sans grand intérêt touristique, et pourtant, au fond de moi, j’étais réellement heureuse. Même Hélios finit par se prêter au jeu et retrouva son idiotie qui m’avait tant fait rire par le passé.

-Dites Hélios, vous connaissez le grand splash ? Déclarai-je alors que nous nous trouvions sur le bord d’une jetée.

-Le grand quoi ?

Sans lui laisser le temps de réagir, je me jetai sur lui et le poussai de toutes mes forces dans l’eau. Mais, alors qu’il allait plonger la tête la première, le roi m’attrapa par le bras et m’entraina avec lui dans sa chute.

Je bus une bonne gorgée d’eau salée et ressortis la tête en crachant mes poumons et toussant sans pouvoir m’arrêter pendant que l’homme était pris d’un fou rire incontrôlable.

-C…Ce n’est pas drôle ! Protestai-je, frustrée. Je suis complètement trempée maintenant

-Voila ce qu’il se passe quand on essaie de pousser le seigneur soleil d’Héliopolis sans prévenir ; rétorqua le roi en se frappant le torse, fier de lui.

Pour toute réponse, je donnai un grand coup de pied dans l’eau pour asperger Hélios qui but la tasse à son tour et je me tordis littéralement de rire.

Nous restâmes ainsi à jouer comme deux enfants plusieurs heures durant avant que le froid n’ait raison de nous.


https://www.youtube.com/watch?v=NJNzehpxAmY&list=PL86E8E3F409C4E7B8


Le soir venu, et une fois totalement sec, nous finîmes notre journée dans un grand parc où s’affrontaient de nombreux enfants au duel de monstres.

Au loin, le soleil déclinait déjà et la nuit n’allait pas tarder à tomber. Nous étions assis, Hélios et moi, sur un banc un peu à l’écart et nous regardions les duels qui se déroulaient devant nos yeux. Tous avaient l’air de bien s’amuser et au fond de moi, je les enviai un peu. Il y avait cette grande fille rousse qui se battait avec un grand gaillard alors que deux autres collégiens les encourageaient de loin, et cette fillette de dix ans à peine qui affrontait un garçon qui avait l’air d’être son frère…J’avais vraiment envie de les rejoindre, mais je ne voulais pas quitter Hélios non plus. Il avait eu l’air tellement heureux pendant cette journée…J’en venais presque à vouloir ne plus quitter cette ville et prolonger ces instants de bonheur pour l’éternité.

-Dites…Hélios ; finis-je par déclarer d’une petite voix. Pourquoi les gens chez nous n’ont pas l’air aussi heureux ?

Le roi ne me répondit pas immédiatement et resta perdu dans ses pensées quelques instants.

-Les…Les duellistes télépathes ne sont pas comme les autres enfants. Ils possèdent des pouvoirs qu’ils ne peuvent maitriser et blessent ceux qui leur sont proches. C’est pourquoi, ils ne peuvent pas vivre avec le reste du monde.

-Alors vous les aider à maitriser leurs pouvoirs pour qu’ils puissent réintégrer la société, c’est ça ?

Hélios tiqua mais cacha cela aussitôt en me souriant et en passant sa main dans mes cheveux.

-O…Oui, tout à fait, tu as visé juste. Avec Sayer…nous les mettons à l’épreuve… en quelque sorte…Et en échange, ils nous rendent…quelques services.

-Je vois…J’aimerais bien pouvoir me rendre utile moi aussi ; lançai-je innocemment.

-Tu en fais déjà bien assez mon enfant ; me répondit-il avec un large sourire.

Je marquai un temps d’arrêt et regardai le sol, gênée.

-V…Vous savez Hélios…Ces derniers temps…Je vous trouve bien distant…Je suis contente d’avoir pu partager cette journée avec vous comme avant…

-Je suis désolé, Saya…C’est vrai que j’ai beaucoup à faire mais tu devras t’y habituer désormais. Mon projet ne fait que commencer…Mais je t’assure qu’une fois terminé, nous pourrons à nouveau nous amuser comme aujourd’hui…et tous les jours même !

-J’espère…que ça ne sera pas trop long…Parfois, je me sens vraiment seule dans ma chambre…J’aimerais bien pouvoir trouver quelqu’un avec qui partager mes journées…

-Si ce n’est que ça, ça devrait pouvoir s’arranger.

-Comment ça ?

-Tu verras ma chère Saya. Pour le moment, rentrons, le soleil est presque couché. Demain est encore une dure journée pour moi.

Ce fut sur ces mots que cette journée précieuse s’acheva. Le même soir, nous apprîmes de la bouche de Sayer que Shadow avait disparu, emportant avec lui une grande partie des élèves de l’internat. Cela plongea Hélios dans une sorte d’état second et il disparut pour le reste de la soirée avec son second. Mais à en juger par les bruits de verre brisé qui parvenaient jusqu’à ma chambre, Shadow venait de réveiller un côté du roi que je n’avais encore jamais vu jusqu’à présent.

Quant à moi, je restai seule, culpabilisant à moitié d’avoir permis indirectement cette trahison, et étant à moitié soulagée de voir une partie des élèves partir, comme si pour moi, ils étaient la source des tourments d’Hélios…

Mais, alors que je pensais retourner à mon quotidien monotone et solitaire, Hélios revint le lendemain soir comme s’il ne s’était rien passé, accompagnée d’une fillette.


https://www.youtube.com/watch?v=Gpa6R_hF9uc


Elle ne devait pas avoir plus de dix ans, possédait des cheveux d’ébène coupés courts et de grands yeux de la même couleur. Son visage était rond et enfantin et, même si elle avait l’air un peu perdue, elle me souriait. Son regard était assez intrigant. De L’ironie s’en dégageait, mais aussi une sagesse et une profondeur inhabituelle pour une fille de son âge. Elle portait une simple chemise blanche ainsi qu’une jupe longue, exactement comme n’importe quelle écolière de primaire.

-Saya, je te présente Marie. A partir d’aujourd’hui, elle va vivre avec nous.

-Comme si je l’avais choisi ; ronchonna la fille en gonflant les joues.

-Comment cela ? M’étonnai-je, surprise.

-Ne…ne l’écoute pas, elle délire ! Bégaya Hélios en détournant le regard. Et puis, c’est toi qui m’as dit que tu te sentais un peu seule alors je t’ai amenée une amie.

-Ca c’est ce que vous dites mais en vrai vous…

-Bref, je vous laisse faire connaissance ! Sur ce j’ai encore beaucoup de travail !

Ne laissant même pas la jeune fille s’exprimer, Hélios sortit de la pièce et me laissa seule avec elle. J’étais légèrement déconcertée par cette nouvelle colocataire inattendue et ne savais pas vraiment quelle attitude avoir avec elle. Après tout, la dernière personne de mon âge que j’avais fréquentée était Serena qui était tout aussi étrange que moi…


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


Voyant ma gêne, la fillette lâcha un long soupir avant de me sourire légèrement.

-Bon, apparemment je vais être coincée ici pour un petit moment alors autant rendre ce séjour forcé un peu amusant !

-Tu ne fais pas partie des recrues d’Hélios et Sayer ? M’étonnai-je.

-Pas vraiment non ; me répondit-elle en mettant son index sur sa lèvre, faisant mine de réfléchir. J’étais tranquillement en train de m’amuser dans le parc quand un type en armure m’a défié et puis le trou noir. Je me suis simplement réveillée ici et ton ami Hélios m’a dit que j’étais sa prisonnière.

-Attends…Tu es en train de me dire qu’Hélios t’a enlevée ?! M’étranglai-je, les yeux exorbités par la surprise.

-J’imagine qu’on peut dire ça oui ; Lança la dénommée Marie en haussant les épaules. Tant pis, j’imagine que je n’avais qu’à mieux jouer.

-Mais non, ça ne va pas du tout ! Attends-moi ici, je vais dire à Hélios de…

Je commençais déjà à ouvrir la porte pour me précipiter dans le bureau du roi mais la fillette me retint par le bras en baillant.

-J’ai déjà négocié avec lui, on a trouvé un accord. S’il réussit à convaincre mon frère de le rejoindre et qu’il s’occupe de nous loger et nous nourrir, je suis prête à utiliser mon pouvoir pour l’aider.

Je penchai la tête sur le côté, totalement déconcertée. Je ne savais pas qui était le plus étrange dans cette affaire : Hélios, le kidnappeur le plus arrangeant du monde ou cette Marie, l’otage la moins concernée par sa propre situation…

Comme lisant dans mes pensées, la fillette reprit la parole en riant légèrement.

-Ne t’inquiète pas, Hélios ne me veut aucun mal…du moins, tant qu’il a encore le contrôle.

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

-Il ne t’a donc rien dit ? Amusant mais pas étonnant ; me répondit-elle joyeusement. Tu le découvriras bien assez tôt. En attendant…tu ne peux pas m’indiquer ce qu’il y a à faire ici ? Hélios m’a dit que tu connaissais bien la maison !

-O…Oui, si on veut…Bégayai-je, de plus en plus déconcertée par son attitude.

-C’est toi la guide, je te suis !


https://www.youtube.com/watch?v=JsiKpv4SEh8&list=PLivaBp5c6_oAhEEWVtFq4G9Chl0U8Z8A_&index=17


Sur ces paroles étranges venant d’une prisonnière, je fis visiter l’internat à Marie. En cette heure tardive, tous les élèves avaient déjà terminé leur journée et étaient retournés dans leurs chambres, conformément au couvre-feu imposé, si bien que nous eûmes la bâtisse pour nous toutes seules.

Je montrai ainsi à la fillette la plupart des salles composant l’immense complexe : les salles de classe, le réfectoire, les dortoirs, la bibliothèque et même les quartiers privés d’Hélios auxquels j’avais accès.

Marie était tellement enthousiaste pendant la visite, et tellement émerveillée par tout ce qu’elle voyait que j’en oubliai rapidement son statut de prisonnière.

Je gardai néanmoins dans un coin de ma tête qu’il fallait que je touche deux mots à Hélios. Même si ma nouvelle amie ne semblait pas malheureuse, une personne ordinaire n’aurait pas été aussi détendue. Je ne pouvais pas ses méthodes, quelle qu’en fût la raison. De plus, il avait visiblement quelques explications à me donner, explications que j’étais bien déterminée à obtenir.

Nous déambulâmes jusqu’à tard dans la nuit dans la grande bâtisse, parlant de tout et de rien comme deux vieilles amies. Je lui racontai comment Hélios m’avait trouvée et comment je l’avais suivi tandis qu’elle me parla de sa vie avec son frère depuis la disparition de ses parents.

Tout comme avec Serena, je me sentis très proche de Marie. La vie avait été aussi cruelle avec elle qu’avec moi. Je ne pouvais que comprendre ce qu’elle avait enduré.

Le lendemain, je retrouvai la fillette dans la salle d’examens où Hélios faisait passer des tests de capacités aux nouveaux arrivants. C’était une sorte de grand gymnase où les recrues devaient affronter des professeurs ainsi que des robots de duel, sous l’œil attentif de Sayer. Je ne comprenais pas vraiment quel était le but de cet examen au vu de sa facilité mais Hélios semblait y tenir pour une raison obscure.

Nous nous trouvions en hauteur, derrière une grande vitre teintée et nous avions une vue plongeante sur les élèves.

J’arrivai au beau milieu d’une conversation visiblement mouvementé entre Marie et Hélios à en juger par le fou rire de la fillette lorsque j’entrai dans la pièce.

-Sérieusement, c’est quoi cette excuse bidon ; s’esclaffa-t-elle, pliée en deux. J’ai du mal à croire qu’il ait vraiment gobé ça !

-Il faut croire puisqu’il est là maintenant ; grommela le roi.

-Hélios, je peux vous parler deux minutes ? Les interrompis-je bien plus froide qu’à l’ordinaire. J’aurais deux mots à vous dire.

-Attends Saya, viens voir mon frère avant, il se débrouille mieux que je ne l’aurais pensé !


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Intriguée, je rejoignis mes deux acolytes devant la vitre noir et je pus apercevoir en contrebas un jeune garçon qui affrontait un robot de duel. Il devait avoir le même âge que moi, possédait des cheveux noir ébène dressés en épis sur sa tête et était plutôt maigrichon. Cependant, quelque chose m’interpela chez lui, et ce quelque chose, c’était son regard…il n’y avait rien dans ses yeux, ni joie, ni peine. Rien que de la haine à l’état pur. Et cela se ressentait dans son style de jeu agressif, comme s’il avait besoin de passer sa colère sur quelque chose mais que cela ne lui suffisait même pas.

-Alors c’est lui…ton frère ? Murmurai-je, attristée de le voir dans un tel état.

Voyant que j’avais l’air inquiète, Marie lâcha un long soupir et posa sa main sur la vitre en souriant tristement.

-Vous n’auriez pas dû lui dire ça, Hélios…Murmura la fillette. Il était déjà assez détruit après le départ de Laura, il n’avait vraiment pas besoin de ce fardeau supplémentaire…

-Que voulais-tu que je dise d’autre ? Il n’aurait jamais accepté de me suivre en apprenant dans quelle histoire tu es désormais embarquée ; répondit froidement Hélios.

-C’est vrai…mais j’ai peur qu’une fois ces histoires terminées, il soit changé à tout jamais…

Abandonnant sa joie de vivre et sa nonchalance, Marie se tourna alors vers moi et déclara d’une voix faible :

-Saya, je sais que nous ne nous connaissons que peu…mais pourrais-tu veiller sur mon frère ? Je ne pense pas qu’il s’en sortira seul ici et je le vois mal devenir ami avec une autre recrue dans son état actuel.

-Veiller…sur ton frère ? Répétai-je, surprise. Comment veux-tu que je fasse ça ? Je ne le connais même pas…

-Alors là, je n’en ai aucune idée ! Lança Marie en retrouvant soudain sa nonchalance. Je te laisse chercher ! Sur ce, je vous laisse, j’ai compris que vous deviez parler, si vous me cherchez, je serai à la bibliothèque !

Sans nous laisser le temps de protester, la jeune fille claqua la porte et nous laissa seuls dans la pièce, Hélios et moi, tout aussi déconcertés l’un que l’autre. Cependant, je me ressaisis rapidement et fis face à celui qui m’avait recueillie, les bras croisés sur ma poitrine, l’air sévère.


https://www.youtube.com/watch?v=BeSbmS06k1k


-Bon, Hélios, il serait temps qu’on parle vous et moi ; déclarai-je solennellement. Quel est votre but véritable ? Et qu’est-ce qui justifie l’enlèvement d’une mineure comme Marie ? Et n’essayez pas de faire l’idiot, je ne partirai pas tant que je n’aurai pas de réponse précise.

-On dirait bien que je ne peux pas te cacher la vérité plus longtemps ma chère enfant ; soupira le roi sans même essayer de négocier.

Ce dernier s’assit sur une chaise et m’invita à faire de même. Là, il me raconta tout…ou presque. Il m’expliqua qu’il montait une sorte d’armée et que Arcadia n’était que la façade d’un projet bien plus ambitieux. Quant à Marie, il me parla de son pouvoir unique qui allait lui permettre de trouver des personnes spéciales ayant le potentiel de contrarier ses plans. Je ne compris évidemment pas tout ce qu’il me racontait mais je saisis néanmoins les grandes lignes…et je compris à ce moment là que l’arrivée de Sayer, puis le départ de Shadow la veille, avaient détraqué quelque chose chez lui. C’était comme s’il était devenu un autre homme. Les mots qu’il utilisait, son ton bien plus dur que d’habitude, et ses rêves fous…

-Si tu ne veux pas participer à ce projet, libre à toi de partir mon enfant. Je ne veux pas que tu sois impliquée dans quelque chose qui te déplait ; conclut-il.

Lorsqu’il eut terminé son monologue, je savais exactement ce qu’il me restait à faire. Hélios était l’homme qui m’avait sortie de la solitude. Il avait recueilli cette petite fille affamée, faible et inutile sur le bord de la route alors qu’elle ne pouvait rien lui rapporter. Il m’avait offert un logis, il m’avait nourrie, soignée et éduquée. Peu importe si ses objectifs étaient bons ou mauvais, j’avais vu son for intérieur et je savais qu’il était un homme bon. C’est pourquoi, voyant que la folie le guettait de très près, du haut de mes douze ans et demi, je pris cette décision qui marqua un véritable tournant dans ma vie.

Pour toute réponse, je me mis au garde à vous et dévisageai le roi d’un regard sévère, le même que ceux que possédaient tous les duellistes ici.

Fini la joyeuse fille insouciante, fini les journées à m’amuser, fini les courses de dragon, fini l’ignorance. J’allais ramener Hélios à la raison, j’en faisais le serment et ce, même si je devais me salir les mains et jouer son jeu pour y parvenir.

-Yuiko Saya, je suis à vos ordres, seigneur Hélios.


https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw


Les jours qui suivirent mon changement d’objectif, je fus intégrée parmi les nouvelles recrues de l’armée d’Hélios tout en gardant mes quelques privilèges.

Je passais la plupart des épreuves haut la main, aussi bien les examens d’aptitudes physiques que mentales. Là, je vis de nombreux étudiants échouer avant de disparaitre mystérieusement mais je ne m’en souciais même pas. Je n’avais que deux buts désormais : rendre à Hélios sa raison perdue et protéger le frère de Marie grâce à mon influence.

Ainsi, je tenais les brutes éloignées du jeune garçon qui passait la plupart de son temps seul dans un coin à ruminer tout en gardant mon statut particulier aussi secret que possible. Cela me valut de nombreux surnoms, ainsi que de nombreuses rumeurs peu flatteuses mais je m’en fichais. A l’orphelinat déjà je n’étais pas spécialement appréciée de mes camarades, tout cela n’était finalement qu’une répétition du passé.

Néanmoins, le temps avait beau passer, il n’y avait aucune amélioration du côté du roi. Pire même, sa personnalité semblait se dédoubler de plus en plus. L’homme qui m’avait recueillie n’était désormais plus qu’un lointain souvenir qui ne refaisait surface que très rarement, et pendant des périodes de plus en plus courtes.

Régulièrement, je venais faire des rapports à Marie sur l’évolution de la situation de son frère tandis qu’elle le faisait pour Hélios. Souvent, elle me proposait de revenir affronter le roi dans des courses de Dragons ou des parties de cartes sans enjeux, mais je déclinai toutes ses propositions. Je ne devais pas dévier de mon objectif.

Pour moi, la source des tourments d’Hélios était le manque de confiance qu’il avait en ses hommes depuis la trahison de Shadow. C’est pourquoi, mon but était de lui montrer qu’il pouvait au moins compter sur moi jusqu’au bout.

Rapidement, je montai dans la hiérarchie et me vis confier mes premières missions. Souvent, il ne s’agissait que de missions sans grand intérêt, comme rechercher des objets aux quatre coins du monde tout en affrontant les sbires de Shadow, mais certaines me firent vraiment douter de moi et de ma propre détermination. Notamment cette mission où nous devions exécuter quiconque se mettait en travers de notre chemin, mission qui se solda en échec par ma faute car j’avais refusé d’achever mes ennemis.

Trois ans passèrent ainsi. Trois ans pendant lesquels ma vie ne se résumait plus qu’à alterner entre les entrainements au combat et les missions que j’exécutai désormais en Solo.

Du côté du frère de Marie, qui se faisait appeler Darksky, les choses évoluaient plutôt bien, contrairement à Hélios. Depuis que je tenais les brutes éloignées de lui, le jeune garçon semblait s’être calmé. La colère qui l’animait avait fini par se dissiper pour ne faire place qu’à la tristesse et la mélancolie.

Souvent, lorsque je le voyais manger seul, perdu dans ses pensées au réfectoire, j’avais envie d’aller le rejoindre pour lui remonter le moral, mais je ne pouvais pas me permettre de perdre de vue mon objectif premier. C’est pourquoi, je me contentais de l’aider à distance comme je le pouvais.

Mais un jour, alors que je discutais avec Marie dans la bibliothèque comme je le faisais souvent lorsque je voulais être tranquille, la jeune fille lança une idée qui me fit prendre un nouveau tournant.

-Et de cinq victoires pour moi ! Lança-t-elle joyeusement. Hélios est vraiment nul à son propre sport, c’est déprimant ! Tu ne veux pas nous rejoindre juste une fois Saya ? Ça mettrait un peu de piment dans cette compétition !

-Une prochaine fois peut-être ; lui répondis-je en me forçant à sourire. J’ai encore beaucoup à faire…

-C’est ce que tu dis à chaque fois…Mais tu t’es regardée dans un miroir ces derniers temps Saya ? Tu as une mine patibulaire, tu devrais te reposer de temps en temps…

-Je n’ai pas vraiment le temps. Je prends le plus de missions possibles en ce moment. Je ne veux pas qu’un autre incident comme Shadow se reproduise et je n’ai vraiment pas confiance en Sayer.

-Si tu meurs d’épuisement, tu ne pourras plus contrôler grand-chose, marmonna la jeune fille en détournant le regard.

-Ne t’inquiète pas, je connais mes limites. Je ne me pousserai pas à bout non plus.

-J’espère bien…Ça serait problématique que tu meurs compte tenu de l’état d’Hélios.

-Il s’est aggravé n’est-ce pas ? Lui demandai-je d’une voix presque éteinte.

Marie me répondit d’un hochement de tête et je mis ma tête dans mes bras sur la table en lâchant un long soupir d’épuisement.

-Tu sais…Parfois j’ai l’impression que ce que je fais ne me mènera nulle part…


https://www.youtube.com/watch?v=pcScX2Rh6qM


-Ce n’est pas vraiment de ta faute, après tout Hélios ne t’a pas tout dit.

-Pas…tout dit ? répétai-je, abasourdie.

-Je ne peux pas discerner précisément la source…mais lorsque je me trouve près de lui, je ressens une autre présence, bien plus hostile. Et cette présence se fait de plus en plus forte ces derniers jours.

-Une…autre présence ? Comme un esprit de duel ? Tu veux dire qu’il serait contrôlé par quelque chose ?

-Oui, quelque chose comme ça…mais je ne peux pas l’affirmer avec certitude. Il n’y a qu’un seul moyen de s’en assurer.

Marie me tendit un énorme ouvrage qu’elle avait sorti un peu plus tôt et l’ouvrit à une page bien précise.

-Le module de voyage interdimensionel ? Qu’est-ce que c’est que cette chose ? la questionnai-je, sceptique.

-D’après ce livre, il s’agit d’un petit appareil de l’ancien temps qui permettait aux premiers duellistes de se rendre dans le monde des esprits. Il n’en resterait que quelques copies sur terre mais l’une d’entre elles serait cachée sur une ile perdue.

-Et…en quoi nous rendre dans le monde des esprits nous serait utile ?

-Si Hélios est effectivement contrôlé par un esprit, il te suffirait de te rendre au sanctuaire céleste afin de briser cette liaison, c’est aussi simple que cela !

-Ce me parait…un peu simple justement…Tu es sûre de toi ?

-A 20% sûre ! me répondit joyeusement la petite fille.

Je grimaçai. J’avais beau la côtoyer depuis deux ans, je ne m’étais toujours pas habituée à sa nonchalance extrême même dans les situations les plus sérieuses…Mais…même si les chances de réussites semblaient minces, elles étaient toujours plus élevées que celles de la méthode que j’appliquais actuellement.

Je ne devais pas laisser passer cette chance. Il fallait que je trouve ce module et que je me rende dans le monde des esprits.

-Bon, Marie, dis-moi où se trouve cet objet, je vais demander à Hélios de m’y rendre sur le champ ; déclarai-je, revigorée.

-Oh, tu n’as pas à t’en occuper, j’ai déjà pris les devants et j’ai annoncé à Hélios que j’avais repéré quelque chose de suspect sur l’ile où est censée se trouver le module ; me répondit-elle avec un sourire.

-T’es la meilleure Marie, je ne sais pas ce que je ferais sans toi ! M’exclamai-je en levant le pouce en l’air, souriant réellement pour la première fois depuis longtemps.

-Je me suis permise aussi de demander que mon frère parte en mission avec toi, j’espère que cela ne te dérange pas ?


https://www.youtube.com/watch?v=cQnAGjv7nBE


-Ton…frère ? Mais il n’est encore jamais parti en mission il me semble, il ne risque pas de me ralentir ?

-Peut-être oui…Mais c’est son anniversaire dans quelques jours, il va avoir quatorze ans et j’aimerais pouvoir lui offrir quelque chose mais la situation ne me le permet pas vraiment si tu vois ce que je veux dire…

-Tu voudrais donc qu’il ne passe pas son anniversaire seul ? Tu sais, je ne suis pas certaine d’être de la meilleure compagnie, surtout avec un tel enjeu…

-ça sera toujours mieux que de le passer seul et enfermé dans sa chambre à broyer du noir.

Je soupirai. Même si cela ne me plaisait pas de devoir m’encombrer d’un boulet, je devais bien ça à la jeune fille. Car oui, ici, Darksky faisait partie des pires recrues. Ses notes étaient mauvaises, ses aptitudes physiques tout juste dans la moyenne et il ne possédait aucun pouvoir de duelliste télépathe. J’espérais simplement que je n’allais pas devoir le surveiller en permanence comme c’était souvent le cas lors des premières missions.

-Entendu, mais je ne pourrais pas assurer sa survie en cas de problème majeur. Ma priorité est de sauver Hélios.

-Bien sur mais normalement, il ne devrait pas y avoir de problème ; s’amusa Marie avec un large sourire aux lèvres.

-Tu me sembles bien confiante alors que ton frère est le dernier de sa classe…

-Oh non, je n’ai aucune confiance en lui. J’ai confiance en toi, Saya. Je sais que tu ne le laisseras pas tomber !

Amusée, je me levai et lui rendit le livre en m’apprêtant à quitter la pièce.

-Tu me surestimes, Marie. Je ne suis plus ce genre de personne.

-C’est ce que nous verrons ; se contenta de répondre la jeune fille sans cesser de sourire.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Comme l’avait promis Marie, deux jours plus tard, je fus convoquée dans le bureau d’Hélios pour une « mission spéciale » selon les mots de mon professeur.

Lorsque j’arrivai dans cette salle où j’avais passé tant de temps par le passé, l’ambiance qui s’en dégageait désormais me fit immédiatement froncer les sourcils. Cela faisait un moment que je n’étais pas revenue ici mais je pouvais désormais très clairement sentir une aura maléfique flotter dans l’air.

Darksky était déjà présent mais je ne lui accordai même pas un regard, me concentrant sur le roi qui fut autrefois celui qui m’avait recueillie.

Il nous tournait le dos, les bras croisés mais je n’avais pas besoin de voir son visage pour deviner son expression froide et totalement contradictoire avec le regard doux qu’il avait posé sur moi en ce jour de pluie battante, trois ans plus tôt…

Lorsqu’il prit la parole, je réalisai à quel point l’homme avait changé. Toute douceur avait disparu pour ne laisser place qu’à une voix lasse et sèche.

Mon cœur se serra en pensant aux paroles de Marie. Quel genre de monstre pouvait faire changer un homme à ce point ?…

-Yuiko Saya et celui qui se fait appeler Darksky, vous devez certainement savoir pourquoi vous êtes ici tous les deux aujourd’hui ; déclara-t-il solennellement.

J’hochai la tête sèchement mais, devant expression interrogatrice de Darksky, Hélios ouvrit un tiroir et sortit une vielle feuille de papier.

-J’ai l’impression que quelques explications s’imposent ; dit-il. Vous avez été choisis tous les deux pour vos excellentes aptitudes physiques et mentales. C’est pourquoi, j’ai décidé de vous confier une mission de la plus haute importance.

Le roi déroula une carte du monde, la même qui se trouvait sur le livre que m’avait montré mon amie et il désigna une minuscule ile perdue au milieu de l’océan.

-Voici Mineos, une petite ile de l’archipel de Palaos, une ile déserte du pacifique. Selon certaines sources, il y aurait un trésor fabuleux enfoui là-bas, donnant force et espoir à ceux qui le trouve.

-Et vous voulez que nous allions le chercher ? Demandai-je, connaissant déjà la réponse.

-C’est exact. Il semblerait qu’autrefois, des colons y aient construit un temple avant de partir sans laisser de trace. Votre mission consiste donc à retrouver ce trésor avant les hommes de Shadow. S’il mettait la main dessus, nous serions dans une situation vraiment critique. Un avion vous y emmènera dès demain. Avez-vous bien compris ?

Je ris en mon fort intérieur. S’il savait que cette mission n’était rien d’autre qu’une mascarade orchestrée par Marie…Mais je devais avouer que l’excuse trouvée par la jeune fille était plutôt ingénieuse et crédible par-dessus le marché.

-Compris.

-Je…je crois, bafouilla Darksky, totalement déconcerté.

Sur ces paroles, Hélios nous congédia et je pus voir le jeune garçon se détendre aussitôt sorti de la pièce. C’était la première fois que je l’approchais à moins de vingt mètres en y repensant. Il n’avait pas du tout la carrure des autres recrues, même vu de près. Il n’était qu’un garçon assez banal, ni maigrichon, ni musclé, ni grand ni petit, ni spécialement attirant, ni repoussant. Mais dans tous les cas, il n’avait pas l’air fait pour se battre. Je me voyais déjà passer mon temps à le protéger en cas de problème…

-Faisons de notre mieux demain ; déclara-t-il d’un ton un peu trop enjoué à mon gout.

-Tâche de ne pas me ralentir ; me contentai-je de répondre avant de rejoindre mes quartiers.

A ce moment-là, je ne me doutais pas que ce petit garçon, plus jeune d’un an que moi et ne me dépassant que de quelques centimètres, allait changer radicalement ma vision de la vie et devenir la personne la plus précieuse à mes yeux…






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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [11/08/2016] à 19:49

Yuiko Saya : Le vent tourne



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=kQuEOHbNDfI


Darksky était exactement comme je le pensais. Quelques secondes à peine après avoir posé le pied sur l’île où se déroulait notre mission, le frère de Marie enchaina les erreurs de débutant. Il essaya bien d’entamer la conversation avec moi mais j’étais bien tendue pour cela et ne lui répondais que le strict minimum. Cette mission était capitale pour moi, je n’avais pas le droit à la moindre erreur, et me lier d’amitié avec le garçon comme s’il s’agissait d’une simple promenade de santé ne pouvait rien m’apporter.

Je restais sur le qui-vive, guettant chaque bruissement, chaque son suspect, chaque cri d’oiseau. Je savais que les hommes de Shadow se trouvaient certainement dans le coin. Après tout, je les avais croisés durant chacune de mes missions jusqu’à présent, et celle-là ne fit pas exception.

Alors que mon partenaire inexpérimenté était en train de crier haut et fort que nous étions seuls, un frisson me parcourut l’échine. Je me jetai sur lui et le plaquai à terre, la main sur la bouche pour l’empêcher d’en dire davantage. Et mon instinct ne m’avait pas trompée.

A peine quelques secondes après sa déclaration, une flèche siffla dans mes oreilles et alla se planter dans un arbre quelques mètres plus loin.

Je me relevai en jurant pour faire face à mes pires craintes. Devant nous se tenait un petit groupe d’individus portant des masques et des capes noirs caractéristiques des sbires de Shadow.

L’un d’entre eux portant un masque légèrement plus foncé se détacha du lot et s’avança vers nous.

-Vous travaillez pour Hélios n’est-ce pas ? Demanda-t-il agressivement.

-Et si je répondais que oui ? Lui lançai-je en haussant les épaules.

-Alors je vous tuerai.

-Dans ce cas, non, nous ne travaillons pas pour lui…

-Mensonges, tuez-les ! Ordonna l’homme.

Je lâchai un long soupir. Parfois je comprenais vraiment pourquoi Marie était toujours aussi désinvolte face à la stupidité des gens.

-Pourquoi demander si c’est pour ne pas vous satisfaire de nos réponses…

Immédiatement, je sortis un couteau de ma poche et je me précipitai sur nos ennemis. Mettant en pratique les tactiques de combats apprises par Hélios, je déviai pendant ma course toutes les flèches qui pleuvaient sur moi grâce à mon arme. Puis, une fois que je fus assez proche, je dégainais un fumigène et le projetai sur les hommes.

Un épais nuage de poussière les aveugla momentanément et, agrippant Darksky par le bras, je pris la fuite.

Tout au long de ma course, le garçon ne fit que me ralentir, se prenant les pieds dans chaque racine et trébuchant sur chaque caillou sur sa route et seule ma promesse faite à Marie me dissuadait de le laisser en plan.

Une fois que je fus certaine d’avoir semé les sbires de Shadow, je lâchai Darksky et il manqua de peu de se vautrer au sol lamentablement.

Cette mission commençait décidemment bien mal et comme je le pensais, le frère de Marie était un véritable boulet…A quoi pensait-elle en me le refilant bon sang.

-Tu ne veux pas me parler, mais à eux, tu leur fais de grand discours ? Lança-t-il d’un ton léger.

-Tu ne sais vraiment pas à qui tu as à faire, n’est-ce pas ? Grognai-je, de plus en plus agacée.

-Les hommes de Shadow ?

-Des tueurs en série oui ! Shadow est totalement fou, si nous croisons une nouvelle fois ces hommes, il se pourrait qu’aucun de nous ne survive ! M’exclamai-je en haussant la voix.

-Calme-toi un peu Saya. Peux-tu me dire qui sont-ils exactement pour commencer ?

Je lâchai un nouveau soupir. Ce n’était qu’un débutant après tout, je ne pouvais pas lui reprocher son inexpérience…Mais Marie allait m’entendre une fois cette mission terminée.

Lorsque j’expliquai la situation à mon partenaire, son expression changea et son visage se crispa. Evidemment, Hélios n’avait pas dû lui révéler que Shadow était son ancien bras droit…Mais je préférais mettre les choses au clair dès le début pour éviter tout problème ultérieur.

Nous arrivâmes au temple indiqué sur la carte quelques minutes plus tard sans faire de nouvelle mauvaise rencontre. Il n’en restait quasiment plus rien.

Nous avions devant nous un vaste champ de pierres disposées en cercles. Sur les bords, nous pouvions apercevoir des restes de colonnes qui autrefois devaient être colossales et partout, la mousse et le lierre avaient envahi les ruines.

Nous avançâmes parmi les décombres, et nous vîmes au milieu un petit escalier menant sous terre. Une fois à l’intérieur, l’obscurité envahit l’espace et je fus contrainte de sortir une lampe torche. Je n’aimais pas vraiment avoir une source de lumière aussi visible dans le noir mais je n’y voyais vraiment pas à un mètre…

La salle dans laquelle nous arrivâmes était vraiment pauvre comparée à d’autres ruines que j’avais pu visiter. Il n’y avait ni inscription, ni peinture. Les murs étaient nus, ce n’était que de la pierre telle qu’on pouvait la trouver dans les grottes naturelles. En face de nous, il y avait juste un petit autel sur lequel était posée une boite en or.

-Serait-ce…le trésor ? me demanda naivement mon partenaire.

-Non, c’est beaucoup trop simple…murmurai-je, légèrement surprise.

Soudain les murs de la salle se mirent à trembler comme si tout allait s’effondrer sur nos têtes. Dans les murs auparavant nus se créèrent six ouvertures et juste au-dessus, des inscriptions se gravèrent. Il s’agissait de runes anciennes, exactement les mêmes que dans le livre parlant de la forteresse originelle. Fort heureusement pour moi, Hélios m’avait aidé à les déchiffrer par le passé, si bien que je n’eus aucun mal à comprendre ce qui était écrit.


https://www.youtube.com/watch?v=AVcNPWhdrRw


– « Quand un brille au-dessus, six brulent en dessous, quand trois contemplent le soleil, quatre abaissent le regard. Quand deux nagent à la surface, cinq plongent vers le fond… » On dirait bien que cette énigme doit nous permettre de faire le bon choix…

Tout en lisant ce texte, je croisai les bras et me mis à réfléchir dans ma tête. J’avais déjà entendu cette énigme quelque part…Mais où ?

-Vingt-et-un points, séparés par des traits, cinq traits pour être exacte, formant six cases distinctes…De plus, si on additionne les chiffres de l’énigme, cela nous donne vingt-et-un également…Il y a forcément un rapport entre les deux…murmurai-je, totalement perdue dans mes pensées.

Tout cela n’avait aucun sens. Rien n’indiquait quelle porte était la bonne. Autant lancer un dé et choisir aléatoirement la bonne porte pour…

Un déclic se fit tout à coup dans ma tête et j’écarquillai les yeux.

-Eureka ! M’écriai-je. La réponse était évidente, il suffisait de penser à un dé !

-Un dé ? répéta Darksky, peu convaincu.

-Oui, ou plutôt à un patron de dé, tel qu’on en voit en cours de maths. Regarde attentivement la porte quatre Darksky ! Assemble ce dé, lorsque la face 6 est en haut, celle du bas est la 1, pareil pour toutes les autres !

Je ne laissai cependant pas le temps à mon partenaire de contempler chacune des portes car au loin un bruit de pas se fit entendre dans les escaliers. Faisant le moins de bruit possible, je fis signe à Darksky de me suivre en passant la porte décrite par le patron d’un dé.

La, un long chemin sombre s’ouvrit à nous, chemin qui me sembla être sans fin. Je refermai discrètement la porte derrière nous, espérant que cette énigme pose quelques problèmes à ces bouffons et j’entamai la descente.


https://www.youtube.com/watch?v=2eyG-JNMInw


A partir de là, la véritable épreuve commença. Comme dans chaque temple que j’avais visité jusque-là, des dizaines de pièges nous attendaient, créés spécialement pour dissuader les pilleurs. Heureusement pour moi, j’étais habituée désormais mais Darksky…Je ne comptais même plus le nombre de fois que je le sauvai d’une mort certaine. Plancher explosif, gouffre béant, pluie de flèches empoisonnées, haches sortant du mur, boule géante dans un couloir, tous ces pièges étaient très classiques mais mon acolyte actionna chacun d’eux.

Au fond de moi, cela m’amusait un peu de devoir veiller sur lui comme une grande sœur et je me serais certainement prise au jeu du professeur et de l’élève si les enjeux n’avaient pas été aussi importants et s’il n’avait pas manqué de me tuer plusieurs fois par simple inattention…

Mais finalement, alors que je le prenais pour un débutant total et sans expérience au combat, tout juste bon à détendre l’ambiance, ce fut moi qui tombai la première au combat.

Nous étions arrivés dans une vaste pièce circulaire dans laquelle des dizaines de spectres avaient surgi. Sans réfléchir, j’avais foncé dans le tas, pensant qu’il s’agissait d’une simple épreuve de force mais ce n’était pas le cas. Alors que Darksky s’était concentré pour arrêter le mécanisme faisant apparaitre les spectres, j’étais submergée par le nombre d’ennemis à combattre en même temps et je ne remarquai même pas que l’un d’entre eux avait fini par m’avoir à la jambe.

Je ne le réalisai que lorsque l’adrénaline du combat se fut dissipée et je m’écroulai au sol, incapable de me relever. Du sang coulait abondamment de ma cuisse et c’était à peine si le bandage de fortune de Darksky arrivait à calmer l’hémorragie.

Je pensais réellement que cette aventure allait s’arrêter ici pour moi. Il me suffisait d’appeler Hélios d’urgence et de rentrer à la base. Mais je ne voulais en aucun cas laisser le module si précieux entre les mains de Shadow.


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


-Tu n’as pas besoin de faire ça, laisse-moi derrière. Le trésor est plus important que moi ; lançai-je à mon partenaire qui s’acharnait à me soigner.

-Hors de question ! Rétorqua-t-il d’une voix forte. Je n’abandonnerai pas une amie, plus jamais…

Mon cœur s’emballa lorsqu’il prononça ce mot. Je ne me souvenais pas avoir déjà entendu ce mot de la bouche de quelqu’un pour parler de moi…Même si je considérais Serena et Marie comme telles, jamais elles ne m’avaient confirmé que cela était réciproque…

-Une amie ? Tu me considères vraiment comme telle même si nous nous connaissons à peine et que mon attitude envers toi est plus que détestable ? M’étonnai-je.

-Nous sommes partenaires pour cette mission, et par conséquent nous sommes amis, nous avons commencé cette mission ensemble, nous la finirons ensemble !

-Ta vision des choses est bien simpliste mon pauvre Darksky ; ricanai-je, amusée par sa simplicité d’esprit.

J’avais eu de nombreux partenaires de missions mais jamais aucun d’entre eux ne m’avait montré le moindre signe d’affection. Nous étions simplement collègues et je savais qu’ils n’auraient pas hésité à me laisser tomber pour le bien de la mission…Mais Darksky, lui, semblait différent des autres.

Lorsqu’il m’aida à me remettre debout, je grimaçai de douleur et il me rattrapa juste avant que je ne retombe. J’étais vraiment pathétique. J’avais fait la maligne jusqu’ici et voila que j’étais incapable de m’occuper de moi-même…

-Je suis vraiment un fardeau, tu ne trouves pas ? Lançai-je dans un soupir triste.

-Reposons-nous un peu ici ; me répondit le frère de Marie en ignorant mes lamentations.

-Comment ? M’étranglai-je, interdite. Hors de question, les hommes de Shadow pourraient arriver d’une minute à l’autre, je refuse…

Je repoussai vivement le garçon, ne pouvant concevoir de prendre un tel risque mais je ne pus faire deux pas sans que mes jambes ne me lâchent.

-Tu vois bien que tu n’es pas en état de continuer.

-Je suppose que tu as raison…

Mon compagnon d’infortune s’assit à côté de moi et entama la conversation, me parlant de tout et de rien, exactement comme l’avait fait sa sœur lors de notre rencontre. Finalement, ils étaient assez similaires dans leurs comportements bien que différents dans leurs personnalités. Tous deux s’inquiétaient pour les autres avant de s’inquiéter pour eux-mêmes.

-Dis, Darksky…Comment peux-tu rester aussi joyeux alors que nous sommes peut-être à deux doigts de mourir ? Lui demandai-je, surprise par sa joie de vivre malgré sa situation.

Le garçon réfléchit un instant, comme perdu dans ses pensées avant de me répondre avec un sourire mélancolique :

-J’imagine…que c’est l’influence une personne qui m’est très chère et qui m’a appris à sourire à la vie au lieu de me complaire dans le désespoir.

-Vraiment ? Tu ne peux pas savoir comme je t’envie d’avoir de si bons amis… Murmurai-je d’une voix presque éteinte.

Si seulement Hélios n’avait pas sombré dans la folie…peut-être que moi aussi…j’aurais pu continuer à prendre la vie avec le sourire…

Sans même m’en rendre compte, la fatigue prit le dessus sur ma volonté et je sombrai dans un sommeil profond et sans rêve.


https://www.youtube.com/watch?v=vH6jNIEuG6w


Darksky me réveilla en sursaut à l’approche des hommes de Shadow et, sans perdre une seconde de plus, nous fonçâmes vers la dernière salle sans nous retourner. Lorsque nous y arrivâmes une nouvelle énigme se présenta à nous et nous séparâmes pour en chercher la solution.

C’est là qu’il se déclencha à nouveau alors que faisais le tour des statues ornant la salle. Toujours sans prévenir, toujours sans que je n’essaie de l’activer volontairement, toujours en touchant des objets, mon pouvoir me fit perdre connaissance.

Je vis la salle s’effondrer tout autour de nous alors que la clé pendant autour du dragon noir était à terre tandis qu’au loin, une immense créature dorée me faisait face. Elle était rayonnante, bien plus que le soleil. J’avais l’impression d’avoir l’incarnation même de la lumière devant mes yeux.

Je ne pouvais distinguer sa forme tant j’étais aveuglée mais je discernais tout de même deux minuscules yeux bleus comme des saphirs qui me fixaient intensément.

La créature me désigna alors l’autre clé qui pendait toujours autour de la statue d’or. Mon corps bougea tout seul pour s’en emparer et la destruction de la pièce cessa immédiatement.

Ma vision commença à se brouiller mais je ne pouvais détacher mon regard de cette créature. Elle me fascinait. Même si elle n’était peut-être pas réelle…je voulais savoir qui elle était…j’étais comme inexorablement attirée par cette douce et réconfortante lumière qu’elle émanait.

Mais, alors que je tendais mon bras pour m’en rapprocher, tout disparut et je revins à la réalité, totalement déboussolée.

Que s’est-il passé ? Demandai-je à mon partenaire, perdue.

Je remarquai alors que dans mes mains, je tenais la clef récupérée lors de ma vision tandis qu’elle avait disparu du cou de la statue. Il ne m’en fallut pas plus pour comprendre et je me pris la tête dans les bras, terrifiée.

-Non, pas encore ; murmurai-je, tremblante.

Pourquoi ce pouvoir revenait-il maintenant ? Cela faisait des années qu’il ne s’était pas manifesté. Je pensais qu’il ne s’activait que lorsque je me sentais seule…alors pourquoi s’était-il réactivé sans prévenir !

-Quelque chose ne va pas ? S’inquiéta Darksky.

-Non…ce n’est rien d’important…Bien, allons ouvrir cette porte maintenant que nous le pouvons.

Alors que nous étions sur le point de résoudre la fin de cette énigme, le groupe d’hommes de Shadow pointa à nouveau le bout de son nez.

Il ne me fallut que quelques provocations pour pousser le chef à m’affronter en duel. Heureusement pour moi, le deck que m’avait confié Hélios n’avait jusque là jamais perdu un seul match.

Celui-ci fit ses preuves une fois de plus. Quelques tours à peine furent nécessaires pour écraser ce piètre duelliste.

Nous profitâmes de la confusion engendrée par la défaite de l’homme pour nous précipiter à l’intérieur de la salle ouverte grâce à la clé avant de refermer la porte derrière nous.


https://www.youtube.com/watch?v=g1_qMlZaJ6U


-Quelle histoire ; souffla Darksky, épuisé.

-Ils ne sont pas près de mettre le pied ici sans la clé ! Lançai-je joyeusement en faisant sauter ladite clé dans ma main.

Soudain, des dizaines de torches s’allumèrent et nous laissèrent entrevoir un long chemin rectiligne jusqu’à un grand autel.

Nous montâmes les marches en silence, le seul bruit que nous percevions était le crépitement des flammes. Mon cœur battait la chamade. La, à quelques mètres de moi, se trouvait la solution à tous les maux d’Hélios…

Sur le pinacle, était posé une autre clé, ainsi qu’un vieux parchemin. Lorsque je dépliai le bout de papier, je réprimai une grimace. Ce que je lus à ce moment-là ne me plut pas du tout mais je fis mine de déchiffrer le parchemin en n’en lisant que la moitié à mon partenaire.

-« Félicitation voyageur, vous êtes sur le point d’acquérir un pouvoir dépassant l’entendement. Mais sachez qu’un grand pouvoir implique une grande responsabilité, c’est pourquoi, voici votre dernière épreuve : Toutes les clés n’ouvrent pas nécessairement une porte, la clé de cette énigme se trouve devant vos yeux, mais la voyez-vous ? »

A nouveau, je fus prise de vertiges. Cette fois-ci, seul Darksky disparut de la pièce tandis que trois hommes s’avançaient lentement vers l’autel. A en juger par leur accoutrement, ils devaient certainement vivre à un autre siècle, deux ou trois-mille ans avant notre ère peut être.

L’un d’eux se saisit de la clé sans lire le parchemin et immédiatement, une trappe s’ouvrit à quelques mètres de lui. L’homme sourit, l’air satisfait et sortit une petite boite de sa poche. Lorsqu’il l’approcha de l’autel, elle se mit à rayonner puis s’ouvrit lentement.

Le second homme plaça alors un petit objet à l’intérieur, objet qu’il masqua sous un double fond avant que le troisième ne sorte une simple carte roulée sur elle-même. Puis, les trois hommes hochèrent la tête avant de repartir avec l’étrange boite, laissant un parchemin et la clé derrière eux. La pièce disparut alors et je me retrouvai à l’entrée du temple. Là, les hommes posèrent la petite boite sur un piédestal un peu en retrait puis disparurent dans l’obscurité.

La vision s’estompa et, lorsque je revins à moi, j’étais dans les bras de Darksky. Visiblement, j’étais tombée inconsciente comme souvent pendant mes visions…

-Darksky ? Que vient-il de se passer ? Demandai-je d’une petite voix.

-C’est assez dur à expliquer, mais tu as lancé la clé se trouvant là à l’autre bout de la pièce…

J’écarquillai les yeux et me relevai d’un bond, repensant à la trappe de la vision mais étrangement, elle ne s’était pas ouverte. Mais il y avait plus urgent.

-Nous devons retourner au début ; déclarai-je en serrant les dents.

-Mais pourquoi cela ?

-Nous avons besoin d’une boite pour résoudre cette énigme !

-Une boite comme celle-ci ? Me demanda mon partenaire en sortant ladite boite de sa poche.

-Exactement ! Darksky, tu es génial !

Euphorique, j’en oubliai totalement la fausse personnalité que j’arborai avec le garçon et je lui sautai dans les bras, pleurant et riant à la fois. Finalement, j’avais eu tort de le prendre pour un débutant sans cervelle. Finalement, j’allais peut-être remercier Marie de m’avoir imposé son frère en partenaire.

Pour la première fois de la journée…non, pour la première fois depuis bien longtemps, j’étais réellement heureuse et je ne le cachai pas.

Darksky fut tellement déconcerté par mon explosion de joie qu’il en perdit l’équilibre et rougit légèrement.

-Maintenant, emparons-nous de ce pouvoir et nous pourrons quitter cette maudite ile !

Lorsque j’approchai la petite boite de l’autel, elle réagit à sa présence, exactement comme dans ma vision et s’ouvrit en émettant une lumière aveuglante.

Comme prévu, nous y trouvâmes la carte que je confiai à Darksky, et quant à moi, je récupérai la boite apparemment vide mais qui contenait en réalité exactement ce dont j’avais besoin.


https://www.youtube.com/watch?v=CuLXds8npWE


Notre rapport à Hélios à notre retour fut assez bref. Je me contentai de lui remettre l’étrange carte que, de toute façon, nous ne pouvions déchiffrer nous-mêmes et le roi nous congédia, l’air satisfait mais ne se doutant de rien. Cependant, Darksky sembla réellement troublé par la véritable identité de Shadow et fut un peu plus agressif que moi mais se contenta de vagues explications.

-Tu doutes vraiment de lui n’est-ce pas ? Lui demandai-je une fois à l’extérieur.

-Je ne sais plus quoi penser en vérité ; me répondit-il l’air vraiment troublé.

-Une bonne nuit de sommeil te fera du bien ; lançai-je joyeusement, toujours de bonne humeur après notre franc succès.

Sur ces mots, je commençai à m’éloigner, impatiente de commencer l’étude du module mais, alors que j’arrivai au bout du couloir, je me retournai, me sentant mal d’avoir été aussi froide pendant toute la mission.

-Au fait, merci pour la mission, je n’y serais pas arrivée sans toi. Il faudra se refaire ça une prochaine fois.

Je lui fis un signe de la main puis il disparut de mon champ de vision.


https://www.youtube.com/watch?v=u7WMgrZVna4


Je passai les semaines qui suivirent enfermée dans la bibliothèque, cherchant à percer le secret de l’étrange objet tout en sachant que je ne pourrais pas le faire fonctionner immédiatement. En effet, la partie du parchemin que je n’avais pas lue à Darksky mentionnait une puissante source d’énergie nécessaire pour activer le module de voyage interdimensionel, et malheureusement pour moi, je n’en avais aucune sous la main…

-Alors Saya, toujours là-dessus je vois ? Railla un jour Marie en me rejoignant.

-Oui, ce truc est un vrai casse-tête…gémis-je.

-Vraiment ? Montre-moi pour voir.

Je tendis le petit objet à la jeune fille qui commença à l’étudier de près. En vérité, il n’y avait pas grand-chose à étudier. Il s’agissait juste d’un cylindre de fer grisâtre sur lequel de nombreuses lignes avaient été gravées. Il n’y avait ni bouton, ni interrupteur, ni une quelconque encoche pour enclencher le mécanisme. J’avais tout testé pourtant : le jeter par terre, lui lancer une décharge électrique, le plonger dans l’acide et même le couper en deux, le module n’avait même pas eu une égratignure. Et même le livre évoquant la citadelle originelle ne recelait aucun indice concernant l’utilisation de cette chose, même si elle était mentionnée plusieurs fois.

Voyant qu’elle n’arrivait à rien non plus, Marie me rendit l’objet en haussant les épaules.

-Bonne chance pour arriver à quoique ce soit, j’abandonne moi.

-Tu n’as même pas cherché plus de trente secondes je te signale…

-Quand je ne vois pas, je ne vois pas, c’est tout. Et sinon, qu’est-ce que tu as pensé de mon frère alors ? Il ne t’a pas trop ralenti j’espère ?

-Pour être franche…Un peu. Mais finalement, ce n’était pas si gênant que ça. Il est plutôt sociable contrairement aux autres élèves d’ici.

-Evidemment, on parle de mon frère ; lança fièrement la jeune fille en se frappant la poitrine. C’est de famille chez nous !

-Il…Il faut croire oui…bégayai-je, déconcertée.

-Enfin, évite simplement de tomber amoureuse de lui, j’en connais une qui serait bien jalouse sinon ; ricana mon amie, l’œil brillant.

Je ne sais pas pourquoi mais lorsqu’elle dit cela, mon cœur rata un battement et je faillis m’étrangler avec ma salive. Aussitôt, je sentis la température de mon corps s’élever anormalement et je m’empourprai sans pouvoir me contrôler.

-A…amou…Amoureuse ? De…De lui ? Ne dis pas n’importe quoi, il reste un boulet ! Balbutiai-je prise au dépourvu.

-Je sais, je voulais simplement te donner cette idée en tête et maintenant tu vas y penser toute la journée ; ricana Marie l’air fière d’elle.

-C’est n’importe quoi, rends-toi utile et aide-moi à déchiffrer cette énigme plutôt ; grommelai-je en gonflant les joues.

-J’aimerais bien mais Hélios m’attends pour un dernier travail, apparemment, nous entrons dans la phase finale de son plan.

-La phase…Finale ? Répétai-je.


https://www.youtube.com/watch?v=AJhco0m1LTs


-Oui, enfin, c’est ce qu’il croit ; me sourit la fillette d’un air mystérieux. Ce qu’il ne sait pas, c’est que j’ai échangé le parchemin avec un vieux truc trouvé ici.

-Hein ? Mais pourquoi as-tu fait ça ?! M’étranglai-je, abasourdie.

-Et bien, tu as dit que tu avais besoin d’une source d’énergie pour activer ton truc là, non ? Je me suis simplement arrangée pour que tu y aies accès ; hasarda-t-elle en haussant les épaules.

-Tu…Tu as vraiment fait ça pour moi, Marie ?…

-Evidemment, nous sommes partenaires dans le crime, ne l’oublie pas !

Sans pouvoir me contrôler, je pris mon amie dans mes bras et me mit à pleurer de joie. Réellement, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle.

-A…Attends Saya…Lâche-moi, tu m’étouffes…

-Merci…Merci du fond du cœur, Marie…J’ai vraiment de la chance que tu sois toujours-là pour moi…

-Et moi je ne sais pas si j’ai vraiment de la chance d’être ici…Mais ce n’est rien…Déclara-t-elle en détournant le regard, soudain gênée. Bref, prépare-toi simplement à repartir en mission prochainement avec mon frère.

-Compris !

Avec un enthousiasme qui ne me ressemblait pas, je courus dans ma chambre et rassemblai mes affaires en attendant impatiemment qu’Hélios me convoque. Ce qui arriva un peu plus tard dans la matinée.

Lorsque je vis Darksky, je ne pus me cacher derrière de fausses grimaces et je me contentai d’être moi-même, le saluant chaleureusement.


https://www.youtube.com/watch?v=3l_CXocpLoQ


Cette fois-ci, notre mission nous ramena à Néo Domino City. J’avais quelques appréhensions à y retourner après tant de temps. Après tout, la dernière fois que j’y étais venue, c’était en compagnie d’Hélios, juste avant le début de sa perte de raison…

Pendant un moment, je pensai à aller faire un tour à Satellite pour saluer Serena mais je n’en trouvai pas l’occasion.

Cependant, alors que je pensais qu’il ne s’agirait que d’une banale mission, la présence du garçon à mes côtés me troubla et je laissai parler mes émotions à ma place de nombreuses fois. C’était stupide mais en voyant son visage souriant et sans aucune mauvaise intention à mon égard, je repensais aux paroles de Marie et mon cerveau lâchait simplement l’affaire. Je me retrouvai ainsi avec un ours en peluche qu’il m’acheta tandis que je me mis à lui raconter mon passé sans aucun tabou…enfin, je passai tout de même sous silence que sa propre sœur m’aidait. J’avais retenu la leçon devant sa réaction lorsque je lui avais parlé de Shadow.

Et plus je lui parlais et plus je laissais mon honnêteté prendre le dessus sur la fausse personnalité dans laquelle je m’enfermais depuis bientôt trois ans.

L’espace d’un instant, j’en oubliai presque notre mission et je restai là, au bord de l’océan, priant pour que cet instant de calme et de tranquillité ne se termine jamais. Je ne sais pas si Marie avait réellement lu en moi ou si elle ne faisait que me taquiner, mais je me sentais vraiment apaisée aux côtés de Darksky, comme si sa simple présence suffisait à éloigner de nombreux soucis passagers.

Non…Ce n’était pas de l’amour…Du moins, pas comme celui que Marie imaginait…C’était de la gratitude…Nous n’avions passé que très peu de temps ensemble et pourtant, au cours de cette mission, j’avais eu l’impression d’avoir trouvé un vrai partenaire, le genre de personne qui ne me laisserait jamais tomber, quelle que soit la situation et aussi désespérée soit-elle.

Je fermai les yeux et serrai dans mes bras l’ours en peluche qu’il m’avait offert et je murmurai dans un souffle qui fut emporté aussitôt par la brise marine :

-Merci Marie…Merci Darksky…


https://www.youtube.com/watch?v=pjLekG0YJZM


Mais, alors que j’étais perdue dans mon monde, j’en sortis brutalement lorsqu’un des hommes d’Hélios arriva et nous informa de son plan consistant à faire exploser le laboratoire que nous étions censés prendre d’assaut.

Cela me mit hors de moi. De détendue et calme, je me transformai en une fraction de seconde en furie inarrêtable. S’il faisait exploser le laboratoire, ma source d’énergie allait s’envoler avec et tous mes efforts auraient été réduits à néant !

Sans attendre mon partenaire, je filai à la vitesse de l’éclair vers notre destination, bien décidée à contrecarrer les plans du chef de mission. Je ne pris même pas la peine de distinguer ennemis et alliés, j’écrasai simplement quiconque se mettait en travers de ma route.

Je défonçai le barrage que nous avions formé à l’entrée, certainement pour capturer les scientifiques, et me précipitai à l’intérieur.

Lorsque j’arrivai devant la source d’EnerD, le grand réacteur était en train de disparaitre dans les cieux, emporté par un immense dragon blanc étincelant qui explosa haut dans le ciel.

Je tombai à genoux, détruite. Ma seule chance de sauver Hélios venait d’être réduite en fumée…


https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0


-Non…Pourquoi…J’étais…Si proche du but…Murmurai-je, anéantie.

Cependant, alors que je pensai que tout était perdu, je vis plusieurs feuilles de papier à moitié carbonisées à mes pieds. Sans grande conviction, j’en saisis une au hasard et mon cœur s’accéléra.

Il s’agissait d’un document, un article de journal plus précisément, évoquant une récente collaboration entre ce laboratoire et le CERN.

J’en oubliai immédiatement mon échec cuisant du moment et mis sans attendre l’article dans ma poche, bien résolue à ne pas me laisser abattre aussi facilement. Je devais ne devais pas me conforter dans le désespoir. Tout n’était pas perdu, ce n’était que partie remise et cette fois, je comptais bien ne pas me reposer sur ces bouffons d’Hélios.

Ce qui suivit ne m’étonna même plus au point où j’en étais. Un des chefs de la mission me prit pour une ennemie et me défia en duel. Evidemment, Darksky nous interrompit et me força à fuir avec lui, laissant ce guignol derrière nous.

Après de nombreuses péripéties rien que pour nous sortir du laboratoire qui tombait en ruines, nous nous retrouvâmes à l’extérieur. Le professeur Fudo, que nous avions sauvé en chemin, fut emmené par les chefs et nous restâmes devant la bâtisse en flammes, Darksky et moi, encore quelques minutes.

Cela me coutait bien de l’avouer, mais il m’avait sauvé la vie…et deux fois maintenant. Je ne sais vraiment pas si j’aurais tenu le choc seule lors de ces deux missions. Et je me doutais bien que ce que j’avais vécu jusqu’ici n’était qu’une partie de plaisir face à ce qui m’attendait dans le monde des esprits.


https://www.youtube.com/watch?v=7Hcq71AJQns


Une idée folle me traversa alors la tête. Et si…si je ne faisais pas ce voyage seule ?

Je ruminai cette idée pendant tout le trajet retour dans l’avion mais plus le temps passait et plus je me disais que je n’allais pas pouvoir atteindre mon objectif seule.

C’est pourquoi, une fois de retour chez nous, je me jetai à l’eau.

-Eh bien Darksky ; J’ai comme l’impression que je te dois la vie donc…

-Tu n’as pas besoin de me remercier, je payais la dette que j’avais envers toi depuis la dernière fois ; me répondit-il gêné.

-Tu le prends comme ça ? Râlai-je, vexée d’avoir été interrompue dans cette accroche que je ressassai dans ma tête depuis plusieurs heures. Je comptais te faire voir quelque chose d’incroyable mais puisque tu ne veux pas…

-Amusant ? Comme toi sous la douche ?

Mon corps bougea tout seul et je lui assénai un énorme coup de poing dans la tête. Décidemment, ce type n’était qu’un boulet…Faisant mine d’être vexée, je tournai le dos et feignait de partir.

-Désolé, c’est sorti tout seul ; s’excusa-t-il, affolé.

Je lâchai un long soupir intérieur. Comment pouvais-je lui en vouloir après tout. Mais cependant, à force de côtoyer Marie, j’eus envie de tester ses techniques contre son propre frère. C’est pourquoi, je fis semblant de lui lancer un regard noir. Je vis sa mine se décomposer et je ne pus me retenir d’éclater de rire.

-Si tu voyais ta tête mon pauvre !

Je mis quelques secondes à me calmer mais je n’en avais pas fini pour autant. Je comptais bien m’amuser avec lui encore un peu.

-Non, je ne compte pas te montrer ça, quoique…

Tout en prononçant ces mots, je lui lançai un regard suggestif et le garçon recula, troublé. Décidemment, je comprenais pourquoi Marie aimait tant taquiner les autres de la sorte. Voir le visage de Darksky à la fois troublé, gêné et surpris n’avait pas de prix.

-Attends, je n’étais pas sérieux…

-Je sais ; lui lançai-je joyeusement. Bref, rejoins-moi dans ma chambre dans vingt minutes, elle se trouve au deuxième étage de ce bâtiment.

Sur ces mots, je laissai le garçon dans le couloir et filai dans ma chambre. Là, je préparai en vitesse quelques gâteaux et partis me préparer dans la salle de bain. Cependant, je n’avais pas prévu que Darksky ne respecte pas les horaires que je lui avais indiqués.

Car, en sortant de la douche, je ne vis pas le savon par terre et que je m’étalai lamentablement sur le carrelage en poussant un cri de surprise.

La porte de ma salle de bain s’ouvrit avec vacarme et j’écarquillai les yeux de surprise lorsque je vis Darksky de l’autre côté. Nous rougîmes tous les deux de honte mais ce boulet, au lieu de repartir comme il était venu, se trouva obligé de jouer aux imbéciles.

-Euh…Salut…

Je poussai un nouveau cri, de frustration cette fois, et lui lançai ma brosse à cheveux à la figure.

-Sérieusement, ton frère est un boulet Marie ! Hurlai-je intérieurement.


Une fois cet incident passé, je tentai de me calmer et repris mon plan pour le convaincre de me suivre. Ainsi, je sortis mon énorme livre que je conservais précieusement dans ma chambre depuis des années et l’ouvris sur la page de la citadelle originelle. Au début, il n’eut pas l’air spécialement convaincu par mes arguments et il faillit même partir mais nous fûmes interrompus par une sonnerie stridente.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


La voix d’Hélios retentit alors dans toute l’école et nous somma de nous réunir dans la grande salle. Mon cœur s’emballa à nouveau en entendant cela. C’était la première fois que le roi tenait une réunion de cette envergure et les mots de Marie retentirent dans mon esprit. Il ne m’en fallut pas plus pour me convaincre. Nous étions sur le point d’atteindre le fameux point de non-retour que je redoutais tant…

Mes craintes furent confirmées à peine Hélios eut-il commencé son discours. Sa voix n’était plus la même que lorsqu’il nous avait convoqué, le matin même. Il semblait désormais totalement fou, aveuglé par des idéaux de puissance sans aucun sens et même son regard avait changé. Toute son insouciance avait disparu pour ne faire place qu’à une soif de pouvoir sans fin.


https://www.youtube.com/watch?v=8FqbTz9N5Do


Je quittai la salle lorsque mon ancien sauveur prononça le nom d’Apophis. J’en avais assez entendu. Je n’avais pas besoin de plus d’informations pour savoir que le temps me manquait cruellement à présent.

Je remontai dans ma chambre en vitesse, oubliant totalement mon objectif d’emmener Darksky avec moi et commençai à rassembler mes affaires. Je n’emportai avec moi qu’un petit sac à dos dans lequel je mis tous les objets qui m’étaient chers : l’ours en peluche de Darksky, l’élastique de Serena, le livre d’Hélios et le module de voyage interdimensionel.

C’était amusant. Chaque personne que j’avais rencontrée jusque là et avec qui j’avais noué des liens m’avait légué quelque chose finalement alors que moi, je n’avais jamais rien pu leur offrir. Une fois toutes ces histoires terminées, je me jurai de me rattraper et de faire quelque chose pour toutes ces personnes qui m’avaient soutenue, moi, cette petite fille si insignifiante qu’elle avait failli mourir sur le bord de la route sans que personne ne s’en aperçoive.

Alors que j’avais presque bouclé toutes mes affaires et que je m’apprêtai à partir sans faire de bruit, j’entendis des bruits de pas dans mon couloir et je sursautai lorsque j’entendis la voix de Darksky.

Tu comptes aller quelque part ?

-Ce n’est que toi ; soufflai-je rassurée. J’ai cru qu’il s’agissait d’un professeur…

-Je repose donc ma question, comptes-tu aller quelque part ? A moins que tu ne te prépares pour demain ?

Je ne répondis rien à sa question et je baissai les yeux, sentant quelques larmes couler sur mon visage. Je connaissais déjà sa réponse mais je tentai une dernière fois dans un ultime espoir.

-Darksky, fuyons cet endroit…

-Comment ?

-Fuyons cette école, Hélios, les missions suicide, ensemble. Allons au bout du monde, trouvons la citadelle originelle pour y vivre en paix éternellement…Dis, tu m’accompagnerais ? Murmurai-je, sachant que c’était peine perdue.

-Mais, pourquoi ? Je veux dire, nous arrivons enfin au terme de ce pourquoi nous nous sommes battus ces dernières années, tu ne peux pas tout laisser tomber ainsi !

-Tu ne comprends donc rien ! M’écriai-je en haussant la voix. Apophis n’est que le commencement, qui sait à quoi hélios va s’attaquer ensuite !

-Que veux-tu dire ?

-Tu me prendrais pour une folle si je te le disais…Tu dois simplement savoir qu’Hélios n’est pas celui qu’il prétend être. Comment je le sais ? Ne me demande pas, je n’en ai aucune idée, c’est un simple pressentiment…

Si seulement j’avais pu lui dire la vérité au sujet de Marie et du mal qui rongeait le roi…Mais je sentais que lui révéler cette information maintenant allait lui faire plus de mal qu’autre chose, alors je m’abstins, gardant ce secret en moi.

-Mais…Si tu t’enfuies, où iras-tu ? Cette quête est insensée, tu le sais aussi bien que moi !

-Peut-être bien, mais je dois en avoir le cœur net, trouver la citadelle originelle, c’est mon rêve depuis que je suis toute petite…

« Et je dois sauver Hélios…Mais ça, tu ne peux pas le comprendre, toi qui vas le détester plus que n’importe qui lorsque tu apprendras la vérité… »

-Je vois…mais je ne peux pas t’accompagner, je dois encore sauver ma sœur…

-Je te comprends Darksky. Donc, disons-nous…

-Non !

Darksky me prit dans ses bras et m’étreignit longuement. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine en sentant sa peau contre la mienne et je souris. Marie n’était qu’une idiote. Pourquoi avait-elle fallu qu’elle me mette une idée aussi saugrenue dans la tête…Mais ce sentiment…Il n’était pas désagréable. Je n’avais pas envie qu’il relâche son étreinte. Je voulais figer le temps, oublier la folie d’Hélios et ma quête insensée pour simplement rester là, devant le soleil couchant et profiter de cette sensation de bien être qui faisait bouillir mes veines et battre mon cœur.

Mais non. Je savais que cela était impossible. Je devais partir. Pour le bien d’Hélios, pour notre bien à tous, je devais arrêter cette folie destructrice, et ce, peu importe les sacrifices nécessaires.

-Tu as choisi ta voie Darksky, j’ai choisi la mienne, et il semblerait qu’elles ne se croisent plus à partir de maintenant…

-Saya…

-Va au bout de tes rêves Darksky, et j’irai au bout des miens, c’est une promesse ?

-Oui, je te le promets, Saya…Murmura mon amie d’une voix brisée.

-C’est ce que je voulais entendre, alors maintenant, souris s’il te plait.

Comme pour nous donner du courage à tous les deux, mon visage s’illumina tandis que quelques larmes scintillèrent comme des braises à la lumière rougeâtre qui passait à travers mon immense fenêtre.

Non, je n’avais pas été malheureuse au cours de ma vie. J’avais été très souvent seule et isolée mais j’avais rencontré des gens formidables et Darksky faisait partie de cette minuscule poignée de personnes que je pouvais appeler « amis ».


https://www.youtube.com/watch?v=uqsNNnVjyyA


Lorsque le frère de Marie relâcha son étreinte, je ne tentai pas de la prolonger plus longtemps et je finis de rassembler mes affaires sans dire un mot.

Je rangeais mon livre dans mon sac et le mit sur mes épaules avant de me diriger vers la sortie, la tête basse. Je sentais qu’à la moindre parole de travers, tout pouvait s’effondrer, de même que mon désir de partir.

-Bien, cette fois-ci, c’est vraiment l’heure des adieux, qui sait si nous nous reverrons un jour.

-Non, c’est un au revoir, pas un adieu !

-Oui, tu as raison. Au revoir Darksky, et merci pour tout ce que tu as fait, j’ai vraiment passé les plus beaux jours de ma vie avec le grand frère que je n’ai jamais eu…

-C’est à moi de te remercier, tu m’as permis de ne pas devenir fou de solitude.

-Tu veux vraiment avoir le dernier mot n’est-ce pas ? ricanai-je, amusée.

-Que veux-tu, je ne peux pas te laisser partir comme ça et ne rien dire.

-Tu as certainement raison…

L’heure était venue. Je devais prononcer ces mots sans trembler, sans me retourner, sans regretter.

-Bien, à la revoyure Darksky, je te souhaite sincèrement de retrouver ta sœur.

-Et toi, trouves la citadelle que tu convoites tant !

-Bien sûr, aller, Salut !

N’hésitant plus une seconde, je lui adressai un signe de la main puis me mis à courir le plus vite possible dans ce long couloir, de peur de faire marche arrière à la dernière seconde.

-Adieu, Darksky…Et merci pour tout.

Il n’y avait personne dans le bâtiment à cette heure-là. Tout le monde était certainement en train de se préparer pour la mission du lendemain…Tout le monde, à l’exception d’une personne. Je savais bien que je n’allais pas pouvoir partir sans lui dire deux mots mais j’étais soulagée de la voir.

Là, devant l’immense porte d’entrée, se tenait Marie, le bras croisés sur sa poitrine, le regard malicieux comme toujours.


https://www.youtube.com/watch?v=txCz7wnwwao


-Alors Saya, on part sans dire au revoir ? Me lança-t-elle, l’œil brillant.

-Je savais bien que tu ne serais pas loin ; lui répondis-je en souriant tristement.

Le visage de la jeune fille s’assombrit alors et pour la première fois depuis que je la connaissais, je pus lire une vraie tristesse dans ses yeux.

-Tu es sûre de toi ? Tu ne vas pas faire marche arrière ? Le monde des esprits est un endroit tout aussi magique que dangereux, surtout en cette période trouble…

-Je dois le faire. Je suis la seule à qui Hélios fait encore confiance.

-Justement…si tu pars, ne penses-tu pas que…

Marie s’arrêta dans sa phrase et secoua la tête comme pour chasser de mauvaises pensées.

-Non, tu as raison, fais ce que tu penses être juste. De toute façon, je compte bien partir prochainement moi aussi.

-Partir ? Mais tu n’es pas…

-Prisonnière ? Il parait oui ; lança-t-elle d’un ton nonchalant en haussant les épaules. Mais bon, sans toi, je doute que mon frère reste encore bien longtemps dans ce vieux château. Du coup, je n’aurai plus rien à faire ici non plus sans vous deux.

-Toujours aussi terre à terre je vois ; ris-je d’une voix nostalgique.

La fille qui avait partagé mes tourments pendant trois ans ferma simplement les yeux et se décala légèrement pour me laisser passer.

-Je n’ai aucun conseil à te donner cette fois-ci Saya. Mais lorsque tu reviendras…et si tu n’as nulle part où aller…Viens chez nous. Nous te logerons et nous pourrons vivre tous les trois comme une vraie famille.

-Une famille…hein…Ce mot me semble tellement étranger…

-Allez, bon vent Saya ! Enchaina joyeusement mon amie en tournant déjà les talons. La prochaine fois qu’on se verra, je te présenterai peut-être ta rivale. J’imagine qu’elle aussi sera de retour d’ici là.

-Arrête de dire n’importe quoi Marie ; soupirai-je en souriant.

Nous nous tapâmes simplement dans la main comme deux vieilles amies et nous partîmes chacune dans une direction opposée. Marie remonta les marches du grand escalier et moi, je franchis l’imposante porte donnant sur l’inconnu, bien déterminée à sauver le roi de ce mal qui le rongeait de l’intérieur.


« Alors pourquoi…pourquoi avais-je fait tout cela si c’était pour que vous nous laissiez seuls…Hélios ? »




Chapitre 39 : Miyako, Noun



Spoiler :



Deux titans se faisant face au milieu de l’immensité vide de l’espace. Voilà un dénouement auquel je ne m’attendais pas le moins du monde. Ce corps composé de pure lumière…Finalement, j’avais réussi, j’avais atteint le niveau ultime de l’évolution, celle qui allait me permettre de tenir ma promesse à Dan. Il ne me restait plus qu’une chose à faire afin de mettre un terme définitif à ce fléau qui n’avait pris que trop de vies.

Cependant, je ne devais pas agir n’importe comment. Darksky et les autres se battaient toujours à l’intérieur de Noun. Je ne pouvais pas prendre le risque de les blesser en détruisant simplement ce colosse. Je devais simplement le mettre hors d’état de nuire…Quelle plaie. J’aurais dû y penser à deux fois avant de les lancer à l’assaut direct de notre ennemi et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.

-Je vois. Je comprends désormais pourquoi Ladd gardait un œil sur vous ; résonna la voix de Fuji Makoto dans ma tête. Qui aurais cru que de simples gamins réussiraient à copier l’apparence du premier esprit de duel par la simple force de leur volonté. Mais soit. Si tel est votre désir, nous nous battrons à armes égales, sous la même forme. Ainsi, lorsque je vous aurai écrasés, vous connaitrez le véritable désespoir, celui que l’on ressent lorsque toutes les cartes sont de notre côté mais que nous sommes incapables de les utiliser correctement. Vous comprendrez alors que toute lutte est vaine contre moi.

-Comme si nous allions perdre contre un raté comme lui. Je compte sur toi pour lui régler son compte rapidement Miyako, je n’ai pas pris mon petit déjeuner ce matin et je commence à avoir faim ; lança soudain Marie dans mon esprit.

-Marie ? M’étonnai-je. Que fais-tu là ?

-Bah…Tu as pris nos pouvoirs donc je peux communiquer avec toi par télépathie, cela me parait élémentaire, non ?

-Si tu le dis…

-Humaine ; enchaina alors Apophis d’une voix bien plus sérieuse. Ne prends pas Noun à la légère, même sous cette forme. Le corps que tu as obtenu est encore instable. Ne te jette pas sans réfléchir dans la bataille.

-Ne sous-estime pas Miyako ; rétorqua sèchement Hiroki. Elle nous a déjà sortis de nombreuses situations bien plus périlleuses que celle-là ! J’ai une totale confiance en elle et en ses jugements. Après tout, elle n’est pas notre présidente pour rien !

-Hiroki…Souris-je intérieurement. Merci…Mais aujourd’hui, je ne suis ni une présidente, ni une chef. Je ne suis qu’une guerrière, tout comme toi.


https://youtu.be/8aQSl-s_jqM?t=152


Noun et moi nous nous regardâmes quelques instants avant de passer à l’assaut. Nous nous jetâmes l’un sur l’autre, séparant les quelques milliers de kilomètres qui nous séparaient en une fraction de seconde.

L’un comme l’autre, nous tentâmes de nous frapper au visage et nous nous projetâmes mutuellement vers l’arrière, non sans provoquer une déferlante d’énergie qui éjecta plusieurs planètes de leurs orbites. Heureusement, nous nous trouvions bien trop loin du monde des esprits pour qu’il soit affecté mais cela me fit prendre conscience de la puissance qui m’avait été accordée. Un seul faux pas et ce que je cherchais à protéger risquait d’être réduit en poussière d’étoile. Je devais à tout prix m’en éloigner le plus possible…

Mais alors que j’étais perdue dans mes pensées, je sentis quelque chose m’agripper la jambe et me tirer vers le haut. Cette seconde d’inattention avait permis à Noun de déployer une sorte de harpon et il me projeta violemment contre une planète naine et l’explosion de son noyau ouvrit un immense trou au milieu de mon corps céleste.

Je poussai un cri de douleur mais aussitôt, la blessure se referma d’elle-même, comme si je n’avais rien subi.

Noun n’en resta pas là et traina mon corps céleste au milieu d’un champ d’astéroïdes. Et même si toutes mes blessures se soignaient toutes seules, la douleur, elle, était réelle et m’empêchait de riposter.

-Alors, protectrice du monde des esprits, c’est tout ce que tu possèdes ? S’écria Fuji Makoto.

Le colosse me fit revenir vers lui comme un poisson au bout d’une ligne et m’asséna un uppercut qui m’envoya directement dans le système solaire voisin sans que je ne puisse corriger ma trajectoire, faute de gravité.

Rapide comme la lumière, Noun surgit à côté de moi et j’eus tout juste le temps d’utiliser une planète comme bouclier afin de me protéger d’un puissant rayon d’énergie noire.

-Miyako, utilise mes pouvoirs ! S’exclama soudain Serena.

A peine y eussé-je pensé qu’une horde immense horloge apparut devant moi et immobilisa mon ennemi momentanément. Mais je n’avais pas besoin de plus de temps. Je concentrai à mon tour mon énergie en utilisant mon propre pouvoir et fis jaillir un éclair de lumière blanche droit sur le colosse.

La créature fut transpercée de part en part mais seul un rire sinistre s’éleva.

-Ridicule, peu importe le nombre de pouvoirs que vous utiliserez, Noun ne peut être vaincu par des attaques aussi faibles ! Vous n’avez aucune chance de l’emporter !

Tout comme moi, la blessure de mon adversaire se referma et il se saisit de deux lunes se trouvant à proximité, prêt à me les envoyer.

-Contrairement à vous, j’ai tout rejeté pour obtenir ces pouvoirs et ce corps en est la preuve !

Comme des balles de fusils, les satellites fusèrent vers moi et je n’eus d’autre choix que de sauter pour les esquiver.

-Et vous, seriez-vous prêt à renoncer à vos principes et à vous émancipez de règles créées de toutes pièces pour vous garder captif pour atteindre vos objectifs ?!

Ayant prédit mon action, Noun cracha une rafale de flamme de la paume de sa main et m’obligea à le combattre au corps à corps. Le colosse enchaina les coups rapides et précis, visant tous mes points vitaux alors que moi, je me contentai de les contrer tant bien que mal. Notre affrontement était si rapide que même mes propres yeux avaient du mal à suivre ses mouvements. Je me contentai de me fier à mon instinct qui faisait agir mes membres tous seuls.

-Evidemment que non ! Hurla Fuji Makoto. Parce que toutes ces règles que vous suivez sont si confortables que jamais vous n’oseriez les briser ! Le mal, le bien, le destin, l’âme, toutes ces choses ne sont que des foutaises créées par les puissants comme Hélios pour nous maintenir captifs ! Mais cette captivité est si paisible, si agréable que, même lorsque vous la trouvez insupportable, vous n’osez pas vous en libérer, de peur des sentences dont vous menacent ceux qui vous contrôlent !

Un des coups du colosse finit par percer mes défenses et je fus à nouveau projetée vers l’arrière. Mais cette fois-ci, avant que je ne m’écrase, Noun sauta au-dessus de moi et m’entraina avec lui dans les profondeurs de l’univers.

-Mais moi, je n’ai que faire des menaces. Les puissants m’ont déjà tout pris, je n’ai plus rien à perdre. Là est la différence entre vous et moi ! Je ferai tout ce qui est nécessaire pour arriver à mon objectif, même si cela inclut de briser l’espace-temps et d’anéantir toutes les créatures existantes dans cet univers !

Au cours de notre chute, je sentis de nombreuses planètes voler en éclat dans mon dos avant qu’une géante gazeuse ne finisse par résister et nous nous écrasâmes sur son noyau solide.

Mon ennemi m’écrasa le visage face contre terre de son pied et s’accouda sur son genou d’un air triomphal, comme s’il avait déjà remporté la victoire.


https://www.youtube.com/watch?v=xWKm6jDt-BA


-Hikari Miyako ; reprit Fuji Makoto d’une voix plus calme. Sais-tu pourquoi ton très cher Dan n’est plus de ce monde aujourd’hui ?

Lorsqu’il prononça le nom de mon ami défunt, mon corps fit un bond dans ma poitrine. Je tentai de me dégager mais Noun redoubla de force pour m’immobiliser au sol.

-Je vais te le dire moi. Tu as eu peur. Peur de blesser des inconnus dont la mort t’importerait peu. Peur de choquer tes amis. Peur des représailles si d’autres apprenaient que tes pouvoirs étaient la cause de leur malheur. Peur de salir l’invention humaine nommée ton « âme ».

-Tais-toi…Murmurai-je, sentant alors la colère monter en moi comme la lave d’un volcan prêt à exploser.

-Tu sais pourtant que j’ai raison, Présidente Hikari ; railla-t-il en ricanant comme une hyène. C’est pour cela que tu t’en es toujours voulu autant. Parce que tu savais que tu aurais pu le sauver. Mais pour échapper à cette réalité, tu te réfugies derrière ces principes qui ont pris la vie de ton ami. Loyauté, sacrifice, courage, charisme, autant de valeurs dénuées de sens et qui ne combleront jamais le vide laissé par la mort de ton ami…

-Je t’ai dit de te taire ! M’écriai-je en perdant tout mon sang froid.

Déchainant mes forces, je projetai un intense rayon de lumière avec mes yeux qui transperça le corps de Noun de part en part. Le colosse tituba et d’un bond, je me relevai et agrippai sa tête dans le creux de ma main pour le projeter de toutes mes forces sur le noyau.

L’explosion qui en découla nous projeta tous les deux à plusieurs millions de kilomètres. Mais, alors que Noun, sonné, s’écrasa sur une planète géante, je réussis à reprendre mon équilibre et à projeter une nouvelle rafale d’énergie sur mon ennemi.

Cependant Noun reprit ses esprits tout aussi vite que moi et dévia mon attaque avant de se jeter sur moi. Je ripostais avec toute la force que la colère me donnait et nous nous retrouvâmes l’un contre à tenter de nous repousser mutuellement.

Tout autour de nous, l’univers tout entier tremblait. Les planètes déviaient de leurs orbites, la les astéroïdes s’amoncelaient en anneaux sous nos masses et même les éruptions solaires tourbillonnaient pour former d’immenses spirales ardentes.

-Pourquoi continuer ce combat inutile, Hikari Miyako ? Tu n’as aucune raison de protéger ce monde si ce n’est laver ta conscience du crime impardonnable que tu as commis qu’est celui d’avoir laissé ton ami mourir devant tes yeux alors que tu avais le pouvoir de le sauver !

-Oui, j’ai eu peur, oui j’ai fait des erreurs, oui Dan est mort par ma seule et unique faute mais c’est parce que j’ai échoué que j’ai pu me relever plus forte ! Ces tourments qui m’ont rongée, cette culpabilité que je garderai au fond de moi pour toujours et à jamais, ce désir de sauver ces inconnus et ce monde qui n’est pas le mien…Voila l’abime sans fond qui nous sépare ! Parce qu’après tout…Je ne suis rien de plus qu’une simple Humaine !

Tout en prononçant ces mots qui provenaient du plus profond de mon cœur, je me dégageais de notre affrontement d’un coup de genou dans son torse avant d’enchainer d’un uppercut pour projeter Fuji Makoto dans les tréfond de l’univers. Celui-ci tomba longuement mais fut finalement pris dans la gravité d’une étoile à Neutron qui stoppa sa chute.

-Cette arrogance…Ce sentiment de supériorité malgré vos faiblesses…Tu es l’illustration même de ce que je déteste le plus chez votre espèce mais à présent, tu vas regretter d’avoir osé montrer une telle insolence face au nouveau dieu du monde des esprits !

Noun se saisit de l’étoile à Neutron ainsi que d’une naine rouge avant de les faire fusionner de force en une seule sphère d’énergie pure. Je dus me protéger les yeux tant la lumière qui s’échappait de cette abomination était intense. Même malgré toute la puissance de mon corps céleste, je sentais ma peau me brûler et mes forces commencèrent à m’abandonner, comme si toute mon énergie était happée par cette chose.

-Miyako ! S’écria Marie, affolée. Je détecte une énergie incommensurable, ne baisse pas ta garde !

-Très bien, Humaine, il est temps de te montrer les limites pathétiques dans lesquelles tu t’es toi-même enfermée en refusant de te libérer de tes chaines ! Disparais, Black Hole Eclipse !

La vague d’énergie infinie fusa vers moi à la vitesse de la lumière et je ne pus rien faire pour l’éviter. Je pris ainsi l’attaque de plein fouet et fit tout mon possible pour tenir ma position tandis que je sentais mon corps se désintégrer peu à peu, comme une planète se faisant absorber par un trou noir. Mon corps humain était lui aussi comme plongé dans un brasier ardent et je luttais de toutes mes forces pour ne pas perdre ma raison malgré la douleur bien pire que celle d’être jetée dans de l’acide.

-Miyako ! S’affola Hiroki dans mon esprit.


https://www.youtube.com/watch?v=5EXFilTUiko


-Ce…Ce n’est pas fini…Pas encore…Je refuse de laisser le vœu de Dan s’éteindre pour si peu !

-C’est tout ce que je voulais entendre…Humaine ; déclara soudain une voix plus grave. Laisse-moi m’occuper du reste à présent.

Des milliers de particules scintillantes s’échappèrent alors de mon corps céleste et l’Energie infinie qui déferlait sur moi fut attirée par elles. Devant moi, un long corps de lumière blanche prit forme, celle d’un serpent si grand qu’il aurait pu entourer entièrement le soleil.

-Avalon : Midgard Apophis !

La créature poussa un rugissement assourdissant qui fit trembler l’univers tandis qu’il me protégeait de l’attaque de Noun.

-Attends…Qu’est-ce que tu fais ! Rugit à son tour Gariatron qui venait de s’immiscer dans mon esprit.

-Ne joue pas aux sentimentaux, Gariatron ; ricana Apophis. Nous savons tous les deux que nos ambitions de vengeance ne sont rien face à l’avenir de l’univers ! Que nous soyons Esprit, Humains, Dieux ou Démons, quelle importance, nous ne sommes que des poussières d’étoiles dans cet univers, quelle importance ! Seuls, nous ne sommes rien, mais ensemble, nous avons le pouvoir de créer planètes et les étoiles ! Cette humaine, Miyako, m’a ouvert les yeux. Ses ambitions brûlantes et sincères ont réveillé mon esprit de guerrier que j’avais enfoui en moi depuis des millénaires sous des sentiments de haine et de colère. Si mon corps peut permettre de sauver ce monde et tous ses habitants, c’est un honneur pour moi de me sacrifier !

-Apophis…Murmurai-je, abasourdie.

-Miyako ! Si ton but est de poursuivre les rêves de tes camarades tombés au combat, alors je te confie les miens également ! Protège ce monde…Notre monde, celui que j’ai juré de protéger il y a des milliers d’années ! Fais-le avec toute la force que tes sentiments te confèrent et ne dévie jamais de la route que tu as empruntée car dans ce cas, seuls le désespoir et la résignation t’attendent ! Montre-moi…montre à Gariatron…Que les humains nous ont déjà dépassés !

Alors que Apophis prononçait ses mots, des visions me déconnectèrent quelques instants de la réalité. Je vis le serpent sous sa forme humaine, jeune, seul au milieu de cadavres sans vie, terrifié tandis que deux autres personnes le regardaient de loin, tout aussi horrifiées. Je le vis se faire exiler par un conseil. Je le vis au milieu de ruines, détruit mentalement. Je le vis rencontrer Gariatron et faire alliance avec lui. Et je le vis finalement enfant, débout au sommet d’une colline en compagnie d’une fillette aux cheveux de feu et aux ailes cramoisies. Ils étaient seuls, regardant les derniers rayons du soleil s’éteindre derrière l’horizon tandis qu’un vent frais les berçait.

-Dis, Apophis ; déclara la fillette avec un large sourire. Quel genre de seigneur voudrais-tu devenir plus tard ?

-Quel…Genre ? Je ne sais pas, je n’y ai jamais réfléchi…Répondit le serpent d’une petite voix. Mais peut-être…Protecteur du monde des esprits…

-Vraiment ? Mais c’est génial, Geb aussi a la même ambition ! Dans ce cas, nous pourrions le protéger tous les trois, qu’est-ce que tu en dis ?!

-Le protéger…Tous les trois ? Répéta-t-il, confus.

-Oui ! Toi, Moi et Geb, protecteurs du monde des esprits, le défendant de la menace des démons ! Nous le deviendrons quoiqu’il nous en coûte, tu m’en fais la promesse ?

Apophis hésita un instant mais devant l’enthousiasme de la jeune fille, il se mit à sourire lui aussi et les deux enfants s’attrapèrent le petit doigt pour sceller leur pacte.

-Oui, je t’en fais la promesse. Nous protégerons ce monde ensemble…Nout.

Lorsque la vision disparut, Apophis était toujours en train de lutter malgré son corps à moitié détruit par les assauts de Fuji Makoto.

-Votre résistance est inutile ! Disparaissez, misérables insectes !

Le rayon d’énergie redoubla d’intensité et enveloppa entièrement le corps du serpent qui disparut au milieu de la lumière.

-Futile. C’est exactement…ce que j’attendais !

L’énergie se condensa en un seul point et tourbillonna autour du corps d’Apophis qui formait le symbole de l’infini tout en absorbant entièrement la lumière, tel un véritable trou noir.

-Tu vois…Nout…J’ai tenu ma promesse…J’ai protégé ce monde…Murmura-t-il avant de disparaitre dans une explosion d’énergie.

-Apophis ! Hurla Gariatron.

Mais alors que Fuji Makoto triomphait déjà, pensant sa victoire acquise, des deux parties de l’infini surgirent une supernova, si majestueuse que nous n’étions que des insectes face à elle…ainsi qu’un minuscule être de feu…si petite que je ne parvenais même pas à le distinguer mais lorsque sa voix résonna dans ma tête, l’espoir refit surface.

-Désolée pour le retard, Miyako.

-Na…gisa ? M’étranglai-je, interdite.

La jeune fille pouffa, amusée de ma réaction et c’est la que je vis que quelque chose avait changé en elle. Dans sa main se tenait une carte scintillante et tout son corps était entouré d’une énergie nouvelle, la même énergie qu’Apophis avait absorbée un instant plus tôt.

-Il est temps de gagner combat…Présidente !

-Le gagner ? Répétai-je. Mais grâce à quoi…

-C’est évident ! Prends mon pouvoir également ! Over the Perfection, Avalon !

Sans hésiter une seule seconde, Nagisa plongea au cœur de la supernova et disparut instantanément. L’univers trembla une nouvelle fois lorsque deux colossales ailes de feu émergèrent de la sphère, rapidement suivies de deux serres acérées et d’une tête de phénix. La créature qui se tenait devant moi défiait toutes les lois de la nature et même sa taille ne pouvait être chiffrée. Son envergure était si étendue que même la lumière avait un retard lorsque je tentais de regarder la créature entièrement.

-Inconcevable…Simplement inconcevable ! Grogna Fuji Makoto. Comment de misérables formes de vies inférieures ont-elles pu maitriser une telle quantité d’énergie !

-Je te l’ai déjà dit, Fuji Makoto ; lui répondis-je aussitôt. C’est parce que nous échouons encore et encore que nous pouvons nous relever toujours plus forts ! Tout comme le sacrifice de Dan m’a permis de surmonter mes faiblesses, le dernier vœu d’Apophis a permis à Nagisa de dépasser ses limites ! C’est ainsi que nous fonctionnons, nous, vulgaires humains !

-C’est exactement pour cela que je voue une haine sans limite à votre espèce ! Vous vous piétinez les uns les autres pour devenir plus forts et c’est ce qui a finalement pris la vie d’Iris ! Pourquoi ne comprenez-vous pas…que vous évoluez dans une impasse !

Noun tenta de m’attaquer à nouveau mais le phénix replia ses ailes sur moi et me protégea sans aucune difficulté de la nouvelle déferlante. Ne perdant pas une seule seconde, je tirai à mon tour un rayon d’énergie qui transperça le torse de notre ennemi.

-C’est une impasse car TU es incapable de surmonter ces épreuves ! Tu es prêt à détruire toute forme de vie pour un objectif aussi futile que de ramener quelqu’un à la vie et tu te permets de nous faire la morale ?! Tu as été incapable de surmonter la mort de ta fille et pour cette raison, tu imposes tes idéaux à des milliards d’êtres vivants ?! Tu ne fais pas mieux que tous les puissants que tu accuses de nous priver de liberté ! Mais ce que tu es incapable de comprendre, Fuji Makoto, c’est que, tout comme nous, tu fais des erreurs et tu te trompes car tu n’es qu’un humain, tout comme moi !

-Miyako a raison ! Reprit Nagisa à travers la bouche du phénix. Les épreuves peuvent être difficiles à surmonter, elles peuvent paraitre même impossibles, nous pouvons même avoir envie de tout abandonner parfois, mais la solution ne se trouve pas dans la facilité ! Si tu désires détruire cet univers, ce n’est pas pour rendre la vie à ta fille par amour paternel…Mais parce que tu es simplement incapable d’admettre que tu as peur d’aller de l’avant ! Tu crains…Le futur ! C’est pourquoi, tu ne pourras jamais vaincre Miyako, elle qui rêve d’un futur radieux et qui fera tout pour l’obtenir là où tu ne rêves que d’un passé révolu !

-Nagisa…

-J’ai fait mon choix, Miyako. Plus jamais je ne regretterai le passé. Plus jamais je ne fuirai. Plus jamais je ne regarderai en arrière. Je te suivrai, où que tu ailles, quoi que tu fasses, quelle que soit la décision que tu prendras, je couvrirai tes arrières. Sois l’épée qui transperce le voile de la destinée tandis que je serai le bouclier infranchissable qui prendra les coups à ta place. Je suis peut être incapable de me battre comme une guerrière…mais Fais-moi confiance, jamais plus je ne laisserai ceux qui me sont chers souffrir à ma place.


https://www.youtube.com/watch?v=HVPZ-KZNlrQ


-Sérieusement…Tu es irrécupérable, Nagisa ; m’amusai-je, au fond de moi émue par son discours.

Pendant que la jeune fille me parlait, j’eus une seconde d’inattention et Noun tenta de m’attaquer à nouveau mais il fut arrêté dans sa course par des milliers de filaments luisants surgissant de mon corps qui l’immobilisèrent totalement.

-Ne crois pas récolter toute la gloire ! S’écria alors Hiroki. Miyako est à moi et je ne laisserai plus personne la blesser ! Si tu es son bouclier, alors je serai son armure et personne ne pourra l’atteindre tant que je serai là ! Tu m’as compris Miyako ? Jamais je ne te laisserai, je te suivrai comme le fantôme de mon frère jusqu’à la fin des temps pour m’assurer que jamais tu ne brises tes promesses, est-ce que je me suis bien fait comprendre !

-C’est bien compris, Hiroki ; ris-je légèrement en repensant que, moins de quelques mois plus tôt, son seul désir était de me tuer. Tache simplement de ne pas être une armure trop lourde à porter pour ne pas m’entraver dans mes mouvements.

-Ridicule ! Vos liens ne peuvent rien face à la puissance du monde des esprits lui-même ! Et j’en ai plus qu’assez de vous entendre, disparaissez dans les flammes de la destruction ! Black Hole Eclipse !

Noun concentra une nouvelle fois toute l’énergie de deux étoiles en un seul rayon surpuissant qu’il projeta sur nous. Mais cette fois-ci, nous étions prêts, et plus déterminés que jamais.

Alors que le frère de Dan créa une toile de fils devant moi pour contenir l’attaque, Nagisa se positionna derrière mois et projeta une décharge d’énergie dans mon dos. Je sentis alors mes forces décupler, mon corps scintilla avec plus d’intensité qu’un pulsar et des anneaux de lumière se mirent à tourbillonner tout autour de moi.

-Allons-y, Hiroki, Nagisa ! Finish Move : Mugen Rebirth no Hikari !

Je relâchai d’un seul coup toutes l’énergie que m’avait procuré Nagisa en un seul rayon de lumière surpuissant. L’univers se déchira au passage de mon attaque finale, les planètes furent annihilées, les soleils engloutis et même la déferlante d’énergie de Fuji Makoto fut absorbée par la mienne, si bien que Noun fut totalement impuissant et ne put que recevoir le rayon de plein fouet.


https://www.youtube.com/watch?v=Yek2vV81OPM


Pendant un instant, l’univers devint entièrement blanc. Là, je me retrouvai sous mon corps humain tandis qu’en face de moi se trouvait un homme sans visage, habillé simplement d’un tissu blanc, comme une statue grecque.

« Je vois…Fuji Makoto a été vaincu…J’ai été vaincu par vous, Hikari Miyako. Merci de m’avoir libéré de l’emprise de cet homme. Jamais je n’aurais cru qu’un jour, quelqu’un me vaincrait…Je suis heureux d’avoir été réveillé pour voir que je peux confier le destin de ce monde à de meilleures mains que les miennes…Adieu, représentante de la terre. Je confie le destin du monde entre vos mains désormais. C’est à vous que reviendra la tâche de protéger les habitants…d’Avalon. »

Lorsque l’obscurité revint enfin, je pus voir le corps de Noun dériver sans vie au milieu du vide intersidéral. Toute la lumière qui l’animait l’avait quitté. Il n’était plus qu’un énorme bloc de pierre perdu au milieu de l’immensité de l’espace…

-Est-ce que…C’est terminé ? Murmura Nagisa dans mon esprit.

-J’aimerais te dire que oui…Mais ce n’est que le début ; lui répondis-je tout en gardant un œil sur la carcasse. Nous avons peut-être vaincu Noun, mais le corps physique de Fuji Makoto est toujours vivant lui. Nous avons rempli notre part du plan. Reste à espérer…Que Darksky et les autres s’en sortent…

Je guettais le moindre signe de vie qui aurait signalé la victoire de nos amis à l’intérieur du colosse mais rien. Pas même du côté de Marie.

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Cette attente était un supplice, bien pire que les flammes de Noun. Je n’avais aucune information sur la situation. Mes amis auraient pu avoir été tués jusqu’au dernier par Fuji Makoto que j’aurais été impuissante à les sauver dans ma forme actuelle, de même que Nagisa.

-Hiroki ; déclarai-je alors. Je ramène le corps de Noun dans le monde des esprits, attends mon retour pour…

-Mi…Miyako…M’interrompit le garçon en bégayant. Le…Le monde des esprits…Le monde des esprits est en train de se désintégrer…

-Co…Comment ?! M’étranglai-je. Mais nous avons vaincu Noun ! alors pourquoi…


https://www.youtube.com/watch?v=H5MuriyVJ-4


Un rire grave s’éleva au milieu du vide de l’espace en provenance du corps défunt du colosse. Alors que je m’apprêtais déjà à devoir combattre à nouveau Fuji Makoto, une minuscule silhouette scintillante se forma au niveau de ma tête et je retins ma respiration lorsque le corps de Ladd m’apparut.

-Précisément. Sans Noun pour préserver l’équilibre, ce monde est désormais voué à la destruction. Tout se passe comme accordé à mes plans. Finalement, Fuji Makoto a été victime de sa propre arrogance et aura été incapable d’entraver mes objectifs.

-Ladd…Espèce de…

Je tentais d’écraser ce dragon de pacotille dans ma main mais lorsque je le fis, seul un rire grave retentit alors que sa silhouette s’estompait dans les ténèbres.

-Il vous reste peu de temps, Humains. Allez-vous réussir à sauver ce monde malgré tout ? Je suis impatient de vous voir lutter en vain dans ce but.

Lorsque la voix disparut complètement de mon esprit, je me tournai vers Nagisa et il ne nous fallut qu’un seul regard pour nous comprendre.

-Direction le monde des esprits, Nagisa.




Chapitre 40 : Iori, Armageddon



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


Pourquoi ? Pourquoi n’arrivais-je pas à infliger un seul dommage à mon ennemi ? J’avais beau y mettre toute ma puissance, il n’y avait rien à faire. Armageddon déviait chacun de mes coups, chacune de mes attaques avec une facilité déconcertante et ce, sans même se lever de son trône.

Je me décidai finalement à utiliser les pouvoirs des démons plutôt que ma propre force et tentai de faire brûler la pièce avec l’aide de Pyros.

Un torrent de flammes se déversa sur mon ennemi qui fut rapidement submergé par les flots. Mais je savais que cela ne serait pas suffisant et mon intuition ne me trompa pas.

Un claquement de doigts retentit et en une fraction de seconde, tout disparut comme si je n’avais jamais lancé d’attaque.

Serrant les dents devant mon impuissance, je me préparais à lancer un autre assaut. Cependant, je n’eus même pas le temps d’activer mes pouvoirs que le dragon sombre frappa l’accoudoir de son index. Une douleur insoutenable me traversa instantanément le bras et un bruit de métal frappant la glace résonna au milieu de mon cri de douleur.

J’écarquilla les yeux interdite et effrayée à la fois, lorsque je réalisai qu’il ne restait de ma main droite qu’un os fendu et que mon arme gisait au sol dans un flaque de sang pourpre.

-Intéressant ; déclara alors mon ennemi d’une voix vide d’émotion, toujours accoudé à son trône. Il semblerait que tu ne sois pas aussi chanceuse dans toutes les dimensions, Yuiko Iori.

-Dans…toutes les dimensions ? Répétai-je, la douleur m’empêchant de réfléchir correctement.

-Enfin, cela je le savais déjà. Après tout, tu as vécu bien pire que la perte d’un simple membre, je me trompe ?

Je ne trouvai rien à répondre, fixant toujours le maitre du destin d’un regard à la fois haineux et terrifié.

-Mais si je t’ai convoquée ici, ce n’est pas pour me battre avec toi, enfant du futur.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Les yeux d’Armageddon scintillèrent d’une lueur éclatante et quatre chaines d’or surgirent du néant et entravèrent tous mes membres, m’empêchant complètement de me mouvoir. Tout ce que je pouvais faire, c’était d’observer la créature que j’affrontais depuis huit décennies, et pour la première fois totalement impuissante face à elle.

-Armageddon. Pourquoi m’avoir fait venir ici ? Pourquoi te mêles-tu du combat contre Fuji Makoto ? Cela ne te regarde pas ! De quel droit te permets-tu d’intervenir dans le futur du monde des esprits, toi qui m’as empêché à maintes reprise de le changer !

-Effectivement, mon rôle n’est pas d’agir mais d’observer et de corriger les anomalies si besoin est. Dans le futur, celui d’où tu viens, de grands changements ont bouleversé le monde des esprits. Néanmoins, comme tu as pu le constater par toi-même, ce futur n’existe déjà plus ici.

-Dans ce cas, pourquoi m’empêcher de vaincre Fuji Makoto si sa victoire signifie la chute du monde des esprits ! M’exclamai-je, perdue.

-Car ta simple existence pourrait conduire à une catastrophe bien plus grande ; déclara le dragon d’une voix froide et tranchante.

-C’est ridicule ! Comment…

Je m’arrêtai net, comprenant soudain ce qu’Armageddon voulait dire et un sourire mauvais passa sur le visage de la créature lorsqu’elle le vit.

-Cette puissance que tu possèdes, celle de défier le destin, Fuji Makoto peut l’utiliser à sa guise tant que tu es présente. C’est pourquoi, pour prévenir de tout risque, je t’ai amenée de force ici.

-Même en sachant que cela pourrait conduire à ta perte ? Répliquai-je en tentant le bluff.

-Tu ne peux pas me vaincre, Yuiko Iori ; me répondit-il calmement.

-Vraiment ? Dans ce cas, pourquoi ne pas m’avoir déjà éliminée ? Tel est ton but, n’est-ce pas ? De rétablir le destin que tu conserves si précieusement et dans lequel je viens semer le trouble. A moins que tu n’en aies pas les capacités évidemment…

-Non. Tu te méprends sur mes intentions. Tu as beau être une anomalie, ton existence dans ce futur est indéniable. Quelque part, dans vingt-six ans, dans un futur paisible, naitra une personne du nom de Yuiko Iori. Mais elle ne sera pas la première à porter ce nom singulier. Car en effet, « Iori » n’était rien d’autre qu’une amie proche de ses parents, une amie si proche qu’ils la considéraient comme un membre de leur propre famille. Et cette amie, à l’heure de la naissance de cette enfant, vit encore. Et ce, quelle que soit la ligne d’univers, quel que soit le futur. Il n’existe aucun monde dans lequel cet enfant ne nait pas. Tout comme il n’existe plus aucun monde dans lequel Laura Garden vit toujours.

-Qu’essaies-tu de me dire par cela ? Grognai-je. Que simplement parce que j’ai échoué une fois, je suis condamnée à échouer indéfiniment ? Tu es en train de me dire que mon esprit doit accumuler les échecs encore et encore, sans jamais se briser ?

Armageddon ne me répondit rien et se contenta de me fixer de ses yeux de reptile. Mon sang bouillonnait au fond de moi. Ce qu’il racontait n’avait aucun sens ! Shadow n’était plus par ma faute, le monde des esprits était sur le point de s’effondrer et tous mes amis étaient en train de risquer leur vie pour sauver ce qui leur était cher et je devais simplement accepter la réalité et continuer à refaire les mêmes erreurs encore et encore, simplement pour préserver un destin que je refusais ? Ridicule !

La rage et la colère montaient en moi alors que toutes ces pensées encombraient mon esprit. Je tentai de bouger mes bras mais j’étais toujours prisonnière de ces chaines.


https://www.youtube.com/watch?v=Yek2vV81OPM


-Dans ce cas…raison de plus pour changer le destin…Murmurai-je d’une voix quasi éteinte. Je n’ai que faire de naitre dans un monde où des gens innocents auront perdu la vie, simplement parce qu’un soi-disant maitre du destin en a décidé ainsi.

-Je te l’ai déjà dit, Yuiko Iori, tu n’es pas en position de me défier.

-Peut-être bien. Mais ce n’est pas parce que je n’ai pas la puissance nécessaire pour te défier que je vais accepter que la mort de Laura permette ma naissance. Car dans tes plans, il y a quelque chose contre quoi tu es impuissant, peu importe les pouvoirs que tu possèdes.

Le monstre plissa les yeux, sceptique face à ma déclaration.

Rassemblant toutes les forces qu’il me restait, je tirai aussi fort que je le pus sur les chaines qui m’entravaient. D’abord, il ne se passa rien. Je ne ressentis qu’une douleur insoutenable au niveau des poignets et des chevilles mais ma colère me permit de passer outre.

-C’est inutile, tu ne peux…

Un craquement sourd se fit entendre, aussitôt suivit d’un cliquetis métallique. Un énorme bloc de glace se détacha du plafond et vint s’écraser entre Armageddon et moi et souleva un épais voile de poussière gelée.

Aussitôt, mes pouvoirs revinrent et je profitai de la confusion du Dragon pour transformer mon corps en eau et me délivrer. J’utilisai dans la foulée les pouvoirs de Tellas pour me créer une main de pierre et je me saisis de ma lame à mes pieds pour la pointer vers mon ennemi.

-Allons bon, que comptes-tu faire avec cette arme ? Tes attaques n’ont déjà pas fonctionné sur moi tout à l’heure, pourquoi auraient-elles plus de chance maintenant ?

-En effet, les attaques directes sont inutiles. Mais il y a une autre personne sur qui je peux pointer cette épée dans cette salle ; rétorquai-je avec un sourire malicieux.

-Une…Autre personne ?

A ce moment-là, je ne pus me retenir de verser quelques larmes qui perlèrent au coin de mon œil en pensant à tous ces sacrifices inutiles que j’avais fait jusque là et à tous ceux que j’allais laisser derrière moi.

-Je suis désolée…Shadow, Laura, Papa…Finalement, je n’aurais fait que vous faire souffrir.

Armageddon n’eut pas le temps de réaliser mon plan que je retournai la pointe de mon épée d’or et je me l’enfonçai directement dans le cœur.

Tous mes sens disparurent d’un seul coup et je lâchai mon arme avant de m’effondrer sur le sol, vidée de mes forces.

Je luttai tant bien que mal pour garde conscience encore quelques instants mais je sentais que mon esprit s’éteignait déjà. Je ne ressentais même plus la douleur ni le gout de sang qui emplissait ma bouche.

Au loin, je crus distinguer un cri de rage et je vis une silhouette sombre s’approcher de moi. Mais, même au bord de la mort, je ne pus m’empêcher de sourire me rendant compte qu’après toutes ces années, la solution était sous mes yeux.

-C’est terminé…Armageddon…Articulai-je d’une voix presque inaudible. Tu en as trop dit. Tu n’aurais pas dû me révéler…que ma vie importait autant pour toi…Désormais, le futur que tu protèges tant…ne pourra jamais s’accomplir.

-Effectivement. Jamais je n’aurais imaginé que tu sois assez stupide pour mettre fin à tes propres jours, Yuiko Iori. Mais malheureusement pour toi, tout ne sera pas aussi simple.

-Ce n’est pas toi de décider l’heure de ma mort…Armageddon…

-Je n’ai pas le pouvoir de te faire mourir, il est vrai. Mais si le destin s’en trouve menacé, je peux prolonger ta vie.

-Prolonger…ma vie ?…


https://www.youtube.com/watch?v=UCiJGl9NOBQ&t


Dans la main du Dragon apparut une immense lance à deux pointes, la même qu’il avait utilisé jadis pour me combattre. Mais cette fois-ci, Armageddon la planta dans le sol et je sentis une douce chaleur envelopper mon corps sur le point de s’éteindre.

-Destiny Merge !

Je poussai un cri de terreur lorsque la lueur m’aveugla totalement. Ma vie défila devant mes yeux, de ma naissance à mon affrontement contre Fuji Makoto en passant par ma fuite avec Shadow. Cependant, certains détails différaient de ce que j’avais vécu. Il y avait des lieux où je n’étais jamais allée, des gens que je n’avais jamais rencontrés, des actions que mes amis n’avaient jamais effectuées…Comme s’il s’agissait d’une autre vie…D’une autre ligne d’univers…


Lorsque je revins à moi, j’étais totalement rétablie. Ma blessure fatale avait disparue. Ma main était à nouveau à sa place et même mes blessures de mon affrontement contre Fuji Makoto avaient disparu.

Abasourdie, je me tournai vers Armageddon qui se tenait à quelques mètres de moi, la lance toujours plantée dans le sol.

-Comprends-tu pourquoi tu ne peux pas me vaincre, Yuiko Iori ? Quoique tu fasses, quels que soient les choix que tu opères, il existera une ligne d’univers contraire. Suicide-toi autant de fois que tu le désires, mais sache qu’il existe une infinité de lignes dans lesquelles tu vis.

-Un tel pouvoir…Murmurai-je en ayant du mal à en croire mes propres yeux.

-Cela vaut aussi pour vous, démons ; enchaina le Dragon d’une voix forte. Peu importe combien de fois vous essaierez de me vaincre, tant qu’il restera une ligne dans laquelle j’existe, jamais vous ne pourrez prendre le pouvoir.

-Alors c’est comme ça qu’Armageddon a pu survivre même après sa défaite…Déclara Luminion dans mon esprit. Nous n’avions donc aucune chance depuis le début…

-Foutaises ! Rétorqua Gariatron, furieux. Humaine, ne te laisse pas embobiner par ses belles paroles. Même s’il parait inépuisable, la source du pouvoir d’Armageddon ne peut être illimitée. Il nous suffit d’en trouver la source et de la détruire à la source.

-Mais où se trouve-t-elle ? Nous n’avons aucun indice. Nous ne connaissons même pas la véritable nature d’Armageddon ; reprit le démon de lumière d’un ton ennuyé.

-Marie devrait le savoir. Gariatron, peux-tu contacter Apophis et lui faire passer le message ?

-Je n’ai aucun ordre à recevoir d’un humain ; cracha le démon. Mais c’est ce que j’allais faire de toute façon. Essaie simplement de ne pas mourir en mon absence, Iori.

Une ombre sombre s’échappa de mon corps et disparut dans les ténèbres de la forteresse tandis que je faisais toujours face à Armageddon qui se contentait d’attendre patiemment.


https://www.youtube.com/watch?v=SN-q5QHd6_A


-Alors, que comptes-tu faire, Yuiko Iori ? Vas-tu t’obstiner à me combattre ou vas-tu enfin renoncer à te faire du mal inutilement ?

-Armageddon. J’ai une question à te poser ; lui lançai-je dans l’espoir de gagner du temps. Tu veux protéger ce futur car tu le juges bon et je le conçois. Moi-même je reconnais que ce monde que je rejette est bien meilleur que l’actuel. Cependant, si le futur n’était que ruines et destructions et qu’une personne telle que moi remontait le temps pour le changer en un monde meilleur, que ferais-tu ? L’en empêcherais-tu ou bien le soutiendrais-tu quitte à dévier de tes idéaux ?

Pour la première fois, le visage du dragon se crispa, comme si j’avais touché une corde sensible. Devant son hésitation, je décidai de continuer.

-Alors ? Que signifie ce silence ? Dois-je en conclure que malgré tout ce que tu prétends défendre, tu ne fais pas mieux qu’un vulgaire humain qui ne désire que protéger un futur qui l’arrange ?

-Silence ! Hurla tout à coup le dragon en perdant son sang-froid. Que connais-tu au destin pour oser me remettre en cause ! Ce concept vous dépasse largement, vous, humains et esprits de duels ! Alors cessez de vous y opposer et acceptez la réalité au lieu de vivre dans vos rêves !

Ce changement soudain d’attitude me déconcerta. De tous mes voyages dans le temps, c’était la première fois que je voyais le maitre du destin montrer une quelconque émotion. Se pouvait-il que, tout comme les démons, il fût bien plus proche de nous que l’on pouvait le penser ?

Mais ce déluge d’émotion fut de courte durée. Se reprenant, Armageddon lâcha un long soupir puis se mit à rire, exactement comme n’importe quel humain acculé au bord de la folie l’aurait fait, exactement comme moi je l’avais fait en découvrant la vanité de ma quête pour rendre le sourire à mon père.

-A quoi bon discuter. En presque un siècle d’allers et venues, je n’ai pas réussi à te faire abandonner, Yuiko Iori. J’imagine que ce n’est pas aujourd’hui que les choses vont changer. Mais sache que le chemin que tu empruntes ne te mènera qu’au désespoir le plus total. Un jour, ton esprit ne supportera plus l’échec. Tu verras Laura mourir devant tes yeux, encore et encore. Tu verras le monde des esprits s’effondrer des dizaines, des centaines de fois sans que tu ne puisses rien y faire. Tu verras le chagrin de ton père, plus lourd à mesure que tu lui donnes un espoir de changer le futur puis que tu lui retires. A chacun de tes voyages, tu divises par deux la distance qui te sépare de ton objectif, te retrouvant dans un cycle interminable. Est-ce vraiment ce que tu veux ? Penses-tu que Laura ou même ton père, approuveraient s’ils savaient que tu te sacrifiais et que tu sacrifiais tout ce que tu jugeais utile pour un rêve enfantin ? Quatre-vingts ans ont passé et pourtant, tu possèdes encore l’esprit d’une enfant, comme une gamine qui regarderait toujours le même film qu’elle n’aime pas, espérant qu’un jour, la fin change. Mais comme dans un film, le futur est déjà écrit et il est de mon devoir à moi, Armageddon, maitre du destin, de préserver le futur le plus radieux pour l’humanité et les esprits de duels !

Le dragon écarta les bras et ses ailes se déployèrent dans son dos. Lentement, je le vis s’élever au-dessus de nous en rayonnant une intense lumière sombre, comme une auréole noire scintillant dans son dos.

Je resserrai la prise sur le pommeau de mon épée, sur mes gardes. Même en sachant que son but n’était pas de m’éliminer, je n’étais pas sereine pour autant.


https://www.youtube.com/watch?v=1ErwgLxBNL0


-Yuiko Iori, à présent, il est temps de sceller définitivement la menace que tu représentes pour ce futur ! Déclara-t-il d’une voix qui résonna longuement dans le palais de glace. Moi, Armageddon, maitre du destin, vais m’assurer que plus jamais tu n’entraves la bonne marche de la destinée.

-Vraiment ? Et que comptes-tu faire ? Raillai-je, une goutte de sueur perlant de mon front. Tu ne peux pas me tuer, et tu ne me peux pas non plus m’empêcher de remonter dans le temps pour tenter de sauver Laura. Même si tu me laves le cerveau pour que j’accomplisse le schéma que tu as décidé, mon autre moi remontera dans le passé et recommencera le cycle éternellement. Et comme tu le dis si bien, à chaque retour dans le temps, je me rapproche un peu plus de mon objectif. Qui, de toi ou moi, perdra la raison en premier à force d’échouer ?

Un sourire mauvais passa sur le visage du dragon sombre et ses yeux se mirent à luire d’une lueur rouge écarlate tandis que le sol trembla et que le vent se mit à tourbillonner tout autour de lui.

-Cette prétention typiquement humaine que tu possèdes, celle de se croire au-dessus de tout…Voila peut-être la seule chose qu’il me reste après toutes ces années.

-Co…Comment ? M’étranglai-je, croyant avoir mal entendu.

-Soit. Je pense que je n’ai plus besoin de me cacher davantage désormais.

Le vent qui entourait le dragon sombre se transforma en une intense aura noire tandis que de milliers de fragments de glace étincelant convergèrent vers l’œil du cyclone créé par Armageddon.

-I am the Spear Of destiny. Tears are in my heart and sorrow in my body. I’ve travelled over thousands of years. Living to surpass Death, diyng to let her live. I’ve destroyed many futures. Yet, the fate will never change anymore. So as I wished : Infinity Future Merge !

Armageddon tendit la paume de sa main vers moi et d’immenses flammes bleues recouvrirent entièrement mon corps et je fermai les yeux par réflexe pour me protéger.

Lorsque je les rouvris, je ne vis qu’un ciel pourpre rempli de nuages orangés flottant au-dessus d’un immense champ sans vie, dans lequel se trouvaient plantées des dizaines…non des centaines de croix et pierres tombales au milieu d’épées rouillées.

Il n’y avait pas un bruit. Pas même le sifflement du vent. Tout ici n’était que désolation, tristesse et mort.

En face de moi, en haut d’une colline se tenait Armageddon. Mais son corps avait changé. Il n’était plus un dragon mais un humain portant une lourde armure noire, ainsi qu’un masque sur son visage. Tout ce que je pouvais voir de lui était une longue chevelure sombre flotter derrière lui, ainsi que la lueur rougeoyante de ses yeux derrière son masque.

Au loin, je pouvais apercevoir un laboratoire en ruines, laboratoire que je reconnus immédiatement comme étant celui de Neo Domino City…le laboratoire qui m’avait permis de remonter le temps et je compris aussitôt quelles étaient les intentions du maitre du destin.

Lorsqu’Armageddon reprit la parole, sa voix était devenue bien plus aigue qu’auparavant, presque féminine tout en gardant une sorte de sonorité grave et divine. J’avais presque l’impression d’entendre deux personnes distinctes parler en même temps.

-J’imagine que tu n’aurais pas cru remettre les pieds ici aussi tôt, Yuiko Iori ? Voici mon pouvoir, celui de créer une réalité alternative à partir de mes propres souvenirs et de les rendre réels afin qu’ils remplacent le futur que tu as détraqué.

-Tu n’as jamais eu l’intention de m’empêcher de remonter le temps, Armageddon…Déclarai-je en serrant les dents, furieuse d’avoir été bernée de la sorte.

-Effectivement. A chaque fois que j’ai tenté de t’arrêter, ce n’était pas pour empêcher la jeune Iori de remonter le temps. C’était pour t’empêcher de lui implanter tes souvenirs…Afin d’y implanter les miens.

-Mais dans quel but ? Tu ne ferais que créer une copie de toi-même par cette action ! rétorquai-je. Tu changerais donc le passé en agissant de manière totalement différente de moi ! Jamais tu ne pourrais recréer les liens que je partage avec ma mère et mon père et par conséquent, jamais ils ne me nommeraient ainsi ! Tu l’as dit toi-même, je suis indispensable au futur, ce qui implique que mes souvenirs le sont, et ma personnalité également, comment peux-tu prétendre pouvoir me remplacer !

Un rire rauque s’éleva de la gorge d’Armageddon lorsque je dis cela.

-Je t’observe, toi et tes proches depuis bientôt cent ans. Pourquoi rois-tu que si je t’ai laissé agir à ta guise si longtemps ? Je ne faisais que t’observer pendant tout ce temps. Je voulais voir quelles seraient toutes tes réactions, toutes tes émotions, tous tes sentiments, toi qui n’as vécu que pour poursuivre une quête insensée. Mais finalement, tu n’es pas si différente d’elle. Je n’aurais donc aucun mal à te remplacer.

-Elle ? Répétai-je, une fois de plus perdue.


https://www.youtube.com/watch?v=yDbJvMhQE20


Dans la main d’Armageddon apparut sa lance à double tranchant et il la pointa vers moi à nouveau.

-Yuiko Iori. Ta quête insensée s’arrête ici. A partir de maintenant, je serai celui qui contrôlera ton corps et ainsi, le futur demeurera intact à jamais.

-Comme si j’allais me laisser faire ! Répliquai-je d’une voix forte.

Sans lui laisser ajouter autre chose, je me précipitai vers Armageddon, l’épée en avant. Je pensais que l’effet de surprise allait me donner un léger avantage mais lorsque je tentai d’abattre ma lame sur lui, je me heurtai à une autre lame, identique à la mienne, sortie de nulle part et flottant juste devant mon ennemi.

J’écarquillai les yeux, abasourdie avant de reculer d’un bond pour me remettre en garde tandis que la lame jumelle vint se loger dans la main du maitre du destin. Immédiatement, la lame vira au rouge sans tandis que le pommeau devint entièrement noir, exactement comme son armure.

-Je te l’ai dit, Yuiko Iori. Cet espace représente le futur. J’ai donc accès à toutes les ressources susceptibles de changer l’avenir…et cette épée en fait partie.

Soudain, Armageddon se mit en position pour m’attaquer et mon cœur s’arrêta un instant lorsque je reconnus ce style…Une jambe pointée vers l’arrière, la lame à l’horizontale tenue à deux mains, le dos légèrement courbé et la tête regardant droit devant…Il s’agissait style utilisé par Hélios pour combattre…Héliopolis Style comme il disait lui-même.

Comment était-ce possible ? Jamais il ne l’avait utilisé en combat sérieux et seule Angéla à ma connaissance avait hérité de ce mode de combat, et ce, dans toutes les lignes d’univers que j’avais traversées.

Ce n’était pas normal…Quelque chose clochait réellement avec Armageddon. Depuis le début de notre combat, les doutes n’avaient fait que grandir en moi quant à son objectif réel mais à présent, cette simple pose suffisait à me confirmer que le maitre du destin n’était pas celui qu’il prétendait être.

En réponse à sa mise en garde, je me mis également en position, le corps légèrement tourné de trois quarts, les jambes décalées et le bras gauche collé contre mon corps, mon épée pointant vers mon adversaire.

Nous nous regardâmes chacun en chien de faience pendant quelques instants, cherchant des ouvertures potentielles chez l’autre, et je fus finalement la première à lancer l’assaut.

Dans un cri de rage, j’enflammai mon épée et visait directement les bras d’Armageddon, les seuls membres qu’il ne pouvait pas protéger. Mais contre toute attente, le maitre du destin ne tenta même pas d’esquiver et leva son avant-bras dans ma direction.

Mon arme heurta l’armure de mon ennemi dans un fracas métallique assourdissant mais aucun de deux ne se brisa et nous fûmes simplement repoussés vers l’arrière.

-C’est donc avec aussi peu de puissance que tu désires changer le destin, Yuiko Iori ? Déclara Armageddon amusé. Laisse-moi te montrer…La véritable puissance à laquelle tu fais face !

En une fraction de seconde, mon adversaire disparut de mon champ de vision et réapparut à quelques centimètres de moi. J’eus tout juste le temps de passer en position défensive, plaçant mon épée devant mon torse pour parer son coup.

Lorsque nos deux lames s’entrechoquèrent, des étincelles sombres en jaillirent et enflammèrent le sol.

Je fus projetée en arrière avec une force incommensurable mais je réussis néanmoins à me rattraper en vol grâce aux pouvoir de Typhos et je retombai légèrement à terre.

Je ne me laissai pas démonter pour aussi peu. Je ne perdis pas une seconde et je m’accroupis pour frapper le sol de mes mains.

-Earth Prison !

De la terre sortirent d’immenses piliers rocheux qui enfermèrent Armageddon dans une sphère de pierre aussi dure que du diamant.

-Et maintenant Iron Spear !

Je claquais des mains afin de faire surgir à l’intérieur du bouclier des dizaines de pointes d’acier acérées censées transpercer mon ennemi de toutes parts. Mais au lieu d’un cri de douleur, seul un rire rauque s’éleva de l’intérieur de la sphère, immédiatement suivi d’un tremblement de terre.

Ma sphère de pierre vola en éclats et laissa Armageddon réapparaitre, son armure rayonnant de plus belle d’un intense éclat pourpre.

-Tu as beau avoir vécu plus de quatre-vingts ans et posséder le pouvoir des démons, tu restes une novice en combat n’ayant jamais affronté de réelle menace. Jamais tu ne pourras me vaincre dans ces conditions, fille de Luminion.

Je ne pus m’empêcher de sourire bêtement en entendant ces mots.

-J’ai plutôt l’impression…Que c’est toi qui n’as jamais affronté de véritable ennemi, Armageddon ! Rétorquai-je violemment.

-Comment ?

Tous les éclats de pierre projetés par l’explosion de la prison s’arrêtèrent net dans leur course et se rassemblèrent en formant un cercle tout autour d’Armageddon avant de se transformer chacun en une longue épée pointant vers mon ennemi. Le sol se liquéfia également et prit au piège le maitre du destin qui fut incapable de s’en extirper à temps.

Je refermai la paume de ma main et immédiatement toutes les épées fusèrent sur l’homme qui ne put que se replier sur lui-même pour contenir l’attaque.

Une puissante explosion retentit et souleva un épais nuage de fumée tandis que je vis un petit objet s’envoler et tomber à mes pieds.


https://youtu.be/nGKAEaXQoEQ?t=25


Lorsque je pus voir de quoi il s’agissait, mon teint blêmit et je reculai d’un pas, abasourdie et effrayée à la fois.

-Ce pendentif…Il n’en existe qu’un seul dans ce monde…

Au moment où la fumée se dissipa, j’écarquillai les yeux et toutes mes peurs se confirmèrent.

-Non…Ce n’est pas possible…Murmurai-je d’une voix éteinte et tremblante. Comment…Comment en es-tu arrivée là ?…

Le masque d’Armageddon s’était fissuré sous l’impact et la moitié de son visage m’était désormais visible…Mais cette simple moitié suffisait à faire battre mon cœur si vite qu’il était sur le point de se rompre.

Pour la première fois, je pus voir le sourire du maitre du destin, un sourire mauvais et satisfait, comme si depuis le début, il n’avait attendu qu’une chose : que je découvre sa réelle identité.

-Comprends-tu pourquoi tu ne peux pas me vaincre, Yuiko Iori ?

D’un geste lent, la personne qui se tenait en face de moi retira son masque émietté et une longue mèche noire tomba entre ses deux yeux. Au même moment son armure entière se brisa, me laissant découvrir un long uniforme sombre, parcouru de longue lignes pourpres. Il s’agissait d’une robe médiévale, ouverte sur le devant et remontant jusqu’au cou.

-Tu…Tu m’as menti…N’est-ce pas ? Si tu possèdes cette épée…Ce n’est pas parce qu’elle peut changer le futur…Bégayai-je, interdite. Mais c’est parce qu’il s’agit de ta propre épée…Fille de Luminion : Yuiko Iori !






http://forum.duelingnetwork.com/index.php?/topic/157103-the-wrap-up-red-lust-circuit-series-miami-edition/#entry2134192
le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [17/08/2016] à 17:38

Yuiko Iori : Le premier voyage


Prologue



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=okbvdbIu9VU


Tout a commencé ce funeste jour à présent gravé dans ma mémoire. Avant, je n’étais qu’une fille ordinaire née pendant la guerre, vivant sous terre ou dans la nuit permanente de la surface, me cachant en cas d’attaque, aidant comme je pouvais le reste du temps mais pour qui la réalité affreuse qu’elle vivait semblait bien lointaine. Cependant, ce jour-là, alors que j’avais douze ans depuis peu, tout a basculé. Ce jour-là, la vie de mon père a été brisée. Ce jour-là, j’ai connu la vraie souffrance pour la première fois. Ce jour-là, ma mère fut tuée.

Je me souviens parfaitement de cette bataille sanglante contre les forces du démon. J’ai vu mon père entrer dans une rage folle lorsque ma mère s’est interposée pour nous protéger, lui et moi, alors qu’il me mettait à l’abri. J’ai vu le regard de ma mère s’éteindre lentement tout en nous fixant sans cesser de sourire. J’ai vu un torrent de sang se répandre rapidement sur le sol. J’ai vu pour la première fois l’horreur de la guerre.

Lors de son enterrement, mon père était détruit, le regard vide, le teint pâle et les yeux rouges à force d’avoir pleuré. Il pleuvait, c’est pourquoi il n’y avait que très peu de monde, seuls les amis les plus proches de mes parents étaient venus, et parmi eux, ma tante Marie.

J’étais seule dans mon coin à pleurer la disparition de ma mère, ne pouvant imaginer un avenir sans elle et elle est venue vers moi puis s’est mise à ma hauteur et m’a dit ces mots qui me sauvèrent : « Iori, je sais que ça doit être dur pour toi, mais sois forte. Toi seule peut venger ta mère. Tout ce que tu as à faire, c’est continuer son combat à sa place, est-ce que je peux compter sur toi ? »

Je n’avais pas vraiment compris le sens de ses mots à cette époque mais j’avais accepté sans hésitation. Depuis, je faisais mon maximum afin de devenir toujours plus forte, toujours plus puissante, toujours plus proche de ma mère. Je montai ainsi rapidement les échelons dans l’armée jusqu’à obtenir le grade de générale dès mes quinze ans.

Souvent, nous avions la visite de Laura Garden, une amie d’enfance de mon père qui venait lui remonter le moral également mais ce dernier restait toujours dans son monde, perdu dans ses souvenirs, remarquant à peine ce qu’il se passait autour de lui. Mais ces visites régulières avaient fini par me faire considérer Laura comme ma mère adoptive.

Puis finalement, alors que le monde entier avait perdu espoir depuis bien longtemps et lors d’un combat particulièrement désespéré, je vainquis le démon et vengeai ainsi ma mère…



Chapitre 1 : Un monde libéré



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=z_67RDMBEuQ


Novembre 2041. Cela faisait maintenant plus de six mois que le démon des ténèbres, Gariatron, après plus de vingt ans de règne de terreur, avait été vaincu. Cependant, le monde ne s’en était pas tiré sans séquelles. La surface, victime de nos affrontements incessants, était devenue inhabitable.

Les bâtiments étaient en ruine. Les champs dévastés. Les eaux des fleuves et des rivières polluées par tous les cadavres qui s’amoncelaient dedans. Les forêts brûlées et les plantes mortes faute de soleil. Et ces tableaux de fin du monde se répétaient partout sur le globe.

Cependant, peu à peu, grâce aux efforts commun d’une population réduite à quelques milliers d’individus par pays, les travaux de reconstruction avançaient à grand pas.

A la tête du pays, nous avions élu à l’unanimité notre ancienne chef de guerre, une femme forte du nom d’Hikari Miyako…même si en réalité, elle avait été obligée d’endosser encore une fois ce rôle car personne n’avait osé prendre cette responsabilité sur ses épaules…Enfin, il y avait bien eu Hélios mais il avait été hué et finalement condamné à l’exil par 99% de la population…le pourcent restant étant sa propre voix…

Les armées avaient également toutes été dissoutes temporairement dans le cadre d’un accord de paix internationale, si bien que de nombreuses personnes n’ayant connu que la guerre se retrouvèrent bien déconcertées.

Et moi, Yuiko Iori, ancienne générale de l’armée de libération, faisais partie de cette catégorie là. A présent que j’avais été démise de toutes mes fonctions, je passais mes journées à flâner à la surface, profitant de ce monde que je n’avais pu voir que dans la pénombre créée par le voile des ténèbres de Gariatron.

Avec mon père et ma mère adoptive, Laura Garden, nous nous étions installés loin de l’agitation de la capitale, dans une petite ville dans laquelle ils avaient grandi ensemble au bord de la Manche. Evidemment, il n’y avait presque plus rien ici mais miraculeusement, certains bâtiments avaient résisté, dont le manoir de mon père où nous vivions désormais.

Suivant notre exemple, quelques autres citoyens étaient eux-aussi retourné dans leur ville d’origine, même s’ils se comptaient sur les doigts de la main…Parmi eux, je connaissais le mari de notre ancienne présidente, un certain Yami Hiroki et sa fille, Akane, ainsi que sa seconde et amie proche, Fukuhara Nagisa. Tous les trois avaient été des soutiens précieux de mon père lors de la mort de ma mère et même maintenant, ils continuaient à s’occuper de lui.

Car oui, la guerre avait beau être terminée, certaines plaies étaient encore loin d’être refermées. Et la blessure dans le cœur de mon père était particulièrement profonde…pourtant ce n’était pas faute d’avoir essayé mais rien de ce que je pouvais faire ou dire ne suffisait à remettre l’étincelle de la vie dans ses yeux.

Cependant, Laura et moi, nous n’avions pas renoncé. Je savais qu’un jour, je retrouverais le père que j’avais connu par le passé, c’était une certitude que je partageais avec ma mère adoptive.


https://www.youtube.com/watch?v=eL4mJHaxGLM


C’était un jour comme les autres depuis la fin de la guerre. Je me promenais sur la plage au crépuscule, profitant simplement des derniers rayons de soleil embrasant une mer de feu et réchauffant légèrement ma peau glacée par le vent froid de l’hiver.

Au loin, j’entendais le fracas des vagues s’écrasant avec violence contre la falaise qui surplombait la ville. Mais c’était tout. Pas de sirène stridente me vrillant les tympans. Pas de pleurs de personnes ayant perdu leurs proches. Pas d’explosion ni de bruit de mitrailleuses. Pas d’hurlement. Rien. Juste un calme infini et une mer d’huile.

Derrière moi, je pouvais discerner, enfouie sous un fin tapis de neige immaculée, les ruines de la ville, mais surtout les hautes grues et les échafaudages, seules touches de couleur dans un paysage bien monotone et dénué de vie.

Même si ce tableau tout droit sorti d’un rêve pour la guerrière que j’étais s’offrait à moi tous les jours, je continuai à être émerveillée à chaque fois que je venais ici et ne m’en lassais jamais.

Je marchais lentement sur les restes d’un petit muret, qui autrefois avais certainement dû servir à délimiter la plage de la ville, en chantonnant un air que ma mère m’avait appris des années auparavant.

Soudain, mon attention fut attirée par la présence d’une autre personne sur cette plage abandonnée. Au début intriguée par cette présence inhabituelle, je reconnus rapidement la jeune fille qui faisait face à la mer.

Il s’agissait de la fille de la présidente, Yami Akane. C’était une fille de mon âge, grande, aux longs cheveux cramoisis et au visage fin. Sur son front tombaient quelques petites mèches négligées et une bien plus grande cachait presque entièrement le côté droit de son visage. Son regard, bleu glacé, semblait en permanence lancer des éclairs mais refermaient également une tristesse dont je n’arrivais pas à déterminer l’origine.

Elle était le portrait craché de sa mère somme toute, même si je ne les avais jamais vues côte à côte…

Comme à son habitude, elle portait un long manteau noir descendant juste au-dessus de ses genoux ainsi qu’un simple tee-shirt bleu foncé et un jean assorti.

En m’entendant arriver, la jeune fille tourna légèrement la tête dans ma direction et je lui lançai un large sourire en guise de salutation avant d’aller la rejoindre.

-Salut Akane ! Lui dis-je joyeusement.

-Et moi qui voulais être tranquille, voilà que je tombe sur la plus bruyante d’entre toutes ; soupira-t-elle en réponse.

-Est-ce ainsi que l’on s’adresse à sa supérieure, lieutenant Yami ? Raillai-je en bombant le torse pour paraitre plus impressionnante.

La rouquine me lança alors un regard si noir que je reculai instinctivement. Voyant qu’elle m’avait déstabilisée, un léger sourire moqueur se dessina sur sa figure et elle posa sa main sur sa hanche d’un air satisfait.

-eh bien alors mon général, la fin de la guerre ne vous réussit pas j’ai l’impression.

-Il faut croire, oui ; ris-je en me frottant le crâne, gênée. Et donc, qu’est-ce qui t’amène ici ? C’est rare de croiser quelqu’un sur cette plage.

La jeune fille détourna le regard et shoota dans un caillou en baissant la tête.

-J’avais besoin de prendre l’air, rien de plus ; marmonna-t-elle sans grande conviction. Mais je vais rentrer je pense.

Sans ajouter un mot, Akane tourna les talons et commença à s’éloigner dans la direction opposée.

Même si nous avions été assez proches pendant la guerre, jamais je n’avais réussi à percer les mystères l’entourant. Elle ne parlait que peu d’elle-même et dès que j’abordais le sujet, je me heurtai sans cesse à un mur…Et visiblement, la chute de Gariatron n’avait rien changé…

Cependant, alors que j’allais également prendre le chemin du retour, mon amie se retourna une dernière fois et me lança :

-Ah oui, avant que j’oublie Iori, je suis allée chez Nagisa un peu plus tôt dans l’après-midi et elle m’a dit qu’elle avait quelque chose pour ton père. Tu devrais passer la voir toi aussi.

Et sur ces belles paroles, Akane disparut au coin de la rue, me laissant seule sur la plage. N’ayant rien de prévu avant la fin de la soirée, je décidai de faire un détour par la maison de la seconde de la présidente, intriguée par ce mystérieux présent.

Je passais rarement dans la partie de la ville où habitait Nagisa. En réalité, depuis que nous nous étions installés, je n’en avais visité qu’une infime partie, me contentant de faire toujours les mêmes balades, de me promener toujours dans les mêmes coins connus. C’était certainement une habitude prise pendant la guerre puisqu’il nous était impossible de sortir des sentiers battus.

La route était recouverte d’une fine couche de neige vierge de toute trace de pas. C’était stupide mais je me sentais honteuse de détruire cette harmonie si parfaite en marchant dessus avec mes chaussures pleines de sables et de poussière.

Je longeai la mer pendant une bonne dizaine de minutes tandis qu’au loin, l’astre du jour disparaissait lentement derrière l’horizon et faisait flamboyer la falaise visible depuis n’importe quel point de la ville, telle un gardien veillant sur elle. Souvent, je voyais Laura se diriger là-bas mais jamais elle ne m’avait dit pourquoi.

Je continuai ma route en tournant dans la grande avenue où logeait Nagisa. Après quelques minutes de marche supplémentaires, j’arrivai sur le palier et je fus surprise par l’état des bâtiments aux alentours. Les petits pavillons individuels tenaient à peine debout. La plupart des toits s’étaient effondrés et les jardins grouillaient de mauvaises herbes. Les travaux n’avaient sûrement pas encore commencé dans cette partie de la ville…Alors pourquoi la seconde de Miyako s’était-elle installée ici ?

Pendant que je réfléchissais, une voix familière m’interpela derrière moi.

-Oh, mais si ce n’est pas l’ancienne Générale, Yuiko Iori, ça faisait un bail dis-moi.

Je me retournai et ma supérieure m’apparut, un sac de courses à la main. C’était une femme brune, aux cheveux assez courts tombant juste au niveau de ses épaules. Ses yeux marron clair reflétaient une grande gentillesse et elle avait conservé un visage assez enfantin malgré les dommages de la guerre, nettement visibles sur sa peau. Elle portait une grosse laine et une écharpe que je lui enviais en cette fin de mois de novembre.

Par réflexe, je me mis au garde-à-vous immédiatement, ce qui lui arracha un sourire non dissimulé.

-Yuiko Iori, au rapport ! M’exclamai-je. Enfin…Euh…Non, je voulais dire…

-Repos, soldat ; s’amusa ma supérieure en riant de bon cœur. Il serait temps de perdre ces mauvaises habitudes, tu ne crois pas ?

Je m’empourprai, honteuse et détournai le regard. Laura me répétait souvent cela aussi mais j’étais butée et je n’arrivais pas à changer mes habitudes.

Nagisa me proposa d’entrer, ce que j’acceptai et elle me laissa quelques minutes dans le salon, le temps de ranger ses dossiers concernant la gestion de la reconstruction de la ville.


https://www.youtube.com/watch?v=Wp0xitgAc4A


L’intérieur était vraiment…délabré. Une vieille télévision datant certainement des années 2010 ne fonctionnant plus qu’une fois sur deux, quelques canapés déchirés par le temps, des chaises cassées, une table poussiéreuse et des tapis troués au sol. Dans un coin, il y avait également une étagère tenant debout par miracle sur laquelle s’entassaient des tonnes de papiers et de livres.

Les murs et le plafond quant à eux laissaient entrevoir plus de pierre que de peinture et l’eau semblait s’infiltrer partout.

Je me sentis tout à coup bien privilégiée dans mon manoir, presque honteuse à vrai dire de vivre dans un relatif confort alors que même la seconde de la présidente souffrait de l’hiver et du temps…

Après quelques rangements, Nagisa me tendit un chocolat chaud et m’invita à m’asseoir là où je pouvais.

-J’ai croisé Akane tout à l’heure ? lançai-je. Vous…enfin, tu voulais me voir, Nagisa ?

-Ah oui, en effet, elle est passée tout à l’heure parce que sa mère faisait un saut chez elle. Je me demande ce qu’elles ont ces deux-là tout de même…La dernière fois que j’ai demandé des nouvelles d’Akane à Miyako, elle a totalement éclipsé le sujet…

-Pareil du côté d’Akane ; soupirai-je. Elle a encore ses deux parents elle, elle devrait en profiter pourtant…

-Enfin, si je t’ai demandé de venir, ce n’est pas pour parler d’un mystère insoluble mais parce que je viens de recevoir quelque chose pour ton père.

Nagisa me tendit alors un épais livre…ou plutôt un tas de feuilles volantes collées les unes aux autres et je fronçai les sourcils en lisant les premières lignes.

-Un projet de mémorial ? M’étonnai-je.

-Oui, Miyako tenait à en ériger un dès la fin de la guerre. Mais cette liste est bien loin d’être exhaustive, cela nous prendra encore plusieurs semaines avant de le terminer.

-Tu veux donc que je remette cette liste à mon père ? C’est comme si c’était fait !

Je me levai d’un bond, prête à courir chez moi pour accomplir mon devoir mais dans ma précipitation, une photo coincée entre les pages tomba à mes pieds.

C’était une très vieille photo, vieillie par le temps mais dessus, je pouvais aisément reconnaitre mon père au même âge que moi, accompagné d’une jeune fille blonde au regard bleu pétillant ainsi qu’un garçon aux airs un peu perdu. Tous trois posaient devant une sorte de stand à l’intérieur d’un stade.

Il s’agissait certainement d’une photo d’avant-guerre, et les deux personnes accompagnant mon père étaient certainement Angéla et Drago, ses deux partenaires de duel.

Laura m’avait souvent parlé d’eux. La première avait tout bonnement disparu sans laisser de traces avant le combat contre le démon. Quant au second…il était celui qui avait permis à mon père de s’échapper et de fonder la résistance…

Un voile de tristesse passa devant les yeux de Nagisa et celle-ci ramassa la photo d’un air nostalgique.

-La coupe du monde de duel…Cela me rappelle des souvenirs ; soupira-t-elle.

-La coupe du monde de duel ? répétai-je, surprise.

Mon ancienne supérieure ne me répondit rien et se contenta de fixer la vieille photo, comme perdue dans ses pensées.

-Déjà vingt-sept ans…le temps passe trop vite ; murmura Nagisa.

-Tu…tu as connu mon père à cette époque ? M’étonnai-je.

Elle secoua la tête négativement.

-Je l’ai simplement vu à la télévision…

Je lui lançai un regard intrigué. Après tout, même si nous avions vécu plus de dix ans ensemble dans les souterrains de la capitale, je n’en savais que très peu sur son passé avant qu’elle ne rejoigne la résistance.

-Dis…Je me suis toujours demandé…Mais comment as-tu rencontré mon père ?

Nagisa se rassit sur son fauteuil et me parut soudainement bien plus âgée et fatiguée qu’elle ne l’était.


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


-Je m’en souviens comme si c’était hier…Nous avions regardé l’événement avec ma famille depuis notre petit village de campagne et donc son visage ne m’était pas inconnu. Nous vivions vraiment tranquillement. Mais comme tout le monde, nous avons été victimes du démon. Avec un vieil homme, nous avons dû fuir notre maison et errer dans les ténèbres…J’ai perdu toute ma famille dans notre course effrénée et lorsque je suis arrivée ici, seule, je n’y ai trouvé que ruines et désolation. Pendant un temps, je suis cachée, du mieux que je pouvais et c’est pendant cette période là que je l’ai rencontrée : Hikari Miyako.

-La…La présidente vivait ici aussi ? Bégayai-je.

-Oui. Elle aussi a été victime du démon pour les pouvoirs qu’elle possédait. Cependant, contrairement à moi, elle avait réussi à constituer un petit groupe de personnes qu’elle dirigeait. Parmi eux se trouvaient beaucoup de hauts gradés de l’armée, comme le Grec ou même Hiroki…Ainsi que tes parents. C’est à partir de là que nous nous sommes dirigés vers la capitale où nous avons constitué la résistance que tu as connue, Iori.

-C’est amusant…moi qui aie vaincu le démon, je ne connaissais même pas l’origine de mon propre mouvement…ris-je légèrement.

-Laura non plus ne le connaissait pas, elle ne nous a rejoint que tardivement et j’imagine que tes parents auraient préféré te préserver de tout cela mais que le destin en a voulu autrement ; me répondit Nagisa d’une voix douce et réconfortante.

Je restai chez elle jusqu’à la tombée de la nuit, parlant de tout et de rien, de choses importantes comme l’avenir de la ville tout comme de banalités comme la crise d’adolescence d’Akane puis nous nous quittâmes en laissant la question du mémorial en suspens.

Lorsque je franchis le portail de notre manoir, je fus surprise de voir la porte d’entrée ouverte ainsi qu’une voiture garée devant, voiture que je reconnus immédiatement en repensant à ce que Nagisa m’avait dit un peu plus tôt dans la soirée.


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


Mais, à peine avais-je fais trois pas dans mon salon que je me retrouvai nez à nez avec trois grands gaillards aux airs peu amicaux qui me barrèrent l’entrée et devant eux, il y avait une autre personne, essayant de parler à mon père, assis à une table, une bouteille de vin à la main.

Cette dernière se retourna et je la reconnus immédiatement. De longs cheveux rouges comme les flammes et un visage effilé et froid comme la glace, des yeux bleu azur et une longue mèche de cheveux lui tombant sur l’œil droit, il ne pouvait s’agir que de…

-Bonjour, présidente Hikari ! M’exclamai-je en me mettant une fois de plus au garde à vous.

-Iori, c’est bien toi ? Dit-elle surprise en me voyant.

-Ohoh, mais si ça ne serait pas notre ancienne générale…

-Le Grec, laisse-là passer, nous n’avons pas le temps ; grogna la présidente.

-Si vous n’aviez pas tenu à courir après votre fille, nous aurions le temps, très chère présidente ; rétorqua le garde du corps.

Miyako ignora sa pique et me prit dans ses bras puis m’embrassa sur le font. Cela me faisait un peu étrange d’être traitée ainsi par celle qui était autrefois ma supérieure hiérarchique mais aujourd’hui, bien que présidente, elle n’était plus qu’une sorte de tante pour moi.

-Je suis désolée d’être passée à l’improviste comme ça, je devais prévenir ton père d’une chose importante mais cette tête de mule n’a même pas daigné m’écouter. Franchement, je te plains d’avoir un père pareil ma pauvre Iori ; soupira Miyako d’un air compatissant.

-Ne lui en voulez pas trop, c’est quand même en partie grâce à lui que nous sommes là aujourd’hui.

-Oui, certes…Mais bon, je préférerais que le héros de la résistance soit un peu plus enjoué lorsqu’il fera son discours pour le mémorial…J’espère que tu sauras lui faire entendre raison…

-Comptez sur moi présidente Hikari, je ferai de mon mieux !

-Ne m’appelle pas comme ça s’il te plait, nous ne sommes plus à l’armée…

-Ohohoh, mais on dirait qu’il est l’heure de partir, grande Présidente Hikari, sinon le Sunbird va être très mécontent ; nous coupa l’un des hommes présents.

-Je suis entourée d’imbéciles ; soupira la femme aux cheveux de flammes en se prenant la tête dans les bras avant de tourner les talons en compagnie de ses gardes du corps.


https://www.youtube.com/watch?v=5KMzDVf2Bx4


Il ne restait plus que moi et mon père dans la pièce et ce dernier sembla enfin notifier ma présence.

-Oh Iori, tu reviens tard aujourd’hui ; dit-il d’une voix monocorde.

-Je suis passée chez Tante Nagisa, elle m’a chargée de te remettre ça.

Je sortis le bloc de feuilles de ma poche et le posai sur la table mais mon père ne le regarda même pas.

-Oh, je vois. Et comment va-t-elle ?

-Elle se portait bien, elle n’a pas vraiment changé depuis la fin de la guerre.

-Il faudra que j’aille la voir un de ces jours aussi…Mais dis-moi Iori, as-tu déjà diné ? Depuis que Laura est partie en mission à Paris, j’ai du mal à m’occuper de tout…

-Non, pas encore, mais ne te dérange pas pour ça, je me débrouillerai seule !

-Ne t’inquiète pas, Iori, tu en fais déjà bien assez et je peux encore au moins faire ça je crois…Si Laura était là, elle me passerait un savon de toute façon.

Mon père se leva péniblement et se dirigea vers la cuisine. Quelques secondes plus tard, une désagréable odeur de brûlée parvint jusqu’à mes narines. Malgré les efforts qu’il faisait, mon père restait une catastrophe en cuisine et le départ de Laura n’avait rien arrangé. Je pris donc sa place derrière les fourneaux et nous dinâmes dans le salon avant d’aller nous coucher.

Lorsque je remontai enfin dans ma chambre, je pus effacer le faux sourire figé sur mon visage depuis mon retour. J’avais beau me convaincre que la situation s’était légèrement améliorée, j’avais l’impression d’être encore à des années lumières du père que j’avais connu par le passé.


https://www.youtube.com/watch?v=lFUlliTQEfk


Le lendemain, je préparai le petit déjeuner aux aurores comme chaque matin avant de partir flâner en ville. La journée passa rapidement entre les services que je rendais aux habitants et la visite des quartiers que je ne connaissais pas encore. Je croisai à nouveau Akane sur la plage mais celle-ci était toujours aussi peu bavarde et ne resta que quelques minutes avec moi avant de repartir.

Cependant, alors que je m’apprêtai à rentrer moi aussi, une étrange idée me passa par la tête. Non loin de là se trouvaient les ruines de ce qui était autrefois le lycée de la ville.

Ayant du temps à perdre et m’étant toujours questionnée sur le fonctionnement des écoles avant ma naissance, je décidai de faire un léger détour.

Evidemment, tout avait été détruit et les murs semblaient sur le point de s’écrouler au moindre tremblement mais j’étais habituée depuis le temps et j’entrai à l’intérieur du bâtiment principal.

Je fus dans un premier temps, assez déçue. Il s’agissait d’un hall totalement classique aux fenêtres brisées et aux portes défoncées. Comme dans tous les bâtiments, il restait des traces de bataille tels que des marques de griffures, de brûlure ou même de sang un peu partout.

Les salles de classe étaient saccagées. Les tableaux noirs gisaient sur le sol en plusieurs morceaux tandis que les chaises et les tables avaient vraisemblablement servies à ériger des barricades.

Je ne m’attardai que peu sur ces salles répétitives et assez similaires à d’autres endroits que j’avais pu explorer avant.

Cependant, alors que je marchai dans un long couloir un peu à l’écart du reste, je finis par tomber sur une porte presque intacte, voire neuve.


https://www.youtube.com/watch?v=eIqxHpK97m4


Etonnée, je tournai la poignée avec précaution et la porte de bois s’ouvrit en grinçant, mais ne s’effondra pas sous son propre poids. Vraiment, cet endroit avait été miraculeusement épargné.

Je découvris aussitôt un nouveau monde. Ce n’était qu’une petite salle comme il y en avait tant d’autres dans le lycée. Deux canapés cachés par des draps blancs se faisaient face au milieu. Près de la fenêtre, elle aussi intacte, un bureau encore sous plastique donnait sur la cour du lycée et sur les côtés, deux étagères à peine terminées supportaient le poids de nombreux cartons encore fermés.

Au loin, le soleil orangé du soir traversait les vitres et projetait d’immenses ombres sur le sol tout en faisant scintiller tous ces meubles neufs.

C’était la première fois depuis que j’arpentais des ruines que je tombai sur une pièce ayant totalement échappé à la guerre, figée en l’an 2014.

J’étais tout simplement fascinée, mais aussi un peu déboussolée. Sans savoir pourquoi, je me mis à imaginer ce qu’aurait été la vie de mes parents si tout cela n’était jamais arrivé. Auraient-ils monté un club dans une salle comme celle-là ? Laura aurait-elle été membre, de même que Nagisa ? Et Miyako aurait-elle pu prendre la tête de ce club ?

Je ne pus m’empêcher de sourire. Evidemment. Je voyais parfaitement mes parents se disputer pour un quelconque jeu, assis autour de la table. Nagisa aurait tenté de les calmer tant bien que mal et Miyako les aurait royalement ignorés, assise à ce bureau tout en observant la cour d’un air supérieur. Quant à Laura…elle aurait bien été du genre à acheter un piano et le placer près de la fenêtre, simplement pour ne plus entendre ces disputes incessantes.

Plus je réfléchissais et plus j’étais convaincue par les scénarios que j’envisageais.


https://www.youtube.com/watch?v=g5lLa8guULs


Les jours qui suivirent, je revins plusieurs fois dans cette mystérieuse salle figée dans le temps. Parfois je m’asseyais simplement derrière le bureau pendant la journée entière et regardais à travers la grande baie vitrée l’avancement des travaux, telle une superviseuse de projet. Il m’arrivait également de passer un coup de plumeau ou de balais pour rendre à cette pièce son état d’origine, mais sans jamais oser toucher aux cartons ni aux protections des meubles, de peur de faire perdre sa magie à ce lieu.

Je finis par me sentir un peu chez moi dans cette salle, entourée des fantômes d’une réalité alternative, m’imaginant encore et encore comment aurait été la vie sans l’attaque du démon.

Cependant, après plusieurs semaines, la curiosité prit le dessus et je décidai d’ouvrir les cartons qui s’entassaient sur les étagères.

Au début, je ne trouvai rien de bien passionnant. Il y avait essentiellement des bibelots sans intérêt, de gros dossiers longs et peu intéressants, des plans de l’école et même quelques vieilles factures. Mais je ne perdais pas espoir de trouver quelque chose au milieu de ces babioles et j’eus raison de m’acharner.

Caché derrière une montagne de cartons que je n’avais pas encore déballés, je repérai un petit journal poussiéreux. Je l’ouvris et je vis le nom d’Hikari Miyako en première page. Il était daté de janvier 2014, l’année du commencement de la guerre et retraçait jour après jour, comment notre présidente actuelle avait fondé son propre club de duel.


Evidemment, je ne pus lire tout le contenu en une seule soirée, et c’est pourquoi, je revins encore et encore, chaque soir, pour continuer ma lecture. Et plus j’avançai dans ce récit, plus je me convainquais que les choses auraient dû être autrement.

La présidente avait arrêté de tenir ce journal environ quelques semaines seulement après l’attaque du démon mais l’univers qu’elle décrivait avant, les moments qu’elle passait avec ses amis, l’énergie qu’ils mettaient à créer leur club, les difficultés auxquelles ils faisaient face ensemble sans qu’aucune vie ne soit en jeu…Mes parents auraient dû connaitre cela eux-aussi au lieu de se battre pour leur survie…et pour celle de l’humanité.

Soudain, un bruit de pas dans le couloir attira mon attention. Par réflexe, je m’empressai de ranger le journal intime mais je me détendis en voyant apparaitre dans l’angle de la porte la chevelure rousse d’Akane.

Celle-ci, ne s’attendant visiblement pas non plus à tomber sur quelqu’un au milieu de ces ruines, eut un temps d’arrêt.

-Iori…Que fais-tu ici ? Me demanda-t-elle froidement.

-Je me balade, quelle question ; lui répondis-je avec entrain.

-Je repose ma question : que fais-tu ici depuis une semaine ?

Je grimaçai. J’avais été tellement absorbée par cet endroit que je n’avais même pas fait attention à ce qui m’entourait. J’avais réellement relâché ma vigilance depuis la fin de la guerre…

-J’ai simplement trouvé le journal intime de ta mère dans ces vieux cartons ; repris-je d’un air naturel.

Le visage de la rouquine se crispa en entendant cela et je vis sa main se contracter légèrement, signe de son agacement mais elle reprit de son ton glacial :

-Tu as vraiment du temps à perdre ma pauvre Iori.

-Tu pourrais au moins t’énerver que je lise quelque chose d’aussi personnel…Grimaçai-je devant le manque de réaction de mon amie.

-Je suis certaine que c’est sans intérêt.

-Et toi alors, qu’est-ce que tu viens faire ici depuis une semaine ? Puisqu’apparemment tu viens tous les jours pour savoir que je suis là ; rétorquai-je d’un ton malicieux.

-Mon père me sort par les yeux, rien de plus.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Sans même me demander mon avis, mon amie s’assit de trois-quarts sur l’un des canapés, les jambes croisées et le bras appuyé sur le dossier puis me regarda d’un air sérieux.

-dis-moi, générale Iori, est-ce que tes parents t’ont déjà parlé de l’avant-guerre ? Me demanda-t-elle soudainement et sans transition.

-O…Oui, souvent ; bégayai-je, déconcertée. Pourquoi cette question ?

-Ma m…Enfin, Miyako vient de donner le registre qui est censé aider dans la construction du mémorial, qui est une idée stupide au passage, il y a bien trop de victimes pour toutes les recenser.

-C’est pour cela que Nagisa demande de l’aide à tous les habitants, non ?

-Ce n’est pas la question. Ce registre avait été fait au début de la guerre pour recenser toute la population de l’époque.

-Oui, je m’en souviens mais où veux-tu en venir ?

-Certaines personnes portées disparues avaient été inscrites par les membres de leur famille afin de lancer des recherches.

Le visage d’Akane, déjà froid, s’assombrit davantage et la jeune fille me lança un regard rempli de doutes et de suspicions. Je déglutis, m’attendant déjà au pire, mais rien de ce que j’avais pu imaginer ne m’avait préparé à cela.

La rouquine sortit une feuille pliée de sa poche et la jeta à mes pieds. Lorsque je lus ce qui était marqué dessus, mon sang se glaça immédiatement.

-Dans ce cas-là, peux-tu m’expliquer…pourquoi ta mère recherchait son père adoptif ? Pourquoi recherchait-elle celui qui avait causé toute cette souffrance ? Pourquoi recherchait-elle à sauver Hélios ?

Je n’avais rien à répondre. J’ignorais moi-même cela. Ma mère n’avait jamais évoqué cette partie-là de son passé. Mais les faits étaient sous mes yeux. Pour une raison que j’ignorais, Hélios, le vassal de Gariatron, avait été un jour pour elle comme un père.

Lentement, je me baissai pour ramasser la feuille de papier sur laquelle figurait le visage d’Hélios et, tandis que les interrogations se bousculaient dans ma tête, j’eus une idée folle.

Je ne pouvais pas laisser une telle interrogation en suspens. Actuellement, Hélios avait disparu de la circulation mais j’étais persuadée que la présidente Hikari savait où il se trouvait réellement. Si seulement je pouvais le rencontrer, peut-être aurait-il pu m’apporter des réponses sur cette zone sombre dans le passé de ma mère…

Résolue, je relevai la tête et me tournai vers Akane qui attendait toujours ma réponse.

-Non, je ne peux pas t’expliquer pour le moment…Mais nous pouvons aller chercher ces réponses directement auprès de l’intéressé.

Un léger sourire fourbe passa sur le visage de mon amie qui eut l’air subitement très intéressée.

-Est-ce que notre générale serait sur le point de faire quelque chose qui menacerait l’équilibre du pays ? Par exemple prendre le risque que Miyako révèle au monde où se trouve celui qui a voulu détruire le monde ?

-Jamais mon père ne voudra me parler de cette période et il me faut des réponses, Akane. Si parler à Hélios est le seul moyen, alors je le ferai, et j’irai voir la présidente Hikari pour qu’elle me dise où le trouver.

La rouquine se leva alors et ferma les yeux, non sans conserver le sourire mauvais qui illuminait désormais son visage.

-Être prête à mettre un pays sortant de guerre à feu et à sang pour une simple réponse…Je t’envie, ex-générale Yuiko Iori.

Sur ces mots, Akane sortit de la salle et me laissa seule mais le mal avait été fait.


https://www.youtube.com/watch?v=2ba4oGkUjp8


Les jours qui suivirent, je ne parlai pas de mon projet à mon père et je me contentai d’agir normalement, tout en préparant mon expédition dans mon coin.

Je contactai Laura pour avoir un endroit où loger une fois sur place, sans pour autant lui expliquer la raison de ma venue. Je demandai également à Nagisa de veiller sur mon père en mon absence, à Akane de s’occuper du recensement et je fis promettre à Miyako d’accéder à ma requête lorsque je la verrai, ce qu’elle accepta naivement, pensant certainement que cela ne pouvait pas avoir une grande importance et finalement, au bout d’une semaine, tout fut fin prêt.


Ce jour-là, je me levai comme chaque matin, préparai le petit déjeuner puis attendis que mon père se lève à son tour. Vers dix heures, il arriva, l’air toujours aussi fatigué et le regard toujours aussi vide que d’habitude.

-Papa, j’ai quelque chose à te dire ; déclarai-je solennellement.

-Iori, qu’y a-t-il pour que tu sois si sérieuse dès le matin ? Me demanda-t-il, surpris.

-J’ai quelque chose à faire à Paris, je dois partir pour le week end.

-A…Paris ? Répéta-t-il soudain totalement réveillé. Tu y vas toute seule ? Je devrais t’accompagner, tu ne penses pas ?

-Ne t’inquiète pas, je suis une grande fille maintenant, j’ai presque dix-sept ans et j’étais générale de l’armée après tout ! Laura a accepté de me loger pendant ce temps, et puis j’ai demandé à Nagisa de passer te voir également.

-Tu n’avais pas besoin d’en faire autant Iori, je peux me débrouiller seul tu sais…

-Tss, Tss, Tss, il n’y a pas à discuter, je serais de retour très vite en plus !

Mon père baissa les yeux sur son verre et ne parla pas pendant quelques instants, comme perdu dans ses pensées, avant de déclarer :

-Je t’accompagnerai au moins jusqu’au train, c’est le moins que je puisse faire pour ma fille…


Je ne refusai pas sa proposition et vingt minutes plus tard, nous nous retrouvions dans la rue à marcher en direction de la gare de la ville. En vérité, j’aurais préféré qu’il reste tranquille, mais nous ne nous étions jamais promenés ainsi, tous les deux, depuis que nous nous étions échappés des souterrains.

Nous passâmes devant le parc de la ville, toujours laissé à l’abandon, puis devant les ruines du lycée puis nous longeâmes la côte.

Au fond de moi, j’étais vraiment heureuse à ce moment-là. Même si mon père restait silencieux, j’avais l’impression de retrouver celui que j’avais toujours connu avant la mort de ma mère. Nous faisions aussi parfois ce genre de balade dans la ville souterraine lorsque je n’étais encore qu’une enfant, dans le seul but de me faire oublier les horreurs de la guerre et de profiter du peu de temps de répit qui nous était accordé.


La gare avait été la première infrastructure à être réparée en ville, de même que le réseau de chemin de fer dans son intégralité. La présidente avait tenu avant tout à rendre à nouveau opérationnel les déplacements, afin de nous rappeler que nous n’étions plus enfermés et que nous pouvions aller là où bon nous semblait.

C’est pourquoi, au milieu des ruines grisâtres, des décombres et des ordures s’élevait un immense bâtiment flambant neuf, entièrement construit en verre. Même si tout n’était pas encore parfaitement en état de marche, de nombreux trains allaient et venaient sur les rames, avec à leur bord des dizaines de passagers.

Au plafond, l’immense verrière laissait entrer un soleil éblouissant se reflétant sur les vitres des locomotives et des portes. Au milieu du hall d’entrée, une statue de marbre à l’effigie d’un soldat inconnu et blessé terrassant un dragon avait été érigée pour nous rappeler notre victoire sur le démon, non sans douleur.

-Miyako a fait du bon travail…Murmura mon père, admiratif.

-Oui, et tu verras, bientôt toute la ville sera aussi flamboyante que cette gare ! M’exclamai-je.

-J’attends de voir ça, oui ; s’amusa-t-il.

Mon père m’embrassa brièvement lorsque la sirène du départ retentit puis je montai dans le train. Il resta sur le quai, à attendre mon départ et me fit des signes lorsque le wagon se mit en marche, signes que je lui rendis en souriant.


Le voyage dura un peu moins d’une heure et demi, heure pendant laquelle je regardai le paysage, toujours aussi monotone et déprimant, se résumant à des ruines, des terres stériles et des routes dévastées, défiler sous mes yeux en rêvassant à un passé que je n’avais pas connu. Comment ma mère avait-elle rencontré Hélios ? Pourquoi le considérait-elle comme son père ? Mon père était-il au moins au courant ? Pourquoi ne m’en avait-elle jamais parlé ? Hélios…était-il un allié depuis le début malgré tout ce qu’il avait fait ? Tant de questions qui trottaient dans ma tête et auxquelles je n’avais aucune réponse…


La sirène du train me tira de mes pensées et je rassemblai mon bagage puis je descendis sur le quai. La maison de Laura n’était pas tout près, au moins à vingt minutes de marche de la gare d’après mes souvenirs, mais heureusement, je n’étais pas pressée.


https://www.youtube.com/watch?v=3sVTq0tFTiE


Cependant, alors que j’allai me mettre en route, je vis une personne qui attira mon attention. C’était une grande femme brune, aux yeux verts comme l’émeraude et à la silhouette élancée. Son visage était celui d’une femme de trente ans mais ses cernes et les quelques rides qui apparaissaient sur son front trahissait qu’elle entrait dans la quarantaine, comme mon père. Elle portait simplement un long manteau noir, comme pendant la guerre, au-dessus d’une tenue bien plus classique.

-Laura ? M’étonnai-je.

La femme se retourna et me lança un large sourire.

-Iori, je n’y croyais plus, te voilà enfin ! S’écria-t-elle.

-Tu m’attendais ? Mais pourquoi donc ? Lui demandai-je étonnée. Je connais la ville quand même, je n’allais pas me perdre…

-Tu n’es pas revenue ici depuis la fin de la guerre, je te devais au moins ça ; me répondit Laura d’une voix douce. Je suis certaine que tu n’aurais pas reconnu la ville avec tous les travaux de toute façon.

Lorsque nous sortîmes de la gare, je me rendis compte qu’elle avait raison. Partout, des échafaudages, des barrières et des routes barrées avaient envahi les rues. Les ruines que j’avais connues autrefois n’étaient déjà plus qu’un mauvais souvenir et déjà de nombreux immeubles dans le style haussmannien avaient ressurgi de terre.

Sur le chemin, je me rendis compte à quel point la capitale était en train de renaitre et la vie reprenait son cours rapidement, oubliant peu à peu les blessures du démon.

Les décorations de noël, auparavant jonchant le sol dans la poussière, scintillaient à nouveau sur les balcons et les façades des bâtiments. Les gens se pressaient pour prendre le bus et le métro dans les grandes avenues. Plus loin, je pouvais voir une sortie d’école où la nouvelle génération, n’ayant certainement que peu de souvenirs de la guerre, rentrait joyeusement chez leurs parents.

Après une bonne demi-heure de marche, nous arrivâmes finalement chez Laura. Son appartement était certes moins impressionnant que le manoir de mon père mais il se trouvait en plein cœur du « vieux » Paris désormais reconstruit à l’identique.

-Alors Iori, dis-moi tout, qu’est-ce qui te ramène à Paris si soudainement ? Me demanda ma mère adoptive une fois que j’eus déballé mes affaires.

J’hésitai à lui dire la vérité. Après tout, j’allais tout de même voir l’homme le plus controversé sur terre, et ce, sans en avoir parler à personne à part Akane…Non, il n’avait pas besoin de savoir finalement, c’était une chose que je devais faire seule et je savais qu’elle s’y serait fermement opposée si je lui avais dit.

-J’avais simplement envie de voir comment les travaux avançaient ailleurs que chez nous ; mentis-je.

-Iori ; déclara-t-elle en me regardant avec ses yeux amusés. Tu crois vraiment que je vais gober ça ?

Je serrai les dents. Evidemment, elle me connaissait si bien qu’elle pouvait facilement détecter quand je lui mentais…Mais je ne pouvais vraiment pas lui parler de ma mère et d’Hélios…

-Je voulais simplement parler à Miyako, cela fait longtemps que je ne lui ai pas fait de rapport de la situation.

Laura soupira.

-On ne te changera pas on dirait, toujours aussi formaliste…Mais bon, puisque c’est ainsi, si tu me faisais un petit rapport à moi aussi ? Comment va ton père depuis le temps ?

Ne voulant pas l’inquiéter, j’embellis légèrement la situation, prétendant que les choses se remettaient lentement et nous passâmes la soirée à parler d’anecdotes en tout genre sur l’avancement des travaux, le projet de mémorial et ce genre de banalités.

Aussi loin que je pouvais remonter dans mes souvenirs, c’était la première fois que je pouvais discuter de choses aussi communes sans être constamment sur mes gardes ou sans évoquer un quelconque malheur au milieu des bonnes nouvelles.

Nous parlâmes ainsi jusqu’à tard dans la nuit, ne voyant même pas l’heure avancer et vers deux heures, nous finîmes par remonter dans nos chambres.

Dans mon lit, je réfléchis enfin au lendemain. Depuis mon arrivée chez Laura, je n’avais pas eu le temps de penser à mon plan tellement j’étais heureuse de la revoir, mais maintenant que j’étais à nouveau seule, mes préoccupations me revinrent.

Je fus soudain saisie d’une angoisse incontrôlable : et si Hélios ne me disait rien ? S’il refusait de me parler à moi, celle qui avait tué sa fille adoptive ? Pourquoi aurais-je fait ce voyage s’il faisait ça ?

Non, je ne devais pas y penser, et s’il refusait de parler, je le forcerai, je ne repartirai pas sans avoir obtenu les réponses à mes questions.


https://www.youtube.com/watch?v=ygur5AaVzgA


Le lendemain, je me levai aux aurores. Miyako avait bien accepté de me voir, mais seulement très tôt dans la journée, avant neuf heures pour être exacte. Ainsi, après avoir salué rapidement Laura qui malheureusement, ne pouvait pas m’accompagner, je me rendis au palais présidentiel.

Lorsque je passai la porte principale, la sentinelle qui gardait l’entrée se mit immédiatement au garde-à-vous en me voyant puis des dizaines d’huissiers vinrent m’escorter mais je les renvoyai aussitôt à leur poste.

J’arrivai dans le hall d’entrée et je pus enfin constater que, malgré ses allures flamboyantes à l’extérieur, l’Elysée avait subi le même sort que tous les bâtiments de la capitale. Au sol gisait les restés carbonisés d’un ancien luxueux tapis de velours rouge à carreaux dorés. Le plafond était si fissuré que je me demandais comment il ne s’était pas encore effondré sous son propre poids. Partout, on pouvait remarquer l’absence de décorations qui gisaient désormais à terre, brisées en mille morceaux. J’étais même incapable de discerner ce qu’elle avait pu représenter par le passé. Les lustres de cristal avaient subi le même sort, ainsi que les hautes colonnes de marbre blanc, s’étant enfoncés dans le sol en s’écrasant. Quant aux fenêtres, il ne restait d’elle que les cadres des vitres, et quelques bouts de tissu qui avait certainement dû être de magnifiques rideaux.

Miyako arriva quelques minutes après moi accompagnée des mêmes hommes que la dernière fois, sa garde personnelle que l’on appelait pendant la guerre les UWS, United we stand. Elle semblait épuisée comme d’habitude. Par réflexe, je me mis une fois de plus au garde-à-vous, ce qui la fit sourire légèrement.


https://www.youtube.com/watch?v=weX7m17sVGo


-Iori, je suis contente de te voir. Tu sais que tu m’as fait peur lorsque tu m’as envoyé ce message, j’ai cru qu’il t’était arrivé malheur, mais apparemment, ce n’est pas le cas.

-Présidente Hikari, je suis désolée de ne pas vous avoir prévenue plus tôt, mais j’ai une requête à vous faire ; déclarai-je avec tout le sérieux du monde. Cela concerne ma mère.

-Ta…mère ? S’étonna-t-elle.

-Je suis certaine que vous voyez de quoi je veux vous parler, présidente ; continuai-je d’une voix grave. Après tout, vous avez donné vous-même le registre à Hiroki.

-Le…registre ?

La présidente écarquilla les yeux de stupeur lorsqu’elle comprit de quoi je voulais parler et elle blêmit.

-Vous devez savoir de quoi je parle, et vous devez donc deviner facilement quelle est ma requête puisque seule vous, savez où il se cache actuellement.

-Attends Iori, ta requête, c’est…

-Je veux rencontrer le père adoptif de ma mère, je veux connaitre leur relation, pourquoi ils étaient liés et quel est le rôle de mon père là-dedans, je veux que vous me conduisiez à Hélios.




Chapitre 2 : Un monde de souvenirs



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


La présidente Hikari fit un pas en arrière, visiblement choquée que moi, Iori, fille de seize ans, ait pu découvrir un secret férocement gardé par mon père et par le gouvernement lui-même. Après tout, Hélios était toujours considéré comme un criminel, même après la chute de Gariatron. Mais je ne comptais pas renoncer maintenant, j’étais déterminée à découvrir la vérité, même si pour cela, je devais aller à l’encontre des ordres de ma supérieure.

-Iori…Arrêter Hélios est notre priorité numéro une. Ce criminel doit être jugé et puni selon la justice…Pourquoi penses-tu que je saurais où il se trouve ? Reprit la présidente, glaciale.

-Parce que je connais vos compétences, présidente Hikari. Pendant la guerre, vous avez été capable de miracles dont personne n’aurait été capable. Si Hélios court toujours aujourd’hui, c’est uniquement car vous le laissez faire, ai-je tort ?

Miyako serra les dents et regarda furtivement tout autour d’elle, vérifiant que personne d’autre que les UWS ne pouvait nous écouter puis elle reprit à voix basse mais fermement.

-Hélios ne désire que se faire oublier, tu ne devrais pas…

-Je connais les risques, mais pour mon père, je suis prête à tous les sacrifices.

Miyako ne me répondit pas immédiatement et plongea son regard au loin, comme perdue dans ses souvenirs. Un silence pesant s’installa entre nous, silence pendant lequel mon cœur battait la chamade dans ma poitrine.

Finalement, après un long soupir, elle reprit la parole d’une voix troublée par un sentiment que je ne parvenais pas à distinguer précisément.

-Soit Iori, j’ai promis d’accéder à ma requête, et c’est la moindre des choses que je puisse offrir à celle qui a mis un terme à cette guerre. Cependant, je veux que tu me promettes une chose également.

Miyako s’approcha de moi et se mit à ma hauteur en posant un genou à terre tout en me mettant la main sur l’épaule pour me regarder droit dans les yeux. Là, je pus y lire toute l’inquiétude, non pas d’une présidente soucieuse de l’avenir d’un pays, mais d’une mère s’inquiétant pour sa fille.

-Quoiqu’il arrive, n’écoute que ce que te dit ton cœur. Ne te laisse pas Attendrir par Hélios. Tu seras certainement déconcertée en le rencontrant mais, même si ta mère le considérait comme son père, tu dois te souvenir de ce qui importe le plus pour l’avenir de ce monde à présent, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

-Je ne suis pas le genre de personne à me laisser embobiner, vous savez ; lui répondis-je avec un léger sourire pour la rassurer.

-Bien. Cependant, je ne peux pas te conduire immédiatement à Hélios, j’ai de nombreuses réunions aujourd’hui et je ne peux pas me risquer de te révéler son emplacement sur un simple bout de papier. Je viendrai plutôt te chercher demain, mais tâche d’être à l’heure, mon emploi du temps est très serré, tu ne pourras le voir qu’une demi-heure tout au plus.

-Ça me va, du moment qu’il m’apporte les réponses dont j’ai besoin.


https://www.youtube.com/watch?v=Wp0xitgAc4A


Miyako me congédia là-dessus et je rentrai seule chez Laura. Sur le chemin, je réfléchis aux questions que j’allais poser à Hélios et je me rendis compte que je ne savais absolument pas comment aborder le sujet. Je voulais simplement en savoir plus sur ma mère mais s’il était réellement comme un père pour elle, sa mort allait certainement lui rappeler de mauvais souvenirs. Je devais trouver un angle d’approche plus subtile…

Alors que j’étais perdue dans mes pensées, je me rendis compte que je m’étais totalement perdue dans les rues de la capitale et qu’il m’était impossible de retrouver mon chemin au milieu de ces chantiers de reconstruction qui se ressemblaient tous.

Je ne pus m’empêcher de lâcher un long soupir en pensant au chemin de retour qui m’attendait.

Finalement, vers vingt-et-une heure, je réussis à rentrer mais, même si Laura était morte d’inquiétude à mon sujet, cette petite balade m’avait laissé le temps de réfléchir et je savais maintenant comment persuader Hélios de répondre à toutes mes questions.

Le reste de la soirée passa rapidement. Il faut dire que Laura et moi, nous avions vraiment beaucoup de choses à nous dire, entre les nouvelles de la journée, nos nouvelles vies respectives et nos perspectives d’avenir, je n’avais pas un seul moment pour rêvasser.


https://www.youtube.com/watch?v=wmmE5rtRtbc


Le soir, après avoir pris un bon bain pour décompresser un peu avant le grand jour, je me mis au balcon puis j’observai les étoiles scintillant dans le ciel.

La nuit n’était pas aussi silencieuse que dans notre ville et les étoiles ne brillaient pas aussi fort, mais je me sentais un peu chez moi ici. Après tout, j’avais vécu toute ma vie dans les souterrains de la capitale, si bien que je connaissais mieux le sous-sol que la surface de la ville.

En y repensant, jamais je n’avais pu contempler les étoiles en toute quiétude. Je n’avais pris cette habitude que depuis la fin de la guerre, mais avant, jamais je ne me serais permise de me déconnecter de la réalité pour me plonger dans l’infini de l’espace.

Aussi loin que ma mémoire me le permettait, je ne me l’étais permis qu’une seule fois. J’étais avec Akane, et nous avions été prises au piège en ville, incapable de rentrer aux souterrains avant la nuit. Ce jour-là, nous avions trouvé refuge au sommet d’un immeuble en ruines, là où les sbires de Gariatron ne pouvaient nous repérer. Les mots que la rouquine avait prononcés cette nuit-là étaient désormais gravés dans ma mémoire.

« Dis, Iori…Si tu en avais le pouvoir…Détruirais-tu ce monde ? Parce que moi, je le ferais sans hésiter. Ce monde est faux, sans avenir, sans espoir. Tout ce qui arrive…n’aurait jamais dû se produire. Jamais Gariatron n’aurait dû prendre le pouvoir, jamais l’humanité n’aurait dû se retrouver acculée de la sorte, jamais Miyako n’aurait du prendre la tête de la résistance…et jamais…nous n’aurions dû naitre…au milieu de ce chaos… »

La fille de la présidente avait ensuite pointé un groupe d’étoile dans le ciel tout en mimant un archer prêt à décocher sa flèche.

« La constellation du Sagittaire. J’ai lu dans les livres que dans les temps antiques, sa flèche pouvait s’abattre sur la terre pour raser les civilisations décadentes…Si seulement cette légende pouvait être vraie… »

En revoyant cette constellation dans le ciel, je ne pus m’empêcher de sourire. Nous avions vécu de tas de choses depuis ce jour-là, le monde lui-même avait changé radicalement et pourtant, le ciel, lui, était toujours le même, immuable et majestueux, ce même ciel que mes parents avaient certainement dû voir, eux aussi des centaines de fois, avant que la guerre ne se déclenche.


https://www.youtube.com/watch?v=ygur5AaVzgA


Le lendemain, je me réveillai aux aurores, ne sachant pas exactement à quelle heure Miyako devait venir me chercher. Le bruit de moteur que j’entendis dans la rue juste après m’être habillée me confirma que j’avais bien fait.

En passant la tête par la fenêtre, je vis une élégante voiture datant du début de ce siècle au style rétro possédant un certain charme au milieu des ruines de la ville.

La présidente s’arrêta juste devant notre porte et je descendis avant qu’elle n’eut le temps de sonner afin d’éviter de réveiller Laura.

-Iori, dépêchons-nous, j’ai beaucoup à faire aujourd’hui et je n’ai pas particulièrement envie d’aller voir ce bouffon, donc plus vite cette histoire sera terminée, mieux ça sera pour ma santé mentale.

-Ce bouffon ? Répétai-je, intriguée. On parle bien de l’ennemi public numéro un ?

-Tu le découvriras bien assez tôt ; soupira-t-elle en se prenant la tête dans les bras. Rien que d’y penser, j’en ai déjà mal à la tête.

Nous montâmes dans la voiture conduite par Kosta, le chef des UWS, ainsi que celui qui m’avait formée au combat durant la guerre.

Le trajet fut plutôt rapide et silencieux. Miyako semblait soucieuse et regardait fixement le paysage défiler derrière les vitres teintées de la voiture présidentielle.

Après vingt minutes de route dans Paris, nous nous engouffrâmes sur le périphérique que nous quittâmes assez rapidement vers une route que rien n’indiquait et qui n’avait pas été épargnée par Gariatron non plus. Le bitume avait été envahi par les herbes et des bosses et creux parsemaient le chemin. Par endroits, des arbres carbonisés était tombés en travers du chemin et nous devions nous arrêter pour les retirer.

Cependant, je ne comprenais vraiment pas où Miyako m’emmenait. Tout autour de nous, il n’y avait que des champs à perte de vue.

Mais finalement, après plusieurs minutes à rouler au milieu de nulle part, je vis au loin une sorte de grange, ou plutôt une ferme au milieu des terres cultivables.

Lorsque nous nous rapprochâmes, je pus constater que cette baraque n’était pas en meilleur état que tous les immeubles de la capitale. Le toit n’existait plus, les murs laissaient totalement le vent pénétrer à l’intérieur, la clôture entourant le domaine avait disparu par endroit et le panneau de bienvenue jonchait le sol dans la poussière et était illisible.

Il ne semblait plus y avoir âme qui vive ici, à l’exception d’un vieux cheval blanc blessé à la patte arrière, ainsi qu’un chien dormant paisiblement sur le pas de la porte de la ferme. Le seul bruit que je pouvais entendre dans ces ruines était le sifflement du vent faisant tourner les restes d’un vieux moulin grinçant.

Nous descendîmes de la voiture et la présidente alla frapper directement à la porte de la vieille grange.

Personne ne nous répondit.

-Présidente, est-ce que vous êtes certaine que…


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase qu’une puissante explosion retentit à l’intérieur de la bâtisse et je pus voir une haute colonne de fumée noire s’élever à travers la charpente du toit.

Miyako lâcha un long soupir de fatigue puis finalement, un bruit de pas nous parvint et la porte s’ouvrit en laissant s’échapper un épais nuage aux odeurs de brûlé.

Il était devant moi, couvert de suie et crachant ses poumons, l’homme à cause de qui l’humanité avait bien failli s’éteindre, celui qui avait été l’hôte de Gariatron pendant des millénaire, le criminel le plus recherché de la planète et le père adoptif de ma mère : Hélios.

Mis à part ce détail, il n’avait que très peu changé depuis la fin de la guerre, à part ses cheveux qui avait commencé à grisonner et quelques rides apparaissaient sur ses joues. Je ne l’avais aperçu que rapidement après la défaite de Gariatron, mais il était fidèle à mes souvenirs, bien qu’en bien meilleure forme mais il en était de même pour tous monde.

-Ah, vous voilà enfin ! Grogna l’ex criminel en toussant. Ça fait une semaine que je vous ai appelés pour réparer ma chaudière, vous en avez mis du temps pour venir…

Pour toute réponse, la présidente asséna un violent coup de poing dans la face du roi qui tomba à la renverse, totalement déconcerté.

-Comment ça ? Vous avez sérieusement appelé un plombier alors que je m’efforce de garder votre résidence secrète ? S’écria-t-elle, rouge de colère. Vous savez que si quelqu’un découvre où vous vous cachez, je ne donne pas cher de votre peau ?!

-Ah Miyako…Ce n’est que toi ; déclara alors Hélios, visiblement l’air déçu.

La présidente, exaspéré, leva les yeux au ciel puis me tourna le dos pour prendre la direction de la voiture.

-J’en ai déjà assez. Iori, je te laisse te débrouiller. Tâche de ne perdre que la moitié de ton QI avec ce type, la stupidité est contagieuse.

-Attendez, qu’est-ce que je dois…

Trop tard, Miyako avait déjà claqué la portière de la voiture et s’était plongée dans ses dossiers. Lorsque je me focalisai à nouveau sur Hélios, celui-ci se frottait le nez que la présidente n’avait pas épargné…


https://www.youtube.com/watch?v=J2yzMhNkgsk


Lorsque je croisai le regard du criminel, je ne sus pas quelle attitude adopter et je me mis à me dandiner d’une jambe à l’autre, mal à l’aise. Après tout, en plus d’avoir plongé le monde dans le chaos, ce type était en quelque sorte mon grand-père…

Hélios, lorsqu’il me vit enfin alors que j’étais sur le pas de sa porte depuis deux bonnes minutes, écarquilla les yeux et pencha la tête sur le côté.

-Euh…Désolé mais on s’est déjà rencontré il me semble non ? C’est toi qui as vaincu Gariatron si mes souvenirs sont bons…

-Oui, c’est exact. Je n’ai pas eu le temps de me présenter à l’époque. Mon nom est Iori. Yuiko Iori.

-Yuiko…Iori ?

A l’évocation de mon nom, le roi déchu perdu immédiatement son air niais et nonchalant pour n’afficher qu’un regard rempli de tristesse.

-Je vois…J’ai donc raté tant de choses…Déclara-t-il en souriant tristement.

-Hélios, je…

-Dis-moi…Iori ; m’interrompit-il en regardant au loin d’un air nostalgique. Est-ce que ta mère…Est-ce que Saya…a su garder son sourire jusqu’au bout ?

-Je n’ai jamais prétendu qu’elle n’était plus…

-Ta présence ici ne fait que me confirmer ce que je redoutais le plus.

Hélios ferma les yeux et je crus voir quelques larmes couler le long de ses joues mais qu’il essuya immédiatement.

-Ainsi, tel est mon châtiment pour avoir causé tant de mal…continua le roi d’une voix brisée.

-Hélios, s’il vous plait, racontez-moi tout ? Qui étiez-vous pour ma mère ? Pourquoi vous recherchait-elle comme un membre de sa famille ? Que s’est-il réellement passé juste avant la guerre ?!

A nouveau, le roi souffla longuement et la fatigue des âges se fit plus visible sur son visage. L’homme s’assit alors sur les marches de sa porte en tailleur et m’invita à faire de même.

-Tu sais Iori…Je ne connais pas les réelles pensées de ta mère, je ne peux te parler que de ce que je voyais d’elle, te décrire le masque qu’elle portait lorsque j’étais à ses côtés sommes toutes…même si, de toutes les personnes que j’ai connues, elle était certainement la seule à me montrer son véritable visage…

-Que voulez-vous dire ? Lui demandai-je, déconcertée.

-Lorsque j’ai rencontré Saya, elle n’était qu’une orpheline ayant fugué de chez elle. Quant à moi, je venais de me libérer de ma prison millénaire. Je suis incapable d’expliquer ce qui m’est passé par la tête à ce moment-là, mais lorsque je l’ai vue sur le bord de la route, à bouts de forces, affamée et déshydratée, mon esprit a repris le dessus sur celui de Gariatron et je l’ai prise sous mon aile. Je savais bien que je faisais une erreur, que le démon allait reprendre tôt ou tard le dessus sur moi, Mais malgré tout, je l’ai soignée, je l’ai logée, et j’ai lutté de toutes mes forces pour ne pas sombrer à nouveau…car je ne voulais pas perdre le rayon de soleil qu’était ta mère pour moi.

-Mais vous n’avez pas réussi à en juger par l’état actuel du monde…Lançai-je tristement.

-Oui. Voyant que je perdais la raison, ta mère s’est mise en tête de me sauver mais malheureusement, elle ignorait tout du mal dont je souffrais, si bien que des années durant, tous ses efforts pour m’atteindre sont restés vains. Mais au fond de moi, mon esprit hurlait de protéger ta mère, il me criait de ne pas la laisser se briser, il me harcelait pour que je reprenne le contrôle…Mais je ne pouvais rien faire…Tout est de ma faute…Si Saya est…Si Saya…

La voix d’Hélios se troubla et, alors que des larmes recommençaient à couler de ses yeux, le roi mis sa main devant son visage pour tenter de les camoufler. Je ne savais pas comment réagir devant l’attitude de l’homme qui avait mis jadis le monde à feu et à sang et qui était désormais réduit à un simple père ayant perdu sa fille.

Mais au fond, je le comprenais…Moi non plus, je n’avais rien pu faire pour sauver ma mère elle avait sacrifié sa vie pour préserver la mienne…

-Je suis désolée Hélios…repris-je d’une voix douce. Tout est de ma faute…Si j’avais été plus prudente ce jour-là, ma mère serait encore parmi nous aujourd’hui et vous pourriez vous parler en face à face…

En entendant ces mots, le roi sourit légèrement en me regardant, une pointe de nostalgie brillant dans ses yeux.

-Saya aussi…Prenait toujours la faute sur ses épaules, même lorsqu’elle n’y était pour rien…

Nous parlâmes ainsi du passé pendant de longues heures et je ne vis pas le temps défiler. J’écoutais simplement les anecdotes du passé du roi, tantôt sur sa vie à notre époque, tantôt sur son règne, mais dans les deux cas, j’étais fascinée par ce qu’il me racontait. Et plus la journée avançait, et plus je comprenais pourquoi ma mère était si attachée à l’homme. J’avais réellement l’impression d’avoir en face de moi, non pas un simple inconnu mais un véritable membre de ma famille, ce qu’il était en quelque sorte.

Lorsque le soleil fut au zénith, Miyako revint vers nous, bien plus calme que lorsqu’elle s’était éclipsée.

-Désolée de vous interrompre mais on vient de m’appeler pour une urgence. Apparemment des survivants auraient été retrouvés. Il faut que nous rentrions rapidement à Paris parce que je doute que Hoshi ou Marcelo ne réussissent à gérer cette situation seuls.

Je tournai la tête vers Hélios mais il se contenta de hocher la tête avec un léger sourire.

-Filez dans ce cas, je ne veux pas vous retarder. Mais si vous pouviez venir me rendre visite un peu plus souvent, ça ne me ferait pas de mal. J’ai encore des tas d’histoires à raconter.

-Si les désastres que vous avez provoqués ne me prennent pas trop de temps, j’y penserai ; grommela la présidente en tournant déjà les talons.

Je m’inclinai respectueusement en signe d’au revoir et suivis les traces de Miyako. Mais, alors que nous allions démarrer la voiture, cette-dernière ouvrit la fenêtre et lança à l’ancien roi.

-Pour la chaudière, je vous enverrai un UWS rapidement. D’ici là, essayez de ne rien faire exploser.

Sur ces sages paroles, le chauffeur démarra en quatrième vitesse et je pus voir la silhouette d’Hélios se dissiper à l’horizon jusqu’à ce qu’il ait totalement disparu, camouflé par une épaisse végétation.

Miyako ne parla que peu sur le chemin du retour, bien trop préoccupée par cette annonce. Quant à moi, j’essayais de digérer toutes les informations que m’avait fourni Hélios mais il y en avait tant que je n’eus même pas le temps de mettre de l’ordre dans mon esprit que nous étions déjà de retour chez Laura.

-Je te laisse ici Iori. Je suis désolée d’avoir interrompu votre discussion mais nous remettrons cela pour une prochaine fois.

-Il n’y a aucun problème présidente ! Tenez-moi simplement au courant des prochains travaux, je vous aiderai avec plaisir !

-Je n’y manquerai pas. Salue bien ton père de ma part et dis-lui de se reprendre sérieusement en main. Il n’a pas intérêt à avoir l’air pathétique le jour de la cérémonie.

-Comptez sur moi présidente !


https://www.youtube.com/watch?v=5p9EuVBEzEY


Elle me laissa sur cette promesse et je rentrai chez Laura. Apparemment, ma mère adoptive avait décidé de faire une grasse matinée car elle vint m’ouvrir encore en pyjama et à moitié endormie.

-Ah Iori, tu es de retour…lança-t-elle en baillant. Je commençais à m’inquiéter de ne plus te voir, je pensais que tu étais rentrée sans me prévenir…

-J’étais simplement…sortie faire un tour pour voir l’avancement des travaux ; mentis-je en me mordant la lèvre.

Je n’aimais vraiment pas mentir à Laura, ni a aucun membre de ma famille, mais je ne pouvais vraiment pas lui dire la vérité sans trahir Miyako qui ne semblait pas vouloir que la rumeur d’Hélios s’ébruite.

-Je vois…Et au fait, c’est mon jour de repos aujourd’hui, que dirais-tu d’aller manger au restaurant pour changer ? Il parait que le tout premier vient de rouvrir pas très loin d’ici. C’est une étape majeure dans la renaissance de la ville, nous devons…

-Tu n’as simplement pas envie de faire la cuisine aujourd’hui, je me trompe ?

-O…Oui…Marmonna Laura en détournant le regard, honteuse.

Je ne pus m’empêcher de rire. J’aimais ce côté-là ma mère adoptive. Même si elle essayait souvent de jouer aux femmes impassibles comme Miyako, elle était assez facilement déstabilisée et se cherchait alors des excuses plus ou moins crédibles.

C’est ainsi que nous nous dirigeâmes vers ce fameux restaurant. A vrai dire, j’étais assez excitée à cette idée. Après tout, les seuls restaurants que j’avais connus jusqu’ici étaient les réfectoires des souterrains où la nourriture laissait franchement à désirer.

Je ne fus pas déçue. Même s’il s’était installé entre deux immeubles en ruines et si le décor ne se composait que de quelques tables et des chaises de récupération, l’ambiance y était chaleureuse et accueillante.

Ainsi, sans même nous en apercevoir, nous passâmes, Laura et moi, quasiment toute l’après-midi dans le premier restaurant de Paris, discutant de tout et de rien avec les propriétaires et l’heure de mon départ arriva bien trop vite à mon goût.

A contrecœur, je quittai l’établissement en fin d’après-midi et nous nous rendîmes à la gare. Cependant, alors toute la journée s’était déroulée très vite, l’attente du train, elle, me sembla interminable.

-Guerre ou non, il semblerait que la SNCF ne change pas au fil des années, ça fait plaisir de voir que certaines choses sont immuables ; déclara-t-elle joyeusement.

-Encore, que de nos jours les trains ne soient pas totalement opérationnels, je peux le comprendre, mais de ton temps…

-Problème technique, neige sur les voies, panne de moteur, hérisson sur les rails, je crois que j’ai eu le droit à toutes les excuses possibles et inimaginables lorsque j’étais enfant ; me répondit Laura en haussant simplement les épaules. Mais bon, la guerre nous fait relativiser les problèmes mineurs du quotidien.

-Si tu le dis…Grommelai-je, commençant à m’impatienter sérieusement sur ce quai désert.

Mais finalement, après presque une heure de retard, le train pointa le bout de son nez. J’embrassai Laura avant de monter dans le wagon mais cette dernière me retint à la dernière seconde par la manche.

-Ah, j’ai failli oublier Iori, mais préviens ton père que je passerai certainement dans peu de temps. J’ai quelques affaires à régler avec Nagisa avant la cérémonie de commémoration donc je viendrai sûrement loger quelques jours chez vous.

-Pas de problème, tu es toujours la bienvenue et je suis certaine que mon père sera content lui aussi d’avoir un peu de compagnie ! M’exclamai-je avec un large sourire.

C’est ainsi que mon voyage à Paris s’acheva. Tout avait été un franc succès du début à la fin. J’avais pu parler à Hélios et en apprendre davantage sur ma mère, tout en comprenant enfin quelles étaient mes véritables origines. De plus, maintenant que j’avais rencontré l’homme qui avait élevée ma mère, je cernais un peu mieux comment elle avait pu soutenir mon père toutes ces années. Il ne me restait plus qu’à reproduire la même chose pour le sortir de sa solitude et retrouver l’homme qui avait autrefois mené la résistance.


https://www.youtube.com/watch?v=Td1D1jjvrdE


Lorsque je franchis la porte du manoir vers vingt heures, je fus agréablement surprise en sentant une bonne odeur de cuisine émaner de la salle à manger. Je pensai tout d’abord que ce n’était que Nagisa qui s’occupait de mon père comme je lui avais demandé, mais la personne se trouvant derrière les fourneaux était quelqu’un d’autre : une femme aux cheveux courts et aussi noirs que les miens. Lorsqu’elle se retourna, je reconnus immédiatement son visage rond et sans ride, ce nez fin et ces grands yeux ébène, ainsi que cette mèche rebelle sur le dessus de son crâne, caractéristique des membres de notre famille.

-Tante Marie ; m’exclamai-je, heureuse et surprise en même temps.

-Ah Iori, te voilà, tu arrives pile à l’heure pour le dîner, c’est parfait !

Je penchai la tête sur le côté, surprise autant par sa réaction que par le fait qu’elle soit chez moi. En me voyant faire cette tête, elle éclata de rire et posa un plat sur la table.

-Ne fais pas cette tête, je suis simplement de passage et j’en ai profité pour aider un peu ton bon à rien de père ; me répondit-elle toujours en souriant.

Au même moment, mon père entra dans la salle à manger, intrigué par tout ce vacarme et fit un bond de trois mètres en arrière lorsqu’il vit sa sœur à mes côtés.

-Qu’est-ce que…Tenta-t-il de dire avant de se faire interrompre.

-Ah, voila donc le fameux héros dont tout le monde parle ! Tu as changé depuis ta victoire. Tu n’aurais pas pris un peu de ventre par hasard ?

-Quand…es-tu entrée ? Et surtout, qu’est-ce que tu fabriques ici ? Et Iori est de retour ? Depuis quand ?

-Tss, tss, trop de question en une fois, ça me donne mal à la tête ; râla ma tante en s’asseyant et commençant à se servir de pâtes qu’elle avait déposées sur la table.

Je regardai mon père dans les yeux, aussi déconcertée que lui mais ma tante faisait comme si de rien n’était et continuait à se servir en viande, prit un peu de vin rouge et entama son assiette.

-Si vous ne venez pas, il n’y aura plus rien pour vous ; déclara cette dernière en avalant un morceau de steak. J’ai déjà eu du mal à trouver tous ces ingrédients, il serait dommage de les gâcher.

-Tu n’as pas répondu à mes questions je te signale !

-Oh, je suis chez moi aussi ici, je peux bien passer quand bon me semble non ? Quant à la raison de ma présence, disons que j’avais des choses à faire ici, je vais rester une bonne semaine, voire deux si je me plais bien. Et oui, ta fille est rentrée à l’instant.

-Deux…Deux semaines ? Tu n’as donc rien de mieux à faire ? S’exclama mon père qui visiblement ne voulait pas que quelqu’un vienne déranger sa tranquillité.

-Je te retourne la question, monsieur le héros de la guerre qui passe son temps à dormir et boire des bières. Tiens, je te ramène ça au passage, c’est le discours que Miyako veut que tu lises dans un mois.

Ma tante Marie lança à mon père un petit rouleau de papier qu’il attrapa maladroitement avant de fusiller sa sœur du regard. Mais celle-ci fit comme si de rien n’était et continua son repas, imperturbable.

Mon père soupira et vint s’asseoir à son tour, visiblement résigné et je fis de même. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, nous étions plus que deux à table et mon père parla d’autre chose que de la pluie et du beau temps avec ma tante et moi. J’avais vraiment l’impression de revoir le père que j’avais toujours connu lorsqu’il était aux côtés de ma tante. Tous les deux se chamaillaient autant que ma mère et lui sans pour autant être vraiment sérieux dans leurs disputes.

Une fois le diner terminé, je sortis de table plus tard que je ne l’avais prévu mais j’étais heureuse. Plus les jours avançaient, plus les blessures du cœur de mon père semblaient se panser. Lentement mais sûrement, la cicatrice laissée par la mort de ma mère se refermait.


https://www.youtube.com/watch?v=wmmE5rtRtbc&


Plus tard dans la nuit, je repensais à tout ce dont m’avait parlé Hélios. J’avais beau connaitre le passé de ma mère désormais, j’avais toujours l’impression qu’il me manquait quelque chose. Comme si je passais à côté d’un élément très important sans même le voir.

Quel était mon véritable but finalement ? J’avais beau connaitre le passé de ma mère désormais, cela ne me menait à rien, comme si la fin de la guerre n’avait laissé qu’un immense vide en moi, vide que j’essayais de combler en occupant mon esprit par la volonté de rendre le sourire à mon père. Car en effet, voir le monde se reconstruire peu à peu et renaitre de ses cendres était certes agréable et encourageant…je ne ressentais aucune réelle joie depuis la fin de la guerre, comme si je m’étais enfermée dans un quotidien morne et monotone.

C’est alors que les mots qu’Akane m’avait dit quelques semaines auparavant me revinrent en mémoire.

« Être prête à mettre un pays sortant de guerre à feu et à sang pour une simple réponse…Je t’envie, ex-générale Yuiko Iori. »

Ce n’était que maintenant que je comprenais la portée de mes actes. Miyako s’efforçait pour une raison inconnue de protéger Hélios, mais d’autres grands noms de ce monde ne verraient certainement pas cela d’un bon œil. Si quelqu’un nous avait suivies, il était certain que la présidente aurait été accusée de trahison et le monde aurait replongé dans le chaos…

Je secouai la tête pour sortir ces mauvaises pensées de ma tête. A quoi donc étais-je en train de penser ? Evidemment que tout était bien mieux depuis que Gariatron avait été vaincu ! La fatigue devait certainement me jouer des tours pensais-je. Et ainsi, je mis fin à cette longue journée pour me plonger dans le sommeil.

La semaine passa tranquillement. Grace à l’aide de tante Marie, je pouvais prendre un peu de temps pour moi-même. Je n’avais plus besoin de faire des allers-retours chez Nagisa ou de jouer les factrices aux quatre coins de la ville, ni de m’occuper sans cesse de mon père qui, en présence de sa sœur, essayait de se débrouiller seul par fierté.

J’en profitais alors pour flâner entre les ruines comme je le faisais si souvent, ou perdre mon temps dans cette salle de club abandonnée. Cependant, alors que je ressassais les souvenirs de Miyako en lisant son journal, quelque chose de brillant et scintillant attira mon regard au loin.


https://www.youtube.com/watch?v=eL4mJHaxGLM&


Je tournai la tête par la fenêtre et je revis cet éclat lumineux provenant de la falaise surplombant la ville.

Intriguée, j’arrêtai ma lecture pour aller voir de quoi il pouvait bien s’agir. Et puis, cela me donnait une raison d’aller au sommet de cette falaise devant laquelle je passais souvent sans jamais m’arrêter.

Je marchai dix minutes avant d’arriver à un petit sentier non goudronné que j’empruntai. Sous mes pas, j’entendais le bruit des branches se briser et le craquement des feuilles mortes. Apparemment, personne n’était passé ici depuis des décennies à en juger par toutes la végétation qui avait poussé sur ce petit sentir.

Après avoir grimpé sur quinze bons mètres, j’émergeai finalement des broussailles sur une large pierre nue et ce que je vis me laissa bouche bée.

Devant moi – ou plutôt sous mes pieds – la mer rougeoyante au soleil couchant s’étendait à perte de vue. L’astre du jour semblait plonger directement dans la vaste étendue d’eau, comme avalé par cette dernière. Au loin sur ma gauche, je discernai la plage et le quartier dans lequel vivait Nagisa.

D’ici, les blessures de la ville étaient invisibles, noyées dans un paysage infini. Un simple voyageur se trouvant sur cette falaise n’aurait jamais eu conscience que la ville qui s’étendait à ses pieds n’était qu’un tas d’échafaudages au milieu de ruines fumantes

Je fermai les yeux, éblouie par tant ce spectacle mais je n’entendis pas ce vrombissement perpétuel causé par les travaux. Non, les seuls bruits parvenant à mes oreilles étaient le sifflement du vent et le fracas des vagues en contrebas contre la falaise.

J’inspirai un grand coup et je sentis cette odeur caractéristique de la mer, odeur mêlant sel, algue et poisson, et elle était forte, bien plus que sur la plage.

Je comprenais maintenant pourquoi Laura me parlait tant de cet endroit pendant la guerre. Souvent, elle me répétait que son seul désir était de revenir ici et d’effacer le temps. A présent, je saisissais toute la véracité de ses paroles. Cet endroit était comme irréel, hors du temps, presque féérique. En me tenant debout sur cette falaise, j’avais l’impression d’être dans un autre monde, loin des tumultes du monde réel, seule et apaisée.

Je trouvais d’ailleurs cela étrange que cette falaise n’ait été le témoin d’aucun bataille pendant la guerre. Il n’y avait pas une seule trace de combat, pas une seule goutte de sang sur les roches et la végétation semblait intacte depuis des dizaines d’années. Mais peut-être cela faisait-il parti de la magie de ce lieu…

Je restai ainsi sur cette falaise pendant plusieurs minutes, debout et figée devant l’immensité de l’océan, en oubliant totalement la raison de ma venue.

Finalement je décidai de rentrer, non pas à cause de l’heure, mais à cause du froid mordant. J’aimais certes le paysage et les odeurs, mais j’appréciais moins la fraicheur du vent.

Une fois de plus, tante Marie nous avait préparé un bon repas et nous passâmes une autre soirée agréable en sa compagnie. Cependant, un appel soudain me ramena à la réalité.

-Zut, je crois que je vais devoir écouter mes vacances, Miyako vient d’appeler et ça râle bien au boulot ; pesta ma tante, visiblement très mécontente. J’avais prévu de rester encore une semaine, mais je vais devoir partir dans deux jours. Je passe encore la journée de demain avec vous, et ensuite, retour au travail…Franchement, j’espère qu’elle ne m’appelle pas pour que je remplace encore les UWS.

-Tu t’en vas déjà ? Ça va faire bien vide sans toi…Déclara alors mon père d’une voix lasse.

-Ne t’inquiète pas, je ne te laisse pas seul, Laura devait arriver ce soir…

-Laura vient ici ? S’exclama-t-il en écarquillant les yeux.

-Oui, je voulais garder la surprise mais autant vous le dire puisque je m’en vais. Par contre je ne sais pas ce qu’elle fait, son train devait arriver en gare dans la journée…

-Tu aurais pu me prévenir plus tôt quand même ! Je ne suis pas prêt du tout…

Sur ces mots, mon père sortit de table en courant pour s’enfermer dans la salle de bain tandis qu’un sourire niais s’était dessiné sur le visage de ma tante.

-Je vois que tu n’as pas changé au fond de toi finalement, me voila rassurée.

Le lendemain soir, alors que ma tante faisait ses valises, Laura n’était toujours pas arrivée. Je me mis donc en route vers la gare pour comprendre ce qu’il se passait avec les trains mais mon attention fut, comme la veille, captée par un objet brillant au sommet de la falaise.

-Laura est une adulte quand même, elle peut bien se débrouiller seule…pensais-je en changeant de cap.


https://www.youtube.com/watch?v=f77SKdyn-1Y


Au sommet du rocher surplombant la mer, le vent soufflait plus fort qu’en journée et me glaçait les os. Je ne voyais rien excepté la nuit et les étoiles se reflétant dans l’eau noire de la mer calme. Mais mon attention fut captée par une fine silhouette à son extrémité.

La, les jambes pendant dans le vide et les cheveux volant au vent se trouvait une femme de dos, regardant fixement l’horizon.

Elle ne notifia pas ma présence immédiatement mais il ne me fallut que quelques secondes pour reconnaitre cette longue chevelure brune, même dans la pénombre du soir.

-Laura ? M’étonnai-je.

La femme se retourna en sursautant puis se détendit en me voyant.

-Ah Iori, ce n’est que toi, je ne t’avais pas entendue arriver.

-Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu sais que tout le monde t’attend depuis hier soir ?!

-Désolée, j’ai eu une pointe de nostalgie en revenant ici, j’ai simplement fait quelques détours ; me répondit-elle avec un sourire.

-Quelques ? Répétai-je dubitative. On t’attend depuis bientôt vingt-quatre heures tu sais.

-Déjà vingt-quatre heures ? Le temps passe bien vite quand on est perdue dans ses souvenirs…

Je remarquai alors que dans sa main, ma mère adoptive tenait fermement un petit pendentif qui reflétait entièrement les rayons du soleil dans un éclat presque aveuglant.

-Alors comme ça toi aussi tu aimes cet endroit ? Ça doit être de famille ; continua-t-elle en me souriant. Quand nous étions jeunes, ton père et moi nous nous retrouvions souvent ici. C’était notre base secrète à nous.

-Vraiment ? Il ne m’en a jamais parlé pourtant…

-ça ne m’étonne pas vraiment de lui ; s’amusa Laura en riant légèrement. J’imagine que pour Darksky, cette falaise n’est plus qu’un lointain souvenir et c’est tant mieux. Cela ne sert à rien de s’enfermer dans le passé.


https://www.youtube.com/watch?v=4FqoqxD-DHA


Ma mère adoptive lâcha un long soupir et leva les yeux vers le ciel.

-Presque trente ans sont passés et pourtant, rien n’a changé ici. Les sons, les odeurs, le ciel, la falaise…tout est exactement comme le jour où j’ai dit adieu à ton père…

-Dis…Laura…Tu l’aimais, n’est-ce pas ? Alors pourquoi l’as-tu laissé partir ?

-Evidemment que je l’aimais ; me répondit-elle en haussant les épaules. Mais j’ai perdu ce droit le jour où je l’ai trahi. Lorsque je me suis rendue compte de ce que ma jalousie envers ta mère m’avait poussé à faire et quelles en avaient été les conséquences, j’ai décidé simplement de m’exiler.

Laura baissa les yeux vers son pendentif et commença à le faire tourner machinalement entre ses doigts.

-Je suis retournée en Angleterre et de là, tout comme ton père, j’ai mené la résistance contre le démon que j’avais moi-même aidé. Cependant, contrairement à lui ou à Miyako, je n’ai pas réussi à unifier le peuple et nous avons été anéantis.

-C’est donc pour cela que tu as rejoint notre résistance aussi tard ?

-Je voulais simplement me prouver à moi-même que pouvais réparer mes fautes, seule…mais je n’ai fait qu’engendrer encore plus de malheurs derrière moi. Même Théodore…Même lui que j’avais blessé mortellement dans ma jeunesse…J’ai été incapable de le protéger alors que j’étais revenue uniquement pour racheter ma conduite auprès de lui…

La voix de Laura se brisa et elle enfouit sa tête entre ses bras, totalement recroquevillée sur elle-même tandis que je restai debout derrière elle, incapable de sortir le moindre mot de réconfort.

-Ton père et toi…avez vraiment eu de la chance de connaitre ce rayon de soleil qu’était Saya. Je suis certaine qu’elle aurait eu beaucoup à m’apprendre si nous avions appris à nous connaitre vraiment…Mais depuis ce jour, je ne peux m’empêcher d’y repenser, encore et encore…C’est moi…qui aurais dû mourir à sa place.

Un court silence suivit cette déclaration qui fit battre mon cœur bien plus vite dans ma poitrine. Evidemment, je ne désirais pas que Laura ne meure…Mais la sincérité avec laquelle elle avait prononcé ces mots me déstabilisa.

La brune lâcha un petit rire amusé avant de se relever et de se tourner vers moi.

-Désolée Iori, je divague facilement quand je remets les pieds ici. Je vais rentrer avant que Marie ne parte, sinon elle va vraiment finir par se demander ce qu’il se passe avec les trains. Ne tarde pas trop toi non plus.

Ma mère adoptive me dépassa et s’engagea sur le sentier menant à la ville se mais je ne bougeai pas de ma place et je continuai à fixer la vaste étendue d’eau, perdue dans mes pensées. Mais alors que je pensais que Laura était partie, j’entendis sa voix dans mon dos.

-Iori. Si un jour, toi aussi tu te retrouves dans une impasse, ne te laisse pas guider par tes émotions comme je l’ai fait. N’écoute que ce que ton cœur te dit, seul lui connait la vérité. C’est bien le seul enseignement que je peux te transmettre, moi qui n’ai fait que de mauvais choix dans ma vie.

Je me retournai immédiatement mais ma mère adoptive avait déjà disparu dans les ténèbres de la nuit.

Cependant, ces quelques mots avaient suffi à faire battre mon cœur à tout rompre. A ce moment-là, je ne savais pas encore que les paroles de Laura allaient me plonger dans une quêtes bien plus folle que tout ce que j’avais pu vivre jusque-là, une quête transcendant les limites même du temps.






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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [27/08/2016] à 21:13

Iori : un monde fragile



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=5p9EuVBEzEY


Un mois s’était écoulé depuis le départ de ma tante et le retour de Laura et nous passions des journées tranquilles tous les trois. Mon père semblait bien plus heureux qu’auparavant en présence de ma mère adoptive. Son visage avait retrouvé des couleurs, il s’impliquait également beaucoup plus dans la reconstruction de la ville et surtout, je le voyais sourire et rire en parlant avec Laura. Cela me faisait vraiment chaud au cœur de le voir ainsi, comme libéré de ses tourments par la simple présence de son amie d’enfance. Pour la première fois depuis des années, la plaie causée par la disparition de ma mère avait l’air d’avoir arrêté de saigner et semblait se refermer lentement.

De plus, la cérémonie de commémoration approchait à grand pas. Quatre jours exactement. Miyako avait décidée de la placer le soir de Noel afin de marquer l’événement. Pour moi, cela ne signifiait pas grand-chose. Après tout, j’étais née sous les cendres et la poussière, là où les fêtes n’avaient plus leur place. Mais pour la génération de Miyako, Noel avait gardé une immense place dans leurs cœurs et je voyais que tout le monde autour de nous se réjouissait. Même mon père se préparait au maximum pour cette occasion, courant dans tous les sens, lui qui auparavant ne sortait que rarement plus loin que le fond du jardin.

Le jour J, il se présenta à moi dans ses plus beaux vêtements, entièrement rasé, coiffé et l’air plutôt en forme comparé aux airs de zombie qu’il arborait à la fin de la guerre. Laura quant à elle avait opté pour une élégante robe bleue tombant presque jusqu’à ses pieds et laissant sa poitrine dégagée, de même que ses bras. Elle avait également attaché ses cheveux en un chignon que je lui enviais et son visage était rayonnant derrière son maquillage faisant ressortir ses lèvres rouges avec une élégance sans pareil. Je faisais vraiment pâle figure à côté d’elle avec ma simple veste par-dessus un haut à dentelles et ma jupe blanche…Mais l’élégance n’était pas mon point fort…

Nagisa nous rejoignit sur le chemin et nous fîmes le trajet jusqu’à la gare en sa compagnie. Les trois adultes parlaient de tout et de rien, comme les vieux amis qu’ils étaient et même si je me sentais un peu mise à l’écart, j’étais contente de voir que pour une fois, les discussions ne tournaient ni autour du nombre de disparus, ni autour des crises alimentaires et encore moins autour des futurs assauts.

Nous arrivâmes à l’Elysée dans l’après-midi, vers trois heures. Miyako nous accueillit à bras ouverts, surtout mon père qu’elle n’attendait visiblement plus.


https://www.youtube.com/watch?v=VAaicBn89vU


-Tiens, le héros daigne sortir de chez lui. Je suis surprise, j’avais déjà confié le texte aux UWS moi ; railla la grande rousse avec un sourire non dissimulé.

-Si tu n’es pas plus sympathique que ça, je vais te laisser te débrouiller seule Miyako ; grimaça mon père en serrant les dents.

-Tu dis cela mais nous savons tous ici que tu ne le feras pas alors inutile de faire ta mauvaise tête Darksky ; s’amusa Laura en lui donnant un coup de coude dans les côtes.

-Laura s’il te plait…Nous ne sommes plus des enfants…Couina mon père en rougissant.

J’éclatai de rire. Cette scène me semblait tellement banale et tellement surréaliste à la fois qu’elle en devenait comique.

Après ces retrouvailles, j’allai déposer mes affaires dans les quartiers privés de Miyako et nous nous rendîmes sur la place de la Concorde. Auparavant en son centre se trouvait les restes d’un Obélisque qui avait été détruite pendant les combats. Mais à présent s’élevait une statue immense recouverte par un drap blanc en attente de son inauguration. Tout autour, des tribunes et des gradins avaient été installés tandis que les champs Elysées avait été entièrement dégagés. Même si les arbres avaient été abattus et que l’arc de triomphe n’était plus que deux piliers séparés, je ne pouvais que reconnaitre leur majesté. Ils avaient certainement dû être magnifiques avant la guerre.

-Miyako fait bien les choses, je dois le reconnaitre ; déclara soudain une voix masculine à côté de moi.

Je tournai la tête, ayant reconnu celui qui avait prononcé ces mots. Il s’agissait d’un grand gaillard aux cheveux sombres en bataille. Il avait la quarantaine passée mais il restait néanmoins en excellente forme dans son physique. Son regard était vif, mais également très doux malgré son visage carré et la cicatrice qui lui traversait l’œil gauche. Tout comme nous, il avait sorti ses plus beaux habits, ce qui lui donnait un style assez contradictoire avec son apparence négligée.

-Bonjour Iori, cela faisait longtemps n’est-ce pas ? Me dit-il avec un large sourire.

-Bonjour Caporal Hiroki, en effet, depuis la fin de la guerre il me semble ; lui répondis-je d’un signe discret de la main.

-Ne me rappelle pas que Miyako ne m’a jamais promu s’il te plait, je sais que je n’étais pas le meilleur agent ni le plus discret mais…

Je serrai les dents, gênée. J’avais oublié ce détail mais ce sujet-là était sensible avec le père d’Akane et qu’il le vivait très mal…

-Bien joué Générale, tu viens de replonger mon père en dépression pour les dix prochaines années, je te félicite ; railla alors Akane en surgissant derrière moi sans prévenir.

-C’est bon, j’avais oublié ! Me défendis-je maladroitement. Aussi ta mère n’est pas très sympathique avec ton père, le pauvre faisait de son mieux, elle aurait au moins pu le récompenser pour avoir participé…

-Je n’ai pas de mère ; grogna Akane en me tournant le dos. Je n’ai qu’un bon à rien de père.

Je lâchai un long soupir en haussant les épaules. C’était déjà pareil en temps de guerre, il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre dans cette famille. Mais je n’en voulais pas à mon amie. Après tout, elle allait bien se rendre compte un jour que sa mère lui était précieuse, qu’elle l’admette ou non.

Plus tard dans la journée, Tante Marie arriva à son tour, accompagnée de deux personnes que je n’avais vues jusqu’ici que par vidéo conférence. Il s’agissait des deux leaders de la résistance Japonaise, deux jumeaux se nommant Satoshi et Serena. Tous deux se ressemblaient traits pour traits et seuls leurs coiffures me permettaient de les différencier, même si les traits du visage de Serena étaient bien plus fins et féminins que ceux de son frère.


https://www.youtube.com/watch?v=kVUekqhpt9M


Vers sept heures, les gradins étaient remplis de personnalités influentes venues des quatre coins du monde. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Selon le programme, nous devions monter sur scène en même temps que Miyako et que les autres dirigeants actuels pendant que mon père allait se charger du discours de commémoration…

Mais lorsque je passai le nez derrière le rideau de la scène, mon trac ne fit qu’augmenter et je commençai à suer à grosses gouttes.

« Allez Iori, ressaisis-toi ; me dis-je à moi-même. Tu as vaincu le démon, tu ne vas pas te faire impressionner par si peu quand même ! »

Il n’y avait rien à faire. Mon rythme cardiaque ne redescendait pas…Et mon père qui tournait en rond en relisant ses notes ne m’aidait pas du tout à me calmer. Lorsque je tournai mon regard vers Akane, celle-ci s’était tout simplement endormie sur sa chaise. Je l’enviais vraiment d’être aussi calme…

Finalement, après plusieurs minutes d’attente qui me parurent une éternité, Miyako vint enfin nous rejoindre, dans une tenue très formelle, chemise, collier de perles, veste sombre, jupe serrée, mais non sans garder également son long manteau blanc qu’elle n’avait jamais quitté depuis la guerre.

Personne ne dit un mot et tout le monde se leva pour suivre notre présidente. Lorsque le rideau s’ouvrit, je déglutis, prête à m’évanouir mais Akane posa sur moi un regard si moqueur que je m’efforçai de rester digne, refusant de perdre la face devant elle.

Un silence de mort régnait sur l’assemblée. La nuit était entièrement tombée et seule la scène était éclairée faiblement tandis qu’une fine neige s’était mise à tomber lentement sur la ville, la recouvrant d’un fin linceul blanc.

Mon père, toujours silencieux et la tête basse, se détacha du groupe et se dirigea vers le micro sur le devant de la scène. Il s’arrêta quelques instants, regarda le ciel, prit une grande inspiration et commença enfin à parler.


https://www.youtube.com/watch?v=r-rRxn1W2P4


« Lettre à ceux qui sont tombés.

A vous qui nous regardez au-delà de ces nuages, à vous qui faites désormais partie de l’infini de l’espace, à vous qui brillez pour l’éternité dans le ciel et dans nos cœur…Le soleil s’est enfin levé. Vos rêves et vos espoirs ont fini par percer le voile des ténèbres qui s’était abattu sur le monde depuis plus de vingt-six ans. Si nous pouvons aujourd’hui vivre de nouveau à la surface, sans craindre un ennemi invisible, c’est en grande partie grâce à vous qui nous avez quittés. Chacune des vies prises par le démon n’a fait que renforcer notre volonté de nous affranchir de ce fléau, et c’est cette même volonté qui me permet ce soir de parler, ni pas en temps que fondateur de la résistance, non pas en tant que héros de guerre, non pas en tant que soldat, non pas en tant que citoyen, mais en tant que survivant…un survivant qui n’aurait pas pu arriver jusqu’ici seul. »

Mon père leva à nouveau les yeux vers le ciel et toute la foule fit de même tandis que les nuages se dissipaient pour laisser briller une lune immaculée scintillante au milieu d’une mer d’étoiles.

« Oui…Je pense que, comme beaucoup d’entre vous, j’ai perdu des êtres chers au cours de ces batailles, des êtres inestimables, des êtres irremplaçables, des êtres exceptionnels…Qu’ils aient été meneurs de résistance, infirmiers, soldats, ou même simples citoyens, cela n’avait plus aucune importance le jour où ils nous ont quittés. Ils ne représentaient plus qu’une immense blessure dans nos cœurs…

-Papa…Murmurai-je en serrant ma main sur mon cœur.

-Oui, leur disparition a été injuste, oui ils méritaient de vivre autant que nous, oui ils ne laissent qu’un immense vide après leur départ…Mais n’oubliez jamais ceci : Le démon n’est plus, le soleil brille à nouveau dans le ciel, nos villes se relèvent, et chacune des vies prises durant cette guerre infâmes…Je suis certain qu’aujourd’hui, toutes ces personnes sont heureuses pour toutes ces raisons ! Car tant que vous serez là, vous, témoins de la tragédie, et tant que nous transmettrons leur héritage, leur mémoire continuera à vivre pour l’éternité, dans nos cœurs et dans nos mémoires ! Même si vous ne pouvez plus les voir, même si vous ne pouvez plus leur parler, même si vous ne pouvez plus les toucher, même si vous ne pouvez plus rire, pleurer, dormir, vous disputer ou même rêver avec eux, gardez à l’esprit…Gardez à l’esprit que vos amis, vos enfants, vos parents, vos maris, vos femmes…souvenez vous que même dans la nuit la plus noire, leur flamme continue à brûler en vous et vous guide vers la lumière…

-Darksky…Lâcha Laura d’une voix faible en fermant les yeux, des larmes coulant le long de ses joues mais son visage étant illuminé par un large sourire.

-C’est donc pour entretenir cette flamme pour l’éternité que j’ai l’honneur d’inaugurer ce soir du vingt-quatre décembre 2041 le mémorial de Paris ! Jamais nous n’oublierons. Puisse la paix perdurer aussi longtemps que cette pierre que même un séisme ne pourrait détruire. »

Sur ces mots, le voile blanc recouvrant l’édifice tomba et dévoila une immense pierre de vingt mètres de haut sur laquelle étaient inscrits des centaines de milliers de noms. Mais le plus impressionnant étaient les statues qui l’entouraient : Gariatron était représenté, terrassé par une épée…Que je tenais…

Je ne pus m’empêcher de rougir et de crier un « QUOI !? » qui fut noyé dans les applaudissements de la foule. Mais Miyako qui, elle, avait entendu, ne put s’empêcher de me lancer un regard amusé tandis que je ne souhaitais que disparaitre à nouveau deux-cents mètres sous terre pour que l’on m’oublie…

Cependant, alors que j’attendais la réaction de mon père, je le vis, toujours le regard levé vers le ciel, et murmurant au vent.

-Tu vois Saya…J’ai finalement réalisé ton rêve…J’ai célébré officiellement la fin de la guerre à ta place…J’espère que tu ne m’en voudras pas de t’avoir volé la vedette…

En entendant cela, je ne pus m’empêcher de sourire bêtement. Oui, ma mère me répétait souvent qu’elle allait faire un discours pour célébrer la fin de cette infâmie…En me rappelant de cela, je compris pourquoi Miyako avait confié cette tâche à mon père et je la remerciai en lui adressant un large sourire. Gênée, la présidente détourna à son tour le regard et prit la place de mon père sur scène.

-Ton père est moins pathétique que le mien finalement. Je dois reconnaitre que ce n’était pas si mal ; grommela Akane sans me regarder.

-Tu pourrais montrer un peu plus d’enthousiasme alors que ta mère s’apprête à prendre la parole aussi…

-La seule chose qui me retient sur cette scène est la porte fermée derrière moi sinon je serais déjà partie.

-Tu es vraiment un cas désespéré ; soupirai-je, lasse d’essayer de la convaincre.

Miyako reprit la parole et continua le discours de mon père, rappelant l’importance de ce mémorial pour les générations à venir et lisant à haute voix tous les noms inscrits sur cette pierre pendant plus d’une heure. S’ensuivit le passage d’autres dirigeants parlant dans leur propre langue et la cérémonie d’inauguration se termina tard dans la nuit…Enfin, c’était ce que je croyais car après venait le banquet de Noel réservé à une poignée d’invités de marque et ayant lieu directement dans le palais de l’Elysée…ou plutôt ses ruines puisque Miyako n’avait toujours pas jugé bon de refaire la décoration.


https://www.youtube.com/watch?v=TKeI8eYtWyQ


J’aurais adoré profiter de la fête, et surtout de tous les petits fours posés sur le buffet, mais c’était sans compter toutes les personnalités qui venaient me féliciter et me demander quels étaient mes futurs projets.

Ne pouvant plus soutenir cette atmosphère étouffante, je trouvai une excuse bidon pour m’éclipser et je sortis dans les jardins, à l’écart du groupe.

Là, un vent glacial me fouetta le visage et ma tenue était tout sauf appropriée mais je m’en fichais, j’avais simplement besoin d’air.

L’extérieur était faiblement éclairé par quelques lampes installées le long de allées et je me contentai de déambuler entre les parterres de fleurs hivernales, profitant simplement du calme de la nuit. Même si au loin je pouvais entendre les rires et les conversations de la fête, je préférais toujours cela aux explosions nocturnes.

Alors que je marchais depuis vingt bonnes minutes dans le parc, je fus intriguée par une lumière un peu plus vive provenant de derrière un petit bosquet d’arbres. Lorsque je passai la tête pour voir de quoi il s’agissait, je réprimai un hoquet de surprise.

Là, seule au milieu de la pelouse enneigée, assise en tailleur et les yeux rivés vers le ciel se tenait Akane. M’entendant arriver, la rouquine me lança un regard glacial dont elle seule avait le secret.

-Que vois-je ? Une héroïne qui ne profite même pas de la fête qui lui est dédiée…Quelle impolitesse, générale Iori. Je t’ai connue plus rigoureuse que ça.

-Et toi non plus je vois ; répliquai-je en allant m’asseoir à côté de mon amie.


https://www.youtube.com/watch?v=wmmE5rtRtbc


Un long silence s’installa entre nous, silence pendant lequel la rouquine se contenta de fixer le ciel tristement.

-C’est une belle fête je trouve, tu devrais en profiter ; déclarai-je après plusieurs minutes.

La rouquine ne me répondit rien et ne daigna même pas tourner la tête vers moi.

-Tu sais, j’étais vraiment nerveuse ce matin. Je me demandais si mon père allait réellement pouvoir parler à nouveau comme il le faisait durant la guerre pour motiver les troupes. J’avais même peur qu’il disparaisse au dernier moment…Mais lorsqu’il a commencé son discours…J’étais vraiment heureuse. Pour la première fois depuis des années, j’ai eu l’impression de retrouver l’homme que j’admirais et celui qui m’a motivé à combattre à ses côtés…

-Oui, c’était un beau discours…Murmura mon amie d’une voix presque éteinte. Un discours rempli d’espoir…

-Tu es au courant que c’est ta mère qui a rédigé ce discours en grande partie ? M’étonnai-je que la rouquine ne critique pas pour une fois.

-Mais ce discours était-il réellement…ce dont nous avons besoin ? Ne jamais oublier la guerre pour que jamais elle ne se reproduise ? Quelle foutaise. Si les choses étaient aussi simples, cette guerre n’aurait même pas eu lieu…

-Akane, tu…

-Il n’y a rien à tirer de cette tragédie si ce n’est de la tristesse, des larmes, du sang et du désespoir. Peu importe à quel point le symbole de cette pierre perdurera, les mémoriaux de la première guerre mondiale n’ont empêché en rien ceux de la seconde de voir le jour, tout comme ceux de la seconde n’ont été d’aucune utilité face à Gariatron. Alors à quoi bon en ériger un troisième ?

-Mais non, tu ne comprends pas, si nous ne faisons pas ça, l’humanité va…

-L’humanité va quoi, Iori ? Me coupa-t-elle sèchement. Le discours de Miyako a beau être magnifique, rempli d’espoir ou je ne sais quelle idiotie, les mots ne sont rien face aux faits. Je ne donne même pas cent ans à l’humanité avant de déclencher une nouvelle guerre, une guerre dont elle ne se relèvera pas cette fois-ci. Et qu’importe si le mémorial à ton effigie survit à cette tragédie, il n’y aura plus personne pour en ériger un quatrième.

-Akane…Murmurai-je, attristée par le raisonnement défaitiste de mon amie.

La fille de Miyako lâcha un long soupir avant de se relever, les yeux toujours fermés, la tête rentrée dans les épaules et les mains dans les poches.

-Je te l’ai toujours dit, ce monde est faux à mes yeux. Rien de tout ce que l’on a connu n’aurait dû exister. Si seulement une force supérieure pouvait effacer les larmes de ces vingt-six dernières années…Je serais prête à donner ma vie pour ne jamais être née au milieu de cet enfer.

-En voila un drôle de souhait ma chère ; déclara soudain une nouvelle voix toute proche de nous.

Nous sursautâmes en même temps et par réflexe, nous activâmes nos pouvoirs comme nous le faisions en temps de guerre. Cependant, en nous retournant, je ne pus m’empêcher de faire un pas en arrière et je glissai lamentablement dans la neige.

Akane lâcha un petit rire mauvais tandis que le nouveau venu pencha la tête sur le côté d’un air intrigué.

-Tout va bien ? demanda l’homme d’un air inquiet.

-Hélios ! M’exclamai-je, interdite. Qu’est-ce que vous faites ici ?!

-Qu’est-ce que je fais ici ? Et bien c’est très simple, le plombier que Miyako m’a envoyé a réparé ma chaudière…mais elle a à nouveau explosé donc je suis venu à elle cette fois-ci. Et au passage, joyeux Noel et félicitation pour le mémorial, tu le mérites !

-Alors comme ça c’est lui l’ennemi numéro un ? S’étonna Akane, sceptique. L’humanité est vraiment tombée bien bas pour plier devant un type pareil.

Je l’ignorai.

-Vous savez que vous n’avez pas le droit d’être ici et que si quelqu’un vous trouve, je ne donne pas cher de votre peau ? Miyako aussi risque gros si le bruit commence à courir…Vous n’avez quand même pas pris un tel risque juste pour une chaudière ?…

-ça ne me dérangerait pas ça personnellement ; intervint la rouquine en haussant les épaules.


https://www.youtube.com/watch?v=fZJ3WR9m-iM&


A ce moment-là, je vis le visage d’Hélios s’assombrir à un point tel que je me mis à avoir peur qu’il n’eût repris ses intentions maléfiques mais ce qu’il me dit me glaça bien plus le sang que n’importe quelle attaque de Gariatron.

-La fille de Miyako a raison. Ce monde n’a aucun avenir.

Je n’osai plus faire un geste. La musique s’était arrêtée, le vent ne soufflait plus, les nuages étaient immobiles, les rires de la soirée semblaient s’être tus et seuls les battements de mon cœur résonnaient à travers la nuit. Même Akane qui répétait ce genre de phrase en boucle écarquilla les yeux et grimaça.

-Aucun…Avenir ? Répétai-je, espérant avoir mal compris.

-Gariatron, dans tout le mal qu’il a causé, repoussait malgré lui un ennemi bien plus terrible, un ennemi venant d’un autre monde, un ennemi craignant la puissance du démon, un ennemi qui désormais se prépare dans l’ombre. Iori, j’ai besoin que tu m’amènes voir Miyako. J’ai tenté de contenir seul la catastrophe jusqu’ici mais nous arrivons au point de non-retour.

Je n’hésitai même pas une seconde et je me précipitai à l’intérieur du palais pour prévenir la présidente tout en jurant intérieurement.

Je finis par la trouver dans un coin, discutant avec les meneurs japonais. De loin, je lui fis un signe de la main et elle comprit immédiatement que quelque chose n’allait pas. Pendant la guerre, nous nous étions fixé des codes à n’utiliser qu’en cas d’urgence et je venais justement de faire usage de l’un d’entre eux.

Miyako, avec une habileté remarquable pour cacher sa surprise, prit congé des deux jumeaux et vint me rejoindre dans une pièce adjacente. Là, je la fis patienter quelques instants et je prévins Akane et Hélios de nous rejoindre à leur tour.

La présidente écarquilla les yeux, aussi stupéfaite de voir Hélios ici que sa propre fille dans la même pièce qu’elle. Mais la situation nous semblait tellement grave que même mon amie semblait avoir laissé ses propres sentiments derrière elle.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Lorsqu’Hélios répéta ce qu’il nous avait dit plus tôt, la femme au manteau blanc blêmit.

-Que…Comment est-ce possible ? Bégaya-t-elle en tremblant. Vous êtes sûrs de ce que vous avancez Hélios ?

-Je ne plaisante jamais sur ce genre de sujet, Miyako ; reprit le roi dont le visage s’assombrissait de seconde en seconde.

-Laissez…Laissez-moi deux minutes je vous prie, j’ai besoin d’éclaircir quelques points…Vous m’avez dit…qu’un portail s’est ouvert dans Paris, c’est bien ça ?

-Tout à fait, à l’endroit même où Gariatron a été vaincu. Je ne m’y suis pas encore rendu moi-même mais les esprits de duel en sont certains.

La présidente sortit son téléphone puis composa un numéro et attendit en tapotant nerveusement la table avec ses doigts. Au bout de quelques secondes, quelqu’un décrocha à l’autre bout et une image en 3D d’un grand homme aux cheveux rouges et en bataille apparut devant nous.

-UWS Sunbird au rapport ! Joyeux Noel Présidente Hikari ! La cérémonie s’est bien passée apparemment !

-Ugo, je n’ai pas le temps avec les formalités, j’ai besoin que vous me donniez une information. Les autres sont-ils avec toi ?

-Evidemment, UWS un jour, UWS toujours et…

-Parfait, vous m’en voyez ravie. Allez immédiatement vérifier les caméras de surveillance 4,5 et 6 des souterrains.

L’homme en 3D fronça les sourcils et ajusta ses lunettes sur son nez.

-ça me parait grave. Le grec, Alan, Hoshi, vous avez entendu le boss ? Au boulot !

J’entendis quelques râles à l’autre bout, puis le bruit de chaise grinçant sur le parquet et à peine dix secondes plus tard, une autre personne apparut à l’écran. Celui d’un homme au regard froid et au visage effilé.

-Présidente Hikari, rien de suspect au poste 4 ni au 5 et encore moins au 6. Quelle est la raison de cet énervement ? Et surtout que fait Hélios avec vous ? Je croyais avoir réparé sa chaudière la dernière fois.

-Et bien justement elle a ex…

-Le grec, je viens de détecter une anomalie dans la salle principale ! S’écria le plus jeune du groupe.

Le grec haussa les sourcils, comme si ce que Alan venait de dire était stupide avant qu’un cri ne retentisse à l’autre bout de la pièce et que celui-ci apparaisse en compagnie d’un autre homme répondant au sombre nom d’Hoshi.

-Miyako-Sama, je viens de regarder le replay et c’est terrible, affreux et…

-Ohoh, c’est qu’il est énervé ce garçon. Calme-toi et exprime-toi clairement ; le coupa son camarade.

-Pendant la journée, l’une des caméras a été coupée mais un bruit d’explosion a été entendu et puis des bruits de pas, comme si des milliers de personnes marchaient en même temps…

-Co…Comment ?! S’écria Miyako, folle de rage. Et personne n’est allé vérifier ?!

-Tu te calmes ; lui répondit calmement Hoshi. Nous ne sommes pas omniscients nous, nous avons du également surveiller le bon déroulement de la cérémonie, nous ne pouvions pas être partout à la fois.

-Ce n’est pas une excuse ! Si vous n’êtes même pas capables d’accomplir une tâche aussi simple que de surveiller les points sensibles, vous êtes tous virés !

-Encore ? Se plaignit Alan. C’est au moins la quatrième fois ce mois-ci !

Je crus que la présidente Hikari allait vraiment exploser lorsque le grec écarta ses camarades et prit la parole.

-Miyako, ce qui est fait est fait. Cependant, la caméra extérieure numéro 7 qui donne sur l’extérieur n’a détecté aucune anomalie. Personne n’est entré ni sorti de la zone.

-Vrai…Vraiment ? Tu es sûr de ce que tu avances le grec ?

-Certain. De plus nous avons posté des gardes à la sortie des souterrains pour qu’ils condamnent les entrées, ils nous auraient certainement alertés si quelque chose de louche se tramait.

-Je vois…Mais je fais plus confiance à Hélios qu’à vos informations malheureusement.

-C’est pas sympa ça Miyako…Gémit Alan en feignant de pleurer.

-Je vais tenir une cellule de crise avec les autres dirigeants ; reprit Miyako sans faire attention à ses hommes de main. Iori, Akane, je sais que c’est une lourde tâche mais je ne veux pas qu’une nouvelle vague de panique envahisse la ville. Pouvez-vous animer la fête sans moi ?

-C’est bien parce que la situation l’exige ; grogna mon amie sans regarder sa mère. Tu as intérêt à régler ça au plus vite même si je doute que tu réussisses.

-Je…je ferai de mon mieux présidente ! M’exclamai-je à mon tour en me mettant au garde à vous, mes vieilles habitudes reprenant le dessus.

-Merci les filles, je vous revaudrai ça ; nous lança Miyako avec un sourire reconnaissant. Hélios, ne tardons pas.

Les deux adultes nous laissèrent, Akane et moi, au milieu de cette immense salle vide avec une tâche bien lourde sur les bras et l’esprit encombré de mille et unes questions.

-Je ne comprends plus rien Akane ; me lamentai-je. Le démon a été vaincu, le monde connait enfin la paix et nous la célébrons aujourd’hui…alors pourquoi ne pouvons-nous pas vivre simplement…

-Je te l’ai dit Iori, ce monde n’aurait jamais dû exister ; me répondit froidement la rouquine. Tu as entendu Hélios ? Il n’y a plus rien à faire désormais, jamais nous ne connaitrons la paix.

Je me mordis la lèvre. Je n’avais rien à répondre à mon amie cette fois-ci. Mais l’heure n’était pas aux réflexions. Miyako et les autres allaient le faire très bien à notre place. Notre mission était simplement de détourner l’attention pour éviter une panique générale.

C’est ainsi que je tentai tant bien que mal de capter toute l’attention des invités pendant le reste de la soirée. De toutes les personnes que je connaissais, il ne restait que ma tante qui semblait, elle aussi, être dans la confidence et qui s’amusait également à rediriger toute l’attention vers Akane et moi.

Mais après plusieurs heures, tous les invités finirent par quitter le palais sans poser de question sur la disparition de la plupart des personnalités de la fête.

Mais j’étais si épuisée par mon rôle que je ne m’assurai même pas de faire mon rapport à la présidente et je m’endormis sur l’un des fauteuils du salon aux côtés d’Akane qui était tout aussi épuisée que moi.


https://www.youtube.com/watch?v=CSMslKt0D4A


Le jour suivant, tous mes muscles étaient endoloris par la veille et je ne me réveillai que vers midi. L’esprit embrumé, je pris tout d’abord une bonne douche pour m’éclaircir les idées avant de revenir dans les quartiers de Miyako.

Cependant, la présidente n’était toujours pas revenue de sa réunion et seule Akane m’accueillit, les pieds posés sur le bureau de sa mère et regardant au loin par l’immense baie vitrée. Elle avait l’air pensive et ne remarqua même pas mon arrivée.

-Alors, des nouvelles ? Commençai-je en guise de salutation.

-Si je suis ici, j’imagine que tu connais la réponse ; grommela-t-elle.

-Je vois…soupirai-je, inquiète.

-Si tu veux en avoir le cœur net, tu n’as qu’à aller les voir. Marie m’a dit qu’ils s’étaient tous réunis au ministère de la défense et…

Je n’attendis pas la fin de sa phrase et je sortis en trombe du palais de l’Elysée et je commençai à courir dans les rues de la capitale. Je ne savais pas pourquoi mais j’avais un très mauvais pressentiment concernant l’annonce d’Hélios et je voulais participer moi aussi aux réunions de défense. Je n’aimais vraiment pas être mise à l’écart comme une enfant.

Lorsque le ministère fut enfin en vue, je ralentis l’allure. Quelque chose clochait. Nous avions beau être un jour férié, les rues étaient bien trop désertes à mon gout. Tout était calme…beaucoup trop calme, comme lors de la guerre après une bataille féroce…

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, tous mes sens étaient en alerte et j’avais même activé inconsciemment mes pouvoirs, comme si une menace me guettait, tapie dans l’ombre.

Soudain, la terre se mit à trembler et d’épais nuages noirs voilèrent le ciel en un instant.

-Non…C’est impossible…Tout mais pas ça…Je ne veux pas revivre ça une seconde fois…s’il vous plait…

Une fissure s’ouvrit dans l’espace juste au-dessus du ministère et de cette fissure un homme en sortit. Tout son corps était entièrement lumineux comme un véritable soleil descendu sur terre.

-Par pitié…Implorai-je, incapable de faire le moindre mouvement.

De la main de l’homme s’échappa une minuscule sphère ardente qui se dirigea droit vers le ministère. Je voulais bouger, m’interposer entre cette attaque et mes compagnons de route mais mon corps refusait de m’obéir. Pour la première fois de ma vie, j’étais pétrifiée par la peur. La peur de mourir, la peur de perdre mes proches, la peur de retomber en enfer, la peur…que ce cycle ne recommence…

-S’il vous plait…Quelqu’un…A l’aide…

Je les voyais de l’autre côté de la vitre, débattant autour d’une immense table, inconscient du danger qui les entourait.

Soudain, un rayon de lumière fusa de derrière moi et toucha la minuscule sphère en projetant une épaisse fumée noirâtre. Mais l’attaque de l’homme ne fut pas arrêtée pour autant et continua à se rapprocher inexorablement du bâtiment.

-Iori, qu’est-ce que tu fais ! S’écria Akane en me tirant par le col, affolée. Nos parents sont là-dedans, bouge-toi bon sang !

Chancelante, je me dégageai de son emprise et tentai de me rapprocher du bâtiment. Je levai la main vers celui-ci, tremblante comme une feuille tandis que des larmes commençaient déjà à s’écouler le long de mes joues.

-Miyako…Hélios…Laura…Papa…Ne me laissez pas…Pitié…Ne partez pas vous aussi…

Dans ma tête se bousculaient des images. Des souvenirs se mêlaient à la réalité. Des bombardements. Du sang. Des larmes. Des cris de désespoir. La mort. Le visage de ma mère…

-Je ne veux plus…pleurer…

Une violente explosion de lumière. Une chaleur insoutenable. Un ouragan inarrêtable. Des débris de pierre se fracassant contre ma peau. Des papiers brûlés. Un bouclier doré. Tout était en train de disparaitre. Impuissante, je ne pouvais que faire face à la réalité. Je le voyais. Le ministère était en train de se faire annihiler. Il disparaissait lentement. Comme une structure effacée d’une base de données. Détruite à la racine. Ne laissant aucune trace de son existence.

Lorsque la lumière se dissipa, je tombai à genoux tandis qu’à mes pieds roula un petit pendentif que je reconnus aussitôt. C’était le pendentif de mon père renfermant la seule photo où nous étions tous les trois…


https://www.youtube.com/watch?v=FRGdEBBKA-M


Lorsque le petit objet arriva à moi, je fus incapable de verser une seule larme de plus…Ou plutôt, j’en versais mais ma rage avait décuplé mes pouvoirs à un point tel que tout s’évaporait autour de moi et même le sol commençait à fondre sous mes mains.

Oui…Je bouillonnais de l’intérieur au sens propre. Tout mon corps avait pris feu. Ma respiration était saccadée. Mon cœur me battait à tout rompre. Mes muscles étaient tendus à leur maximum. Mes sens étaient décuplés.

-Ce monde…Ce monde n’aurait pas dû…Ce monde n’aurait pas dû exister…Articulai-je en me retenant de hurler.

-Io…Iori ; bégaya Akane derrière moi en reculant prudemment.

Dans ma folie grandissante, je me mis à rire. D’abord timidement. Puis de plus en plus fort. Jusqu’à être saisie d’un fou rire incontrôlable.

L’homme de lumière tourna la tête vers moi en fronçant les sourcils et cela suffit à libérer toute la fureur et la rage que je contenais en moi d’un seul coup. Du sol jaillit une immense colonne de lave qui avala d’un seul coup l’homme sans qu’il n’ait eu le temps de se protéger ou de s’enfuir.

Lentement, je me relevai en prenant dans ma main le petit pendentif et je me tournai vers Akane

-Iori…Que…que vient-il de se passer ? Ne me dis pas que Miyako et les autres…

Je me contentai de hocher la tête et la jeune fille s’écroula au sol, livide, le regard vide, détruite de l’intérieur tout comme je l’étais.

-Non…Non…Ce n’était…Pas ce que je souhaitais…Murmura-t-elle d’une voix déformée par le chagrin.

-Tu avais raison Akane. Ce monde…n’as pas d’avenir…autre que la destruction. Mais soit. Si tel est le destin de ce monde, je l’endosserai.

Je serrai le médaillon dans ma main si fort que je l’entendis craquer. Jamais je n’aurais pensé en arriver là…Mais il n’y avait pas d’autre moyen.

Je mis un genou à terre ma main vers mon amie pour l’aider à se relever.

-Akane…J’ai une faveur à te demander…

-Une…faveur ? Répétai la rouquine d’une voix éteinte.

-Serais-tu prête à m’accompagner où que j’aille ?

-Où…Que tu ailles ? Nous n’avons plus nulle part où aller Iori…Tout est fini…Nous ne pouvons pas lutter…pas maintenant que nous sommes seules…

-Non…Il y a encore un endroit où nous pouvons nous rendre. Un endroit où nous pouvons effacer les erreurs. Un endroit ou le retour en arrière est possible. Un endroit où nous pourrons enfin trouver la paix.

-Trouver…La paix ? Ce concept…N’existe pas en ce monde…

-En effet. Ce concept n’existe plus. Et ce concept n’existera plus jamais. Mais il a existé. Il y a longtemps. Bien avant nos naissances.

Je marquai un temps d’arrêt. Je savais que ce que j’allais dire était sans retour en arrière possible…Mais je n’avais pas le choix. Plus rien ne nous attendait au bout de ce chemin, à part le désespoir et la folie.

-Akane ; déclarai-je solennellement. Je vais modifier le passé…Et détruire une bonne fois pour toute ce monde qui n’aurait jamais dû voir le jour. Je t’en fais le serment.




Iori : Un monde sans avenir



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=XzDzY3Du5No


Akane me dévisagea plusieurs secondes puis son visage apeuré et déformé par la tristesse se fendit d’un rictus tout aussi mauvais que le mien. La rouquine s’essuya le visage d’un revers de la manche puis effaça en même temps toute sa tristesse pour ne laisser qu’une expression froide et remplie de haine à l’état pur. Je pouvais voir dans ses yeux la flamme de la vengeance brûler plus ardemment qu’après n’importe quelle bataille à laquelle nous avions participée.

-Non Iori…Tu ne vas pas détruire ce monde…

Arrêtant de trembler d’un seul coup, mon amie attrapa fermement ma main et nous nous relevâmes toutes les deux.

-Je me chargerai de cette tâche personnellement.

-Tu es bien consciente de ce que cela signifie, Akane ? Repris-je d’une voix toujours glaciale.

-Je suis surtout consciente de la situation actuelle ; me rétorqua-t-elle en fronçant les sourcils. Alors qu’importent nos actes, ce monde a déjà atteint le fond.

Je souris à ma nouvelle partenaire. Mais pas comme une amie heureuse de ne pas être seule. Non. Comme une criminelle ayant trouvé une partenaire dans le crime.

Je repris alors d’une voix plus faible, comme me parlant à moi-même.

-Si nous modifions le passé, tout ce que nous avons connu jusqu’ici va disparaitre. Personne ne va souffrir, personne n’aura à souffrir, personne ne se souviendra, et tout le monde sera plus heureux. Nous serons les deux seules à disparaitre.

-Dis comme cela, ta vision des choses ressemblerait presque à une utopie ma pauvre Iori. Je ne pense pas que les choses soient aussi simples malheureusement.

-Que veux-tu dire ? Lui demandai-je, méfiante.

-As-tu la moindre idée de comment t’y prendre déjà ? Si voyager dans le temps était aussi simple, crois-moi que je l’aurais fait depuis longtemps pour fuir ce monde pourri à la racine.

-Il y a bien…un moyen…toussota une voix proche de nous.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Nous nous retournâmes en sursaut en entendant un bruit de gravats provenant des ruines du ministère et pendant un instant, la folie me quitta pour laisser place à l’espoir…

Là, émergeant des gravats et de la poussière, je pus voir Hélios. L’homme était grièvement blessé à l’œil droit et du sang s’écoulait abondamment de sa bouche tandis qu’une poutre de plusieurs tonnes lui transperçait le torse. Heureusement pour lui, son armure lui avait évité bien des blessures supplémentaires.

Nous nous précipitâmes vers lui pour tenter de le dégager des débris et nous l’assîmes contre les restes d’un mur, tout en prenant soin de détruire cette poutre tout en colmatant la plaie comme nous le pouvions. Mais j’avais pansé tellement de blessures pendant la guerre qu’arrêter le saignement ici n’était qu’une formalité.

-Hélios, que s’est-il passé ?! Et où sont les autres ? M’exclamai-je une fois l’état de l’homme stabilité.

-J’ai…J’ai essayé mon enfant…J’ai essayé de tous les sauver en les envoyant…dans le monde des esprits…mais…

-Mais quoi ? S’impatienta Akane en serrant le poing. Pourquoi y-t-il un mais ?! Et pourquoi êtes-vous encore là !

Le roi, malgré son état, ne put s’empêcher de sourire avant de grimacer sous l’effet de la douleur.

-Le monde des esprits…Vous pensiez connaitre…L’enfer…Mais vous n’en avez eu qu’un aperçu…

-Qu’est-ce que cela signifie ? Nos parents sont-ils vivants oui ou non bon sang !

Mon amie attrapa Hélios par le col et le visage de l’ancien tyran se crispa à nouveau. Je lui fis signe de le relâcher, ce qu’elle fit à contrecœur.

-Je l’ignore mes enfants…Je l’ignore…


https://www.youtube.com/watch?v=4Dy_EsPsOoM


Au loin, j’entendis le bruit d’une explosion, immédiatement suivi de celui de la sirène d’alarme de la ville, une sirène que nous entendions quasiment chaque jour pendant la guerre et que j’avais espéré ne plus jamais entendre de ma vie.

Dans le ciel sombre, une immense colonne de flammes et de fumée noire s’éleva tandis que des éclats lumineux jaillirent un peu partout, provoquant panique et désarroi chez tous les habitants.

Je serrai le pendentif dans ma main à nouveau. Tout cela…cette souffrance…cette terreur…cette agonie…Oui…Tout cela serait bientôt terminé.

-Hélios…vous avez dit qu’il existe un moyen de remonter le temps…Quel est-il ? Repris-je sans cesser de fixer les flammes qui ravageaient la ville.

-A Neo Domino City…le réacteur EnerD…Il devrait encore fonctionner…Si vous l’utilisez pour vous rendre dans le monde des esprits…Allez à la rencontre d’Armageddon aux Time Gates…Et emparez-vous de son pouvoir…

-Arma…Geddon ? Répéta Akane, sceptique.

-Oui…Le but de Gariatron était de vaincre Armageddon…et il a atteint son objectif…Cependant, Iori l’a vaincu avant qu’il ne récupère son pouvoir…Je vous aurais bien transportées moi-même…Mais je ne suis plus en état de le faire…

-Très bien, nous nous rendons là-bas sur le champ Hélios.

Alors que je me relevai et commençai à faire demi-tour, Akane m’attrapa par le bras et me lança un regard sévère.

-Attends. Tu n’as pas écouté ? Hélios vient de dire que nos parents se trouvent dans le monde des esprits et qu’ils n’ont peut-être même pas survécu ; me lança-t-elle d’un ton tranchant.

-Et alors ? Tout ce qui arrive maintenant n’est plus de notre ressors. Je me suis promis de changer l’histoire. Si tu t’inquiètes pour eux, va les sauver mais moi, je continuerai ma route quoiqu’il arrive.

-Ce n’est pas de ça que je veux te parler ; râla la rouquine, agacée. Tu crois réellement tenir ne serait-ce qu’une seconde dans un endroit où mêmes pour Miyako ou Laura, les chances de survie sont infimes ?

-Et que veux-tu faire d’autre, Akane ? Répliquai-je en me dégageant d’un coup sec. Nous n’avons plus le temps, nous devons agir avant que nous ne soyons à nouveau prises au piège et…

La rouquine fit à ce moment là un geste auquel je ne m’attendais pas le moins du monde. D’un air déterminé, elle s’approcha de moi…et me donna une puissante gifle sur la joue gauche qui me fit tomber à la renverse, totalement confuse.

-Iori, pour l’amour du ciel, ne te laisse pas guider par tes émotions impulsives et réfléchis avec ta tête ! S’écria mon amie. Si nous ne faisons ne serait-ce qu’un seul faux pas, il n’y aura aucun retour en arrière possible, ni maintenant ni jamais et ce monde…Nous serons condamnées à souffrir pour l’éternité, est-ce vraiment cela que tu veux ?! Tu m’as donné un espoir de tout effacer, y compris ma naissance dans cet enfer, ne gâche pas tout sur un coup de tête !

-Mais Akane, nous…

-Laisse-moi m’occuper de ça, tu veux ? Premièrement Hélios, a qui avons-nous à faire exactement ? Pourquoi s’en prend-t-il à nous ? Et qu’aviez-vous décidé pour vaincre cet ennemi ?

-Je ne connais pas ses motivations exacte…Mais je peux vous dire son nom : Amon. De mon temps, il était prêtre du temple de Ladd mais s’est réfugié dans un autre monde peu de temps après ma chute…Il a déjà mis à genou ce même monde et a conquis entièrement celui des esprits. Avec Miyako, nous en étions venus à cette conclusion : nous ne pouvons pas le vaincre…excepté en détruisant le monde des esprits qui est la source de son pouvoir…

-Je vois…Vous aviez donc déjà prévu d’envoyer nos parents là-bas, n’est-ce pas ? Reprit Akane, pensive.

-Exactement. Mais ce plan…n’avait aucune chance de fonctionner et nous le savions tous. C’est pourquoi la survie de vos parents et des dirigeants de ce monde…est plus qu’incertaine à l’heure actuelle.

Akane croisa les bras sur sa poitrine et commença à faire les cents pas pour réfléchir. A ce moment-là, je crus voir dans mon amie l’ombre de sa mère. Elle aussi avait le même tic durant la guerre lors des missions périlleuses. Mais, contrairement aux autres fois où je lui fis remarquer, la rouquine se contenta de hausser les épaules sans mêmes démentir avant de repartir dans ses réflexions.

Finalement, après plusieurs minutes de réflexion intensive au milieu des flammes et des sirènes d’alarmes, Akane s’arrêta et sortit son téléphone de sa poche. Elle écrit simplement quelques mots dessus avant de se tourner vers moi qui étais toujours sous le choc de sa gifle.

-Je n’aime vraiment pas avoir besoin de recourir à ces bouffons mais je n’ai pas le choix.

-Tu parles comme cette chère Miyako…Sourit légèrement Hélios.

-Vous, La ferme ou je vous renvoie dans le coma immédiatement.

Quelques secondes à peine après le coup de fil donné par la fille de la présidente, un bruit de moteur se fit entendre au loin et je vis un gigantesque hélicoptère décoller depuis l’ancien siège de la résistance situé à quelques centaines de mètres de là et se rapprocher de nous à vive allure.

L’appareil s’arrêta juste au-dessus de nous et déploya une longue échelle tandis qu’un homme aux cheveux rouges en bataille nous faisait signe de monter.

-Hélios, est-ce qu’il vous reste encore un peu d’énergie ? Demanda mon amie en s’accrochant au premier barreau.

Pour toute réponse, l’homme se releva en chancelant mais réussit néanmoins à rester debout. Akane se contenta de hocher la tête et nous embarquâmes tous les trois à bord de l’engin.

Je ne fus qu’à moitié surprise lorsque je reconnus le pilote, qui n’était autre que Kosta, dit le grec, assisté de tous les membres d’UWS. Ceux-ci, d’habitude si désinvoltes, affichaient des mines sombres et préoccupées.

-Ohoh, alors présidente par intérim, quelle est notre destination cette fois-ci ?

-Cap sur Néo Domino City.

Le grec haussa légèrement les sourcils, surpris par cet ordre.

-Tu comptes abandonner la ville dans cet état ? Demanda le pilote, sceptique. Voila qui n’est pas très courageux de la part de la fille de la présidente…

-Je n’ai que faire de ton avis Kosta, alors fais ce que je te demande ou je te jette par-dessus bord pour que tu puisses sauver toi-même la ville ! Répliqua violemment Akane.

-J’allais continuer en te disant que c’est une décision censée mais je vais m’abstenir je pense ; termina l’homme en haussant les épaules.

Toute cette histoire avait vraiment l’air de pousser Akane à bout mais malheureusement, je n’avais pas l’esprit bien disposé à la calmer cette fois-ci. J’étais bien trop préoccupée par la suite des événements. Mon amie, même si je n’aimais pas l’admettre, avait raison sur un point : je n’avais pas le droit à l’erreur.

Mes réflexes d’ex générale reprirent naturellement le dessus et je ne pus m’empêcher à Hélios de me décrire précisément le terrain afin d’élaborer une stratégie. Malheureusement pour moi, l’homme ne me donna que des détails flous, et les seuls informations précises qu’il me procura m’étaient incompréhensibles comme je n’avais jamais mis les pieds dans le monde des esprits…

Cependant, je fus tirée de mes réflexions lorsque Kosta arrêta brutalement l’appareil et je faillis tomber.

-Que passe-t-il encore ?

-Générale Iori, Akane, nous avons un problème de taille je crois…


https://www.youtube.com/watch?v=H5MuriyVJ-4


Pensant qu’il s’agissait encore d’une mauvaise blague de sa part, je passai la tête par la fenêtre de l’hélicoptère sans grande conviction, c’est pourquoi je n’en fus que plus interdite.

Devant nous, lévitant dans les airs à notre hauteur, se tenait l’homme de lumière qui avait rasé entièrement le ministère.

Immédiatement, ma rage qui avait commencé à s’apaiser reprit le dessus sur ma raison. Me saisissant d’un couteau, je le projetai de toutes mes forces vers cet être que je détestai du plus profond de mon âme.

Mais l’objet traversa simplement son corps en le déformant légèrement, comme s’il ne s’agissait que d’un mirage.

Je ne me laissai pas démonter pour si peu et je rassemblai mon énergie pour projeter un puissant rayon lumineux. L’homme, n’essaya même pas d’esquiver et reçut l’attaque de plein fouet sans broncher.

Cette fois, je reculai prudemment, commençant à trembler légèrement. Même les plus puissants sbires de Gariatron ne résistaient pas longtemps à mes attaques…Alors comment cet homme pouvait-il encore être en vie…

Une main me tira vers en arrière et avant que je n’aie réalisé ce qu’il se passait, l’Hélicoptère de combat vira à 360 pour esquiver un jet de lumière identique au mien, projeté par l’homme…

-C’est inutile…Iori…Murmura Hélios, toujours très faible. Tu ne peux pas vaincre…Amon alors qu’il a absorbé entièrement le pouvoir du monde des esprits…

-Nous ne pouvons pas rester simplement devant lui à attendre qu’il nous tue ! Rétorquai-je. Nous devons nous rendre à Neo Domino City au plus vite !

Sans dire un mot, le grec se leva alors de son siège, confiant le manche de l’appareil à Akane qui était trop choquée pour réagir. Il fut rapidement suivi de tous ses camarades et ceux-ci se postèrent devant la porte de l’Hélicoptère.


https://youtu.be/V4GQLAfThMo?t=4


-Allons bon…Je vois que telle mère, telle fille, nous allons encore devoir vous sauver la mise ; soupira le grec.

-Finalement, c’est l’heure de gloire de Sunbird, j’attendais ce moment depuis si longtemps, Ohoh ! S’exclama Marcelo, les yeux brulant de détermination.

-A nous de jouer les gars, on va montrer à ce gus qui a du skill et qui n’en a pas ! ricana Alan en croisant les bras derrière sa nuque.

-Attendez…Qu’est-ce que vous comptez faire bande de clowns ?! S’écria Akane, affolée. Vous n’avez pas entendu Hélios, vous…

-Tu te calmes ; l’interrompit Hoshi. On ne fait que suivre les ordres de la présidente alors si tu n’es pas contente, va te plaindre à elle.

-Les ordres…De Miyako ?

Les UWS ne lui répondirent pas et se contentèrent de sauter de l’appareil en vol à l’exception de Kosta. Un torrent de flammes me brûla le visage tandis que tout autour de l’hélicoptère apparurent trois oiseaux rouges hideux qui poussèrent un cri strident en cœur avant de passer à l’attaque.

Au fond de moi, je savais que ce combat était désespéré. Et Akane en était tout aussi consciente que moi. Leur tactique n’était destinée qu’à nous faire gagner du temps pour nous permettre de nous enfuir…Mais la rouquine ne bougeait pas d’un cheveu. Ses mains serraient fort le manche et elle serrait les dents, mais était incapable de faire le moindre mouvement. Et pendant ce temps, les trois oiseaux harcelaient l’homme de lumière pour l’empêcher de nous attaquer.

-Akane, Tu dois…

-Je sais ce que je dois faire Iori, pas la peine de me le rappeler ! Me coupa-t-elle d’une voix chargée en émotion. Abandonner les UWS derrière nous…Les laisser affronter la menace à ma place…Sacrifier ceux qui m’ont tout appris pour sauver ce monde…Tu crois vraiment que je peux faire cela sans réfléchir !

Pour la première fois depuis la guerre, je vis des larmes couler le long du visage d’ordinaire froid et impénétrable de ma meilleure amie. Elle ne l’avait jamais remarqué elle-même…mais d’un point de vu extérieur, les UWS faisaient partie de sa famille, au même titre que Laura faisait partie de la mienne. C’est pourquoi, je comprenais parfaitement…Que le choix que je lui demandais de faire…était impossible pour elle.


https://www.youtube.com/watch?v=j0KnBHHOJ0k


Ce ne fut qu’au bout de plusieurs minutes de combat, alors que les UWS étaient en train de perdre du terrain et de s’épuiser que Le grec prit enfin la parole d’une voix grave et remplie de regret.

-Tant que j’y pense…il fallait que je te demande quelque chose.

-Kosta ?…

-Yami Akane. Voudrais-tu enfin pardonner ta mère et admettre qu’elle fait partie de ta famille ?

A ce moment, les yeux de mon amie s’agrandirent et les larmes se remirent à couler de plus belle le long de ses joues.

-Au contraire…c’est vous ma famille…Je veux que vous continuiez à me guider…Je veux que vous m’appreniez à me battre, à ma défendre, je veux connaitre cet esprit d’équipe qui vous lie tous ensemble…je veux que vous me fassiez comprendre…Quel rêve vous a animé…et comment vous avez réussi à comprendre…ma mère…

Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant les paroles d’Akane et Kosta fit de même du coin de la bouche.

-Fort bien.

Le grec sortit un bout de papier froissé de sa poche et le jeta aux pieds d’Akane. Lorsqu’elle le déplia, un dessin lui apparut devant les yeux tandis que je pouvais voir à travers les mots « Club de duel du lycée ». A ce moment-là, la jeune fille ne put se retenir davantage et éclata en sanglots.

-Vis, Akane. Vis pour changer le destin de ce monde et pouvoir dire à ta mère ce que tu n’as jamais osé dire devant elle…Dis-lui…Que tu as été heureuse et fière d’être sa fille.

La rouquine détourna simplement le regard tandis que le grec affichait un grand sourire, lui aussi, le premier depuis que je le connaissais.

-Bien. Allons-y Ugo, Alan, Hoshi !

Kosta sauta de l’appareil en vol et Akane se retourna au dernier moment.

-Kosta !

L’homme, dans un torrent de feu, fit apparaitre également l’oiseau cramoisi pour se joindre à la bataille. Mais, lorsqu’il approcha de ses compagnons, les quatre monstres se mirent à scintiller d’une intense lueur pourpre.

-Au loin se trouve l’espoir. Même lorsque le soleil ne brille pas dans le ciel, il est là et il veille sur nous. C’est ce que tu nous as appris, Miyako. Alors faisons en sorte qu’il brille, perçons les nuages, atteignons le ciel s’il le faut…pour montrer à tous cet espoir qui nous anime ! United We’ll Stand…Forever !

Les quatre oiseaux fusionnèrent en un seul immense phénix de flammes qui rugit longuement dans le ciel. Je pouvais la sentir…la puissance qui émanait de ce monstre…Elle aurait pu presque rivaliser avec celle du démon lui-même ! Mais…Était-ce suffisant ?

Akane, d’un revers du bras, essuya ses larmes et se saisit du manche de l’appareil en poussant un cri de rage, l’air plus déterminée que jamais.

L’hélicoptère se remit en marche et nous contournâmes l’homme de lumière, pris dans un tourbillon de flammes créé par le phénix, incapable de s’en extraire.

Alors que nous avions laissé les combattants loin derrière nous, j’entendis le bruit d’une violente explosion…Un cri de rapace agonisant…Une intense lumière…Et puis plus rien…

-Adieu, UWS…Adieu…ma véritable famille…Et merci pour tout…J’empêcherai ce monde de voir le jour…je vous en fais le serment.


Nous volâmes des heures durant sans faire de nouvelle mauvaise rencontre. Akane avait activé le mode supersonique de l’hélicoptère, ce qui nous permettait d’atteindre Neo Domino city en l’espace de quelques heures à peine.

Nous profitâmes de ce temps pour discuter de la stratégie à adopter une fois arrivés. Mon amie parlait bien plus que d’habitude, exposait également beaucoup de théories alors que pendant la guerre, elle était toujours la dernière à donner son avis. Il ne m’était pas difficile de deviner qu’elle agissait ainsi pour masquer sa peine. Après tout, les UWS étaient ceux qui s’étaient occupés d’elle alors que Miyako était au front avec Hiroki…Et c’était également pour cela que la rouquine en voulait tellement à sa mère depuis toujours. Elle lui reprochait de l’avoir mise au monde si c’était pour la délaisser de la sorte…Mais au fond d’elle, elle admirait réellement le travail que fournissait la présidente et ne désirait que lui ressembler, même si elle faisait exactement le contraire par simple esprit de contradiction et par fierté personnelle.


https://www.youtube.com/watch?v=yVwMTWSItsc


Finalement, après environ cinq heures de vol passés à discuter de nos plans avec Hélios, des formes floues finirent par apparaitre au loin. Akane arrêta alors les moteurs principaux et ralentit notre vitesse de croisière lorsque dans la brume se dessina une immense tour en forme de pointe s’élevant à près de cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer au milieu de building à moitié en ruines et dont seules les structures internes étaient encore visibles.

-Bien, revoyons une dernière fois nos plans avant de nous jeter dans la gueule du loup ; lançai-je en relisant les papiers sur lesquels nous avions marqués toutes nos idées. Notre but premier sera de relancer le réacteur d’EnerD de Neo Domino City, ce qui d’après Hélios, ne devrait pas nous poser de problème.

-Oui, l’EnerD est différent des sources d’énergie classiques, elle est quasiment inépuisable et ne nécessite que très peu de traitement. Tant que le réacteur est en un seul morceau, nous devrions pouvoir le rallumer.

-Très bien. Et donc grâce à cela, vous pourrez nous envoyer directement dans le monde des esprits, au sanctuaire céleste plus précisément ; repris-je. Là, il nous faudra trouver les Time Gates. Cependant, Amon nous en empêchera certainement et nous n’avons apparemment aucune chance face à lui. Il faudra donc être les plus discrets possibles et éviter toute sorte de conflit. Hélios sera notre guide une fois sur place.

-La suite concerne ce que nous allons faire une fois dans le passé lorsque nous serons en possession des pouvoirs d’Armageddon ; continua Akane en se levant pour exposer sa partie. Afin de modifier le passé, nous devrons nous assurer que certains événements ne se produisent pas, tout en n’agissant pas directement sur le présent. Pour cela, nous avons plusieurs possibilités mais nous avons retenu celle-ci : Affaiblir Gariatron indirectement afin que Drago remporte son combat contre lui. Cependant, cela ne sera pas suffisant. Nous devons également nous assurer que Amon n’obtienne jamais les pouvoirs qui font de lui la menace qu’il est actuellement et c’est pourquoi, nous avons besoin de lui couper l’herbe sous le pied.

-Vous aurez donc besoin d’un émissaire dans son monde à lui dans ce cas ; lança Hélios, pensif. Faites très attention à ne pas choisir n’importe qui. Le pouvoir d’Armageddon entre de mauvaises mains est plus destructeur que celui du démon.

-Ne vous en faites pas pour cela, nous saurons trouver la bonne personne je pense ; le rassurai-je en souriant du coin de la bouche.

-Effectivement ; enchaina Akane. Mais tout ceci n’est toujours pas suffisant selon moi. Il nous faut un plan de secours, un moyen de préserver notre monde en cas d’échec de notre part et pour cela, je propose une solution très simple : Trouver un héritier dans le passé, quelqu’un à qui reviendrait spontanément les pouvoirs d’Armageddon si nous sommes vaincus.

-Et tu as déjà une idée là-dessus ?

-Pas encore Iori, mais nous trouverons certainement quelqu’un. Cela peut très bien être ton père, le mien, ou même Nagisa, voire les UWS dans le pire des cas. Nous devons simplement pouvoir lui faire confiance.

-Je vois, cela me semble une sage décision ; dit le roi en hochant la tête. Cependant, à votre place, j’engagerai également un mercenaire.

-Un mercenaire ? Répétai-je, sceptique sur son utilité.

-Oui. Vous ne pourrez pas agir directement sur les événements avec votre pouvoir. Mais n’oubliez pas que vous possédez vos propres pouvoirs également…Y compris le pouvoir de prolonger la vie dans ton cas, Iori.

-De prolonger…la vie ? M’étonnai-je.

-Oui. Dans le monde des esprits, tous les pouvoirs des humains sont amplifiés alors que ceux des esprits sont réduits. Tu possèdes, via ta mère, via Saya, le sang de Luminion. Il te suffit de partager ton propre pouvoir avec quelqu’un peu de temps avant sa mort afin de le maintenir artificiellement en vie. Et grâce à cela, tu pourras altérer le cours du temps au travers de cette personne qui n’aurait pas dû survivre.

-Soit, je le ferai également si cela me permet de préserver le futur que nous créerons.

-Une dernière chose, Iori, Akane…


https://www.youtube.com/watch?v=TWOYFqMvf6A


La mine du roi s’assombrit tout à coup et un frisson me parcourut l’échine. La rouquine n’eut pas l’air plus rassurée que moi à en juger la façon dont elle fronçait les sourcils.

-Vous ne pourrez pas rester ensemble dans votre quête.

-Co…Comment ? M’étranglai-je. Mais pourquoi ?! Nous nous sommes jurées de changer ce monde ensemble et…

-Tu ne m’as pas compris. Vous allez devoir vous séparer les tâches. Si Iori s’occupe de l’exécution du plan en lui-même, il faudra qu’Akane protège ses arrières et s’assure que personne d’autre ne franchisse les Time Gates.

Je serrai les dents. Je n’avais pas prévu d’accomplir cette tâche seule et cela ne me plaisait pas. A vrai dire, je ne me sentais pas à la hauteur. J’avais peur de tout rater et que le monde ne replonge dans le chaos, et par ma faute cette fois-ci…

Je me mis à trembler à cette idée mais Akane resta impassible, ce qui me donna un peu de courage, refusant de paraitre plus faible que ma partenaire.

-Qu’il en soit ainsi. Je protègerai les times Gates. Iori, je sais que tu gardes la mission la plus difficile mais je compte sur toi pour ne pas échouer dans mon dos.

-P…Pour qui me prends-tu…E…Evidemment que je vais réussir ; bégayai-je, prise au dépourvu.

-Heureuse de l’entendre car nous sommes arrivés.


https://www.youtube.com/watch?v=cDQ_7gSnxeo


Je regardai par la fenêtre et effectivement, l’Hélicoptère venait de se poser dans ce qui semblait être une véritable décharge à ciel ouvert. Autour de nous, il n’y avait que des bâtiments en ruines et des rues délabrées parsemées de fissures et de brins d’herbe dépassant des pavés. Au loin, je pouvais entendre quelques bruits de bataille, mais rien d’équivalent avec ce qu’il se passait à Paris lorsque nous l’avions quittée, ce qui me rassura déjà un peu.

-Nous sommes dans la partie oubliée de satellite…Enfin, maintenant toute la ville est dans le même état donc cela ne change pas grand-chose ; déclara Hélios. Le laboratoire n’est pas loin, suivez-moi.

Le roi prit la tête du groupe et nous le suivîmes sans broncher. Nous marchâmes de longues minutes durant dans ce tas de ruines et nous avions beau avancer, rien ne changeait. La ville avait été totalement laissée à l’abandon, et ce, depuis des années à en juger par la poussière et la rouille s’accumulant sur les restes d’immeubles.

Il n’y avait pas non plus âme qui vive. De temps à autre, je voyais quelques affaires personnelles éparpillées ci et là au sol, mais personne pour les récupérer ou même s’en inquiéter, à croire que toute vie avait quitté la ville…

Ce paysage de désolation ne fit que renforcer ma conviction de changer le futur. Nous avions eu de la chance avec Miyako à notre tête…mais je me rendis compte que d’autres avaient souffert bien plus que nous.

Finalement, après de longues minutes de marche, le laboratoire de l’illustre professeur Fudo fut en vue…et en ruines lui aussi. Quasiment toute l’infrastructure avait été rongée par la rouille. Seul le réacteur, visible depuis l’extérieur, semblait avoir tenu le choc bien qu’il fût recouvert de moisissures et de crasse.

Nous étions sur nos gardes. À tout moment, nous nous attendions à voir surgir un sbire d’Amon, ou un quelconque ennemi…Mais rien. Pas même un bruissement de feuille. La vie avait totalement quitté cet endroit, et ce, depuis une éternité.

Lorsque nous arrivâmes au pied du réacteur EnerD, Hélios ne perdit pas une seconde et se précipita pour tenter de le réactiver. Miraculeusement, Akane, réussit à ce que le générateur émette un son avant que son interface de contrôle ne se rallume elle aussi.

-Bingo ; lança-t-elle, fière d’elle.

-J’ignorais que tu étais pirate informatique ; m’étonnai-je, impressionnée.

-Je ne le suis pas. J’ai de la logique, c’est tout, et le professeur Fudo en avait lui aussi apparemment.

Je levai la tête vers le générateur et je vis un anneau d’énergie se mettre à tourner à vive allure tandis que quelques étincelles s’échappaient du container.

-Euh…Est-ce que c’est normal ça ? M’inquiétai-je.

-Evidemment, que la structure soit restée intacte pendant des années aurait été un miracle. Cela signifie que nous n’avons pas beaucoup de temps. Hélios, engagez la procédure de transfert.

Le roi se contenta de fermer les yeux et sortit une carte de sa poche puis s’avança vers le réacteur. A peine l’eut-il touché que son armure s’illumina, les éclairs convergèrent tous vers lui, sa cape se mit à flotter dans les airs et ses bandages tombèrent, laissant apparaitre un torse entièrement cicatrisé.

-L’heure est venue, Iori, Akane. Vous allez enfin pouvoir réparer tout le mal que j’ai causé. J’ai confiance en vous, vous êtes capables d’accomplir des miracles comme défaire le démon…Vous ne pouvez que réussir une fois de plus.

-Nous ne faisons pas cela pour que vous ayez l’esprit libéré Hélios, nous faisons cela pour ce monde. Par nos actions, nous nous détruirons…mais nous créerons également un monde dans lequel nous pourrons vivre heureux tous ensemble…y compris vous.

Hélios ne me répondit pas et se contenta de sourire en fermant les yeux.


https://www.youtube.com/watch?v=LTW5mT8XrP4


Derrière l’homme, l’espace commença à se distordre, d’abord de manière périodique et instable, puis de plus en plus longtemps, jusqu’à ce qu’une brèche de taille humaine s’ouvre, une brèche donnant directement sur un monde sombre, froid et inhospitalier…

Alors que je m’avançai d’un pas déterminé vers le portail, Akane me retint par le bras.

-Attends Iori, es-tu certaine de vouloir faire ça ?

-Qu’est-ce qui te prend Akane ? Tu hésites au dernier moment après tout ce que nous avons fait pour en arriver là ?

-Réponds simplement à ma question Iori : Es-tu prête à ne plus jamais pouvoir revenir, à dire adieu à tout ce que tu connais, y compris à ton père ou Laura ?

Je ne réfléchis pas une seule seconde pour lui donner ma réponse qui me vint spontanément.

-Evidemment…Que non…Je ne suis pas prête…Et je ne le serai jamais…Mais nous devons le faire, Akane. Nous n’avons pas le choix. Tu le dis toi-même. Ce monde n’aurait pas dû exister et il n’a plus aucun avenir. Laura m’a dit un jour de ne pas me laisser aveugler par mes sentiments et d’écouter mon cœur…Et en ce moment, même si je voudrais croire en l’espoir d’un lendemain meilleur…mon cœur est rempli de désillusion et hurle de douleur sous le poids du désespoir.

Ma meilleure amie me lâcha le bruit et me lança l’un de ses plus beau sourire. Le seul véritable qu’elle ne m’ait jamais adressé en y repensant…

-Dans ce cas, nous sommes deux à ne pas être prêtes, Iori. Alors soutenons-nous mutuellement jusqu’à ce que nous disparaissions…ensemble.

Je lui rendis son sourire et je hochai la tête, bien déterminée à ne jamais dévier de mon objectif.

Toutes les deux, nous nous dirigeâmes d’un même pas vers la faille. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, mon sang était en ébullition, ma respiration saccadée et mes mains tremblantes. Mais simplement avoir la présence d’Akane à mes côtés me rassurait. Je n’étais pas seule dans cette folie. Nous partagions ce rêve insensé toutes les deux…Partenaires dans le crime…Sœurs de guerre…Et surtout…Amies jusqu’à la mort.

« Merci Akane…Merci d’être là pour moi…Murmurai-je bien trop bas pour qu’elle l’entende. »


https://www.youtube.com/watch?v=KN8E8LDCppY


Au moment même où nous posâmes un pied à l’intérieur du tunnel menant au monde des esprits, une explosion secoua tout l’espace autour de nous et une épaisse fumée envahit mes poumons.

-Qu’est-ce…Hélios !

Je n’eus pas le temps d’en dire plus qu’une autre explosion ébranla à nouveau le tunnel et je fus projetée en arrière, soufflée comme une vulgaire brindille.

-Que se passe-t-il ! Hélios, qu’est-ce que vous attendez pour venir !

-Iori, ne m’attendez pas et foncez ! Retentit la voix du roi au milieu des explosions.

L’ancien criminel poussa un cri de douleur et je vis la forme du portail vaciller, comme s’il était en train de se refermer.

Un rayon de lumière dissipa la fumée et fusa dans ma direction. Heureusement, Akane eut le temps d’ériger un bouclier absorbant entièrement l’attaque mais ce court laps de temps me permit de voir le visage inhumain d’Amon à l’entrée de la passerelle.

Celui-ci fut repoussé par un jet de flammes dorées et disparut à nouveau de mon champ de vision. Je voulus me jeter dans la bataille pour aider Hélios mais Akane me barra le passage.

-Qu’est-ce que tu fais ! M’écriai-je, interdite. Hélios se bat tout seul contre Amon, nous devons l’aider, il est notre seule chance de survie dans le monde des esprits…et c’est notre partenaire lui aussi !

-Il est surtout notre seule chance de survie ici ! Rétorqua mon amie en m’attrapant par les épaules et me regardant droit dans les yeux d’un regard à la fois déterminé et rempli de tristesse. Si Hélios nous rejoint maintenant, rien n’empêchera Amon de nous poursuivre aussi. Il nous fait gagner du temps mais je doute que même lui ne réussisse à rivaliser, surtout dans son état actuel…Alors s’il te plait, ne gâche pas ses efforts et cours vers l’autre côté ! Si nous y parvenons, tout cela ne sera qu’un rêve pour tous, et pour nous aussi !

-Mais…

-Cours ! M’ordonna-t-elle.

Je poussai un cri de rage et de désespoir avant de m’exécuter. Je fonçai vers la sortie du portail aussi vite que mes jambes me les permettaient, sans me retourner, sans penser à Hélios, sans penser aux conséquences de ne plus avoir de guide…


https://www.youtube.com/watch?v=cDQ_7gSnxeo&


Le portail se referma juste derrière notre passage et nous nous retrouvâmes…Dans le vide…Ou du moins, cela y ressemblait fort. Il n’y avait pas un brin de lumière. L’air était froid. Le ciel noir. Le sol stérile. Tout était silencieux…Un silence de mort.

J’activai mes pouvoirs afin de nous créer une source de lumière et je vis Akane à quelques mètres de moi, sonnée par le trajet.

-T…Tout va bien ? Lui demandai-je, ma voix résonnant à l’infini au milieu du néant.

-Alors c’est ça…le monde des esprits ? Quel étrange endroit…C’est comme si…Toute vie avait quitté ces lieux…

-Précisément.

Je sursautai en entendant cette nouvelle voix dans l’obscurité. Mais au bout de quelques secondes, mon cerveau se souvint de l’avoir déjà entendue un nombre incalculable de fois et je me détendis.

La, dans la pénombre créée par ma torche improvisée, se détacha un visage que j’aurais cru ne jamais revoir. Je ne pus contenir mes larmes de joie et j’éclatai en sanglot tout en me jetant au cou de la nouvelle venue.

-Laura ! Tu es vivante, je suis tellement soulagée…

-Vivante…façon de parler…

Aussitôt, la jeune femme mit un genou à terre en grimaçant. Je vis une longue trainée de sang s’écouler sur le sol et c’est la que je vis une énorme plaie au niveau de son épaule qui saignait abondamment.

-Vous n’auriez…Pas du venir au milieu de cet enfer…



Iori : Un monde détruit



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=Y8sQu1N406c


Sur le moment, je ne compris pas ce que Laura voulait dire. Elle avait beau être blessée, tout semblait calme dans ce monde…beaucoup trop calme…

Soudain, une détonation retentit au loin et instinctivement, Akane érigea un bouclier de lumière tout autour de nous.

Un instant plus tard, je tombai à la renverse, la remerciant du fond du cœur pour sa réactivité en voyant une rafale de flammes s’écraser contre la paroi. Sans elle, je serais certainement morte moins d’une minute après mon arrivée…

Cependant, alors que mon amie pensait que ce n’était qu’une attaque isolée, Laura reprit la parole, essoufflée.

-Attends…Ce n’est pas…Terminé…

Et elle avait raison. Ce déluge de flammes n’était même que le début. S’ensuivit une pluie de projectiles d’énergie, comme des milliers de bombes qui rebondirent toutes sur notre protection avant d’exploser dans un grondement sourd au loin.

Je ne comprenais pas réellement ce qu’il se passait mais je voyais que la rouquine s’épuisait à maintenir en continu notre bouclier et que ce dernier commençait à se fissurer sous les assauts.

-Akane, à mon signal, ouvre la barrière ; déclarai-je gravement.

-Attends Iori…Commença Laura avant d’être incapable de continuer sur l’effet de la douleur.

Mon amie, sachant pertinemment ce que j’avais en tête, acquiesça sans broncher ni poser de question. J’attendis ainsi une accalmie dans la pluie de bombe, même une seconde était suffisante.

Ce ne fut qu’après cinq minutes d’attaque non-stop que je vis enfin un relâchement dans les attaques ennemies et je m’engouffrai immédiatement dans cette ouverture.

-Maintenant !

La rouquine désactiva ses pouvoirs et tomba à terre, le souffle court et le visage couvert de sueur tandis que je posai ma main sur le sol et concentrai toute mon énergie dans cette attaque.

-Magma Storm !

Des entrailles de la terre jaillirent des colonnes de flammes qui illuminèrent un court instant ce monde d’obscurité. La lave se répandit tout autour de moi de manière circulaire, détruisant tout ce qu’elle trouvait sur son passage.

Des cris d’agonie parvinrent jusqu’à mes oreilles puis les attaques cessèrent et tout redevint calme et noir.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


-Qu’est-ce que c’était que ça Laura ? Où sont les autres ? Que se passe-t-il ici bon sang ?! M’exclamai-je aussitôt les ennemis invisibles vaincus.

-Je ne sais pas…Hélios nous a transportés dans ce monde juste avant que l’explosion ne nous emporte et nous avons été séparés lorsque ces…choses nous ont attaqués par surprise…

-Ces…Choses ? Reprit Akane en fronçant les sourcils. Tu veux dire que tu ne sais même pas contre quoi nous nous battons ?

-Je n’en ai pas la moindre idée ; soupira ma mère adoptive. Tout ce que je sais, c’est que les vagues n’en finissent pas. J’ai eu beau les éliminer, il en est toujours revenu…

-Alors c’était de ça qu’Hélios nous parlait…Murmurai-je en croisant les bras sur ma poitrine, pensive.

-Iori, Akane…Qu’êtes-vous venues faire ici ? Et qui protège notre monde en ce moment si vous être dans le monde des esprits ? Ne me dites quand même pas que vous avez confié cette tâche aux UWS !

Mon regard croisa celui de la rouquine qui s’assombrit aussitôt lorsque Laura prononça le nom de la défunte équipe. Mais à ce moment-là, je savais que nous nous posions la même question : pouvions-nous parler de nos plans à Laura ? Je lui accordai évidemment une confiance absolue mais j’avais peur qu’elle ne comprenne pas le véritable but de notre objectif et qu’elle essaie de nous en dissuader…

Cependant, Akane serra le poing et détourna le regard, comme ayant lu dans mes pensées.

-Au point où nous en sommes…Grommela-t-elle.

J’hochai la tête. Je me tournai alors vers Laura d’un air le plus déterminé et confiant possible afin de lui avouer la vérité.

-Laura ; déclarai-je gravement. Si nous sommes ici…C’est parce que nous allons détruire notre monde.

Ma mère adoptive écarquilla les yeux, interdite. Je vis sa bouche s’ouvrir et se refermer sans qu’aucun son n’en sorte tant elle était choquée par mes mots.

Je me mis alors à lui parler de nos plans, ce que nous comptions faire pour changer ce monde et à quelles conclusions nous étions arrivés avec Hélios.

Laura écouta mes paroles sans dire un mot ni sans exprimer la moindre émotion tandis que je lui racontais tout sans omettre le moindre détail.

Lorsque j’eus terminé, un court silence s’installa au milieu de la nuit, silence pendant lequel je pouvais lire toute la confusion de mon interlocutrice dans ses yeux avant qu’elle ne reprenne la parole d’une voix presque éteinte.

-Iori…Es-tu consciente de ce que cela signifiera pour toi ? Me demanda-t-elle avec compassion.

-Oui, et Akane aussi. Mais nous n’y arriverons pas seules. Nous avions prévu de nous rendre aux Time Gates grâce à l’aide d’Hélios mais nous allons devoir nous débrouillez sans lui. Alors réponds moi honnêtement : Désires-tu détruire ce monde et en bâtir un nouveau…ou essayer de sauver ce qui ne peut plus l’être ?

Alors que je pensais que la meilleure amie de mon père allait tenter de me raisonner, elle se contenta de fermer les yeux et de sourire tristement.

-C’est amusant…Que vous soyez arrivées à la même conclusion que moi…


https://www.youtube.com/watch?v=ihtdBH0kSxc


Ce fut à mon tour d’écarquiller les yeux de surprise et même Akane haussa légèrement les sourcils. Laura reprit d’une voix plus assurée mais toujours teintée de cette tristesse remplie de regrets.

-J’avais proposé cette option en cas d’échec. Evidemment, beaucoup s’y sont opposés, Miyako la première et je ne lui en veux pas. Après tout, il est de son devoir de faire tout son possible pour protéger ce monde et le contraire serait indigne de son statut…Mais malheureusement, je crois que nous sommes arrivés au point de non-retour…et tout cela par ma faute.

Ma mère adoptive serra fort sa poitrine au niveau du cœur, comme si elle essayait de l’arracher.

-Oui…Si je n’avais pas rejoint mon père…Si je n’avais pas accepté la malédiction de Gariatron…Si je ne m’étais pas laissée emporter par mes sentiments…Si j’étais morte pendant mon périple…Tout cela ne serait jamais arrivé !

-Laura…Murmurai-je, comprenant la détresse et le fardeau que la jeune femme portait en elle depuis des années.

-J’ai essayé…J’ai essayé de me raccrocher à cet espoir qu’était le monde libéré de Gariatron et aux encouragements de tout le monde…je voulais croire que tout le monde pourrait vivre heureux malgré mes erreurs…Mais c’en est trop. Alors, pour le bien de tous, j’ai décidé de libérer le monde de ce fardeau et d’effacer mon existence de l’histoire. Ainsi, sans mon soutien, jamais mon père n’aurait libéré le démon et l’humanité aurait pu affronter cet homme, Amon, avant qu’il ne s’empare du pouvoir ultime…

Laura plongea son regard dans le mien et je pus y lire la même détermination ardente que celle qui brûlait dans les yeux d’Akane.

-Iori, je vous accompagne. Je détruirai ce monde avec vous et je construirai un monde ou Darksky et Saya pourront sourire…un monde où ils pourront vivre sans se soucier du lendemain…un monde sans moi.

-Nous n’avons pas besoin d’en arriver là tu sais…Lui lançai-je, gênée.

-J’aimerais ne pas avoir besoin d’en arriver là non plus mais disons que cela sera votre plan B ; me répondit la brune avec un sourire forcé.

-Nous n’avons pas besoin de plan B ; grogna alors Akane sans même nous regarder. D’autant plus que ce que tu avances n’a aucun sens. Te tuer pour arrêter Gariatron ? Désolée mais ça ne sera pas aussi simple. Qui sait quelles conséquences cela pourrait engendrer. Nous devons nous en tenir à notre plan de base et ne jamais perdre de vue que notre but n’est pas d’empêcher Gariatron de remporter une victoire…mais d’empêcher ce monde de souffrance de voir le jour.

-Je vois…Dans ce cas, faisons comme vous dites mais si cela ne nous mène nulle part, je n’hésiterai pas à agir seule.

-Bien compris ; déclarai-je.

-Sur ces sages paroles, suivez-moi, je vais vous conduire aux time Gates.


https://www.youtube.com/watch?v=_K2H9Hp7BNA


Laura se remit en mouvement et nous la suivîmes sans broncher. J’ignorai comment la jeune femme faisait pour se repérer dans l’obscurité totale mais elle semblait savoir parfaitement où elle allait. C’est ainsi que nous entamâmes une longue ascension. Au cours de notre marche, nous croisâmes de nombreux esprits de duels nous barrant le chemin mais à nous trois, il nous fut aisé de nous frayer un chemin, même au milieu de hordes désordonnées.

Selon notre ainée, tous les esprits que nous rencontrions n’étaient pas nécessairement mauvais mais l’ombre perpétuelle entourant ce monde depuis des années les avait rendus agressifs et craintifs. J’eus la confirmation de ses dires lorsque nous fûmes obligées de nous débarrasser à contrecœur d’un Kuriboh ailé, monstre d’ordinaire calme et amical…

Au cours de notre périple, nous nous arrêtâmes plusieurs fois pour reprendre des forces, mais jamais plus de quelques heures. En effet, j’ignorais comment mais Amon nous avait rattrapées et nous poursuivait à présent. Nous n’avions heureusement pas eu d’affrontement direct avec lui mais je pouvais sentir son aura toute proche de nous et je pouvais entendre les cris d’agonie des pauvres esprits de duel qui avaient le malheur de croiser son chemin…

Finalement, après plusieurs heures de marche, nous finîmes par voir une faible lueur au loin et nous nous arrêtâmes quelques instants avant de continuer plus loin.


https://www.youtube.com/watch?v=g1_qMlZaJ6U


-Nous ne sommes plus très loin ; déclara Laura en s’asseyant sur un rocher.

-Est-ce que cette lumière là-bas serait…

-Tout à faire Iori. Il s’agit bien de la Time Gate de cette région. Cependant, il nous manque encore un élément avant de pouvoir les franchir.

-Un élément ? Répéta Akane, sceptique.

Au même moment, j’entendis des bruits de pas tout proche de nous et je sursautai, prête à en découdre. Mais Laura ne bougea pas d’un pouce et se contenta de sourire.

-Je vois que nous sommes arrivées avant toi ; déclara-t-elle d’une voix amusée. Tu t’es perdu en chemin, Satoshi ?

C’est alors que dans la faible lumière de ma flamme apparut le visage froid de l’homme ayant mené la résistance à Satellite…C’était étrange…Mais je ne pouvais rien discerner chez lui, ni joie, ni peine, ni espoir, ni rage, ni colère. Ses yeux étaient comme faits de glace, ne reflétant aucune émotion.

L’homme tenait dan sa main une minuscule sphère lumineuse et sombre, comme une perle noire débordant d’énergie à tel point que de minuscules éclairs en jaillissaient et déchiraient les gants de l’homme.

-Nous sommes tombés sur Amon en chemin ; répondit-il d’une voix neutre. Serena a fait diversion le temps que je puisse te rapporter ça.

A ce moment-là, les yeux de Satoshi se mirent à flamber d’une lueur nouvelle tandis qu’il reprit la parole d’une voix bien plus menaçante.

-Tu as intérêt à m’avoir dit la vérité, Laura ; siffla-t-il. Si Serena s’est sacrifiée en vain, je te jure que je ne te donne pas plus de trois secondes plus regretter à jamais d’être un jour venue au monde.

D’un air confiant, Laura se releva et se saisit du petit objet entre son pouce et son index.

-Ne t’inquiète pas Satoshi. Bientôt, tout sera terminé et tout ceci ne sera plus qu’un rêve pour toi, et pour tous ceux qui ont péri.

L’homme se contenta de fermer les yeux puis ma mère adoptive me jeta la petite sphère sombre et je l’attrapai maladroitement. A peine l’eussé-je prise dans mes mains qu’une décharge d’énergie me parcourut le corps.


https://www.youtube.com/watch?v=vlOsP4N8iso


Aussitôt, une marque turquoise scintilla sur mon torse sous les regards interdits d’Akane et de Laura. Mais alors que je pensais que rien de plus n’allait se produire, la sphère se mit à luire d’une lueur plus intense et elle me rentra entièrement dans la peau.

A ce moment-là, tout mon corps se mit à brûler de l’intérieur et je hurlai de douleur. Mon sang était en ébullition, mes muscles étaient tendus à leur maximum, mon cœur battait à tout rompre et ma tête me faisait souffrir le martyr.

Je fermai les yeux et tombai à genoux, incapable de tenir plus longtemps. Akane tenta de m’aider mais lorsqu’elle posa sa main sur moi, un éclair jaillit de mon corps et la repoussa violemment en arrière. Ma mère adoptive tenta de faire de même mais subit le même sort que la rouquine.

Je n’en pouvais plus…Que m’arrivait-il ?… C’était comme si tous mes os allaient se briser d’un seul coup et pourtant plus le temps passait et plus je sentais une énergie indescriptible m’envahir et prendre possession de moi.

C’est alors qu’au bord de la folie, deux yeux rouge sang apparurent dans mon esprit puis une voix grave résonna dans ma tête…Non…Il ne s’agissait pas d’une voix mais de milliers de voix différentes parlant en même temps…

-Nous l’avons trouvé…Voila enfin un être digne…de posséder notre pouvoir…Le pouvoir de créer le destin…Le pouvoir de changer le monde…

La douleur s’intensifia et je poussai un nouveau hurlement de douleur puis tout s’arrêta, tout disparut, tout redevint noir. Je perdis connaissance.


https://www.youtube.com/watch?v=eIqxHpK97m4


Lorsque je rouvris les yeux, je me trouvais non plus dans le monde sombre et inhospitalier qu’était celui des esprit…mais dans une immense prairie s’étendant à perte de vue. Le ciel était bleu et quelques nuages dérivaient lentement au grès de la brise dans cet océan calme et silencieux.

Je regardais tout autour de moi mais je ne vis rien d’autre que de l’herbe…de l’herbe…et encore de l’herbe.

-Ou…suis-je…Murmurai-je.

Un puissant coup de vent souffla sur la plaine et au sol, je vis une ombre apparaitre provenant de derrière moi.

Je me retournai et écarquillai les yeux. Quelqu’un se tenait debout au milieu de la prairie infinie, une jeune femme rousse âgée d’une vingtaine d’année portant une longue robe beige flottant lentement en suivant le rythme de la brise. Son visage était doux et rond, presque enfantin et ses yeux reflétaient une douceur et une sagesse infinie.

Mon regard s’arrêta d’ailleurs sur ses yeux lorsque je remarquai quelque chose d’anormal en eux…En me concentrant, je réussis finalement à discerner comme une marque dans ses iris marrons, comme deux aiguilles courbées d’une pendule entourant ses pupilles…

-Bienvenue, Yuiko Iori ; déclara-t-elle d’une voix claire. Mon nom est Alice, Alice Blake. Mais je suis surtout connue comme étant Armageddon.

-Ar…mageddon ?! M’étranglai-je en tombant à la renverse, les yeux ronds.

La jeune femme émit un petit rire amusé.

-Je me souviens avoir eu exactement la même réaction à l’époque ; rit-elle légèrement.

-Co…Comment cela « à l’époque » ? Bégayai-je.

-Vois-tu, le pouvoir d’Armageddon est un pouvoir qui se transmet depuis des générations. J’en ai hérité moi-même il y a une vingtaine d’années, juste après que le démon a conquis notre monde. A l’époque, je n’étais qu’une chercheuse passionnée de mythes et de civilisations anciennes et c’est ainsi que j’ai croisé la route de Drago aux lignes de Nazca. Malheureusement pour moi, j’ai été prise dans assauts des esprits de la terre. Par un miracle, je n’ai pas été tuée mais envoyée dans le monde des esprits par le dragon cramoisi. Et c’est là que, tout comme toi aujourd’hui, mon prédécesseur sur le point de s’éteindre m’a remis les pouvoirs d’Armageddon.

-Je ne comprends pas…Pourquoi m’avoir choisie moi ?

La jeune fille posa un doigt sur sa bouche et croisa les jambes en prenant un air confus.

-Peut-être…parce que tu le désirais réellement ? Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour me familiariser avec les règles, mais j’ai senti en toi cette volonté de changer les choses, de rétablir un ordre qui n’aurait jamais dû être perturbé, de faire tout ce qui était en ton pouvoir pour préserver le futur que tu choisirais…

-Mais…et Laura alors ? Elle aussi désire plus que tout changer le monde, alors pourquoi…

-Laura ne pourra pas veiller son monde ; me coupa Alice avec un regard désolé. Si sa disparition est la cause du changement, alors elle s’éteindra en même temps que son alter égo du passé.

-Et quelle est la différence avec moi dans ce cas ? Qu’est-ce qui me permettrait de survivre une fois le futur changé ?

Au moment où je prononçai ces mots, la pairie et tout l’espace autour de nous disparu pour faire place à ce qui ressemblait à une immense carte graphique sur laquelle des milliards de lignes droites se croisaient à l’infini.

Alice me désigna alors l’une d’entre elle qui s’arrêtait net au milieu d’une infinité d’autres lignes adjacentes.

-Vois-tu Iori, voici notre monde. Comme tu peux le constater, nous approchons de la fin. Le pouvoir d’Armageddon ne permet pas détruire entièrement notre ligne d’univers…mais simplement de la faire fusionner avec une autre.

Tout en disant cela, je vis la ligne disparaitre et se faire happer par sa voisine qui, elle, continuait à perte de vue.

-Lorsque deux lignes fusionnent de la sorte, les esprits et les souvenirs des gens s’en trouvent altérés. Pour faire simple, si une personne perd la vie dans la ligne Alpha, son âme, elle, se retrouvera envoyée dans un endroit situé hors du temps que certains appellent les plaines d’Asphodèle…A partir de là, deux options s’offriront à elle. Dans le premier cas, elle pourra continuer sa route et gagner le repos qu’elle mérite…Ou bien nous pourrons intervenir, nous, Armageddon, en détruisant la ligne Alpha pour la remplacer par la ligne Béta. Dans ce second cas, cette personne verra ses souvenirs remplacés par ceux de la ligne Béta et se réveillera simplement en ayant fait un long cauchemar. C’est cela que les scientifiques ont appelé le déjà-vu.

-Donc si je comprends bien…si Laura décide de mourir dans le passé…elle superposerait une ligne d’univers dans laquelle elle est morte…ce qui provoquerait sa disparition…Alors que moi, puisque je n’agirai pas directement sur ma naissance…Puisque je ne suis jamais morte, ni jamais née…Je pourrai continuer à exister malgré tout…c’est bien cela ?

Alice hocha la tête en souriant.

-Tu es plus attentive que moi à l’époque, ce qui m’épargnera de me répéter ; me félicita la rousse. En effet, il s’agit…D’un bug informatique pour utiliser un terme de notre époque. Ton esprit ne pouvant être effacé purement et simplement, il continuera à exister, non pas en tant que Yuiko Iori, mais en tant qu’Armageddon, vos deux volontés fusionnées en une seule. Et il en va de même pour ta coéquipière.

Je ne pus m’empêcher de sourire. Nous avions raison. Nous pouvions changer ce futur. Grace à Armageddon, nous n’étions plus qu’à deux doigts d’effacer ce monde qui n’aurait jamais dû voir le jour et rendre le sourire à tous ceux qui l’avaient perdu dans cet enfer insensé.

Je n’étais ni triste, ni anxieuse à l’idée que mon esprit allait finir par s’éteindre au profil de la volonté d’Armageddon…car j’aurais atteint mon objectif, et cela m’était amplement suffisant.

Il n’y a qu’une seule chose que je refusais : Laisser ma partenaire se faire happer comme moi, elle qui voulait plus que n’importe qui voir ce monde de ses propres yeux. C’est pourquoi, je pris la décision de ne lui transmettre qu’une infime partie de mes pouvoirs, le strict minimum afin qu’elle survive sans perdre la raison.

-Cependant, tout ceci ne fonctionne pas d’un simple claquement de doigts ; reprit soudain Alice. La fusion est comme deux aimants identiques accolés l’un à l’autre avec une corde et n’est pas fait durable et stable. La ligne d’univers originelle, tentera toujours de reprendre son cours, et c’est pourquoi, il est de notre devoir à nous, héritiers du pouvoir d’Armageddon, de préserver ce futur.

-Oui, mais je ne m’inquiète pas, nous avons déjà prévu cela avec Akane et Hélios. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger le futur que je créerai de mes propres mains !

-Dans ce cas, je n’ai plus rien à t’apprendre ; déclara Alice en commençant à disparaitre lentement. Néanmoins, je dois te prévenir d’une chose, Yuiko Iori : Armageddon…Est son seul et unique ennemi.

-Comment cela ? Y-a-t-il une menace à laquelle je devrai faire face ? Réponds-moi, Alice !

Trop tard…La jeune fille avait déjà disparu en ne laissant qu’une trainé d’étoiles scintillantes derrière elle. Mais j’avais eu les réponses que je cherchais, réponses qui m’étaient amplement suffisantes. Ne restait plus qu’à atteindre le portail pour mettre un terme définitif à toute cette folie et ces souffrances…


Lorsque j’ouvris les yeux, j’étais allongée au sol sur de la pierre dure et froide. A côté de moi, je pouvais entendre le crépitement des flammes d’un feu de camp. Lorsque je tournai la tête, je pus entrevoir les silhouettes endormies de Laura et Akane tandis que Satoshi montait la garde, immobile, regardant simplement au loin les bras croisés sur son torse.

L’homme m’entendit remuer et tourna légèrement la tête dans ma direction.

-Tu es réveillée ? Bien. Nous allons pouvoir repartir dans ce cas…

Mais alors que Satoshi s’apprêtait à réveiller les deux filles, je lui fis signe de ne pas bouger, ce qui l’étonna.

-Attendez…Laissez-les se reposer…

L’homme grogna mais retourna à son poste et je décidai d’aller le rejoindre pour lui tenir compagnie. De longues minutes durant, nous ne dîmes pas un mot et seules les flammes dansaient lentement derrière nous dans cette nuit sans étoile. Cependant, le leader de Satellite finit par prendre la parole d’une voix lente et sans émotion.


https://www.youtube.com/watch?v=lFUlliTQEfk


-Alors comme ça, tu as absorbé le pouvoir d’Armageddon ? C’est impressionnant. Ma sœur et moi avons tenté aussi…sans succès.

-Dites…Satoshi…Pourquoi voulez-vous changer le passé ? Lui demandai-je d’une petite voix.

-Je ne le veux pas.

-Q…Quoi ? M’étranglai-je. Mais ce monde…Vous acceptez réellement ce monde tel qu’il est ?

-Non. Mais pour moi, démon ou pas, la vie n’est pas si différente. Avec Serena, nous avons toujours vécu dans la misère…C’est pourquoi, lorsque le démon a attaqué, notre quotidien est resté le même et s’est peut-être amélioré. Pour la première fois, tout Satellite s’est uni sous un seul étendard…

-Dans ce cas…Pourquoi risquez-vous votre vie aujourd’hui ? Qu’est-ce qui vous pousse à vous allier avec Laura ?

-Parce que c’est le souhait de Serena. Lorsque nos parents sont morts, je leur ai promis de veiller toujours sur ma sœur. Et le monde tel qu’il est actuellement…n’est pas un monde dans lequel je peux la laisser seule. Je veux simplement pouvoir être certain que, même sans moi, elle pourra s’épanouir, non pas dans la crainte, mais entourée de personnes sur qui elle pourra compter. Je veux que le jour ou elle sortira de satellite, elle ne soit pas menottée par les forces de l’ordre, ni blessée à mort, mais heureuse de voir enfin la lumière du jour. Mon seul souhait…Est qu’elle puisse sourire à nouveau comme ce jour où elle a rencontré sa seule et unique amie il y a plus de trente ans.

-Je vois…

-Iori. Je sais que la demande que je vais formuler à présent va te paraitre folle…Mais s’il te plait, accepte-là : lorsque tu seras dans le passé, transmets-nous tes pouvoirs.

-Co…Comment ? Transmettre mes pouvoirs ? Répétai-je, prise de court.

-Oui. Laura m’a dit que vous aviez besoin d’un héritier en cas d’échec et j’aimerais endosser ce rôle.

J’hésitai à lui répondre en me rappelant des paroles d’Alice. Se pouvait-il que l’ennemi dont elle me parlait soit engendré par la transmission de mes pouvoirs ? Mais dans ce cas, comment allais-je m’assurer que ma succession continue mon œuvre ? Je ne savais plus quoi répondre…

-Je…je ne sais pas…ce n’est pas quelque chose que je peux décider simplement comme ça…

-Dans le passé, nous sommes faibles, nous ne serons pas une menace pour toi tant que tu ne nous révèleras pas l’existence de nos pouvoirs ; reprit l’homme comme lisant dans mes pensées. Mais je tiens vraiment à m’assurer que le futur que tu créeras…soit également bon pour ma sœur et moi. Je suis certain que le Satoshi du passé ne me contredirait pas.

Je me mordis la lèvre, vraiment perdue et prise au dépourvu. D’un côté, j’avais besoin de trouver une succession et Satoshi semblait être un candidat idéal pour ce poste…mais d’un autre, les mots d’Alice me revenaient sans cesse en mémoire. Je craignais de compromettre le futur par une simple erreur de jugement ou décision hâtive et si cela arrivait, jamais je ne me le serais pardonné…

Mais finalement, après plusieurs minutes d’intense réflexion, j’en arrivai finalement à cette conclusion : Satoshi avait raison, et je n’avais pas de meilleur candidat en liste pour hériter de mes pouvoirs. Même si mon père ou même Miyako aurait pu faire l’affaire, jamais ils n’auraient accepté le fait qu’un monde ait pu être détruit par les mêmes pouvoirs qu’ils détenaient. Et suivant ce raisonnement, les seules personnes aptes à posséder le pouvoir d’Armageddon étaient Serena, Satoshi, Laura et Hélios…Sachant que je ne pouvais évidemment pas le confier aux deux derniers en connaissant leur passé plus que trouble au cours de la guerre…

Lorsque je donnai ma réponse à l’homme, je pus voir pour la première fois son visage se détendre et un léger sourire passa sur ses lèvres.

-Merci, Iori. Je suis certain que nous saurons nous montrer digne de la responsabilité que tu nous confies.

-Je l’espère aussi sincèrement…Soupirai-je.

-Nous devrions nous dépêcher à présent. Amon ne va pas tarder à nous rattraper.

L’homme se leva pour réveiller Akane et Laura tandis que cette question tournait en boucle dans mon esprit : avais-je réellement fait le bon choix ? Ou bien venais-je de condamner mon propre futur ?


Lorsque les deux filles furent levées, je leur racontai tout ce que Alice m’avait dit, et personne ne prononça un seul mot au cours de mon récit. Mais lorsque j’eus terminé, Akane se contenta de se mettre debout et de plonger son regard vers la source lumineuse au loin.

-Qui aurait un jour cru…Que celle qui avait sauvé le monde serait celle qui le détruirait également ? Ricana-t-elle avec un sourire triste. Alors, comment doit-on t’appeler maintenant ? Générale Iori ? Armageddon ? Ou bien Générale Armageddon ?

-Iori tout court sera suffisant…Ris-je, gênée.

-Tu n’as aucune imagination ma pauvre Iori ; soupira la rouquine en haussant les épaules.

-A ta place, ton père se serait déjà renommé en Chaos Darksky je suis certaine ; s’amusa Laura.

-Ce qui est totalement ridicule ; grommela Satoshi d’un air las.

Je ne pus m’empêcher de rire de bon cœur et les autres me suivirent. Ce moment de détente…Il s’agissait peut-être du dernier que j’allais connaitre avant une éternité…Alors j’en profitai tant que je pouvais, oubliant autant que possible tous mes tracas et mes angoisses, car je savais qu’une fois le portail franchi, comme l’avait dit Alice, Yuiko Iori allait disparaitre progressivement pour faire place à Armageddon.

Oui…j’étais en train de vivre mes derniers instants en tant qu’humaine…en tant que générale de l’armée de libération…en tant que fille de mes parents…


https://www.youtube.com/watch?v=ocYgD2CrG28


Il ne nous fallut qu’une demi-heure pour franchir la distance qui nous séparait encore des Time Gates. Là, deux piliers colossaux se dressaient si haut que je ne pouvais en voir le bout depuis le sol. Tout autour de nous, il n’y avait que des ruines de ce qui ressemblait à un ancien temple grec mais entre les piliers, une structure était encore intacte. Il s’agissait d’un cercle inscrit dans une tablette de pierre, sur lequel brillait un minuscule orbe bleu d’où émanait une vive lumière.

-Est-ce que c’est ça…Les time Gates ? C’est assez…Décevant…Lança Akane, sceptique.

Sans lui répondre, je m’avançai vers la tablette et instinctivement, je posai ma main dessus. Immédiatement, la terre se mit à trembler. Des éclairs jaillirent entre les piliers et l’espace se distordit devant nos yeux, exactement comme lorsqu’Hélios avait ouvert sa passerelle vers le monde des esprits…a la différence qu’il s’agissait là d’une passerelle traversant le temps lui-même.

-Enfin…nous y sommes…L’histoire va changer…Murmura Laura en serrant sa main sur son cœur.

Lentement, un portail de lumière prit forme devant nous tandis que la marque gravée sur mon torse brillait d’une lueur intense. Je pouvais les sentir au fond de moi…les milliers de possibilités que renfermaient ce gouffre…Il pouvait nous conduire n’importe où, à n’importe quelle époque, dans n’importe quelle ligne d’univers et il ne tenait qu’à moi de choisir l’endroit et le moment le plus propice pour changer ce futur sans avenir.

-Allons-y…Iori…Aka…


https://www.youtube.com/watch?v=_S-UpM7dbcg


Une violente explosion coupa la parole à Laura et nous souffla à plusieurs dizaines de mètres du portail. Je roulais dans la poussière longuement avant de pouvoir retrouver mon équilibre. J’étais sonnée par cette attaque surprise mais la simple vue de notre ennemi suffit à me faire retrouver mes esprits.

-Amon ! Rugit Akane.

Avant même que je n’aie eu le temps de réagir, la rouquine se jeta sur l’homme telle une bête sauvage enragée. Elle tenta de lui asséna un violent coup de poing dans la tête mais fut repoussée par un champ de force invisible.

Mon amie retomba sur ses pieds avant d’enchainer immédiatement en projetant un puissant rayon lumineux qui frappa notre ennemi de plein fouet.

Une épaisse fumée noirâtre se répandit, nous laissant croire pendant un instant que nous avions repoussé Amon temporairement mais il n’en était rien. Ce-dernier riposta exactement avec la même attaque.  

Heureusement pour la rouquine, Laura avait anticipé cela et érigé un mur de glace entre les deux combattants. Satoshi profita d’un moment de répit pour sortir un pistolet et tirer toutes ses balles d’un coup…sans effet.

Agacé, Amon se téléporta juste à côté du leader de Satellite pour l’achever en un seul coup et c’est la que je vis un sourire mauvais sur sa figure.

-Désolé…Mais pas cette fois…Laura à toi !


https://www.youtube.com/watch?v=CZq_ej3duuA


Satoshi esquiva le coup de point de l’homme de lumière et s’accrocha à lui, bloquant ses bras dans son dos et le rendant incapable de bouger. Au même moment, Laura fit apparaitre dans sa main une épée de glace sombre et se jeta sur notre ennemi pour le transpercer de part en part. Pour la première fois, je vis les yeux d’Amon s’écarquiller en voyant du sang doré s’écouler au sol tandis que la glace enveloppait peu à peu son corps divin.

-Akane, Iori, ne perdez pas votre temps, plongez ! Nous ordonnâmes Laura sans relâcher son attaque.

-Mais…et toi alors ? Je croyais que tu venais avec nous ! Rétorquai-je.

Amon tenta d’attaque la jeune femme d’un rayon lumineux tiré depuis ses yeux mais, même si ceux-ci passèrent au travers de l’épaule de ma mère adoptive, elle tint bon sans faiblir.

-Partez devant ! Si je vous rejoins, c’est que vous avez échoué et je mettrai mon propre plan en action, et même si je ne vous rejoins pas, si vous devez m’arrêter, n’hésitez pas et faites ce qui doit être fait !

-Je…

-Ecoute-moi bien, Iori. Certaines décisions sont dures à prendre mais les états d’âmes devront attendre. Je sais que tu feras ce qui est bon pour ce monde, même si tu dois prendre ma vie pour cela !

-Laura…

-Entendu ; me coupa Akane.

-As-tu perdu la tête ? M’étranglai-je, nous ne pouvons pas…

La rouquine me prit par le col et me souleva de quelques centimètres, des larmes coulant le long de son visage meurtri par la souffrance de sa décision.

-Nous ne pouvons pas faire marche arrière Iori…Les UWS…Laura…Satoshi…Hélios…S’ils te demandent de les laisser, ce n’est pas parce qu’ils veulent que TU vives mais qu’ils veulent que le monde vive ! Si tel est ton but aussi, tu n’as pas le droit de laisser tes propres sentiments prendre le dessus, est-ce que tu m’as bien entendu !

-Akane…Murmurai-je.

Oui…A ce moment-là, mon amie faisait face au même dilemme que moi, celui d’abandonner ceux qui avaient combattu à nos côtés, nos amis, nos famille…dans le seul et unique but de les sauver.

-Très bien…Si tel est ton désir Laura…Je m’engage à prendre ta vie de mes propres mains si cela me permet de protéger le futur dont tu rêves…Articulai-je difficilement, chaque mot sortant de ma bouche étant un supplice à prononcer.

La brune me sourit tandis que la lueur de son épée s’intensifia et la glace comment à se répandre le long de son propre corps et celui de Satoshi, entravant toujours davantage Amon qui ne pouvait désormais plus que remuer la tête, fou de rage mais impuissant.

-Il est temps d’en finir une bonne fois pour toute, Amon ! Subzero Universe !

-Maintenant ! Nous ordonna le leader de Satellite.

Amon poussa un cri de colère puis une explosion de glaciale secoua le monde des esprits. La glace commença à envahir entièrement le sol tandis qu’Akane et moi fûmes soufflées par l’explosion, directement dans le portail sans que je ne puisse rien faire pour lutter.

-Laura ! Satoshi !

Je vis les lèvres de ma mère adoptive bouger mais le hurlement du vent m’empêcha de l’entendre…et tout devint noir.

A ce moment-là, des milliards d’image défilèrent dans mon esprit. Les explosions de poussières se refermèrent au lieu de se répandre, les morts se relevaient, les bâtiments se reconstruisaient, les visages rajeunissaient…J’étais réellement en train de remonter le temps comme on remontait une vieille cassette vidéo, et ce, à la vitesse de la lumière.

Puis tout s’arrêta, tout disparu, tout redevint calme…A l’exception de mon cœur qui battait à tout rompre et mon cerveau qui était sur le point d’exploser après l’acquisition d’autant de souvenirs d’un seul coup…

Lorsque je levai les yeux, je vis, non pas l’obscurité du monde des esprits, mais un magnifique ciel bleu sans nuage. Ce qui autour de nous dans le futur n’était qu’ombre et désolation était désormais une vaste plaine, perdue au milieu de nulle part. Au loin, je pouvais apercevoir de hauts sommets, bien plus escarpés que tout ce qui se trouvait dans notre monde tandis que, perdu dans les nuages lointains, s’élevait un arbre immense…

Je me trouvai aux pieds des deux piliers constituant la Time Gate. Ils étaient exactement comme dans le futur à l’exception que je discernai une arche les reliant ensemble, faisant d’eux un véritable portail.

A côté de moi, Akane reprenait lentement ses esprits en se frottant la nuque.

-Est-ce que l’on a…réussi ? Dit-elle d’une voix timide.

-Oui…Je crois que nous sommes dans le passé…Exactement vingt-sept ans dans le passé…

-Comment tu sais cela toi ? S’étonna mon amie.

-Je ne sais pas…mon intuition…


https://www.youtube.com/watch?v=TWOYFqMvf6A


Elle soupira puis se tourna vers le portail désormais refermé, sa main droite posée sur sa hanche. Tout était calme dans ce monde, presque apaisant. Le vent léger qui soufflait sur la prairie faisait onduler lentement les cheveux de feu de la rouquine tandis que son manteau sombre volait derrière elle comme une immense cape.

-Bon, on dirait bien que c’est ici que nos chemins vont se séparer Iori ; lança-t-elle sans me regarder.

-Comment ça ? Nous n’avons encore rien fait…Il est un peu tôt pour nous diviser les tâches non ?

-Tu n’as encore rien fait ; gloussa la rouquine. Nous nous étions mises d’accord je croyais. Ton rôle est de changer le passé. Le mien est de le préserver des menaces telles que nous.

-Mais cela peut attendre…Je ne pense pas être capable de…

A ce moment-là, Akane mit sa main sur mon épaule et me regarda droit dans les yeux avec un large sourire dessiné sur ses lèvres.

-Alors ne pense pas. Mais moi, je sais que tu en es capable. Tu as survécu à l’enfer, défait le démon, acquis les pouvoirs d’Armageddon, fui le futur, remonté le temps, qu’y-a-t-il d’assez puissant dans le monde pour te défier ?

-Mais je n’étais jamais seule dans ces moments-là…

-Qui te dit que tu seras seule ? Laura, Hélios, les UWS, Satoshi, et moi aussi, nous sommes tous avec toi. Même si nous ne sommes pas présents physiquement, nous nous battons tous pour un futur meilleur, ensemble.

Je ne pus m’empêcher de rire à mon tour. Akane n’avait jamais été douée pour les encouragements…Mais étrangement, malgré leur banalité, ses mots me réchauffèrent le cœur.

Sans même m’en rendre compte, je relâchai une partie de mes pouvoirs et je vis une fine trainée turquoise entrer dans la poitrine de mon amie. L’instant suivant, dans l’un de ses yeux brillait le même éclat que dans ceux d’Alice : ces deux aiguilles courbées, symboles du pouvoir que je possédais.

-Va, Iori. Change ce futur. Change notre futur et ne reviens pas avant d’y être arrivée ou je te renverrai dans le passé jusqu’à ce que tu atteignes notre objectif ! S’exclama la rouquine, le pouce levé en signe d’encouragement. Pendant ce temps-là, je m’assurerai que personne ne vienne perturber tes plans. Ceux qui essaieront de changer l’histoire…notre histoire, devront être effacés de l’histoire, je t’en fais le serment !

J’hochai la tête, déterminée et à nouveau confiante. La simple vue de l’enthousiasme de la jeune fille suffisait à me redonner des forces. Elle qui n’avait jamais fait que regarder le ciel, perdue dans ses pensées, maudissant ce monde et le jour qui l’avait vu naitre, incapable d’aller de l’avant, pour la première fois depuis que je la connaissais, le regard de mon amie exprimait un sentiment nouveau : l’espoir.

-J’y vais, Akane. Je vais réécrire l’histoire.

Sur ces mots, je tournai les talons et ouvris un portail me menant directement dans notre monde. Un monde, non pas détruit par le démon, mais un monde où l’avenir était encore possible. Cette fois-ci, je touchai mon but des doigts. Il ne me restait qu’un pas à faire avant de détruire à jamais ce monde de ruines et de désolations.

-Regarde-moi, Akane…regarde le monde que je vais créer…dans lequel tu pourras vivre…Alors Profite de ta vie…et adieu…Ma partenaire de toujours…

Les larmes que je versai à ce moment-là furent les dernières qui coulèrent sur mes joues, les dernières blessures laissées par le démon, les dernières preuves que je fus un jour une humaine du nom de Yuiko Iori se battant pour un futur meilleur, et ce, même au prix de son humanité.





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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [31/08/2016] à 17:06

Iori : Bonds Beyond Time



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=5rYI2eG3DuQ


Echoué…J’avais échoué…l’échec…Voila le seul sentiment qui me rongeait alors qu’Amon dévastait le monde des esprits. Une fois de plus, j’étais obligée d’assister à la destruction de toute forme de vie sans pouvoir rien faire et ce n’était qu’une question de temps avant que notre propre monde ne subisse le même sort. Il fallait que Laura meure, et vite, afin de rétablir l’ordre.

-Iori, ils arriveront bientôt ; déclara l’hologramme d’Akane.

-Je le sais bien.

-Tu n’auras pas de seconde cette fois, en es-tu consciente ?

-Oui. Mais je n’en aurai pas besoin. Je n’échouerai plus. Je n’ai plus le droit d’échouer. A présent que Shadow n’est plus, personne ne pourra me guider dans le futur vers la machine à voyager dans le temps. Il me suffit de remporter la victoire une fois de plus pour mettre fin à ce cycle infernal.

La rouquine croisa les bras sur sa poitrine avant de lever les yeux au ciel, l’air pensive.

-Tu sais, à force de contempler les autres lignes d’univers, je me dis que nous pouvions rêver de mieux toutes les deux…

-Je ne vois pas ce que tu veux dire. Ce futur est tout ce dont nous rêvions. Le démon est vaincu. Amon ne détruira jamais nos vies et le monde est prospère. Je ne vois pas ce dont nous pourrions avoir besoin de plus.

-Même si je te le disais, tu nierais ; soupira mon amie.

Je fronçai les sourcils, déconcertée mais elle n’ajouta rien d’autre.

-Mais si ce présent te convient, alors préserve le…au moins pour la prochaine heure à venir.

Puis Akane disparut, me laissant seule, surveillant avec angoisse le combat d’Amon contre Iori, les démons et Satoshi.


https://www.youtube.com/watch?v=92ntXaGW0Ls


Pourquoi…Pourquoi ne pouvais-je pas simplement accepter la réalité ? Pourquoi mon moi du futur cherchait-elle à avoir toujours plus ? Pourquoi était-elle aussi ingrate envers moi ? J’étais persuadée que dans son ignorance, elle n’avait même pas pris conscience que tout ce qu’elle affrontait désormais, toutes les catastrophes auxquelles elle faisait face n’était que sa propre œuvre.

En plus de cela, elle était totalement inconsciente de la situation. Amon avait, tout comme dans mon monde, acquis le pouvoir du monde des esprits et pouvait maintenant agir à sa guise, utilisant n’importe quel pouvoir présent ici. C’est pourquoi, je fus obligée de transporter directement Iori dans mon repère afin d’éviter que l’homme se prenant pour un dieu ne réalise qu’il pouvait manipuler le destin à sa guise.

Evidemment, mon double, guidée par la colère et la haine, m’attaqua sans autre sommation mais je réussis à repousser aisément ses assauts. Après tout, elle avait plus de vingt-six ans de retard sur moi.

Notre combat fit rage, pendant de longues minutes mais, même si je dominai clairement le combat, je fus imprudente et Iori réussit à me démasquer.

-Tu…Tu m’as menti…N’est-ce pas ? Si tu possèdes cette épée…Ce n’est pas parce qu’elle peut changer le futur…Bégaya-t-elle, interdite. Mais c’est parce qu’il s’agit de ta propre épée…Fille de Luminion : Yuiko Iori !

Je ne pus m’empêcher de sourire lorsqu’elle prononça mon nom. De toute façon, je n’avais plus aucune raison de me cacher désormais. Je ne comptais pas perdre ce combat et une fois mon double vaincu, plus personne ne serait assez puissant pour se mettre en travers de ma route.

Profitant de la confusion de la jeune fille, je me jetai sur elle et nos deux épées s’entrechoquèrent. Mais deux épées légendaires croisant le fer ne pouvaient pas ne pas faire de dégâts. A peine les deux lames entrèrent-elles en contact qu’un flash lumineux nous enveloppa toutes les deux et je vis ma vie défiler devant mes yeux, comme un long film d’horreur.

J’étais obligée de revivre les pires moments de ma vie, de revoir mes proches mourir devant mes yeux, revoir le chaos auquel j’avais échappé, revoir ce monde qui n’existait plus que dans mes souvenirs…

Incapable de supporter ces images, je fermai les yeux et j’attendis simplement que ce film de ma vie ne disparaisse dans le néant…


https://www.youtube.com/watch?v=Yek2vV81OPM


-Alors…Voila ton monde…Voila d’où tu viens…Murmura mon double, le visage rongé par l’incompréhension tandis que nos deux lames s’entrechoquaient toujours en projetant des étincelles tout autour de nous. Tout ce que tu as vécu…Tu ce que tu as ressenti toute ta vie…Tout ce que tu as connu…N’est que désespoir et désillusions…

Profitant de cette ouverture, je renforçai la prise sur mon épée et d’un revers de la main, je repoussai Iori. Son épée d’or se brisa sous l’impact et la jeune fille tomba à la renverse, désarmée et désemparée.

-Ecœurant. La simple image d’une mort suffit à te déstabiliser et à te donner l’envie de vomir…Car tu l’as vu, n’est-ce pas ? Cet enfer dans lequel j’ai grandi. Celui que tu n’as jamais connu. Celui que tu ne connaitras jamais. Celui dont j’ai effacé l’existence. Celui dont je t’ai sauvé, toi, l’ingrate incapable de te contenter d’un monde pour lequel ceux que tu aimes ont tout donné. Tout cela est vrai. Tout cela a existé. Et tout cela n’existera plus jamais.

Je donnai un coup de pied dans le visage de l’ingrate qui, trop faible pour se défendre, reçut le coup de plein fouet. Iori roula jusqu’au bas de la colline avant de s’effondrer dans la poussière.

Mon double tenta de se relever en s’appuyant sur les restes de son épée brisée tandis que je la dévisageai du haut de mon piédestal, la méprisant du plus profond de mon cœur.

-Une folle qui sait que son rêve est inatteignable sans détruire et piétiner tout ce qui se trouve sur son passage ne vaut pas mieux que le démon que j’ai moi-même combattu. Une simple erreur dans ce futur parfait que j’ai créé, aveuglée par un désir aussi égoïste que dangereux, qui a gâché la vie qui lui a été offerte pour un idéal vide de sens. Peux-tu enfin admettre ce que tu es réellement, Yuiko Iori ?

Sous le coup de cette vérité implacable, la jeune fille me lança un regard glacial mais ne pouvait même pas me répondre tant elle était diminuée.

-Sauver notre père juste parce qu’il avait sombré dans le désespoir est à la fois stupide et erroné. Toi qui as vécu la vie que des milliers de gens ne rêvaient même plus avoir, tu ne peux connaitre le véritable sens du mot désespoir. Le désespoir qui te fait oublier comment sourire. Le désespoir qui t’empêche de dormir. Le désespoir qui vient hanter tes jours et tes nuits. Le désespoir qui devient si présent que la joie n’est plus qu’un concept, une idée vague et abstraite. Le désespoir qui t’oblige à repousser les limites mêmes du temps pour ne te souvenir simplement du sentiment d’espoir.

Iori ne me répondit pas. Evidemment, elle ne pouvait pas répondre. Elle savait qu’elle était en tort mais elle était bien trop butée pour l’admettre.


https://www.youtube.com/watch?v=j8AQq-R2xhs


-Je suis ton idéal, et c’est pourquoi ton rêve ne se réalisera jamais. Car ton rêve…s’est déjà réalisé il y a de cela plus de cent ans.

Dans un cri de rage, mon double se releva et se précipita vers moi, sa main droite s’était changée en une lame de glace. Je parai aisément son coup sans le moindre effort alors que Iori, elle, mettait toute sa force pour ne pas se faire repousser.

-Je vois. Je suppose que cela est difficile à admettre. Apprendre que tout ce que l’on a fait jusque là a déjà été accompli par quelqu’un d’autre, que ce monde que l’on essaie de changer est déjà conforme à son idéal. Je suis certainement la seule personne que tu ne pourras jamais accepter car je suis celle qui a créé le futur que tu refuses.

De ma main libre, je matérialisai la lance du destin et repoussai l’ingrate. Déstabilisée, Iori chancela et je lui attrapai sa lame dans ma main pour l’immobilisée.

-Dis-moi maintenant. Désires-tu toujours sauver notre père de son état ? Ou préfères-tu le voir sombrer dans les abimes du désespoir à nouveau en voyant tout ce qu’il chérissait disparaitre sous ses yeux ? Veux-tu encore changer ce futur de paix et d’harmonie et transférer le chaos qui règne dans le monde des esprits dans le nôtre ? Veux-tu que la survie de Laura…mène à la mort de ton père ?

-Je te l’ai déjà dit, Armageddon…haleta Iori, luttant pour garder connaissance. Je sauverai Laura quoiqu’il arrive. Personne n’a le droit de décider qu’une vie peut être échangée contre des milliers d’autres !

Lorsqu’elle tenta de se dégager, je fis à nouveau apparaitre mes chaines et je me liai à elle, entravant autant ses mouvements que les miens.

-Oui, tu as raison. Je n’ai pas le droit de jouer avec la vie de ma mère adoptive. Mais ce n’est pas parce que je n’ai pas le droit que je ne peux pas le faire. Tout ce qui est bon n’est pas forcément juste, et cela, je l’ai appris il y a bien longtemps. Les UWS ne devaient pas se sacrifier. Laura et Satoshi n’auraient pas dû combattre Amon. Ma mère n’aurait pas dû me laisser vivre. Toutes ces injustices sont celles qui m’ont finalement permis de trouver la volonté de changer ce futur. Il n’existe aucun héros de la justice en ce monde. Je ne prétends pas moi-même être devenue une justicière en ayant changé ce futur. Je suis peut-être même la plus égoïste de toutes. Mais pour moi et pour des milliers, non, des millions, peut-être même des milliards de personne, la disparition du démon et d’Amon est une bénédiction, même si pour cela j’ai dû sacrifier celle que j’aimais le plus au monde.

Iori se débattit mais fut incapable de s’extirper de ma prison.

-Ma mémoire, tout comme la tienne, a été altérée depuis plus d’un siècle. J’ai oublié de nombreuses choses mais s’il y a bien quelque chose qui reste gravé dans mon esprit, c’est bien ce futur dévasté. Ces flammes, ces cris, ces pleurs, ces ruines…Jamais je ne les oublierai et jamais je ne pourrai les oublier. Cependant, au milieu de ces désespoirs, je me souviens d’un rayon de lumière perçant à travers le voile des ténèbres. Et ce soleil au milieu de cette nuit sans fin, c’était l’amour que me portaient mes parents. Oui. Tout comme toi, je me suis battue afin de retrouver le sourire de mon père après la mort de ma mère. Et tout comme toi j’ai commencé à rêver qu’un jour, je le verrai à nouveau heureux grâce à moi. Mais je me trompais. Je n’avais pas ce pouvoir car je n’étais qu’un pansement sur une plaie qui ne se refermait pas.

-C’est faux…Je suis certaine que tu n’étais pas…

-Les parents ont tendance à idéaliser leurs parents et les parents, souvent, réalisent leurs rêves abandonnés grâce à leurs enfants. C’est pourquoi, lorsque notre père est mort à l’intérieur, il t’a transmis tout ses rêves et ses espoirs, ceux que j’avais été obligée de lui prendre afin de forger ce futur. Cette volonté de sauver Laura…ce n’est pas la tienne. C’est celle de notre père. Cette volonté qui ne s’est jamais éteinte en lui, pas même vingt-six ans après. Tu n’as toujours fait que l’imiter là où j’ai été obligée de l’affronter pour son propre bien. Toi, changer le futur alors que tu ne fais qu’imiter les rêves des autres ? Ne me fais pas rire. Tu n’as jamais voulu sauver Laura autant que j’ai voulu sauver mon monde. Quelqu’un comme toi…N’as pas la force ni la volonté ni même le courage de changer le destin !

D’un seul coup, je brisai les chaines qui nous retenaient et enfonçai ma lame dans le dos de mon double qui hurla de douleur avant de s’effondrer dans la poussière.

-Oui. Tu ne peux t’empêcher d’admirer notre père, celui qui a combattu le démon et qui n’a jamais pu se remettre de la mort de son amie d’enfance ! C’est pourquoi, tu n’as jamais été capable de penser par toi-même et de posséder tes propres rêves !

Tout en élevant la voix, je me mis à enchainer les coups d’épées sur mon double qui parait tant bien que mal, obligée de reculer sans pouvoir riposter.

-En plus d’être ingrate et égoïste, tu es hypocrite doublée d’une menteuse ! Tu es obnubilée par cette obsession ridicule de sauver une morte qui s’est elle-même sacrifiée pour te permettre de vivre dans le bonheur et l’insouciance ! Et tu prétends être en mesure de me défier, moi qui ai tout perdu dans le seul but de permettre à d’autres de vivre ?! Tu es aveuglée par ta propre arrogance et c’est ce qui te mènera à ta perte !

Guidée par ma colère, je ne retins plus mes attaques et je plantai la lance du destin dans le ventre de mon double. Un long filet de sang s’écoula de sa bouche et ses yeux s’agrandirent alors qu’elle s’empêchait de hurler.

-Dans les faits, tu n’es rien de plus qu’une imposture, une pâle copie de moi-même dans laquelle seuls mes défauts auraient été conservés et amplifiés. Avant de penser à sauver Laura, essaie de comprendre qui dans cet espace doit être sauvé. Regarde-toi, tu n’es même plus humaine ! Tu es devenue une incarnation des rêves…et les rêves peuvent se changer en cauchemars !

Je retirai la lance du ventre de mon ennemi et immédiatement, un torrent pourpre colora le sol.

-Était-ce réellement ce que tu voulais ? Par ta faute, le monde des esprits, celui de Drago et Asuna, et peut-être bientôt le nôtre, seront à nouveau ravagés par les flammes ? A quoi bon avoir conservé le sourire de notre père pendant un an si des milliers d’autres s’éteignent en même temps ? A quoi bon rendre la vie que j’ai volée à Laura si pour cela, tu dois prendre celles de la moitié de la planète ? A quoi vouloir transformer un paradis…en enfer ? Tout ce que tu as obtenu et tout ce que tu obtiendras en continuant dans cette voie…Sera de devenir moi ! Sauf que cette fois-ci, tu seras seule et unique responsable des malheurs qui t’arriveront et personne ne viendra à ton secours, pas même ton père et encore moins Laura que tu auras fini par tuer de tes propres mains !


https://www.youtube.com/watch?v=YkdnrgA9j5w


Ma respiration était saccadée, mon cœur battait à tout rompre et de grosses gouttes de sueur perlaient de mon front tant j’avais laissé mes sentiments parler à ma place. Mais il fallait que cela sorte. Depuis plus ce quatre-vingt ans, je ne désirais que lui claquer cette vérité dans la figure afin de lui faire prendre conscience de la futilité de sa quête.

Et pourtant, malgré tout ce que j’avais pu lui révéler, Iori restait à terre, regardant le ciel d’un œil vide et inexpressif.

-Oui…Tout cela est vrai. Je n’ai aucune légitimité face à toi, Armageddon…Murmura-t-elle à bout de forces. Mais je ne peux m’empêcher de penser…Que tu passes à côté de quelque chose d’important…

Tout en prononçant ces mots, le terrain autour de nous changea de forme et nous nous retrouvâmes à nouveau plongées dans mes souvenirs. Et une fois de plus, Iori ne put que constater l’horreur que l’attendait si elle continuait sur cette route.

-Tu as raison…Ou du moins, je suis d’accord avec toi. Cet enfer que tu as vécu…que nous avons vécu…rien au monde ne vaut la peine d’être tenté si cela peut déboucher sur cette catastrophe. Mais pour moi…Le sacrifice que tu as du payer pour effacer cette réalité…T’as fait perdre de nombreuses choses.

-Tu te trompes, Iori. J’ai atterri ici car j’ai essayé de ne rien perdre. Et je n’ai rien perdu…Rien, peut-être à part cette chose que j’ai oubliée…

Le décor changea à nouveau et je me vis à terre, blessée au milieu des flammes et des ruines, incapable de bouger, incapable de m’enfuir, condamnée à mourir ici, seule, sans avoir rien accompli de ma vie. C’est alors que l’illusion tenta de se trainer tant bien que mal hors de ce brasier ardent, rampant sur le sol, entendant simplement la sirène des pompiers au loin comme le son de la délivrance.

-Arrête, Iori, rien ne t’attend au bout de ce chemin ; déclara mon double en fixant l’illusion qui luttait pour survivre.

Mais celle-ci continua son chemin avant de s’effondrer à nouveau, pleurant autant de douleur que de peur.

-Quel était mon but…Quel était ton but, Armageddon, en survivant à cet enfer ? Pourquoi as-tu continué à lutter de toutes tes forces alors que tout était perdu ?


https://www.youtube.com/watch?v=_c8kpplUkfs


Un nuage de flammes passa devant mes yeux et lorsqu’il se dissipa, je pus simplement voir ma mère juste au-dessus de cette illusion me représentant, me protégeant de son propre corps, ignorant les balles et les lames plantées dans sa chair.

Mon double se mit à avancer vers elle mais je l’arrêtai.

-Est-ce vraiment ce que tu veux, Iori ? Seuls le désespoir et l’enfer t’attendent si tu empruntes le même chemin que moi.

-C’est donc cela que tu as oublié, que nous avons oublié toutes les deux ; murmura-t-elle d’une voix douce. Certes, au début, ce n’était que de l’admiration pour Laura. Mais toi comme moi, nous avions une autre motivation à changer ce futur. Toi non plus, tu ne cherchais pas la paix ni à sauver tout le monde. Tu étais aussi égoïste que moi mais tu as simplement fini par l’oublier…nous ne réalisions ni nos propres rêves ni celui de notre père…non…notre motivation…C’était l’espoir de notre mère.

-Sa…ya…Murmurai-je tout en fixant la femme qui m’avait sauvée ce jour-là.

-Le rêve d’une femme dont le seul désir était de pouvoir sourire, même le jour de la mort de sa meilleure amie, même au milieu de l’enfer…Ce sourire qu’elle a voulu transmettre à tous…et qui lui a tout couté.

A ce moment-là, ma mère tourna la tête dans ma direction et je pus le voir. Pour la première fois depuis cent-ans, une forte chaleur inonda mon cœur si longtemps prisonnier de mes idéaux. Je ne pus me retenir plus longtemps et je sentis des larmes chaudes couler le long de mes joues tandis qu’une vive lumière illumina entièrement cet enfer. Dans le ciel, une paire d’aile dorée scintilla dans l’obscurité et le corps de mon double fit de même, comme résonnant avec cette entité qui emportait lentement le corps de ma mère dans une douce lumière.

Iori se mit à gravir une montagne de gravats, traversant flammes et tempêtes sans fléchir pour finalement arriver au sommet où était plantée une lance, la même que la mienne à l’exception qu’elle était entièrement dorée et ornée du sceau de Luminion.

Je restai sans voix au moment où je réalisai d’où me venait cette lance. Je pensais qu’elle n’était qu’un artéfact d’Armageddon…mais il s’agissait de celle que ma mère utilisait autrefois pour combattre Gariatron…

Iori s’arrêta à quelques centimètres de l’armes et la regarda longuement sans dire un mot.

-Est-ce vraiment la vie que tu désires ? Une vie passée à combattre et à souffrir alors que tu pourrais te contenter de vivre dans ton cocon, préservée de tous les dangers ?

-Oui. Même si cela signifie devoir prendre le risque de tout détruire à nouveau.

Mon double empoigna la lance de notre mère et une forte flamme luisit au creux de sa main.

-Qu’importe le nombre de fois où je devrais détruire et reconstruire ce monde, je ne m’arrêterai pas. Si tu refuses de terminer ce que tu as commencé, alors je prendrai ta place, et je créerai ce monde dans lequel le sourire de notre mère continuera à briller bien après sa mort.

Le corps tout entier de Iori brilla aussi fort que le soleil tandis que l’illusion de mes souvenirs se dissipa pour nous ramener dans cet espace alternatif que j’avais créé.

La, mon double était toujours à terre mais de ses blessures ne s’écoulait plus du sang. Non, elles rayonnaient tout en se refermant lentement tandis que la jeune fille tentait de se relever.

-Je vois…Le pouvoir de Luminion et de Nout…Ce pouvoir que nos parents nous ont transmis…Ce pouvoir avec lequel nous sommes nées…Ce n’est pas quelque chose que nous avons acquis ou maitrisé…C’est une partie de nous qui survit même si notre corps est brisé…

-Je suis la lance…

-Enflure…Tu n’oserais pas…

Les muscles déchirés de Iori se reformèrent, son sang séché s’évapora, sa peau meurtrie repoussa sur sa chair et sa main gauche se mit à scintiller dans un déluge d’éclairs dorés.

-Qui changera ce destin !

Ces simples mots suffirent à me mettre hors de moi. Ne réfléchissant même plus, je projetai ma lance sur mon ennemie, visant directement son cœur. Mais alors que la pointe n’était qu’à un cheveu de détruire définitivement cette menace, Iori fit volte-face et dévia mon arme avec celle qui venait de se matérialiser dans la paume de sa main

-Je ne peux pas perdre…Je ne perdrai pas…pas contre toi…pas contre ce monde…Pas contre ce destin que tu m’imposes !

Ma lance vint se planter derrière la jeune fille qui s’était relevée, tenant la lance dorée de ma mère encore fumante d’avoir contré l’ultime artéfact que je possédais.

-Contrairement à toi, je n’ai pas peur de l’échec, Armageddon. Je ne me satisferai pas d’un travail à moitié terminé. Je changerai ce futur, non pas tel que tu le conçois, mais tel que tu le rêves, tel que nous le rêvons toutes les deux ! J’atteindrai cet idéal qui surpasse la réalité que tu as modelée !

Tentant de garder mon calme et de me contrôler, je me contentai de fermer les yeux en rappelant mon arme dans ma main.

-Finalement, tu commences enfin à comprendre ce que signifie la volonté de changer les choses. Mais es-tu assez déterminée et assez forte pour me surpasser et créer l’idéal auquel j’ai renoncé ? Je suis certaines que tu l’as remarqué toi aussi. Je reste à des années lumières supérieure à toi en termes de compétences de combat.

-Mais mon corps peut toujours se battre. Je pensais et je pense toujours que tu as raison d’essayer de m’arrêter, que ce que je fais est insensé, incohérent, stupide et égoïste. Mais ce n’est pas parce que tu as raison que je dois me plier à ta justice.

-Comment ?

-Tout comme moi, tu es aveuglée par ton objectif et tu es incapable de voir les imperfections de ton idéal. C’est pourquoi, je n’abandonnerai pas et j’illuminerai les zones d’ombre que tu as négligé en déchirant le voile des ténèbres ! Tout comme tu as rejeté la vie de Laura, j’utiliserai tous les pouvoirs de mes parents pour terminer ce que tu as commencé avant moi !

Dans un cri de rage, Iori se précipita vers moi mais au même moment, l’espace dans lequel nous nous trouvions trembla et commença à se fissurer lentement. Tout d’abord je n’y pris pas garde et j’activai simplement mes pouvoirs afin de repousser mon double.

-Alors viens, Iori, je te mets au défi de me surpasser et ce, dans toutes les dimensions ! Destiny Merge !

Ma main scintilla quelques instants d’une lueur sombre, mais contrairement à plus tôt, rien ne se passa et Iori continua à se rapprocher de moi.

Comment était-ce possible ? Elle ne pouvait pas avoir vaincu le destin dans toutes les autres dimensions ! Il existait forcément une ligne temporelle où elle avait échoué…Alors pourquoi avançait-elle comme si de rien n’était ?

Mon cœur s’accéléra tout à coup, réalisant que le problème ne venait peut-être ni de moi, ni de Iori…

-Les time Gates…Akane ! M’écriai-je, soudain affolée.




Chapitre 41 : June, Time Gates



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=Qud9yn9zmkQ


Je m’en souvenais comme si c’était hier…La veille de sa mort, alors qu’elle était encore en pleine possession de ses moyens, July m’avait tendu un paquet de feuilles, ainsi qu’une enveloppe scellée avec cette seule instruction : la remettre à celui qui l’avait aidée à réaliser son rêve.

« Tu…tu sais July, tu pourras lui remettre toi-même plus tard, je ne pense pas être la plus apte à transmettre tes lettres d’amour…Avais-je bégayé pour me rassurer moi-même. »

Ma cousine s’était contentée de me sourire et de rire légèrement comme la fillette pure et innocente qu’elle était.

« Simple précaution ; m’avait-elle répondu d’une voix claire et amusée. »

Cette conversation était la dernière que nous avions eue. Sur son lit de mort, je n’avais rien pu faire d’autre que de pleurer toutes les larmes de mon corps, de hurler contre de monde injuste mais je ne pouvais plus rien faire. Les yeux de ma cousine s’étaient fermés pour ne plus jamais se rouvrir. Et j’étais là, impuissante, tenant dans mes mains les derniers souvenirs que July avait un jour existé : un roman inachevé et une lettre dont j’ignorais le destinataire.

Pour noyer ma peine, je me plongeai corps et âme dans le travail, ignorant le reste du monde, espérant que cette douleur finisse par passer mais il n’y avait rien à faire. Le départ de July avait laissé un vide si grand dans mon cœur qu’il m’était impossible de le combler.

Cependant, un jour alors que je relisais les écrits de ma cousine peu avant leurs publications, je vis un détail qui jusque là ne m’avait jamais frappé. Ce détail, c’était la description précise et minutieuse que July donnait des Time Gates. Elle qui écrivait autrefois les histoires de Mickael et Gontran, me faisait visionner parfaitement l’endroit qu’elle évoquait…un endroit mystique, au-delà de l’espace et du temps, un endroit où la mort n’avait pas lieu, un endroit…où tout était possible.

Pour moi, il n’y avait qu’une seule possibilité à une telle description : July connaissait les Time Gates…non, elle s’y était déjà rendue même. Ce livre…Il n’était pas qu’un témoin fantaisiste de la vie d’une petite fille clouée au lit…non, c’était une invitation…Une invitation à aller la retrouver.

Pour la première fois depuis ma naissance, moi qui avais toujours privilégié la logique et le raisonnement aux rêves et espoirs insensés, je me mis à combiner ces deux mondes et me plongeai dans les mêmes recherches farfelues que mon père.

C’est là que j’ai rencontré Angéla. Normalement, je n’aurais jamais dû apprécier une telle personne. Elle était bruyante, insouciante et peu assidue…mais tout comme moi, elle rêvait d’une chose inaccessible.

Au départ, je ne faisais que l’utiliser à mes propres fins, mais plus le temps passait, et plus je m’attachai à cette boule d’énergie inépuisable et à ses amies. Pire, le petit groupe réussit même à me faire oublier l’espace d’un temps le vide qui se logeait dans mon cœur et je me prêtai à leurs jeux tous plus stupides les uns que les autres.

Mais à présent que nous avions toutes grandis et que j’étais de retour dans le monde des esprits, mes véritables objectifs refaisaient surface, et cette fois-ci, j’étais bien décidée à ne pas les perdre de vue.


https://www.youtube.com/watch?v=J5cgX1Pxx-U


Cela faisait plusieurs jours que nous tournions en rond dans le monde des esprits, Aymeric et moi. Nous évitions le plus possible les grandes villes et les espaces dégagés afin de ne pas faire de mauvaises rencontres, et ce, dans le seul but de retrouver Angéla et de la faire revenir à la raison…Ou du moins, c’était l’excuse que j’avais donné à Aymeric.

Car oui, le monde des esprits était sur le point de s’effondrer mais je n’avais aucune intention d’affronter ni Armageddon, ni Fuji Makoto et encore moins de retrouver Angéla dans l’immédiat.

Il ne me restait que peu de temps mais largement assez pour accomplir l’objectif que je m’étais fixé cinq ans plus tôt.

Je sortis la carte que j’avais dessinée à partir des descriptions du roman de July. Comme je le pensais, tout correspondait exactement aux emplacements qu’elle évoquait. Cela me confortait un peu plus dans l’idée que ma quête n’était pas vaine bien qu’insensée à première vue.

A en juger par la carte, nous n’étions plus qu’à quelques heures de marche des Time Gates…Plus qu’à quelques heures de pouvoir enfin dire à ma cousine les mots que je n’avais jamais pu prononcer devant elle…

Pour l’instant, je n’avais rien dit de tout cela à Aymeric. J’avais bien trop peur de sa réaction en apprenant que July vivait encore en quelque sorte, quelque part dans ce monde. Je le savais. Aymeric était tombé amoureux de July bien avant que moi, je ne commence à me poser des questions sur ce mystérieux ami qui aidait ma cousine bien mieux que je ne l’avais jamais fait. Malgré ses airs de rêveurs, il restait rationnel, bien plus qu’Angéla. Je ne voulais pas qu’il tente de me dissuader en pensant à de faux espoirs…

Nous fîmes finalement une pause au milieu d’une clairière, à l’abri des regards et Aymeric poussa un long soupir.

-Pourquoi faisons-nous tout cela pour Angéla…Ce monde n’en a plus pour longtemps et si nous restons prisonniers…

-Justement, nous n’avons pas de temps à perdre. Dans son état, même si Drago est bel et bien mort, Angéla continuerait à le chercher jusqu’à ce qu’elle disparaisse avec ce monde ; mentis-je sans oser le regarder. Nous devons…

Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase que j’entendis comme un grésillement dans ma tête, comme une radio mal branchée et à en juger par l’expression confuse d’Aymeric, je n’étais pas la seule.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


-Aymeric…June…Est-ce que vous m’entendez bon sang !

-Ma…marie ? Balbutiai-je, surprise.

-Ah enfin, ce n’est pas trop tôt, ça fait bientôt une demi-heure que j’essaie de vous contacter !

-Il y a un problème ? Demanda Aymeric d’un air inquiet.

-S’il n’y en avait qu’un ; grogna la sœur de Darksky. Mais bref, Apophis m’a chargé d’une mission pour vous deux.

-Nous sommes un peu occupés à chercher Angéla…

-Oubliez Angéla, elle est avec nous. Non, pour l’instant, nous avons besoin que vous vous rendiez aux time Gates…

-Co…Comment ? M’étranglai-je en écarquillant les yeux de stupeur. Mais pourquoi ?

-Vous devez les détruire.

Ma bouche s’ouvrit mais aucun son n’en sortit.

-Que sont les time Gates ? Et pourquoi devrions-nous faire ça ? Demanda Aymeric, étonné par la tournure des événements.

La voix de Marie fut à nouveau brouillée par des interférences et la communication s’arrêta net. Mais ce n’était pas ce qui m’inquiétait le plus. Pourquoi les autres voulaient-ils détruire cet endroit ? Qu’avait-il de si spécial pour qu’il faille précipiter leur chute alors que ce monde était de toute façon condamné ? Il fallait que j’en aie le cœur net, et vite.

Sans plus attendre, je me relevai et voulus reprendre notre chemin mais Aymeric me retint par le bras, le visage sévère.

-Attends June, tu n’oublies pas quelque chose par hasard ? Me demanda-t-il froidement.

-Nous devons nous dépêcher avant qu’ils n’envoient quelqu’un d’autre si nous trainons trop ; me contentai-je de répondre.

Je tentai de me dégager mais le garçon resserra sa prise sur mon poignet. La, je compris que je ne m’en sortirai pas sans explications. C’est pourquoi, plutôt que de tourner autour du pot, je décidai de tout déballer à mon partenaire.

Le garçon m’écouta attentivement sans dire un seul mot du début à la fin. Et même pendant que je parlais, je ne pus déchiffrer aucune émotion sur son visage.

Mais, lorsqu’enfin j’achevai mon monologue en évoquant le roman de July, son regard se voila de tristesse.

-Alors toi aussi…tu l’as remarqué…Murmura-t-il d’une voix teintée par le regret. Mais je croyais que ce n’était que l’imagination d’un enfant incapable d’accepter la réalité alors j’ai abandonné cette idée…

-Pourtant c’est la réalité, Aymeric. July se trouve aux time Gates, j’en ai la certitude. Elle nous attend. Toi comme moi, nous avons beaucoup de choses à lui dire, j’en suis certaine.

-Pouvoir la revoir…Je ne sais pas si je le supporterai…Car si je la revois…Je devrai lui dire adieu une seconde fois !

-Mais au moins, tu lui diras cette fois ; rétorquai-je, déterminée. Sa mort nous a tous pris au dépourvu il y a cinq ans. Mais maintenant, nous sommes prêts. Nous avons grandi. Nous pouvons surmonter cette épreuve…Car cette fois-ci, nous ne sommes pas seul.

Tout en disant cela, je plongeai mon regard dans celui d’Aymeric et je posai ma main sur la sienne. Immédiatement, il s’arrêta de trembler et baissa les yeux en souriant.

-J’ai l’impression d’être toujours aussi immature qu’à l’époque…Mais soit, si toi au moins tu penses en être capable, alors je viendrai avec toi.


https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE


C’est ainsi que nous reprîmes notre route, plus motivés que jamais. Et finalement, après une longue marche, nous arrivâmes enfin au pied d’une haute montagne se perdant au loin derrière une épaisse couche de nuages noirs. Selon mes recherches, il s’agissait du plus haut sommet du monde des esprits, un pic si haut que même les esprits de duels volants ne pouvaient parvenir jusqu’en haut…Du moins, c’était ce qu’évoquaient les écrits de July.

Cependant, les catastrophes qui avaient ébranlé les environs depuis l’arrivé de Fuji Makoto semblaient également avoir affecté l’Everest de ce monde. Partout, je pouvais distinguer comme des bombardements sur les flancs de la montagne, ainsi que de nombreux éboulements. Certains flancs s’étaient même totalement affaissés, coupés nets par les assauts de notre ennemi.

Mais au sommet, je pouvais la voir, cette lueur scintillant au milieu de l’obscurité, perçant à travers la mer de nuage, comme une balise, un phare perdu au milieu d’un océan déchainé…Oui, là-haut, les Time Gates existaient encore.

Je me mis à trembler, appréhendant soudainement l’idée de revoir ma cousine mais Aymeric me prit par la main et me sourit.

-Allons-y, June. July nous attend.

J’hochai la tête, déterminée et nous entamâmes notre longue et interminable ascension.

Plus nous nous élevions et plus l’obscurité se faisait lourde et oppressante, peut-être à cause du manque d’oxygène, mais ni les côtes escarpées, ni les gouffres sans fond, ni les ravins sinistres, ni le froid glacial, ni les flancs abrupts ne nous repoussèrent.


https://www.youtube.com/watch?v=hajo5RORXRE


Et finalement, nous atteignîmes notre but. Lorsque nous émergeâmes de l’épaisse couche de nuages d’orage, je dus plisser les yeux tant le soleil m’éblouissait…Non, ce n’était pas le soleil…Au-dessus de nos têtes, le ciel était toujours aussi sombre qu’en bas…

Cette lumière chaude, apaisante, réconfortante et porteuse d’espoir…Elle émanait de cet endroit lui-même.

Là, un vent frais soufflait sur une immense plaine verdoyante, faisant onduler lentement les brins d’herbe et les fleurs multicolores en tout point semblable à celles que nous pouvions trouver dans notre monde. Une agréable odeur flottait dans l’air, un subtil mélange de nature et de civilisation, comme dans un pique-nique en forêt au printemps.

Tout autour de nous, des pétales de fleurs de cerisier voletaient au gré de la brise avant de s’échouer dans un lac d’eau cristalline se déversant directement sur la montagne en une cascade majestueuse.

Au loin, je pouvais distinguer d’autres sommets du monde des esprits émergeant au-dessus de cet océan de nuages d’orage, ainsi que l’arbre des Naturia, seule structure s’élevant bien plus haut que toutes les autres, tandis que dans le ciel scintillaient des milliers d’étoiles, ainsi que le corps sans vie d’un colosse perdu dans l’infinité de l’espace.

-Alors comme ça…Ils ont réussi…Murmurai-je, heureuse.

-June…Regarde là-bas…Est-ce que ça serait…

Je fus tirée de mes rêveries par la voix d’Aymeric. Mon ami me désignait un bâtiment qui jusque là n’avait pas attiré mon attention, car noyé dans la propre lumière qu’il irradiait.

Il s’agissait d’un petit pavillon blanc, tel que nous pouvions en trouver dans les jardins de la renaissance. Il se trouvait au milieu de ruines de ce qui semblait avoir été autrefois une sorte de temple grec.

Deux immenses piliers s’élevant jusqu’au ciel l’entouraient, comme une structure protectrice et je sortis un croquis de ma poche. Il n’y avait pas de doute. Ces deux immenses piliers étaient ceux dont parlait July…

Nous nous approchâmes lentement de l’édifice antique et tout en marchant, une silhouette commença à se dessiner à l’intérieur du pavillon blanc. Mon cœur battait la chamade à mesure que nous nous rapprochions. À tout moment, je m’attendais à distinguer une lueur émeraude au milieu de cet océan de nacre.

Mais lorsque nous arrivâmes à quelques mètres des piliers, la jeune fille qui tourna la tête en nous attendant arriver n’était pas ma cousine mais…

-Miyako ? S’étonna Aymeric, déconcerté.

Oui. La personne qui nous faisait face, assise sur une chaise de jardin en sirotant un thé au jasmin était le portrait craché de notre leader. Elle possédait la même frange négligée, les mêmes cheveux rougeoyants, comme enflammés, le même visage fin et les mêmes yeux bleus comme la glace…La jeune fille, qui devait avoir aux alentours de vingt-ans, portait un simple manteau noir par-dessus d’un t-shirt bleu marine et d’un pantalon tout aussi sombre. A son cou pendait un petit collier orné d’un pendentif en tout point semblable aux perles noires des colliers de Miyako.

Lorsqu’Aymeric s’avança d’un pas, je lui barrai la route avec mon bras et je fronçai les sourcils, sur mes gardes.


https://www.youtube.com/watch?v=92ntXaGW0Ls


Même si cette personne ressemblait à notre Leader, son visage était bien plus froid et plus hostile que celui de Miyako ne l’avait jamais été tandis que dans son œil droit brillait une marque étrange, comme deux aiguilles d’horloge courbées…

La jeune fille lâcha un long soupir tout en posant délicatement sa tasse de thé avant de se lever pour nous faire face en nous lançant un regard glacial.

-Il ne manquait plus que ça. D’abord Amon, et maintenant deux petits rats un peu trop curieux. Il faut croire que je ne terminerai jamais ma tasse à ce rythme ; déclara la copie de Miyako d’une voix lasse. Je pourrais blâmer Armageddon de ne pas avoir suivi mes conseils mais au point où nous en sommes, les mots importent peu face aux actes.

Celle qui se présentait comme nous ennemie descendit lentement les marches du pavillon tandis que le vent qui soufflait sur la plaine redoubla d’intensité. Aymeric et moi reculâmes, méfiants. Après tout, nous ne savions ni à qui nous avions à faire, ni quelles étaient ses pouvoirs.

Une fois sur l’herbe, elle toucha simplement la structure immaculée du bout de son doigt et celle-ci se mit à luire d’une intense lueur. Je mis ma main devant mes yeux pour ne pas me faire aveugler mais lorsque je réalisai ce que la rouquine venait de faire, j’écarquillai les yeux de stupéfaction.

L’abri de Jardin avait purement et simplement disparu pour laisser place à une simple tablette de pierre dans laquelle était gravé un cercle blanc et en son centre scintillait un minuscule orbe bleu comme du saphir.

-Laissez-moi me présenter. Mon nom est Yami Akane. Je suis la protectrice des Time Gates. Si la raison de votre présence en ce lieu est de modifier l’histoire…Alors je vous supprimerai de l’histoire !

La pierre bleue rayonna de plus belle, prenant la même couleur que les yeux de la dénommée Akane. Ce n’était pas bon…Nous n’étions pas prêts à combattre…

Instinctivement, Aymeric matérialisa le bouclier d’Utopie devant nous pour nous protéger et le visage de la jeune fille fut illuminé d’un large sourire.

Elle pointa alors l’index vers le ciel et je compris.

-Aymeric, attention, au-dessus de toi !

Juste à temps, je me jetai sur le garçon et je nous fis rouler sur plusieurs dizaines de mètres tandis que j’entendis derrière nous une forte explosion si puissante que nous fûmes soufflés comme de vulgaires brindilles par l’onde de choc.

J’eus des sueurs froides lorsque je constatai qu’à l’endroit où nous nous trouvions un instant plus tôt, il n’y avait plus qu’un cratère fumant ayant pulvérisé toute forme de vie. Il ne restait plus rien de l’herbe ni des fleurs, pas même une cendre…Tout avait été purement et simplement annihilé…

Notre ennemie siffla de frustration en voyant que nous avions échappé à son attaque avant de lever à nouveau le doigt vers le ciel.

Au loin, une étoile brilla plus fort que les autres et je tentai de me relever pour échapper à cette attaque mortelle mais au moment même où je posai le pied sur le sol, une atroce douleur m’empêcha de continuer.

Dans ma chute, j’avais certainement dû me casser un os où une côte, peu importe, mais j’étais immobilisée. Aymeric n’était pas dans un meilleur état que moi. Un long filet de sang coulait de son crâne et son bouclier était en miettes…

-Sagita…

-Arrête, Akane !


https://www.youtube.com/watch?v=ihtdBH0kSxc


Mon cœur bondit dans ma poitrine en entendant cette nouvelle voix…Cette voix que je n’avais pas entendue depuis cinq ans et que ne pensais plus jamais entendre à nouveau…

Timidement, je relevai la tête et je la vis…Habillée simplement d’une longue robe blanche et baignant dans un halo de lumière, July venait d’apparaitre et s’était interposée entre nous et la rouquine, qui affichait un air tout aussi interdit que moi. Mais il ne s’agissait pas de la petite fille faible et clouée au lit que j’avais laissée derrière moi…non…Elle était à présent une jeune fille de mon âge, en pleine forme et débordant d’énergie à tel point que je pouvais la sentir m’envahir et me redonner des forces par sa simple présence.

-Ju…July…Bégaya-t-elle. Pousse-toi de là, si tu ne bouges pas, je te balaierai en même temps que ces menaces pour l’histoire !

Ma cousine secoua lentement la tête tout en souriant.

-Tu te trompes, Akane. June et Aymeric ne sont pas ici pour causer des problèmes. Je les ai simplement invités.

La rouquine eut un moment d’hésitation avant de finalement arrêter son attaque à contrecœur.

Mais alors que j’étais encore sous le choc, ma cousine s’avança vers moi d’un pas léger, comme flottant au-dessus du sol, puis se baissa et me tendit la main sans cesser de me sourire.

-Je savais que vous y arriveriez, June…Aymeric ; déclara-t-elle d’une voix claire.

Au moment même où elle s’adressa à moi, je ne pus me retenir davantage et je me jetai dans les bras de ma cousine, éclatant en sanglots.

-July…C’est bien toi…Je suis tellement heureuse…Je pensais…Je pensais ne plus jamais te revoir…

Dans un geste maternel, ma cousine se mit à passer lentement sa main dans mes cheveux, comme pour me rassurer, bien que je sentisse sur mon visage tomber quelques chaudes larmes de joie.

-Tu m’a manqué…cousine ; me dit-elle tendrement.

Notre étreinte se prolongea indéfiniment. J’avais retrouvé July, mais j’avais peur qu’elle ne disparaisse à nouveau en la relâchant.

Aymeric, quant à lui, resta un peu en retraite, n’osant pas se mêler à cette réunion de famille et se contentant de regarder de loin en souriant le retour de celle qu’il aimait plus que tout.


https://www.youtube.com/watch?v=HSiVHU7ISK4


Contre toute attente, Akane changea brutalement d’attitude avec nous et désactiva ses pouvoirs pour faire réapparaitre le pavillon dans lequel elle nous invita, Aymeric et moi. Là, je pris place en face des deux jeunes filles et la rouquine nous servit à boire d’un claquement de doigts.

Evidemment, je ne pus m’empêcher de bombarder ma cousine de question, ne lui laissant quasiment aucun répit et cette dernière nous raconta le miracle qui lui avait permis de nous revoir ce jour-là.

-Alors comme ça Akane…T’as recueillie ? Murmura Aymeric, ne réalisant toujours pas bien qu’il parlait à la véritable July.

-Oui, on peut dire cela comme ça ; rit ma cousine. Lorsque j’ai ouvert les yeux après mon opération, je n’ai pas vu le visage de mes parents, ni le tien, ni celui de June mais celui d’Akane.

-J’avais simplement besoin de compagnie ; lança la gardienne en haussant les épaules. Tu connaissais l’existence des Time Gates alors je me suis dit que t’amener ici serait bénéfique pour nous deux. On s’ennuie à mourir ici vous savez et ce n’est pas Iori qui va venir me voir dans son état.

-Iori ? Répétai-je en fronçant les sourcils.

La rouquine lâcha un long soupir et claqua des doigts. Le décor changea instantanément, passant de paradisiaque à la définition de l’enfer sur terre. Oui…Car dans cette illusion, Paris était détruite, ravagée par les flammes. Au loin, des détonations de bombes retentissaient toutes les minutes mais je ne voyais personne dans les rues à part des cadavres et des squelettes rongés par les rats.

Aymeric eut un haut le cœur devant cette vision d’horreur et Akane reprit la parole d’une voix lente et fatiguée. Elle nous raconta d’où elle venait…ou plutôt de quelle époque elle venait, toutes les horreurs qu’elle avait endurées, mais surtout, pourquoi elle se trouvait dans notre monde et quel était le véritable objectif d’Armageddon.

J’écoutai attentivement la jeune fille. Même si j’aurais pu croire à une manipulation de sa part pour nous faire renoncer, quelque chose au fond de moi me disait que tout ce qu’elle nous racontait était la stricte vérité. Je n’étais pas la seule à le penser. A en juger par l’expression de dégout d’Aymeric, lui aussi était convaincu que tout cela avait existé et il ne refusait de l’accepter, lui qui s’était allié à Gariatron dans l’espoir de sauver sa mère…

Lorsque la vision se dissipa, nous nous retrouvâmes à nouveau au milieu de cette prairie infinie, choqué et bouleversés par ce que nous venions de voir et d’entendre. C’était comme regarder un reportage de guerre…mais en temps de guerre.

-Voyez, le combat que vous menez actuellement est inutile. Mais malheureusement, le nôtre l’est devenu également ; déclara tristement Akane.

-Co…Comment cela ? Bégaya Aymeric, perdu.

-Les Time Gates sont un portail qui relie cette ligne d’univers aux autres lignes d’univers ; lui répondit July d’une voix calme. Un portail où tout devient possible, y compris le retour en arrière. La réalité telle que nous la connaissons se mélange ici avec d’autres réalités, parfois similaires, parfois différentes en tout point. C’est pour cela que je peux vivre ici, car il existe des mondes où j’ai survécu…Mais si cet endroit tombe entre de mauvaises mains…

-Alors ce monde ne sera pas le seul à être en danger ; achevai-je, horrifiée par cette possibilité.

Ma cousine hocha la tête et laissa la parole à son amie.

-L’Amon de ce monde n’en a pas encore conscience…Mais il a déjà forcé l’activation des Time Gates en ramenant sa fille dans ce monde. Ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il ne se rende compte du pouvoir qu’il détient réellement.

-Dans ce cas, pourquoi ne pas simplement détruire cet endroit ? Suggéra le garçon de manière pragmatique.

-Malheureusement, ce n’est pas aussi simple que cela ; lui répondit Akane d’un air embêté. Vois-tu, Armageddon ne peut réguler le cours du temps que grâce aux Time Gates, elles sont une sorte de carte pour elle. Sans les Time Gates, ce monde se retrouvera isolé dans sa propre ligne d’univers, sans aucune possibilité de changement. Ce qui signifie que ce monde sera figé dans la direction qu’il prend actuellement, quelle soit bonne…ou catastrophique, et ce, sans possibilité de retour en arrière.

Je déglutis. Je ne préférais même pas imaginer les conséquences d’un tel futur. Celui d’où venait Akane me semblait déjà chaotique mais à l’entendre, nous pouvions nous diriger vers bien pire que tout ce qu’elle avait connu…


https://www.youtube.com/watch?v=9NmT8Eoa0_Q


Cependant, quelque chose me dérangeait dans le raisonnement de la rouquine. Dans chacune de ses phrases, elle parlait d’Amon, qui était la véritable identité de Fuji Makoto selon ses propres dires…mais en venant ici, j’avais vu la dépouille de Noun flotter dans le ciel…Pourquoi continuait-elle à en parler au présent si Angéla et les autres l’avait vaincu ?

Je plissai les yeux pour scruter à nouveau le ciel mais aucun doute n’était possible. Ce point lumineux à l’horizon qui dérivait rapidement dans la voute céleste, il s’agissait de Noun. De plus, le monde des esprits était sur le bord de la destruction, ce qui condamnait forcément les Time Gates dans la foulée…

Mon esprit logique n’aimait pas cela. J’avais beau me retourner le cerveau, je ne trouvai aucune explication à ces incohérences dans le discours de la gardienne. Et plus je tournais en rond et plus je sentais que quelque chose de bien plus grave se préparait dans l’ombre…

Aymeric ne semblait pas préoccupé par cela et continuait simplement à parler avec July, simplement heureux de revoir celle qu’il aimait et je pouvais le comprendre. La savoir en vie et en bonne santé confortait non seulement mes espoirs mais aussi me procurait un sentiment de quiétude infini…Mais cette mauvaise intuition m’empêchait de me réjouir pleinement…

Soudain, je vis de très légères vaguelettes se former dans ma tasse de thé. Je pensai d’abord à un vent un peu plus fort mais je me ravisai lorsque je ne ressentis rien, pas même la douce brise qui nous berçait quelques instants plus tôt.

Personne ne sembla l’avoir remarqué mais ce n’était pas mon imagination. Quelque chose ou quelqu’un venait de faire vibrer le sol de cette plaine…

Intrigué, je me levai, captant l’attention de tout le monde au passage.

-Il y a un problème June ? Me demanda July, inquiète.

-Il…Il arrive…Me contentai-je de répondre.


https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY


Ma cousine pencha la tête sur le côté, confuse mais pour toute réponse, je me contentai de pointer une étoile dans le ciel qui bougeait bien trop vite à mon gout et tout se débloqua dans mon esprit.

-Tout le monde, à terre ! Hurlai-je, affolée.

Mais nos réactions furent bien trop lentes. Un éclair lumineux embrasa le ciel et vint frapper le pavillon de toute sa puissance.

Je réussis à échapper à l’impact en activant mes pouvoirs pour me rendre intangible, mais une fois le rayon destructeur passé, il ne restait du paradis verdoyant qu’un monde de flammes…

-Aymeric ! Akane ! JULY ! Hurlai-je, me précipitant vers les décombres.

Heureusement pour eux, la gardienne avait eu le temps d’ériger un bouclier suffisamment puissant pour tous les protéger et nul n’était blessé.

-Qu…Qu’est-ce que c’était que ça ? Balbutia Aymeric, encore sous le choc.

Alors qu’Akane ouvrait son bouclier afin de voir la menace arriver, ce que je vis me laissa bouche bée. Ma cousine, rapide comme l’éclair, se précipita derrière la rouquine pour lui asséner un violent coup droit sur la nuque.

Sans même comprendre ce qui lui arrivait, et sous nos yeux ébahis, Akane perdit connaissance et s’effondra dans les bras de ma cousine dont l’expression, d’habitude si calme et joyeuse, venait de se durcir subitement.

-Ju…ly ?

-Aymeric, June, prenez Akane avec vous et fuyez le plus loin possible ; déclara ma cousine d’une voix que je ne lui reconnaissais pas.

-ça ne va pas bien ! Je viens de te retrouver, ce n’est pas pour t’abandonner à la première occasion ! Rétorqua Aymeric, interdit.


https://www.youtube.com/watch?v=g5lLa8guULs


Un léger sourire passa sur la figure de celle que je considérais comme ma propre sœur, un sourire triste, rempli de regret, le même sourire qu’elle avait adressé juste avant son opération…

-Je suis désolée…Je n’aurais pas dû vous demander de me retrouver ici…Mais il y a tant de choses que je voulais vous dire…tant de choses que je gardais pour moi…tant de choses que je ne pouvais pas exprimer…

A ce moment-là, je pus voir de minuscules larmes cristallines se former aux coins des yeux de July et mon cœur se serra.

-S’il te plait, Aymeric…Détruis les Time Gates.

-Les…Les détruire ? S’étrangla-t-il. Mais si je fais cela…tu…July, tu vas…

-Je ne suis qu’un souvenir pour vous désormais…La July que tu connaissais est morte accidentellement il y a cinq ans…Si je peux vous parler aujourd’hui, c’est uniquement grâce à la gentillesse et à la pitié d’Akane…Alors s’il vous plait, sauvez les vivants et laissez les morts où ils sont…

-Tu…Tu crois vraiment que je peux faire ça, July ! S’écria le garçon, les yeux rougis par les larmes qu’il retenait. J’ai…J’ai échoué à te protéger il y a cinq ans…J’ai été aveuglé…bien trop immature pour comprendre le monde autour de moi…Et je t’ai perdue…Et tu me demandes de t’abandonner une seconde fois ?!

-Aymeric…

Oui…Je le comprenais, et je partageais exactement les mêmes sentiments que mon amie à l’égard de ma cousine. Tout comme lui, je m’en étais voulue de ne rien avoir pu faire pour la sauver, et tout comme lui, la laisser ici revenait à répéter mes erreurs du passé…Mais je m’étais jurée…je m’étais jurée de tourner la page en venant ici…Alors pourquoi…Pourquoi ne pouvais retenir mes larmes ?

Oui…je pleurais…mon cœur me faisait mal…Il me brûlait de l’intérieur…Les remords me consommaient tout entière…J’étais impuissante…Car une fois de plus, je ne pouvais rien faire pour sauver celle pour qui j’avais tout donné.

Elle leva les yeux au ciel tandis que l’étoile se faisait de plus en plus grosse puis, lâchant un petit soupir, ramassa la tablette de pierre qui gisait au milieu des décombres.

-June…Me dit-elle soudain en se forçant à sourire. Tu sais…Je voulais te le dire depuis longtemps mais…Merci de m’avoir soutenue tout ce temps. Même si jamais je n’ai réussi à atteindre ton niveau, tu étais celle qui me donnait le courage d’avancer toujours plus loin, de me lever de mon lit pour combattre ma maladie, d’ouvrir les yeux le matin et de continuer à vivre…Car c’est ce que tu faisais et je voulais te ressembler…toi, mon modèle…

-Qu…Qu’est-ce que tu racontes, idiote ? Lui répondis-je d’une voix déformée par le chagrin. C’était toi mon modèle…Toujours…Toujours j’ai admiré ta combativité…Je voulais être aussi forte que toi…

-Tu n’as donc toujours pas compris, même après toutes ces années ; me dit July, amusée. Tu n’as pas besoin de te rabaisser, de suivre un modèle et d’avoir honte de toi-même…la modestie est une vertu…Mais ne pas reconnaitre ses propres capacités est un vice. Alors s’il te plait, à partir de maintenant, n’aie plus peur de voler loin au-dessus des autres…Fais le pour moi qui ai toujours rêvé de te voir prendre ton envol depuis le sol où j’étais clouée. Laisse-moi…rêver à travers toi.

Je détournai le regard, ne pouvant supporter de lui répondre dans les yeux, bien trop fière pour lui montrer mes faiblesses, pas après une telle confession…

-Je…je te le promets…cousine.

-Attends June, ne me dis pas que tu acceptes…

-Aymeric ; reprit-elle d’une voix douce et teintée de chagrin.

Le garçon se figea et regarda droit dans les yeux cette fille avec qui il avait passé tant de temps à l’hôpital.

-J’imagine que tu as lu ma lettre si tu voyages avec June…

Pour la première fois depuis que je la connaissais, je vis ma cousine rougir et être gênée.

-Je…Je ne voulais pas te faire de mal, vraiment…Mais…

-N’en dis pas plus, July ; l’arrêta le garçon. Ma réponse est oui.

-O…Oui ? Bégaya-t-elle, déstabilisée.

-Je t’aime moi aussi. De tout mon corps et de toute mon âme, je t’ai aimé, bien plus que je n’ai jamais aimé Angéla…C’est pourquoi, tu me demandes l’impossible ! T’abandonner ici ? Ou bien te tuer ? Est-ce que tu as perdu la tête ! Jamais je ne pourrais faire une telle chose, pas à toi ! Je t’ai enfin retrouvée après toutes ces années, alors qu’importe si le monde doit disparaitre, je resterai à tes côtés jusqu’à la fin, je combattrai Fuji Makoto mais je t’en prie…ne me quitte pas…une seconde fois…

-Tu mens…N’est-ce pas ? Déclara ma cousine d’un air amusé.

-Non ! Je…

-Je sais bien que quelqu’un d’autre a pris ma place dans ton cœur…Et cette personne se trouve ici même.

Lorsqu’elle pointa le doigt vers moi, je ne pus m’empêcher de rougir et de baisser les yeux tandis qu’Aymeric ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit, incapable de démentir cette accusation.

-Protège June, protège-là au prix de ta vie, protège celle que tu aimes, protège…celle qui m’a appris à vivre.

Tremblant, Aymeric approcha sa main de la tablette de pierre que tenait July dans les mains. Il le savait. Il savait qu’une fois brisée, July disparaitrait, et cette fois-ci, définitivement. Mais nous n’avions pas le choix. Si Fuji Makoto s’emparait de cet artéfact, tout était fini…Et mon ami le savait tout aussi bien que ma cousine et moi.

-Je…Je…

-Aymeric !


https://www.youtube.com/watch?v=qokDVcHPaX0


Sans le prévenir, July rapprocha son visage du sien…Et l’embrassa. Pour moi comme pour lui, le temps se figea en cet instant à la fois magnifique et tragique. D’abord troublé, Aymeric finit par rendre son baiser à la jeune fille dans une étreinte longue et passionnée.

Mais je n’étais pas jalouse. Au contraire. J’étais heureuse. Heureuse que chacun ait pu enfin exprimer ses véritables sentiments, heureuse qu’Aymeric puisse lui dire adieu, heureuse…que ma cousine ait pu enfin trouver ce bonheur qu’elle avait toujours cherché.

-Je suis heureuse de t’avoir rencontré…Aymeric Muller…

-July…

Tandis que leur étreinte se prolongeait, je vis la main de July s’avancer lentement vers celle d’Aymeric qu’elle posa sur la tablette de pierre…avant de lui faire briser le saphir incrusté en son centre. Le cristal vola en un millier d’éclats scintillant tandis que le corps de la jeune fille se mit à briller d’une lueur intense.

Une violente bourrasque se leva, nous repoussant, Akane, Aymeric et moi, du corps translucide de July.

-Attends…S’il te plait…ne pars pas, j’ai besoin de toi…

Pour toute réponse, elle se contenta de secouer la tête en souriant avant de disparaitre dans l’obscurité.

-Adieu…Et merci…

-JULY !


Un rêve…Je volais dans le ciel, au-dessus d’un océan d’azur. Au-dessus de moi, il n’y avait rien d’autre que des nuages tandis que de nombreux oiseaux planaient en contrebas. La plage était vide…Vide, à l’exception d’une personne, une jeune fille levant les yeux au ciel, admirant cet unique oiseau volant loin des autres, si haut que personne ne pouvait l’atteindre et elle leva la main vers moi. D’abord, je crus qu’elle voulait me rejoindre, mais je remarquai que seul son index pointait vers moi…Non…Il ne me pointait pas…Il pointait le soleil…Elle me disait de l’atteindre…De viser toujours plus haut…

Puis une voix résonna dans ma tête, une voix déformée par les nuages, mais que je reconnus immédiatement…car je me souvenais parfaitement du jour où July avait prononcé ces mots tandis que je crus voir le spectre de ma cousine planer à côté de moi.

« Dis, June…quand tu seras championne de duel…Est-ce que tu m’emmèneras avec toi ? Est-ce que tu me montreras…ce monde que je n’atteindrai jamais ? »

-Evidemment, jamais je ne te laisserai derrière moi.

« Tu me le promets ? Tu ne te retiendras pas pour m’attendre, hein ? »

-Oui, je te le promets.

« Je n’ai pas besoin de vivre la vie d’une aventurière. Lire tes aventures me suffit à remplir ces pages blanches qui composent ma vie. »

-Dans ce cas, je vivrai les aventures les plus grandioses et je te les raconterai à mon retour.

« N’oublie jamais cela, June. La vie est un livre. L’important, ce n’est pas qu’il soit long. Non… »

-Mais il faut qu’il soit bien écrit.

« Vis, June. Ecris ces pages que je n’ai jamais pu écrire…J’espère simplement que tu n’oublieras pas le ce minuscule chapitre dans lequel j’apparais. »

-Même si je t’oubliais, je suis certaine que ton fantôme viendrait me hanter pour me le rappeler…

« Porte-toi bien, ma très chère et adorée cousine…Merci de ne jamais m’avoir abandonnée »

Alors qu’elle prononçait ces mots, l’image de July s’estompa dans les ténèbres, de même que la plage et le soleil.

-Adieu…July…et merci à toi…d’avoir rempli les pages de mon roman…

Et ma conscience sombra dans le néant.




Chapitre 42 : Iori, Bonds Beyond Time, 2eme partie



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=D3szxL8QcPs


Iori se jeta sur moi, sa lance en avant, bien décidée à m’éliminer pour de bon. Je brandis ma propre arme devant moi à l’horizontal pour me protéger de son assaut avant de la repousser du tranchant de mon épée.

Mon double fit un bond en arrière pour esquiver mon coup. Elle était à bout de souffle, rien que tenir debout semblait être un supplice pour elle. Et pourtant, j’avais ressenti son attaque faire vibrer tous les muscles de mon corps, à tel point que mes bras en tremblaient encore.

Que se passait-il ? Pourquoi Akane ne me répondait-elle pas ? Pourquoi les pouvoirs d’Armageddon avaient-ils subitement cessé de fonctionner ? Je n’avais pas de temps à perdre avec cette pâle copie de moi-même…

Malgré tout, je refusais de fuir ce combat, pas après avoir montré une telle arrogance. Je me devais de lui prouver qu’elle avait tort, que sa quête était vide de sens, sans quoi, elle continuerait à me mettre des bâtons dans les roues encore et encore…

-Ridicule…Tout cela est ridicule, Yuiko Iori ! Je te savais stupide en défiant le destin que je t’ai offert, mais même en sachant tous les sacrifices que j’ai dû faire pour te l’offrir…Tu continues à t’opposer à moi et à en vouloir toujours plus ! Tu atteins réellement le summum de la bêtise ! Rétablir une injustice ? Vouloir voir le sourire de notre mère se transmettre bien après sa mort ? Reprendre ce rêve que j’ai soi-disant abandonné en cours de route ? Si tu as compris pourquoi je fais tout cela, pourquoi ne réalises-tu pas que ton idéal est justement ce qui te conduira en enfer ? Changer l’histoire implique des sacrifices. Sauver le futur, et sauver ton futur sont deux choses différentes. Mais il est impossible de réaliser les deux ! Plus tu désireras atteindre la perfection et plus elle s’éloignera de toi et à la fin, tu ne vaudras pas mieux qu’Amon ! J’ai essayé de t’épargner afin de te laisser vivre la vie que je n’ai jamais pu avoir…mais si même cela tu es incapable de le comprendre…Alors je reprendrai cette vie que tu refuses et avec toi mourront tes idéaux ! Disparais de cet univers sans laisser de trace derrière toi, et ainsi, je pourrais continuer l’œuvre que toi, tu n’aurais jamais dû abandonner, à savoir le rôle de fille normale dont j’ai toujours rêvé !

Sans me répondre, Iori se précipita à nouveau vers moi, alternant et enchainant les coups d’épée et de lance.

J’étais sur la défensive. Sans les pouvoirs d’Armageddon, nous étions totalement à armes égales…Non…Mon double possédait encore les pouvoirs des démons en elle. Cette dernière ne se priva pas pour s’en servir et projeta un torrent de flammes sur moi. Je réussis à les repousser simplement en faisant tournoyer ma lance devant moi mais cette attaque n’était qu’une feinte. Car lorsqu’elles eurent disparu, j’eus tout juste le temps de parer sa lame en croisant mes deux armes devant moi.

Son visage…Ce n’était plus celui de la petite fille apeurée qui suivait aveuglément son idéal…Non…Dans ses yeux brûlaient les mêmes flammes qui m’avaient animée près d’un siècle auparavant…La flamme de la volonté de changement…

Cependant, même si nous ne nous battions plus avec les mêmes atouts…Mes capacités physiques restaient bien supérieures aux siennes et il me restait encore de nombreux tours dans ma manche.

-Luminion’s Light !

Tout mon corps irradia une vive lumière qui aveugla mon ennemie. Je profitai de cette occasion pour enflammer ma lance des flammes de Nout et la plantait dans le flan de Iori avant de l’envoyer valser au loin d’un puissant coup de pied.

La jeune fille cracha un long filet de sang tout en roulant plusieurs fois sur elle-même avant de finalement s’arrêter, mordant la poussière au sens propre.

Mais lorsque je la vis se relever une fois de plus, mon sang bouillonna de rage. Pourquoi continuait-elle à se battre ? Pendant la guerre, mes forces m’avaient entièrement abandonnée pour moins que ça…Mais elle…Elle dépassait les limites physiques du corps humain…Et elle continuait à les dépasser…Peut-être avait-elle enfin compris…

Oui…Cette volonté inébranlable…Cette résistance à toute épreuve…Cet esprit refusant de se briser…Ce regard à la fois pitoyable et déterminé…Je les connaissais…C’était celle d’une femme ayant lutté pour sauver ce qui lui était cher…Car moi aussi, j’avais transcendé les limites de mon humanité afin de vaincre Gariatron…

Cela me dégoutait. C’était un gâchis immense. Rétablir la justice de monde, reprendre les vies qui n’auraient jamais dû s’éteindre…Nous partagions le même rêve, elle et moi et nous mettions en place les mêmes moyens pour l’atteindre. Néanmoins, la vie que je lui avais offerte ne lui permettait pas de se rendre compte, non pas de ses limites, mais des limites de ce monde, des limites immuables, infranchissable, des limites apportant un châtiment suprême à tous ceux qui osaient tenter de les franchir.

En soit, j’étais en partie responsable de ce qui m’arrivait. J’aurais dû être plus prudente, me douter que je ne me satisferais jamais d’une injustice, que je serais incapable de supporter la souffrance sans être née dedans. Finalement, cette ennemie que j’avais en face de moi…N’était que la conséquence de ma négligence…Ou plutôt de mon excès aveugle de prudence.

Oui. La mort de Laura était injuste, arbitraire, conséquence d’un choix malheureux…Mais ni moi, ni Iori n’étions en tort finalement. Nous avions raison toutes les deux. Nos seuls différents étaient nos expériences. Mon passé n’était que désespoir et désillusions, ce qui m’avait rendu extrêmement prudente, voire même paranoïaque. Mais Iori au contraire avait gardé ces rêves et ses espoirs que j’avais abandonnés en chemin.

Quand bien même il me restait des regrets de ne pas avoir pu sauver tout le monde, voir la lumière du soleil briller à nouveau au-dessus des rires et des sourires suffisait à me confirmer que je n’avais pas fait le mauvais choix. Iori pouvait bien me prouver ce qu’elle voulait, mes convictions étaient tout aussi inébranlables que les siennes. C’est pourquoi, ce combat ne pouvait se terminer que par la mort de l’une d’entre nous.

-Laisse-moi te le dire une nouvelle fois, mais même si tu me vaincs, tu n’auras aucune garantie de voir ton précieux idéal se réaliser, et lorsque tu le constateras, tu sombreras dans un désespoir d’où personne ne pourra te tirer, pas même ce sourire qui t’es si précieux.

Puisant dans mes réserves, je créai tout autour de moi des dizaines de lances enflammées et les projetai toutes en mêmes temps sur la jeune fille. Tentant de parer cet assaut, Iori changea entièrement son corps en eau dans l’espoir d’éteindre mes flammes mais elle était bien trop prévisible.

-C’est la fin ! Luminion Life Light !

Mon double écarquilla les yeux lorsque, enveloppé d’un puissant halo de lumière, je me précipitai sur elle, avec comme seule arme l’énergie que je dégageai. Au moment même où je percutai la masse d’eau qui composait son corps, ses pouvoirs disparurent et mon poing s’enfonça dans son ventre pour la projeter à plusieurs centaines de mètres.

Un bang sonique retentit, les nuages s’écartèrent, formant un V derrière mon impact et dans le sol un profond cratère s’était formé.

Vidée de ses forces, mon double s’écrasa violement face contre terre tandis que je la dévisageai de haut avec mépris.

-Quelle ironie tu ne trouves ? De te faire vaincre par cette même lumière que tu recherches tant. A croire que le sourire de notre mère ne peut sauver tout le monde s’il ne peut te sauver toi-même. Quoiqu’il en soit, ce combat est terminé, Yuiko Iori. A présent, laisse-moi profiter de cette vie paisible que tu as refusée.

Je pointais la lance du destin vers la jeune fille et commençai à charger une attaque suffisamment destructrice pour balayer cette espace lui-même en un seul coup.

-Oui…Tu as raison…Mon rêve est insensé…Articula-t-elle, haletante. Mais…ne trouves-tu pas cela…Beau ?

-Beau ?


https://www.youtube.com/watch?v=1ErwgLxBNL0


-Je sais que c’est hypocrite de vouloir changer un futur qui a déjà été sauvé…Mais malgré ça, j’ai toujours pensé…que tout pouvait être encore bien meilleur…et que voir ce monde de mes propres yeux serait merveilleux. Même si ma vie a été gâchée de ton point de vue…souhaiter que Laura survive au destin auquel tu la condamnes afin de redonner le sourire à tous ceux qui ont souffert après sa mort est forcément quelque chose de beau ! Je ne le perdrai pas de vue. Même si c’est stupide et erroné, je ne reculerai pas. Même si je suis une ingrate…ce rêve…Ce rêve n’est pas une utopie !

Soudain, ce ciel gris et sombre qui composait mon monde de mes souvenirs fut éclairé d’une vive lumière. Derrière Iori, les nuages qui masquait depuis toujours le soleil se dissipèrent pour faire place à un doux soleil brillant dans le firmament azuré.

L’ingrate embrasa son épée comme je l’avais fait auparavant et se précipita vers moi en poussant un cri de rage.

Je grimaçai. Cette espace que j’avais créé me drainait bien trop d’énergie et rien que le maintenir en place m’essoufflait. Je devais en finir, et vite…

Mais alors que j’essayais de concentrer mon énergie, une vision me traversa l’esprit. Je voyais Laura, mon père, assis sur les marches d’un immeuble en ruine, regardant simplement le ciel d’un regard vide après la mort de ma mère.

Je secouai la tête pour chasser ces souvenirs encombrant de mon esprit.

-Disparais !

De toutes mes forces, je lançai mon épée d’ébène vers Iori. Cette-ci, sacrifiant sa propre lame, arrêta mon arme dans sa lancée et continua sa course vers moi.

-Destiny…Ligthning Flare Spear !

Je relâchai mon attaque finale sans aucune retenue. Une spirale de flammes noire baignant dans une lumière éclatante s’abattit sur mon monde, balayant tout sur son passage. Immeubles, ruines, herbe, pierres, arbres et nuages disparurent, consumés par le feu destructeur qui avait un jour avalé mes rêves et mes espoirs et qui avait fait brûler en moi mon désir de vengeance.

Une explosion retentit au loin et un champignon de poussière s’éleva haut dans le ciel, comme si une bombe nucléaire s’était écrasée sur le sol.

Mais, alors que je pensais en avoir fini définitivement, Iori émergea de la brume, sa lance pointée devant elle, entourée d’une aura de flammes dorées. Elle n’avait pas une seule égratignure. Pire, elle remontait le flot du torrent de flammes à grande vitesse, les yeux brûlant d’une détermination que rien ne pouvait éteindre.

Là, les paroles que j’avais prononcées à mon père me revinrent en mémoire.

« Je le ferai pour toi. Si tu ne peux plus avancer, je réaliserai ton rêve. Je recréerai ce monde que tu as perdu…ce monde où tout le monde pouvait vivre heureux. Fais-moi confiance, Papa. »

Quelle ironie…J’avais l’impression d’être forcée à me regarder dans un vieux miroir…Oui…une telle fille avait existé il y a bien longtemps…


Du sang gicla sur le sol tandis que mon monde disparaissait pour faire à nouveau place à cette citadelle de glace qui me servait de refuge. Mes habits étaient en lambeaux. Ma lame gisait à terre, brisée en deux. Ma respiration était saccadée. J’étais à bout de forces et je tenais à peine debout.

Nous nous étions figées, mon adversaire et moi, dans la dernière action réalisée avant la disparition de cette réalité alternative. A quelques millimètres de mon cœur brillait la pointe de la lance de Iori…Tandis que la mienne traversait mon double de part en part.

-J’ai gagné…Iori.

-Oui…J’ai finalement…Perdu…Murmura-t-elle dans un soupir.


https://www.youtube.com/watch?v=jykDJwdQ1Ys


La jeune fille lâcha son arme qui disparut lorsqu’elle toucha le sol, puis elle tomba à genoux, vidée de ses forces et de son sang. La flamme qui animait ses yeux s’était éteinte, ne laissant qu’un regard vide et sans vie.

-Dis-moi…Iori…Pourquoi as-tu fait cela ? Pourquoi…t’es-tu laissée transpercer ?

-Je…Ne le sais pas moi-même…Mais j’ai simplement eu cette impression…que mon combat était terminé…

Je fronçai les sourcils, sceptique.

-Quatre-vingt-huit ans…C’est le temps que j’ai passé à vouloir changer le futur…Toutes ces années…J’ai consacré ma vie…à chercher un moyen de sauver Laura de son destin…Et même maintenant…Je pense que mon rêve…N’était pas une erreur…

Des larmes se mirent à couler le long des joues de Iori et sa voix se brisa. Je ne lui répondis rien. Je ne pouvais pas lui répondre. Car si j’ouvrais la bouche, j’allais être incapable de la contredire davantage.

-Je voulais simplement…Simplement donner une seconde vie à Laura…qu’elle puisse rire, pleurer, respirer et s’épanouir aux côtés de mon père…Dis-moi, Armageddon, est-ce que dans le futur d’où tu viens…mon père était heureux à ses côtés ? As-tu réussi à surmonter…la mort de ma mère ?

-Oui. Il était heureux ; déclarai-je en fermant les yeux. Durant ce très court laps de temps qu’à été notre répit, Laura a vécu avec nous au manoir…Et nous étions heureux tous les trois.

-Je vois…Dans ce cas…Cela me suffit…Ma quête…N’était donc pas vaine…

-Non, elle ne l’était pas.

Alors que Iori poussait un long soupir alors que du sang continuait à s’écouler de sa plaie, l’espace se distordit à côté de moi et Asuna apparut, l’air à la fois affolée et hors d’elle-même.

-Armageddon, attention, derrière-toi !

Je tournai la tête aussi vite que mon corps brisé me le permettait mais je fus bien trop lente. Je n’avais même pas fini de complètement me tourner que je vis deux sphères d’énergie dorée fuser dans ma direction.

Je n’avais pas le temps de créer un bouclier ni d’esquiver cette attaque et mon état physique ne me permettait pas de l’encaisser directement…

Mais alors que je pensais que tout allait s’arrêter ici, Iori se releva et, puisant dans ses dernières forces, sauta devant moi pour s’interposer et prendre l’attaque destructrice à ma place.

Elle poussa un hurlement de douleur lorsque les sphères d’énergie la transpercèrent et une vague de sang éclaboussa mon visage.


https://youtu.be/nGKAEaXQoEQ?t=24


-Tout cela était bien amusant. Vous m’avez bien diverti. Deux hypocrites l’une contre l’autre, voilà un combat bien ridicule.

-Fuji…Makoto…Grogna Asuna, prête à se jeter sur lui.

-Tu me croyais mort n’est-ce pas ? Mais peu importe, nul ne peut me vaincre ici, pas même Hélios. Tu dois le savoir mieux que personne, Armageddon.

J’écarquillai les yeux, interdite. Comment pouvait-il savoir cela ? Etait-ce lui qui avait détruit les Time Gates et qui s’était approprié leurs pouvoirs ? Non, c’était impossible, Akane les aurait détruites avant si la situation l’exigeait réellement…

Voyant mon air perdu, l’homme de lumière éclata de rire.

-Evidemment, je ne suis pas le même Fuji Makoto que celui que tu as connu…Quoique rien n’est certain en ce monde…Mais peu importe, de toute façon, vous allez mourir ici et maintenant, vous, hypocrites que vous êtes. Vous prétendez vouloir sauver ce monde qui vous a fait tant de mal ? Pourquoi donc ? Pourquoi êtes vous si attachées à ces lieux, à ces gens, à ces moments qui ne vous ont apporté que de la souffrance ? Vous avez simplement peur. Peur de l’inconnu. Peur de vous tromper. Peur d’être seules. Mais finalement, c’est parce que vous craignez de faire des erreurs que vous échouez lamentablement. Alors une fois de plus, échouez, et périssez de mes mains.

Des centaines de sphère d’énergie se matérialisèrent tout autour d’Amon, nous encerclant totalement, Iori et moi tandis qu’Asuna était emprisonnée à l’extérieur.

L’homme claqua des doigts et aussitôt, toutes les boules dorées plongèrent sur nous. Je m’apprêtai déjà à ériger un bouclier mais j’ignorai si, privée des pouvoirs d’Armageddon, je possédais assez de puissance pour nous protéger.

Comme lisant dans mes pensées, Iori m’éjecta hors de la zone de danger grâce à un puissant rayon de lumière.

Là, je pus croiser une dernière fois son regard azur et elle prononça ces mots singuliers :

-C’est à toi…De protéger ce futur, Yuiko Iori.

Ce fut la dernière fois que je l’entendis. La jeune fille disparut sous les assauts d’Amon sous mes yeux ébahis. Lorsque la poussière de l’attaque se dissipa, il ne restait d’elle qu’un morceau de tunique bleue et une lance dorée brisée en deux jonchant le sol.

-Io…ri…


https://www.youtube.com/watch?v=r4Um6okMHcE


Non…Pas encore…Pourquoi…Pourquoi étais-je incapable de faire face à Amon ? Pourquoi mes mains tremblaient devant lui ? Pourquoi…Quelqu’un devait encore se sacrifier pour moi ?

Ce sentiment d’impuissance…Cette frustration me brûlant la poitrine…Cette rage incommensurable…Ce vide dans mon cœur…Ces larmes chaudes qui coulaient le long de mes joues…Je m’étais jurée…de ne jamais plus les ressentir.

C’en était trop. J’en avais plus qu’assez de jouer aux justicières protectrices du temps. Qu’importait le destin et sa protection désormais. De toute façon, tout était déjà en miette, il n’y avait plus rien à protéger…Mais, même si je ne pouvais plus le faire converger vers la fin que je désirais…Je pouvais encore prendre des vies !

-Tu aurais dû rester à terre tant que tu l’étais…Amon…Sifflai-je d’une voix teintée par la haine.

-Oh ? Tu comptes vraiment me défier ? Soit, viens, et essaie de surpasser la plus puissante des entités de ce monde ; me répondit l’homme sans cesser de sourire.

-Asuna, allons-y. Je t’ai promis une vengeance…Et bien là voilà.

-Je n’avais pas besoin de ton accord pour éliminer définitivement cette ordure ; rétorqua la borgne en se mettant en position.

Je retrouvai subitement mon énergie et lentement, je me mis à m’élever de quelques centimètres au-dessus du sol, entourée d’une sinistre aura mauve. Mes cheveux crépitaient sous l’effet du surplus d’énergie que je dégageais, mes yeux luisaient d’une inquiétante lueur pourpre et mes mains s’étaient baignaient dans la lumière éclatante de mon pouvoir.

-Il est temps de terminer ce que j’ai commencé il y a cent ans, Amon. La vie que tu as pris à Iori…Cela la dernière que tu faucheras !



Chapitre 43 : Angéla, United we’ll stand



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=n01q7X16uzs


« Un jour, je me suis rendu compte que rien n’avait d’importance. Je vivais ma vie comme un rêve, riant d’un rien, inconsciente du monde qui m’entourait. Je ne pensais qu’à m’amuser, refusant que l’on vienne me prendre cette liberté qui était la mienne. Je pensais sincèrement que j’étais heureuse, entourée de mes amies et vivant comme bon me semblait … »

Un jour, j’avais pensé cela…Mais tout était faux. Je ne vivais pas ma vie comme un rêve. Je rêvais ma vie, tentant de m’évader d’une réalité fade et incolore. Je ne riais pas, je me moquais du monde pour me sentir plus à l’aise. Je ne refusais pas qu’on me prenne cette liberté, je refusais que l’on me montre les barreaux de la cage dans laquelle j’étais enfermée. Je ne pensais pas être heureuse…Je savais que tout n’était qu’illusion mais j’avais peur d’ouvrir les yeux et d’affronter la réalité.

Cependant, ce n’était pas parce que je m’enfermais dans mon propre monde et que j’exposais tous ceux qui m’aimaient au danger que j’étais incapable d’aimer moi aussi.

Oui…Ambre…Maya…June…Aymeric…Drago…A cause de mon égoïsme et de mon aveuglement, tous avaient bien failli mourir à de nombreuses reprises tandis que moi, j’étais incapable de me remettre en question, incapable de voir le mal dans mon illusion de bonheur, incapable de souffrir à leur place.

Ainsi j’avais déçu mes parents, mis mes amies en danger, fait pleurer celui que j’aimais et l’avais perdu, abandonné Drago, tourné le dos à ceux qui m’aimaient, trahi ma rivale et avais même tenté de la tuer.

Mais malgré tout ce que j’avais pu leur faire et tout ce qu’Asuna pouvait dire, je les aimais. Je voulais les protéger, les garder auprès de moi, les voir rire de mes blagues stupides et me sermonner pour mes bêtises, car je savais que sans eux, je n’étais rien.

Mon père avait raison. Je n’étais qu’une gamine, enfermée dans un corps d’adolescente, incapable de faire face à ses responsabilités et préférant leur tourner le dos.

Cependant, parmi tous ces devoirs que j’avais préféré ignorer, il y en avait encore un que je me devais d’accomplir. Oui…Ce cœur de glace que Laura m’avait donné allait me permettre de réaliser un dernier rêve égoïste. J’allais protéger ce monde qui m’avait procuré tant de joie, ce monde qu’Hélios aimait, ce monde où rêves et espoirs devenaient réalité, ce monde qui m’avait permis de rencontrer Drago.

« Je vais réécrire…le destin de ce monde qui avait suffisamment souffert des actes d’égoïstes tels que moi. »


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Des flammes, des ouragans, des tsunamis, des séismes…telle était la vision d’horreur qui s’offrait à moi depuis notre retour à la forteresse après la défaite de Fuji Makoto. Le monde des esprits était en train de se désagréger devant mes yeux…Ou plutôt sous mes pieds.

En ayant vaincu notre ennemi juré, nous pensions que tout rentrerait dans l’ordre…mais tout avait empiré en notre absence. Ce n’était plus qu’une question d’heure avant que cette planète ne soit plus qu’un lointain souvenir.

Je me trouvais sur le toit de la forteresse, contemplant ce sinistre spectacle avec des yeux vides pendant que les autres prévoyaient déjà un moyen de rentrer chez nous. Car en effet, la mort d’Hélios semblait leur avoir retiré à tous – à l’exception d’Asuna qui nous avait faussé compagnie – leur volonté de combattre. Mais pas à moi. Au contraire, je lui avais fait une promesse. Celle de participer aux jeux du monde des esprits et je comptais bien faire tout ce qui était en mon pouvoir pour organiser cet événement en sa mémoire.

Soudain, j’entendis le grincement d’une lourde porte s’ouvrant lentement derrière moi, suivi d’un pas rapide. J’eus tout juste le temps de me retourner pour apercevoir la longue chevelure blonde de June qui s’était jetée sur moi pour me prendre dans ses bras.

Je reculai en titubant maladroitement, surprise de voir mon amie ici. Mais j’étais encore plus surprise de ne pas la voir seule puisqu’en retrait se trouvait Aymeric, me regardant de loin, les bras croisés sur son torse, adossé au mur de la forteresse.

-Angéla, tu es revenue ! Je savais que tu t’en sortirais ! Sanglota mon amie, des larmes de joie mouillant ses joues rougies par l’émotion.

-June…Murmurai-je.

Evidemment, j’étais heureuse de la revoir, mais contrairement à elle, je fus incapable d’exprimer mes sentiments. Ni larme, ni sourire, je me contentai de subir l’étreinte de mon amie sans pouvoir la lui rendre complètement.

-Quand j’ai vu l’attaque de Fuji Makoto dans le ciel…J’ai cru…j’ai vraiment cru que vous aviez tous échoué…Mais heureusement, vous êtes sains et saufs…

-Fuji…Makoto ? Répétai-je, sceptique. Nous l’avons…Hélios l’a vaincu…

Le visage de la blonde s’assombrit et elle relâcha son éteinte avant de secouer la tête négativement.

-Oui…Miyako m’a dit cela…Mais il est vivant…

-Impossible…je l’ai vu…il a été anéanti par Hélios…Dis-je d’une voix éteinte.

-Tout ce que tu vois ne reflète pas la réalité, Angéla ; grogna Aymeric de loin. Ce type est vivant, c’est un fait.

Le poing du garçon se serra et il serra les dents, comme s’il était prêt à exploser.

-Jamais je ne lui pardonnerai…Amon…Doit payer pour ses crimes.

Je ne comprenais pas l’origine de la colère de mon ancien ami mais si Amon était bel et bien vivant, cela expliquait pourquoi la destruction de ce monde n’avait pas ralenti après notre victoire. Cela devait certainement également expliquer la disparition d’Asuna. Armageddon avait dû la prévenir que toute menace n’était pas écartée…

-June…Aymeric…Est-ce que vous avez parlé de cela aux autres ? Déclarai-je à voix basse.

-Non…Nous venons tout juste d’arriver et Miyako prend soin d’Akane pour le moment et…

Il ne m’en fallait pas plus. Sans écouter la fin de sa phrase, j’activai mes pouvoirs pour déployer une immense paire d’ailes blanches dans mon dos et je m’apprêtai déjà à m’envoler lorsque June me retint par le bras.

Je pensais qu’elle voulait m’empêcher de faire quelque chose qu’elle jugeait stupide, comme souvent, mais son regard était tout aussi déterminé que le mien ou que celui d’Aymeric. Oui, dans ses yeux brûlait la flamme de la colère…

-Je viens avec toi, Angéla. Nous venons avec toi.

-Faites comme vous voulez, mais ne me tenez pas responsable si j’échoue à vous protéger.

June se contenta de hocher la tête et je pris mon envol au-dessus du monde en ruines, suivie de près par Aymeric et mon amie chevauchant le Dragon de Harpie.

Loin en-dessous de nous, je voyais les forêts se faire avaler par les flammes, les montagnes être englouties par les failles et les terres sombrer sous les flots impétueux. Tous les esprits de duel, y compris ceux de Fuji, avaient disparu je ne sais où, ne laissant derrière eux qu’un monde vide et sans vie.

Tout cela me dégoutait. Ce n’était qu’un immense gâchis causé par la folie d’un seul homme. Cette vision que j’avais du monde qui me faisait rêver depuis toujours allait peut-être être la dernière.

Tout à coup, un éclair émeraude provenant du sol illumina le ciel d’une lueur aveuglante. Je m’arrêtai, sur mes gardes, prête à affronter l’armée de Fuji Makoto s’il le fallait, mais ce que je vis à ce moment était bien pire que de voir le retour de Noun.


https://www.youtube.com/watch?v=BQW8H1O7jGc


Car en effet, perçant à travers l’épaisse couche de nuages d’orage, une marque s’était dessinée dans le ciel, une marque qui m’avait fait tant de mal par le passé, une marque qui m’avait tout pris jusqu’à ma propre confiance en moi, une maque que j’espérais avoir éradiqué de la surface de la terre, une marque qui fit gronder l’esprit de Socrate au fond de moi…Le sceau d’orichalque.

Le cercle s’étendait sur un rayon considérable, plusieurs centaines de mètres, mais néanmoins, nous étions pris au piège à l’intérieur, incapables de continuer.

Là, dans une petite clairière, se trouvaient deux minuscules silhouettes à l’horizon qui semblaient être l’origine de ce symbole maudit.

Mon cœur de glace se mit à accélérer dans ma poitrine tandis que mon corps auparavant engourdi, se réchauffa en même temps que la colère et l’incompréhension montaient en moi.

Lentement, et toujours suivie d’Aymeric et June, je me rapprochai de ces deux nouveaux ennemis, redoutant le pire…Mais lorsque je ne fus plus qu’à quelques dizaines de mètres de la source de lumière, toutes mes craintes furent confirmées.

Prudemment, je me posai au milieu du cercle d’émeraude et je désactivai mes pouvoirs tout en foudroyant du regard les deux personnes qui me faisaient face.

-Cela faisait un moment déjà, je vois que nous avions tort de nous inquiéter pour toi. Après tout, tu n’as jamais vraiment eu besoin de nous, Angéla ; déclara la première d’une voix sarcastique.

-Que t’est-il arrivé ? Murmura ensuite la seconde, choquée par ma nouvelle apparence.

-Je pourrais vous poser les mêmes questions ; rétorquai-je froidement. Pourquoi êtes-vous ici ? Et surtout…que faites-vous avec le pouvoir de l’orichalque, Ambre, Maya ?

Oui. En face de moi se tenaient mes deux meilleures amies d’enfance. Mais elles étaient comme métamorphosées, presque méconnaissables. Elles qui avaient auparavant refusé de délaisser leurs vêtements normaux, portaient désormais chacune une tunique vert émeraude. Celle d’Ambre était une longue robe blanche surmontée d’une armure d’orichalque recouvrant entièrement sa poitrine, ses jambes et ses bras, tandis que Maya portait désormais uniforme de chevalier noir sur lequel luisaient des lignes vertes s’illuminant au rythme de sa respiration. Derrière elle, une longue cape de la même couleur flottait, soulevée par les bourrasques de vent qui déchiraient le monde des esprits.

Etaient-elles à nouveau contrôlées par ce pouvoir ? J’en doutais, surtout à présent que Gariatron était dans notre camp…Alors quelles étaient leurs motivations pour m’arrêter ?

Lorsque June posa le pied à terre à son tour, elle écarquilla les yeux de stupeur et aucun son ne sortit de sa bouche tant elle était choquée par ce nouvel adversaire qui se dressait en travers de notre route.


https://www.youtube.com/watch?v=XH5bYuMtj6I&t=1s


-La comédie a assez duré, Angéla. Il est temps que tu rentres maintenant ; déclara sévèrement Ambre, comme une mère donnant un ordre à sa fille.

-Que je rentre ? Répétai-je sans comprendre.

-Oui, tu m’as bien entendue. Et vous aussi, June et Aymeric, nous n’avons plus rien à faire ici.

-Ecoutez…Je ne sais pas ce qu’il vous arrive mais vous ne devez pas céder à l’orichalque…Lança la blonde d’une petite voix.

-Eh oh, je croyais que tu réfléchissais de temps en temps toi au moins ! Lança Maya en fronçant les sourcils. Vous n’avez pas encore compris ? Si vous croyiez que nous nous tournions les pouces pendant que vous jouiez aux mécaniciens, vous vous mettez le doigt dans l’œil ! Vous n’êtes pas les seules à avoir développé un lien fort avec un esprit et maintenant il est temps de vous montrer le fruit de notre entrainement et de vous renvoyer directos au lycée pour qu’on puisse réviser tranquillement nos examens !

-Réviser…nos examens ? Est-ce que tu t’es entendue, Maya ? Grogna Aymeric sur les nerfs. Il y a actuellement en liberté un fou dangereux et j’ai toujours besoin du pouvoir de Gariatron pour…

-Eh, est-ce que t’écoutes parler au moins tête de gland ? L’interrompit la rebelle. Pour qui est-ce que tu t’es pris ? Un sauveur ? Laisse-moi rire. Autant vous que nous, nous ne sommes rien si ce n’est des lycéens jouant aux héros. Mais la partie est terminée, nous avons perdu. Alors acceptez la réalité et quittez cet endroit avant que vous ne soyez piégés a jamais dans le néant !

Ambre soupira devant l’énervement de sa partenaire.

-Ce qu’elle essaie de vous dire de façon peu subtile…Ce que nous nous inquiétons pour vous…Nous ne voulons pas que vous mourriez inutilement dans un combat perdu d’avance…Alors s’il vous plait…Arrêtez de vous mettre en danger et rentrez avec nous…

-Désolée les filles…Mais c’est une requête à laquelle je ne pourrai accéder…Déclarai-je d’une voix monocorde. Après tout, vous le savez tout aussi bien que moi, je n’en fais toujours qu’à ma tête, peu importe si je blesse ceux qui me sont proches sur mon passage.

-Mais tu ne comprends pas ! S’exclama la brune d’un air affolé. Tu essaies de sauver un monde déjà détruit ! June, je t’en prie, essaie de la raisonner !

-Angéla a raison ; se contenta-t-elle de répondre en serrant le poing à son tour.

-Mais June…

-Je sais très bien que ce que nous faisons est insensé de votre point de vue…Mais tu le sais tout aussi bien que moi, Ambre. Parfois le cœur a ses raisons.

-Je suis certaine que…

Ne la laissant pas terminer sa phrase, Maya poussa Ambre derrière elle et vint se placer juste devant nous, le regard flamboyant à cause du pouvoir qui coulait dans ses veines.

-C’est inutile, ils sont tous aussi butés les uns que les autres ; cracha-t-elle, perdant soudainement patience.

C’est alors qu’un rictus mauvais passa sur le visage de l’effrontée tandis qu’une sombre aura verte entoura entièrement son corps. Dans sa main se matérialisa une large épée fendue par le milieu ressemblant davantage à un sabre et la jeune fille le pointa vers nous.


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-Vous trois, je vais vous montrer ce qu’est la vraie puissance et lorsque vous aurez compris votre impuissance à sauver ce monde, vous rentrerez sagement à la maison avec nous !

Sans autre sommation, Maya passa à l’attaque. De sa double lame s’échappèrent des éclairs d’émeraude fusant dans notre direction. J’eus tout juste le temps d’ériger un bouclier pour nous protéger de l’attaque. Cependant, j’avais grandement sous-estimé la puissance nouvelle de mon amie et ma barrière se brisa en mille morceaux.

Juste avant que l’éclair ne m’atteigne, je fis un bond en arrière et dégainai mon sceptre pour absorber l’énergie de l’attaque. Mais la fille turbulente ne s’arrêta pas en si bon chemin et se précipita vers moi, son sabre prêt à s’abattre sur ma tête.

Dans la précipitation, je parai maladroitement son assaut avec le manche de mon arme et je fus repoussée violemment contre la paroi du sceau d’orichalque.

J’étais sonnée, et surtout surprise par une telle force. Mais je refusais de m’avouer vaincue pour si peu. J’avais toujours battu Maya par le passé et je ne comptais pas perdre maintenant.

Je me relevai rapidement et me remis en position, cette fois-ci prête à me battre sérieusement, ce qui fit sourire mon amie.

-Attends Maya, qu’est-ce que tu fabriques ! S’étrangla June. Je croyais que ton but était de nous renvoyer à la maison…Pas de nous tuer !

-Mais c’est ce que je compte faire, ne t’inquiète pas très chère. Comme vous le savez, le sceau d’orichalque a le pouvoir d’emprisonner les âmes des perdants dans notre monde…Mais maintenant que nous le maitrisons, les règles ont changé ! Ainsi, désormais être vaincu signifie être expulsé du monde des esprits.

-Je vois…donc si nous remportons ce combat, c’est vous qui serez renvoyées…Murmurai-je. Je n’ai par conséquent aucune raison de me retenir contre vous…

-Angéla, tu ne vas quand même pas accepter ce duel ridicule ! Protesta la première de la classe, interdite. Nous n’avons aucune raison de nous battre !

-Nous n’avons pas le choix. Si tu ne te sens pas capable de combattre, alors recule et laisse-moi m’occuper de cela. Je peux très bien me charger d’elles toute seule.

Ces mots eurent pour effet d’énerver Maya davantage qu’elle ne l’était déjà et l’aura qui l’entourait se fit plus vive.

-Encore…tu te crois encore meilleure que tout le monde…en temps normal, j’aurais laissé passer…Mais là, tu dépasses les bornes Angéla ! Je vais te faire mordre la poussière et tu vas voir si tu peux te charger de moi ! Orichalcos Illusion !

Une épaisse fumée verdâtre s’éleva depuis le sceau, me cachant totalement la vue. Pensant à une attaque surprise, je me mis à faire tourbillonner mon sceptre dans ma main afin de créer une tornade qui dissipa la brume. Mais lorsqu’elle eut disparu, je compris quel était le but de Maya.

Devant moi ne se tenait plus une seule fille…Mais dix clones de mon amie, tous pointant leur sabre vers moi.

A l’unisson, les copies passèrent à l’attaque, se jetant sur moi. Il m’était impossible de les esquiver et je ne pouvais pas discerner laquelle était la vraie. C’est pourquoi, je concentrai mon énergie en un anneau de lumière qui s’élargit pour toucher tous les clones d’un coup.

Tous disparurent sans laisser de trace et je compris que je venais d’être piégée. Juste au-dessus de moi, je vis la silhouette de Maya plonger vers moi. Je roulais sur le sol au dernier instant, manquant de peu de me faire embrocher tandis que le sabre de mon amie se planta de plusieurs dizaines de centimètres dans le sol.

Je profitai de cet instant pendant lequel la jeune fille était immobilisée pour pointer mon sceptre vers elle et décharger une puissante attaque lumineuse.

Maya réussit cependant à se dégager et para simplement le rayon en utilisant sa lame comme un déflecteur qui renvoya la lumière dans toutes les directions…et y compris vers moi.

Je me pris ma propre attaque de plein fouet et ne pus m’empêcher de grimacer tandis que mon amie affichait une mine triomphale.

-C’est donc avec aussi peu de puissance que tu comptais sauver ce monde ? J’ai bien fait de t’arrêter on dirait sans quoi tu serais déjà morte depuis longtemps.

-Ne…Ne crie pas victoire trop vite…Rétorquai-je en serrant les dents.

Je frappai le sol de ma main et des piliers de lumière surgirent des entrailles de la terre. Cette fois-ci, mon adversaire ne put rien faire pour les parer et fut projetée haut dans les airs puis retomba lourdement sur le sol.

Je n’attendis pas qu’elle se relève et je fonçai sur elle, utilisant la partie tranchante de mon sceptre comme d’une épée, bien décidée à en finir au plus vite.

Mais c’était sans compter sur l’intervention d’Ambre. La brune, invoquant une lame bien plus fine que celle de Maya, une sorte de Katana, me bloqua dans ma course tandis que nos deux armes s’entrechoquèrent en projetant des étincelles.

-S’il te plait Angéla, sois raisonnable. Tu nous avais dit alors que nous étions contrôlées par nos émotions que tu ne voulais pas que nous soyons impliquées, que nous n’étions pas des guerrières et toi non plus…Tu dois donc comprendre pourquoi nous voulons que vous rentriez maintenant…

Je ne répondis rien, tentant simplement de forcer le passage mais il n’y avait rien à faire. Ambre tenait bon, et sa lame aussi.

-A cette époque, tu voulais nous sauver parce que nous avions sombré dans la folie…Mais aujourd’hui, j’ai comme l’impression que c’est toi qui te laisses dominer par tes émotions impulsives…

Redoublant de force, je repoussai violemment la brune en tirant un rayon de lumière de ma main libre mais elle esquiva aisément d’un simple salto arrière pour se positionner quelques mètres plus loin, les jambes croisées et son Katana dressé devant elle.

-Tout comme tu nous as tirées de ce mauvais pas il y a trois ans en allant à l’encontre de notre volonté…je vais faire de même et m’opposer à toi aujourd’hui ; déclara-t-elle tristement mais d’une voix déterminée.

Une puissante bourrasque ébouriffa les cheveux d’Ambre tandis que tout son corps fut entouré d’une vive lumière blanche. Au sol, le sceau d’orichalque se mit en mouvement, changeant progressivement de forme. Les branches de l’étoile se rétractèrent et fusionnèrent entre elles pour n’en donner que quatre, légèrement courbées, comme celles d’un shuriken.

La rivale de June se mit ensuite à dessiner des kanjis dans l’air à l’aide de son katana, symboles qui s’enflammèrent aussitôt et qu’elle projeta sur moi. Je tentai de parer l’attaque mais une fois de plus, je fus incapable de contenir la puissance de mon amie. Ma barrière d’énergie se brisa et tout mon corps prit feu.

Je hurlai de douleur avant de m’effondrer sur le sol, haletante, les vêtements entièrement carbonisés, ne laissant plus pour me couvrir que quelques lambeaux noircis par les flammes.

-Angéla ! S’écria June, tentant de venir à ma rescousse.

Une barrière de flammes blanches s’éleva entre elle et moi, provenant directement d’Ambre dont le regard triste me fixait toujours, comme pour me dire qu’elle était désolée.

-Arrêtez, ce combat n’a aucun sens ! Intervint alors Aymeric, me prenant en pitié. Ne croyez-vous pas que nous avons tous déjà assez souffert ici ? Inutile de vous faire plus de mal en vous forçant à affronter…

-Toi, reste où tu es ! Le coupa Maya d’une voix forte. Si tu es venu dans ce monde, c’est pour trouver un antidote pour ta mère, n’est-ce pas ? Alors si tu veux l’obtenir, ne te mêle pas de ce combat !

La rebelle sortit alors de sa poche un petit flacon contenant un liquide vert foncé et le garçon écarquilla les yeux, interdit.

-Le pouvoir de Gariatron se trouve également dans l’orichalque, alors si tu veux l’obtenir, reste sagement où tu es, compris ?

Aymeric commença à trembler, ne sachant visiblement plus où il en était. Son regard passa successivement de June à Maya, le doute envahissant progressivement ses yeux.

Quant à moi, je me contentai de me relever encore une fois, ignorant ma douleur et ma peau brûlée.

-Oui…Reste où tu es…Aymeric…Haletai-je. Ce combat n’est pas le tien…

-Mais Angéla je ne peux pas…

-Elle a raison ; intervint June, toujours emprisonnée par les flammes. Je m’occuperai de ta…de notre vengeance…Mais ta mère doit passer avant le reste, ne refais pas les mêmes erreurs qu’il y a cinq ans !

-June…


https://www.youtube.com/watch?v=1ErwgLxBNL0


Tout en prononçant ces mots, la blonde se mit à rayonner à son tour. Ses cheveux, d’ordinaire coiffés avec tant de soin, se hérissèrent derrière elle pendant que dans son dos poussa une paire d’ailes noires. Sur son ventre, à la place de sa chemise habituelle, apparut un grand plastron de la même couleur, remontant jusqu’à sa poitrine et sa veste s’allongea jusqu’à toucher terre.

Sur son front était apparue une large couronne verte, sertie d’un joyau de saphir en son centre et recouverte d’une fine couche d’or à ses extrémités.

Lorsque June rouvrit les yeux, ses pupilles s’étaient élargies selon la hauteur, comme celles d’un chat et avaient viré au jaune or.

D’un battement d’ailes, la première de la classe dissipa les flammes blanches et vint me rejoindre sous les regards interdits de Maya et Ambre qui faisaient tout leur possible pour ne pas se faire emporter par la tornade.

-Ambre, Maya, je comprends que vous vous inquiétiez pour nous…Mais nous avons un devoir ; déclara-t-elle d’une voix teintée de sagesse. Si vous avez confiance en nous, laissez-nous l’accomplir et je vous promets que nous reviendrons saines et sauves.

-Malheureusement, nous n’avons plus confiance en vous ; rétorqua tristement Ambre.

-Comment ?

-Lorsque Asuna a transpercé Angéla…J’ai vraiment cru que j’allais me briser de l’intérieur…Tu étais mon modèle, celle qui nous avait tiré de la folie dans laquelle nous étions emprisonnées…Pour moi, tu étais notre chef, celle qui devait nous guider…Mais je me trompais. Malgré ta force, tu es tout aussi fragile que nous et si tu refuses d’admettre tes faiblesses, je vais te les montrer maintenant car je refuse que tu ailles te suicider une seconde fois !

-Ambre…Murmurai-je.

Pour la première fois depuis que Laura avait soigné mon corps, je sentis mon cœur battre dans ma poitrine. Mais ces mots, aussi puissants fussent-ils, étaient loin de pouvoir me faire perdre de vue mon objectif.

-Il en va de même pour toi June ; enchaina Maya avec mépris. Si tu me redis que tu protégeras Angéla, je ne te croirai pas cette fois. C’est vrai après tout, où étais-tu quand elle s’est jetée dans la gueule du loup ? T’es-tu même inquiétée de savoir comment elle allait après toutes les belles promesses que tu nous as faites ? Ou bien étais-tu trop occupée avec tes propres objectifs pour tenir parole ?

Ma partenaire se mordit la lèvre, ne trouvant rien à répondre à cela. Mais elles avaient raison. Elles ne pouvaient pas nous faire confiance. Personne ne le pouvait. A ce moment-là, mon seul objectif était que les deux filles me détestent pour qu’elles nous laissent tranquilles…et qu’elles ne nous pleurent pas en cas d’échec.

-Vous l’avez dit vous-mêmes il y a trois ans…Continuai-je d’une voix éteinte. Votre volonté…N’a aucune importance pour moi…Je ne suis qu’une égoïste qui n’en fait qu’à sa tête…Tout ce qui m’importe, c’est de rester innocente et sans remords…De quel droit m’empêchez-vous de me sacrifier pour ce monde si tel est mon désir ? Dites-le-moi, Ambre, Maya, qui êtes-vous pour prendre ces décisions à ma place ?! Vous me reprochiez les mêmes choses mais vous agissez exactement comme moi !

-C’est bien pour cela que nous nous entendons si bien j’imagine ; lança Ambre en souriant légèrement.

-Co…Comment ?

-Nous avons grandi ensemble, ri ensemble, pleuré ensemble, vécu ensemble…Nous avons vécu tant de choses à tes côtés que nous avons fini, toutes autant que nous sommes, à devenir les mêmes…Alors pour te répondre…Nous sommes toi, Angéla, tout comme tu étais nous il y a trois ans. Nous ne prenons pas cette décision à ta place, nous prenons la décision que tu aurais prise.

Alors que Ambre prononçait ces mots, ma vision se troubla et je me revis, dans cette grande citadelle de glace, affronter mes deux amies aux côtés de June, les suppliant de revenir à la raison.

Je me giflai pour écarter cette vision de mon esprit mais une autre vint la remplacer, la vision du jour où je les avais vues se faire emporter par le sceau d’orichalque devant mes yeux, impuissante et désespérée.

Non…Je ne devais pas me laisser avoir…Je devais…Je devais sauver ce monde…ce monde qui était tout pour moi…Car j’étais la seule de qui je devais me préoccuper !

-Assez ! Hurlai-je.

Mon sceptre se remit à luire d’une lueur aveuglante et je me mis à charger une attaque. Un rayon de lumière fusa vers mes deux amies, si puissant qu’il fissura la barrière du sceau mais Maya s’interposa avec son épée qui me renvoya l’attaque à nouveau comme un miroir. Cependant, cette fois-ci, June m’épaulait et il lui suffit de me toucher le bras pour que le laser blanc passe à travers moi comme si je n’existais pas.

Ambre n’en resta pas là et dessina à nouveau les Kanji pour nous brûler vives mais j’avais anticipé cela. D’un geste rapide, je plantai mon épée dans le sol et un pilier de lumière la frappa par en-dessous. La brune tomba à la renverse. June profita de cette ouverture pour tenter une attaque directe. Elle se propulsa vers sa rivale, sa main métamorphosée en griffe d’aigle mais fut arrêtée par le bras de Maya, utilisant son armure comme d’un bouclier. Se servant de sa main libre, mon ancienne complice de toujours frappa la première de la classe du tranchant de sa lame.

Heureusement pour ma partenaire, elle dématérialisa son corps juste avant que le fer meurtrier ne s’enfonce trop profondément dans sa chair. Là encore, la rivale de June semblait avoir prévu cela et changea le sol en un immense gouffre sans fond, obligeant June à atterrir sur la parcelle de terre où se trouvait Maya, l’exposant ainsi à une attaque fatale.

June me lança un regard complice et il ne m’en fallut pas plus pour comprendre. Lorsqu’elle sauta en arrière, comme se jetant dans le vide, je créai une plateforme de lumière juste au-dessus de nos adversaires sur laquelle la fille de Mai atterrit gracieusement.

De sa hauteur, elle déploya totalement ses ailes qui s’enflammèrent d’un feu sombre. Ambre et Maya furent obligées de détourner le regard, aveuglées comme si elles regardaient le soleil dans les yeux.

Rapidement, un tourbillon de plumes de feu se forma autour de la jeune fille.

-Harpie’s Feather Duster !

A peine eut-elle prononcé ces mots qu’un déluge de flammes s’abattit sur nos deux adversaires qui ne purent rien faire pour l’éviter.

Toutes deux furent projetées contre la paroi du sceau mais contrairement à moi, Ambre réussit à se rattraper et repoussa sa partenaire dans la direction opposée en lui permettant de prendre appui sur son katana.

La première de la classe ne put activer ses pouvoirs assez vite et fut percutée de plein fouet par le poing de l’effrontée. Elle ne se laissa pas déstabiliser pour autant et, tout comme Ambre, June battit des ailes afin de créer une bourrasque suffisamment puissante pour me projeter sur Maya.

Lorsque mon sceptre frappa son sabre, une pluie d’étincelles s’abattit sur le champ de bataille. Je pouvais le voir…Son regard, contrairement à tous les ennemis que j’avais affrontés jusque-là, n’était pas rempli de haine ni de soif de sang…non…Je ne pouvais y lire que de la détermination et une profonde tristesse…les mêmes sentiments qui m’animaient lorsque j’avais été contrainte de leur faire face dans la citadelle des dieux…

Pourquoi…Pourquoi étais-je en train de les affronter déjà ? Pourquoi devaient-elles se dresser à nouveau en travers de mon chemin ? Ou plutôt…pourquoi me dressais-je au travers du leur ? Cela n’avait aucun sens. Nous n’avions aucune raison de nous battre. Mais mon corps agissait tout seul, comme animé par ce sentiment d’espoir à l’idée de pouvoir sauver le monde des esprits, tout comme j’avais sauvé le monde aux côtés de Drago et Darksky trois ans plus tôt.

Je ne comprenais pas…Je pensais avoir laissé derrière moi ces sentiments inutiles. Je croyais avoir rejeté cette partie de moi que je détestais, celle qui faisait passer ses propres ambitions avant celles des autres…J’étais persuadée…d’avoir compris Asuna. Me trompai-je ? Faisais-je fausse route depuis ma défaite contre elle ? Je l’ignorais. Je ne savais même pas moi-même où le chemin que j’empruntais me conduisait. Je voulais simplement…agir différemment, ne plus être cette gamine enfermée dans le passé, incapable d’avancer, de peur de voir l’avenir, incapable d’aimer réellement, incapable de souffrir pour les autres, incapable d’être pleinement humaine…

-Angéla ! S’écria Maya d’une voix forte tout en repoussant mes attaques. Tu ne comprendras donc jamais ! La vie n’est pas un rêve, nous ne sommes pas nos idéaux, nous sommes nous, et personnes d’autre ! Même si tu désires devenir quelqu’un d’autre, jamais tu ne pourras changer ce que tu es vraiment au fond de toi ! Alors abandonne cette quête insensée et ouvre les yeux !

-Non…tu te trompes…C’est bien parce que tu penses cela…que tu es incapable de changer…Mais je suis persuadée…je suis persuadée que je peux évoluer…Et effacer cette personne que vous vous forciez à accepter simplement parce que nous sommes amies…

-Alors prouve-le moi maintenant et défais-moi qui ai enfin rattrapé l’Angéla que j’admirais il y a trois ans !

Maya finit par trouver une faille dans mes défenses et m’asséna un violent coup de poing dans le ventre qui m’envoya voltiger contre la barrière du sceau.

Tout l’air fut expulsé de mes poumons d’un coup et je crachai une gerbe de sang lorsqu’une de mes côtes transperça mon poumon droit. Une seconde plus tard, June subit le même sort que moi de la part d’Ambre.

Nous étions toutes les deux à terre tandis que nos adversaires se tenaient toujours debout, affaiblies mais en meilleure formes que nous qui étions proches de nos limites.

Mais je refusais de m’avouer vaincue et je me relevai une fois de plus, chancelante et à bout de forces.

-Oui, toujours, je n’ai fait que suivre tes pas Angéla. Depuis le jour où je t’ai rencontré, tu as toujours marché devant moi, tandis que j’étais incapable de te rattraper. Je te jalousais et je t’admirais à la fois, je voulais me rapprocher de l’idéal que tu étais pour moi…Et maintenant que j’ai enfin atteint le niveau de celle qui m’a sauvée…Tu es en train de me dire que cet idéal que je m’efforçais de suivre était une illusion ? Ne te fous pas de moi !

-Dans ce cas…tu dois comprendre…Maya…Que nous avons aussi le droit de rêver…Lança June d’une voix saccadée. Vaincre Fuji Makoto qui nous a pris ce que nous avons de plus cher…Sauver un monde qui nous a fait rêver depuis toujours…Quelle différence y-a-t-il avec vous ? Pourquoi vous opposez-vous à nous de la sorte ?…


https://www.youtube.com/watch?v=zCKNBX4unrg


-Parce que nous tenons à vous ; lui répondit Ambre calmement. Nos rêves sont peut-être insensés, stupides et enfantins…Mais les vôtres sont dangereux pour vous-mêmes. Alors, tout comme vous nous avez tirées de notre cauchemar il y a trois ans…nous allons vous faire sortir de ce doux rêve éveillé qui vous empêche de voir la réalité.

Ambre et Maya croisèrent alors leurs épées devant elles et des faisceaux de lumières se mirent à converger dans leur direction. Lentement, la lueur du sceau d’orichalque s’estompa tandis que les deux lames devinrent de plus en plus éblouissantes, se colorant d’une vive teinte émeraude.

Lorsque je compris l’intention de mes deux amies, je reculai d’un pas, soudain effrayée. Elles étaient en train d’absorber toute la puissance du cercle maudit dans leurs épées pour en finir en un seul coup. Il n’était ni question de l’éviter, ni de le parer. Je la sentais…cette puissance infinie qui émanait d’elles…Une puissance rivalisant, peut-être même surpassant celle de Gariatron…La puissance sans limite de l’atlantide.

Mais il était hors de question fuir. Si elles sortaient le grand jeu, alors nous aussi, nous allions jouer notre carte maitresse.

Lorsque je tournai mon regard vers June, elle comprit immédiatement où je voulais en venir et la blonde déploya ses ailes noires enflammées tandis que je me mis à charger mon attaque dans la pointe de mon sceptre.

Sous nos pieds, le sol se fissura, des roches se mirent à s’élever et des éclairs s’abattirent sur le champ de bataille. A nous quatre, l’énergie que nous dégagions était suffisante pour détraquer totalement les lois de ce monde mais cela ne nous arrêta pas une seconde.

-Orichalcos…Commencèrent nos adversaires d’une seule voix.

-Atlantean…

-Hope Wave !

-Fire Feather Storm !

Un torrent de lumière bleutée déferla depuis les deux épées d’orichalque tandis que de notre côté, une tornade de plumes pourpres baignées dans un éclat aveuglant s’abattit sur le sol, ravageant tout sur son passage.

Lorsque les deux énergies phénoménales se rencontrèrent, l’espace vibra devant nos yeux, ouvrant une nouvelle faille entre nos deux univers…Non…Elle ouvrait une faille sur le temps lui-même. Des spectres du passé envahirent le monde des esprits tandis que tout disparut autour de nous, pour ne laisser qu’un immense espace blanc et vide…


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Non…Il n’était pas vide…des pétales de cerisier tombaient lentement sur le sol tandis qu’une petite fille était seule, recroquevillée dans son coin…Et cette fille…C’était Ambre, telle que je l’avais rencontrée en maternelle…

Je tournai légèrement le regard et je vis Maya à l’âge de quatre ans, frappant quiconque osait l’approcher, comme un animal sauvage craignant le monde extérieur.

Et au fond de moi, je ressentais des émotions étranges…La solitude…la peur…la tristesse…le regret…Était-ce ce que ressentaient mes deux amies lors de leurs premiers jours de classe, elles qui étaient perdues au milieu d’une foule d’inconnus ?

Tout à coup, une nouvelle silhouette apparut. Celle d’une petite fille aux cheveux blonds et aux yeux bleus comme l’azur, un sourire rayonnant illuminant son visage. Aussitôt, les regards de Ambre et Maya se tournèrent vers elle, et elles se mirent à la suivre, comme des insectes attirés par une lumière dans la nuit. Mais la fille, elle, ne se retournait pas et continuait à avancer tandis que mes deux amies peinaient à suivre le rythme, marchant toujours loin derrière elle.

-Oui…tu as toujours marché devant nous, Angéla…Déclara alors Ambre dans ses habits d’orichalque.

-Cependant, sans toi, nous n’aurons certainement même pas commencé à marcher ; compléta Maya d’une voix nostalgique.

Je ne répondis rien et continuai simplement à observer ces vieux souvenirs qui remontaient en moi. Plus nous avancions et plus nous grandissions toutes les trois, mais je prenais également toujours plus de distance.

Puis Aymeric apparut à son tour et commença à marcher à mes côtés avant de s’éloigner progressivement de moi pour prendre sa propre voie.

-Il fut un temps où je t’aimais réellement, Angéla ; déclara mon ancien ami sans me regarder. Mais la vie a semble-t-il décidé que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre. Alors, même si aujourd’hui je ne ressens plus rien pour toi, je ne peux pas nier qu’un jour, tu m’as guidé et montré le chemin.

June apparut peu après la disparition du garçon et ensemble, nous nous mîmes à courir, distançant encore un peu plus Ambre et Maya. Je ne me retournai pas pour vérifier que mes deux amies de toujours me suivaient encore, mais lorsque je le fis, elles avaient disparu elles aussi.

-J’ai aimé courir à tes côtés ; me dit la blonde se tenant debout tout près de moi, regardant elle aussi dans le vague. Tu m’as permis de me remettre à courir alors que j’avais abandonné tout espoir de me relever après la mort de ma cousine.

Enfin, dans un éclat lumineux, Drago surgit de nulle part, planant quelques mètres au-dessus de moi et je décidai de le rejoindre, prenant à mon tour mon envol, suivie de près par June qui se forçait, non pas à me suivre, mais à ne pas me dépasser.

Cependant, alors que je pensais avoir enfin trouvé mon modèle, Asuna se mit en travers de ma route et me força à regarder derrière moi…et je m’écrasai au sol tandis que Ambre et Maya, elles, avaient finalement réussi à décoller.

Je ne comprenais pas…Je pensais avoir grandi après ma défaite. Je pensais avoir appris de mes erreurs. Je pensais avoir compris la douleur que j’infligeais aux autres sans le vouloir…alors pourquoi…Pourquoi mes deux amies voulaient-elles revoir cette gamine égoïste refusant de voir la réalité ? Pourquoi voulaient-elles me remettre sur ce chemin qui leur faisait tant de mal ? Pourquoi…continuaient-elles à m’aider alors que je ne le méritais pas ?…

La vision se dissipa alors et je me retrouvai à nouveau sur le champ de bataille, luttant de toutes mes forces pour repousser les assauts d’Ambre et Maya…Non…c’était faux…Je n’essayais même pas de lutter…Je faisais semblant…Car au fond de moi, j’étais incapable de lever la main contre elles…de choisir le monde des esprits plutôt que mes amies de toujours…Et il en allait de même pour June…Alors que nos adversaires, elles, donnaient tout ce qu’elles avaient, non pas pour nous défaire, mais pour retrouver les amies qu’elles aimaient tant, et ce, peu importe si cela devait leur faire du mal ou non.

C’était étrange…J’avais réellement l’impression de regarder une photo du passé, une photo dont la chaleur qu’elle émanait était suffisante pour faire fondre ce cœur de glace que Laura m’avait donné.

Oui…Nous avions…Perdu ce combat…

Baissant les bras et fermant les yeux, je me mis à sourire et lâchai un long soupir de soulagement tandis que la lumière d’espoir inonda mon corps tout entier et me tira de ce long, long sommeil dans lequel Asuna m’avait plongée…

Juste avant d’être complètement aveuglée, je vis Aymeric se jeter dans la bataille et s’interposer entre June et le rayon de lumière avant d’être lui aussi englouti par l’attaque des deux amies, mais ce, non sans riposter. Le garçon jeta ses deux épées, droit vers nos adversaires puis une explosion se produisit, nous expulsant tous les cinq contre les parois du sceau d’orichalque.


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Enfin, lorsque tout se fut calmé, je me retrouvai sur le sol, le visage fixant le ciel noir et sans étoile du monde des esprits, les bras écartés dans l’herbe, l’esprit apaisé. A côté de moi, June, Aymeric, Ambre et Maya étaient dans la même position, tous incapable de faire le moindre mouvement.

Sans vraiment savoir pourquoi, je me mis à rire. D’abord timidement, puis de plus en plus fort jusqu’à être saisie d’un fou rire inarrêtable et je fus rapidement rejointe par mes amis.

-Sérieusement…Regardez dans quel état nous sommes maintenant…Soupirai-je sans cesser de rire. J’espère que vous êtes fières de vous.

-Un peu que je suis fière mon Angie ! Me répondit Maya d’une voix forte. Maintenant tu ressens ce que tu nous as infligé il y a trois ans !

-Ne sois pas si sévère avec elle…Intervint Ambre plus faiblement mais tout aussi amusée que moi. Après tout, nous ne valons pas vraiment mieux…J’aurais simplement espéré que vous vous laisseriez faire sans résister autant…

-Mais finalement, nous ne sommes pas assez forts il semblerait…Continua June. Vous venez de nous le prouver…

-Et dire que j’ai sauvé Angéla, ce monde n’a vraiment plus aucune logique ; grogna Aymeric à son tour.

Je ne pus m’empêcher de glousser à nouveau. Tout semblait enfin rentré dans l’ordre. Ce poids que j’avais sur le cœur depuis ma défaite contre Asuna semblait s’être entièrement évaporé sous cette attaque.

Lentement autour de nous, je vis le cercle d’orichalque rétrécir tandis que nos corps étaient baignés dans une douce lumière et qu’ils devenaient peu à peu translucides.

-Je suis désolée…Ambre…Maya…Murmurai-je soudain prise de remords. Je suis désolée de ne pas avoir réalisé que vous avez autant besoin de moi que j’ai besoin de vous…Encore une fois, j’allais vous blesser sans m’en rendre compte si je mourrais dans ce combat…

-Tu sais…Angéla ; me répondit la brune hésitante. L’égoïsme n’est pas un mal. Au contraire, parfois, c’est une vertu.

-Une vertu ? Répétai-je sans comprendre.

-Oui. Tu ne penses pas d’abord à toi parce que juges les autres inférieurs à toi…Mais au contraire parce que tu ne désires que montrer un visage meilleur au monde. En réalité, tu penses aux autres avant de penser à toi, et moi, c’est pour cette vertu rare que tu possèdes que je t’ai toujours suivie.

-Ambre, je…

-Ouais, je suis d’accord ! Me coupa Maya. Je n’ai pas tout compris de ce qu’elle a dit, mais jamais je ne t’aurais fait confiance si tu nous avais simplement utilisées pour ton propre bien ! Alors arrête de répéter cela en boucle s’il te plait, cela nous fera du bien à tous, et à moi la première !

-Toujours aussi crue à ce que je vois, même dans la défaite…Marmonnai-je en me mordant la lèvre. J’imagine qu’il est trop tard pour revenir sur mes paroles…Mais j’ai vraiment de la chance de vous avoir comme amies…Non…Comme sœurs.

-Ne…ne sois pas ridicule Angéla ! Bégaya la fille rebelle, gênée. Je te promets que tu vas souffrir une fois que nous serons rentrées, c’est moi qui te le dis !

-Et je l’accepterai. Alors rentrons ensemble chez nous, Ambre, June, Maya, Aymeric.

Dans un dernier effort, j’attrapai la main de ma partenaire et celle de ma première amie et nous formâmes ainsi un cercle tous ensemble avant que nos corps ne disparaissent définitivement du monde des esprits.

Là, une autre vision me traversa l’esprit. Je me trouvai devant le portail de l’école, hésitant à rentrer. Soudain, quelqu’un me donna une grande tape dans le dos et en me retournant, je vis Maya qui me souriait à pleine dents, m’encourageant à avancer. A côté d’elle, Ambre me lançait un regard doux et bienveillant, et June me regardait de loin, les bras croisés sur sa poitrine aux côtés d’Aymeric qui me tournait à moitié le dos. Encore derrière, je vis Drago et Asuna, me faisant signe de les rejoindre aux côtés de Serena et Satoshi…Ainsi que d’une image à moitié translucide d’Hélios qui levait le pouce pour m’encourager.

Oui…Enfin, après de longues années de sommeil, je me réveillais enfin. Je n’avais plus besoin d’un monde imaginaire, un monde fantastique, un monde dans lequel je me refugiais…Parce que ma réalité surpassait déjà de loin tous mes idéaux.






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le bon temps…

heart earth
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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [03/09/2016] à 00:17

Chapitre 44 : Laura, Hope in the Ice Blessing



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=n01q7X16uzs&


Qu’est-ce que l’espoir ? Un sentiment permettant d’avancer et de se surpasser ? Une illusion s’éteignant au fur et à mesure que notre rêve prend fin ? Une malédiction ne laissant que ruine et désolation derrière elle une fois que l’espoir a disparu ?

Longtemps, je me suis posé cette question aussi vaine que primordiale pour-même. Et surtout, pourquoi courais-je après ce sentiment aussi abstrait qu’insaisissable ? Pourquoi avais-je besoin d’espérer pour vivre ?

Cependant, après tant d’année à chercher, à me chercher, je pensais avoir enfin trouvé la réponse.

Tant de choses s’étaient passées depuis que j’avais commencé cette quête insensée. J’avais été séparée de mes amis en partant en Angleterre, séparée de ma maison lorsque celle-ci brûla devant mes yeux, séparée de ma famille pendant mon long périple, séparée du monde qui me refusait alors que j’étais contrôlée par Gariatron, séparée de l’espoir en pensant que Darksky m’avait oubliée, séparée de mes rêves le jour où mon père avait disparu pour toujours…

Pourtant, au milieu de cette océan de malheurs et de désillusions brillait encore une lueur d’espoir dans le ciel sombre de ma vie, une lueur douce, chaude et réconfortante, une lueur à laquelle je m’accrochais plus que tout, une lueur lointaine qui me rappelait qu’autrefois, je brillais de la sorte avant que le gel n’emprisonne mon corps et mon esprit dans un hiver éternel.

Cette petite fille qui jouait innocemment sur la falaise en compagnie de son meilleur ami existait encore, je pouvais la sentir au fond de moi.

Ce club de duel que Darksky avait fondé, ce frère qui était revenu à la vie, cette enfant perdue qui comptaient sur moi, ces rêves que mon père m’avait confiés…autant de motivations et de promesses qui me rattachaient à la vie qu’Armageddon essayait de me prendre…

Voila ce qu’était l’espoir…Ce qu’était mon espoir. Ce désir brûlant mon cœur cryogénisé, faisant fondre cette épaisse couche froide et dure qui s’était accumulée en moi au cours de ces années glaciales…

Oui…Rêver était synonyme d’espérer, là où les cauchemars n’étaient que désespoir.

Le rêve de cette fillette assise seule sur une falaise isolée contemplant l’infini de l’océan…pouvait encore se réaliser.

Je devais…reconstruire ce qui avait été défait, utiliser les pouvoirs qui m’étaient confiés non pas comme une malédiction mais comme une bénédiction pour retrouver cet espoir que j’avais perdu sept ans auparavant…et vaincre ce sort funeste que le destin me réservait.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Nous étions de retour à la forteresse originelle. Fuji Makoto était vaincu. Hélios avait donné sa vie pour nous sauver et le monde des esprits était sur le point de s’effondrer sur lui-même. J’ignorais si nous avions remporté la victoire ou si nous avions lamentablement échoué…mais pour l’heure, nous devions trouver un moyen de rentrer chez nous.

Malheureusement, la disparition du mentor de l’équipe avait sapé le moral de quasiment tout le monde. Saya était détruite de l’intérieur tandis que Darksky tentait tant bien que mal d’oublier sa propre douleur pour la consoler. Marie, elle qui d’habitude était si réservée, affichait une mine décomposée et semblait encore plus ailleurs qu’à l’ordinaire tandis que Serena…S’était tout simplement enfuie de la forteresse lorsque son frère lui avait annoncé à la nouvelle. Seuls Miyako, Hiroki et Nagisa semblaient encore en état de penser et réfléchir, car pour être franche, même-moi, j’avais l’impression d’avoir perdu beaucoup en voyant le roi disparaitre sous mes yeux…

Cependant, j’essayais de me rassurer en me disant que c’était peut-être son souhait le plus cher de pouvoir se sacrifier afin de racheter ses erreurs. Car après tout, il avait vécu bien plus longtemps que n’importe qui, et je le soupçonnais même de s’être engager dans cette guerre dans ce seul et unique but.

Mais…même en tentant de me persuader moi-même, cela ne suffisait pas à combler ce vide dans mon cœur qu’avaient laissé Hélios et mon père…

Néanmoins, je ne pouvais pas me permettre de me laisser aller au désespoir maintenant. Selon Miyako, mon frère avait disparu pendant la bataille finale et j’avais promis de le faire revenir à la maison, sain et sauf.

C’est pourquoi, je survolais actuellement le monde des esprits dans l’espoir de retrouver Arthur, et j’avais ma petite idée sur l’endroit où il se trouvait actuellement. Car oui, notre forteresse n’était pas la seule structure à flotter dans les airs. Non loin de là, amoché par le combat contre Noun mais ayant tout de même résisté, se dressait fièrement la base Aérienne des Qliphort…quartier général des servants d’Armageddon.

Tout était calme désormais. Les monstres, autant alliés qu’ennemis, avaient disparu pour ne laisser que le bruit incessant d’un monde s’écroulant sur lui-même.

Je tentai de ne pas regarder ce spectacle désolant et continuai ma route, imperturbable.

Lorsque je pénétrai à l’intérieur de la base, je ne vis toujours personne, pas même au-même où je posai un pied à l’intérieur.

Prudemment, je me mis à avancer lentement, m’attenant à un piège mais rien. L’endroit était désert. J’avais l’impression de me trouver dans un immense hangar désaffecté tandis que mes bruits de pas résonnaient longuement, avertissant certainement l’ennemi de ma présence.

Mais tel était mon but. Il n’était plus question de fuir désormais. Je profitai enfin que personne ne soit sur mon dos pour accomplir cette mission, dangereuse mais cruciale. Je ne comptais pas repartir dans notre monde sans mon frère, et j’étais prête à rester ici et périr avec le monde des esprits s’il refusait d’obtempérer.

Plus je m’enfonçai dans la base aérienne et plus le décor changea pour ressembler peu à peu à une véritable demeure. Mais je ne m’attardai pas dans les quartiers privés des jumeaux ou d’Asuna. Si mon frère m’attendait lui aussi pour en finir avec moi, alors il n’y avait qu’un seul endroit où je pouvais le retrouver.


https://www.youtube.com/watch?v=I1Egwloq6Lk


C’est ainsi que j’arrivai au cœur de la base aérienne, découvrant par la même occasion une immense salle circulaire, entièrement vitrée. Au sol s’étendait une rosace de verre, réfléchissant ses mille couleurs sur un magnifique plafond sculpté…de stalactites géantes.

Là, il n’y avait quasiment rien à l’exception de dizaines de couloirs menant certainement aux quatre recoins de la structure…ainsi qu’un trône…Un trône de glace dans lequel mon frère était assis, m’attendant patiemment, accoudé, un sourire cruel illuminant son visage. Ses yeux vert émeraude comme les miens luisaient dans la pénombre d’un faible éclat et je pus enfin remarquer à quel point ils étaient dénués de vie, comme s’il n’était qu’un pantin ayant l’apparence d’Arthur…

-Je suis ravi que tu aies survécu jusqu’ici, Laura ; déclara-t-il d’une voix où se mêlaient haine et ironie Après tout, il aurait été dommage que ma maitresse ait fait appel à moi si tu avais péri pendant cette guerre.

-Oui, je suis d’accord avec toi, si j’avais péri, jamais tu n’aurais pu revenir à la raison ; lui répondis-je très calmement en mettant mes mains dans mes poches. Et donc, c’est à toi que reviens la charge de me tuer ? Asuna, Serena et Armageddon ont déjà échoué à de nombreuses reprises, qu’est-ce qui te fait dire que tu y arriveras, toi ?

-Parce que tu oserais lever la main sur ton frère adoré ? Me lança Arthur d’une voix mielleuse tout en prenant un air faussement innocent.

-Ta mémoire te joue des tours je pense, tu as oublié le nombre de fois où nous nous sommes battus pour rien et que je l’ai toujours emporté ?

-Dans ce cas, il est temps de changer ces petites habitudes tu ne crois pas, Laura ?

Arthur se leva d’un bond et un puissant blizzard se leva. Le soufflait si fort que je voyais les vitres trembler mais je restai de marbre, impassible devant cette petite démonstration de force alors que mes vêtements étaient en train d’être pris lentement dans les glaces.

-Dis-moi, que dirais-tu d’une petite chamaillerie entre frère et sœur comme au bon vieux temps, à chaque fois que nous n’étions pas d’accord sur quelque chose ?

-Cela fait bientôt huit ans que nous ne nous sommes même pas parlé et c’est tout ce que tu trouves à me sortir ? Tu pourrais te soucier un peu plus de ta petite sœur quand même.

-Je me soucie de l’avenir de ce monde avant tout ; rétorqua-t-il froidement.

-Tu devrais te préoccuper du tien avant, Arthur !


https://www.youtube.com/watch?v=CdAhugRbnWw


Sans le prévenir d’avantage, je m’élançai à vive allure sur mon frère et le percutai violemment de mon poing. Ne s’attendant pas à ce que je prenne l’initiative, le garçon vola sur plusieurs mètres avant d’atterrir sur son trône, soulevant un épais nuage de neige.

Quelque chose n’allait pas dans son attitude. La dernière fois que je l’avais affronté, il ne se souvenait même plus de nos liens de parenté et à présent, il tentait de les utiliser contre moi…Se pouvait-il qu’Armageddon lui ait rendu ses souvenirs ? Dans ce cas, pourquoi s’obstinait-il à m’attaquer ? Je connaissais mon frère et pour rien au monde, il n’aurait levé la main sur moi.

Cette histoire de chamaillerie était d’ailleurs totalement inventée et il était tombé en plein dans le panneau. Cela me confirmait que ce n’était pas réellement mon frère qui me parlait…Mais une sorte de marionnette à qui Armageddon aurait introduit les souvenirs d’Arthur…

Pourtant, quelque chose me disait que le corps de la personne que j’affrontais n’étais pas une illusion ni un pantin créé de toute pièce, et c’était cette intuition qui m’empêchait de déchainer toute ma puissance en une seule attaque.

Evidemment, Arthur émergea des décombres sans une seule égratignure, l’air plus furieux que jamais et se lança sur moi. Sans difficulté, je parai son coup de poing et lui assénai un violent coup de genou dans le ventre. Le jeune homme s’envola au plafond avec une telle puissance qu’il s’y incrusta pendant un court instant.

Je ne m’arrêtai pas là. Profitant de sa surprise devant ma riposte, je projetai un large laser de glace qui l’emprisonna au milieu des stalactites.

Le garçon avait beau essayer de se débattre, il ne pouvait rien faire, nos forces étaient bien trop déséquilibrées.

-Bon, fini de jouer maintenant ; déclarai-je d’une voix forte. Qui que tu sois, je t’ordonne de quitter le corps de mon frère immédiatement !

A ce moment-là, un rictus mauvais passa sur le visage de mon frère qui éclata de rire. Je fronçai les sourcils, sceptique devant sa réaction inappropriée.

-Il semblerait que la tentative d’Armageddon pour te berner ait échoué ; déclara-t-il d’une voix bien plus grave qu’auparavant.

-Alors j’avais raison…Grommelai-je, presque déçue de ne pas m’être trompée. Et puis-je savoir à qui j’ai à faire dans ce cas ?

-Mais à personne. Je n’ai pas de nom et je n’en ai pas besoin. Après tout, je ne suis qu’un amas de souvenirs délaissés ; ricana la créature.


https://www.youtube.com/watch?v=X-H8kAKKkTI


-Un amas…de souvenirs ? Répétai-je sans comprendre.

-Oui. Considère-moi comme un espace de stockage, un disque dur des lignes d’univers effacées. Je possède en moi les souvenirs de milliers…non de milliards de personnes ayant disparu lorsqu’Armageddon a supprimé la première d’univers, mais comme un disque dur, je suis incapable de ressentir d’émotion. C’est pour cela que ma maitresse m’a introduit dans le corps d’Arthur Garden dont je possède également les souvenirs, car contrairement à lui, je n’ai aucun remords à tuer une inconnue.

-Je me fiche de toute cela ! Répliquai-je. Je veux simplement que tu quittes le corps de mon frère sur le champ avant que je ne vienne te déloger moi-même !

La créature se remit à rire tandis que je m’impatientais de plus en plus.

-Laura Garden…Sais-tu au moins pourquoi ta mort importe tant à Armageddon ? As-tu la moindre idée de ce qu’il se passe réellement dans ton dos ? Es-tu au courant que toutes les catastrophes actuelles…Sont uniquement dues à ton existence ?

-Qu’est-ce que tu me chantes encore là ? Sifflai-je, refusant de me faire avoir.


https://www.youtube.com/watch?v=iS9oFjoD9pw


Les yeux d’Arthur se mirent à luire d’un éclat aveuglant et je fus obligée de fermer les miens pour ne pas devenir aveugle. Cependant, lorsque je les rouvris, le décor avait changé et je flottai désormais au-dessus d’un monde vide et sans vie, plongé dans les ténèbres perpétuelles. Je me trouvais quelque mètres plus bas…enfin, une version vingt ans plus âgée de moi se trouvait là, accompagnée de Iori, ainsi que de cette fille que June et Aymeric avaient ramenée à la citadelle…Et toutes les trois semblaient en pleine discussion.

-Oui…Si je n’avais pas rejoint mon père…Si je n’avais pas accepté la malédiction de Gariatron…Si je ne m’étais pas laissée emporter par mes sentiments…Si j’étais morte pendant mon périple…Tout cela ne serait jamais arrivé ! S’exclama mon double du futur d’une voix remplie de remords.

J’écarquillai les yeux. Était-ce la réalité ? Existait-il réellement un monde où Gariatron avait gagné ? Et tout cela par ma faute ? Mon cœur s’accéléra à cette idée et je retins ma respiration, commençant à trembler de tous mes membres.

Ce cauchemar qui me hantait depuis trois ans…ces craintes qui me tourmentaient jour et nuit…ce désespoir si profond qui s’installait en moi lorsque je m’imaginais que tout cela aurait pu être réel…Tout cela avait-il vraiment existé ? Je ne pouvais pas le croire…je refusais de le croire !

-J’ai essayé…J’ai essayé de me raccrocher à cet espoir qu’était le monde libéré de Gariatron et aux encouragements de tout le monde…je voulais croire que tout le monde pourrait vivre heureux malgré mes erreurs…Mais c’en est trop. Alors, pour le bien de tous, j’ai décidé de libérer le monde de ce fardeau et d’effacer mon existence de l’histoire. Ainsi, sans mon soutien, jamais mon père n’aurait libéré le démon et l’humanité aurait pu affronter cet homme, Amon, avant qu’il ne s’empare du pouvoir ultime…

-Arrête…S’il te plait…Je ne peux pas en écouter plus…Murmurai-je, sur le point de craquer.

-Iori, je vous accompagne. Je détruirai ce monde avec vous et je construirai un monde ou Darksky et Saya pourront sourire…un monde où ils pourront vivre sans se soucier du lendemain…un monde sans moi.

La vision se dissipa à ce moment et nous revînmes dans la base aérienne. Cependant, les positions de force s’étaient inversées et j’étais désormais sur le sol, les yeux grands ouverts, incapable de prononcer le moindre mot ou faire le moindre geste.

J’aurais voulu croire que tout ceci n’était qu’un mensonge, qu’une manipulation destinée à me faire souffrir…Mais les paroles de mon double sonnaient bien trop vraies pour n’être qu’une illusion…Car j’avais souvent pensé exactement la même chose qu’elle en cas de victoire de Gariatron.

Oui…Pendant longtemps après être revenue chez Darksky, je ne pouvais accepter ce que j’avais fait et surtout, ce que j’aurais pu faire s’il ne m’avait pas arrêté à temps. Je m’étais rendue compte que si Gariatron avait vaincu ce jour-là, je me serais certainement retournée contre lui avant de vouloir mourir pour tenter expier mes fautes…

-Comprends-tu à présent, Laura ? Reprit la créature calmement. Si Armageddon désire t’éliminer, ce n’est pas par simple plaisir de faire souffrir Iori. Non. C’est simplement car tu es celle dans ce monde qui est la plus à même à provoquer le chaos.

-Provoquer…Le chaos ? Répétai-je d’une petite voix. Non…jamais…Jamais je ne referai ça…

-Et pourtant, tu l’as vu tout comme moi…ce monde de désespoir d’où ma maitresse provient. Toi qui possèdes le pouvoir de Gariatron dans ton sang…Ta simple existence met ce monde en péril et les catastrophes qui nous entourent en sont la preuve !

-Je…je ne comprends pas…quel rapport avec moi désormais ?…

-Cette Yuiko Iori que vous considérez comme l’une des vôtres…Comme tu as pu le voir, elle provient du futur…Mais d’un futur différent de celui d’Armageddon, un futur calme et paisible, un futur où tu as péri contre Zorc.

-Péri…contre Zorc ?

Un déclic se fit dans mon esprit et je reculai d’un pas, terrifiée. Tous ces rêves que je faisais depuis le début de l’année, ce sentiment étrange de ne pas me trouver à ma place, cette volonté de Iori de me protéger à tout prix…Tout prenait sens désormais…

-Te faut-il vraiment une autre preuve pour que tu comprennes que tu n’as pas ta place dans ce monde ? Là où tu existes, le chaos existe aussi. Là où tu n’es plus, la paix règne en maitre.

-Oui…Partout où je passe…Je ne laisse que des larmes derrière moi…

C’était un triste constat mais c’était la vérité. En partant en Angleterre, j’avais laissé Darksky sombrer dans le désespoir. Puis Théodore avait souffert de mon égoïsme et de mon aveuglement alors que j’étais son seul soutien. Par la suite, ma mère avait péri et mon père avait plongé dans la folie car je m’étais enfuie, terrifiée par le pouvoir de Sayer et une fois sous les ordres de mon père, ma vengeance n’avait fait que décupler cette souffrance que je répandais autour de moi…

-Si tu désires sauver ce monde, Laura, tu sais ce qu’il te reste à faire…Murmura l’amas de souvenirs d’une voix lente et presque compatissante.

A ce moment-là, je fis apparaitre mon épée de glace et je plongeai mon regard pour observer mon reflet à l’intérieur. Là, je n’y vis non pas une petite fille innocente et perdue…mais une femme aveugle et recouverte de sang d’innocents.

-Mets fin à tes jours…Et libère le monde de son fardeau…Laisse tes amis vivre la vie qu’ils méritent, sans toi…

J’étais totalement perdue. Si j’avais pris part à ce combat, c’était avant tout pour sauver mon frère et ramener mon père à mes côtés…Mais je voulais le faire dans un monde qui les accepterait et non pas au milieu des ruines et de la désolation…Cependant, si j’abandonnais ce combat maintenant, mon frère resterait prisonnier à tout jamais de l’emprise d’Armageddon, et cela, je ne pouvais pas l’accepter non plus.

Pourquoi…Pourquoi ne pouvais-je simplement pas vivre comme n’importe qui ? Je n’avais demandé à être une guerrière ni une sauveuse de l’humanité…Je voulais simplement continuer mes journées paisibles sur cette falaise, m’amuser au club de duel aux côtés de Darksky et des autres, être jalouse de Saya et me battre avec Miyako…Tout cela était tellement injuste…

Oui…Ce monde…Était injuste…Alors pourquoi…Le préserver ?…


https://www.youtube.com/watch?v=xE0MhZo5oI0


Lentement, je me relevai et plongeai mon regard dans celui de l’amas de souvenir, toujours emprisonné au plafond, qui continuait à sourire bêtement, pensant déjà sa victoire acquise.

-Alors, tu as fait ton choix, Laura Garden ? Vas-tu mettre fin à tes jours pour…

Mon frère ne termina pas sa phrase et écarquilla les yeux subitement lorsqu’il remarqua qu’une lance de glace s’était figée dans son ventre et qu’une vive tache pourpre colorait lentement sa prison de glace.

-Tais-toi. J’en ai assez entendu…Grognai-je d’une voix à moitié éteinte. J’en ai plus qu’assez de prendre toujours tout dans la figure. Je n’ai jamais demandé à porter cette malédiction…je n’ai jamais demandé à combattre pour mon avenir…Je n’ai jamais demandé à ce qu’Hélios nous attaque…Je n’ai jamais demandé à être séparé de celui que j’aime…Je n’ai jamais demandé à porter sur mes épaules le poids du monde…Alors puisque tu penses que c’est si simple de supporter un fardeau aussi lourd, alors je te lègue, serviteur d’Armageddon !

Une brume sombre s’éleva de mon corps tandis que mon frère restait bouche bée devant mes paroles qui devait lui sembler dénuées de sens. Lentement, le brouillard pris une forme, celle d’un long serpent ailé et deux yeux rouges se dessinèrent dans les airs.

Il ne me fallut qu’un mouvement brusque du bras pour projeter l’aura de Gariatron directement vers le corps de mon frère. Celui-ci hurla de douleur lorsque la brume s’infiltra dans son corps et il tenta de se débattre, en vain. Il était toujours prisonnier de ma glace et de toute façon, rien ni personne ne pouvait échapper à cette malédiction.

Finalement, au bout de longues minutes d’agonie, la créature qui avait pris possession du corps de mon frère cessa de se débattre et perdit connaissance. Quant à moi, je tombai à genou, à bout de souffle, me sentant soudainement très faible…et vide.


https://www.youtube.com/watch?v=MRMVZqp8QEc


Pour la première fois depuis de très nombreuses années, je ne ressentais plus en moi le pouvoir de Gariatron…C’était à la fois étrange…Et apaisant, comme si tous mes tourments s’étaient envolés en même temps que son pouvoir.

Finalement, malgré tous les efforts que j’avais faits, j’avais été incapable d’accepter pleinement ce pouvoir…Mais cela valait peut-être mieux pour moi et pour le monde entier…

Tremblante, je me relevai et libérai le corps de mon frère de sa prison. Ce dernier tomba sans même avoir la moindre réaction et je le rattrapai dans mes bras de justesse avant qu’il ne s’écrase au sol. J’ignorais si l’entité qui le contrôlait avait disparu où si elle se trouvait toujours à l’intérieur de lui, mais dans tous les cas, nous n’avions plus aucune raison de nous battre. Sans la malédiction, je n’étais plus une menace pour le futur selon ses propres dires.


https://www.youtube.com/watch?v=QZGAnJmN5Ks


Mais, alors que je pensais que tout était enfin terminé et que nous allions pouvoir rentrer chez nous sans plus d’encombre, mon cœur rata un battement et un très mauvais pressentiment me fit lâcher le corps de mon frère. Je fis un bond de plusieurs mètres en arrière et me mis en position défensive, prête à combattre.

Les yeux d’Arthur s’ouvrirent brutalement, désormais rouges comme le sang et il commença à s’élever de quelques mètres au-dessus du sol, entouré d’une sinistre aura mauve. Mais contre toute attente, il ne m’attaqua pas. Non…l’aura dont il était enveloppé commença à s’échapper pour prendre forme humaine…

Sous mes yeux ébahis, un deuxième Arthur était en train de naitre…et lorsque la copie translucide plongea son regard dans le mien, une immense chaleur envahit mon corps tout entier, à tel point que je sentis des larmes couler le long de mes joues.

Oui. J’en avais la certitude. Cette personne devant moi…Était mon frère…Mais pas le servant d’Armageddon, non. Mais l’idiot que j’avais toujours connu.

-Arthur ! M’écriai-je, euphorique.

-L…Laura ? Bégaya-t-il, tout aussi surpris que moi. C’est toi ? C’est vraiment toi ? Tu es vivante ?!

-Oui, et je suis revenue pour te délivrer, cela ne prendra que quelques instants, alors sois patient !

-Me…délivrer ? Répéta-t-il sans comprendre.

C’est alors que mon frère tourna son regard vers son corps d’origine et écarquilla les yeux de stupéfaction. Car en effet, même s’il gardait l’apparence d’Arthur, l’amas de souvenir n’était plus qu’une brume sinistre à forme humaine…comme si elle était devenue l’incarnation même de la malédiction de Gariatron.

D’un seul geste, la créature plaqua mon frère contre un mur et l’emprisonna dans des chaines d’ombre dont il ne pouvait s’échapper.

-Je vois…je ne pensais pas que tu serais assez stupide pour te priver de ton meilleur atout, Laura Garden…Murmura la brume d’une voix quasi inhumaine.

C’était comme des milliers de personnes parlaient en même temps à travers sa bouche…

-Mais je devrais te remercier, à présent, je possède réellement le pouvoir de t’éliminer comme le désire ma maitresse.

Je me remis sur mes gardes. Je me doutais bien que simplement me débarrasser de mon pouvoir n’allait pas être suffisant pour échapper au courroux de cette chose…Mais je pouvais désormais combattre sans remords au moins.

-Pourquoi vouloir m’éliminer alors que je ne possède plus la malédiction ? Si tu désirais réellement sauver ce monde, tu devrais te suicider ici et maintenant comme tu me l’as si gentiment conseillé tout à l’heure ; raillai-je, néanmoins peu rassurée.

Sans me répondre, la créature projeta un déluge de glace sombre vers moi. Je sautai sur le côté pour esquiver de justesse avant de rouler sur le sol et de me remettre maladroitement sur mes jambes. Sans le pouvoir de Gariatron, toutes mes aptitudes physiques redevenaient celle d’une simple humaine. Cela n’allait pas m’aider du tout dans ce combat…

Mais je refusais d’abandonner si proche du but. Maintenant que j’avais la confirmation qu’Arthur était bel et bien vivant et hors du corps de cette chose, je n’allais pas me gêner pour déchainer toute ma puissance.


https://www.youtube.com/watch?v=lX-iQi5qudU


« Utilise-le, Laura, cet espoir que j’ai implanté en toi…Murmura soudain la voix de mon père dans ma tête. »

Oui. Si je voulais sauver mon frère et réaliser le vœu de mon père, je savais ce que j’avais à faire.

-Viens à moi, Darkness Shadow ! Hurlai-je.

Ma poitrine se mit à rayonner et une minuscule sphère sombre s’en échappa. Mais alors que je pensais voir surgir un immense dragon de pierre noire, un homme apparut devant moi. Il était grand, aux cheveux grisonnants et quasiment inexistants et me tournait le dos. Je n’avais néanmoins pas besoin de voir son visage pour le reconnaitre. Sa simple veste en queue de pie et ses gants blancs suffisaient à me faire comprendre pourquoi, dès sa première apparition, j’avais senti quelque chose d’étrange chez lui.

L’homme plongea ses yeux gris dans les miens avant de s’incliner avec déférence devant moi.

-Laissez-moi m’occuper de cela Mademoiselle Laura, j’ai fait à votre père le serment de vous protéger coûte que coûte et je ne faillirai pas à ma tâche. Donnez-moi simplement un ordre et je m’exécuterai.

-Dans ce cas, voici votre mission : Détruisez cet amas de souvenirs, Arnold !

-Comme bon vous plaira mademoiselle.

Sur ces mots, le vieil homme bondit avec une vitesse fulgurante vers le serviteur d’Armageddon pour lui asséner un violent coup de poing. Ce-dernier para aisément cette attaque tandis que toutes les vitres explosèrent en même temps sous la force de l’impact.

Evidemment, je ne me contentai pas de regarder mon majordome se battre à ma place et aussitôt, je fis pleuvoir un déluge de glace sur notre ennemi qui ne put l’éviter et se retrouver ensevelit sous une avalanche.

L’amas de souvenir, fou de rage, émergea de l’épaisse couche de neige et s’apprêtait déjà riposter mais Arnold se trouvait prêt. Dans sa paume brillait un feu sombre qui déferla sur la créature. Celle-ci tenta de se protéger du mieux qu’elle pouvait mais fut repoussée contre les murs de la base aérienne.

-Ice Spear !

Une nouvelle fois, je créai une lance glacée que je projetai de toutes mes forces. Mon arme transperça de part en part la brume sombre puis se figea dans le sol, empêchant la chose de s’échapper.

Je m’approchai alors d’elle, mon épée à la main, bien décidée à en finir au plus vite. Mais, alors que seule la peur aurait dû se lire sur son visage, un large sourire était dessiné sur ses lèvres sombres.

-Je vois…Telle est donc la puissance de celle qui a détruit le monde dans le futur…ricana la chose. Armageddon a largement sous-estimé ta puissance…ou bien alors t’a-t-elle volontairement laissé une chance de t’en sortir…

-Epargne ta salive, je me fiche de ce que tu peux raconter ; crachai-je avec mépris.


https://www.youtube.com/watch?v=UCiJGl9NOBQ&


-Tu as commis une erreur en me donnant ton pouvoir…Laura Garden. Je ne possédais peut-être pas assez de puissance pour te vaincre…Mais maintenant tu ne pourras plus échapper à ton destin !

Tout en prononçant ces mots, un vent violent émana de la créature et me repoussa, de même qu’Arnold qui m’attrapa au vol alors que j’allais me faire expulser de la forteresse.

Tout autour de l’amas de souvenir, la lumière se fit comme aspirer dans un tourbillon de ténèbres, la glace se mit à noircir et la température chuta drastiquement. Une sphère sombre se forma au creux de ses mains, sphère qui se mit à grossir encore et encore tout en absorbant toujours plus de lumière, comme si elle se nourrissait d’elle, comme un véritable trou noir…

Il était en train de l’utiliser…Ce pouvoir que j’avais tant détesté…Le pouvoir de Gariatron.

-Tu ne peux pas échapper à ton destin Laura ! Péris par ce pouvoir qui a détruit le monde, Black Hole Eclipse !

Une déferlante d’énergie fusa vers nous. Elle était si puissante que toute l’infrastructure, plafond et sol, fut purement et simplement annihilée à son contact. Je dus déployer mes ailes pour ne pas chuter mais cet instant d’hésitation aurait pu m’être fatal. Sans l’intervention d’Arnold qui s’interposa entre l’attaque et moi, j’aurais certainement subi le même sort que la base aérienne.

Mais, même avec toute la puissance qu’il possédait, Darkness Shadow peinait à ralentir ce rayon d’énergie noire. Pire, je voyais ses membres lentement disparaitre tandis qu’il perdait de plus en plus de terrain.

-Mademoiselle Laura, maintenant, finissez-en avec lui ! M’ordonna mon majordome tout en luttant pour ne pas se faire exterminer.

-Mais…si j’attaque maintenant, vous…

-La vie d’un esprit de duel n’a aucun sens sans l’humain auquel il est lié. Votre père a donné sa vie pour vous et pour Monsieur Arthur, alors si je peux contribuer à continuer son œuvre…Cela sera avec joie que je me sacrifierai pour vous permettre de vivre heureuse.

-Arnold…


https://www.youtube.com/watch?v=9ensGipNnSU


Comme guidée par mon instant, je me saisis de mon épée à deux mains et concentrai toute mon énergie dans sa lame. Celle-ci se mit à rayonner d’un vif éclat bleuté, illuminant les ténèbres créées par l’attaque de l’amas de souvenirs.

Derrière moi, des flammes de glace se mirent à brûler et ma tunique bleue glacée vira au blanc immaculé tandis qu’un diadème doré en forme de trident se posa délicatement sur mon front…Un diadème dans lequel étaient incrustées trois pierres dorées comme le soleil.

-Ma mission…Est enfin achevée…Murmura Arnold tout en disparaissant lentement dans les ténèbres, ne laissant derrière lui que de fines particules brillantes.

La lumière que j’émanais devint si aveuglante qu’elle dévora les ténèbres et je me retrouvai dans un espace entièrement blanc, dans lequel seules quelques flammes bleutées et froides virevoltaient au milieu d’un océan de glace pure.

Là se trouvait le fantôme de mon père qui me souriait simplement. Mais ce n’était pas Shadow. Non, il s’agissait de l’homme qui m’avait aimée, moi, mon frère et ma mère. Eux aussi se trouvaient à ses côtés tandis qu’une fillette se cachait timidement derrière eux.

Je fis un pas vers eux et mis un genou à terre avant de tendre la main à cette petite fille. La brunette me regarda de ses yeux émeraudes et je lui souris lorsque, tremblante, elle posa ses petits doigts sur ma paume.

-Tu n’auras plus jamais à vivre dans la peur ; déclarai-je d’une voix douce et tendre. Je t’en fais la promesse, Laura. Il est temps de t’éveiller de ce long cauchemar.

Alors que je disais cela, le visage timide de la petite fille me sourit à son tour tandis que les images de mes parents disparaissaient lentement pour ne laisser que mon frère et moi.

« Merci, Papa, Maman…Je saurai être reconnaissante pour tout ce que vous avez fait pour moi…Je profiterai de cette vie que vous m’avez donnée et pour laquelle vous vous êtes battus…et je lui ferai honneur. Je vous en fais le serment. »

Les corps de mes parents finirent de se fondre dans le décor, s’évaporant dans un millier de poussières d’étoile scintillantes.


https://www.youtube.com/watch?v=tFjC5hW_nb0


Lorsque je rouvris les yeux, tout mon corps nageait dans une mer de flammes bleutées que je dissipai d’un revers de la main.

-C’est au milieu de la mer de ténèbres et de désespoir…Que la lumière d’espoir rayonne le plus ! Alors une fois de plus, illumine notre chemin, Trishula !

Derrière moi apparut le corps de l’immense dragon de glace aux trois têtes. Le rayon d’énergie sombre de l’amas de souvenir s’arrêta net à quelques centimètres de moi et commença à durcir, entouré d’une épaisse couche de glace qui se propagea rapidement jusqu’à son propriétaire qui me regardait, abasourdi.

« Tu as bien grandi ma fille, je suis heureuse que mon sacrifice n’ait pas été vain ; déclara le fantôme de ma mère qui se jeta sur l’ennemi. »

-Merci, Maman, de t’être toujours occupée de moi…Murmurai-je.

La première tête de Trishula tira un rayon de glace qui fracassa l’attaque du servant d’Armageddon, projetant tout autour de nous des éclats sombres.

« Je suis désolé de t’avoir causé autant de soucis, Laura. J’espère qu’un jour tu me pardonneras… »

-Tu es déjà pardonné, Papa.

La seconde tête du dragon attaqua à son tour et cloua le corps possédé de mon frère contre les murs de la citadelle, l’emprisonnant à nouveau dans une prison de glace incassable.

« Vis, Laura. C’est bien pour cela que nous nous sommes battus toutes ces années.

-Toi aussi, vis, Arthur, c’est pour cela que je me suis battue.

La tête centrale de mon esprit poussa un rugissement qui déchira les cieux tandis qu’une aurore boréale illumina le ciel, première véritable source de lumière dans ce monde depuis sa chute. Le dragon se mit à absorber cette lueur nouvelle, rayonnant de plus en plus…jusqu’à ce que sa carapace de glace se brise pour laisser s’élever un magnifique dragon scintillant comme un véritable prisme vivant.

-Au-delà de la perfection : Avalon ! éclaire ce chemin de désespoir et montre-nous la voie vers l’espoir, Ice Barrier Breaker, Arc-Trishula !

Comme un missile, le dragon replia ses ailes sur lui et ensemble, nous fusâmes vers la brume sombre qui se débattait toujours en vain.

Je poussai un cri de rage alors que mon épée contenait en elle toute la puissance que j’avais accumulée au fil de mes combats. Je refusais de mourir, pas ici, pas maintenant, pas après tout ce que ceux que j’aimais avaient donné pour moi…Je ne voulais plus jamais…faire pleurer quelqu’un !

-Subzero…World !

Dans cette ultime attaque, je transperçai le corps de la créature de part en part et je ne m’arrêtai que quelques mètres plus loin. Je ne me retournai pas, mais j’entendis un cri de douleur, suivi d’une violente explosion…puis plus rien. Le calme absolu.


https://www.youtube.com/watch?v=Yek2vV81OPM


-C’est terminé…la malédiction de Gariatron…S’éteint avec toi, Amas de souvenirs.

Je tournai très légèrement la tête et je pus voir la créature translucide disparaitre progressivement dans les ténèbres tandis que le corps de mon frère gisait à quelques mètres de là sur le sol, inconscient mais vivant.

-Je vois…Alors tu avais réellement l’intention de sauver le monde…Laura Garden. Je ne m’y attendais pas…moi qui possédais tous les souvenirs de ma ligne d’univers…jamais je n’aurais cru…que quelqu’un serait capable de défier le destin de la sorte…et de surpasser cette malédiction. Et étrangement, cela me rend…Heureux…

La chose n’ajouta rien et disparu dans le néant. Quant à moi, je me précipitai vers Arthur et le pris dans mes bras. Je ne pus contenir davantage mes sentiments et je les laissai exploser dans un torrent de larmes de joies.

-Rentrons chez nous, Arthur.


https://www.youtube.com/watch?v=r0ffscqm2oM


C’était étrange. Pour la première fois de ma vie, je me sentais totalement apaisée. Ce pouvoir que je détestais plus que tout s’en était allé, Arthur était sain et sauf et Fuji Makoto était vaincu. Ce sentiment de quiétude qui m’envahissait…Oui…Pendant des années, je l’avais cherché. J’avais suivi mon père pour le ramener à la raison, affronté Darksky pour récupérer l’ami que je pensais perdu et défié Armageddon pour retrouver mon frère…Mais désormais, je n’avais plus d’objectif. Je voulais simplement…rentrer et reprendre cette vie tranquille dont je rêvais depuis toujours.

Nos corps se mirent soudainement à scintiller à leur tour et je compris que j’avais épuisé toute mon énergie. Nous ne pouvions pas rester dans ce monde plus longtemps…et cela m’allait très bien.

Alors que je jetai un dernier regard à ce monde déjà condamné, je vis dans le ciel que l’aurore boréale n’avait pas disparu et continuait à illuminer les derniers moments du monde des esprits…à répandre l’espoir au milieu du chaos et des larmes.

C’était à la fois un spectacle magnifique et incroyablement triste, comme le dernier sourire d’un condamné.

Mais je l’avais enfin trouvé, cet espoir que je recherchais tant. Après sept années de recherches, je pouvais enfin me reposer.

« Adieu, Maman, Papa…soyez heureux…où que vous soyez désormais. »

Puis le sol se déroba sous mes pieds. Toute la structure de la base aérienne s’effondra et nous disparûmes de ce monde pour toujours.

« On se retrouve au spectacle de fin d’année. Murmurai-je avant de disparaitre pour de bon. »



Chapitre 45 : Akane, Forgive Me



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=eJIfjTGDfOE


La nuit. Les ténèbres. La peur. Le froid. La faim. L’odeur du sang. La douleur. Le bruit des canons. Les cris d’agonie. Ces quelques mots résumaient l’enfer dans lequel j’avais vécu, cet enfer qui m’avait vu naitre, grandir et souffrir, cet enfer qui m’avait servi de berceau, de mère et d’ami, cet enfer qui était désormais une partie de moi.

« Dis, Iori…Si tu en avais le pouvoir…Détruirais-tu ce monde ? Parce que moi, je le ferais sans hésiter. Ce monde est faux, sans avenir, sans espoir. Tout ce qui arrive…n’aurait jamais dû se produire. Jamais Gariatron n’aurait dû prendre le pouvoir, jamais l’humanité n’aurait dû se retrouver acculée de la sorte, jamais Miyako n’aurait dû prendre la tête de la résistance…et jamais…nous n’aurions dû naitre…au milieu de ce chaos… »

Oui. Pourquoi naissons-nous ? Est-ce un désir de nos parents ? Une erreur ? Un châtiment ? Une volonté supérieure ?

A quoi bon survivre si seule la souffrance nous attend au bout de ce long chemin semé de douleur qu’est la vie ?

La joie, le bonheur, l’amitié et l’amour n’étaient que des sentiments illusoires pour moi. Tels des étoiles, ils ne faisaient qu’illuminer temporairement les ténèbres, minuscule source de lumière au milieu d’un océan infini de vide.

L’espoir nait du désespoir et retourne au désespoir. Telle était la loi de ce monde. Tout ce que nous pouvions faire était de chérir cette lueur qui nous était donnée… Pour ensuite regretter éternellement le temps où elle perçait les ténèbres.

Cependant, pour moi, cette lueur n’avait jamais pu briller. Ce sourire que Iori cherchait en vain depuis des années… jamais je n’avais pu connaitre sa chaleur et sa douceur.

Et pourtant, je l’avais suivie dans sa quête insensée. Non pas parce que je voulais retrouver ce que j’avais perdu… mais parce que j’étais à la recherche de ce dont j’avais été privée. Je voulais comprendre comment ma seule et unique amie avait réussi à sourire au milieu du chaos. Je voulais comprendre ce qu’était l’espoir qui l’animait. Je voulais ressentir ce cœur battre au fond de ma poitrine, me prouver à moi-même que j’étais vivante. Je voulais… Apprendre à vivre.

Cette lumière qu’était ma mère pour tous les survivants de la guerre… Je ne voulais plus être aveuglée par son éclat mais pouvoir la regarder dans les yeux, moi qui n’étais qu’une lune solitaire perdue dans la noirceur et le froid de la nuit, condamnée à être pour toujours dans l’ombre d’un soleil brûlant et éclatant.

Alors, parce que je voulais briller moi aussi, parce que je voulais me prouver que je pouvais être ce soleil protecteur, parce que je voulais faire ce que ma mère n’avait jamais fait… J’ai protégé les Time Gates.

Des années durant, j’ai suivi aveuglement la volonté de Iori. Je savais qu’elle s’était égarée, qu’elle faisait fausse route, que son jugement était altéré par un début de folie… Mais j’avais besoin de croire en quelque chose. Ce monde si doux qu’elle m’avait promis… Ce monde délivré du jouc du démon… Ce monde où l’humanité avait triomphé… Ce monde où je n’existais pas… Était le fruit le de nos rêves. Mais… Cette réalité était-elle l’idéal que je recherchais réellement ? Je l’ignorais.

Cela ne m’a néanmoins pas empêché de repousser tous les agresseurs du temps. Nombreux sont ceux qui ont tenté d’altérer l’histoire à leur avantage. Mais à chaque fois, je les ai repoussés, utilisant toute la force et la rage que je cachais en moi.

Malgré tous mes efforts, cela n’avait pas été suffisant. J’avais été incapable de repousser la seule personne capable mettre en péril notre paradis, et par ma faute, le futur était condamné…

J’avais voulu imiter Miyako, briller aussi fort qu’elle et, comme elle, protéger ce qui m’était cher… Et finalement, j’avais échoué. A vouloir m’approcher du soleil, je m’étais brûlé les ailes artificielles que je m’étais créées pour me rapprocher de cette lumière qui me faisait tant de bien.

Je comprenais à présent mieux pourquoi ce jour-là, la personne que je considérais comme mon héroïne, mon modèle en plus d’être ma propre mère… m’avait tourné le dos.


https://www.youtube.com/watch?v=BMqtkQcYyxA


Une chevelure de feu s’éloignant lentement et disparaissant dans les ténèbres. Un long manteau blanc ondulant lentement au gré du vent. Une démarche lente, le pas trainant et des mouvements raides.

La petite fille hurlait et pleurer toutes les larmes de son corps frêle. Elle avait beau se débattre de toutes ses forces, elle ne pouvait rien faire d’autre que d’appeler à l’aide la personne qui la laissait derrière elle sans se retourner.

« Pourquoi ?! Pourquoi Maman ?! Je ne veux pas que tu partes ! Reste avec moi ! Criait-elle d’une voix déformée par ses larmes.

-Akane, écoute-moi, tu dois…

-Lâche-moi Papa ! Il faut que j’aille la rejoindre ! Je veux rester à ses côtés ! Je veux… »

L’homme serra la petite fille dans ses bras dans un geste tendre mais rien ne pouvait effacer les pleurs déchirant de cette fillette de cinq ans.

Ce jour-là, la fillette comprit que ce monde ne lui donnerait jamais rien. Si sa propre mère l’avait abandonnée, alors elle abandonnerait le monde à son tour. Telle était la résolution qui animait désormais Yami Akane.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Je me réveillai, le visage trempé de larmes.

Encore. J’avais encore fait ce rêve… Il me hantait depuis mon arrivée dans ce monde. C’était comme si quelqu’un me forçait à me rappeler pourquoi j’étais ici.

Lentement, j’ouvris les yeux, l’esprit embrumé. Je me trouvais dans une petite chambre basse de plafond, aux murs de pierre noire. Il n’y avait aucune décoration ni ornement. Seulement une chaise, le lit dans lequel je me trouvais et une fenêtre dénuée de vitre.

Comment m’étais-je retrouvée ici ? Le dernier souvenir que j’avais était la visite de ces deux personnes, des amis de July… et puis le trou noir.

Je massai ma nuque endolorie et je grimaçai de douleur. Ma tête me faisait mal et tous mes os craquaient au moindre mouvement.

Mais je n’avais pas le temps de me préoccuper de moi-même. Je devais retourner aux Time Gates le plus vite possible. Je ne pouvais pas me permettre de les laisser sans surveillance.

Je tentai d’activer mon pouvoir afin d’ouvrir une brèche… mais rien ne se passa. Intriguée, je recommençai… Mais toujours rien.

Je fronçai les sourcils. C’était étrange. J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose. C’était comme si Iori avait repris ses pouvoirs.

Soudain, la porte de ma chambre s’ouvrit et j’écarquillai les yeux lorsque je vis les personnes qui s’avancèrent vers moi.


https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


Mon sang se mit à battre dans mes veines. Mon cœur s’emballa. Mes membres tremblèrent de façon incontrôlée…

Elle était là. La personne que je haïssais le plus au monde. Celle qui m’avait tout donné avant de tout me reprendre. Celle qui prétendait se préoccuper de moi mais qui ne m’avait jamais accordé la moindre importance. Celle qui avait délaissé sa propre fille pour sauver un monde déjà mort.

Dès que je la vis, un déclic se fit dans ma tête et une rage incontrôlable m’envahit.

Je comprenais mieux. Les amis de July n’était rien d’autre que des leurres envoyés par Miyako pour détruire les Time Gates. Comme d’habitude, elle utilisait les autres pour arriver à ses fins et détruire mes rêves. Et comme une imbécile, je m’étais encore fait avoir.

Mais c’était l’occasion rêvée. Je pouvais enfin en terminer une bonne fois pour toute avec elle et réduire à zéros les chances qu’elle me mette un jour au monde.

Il était grand temps que la lune éteigne le soleil définitivement.


https://www.youtube.com/watch?v=yDbJvMhQE20


Je me levai d’un bond de mon lit pour me précipiter vers Miyako et je vis mon futur père sursauter. Etrangement, celle-ci s’attendait à une telle réaction car elle bloqua facilement mon coup de poing avec la paume de sa main tout en me dévisageant d’un air intrigué.

Si le regard avait pu tuer, ma mère serait morte sur le coup tant je la foudroyai de mes yeux bleus glacé.

-Qui… es-tu ? Finit-elle par dire en fronçant les sourcils.

Je ne lui répondis rien et me dégageai simplement d’un bond en arrière avant de me remettre sur mes gardes.

Evidemment, l’effet de surprise n’avait aucune chance de fonctionner contre la personne la plus calculatrice de ce monde. Mais cela n’avait aucune importance. Je m’étais entrainée des années depuis mon arrivée dans ce monde dans le seul et unique espoir d’avoir un jour la chance de me mesurer à celle que j’avais un jour admiré. Et ce jour était finalement arrivé.

Les Time Gates étaient détruites. Amon avait récupéré ses pouvoirs. Le futur était à nouveau incertain. Iori avait échoué. Mais mon dernier souhait, lui, pouvait encore s’accomplir.

-Je suis simplement celle qui va te faire tomber de ton piédestal, Hikari Miyako.

D’un coup de pied, je fracassai le mur de pierre de ma chambre et me jetai dans le vide. Interloquée, Miyako se précipita vers l’ouverture que j’avais créée.

La rousse écarquilla les yeux de stupeur lorsqu’elle se rendit compte que je n’étais pas tombée mais que je lévitai au-dessus du vide, entourée d’une sombre aura écarlate. Je ne pouvais m’empêcher de sourire comme un chasseur ayant repéré une proie en pensant que j’allais enfin mettre un terme à ce cycle ridicule qui me maintenait en vie.

Lentement, je levai l’index vers le ciel et prononçai l’incantation qui avait déjà détruit nombre de mes ennemis.

« Sagittarius… Arrow ! »

Dans la nuit noire, un éclat de lumière scintilla dans le ciel et la terre se mit à trembler. Perçant à travers le voile des ténèbres, une flèche dorée s’abattit sur la forteresse des démons, telle une cascade d’énergie, et la transperça de part en part.

Pendant plusieurs seconde, le monde des esprits, ou du moins ce qu’il en restait, connut à nouveau une lueur comparable à celle du soleil tandis qu’un tourbillon de vent emporta avec lui les derniers restes de vie de ce monde.

Mais, alors que je pensais en avoir terminé, quelque chose brilla à travers l’épais nuage de poussière et je me mis en position défensive, juste à temps pour me protéger d’un rayon d’énergie dorée presque identique au mien.


https://www.youtube.com/watch?v=_S-UpM7dbcg


Je jurai lorsque je me rendis compte que tout ce que mon attaque n’avait eu aucun effet sur ma cible. Miyako émergea des ténèbres, telle une étoile illuminant la nuit. Ses cheveux de feu ondulaient derrière elle comme des flammes d’une bougie. Son armure d’or brillait de mille feux. L’épée qu’elle tenait dans sa main émettait une énergie colossale et ses yeux bleu azur rayonnaient dans l’obscurité.

Le soleil miniature descendit lentement vers moi, le bruissement de sa cape étant le seul son qui résonnait dans ce monde mort.

Même dans son apparence… Miyako était obligée de me faire de l’ombre… Elle ne pouvait pas s’empêcher de se montrer supérieure à moi dans tous les domaines !

Mais j’allais lui montrer… que la fille qu’elle avait abandonnée l’avait désormais surpassée ! Et elle allait regretter de n’avoir pas cru en moi !

Lorsqu’elle arriva à ma hauteur, la future présidente pointa son épée dans ma direction et me dévisagea froidement. A ses côtés vint se placer mon futur père, Hiroki qui me regardait d’un air perplexe.

Même s’il ne m’avait pas abandonné, je ne le considérais pas moins comme un idiot fini. Il avait laissé ma mère partir et s’en était voulu pendant des années, simplement parce que j’avais rejeté cette femme qui ne se préoccupait pas de mon sort.

-Sagittarius…Murmura-t-elle. Le pouvoir de contrôler les étoiles…Ce visage… Ces yeux… Cette chevelure… Dis-moi… Comment t’ai-je appelée, ma fille ?

Lorsqu’elle prononça ce simple et unique mot, je ne pus m’empêcher de tirer un rayon d’énergie vers la jeune femme mais elle le dévia aisément et soutint mon regard.

Je ne pus m’empêcher de rire devant la situation et je fermai les yeux, amusée.

-Je ne suis même pas surprise que tu ignores comment tu aurais appelé ta propre fille puisque tu ne l’as jamais souhaitée, Maman.

-Ma…Maman ? S’étrangla mon père, les yeux ronds.

Son regard passa de Miyako à moi de nombreuses fois. Il avait l’air complètement perdu et désorienté. Fidèle à lui-même somme toute.

-Miyako, cela veut dire que…

La rousse ne le laissa pas terminer sa phrase et le frappa du pommeau de son épée d’un air exaspéré. Le pauvre homme se retrouva projeté contre la paroi de la forteresse sans pouvoir même protester puis ma mère recentra son attention sur moi.

Après m’avoir examinée pendant quelques secondes, elle baissa son arme et lâcha un long soupir comme elle avait l’habitude de le faire dans le futur.


https://www.youtube.com/watch?v=YrFkOtJ1Eyo


-Je vois. L’avenir nous réserve bien des surprises. Puis-je connaitre la raison de ta venue dans ce monde… Akane ?

En entendant Miyako prononcer mon prénom, mon cœur rata un battement dans ma poitrine et une faible chaleur envahit mon corps… Non, je ne devais pas me laisser attendrir. Même si à cette époque elle était encore l’héroïne que j’admirais, il n’y avait qu’un pas qui me séparait du jour où elle m’avait abandonnée.

-Je te l’ai déjà dit… Je te ferai tomber de ton piédestal… Peu importe si tu as le pouvoir de sauver le monde… Tu n’as pas le droit de le faire de la sorte… Je te l’interdis…

-Comment ? Jamais je n’ai prétendue être une sauveuse, rétorqua ma mère en fronçant les sourcils. Je ne fais que suivre ce qui me semble juste. Si tu es réellement ma fille, j’ai dû te le dire. J’ai fait une promesse…

-Celle de ne jamais laisser le monde sombrer, je sais, crachai-je furieusement. Et parce que tu veux sauver ce monde dans sa globalité… Tu privilégies le groupe à l’individu !

-Une guerre ne peut se gagner sans perte. Nul ne peut protéger tout le monde malheureusement. Ceux qui ne veulent rien perdre sont ceux qui perdent tout en temps de guerre. C’est pourquoi…

-C’est pourquoi tu sacrifies sans compter la vie de tes soldats pour ensuite dire que leur mémoire vivra au travers de la mémoire des survivants ? Je connais ce discours. Mais regard autour de toi. Y-a-t-il encore quelque chose à sauver ? Comment peux-tu réellement penser que tu as remporté la victoire et sauver le monde… alors que tu es la seule à pouvoir le constater ?!


https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM


Plus je parlais, et plus ma rage était décuplée. Je vomissais chaque mot que je prononçais. J’avais toujours voulu claquer la réalité dans la face de ma mère et désormais, je prenais un plaisir certain à le faire.

Ne pouvant plus me contenir, je me jetai sur elle comme une bête sauvage. Ma mère tenta de parer l’attaque de son épée mais je saisis la lame dans ma main… et la brisai d’un coup sec.

Mon sang se répandit dans l’espace tandis que des éclats métalliques volèrent tout autour de nous sous les yeux ébahis de Miyako.

Je profitai de sa surprise pour lui asséner puissant coup de pied qui la projeta vers le sol comme un boulet de canon.

La future présidente s’écrasa violemment au sol dans un profond cratère et cracha une gerbe de sang au moment de l’impact.

-Lion’s Radiance !

Perçant à travers les ténèbres de la nuit, les étoiles de la constellation du lion scintillèrent de plus belle tandis que de fines particules de lumière m’enveloppèrent. Je levai les bras au-dessus de ma tête et une immense sphère d’énergie prit forme. A côté d’elle, les ruines de la forteresse n’étaient qu’un jouet en plastique et même Noun ne paraissait plus si immense que cela en comparaison.

Elle irradiait une telle puissance que ce fut comme si le soleil brillait à nouveau sur le monde des esprits… et finissait de le consumer entièrement.

Rassemblant toutes mes forces, je projetai le soleil miniature sur ma mère toujours au sol et elle fut frappée de plein fouet par cette boule de feu incandescente.

L’onde de choc résiduelle créa une immense fissure dans le sol de la planète qui s’étendait à perte de vue, comme si la terre avait été scindée en deux par cette simple attaque.

Cependant, lorsque la lumière s’estompa, je découvris l’image désagréable de ma mère entourée d’un bouclier de feu l’ayant protégée de mon attaque dévastatrice.

Je crachai à nouveau. Les flammes qui enveloppaient ma mère se dissipèrent et laissèrent place au corps de tante Nagisa.

Evidemment. Qu’était ma mère son bouclier humain ? Elle ne pouvait pas s’en sortir sans faire souffrir une autre personne à sa place.

La brune, d’ordinaire si calme et craintive, leva les yeux vers moi et me foudroya du regard.

Je m’apprêtai déjà à repasser à l’assaut quand soudain, tout mon corps fut emprisonné par de solides liens qui me ligotèrent comme un insecte prisonnier d’une araignée.

Je me tournai immédiatement vers la forteresse et j’y vis mon père tentant vainement de me retenir avec ses maigres pouvoirs.

Je me dégageai aisément de son emprise en faisant brûler les liens qui me retenaient. Mais ce n’était qu’un leurre. Le temps de m’extirper, j’avais relâché mon attention et Miyako en avait profité pour tirer un faisceau de lumière vers moi.

« Delteros Light Ray ! »

Je ne pus esquiver l’attaque et reçut la déferlante sans même pouvoir me protéger.

Je fus projetée contre la forteresse et la traversai de part en part avant de retomber sur le toit, sonnée et désorientée.

D’un bond, ma mère et Nagisa me rejoignirent, ainsi que mon père alors que je me relevai tant bien que mal. Tous mes vêtements étaient en lambeau, ma peau était noircie par mes brûlures et ma respiration saccadée trahissait mon manque de force.

Mais je refusais de m’avouer vaincue pour si peu. Aucun d’eux… aucun d’eux n’avaient connu l’enfer dans lequel ils m’avaient obligée à vivre. Je n’avais pas le droit de faiblir maintenant. Sans quoi, toute ma vie passée à lutter… aurait simplement prouvé que Miyako avait raison… et que je n’étais qu’un fardeau…


https://www.youtube.com/watch?v=SN-q5QHd6_A


-Miyako…Cette fille… c’est…

-Reste sur tes gardes Nagisa, la coupa ma mère. J’ignore pourquoi mais elle est alliée à Armageddon…

-L’ignorance… Qu’il est doux d’ignorer la réalité. Cependant… Je vais vous accorder une faveur.

L’air se mit à tourbillonner derrière moi. Lentement, l’aura qui m’entourait s’intensifia et noircit progressivement tandis que sur ma poitrine se dessina un symbole unique qui fit grimacer mes trois ennemis.

« I am the core Of destiny. Rage is in my heart and Anger in my body. I’ve travelled over thousands of years. Living to surpass her, diyng to change kill myself. I’ve destroyed many futures. Yet, the fate will never change anymore. So as I wished : Infinity Future Merge ! »

L’espace tout autour de nous se mit à rayonner et nous fûmes tous les quatre enveloppés par une douce et tendre lumière.

Lorsque nous recouvrîmes la vue, le monde des esprits avait disparu. Il n’y avait plus qu’un ciel pourpre rempli de nuage orangés. Tout autour de nous, la mort régnait en maitresse absolue. Des immeubles en ruines, des routes jonchées de sang, des croix, des pierres tombales, un silence infini et un froid mordant.

J’étais de retour dans ce monde. Ce monde qui m’avait vu naitre. Ce monde qui était ma réalité. Ce monde que j’avais appris à détester. Ce monde qui n’aurait jamais dû exister.

-Qu’est-ce que…S’étrangla Hiroki, interdit.

-C’est donc cela…le futur ? Murmura Miyako sans perdre son sang-froid.

-Que…s’est-il passé ici ? Lança Nagisa d’une voix à demi éteinte.

-Je vous présente mon monde, leur dis-je froidement. Ici, le démon avec qui vous êtes alliés désormais… a remporté la victoire. Tu as mené la résistance, Hikari Miyako, et même si tu as triomphé grâce à Armageddon qui n’était alors que Yuiko Iori…voici le monde que tu as sauvé. Un monde déjà mort, sans avenir. Un monde dans lequel l’humanité n’a plus sa place. Un monde qui ne connait qu’un répit temporaire… avant d’être à nouveau détruit.

Je claquai des doigts et dans le ciel apparut une silhouette lumineuse. Immédiatement, la vision de mort se transforma en vision de l’enfer. Les flammes surgirent du sol, les ruines des immeubles s’effondrèrent et les tombes sombrèrent dans les profondeurs de la terre.

Une femme sortit en catastrophe des restes d’une habitation en train de s’effondrer et tenait un enfant dans ses bras… Mais fut aussitôt avalée par les entrailles de la terre tandis que la forme lumineuse dans le ciel s’estompait pour aller détruire un autre recoin de la planète.

Devant cette vision, Hiroki blêmit et Nagisa vomit, mais ma mère, elle, restait de marbre, le regard vide.

-Armageddon et moi, nous nous sommes enfuies de ce monde dans l’espoir d’en créer un nouveau. Et nous avons réussi. Grâce à l’aide de Laura, Hélios, Serena et Satoshi, nous avons pu remonter le temps et changer le futur. Nous pensions tous que la bataille était perdue… car elle l’était. La preuve en est le monde des Esprits aujourd’hui. Mais toi… tu as continué la bataille…et à cause de cela, tu as péri en même temps que la résistance. Une fois de plus, tu m’avais abandonnée à mon propre sort.

-Je ne peux pas parler pour mon double du futur… Mais je suis certaine… Que tout ce que je t’ai infligé… N’a jamais eu pour but de te blesser.


https://www.youtube.com/watch?v=DCP7f3UtbPg


-Silence ! Je me fiche bien de tes intentions ! Tout comme tu as ignoré les sentiments de tous ceux que tu as sacrifiés sur l’autel de la victoire… Je n’ai que faire de tes sentiments ! Je vais simplement te détruire ici et maintenant avec ces mêmes personnes que tu as piétinées pour obtenir la paix ! Rise from the Other World : Reminisence !

Tout autour de nous, la terre trembla et neuf piliers de lumière s’élevèrent vers le ciel de feu. Des formes humaines et translucide en émergèrent, tels des fantômes perdus dans les brumes de mes souvenirs. Je sentis mes forces revenir et mes habits en lambeaux disparurent pour laisser place à une robe similaire à celle de Iori, à l’exception qu’elle était d’un rouge pourpre. Enfin, dans ma main se matérialisa l’épée de ma mère. Je comptais bien la vaincre avec sa propre arme pour lui montrer la différence de puissance qui nous séparait désormais.

-Laura, Satoshi, Serena, Hélios, Ugo, Kosta, Jérôme, Alan…et toi aussi, Iori… Je protégerai notre futur…

Les neuf spectres du passé prirent place à mes côtés, n’attendant que mes ordres pour se jeter à l’assaut de nos ennemis.

Nagisa, Hiroki et Miyako se mirent en garde également mais une voix résonnant dans l’espace interrompit notre préparation.

-Ohoh, je vois que l’on s’amuse bien sans nous, Ohoh !


https://www.youtube.com/watch?v=SgBqSEyCZBE


Je levai immédiatement les yeux au ciel, interdite. Perçant à travers la couche de nuages de mon espace alternatif, quatre oiseaux de feu descendirent sur terre.

-Les…UWS ?! S’exclama Miyako, tout aussi surprise que moi.

-Désolé pour le retard cher présidente, Jérôme s’est perdu en route, Ohoh, lança le Ugo de ce monde.

-Tss, ridicule, grogna Jérôme avec son éternelle sympathie.

-Et nous ne sommes pas venus seuls ! S’exclama à son tour Alan.

La terre trembla à nouveau et à la suite des quatre oiseaux débarquèrent les serviteurs des démons, accompagnés de leurs esprits de duels, ainsi que deux autres personnes que je reconnus comme étant Denys et Julie, des amis de lycée de ma mère ayant péri au combat dans mon univers.

Tous les nouveaux combattants se rangèrent derrière Miyako et nous firent face, comme une armée attendant les ordres de son chef.

Je serrai le poing si fort que du sang coula dans ma main. Ridicule… Tout cela était ridicule… Pourquoi… Pourquoi Miyako avait-elle encore autant de soutien ? Pourquoi devaient-ils tous s’opposer à moi de la sorte ? Pourquoi…ce monde m’empêchait-il de mourir comme je le désirais ?!

-Alors c’est elle que nous affrontons ? Lança Le grec d’une voix morne. C’est amusant…le futur nous réserve bien des surprises. Nous sommes à tes ordres, présidente.

-Arrête de jouer aux grands seigneurs Le Grec, grogna ma mère.

Elle se tourna alors vers moi et matérialisa à nouveau son épée pour la pointer dans ma direction. Sur son visage avait disparu toute once de sympathie et de bienveillance pour ne laisser que le visage d’une dirigeante impitoyable…le visage que j’avais toujours connu.

-Je suis sincèrement désolé, Akane… mais je dois le faire…

-Je n’en attendais pas moins de toi, Miyako ! Alors, qui de nous deux remportera la victoire ? Tes pions n’ayant jamais connu l’expérience du combat… ou bien les souvenirs de mes amis ayant péri au champ de bataille ?


https://www.youtube.com/watch?v=uEC7tPPKAXQ


Sans autre sommation, j’ordonnais à mes soldats de passer à l’assaut et l’armée de Miyako fit de même.

Avec un cri de rage, je me jetai sur ma mère également et un combat sans merci s’engagea. Les coups d’épée s’abattirent sans relâche, ne nous laissant aucune seconde de répit. Je la blessai au bras, elle m’entailla la cuisse. Je transperçai son plastron, elle me tailladait l’épaule. Je déchirai sa cape, elle m’arrachait le bas de ma robe.

Nous nous rendions coup pour coup. Nous étions à forces égales. Aucune n’avait l’avantage sur l’autre. Aux yeux des autres, nous n’étions certainement que deux lueurs filant à travers l’espace.

En dessous de nous, je savais ce qu’il se passait sans même avoir besoin de regarder. Les cris et les hurlements des esprits me suffisaient.

Les UWS de Miyako affrontaient ceux qui m’avaient élevé dans un tourbillon de plumes rougeâtres mêlé au sang des oiseaux. Iori affrontait les serviteurs des démons, rivalisant à elle seule avec les six pouvoirs des plus puissants esprits de duel. Hiroki et Nagisa étaient aux prises avec Serena et Satoshi tandis que Laura se battait à corps perdu contre Denys et Julie.

Y avait-il même un sens à cette bataille ? Pensais-je alors que je continuais à mitrailler Miyako de coups tous plus violents les uns que les autres.

Nous nous battions tous pour un futur meilleur. Pourquoi ne pouvions-nous pas travailler main dans la main ? Pourquoi étais-je obligée de reproduire les erreurs du passé ? Pourquoi affrontais-je celle que j’admirais autrefois, qui était mon héroïne ?

Je l’ignorais. Je continuais simplement à me battre, aveuglée par la colère et la haine.

La bataille s’éternisa. Nul n’avait le dessus sur l’autre. Tout le monde était à bout de force. Ce n’était plus un simple combat pour savoir qui allait l’emporter sur l’autre… Mais une simple épreuve d’endurance.

Soudain, j’eus un instant d’inattention en voulant jeter un œil à la bataille en contrebas et cela me fut fatal. Miyako chargea un rayon d’énergie et me projeta violemment à terre.

Là, je pus enfin voir l’horreur que nous avions créé. Nous étions les deux dernières combattantes encore en état de nous battre. L’armée de ma mère… de même que la mienne, étaient vaincues. Tous avaient rendu les armes et baignaient dans leur propre sang. Ils respiraient, mais plus aucun n’avait l’énergie nécessaire ne serait-ce que pour tourner la tête vers moi.

Miyako, encore entourée d’un halo doré, se posa en face de moi, en plein possession de ses capacités et tout ce que je pus faire fut de lui sourire en grimaçant.

-Qu’est-ce que j’avais dit… Tu as sacrifié tous tes soldats et tu te retrouves seule à combattre…

Ma mère ne me répondit rien et continua à me fixer de son regard froid et dénué de sentiment. Je fus tout à coup saisie d’un spasme et je crachai une gerbe de sang noir.

C’était terminé. J’avais perdu. Finalement, même après des années d’entrainement, j’avais été incapable de surpasser ma mère dans sa jeunesse. Je comprenais mieux pourquoi elle m’avait abandonnée. Je n’aurais été qu’un fardeau pour elle dans cette guerre. Alors, pour s’assurer la victoire, elle avait préféré sceller ses sentiments et me laisser derrière.

-Il n’y a rien que je puisse faire on dirait…ricanai-je en réprimant une grimace de douleur. Tu en viens même à écraser ta propre fille simplement dans l’espoir de sauver le monde…je te reconnais bien là, Miyako…

Toujours rien. Son silence commençait réellement à me taper sur les nerfs mais je ne pouvais rien faire d’autre que de parler tant j’étais diminuée.


https://www.youtube.com/watch?v=kTwyfLvjmnI


-Et maintenant ? Que vas-tu faire ? Vas-tu une fois de plus fuir tes responsabilités de mère ? Ou bien vas-tu abandonner ce monde à son propre sort ? Dans tous les cas, le choix te revient à présent.

N’ayant pas une seconde d’hésitation, la rousse s’approcha de moi…et planta sa lame dans mon cœur. Une douleur fulgurante me transperça mais je ne pus m’empêcher de sourire. Tout cela… était conforme à mes prédictions. J’avais bien fait de la détester toute ma vie…

Lentement, ma vision se brouilla et toutes mes forces m’abandonnèrent. Les spectres de mes amis s’évaporèrent dans la nuit, de même que l’espace que j’avais créé et nous nous retrouvâmes à nouveau sur le toit de la forteresse.

-Je vois…tu choisis donc…

-Pardonne-moi, Akane…Mais je vais t’obliger à vivre, déclara alors ma mère d’une voix douce.

-C…Comment ? Articulai-je d’une voix éteinte.

-J’ai fait mon choix. Si je dois sacrifier le monde pour ma fille, alors je le ferai.

Je voulus m’étrangler mais aucun son ne sortit de ma bouche pâteuse et pleine ce liquide rouge et poisseux.

-J’ignore ce que je t’ai fait dans le futur… mais j’en suis sincèrement désolée. Aucun mot ne pourra jamais essuyer les larmes que tu as versées par ma faute…

-Et…ce monde ? Lâchai-je dans un murmure à peine audible. Tu es…tu es la chef de ce monde…

-Non. Je ne suis qu’une humaine…et avant tout une mère. Et en tant que telle, je me dois de me battre, non pas pour le futur du monde… mais pour celui de mes enfants. C’est ce que j’ai toujours fait, ma fille.

Lorsque j’entendis cela, je ne pus me retenir plus longtemps et un torrent de larmes s’écoula sur l’épaule de ma mère alors qu’elle me serrait dans ses bras dans une étreinte mortelle.

Pour la première fois depuis une éternité, je sentais la chaleur de ma mère me réconforter. A ce moment-là, un nouveau sentiment naquit au fond de mon cœur transpercé… et ce sentiment… était la volonté de vivre.

Quelle ironie. Alors que j’étais au bord de la mort que j’avais recherché si longtemps, je me mettais à vouloir survivre à cet enfer et voir l’avenir de mes propres yeux.

Lentement, ma gorge devint sèche. Ma respiration ralentit. Mes doigts se contractèrent. Mon champ de vision se réduisit. Et mes pensées devinrent floues.

Mais alors que j’étais happée par la délivrance, j’entendis la voix de ma mère au creux de mon oreille.

-On se revoit dans quelques années, je t’en fais la promesse, Akane.

Un seul son s’échappa de ma bouche. Le dernier mot que je n’allais prononcer avant de m’éteindre à jamais.

« Merci »


Une chevelure de feu s’éloignant lentement et disparaissant dans les ténèbres. Un long manteau blanc ondulant lentement au gré du vent. Une démarche lente, le pas trainant et des mouvements raides.

La petite fille hurlait et pleurer toutes les larmes de son corps frêle. Elle avait beau se débattre de toutes ses forces, elle ne pouvait rien faire d’autre que d’appeler à l’aide la personne qui la laissait derrière elle sans se retourner.

« Pourquoi ?! Pourquoi Maman ?! Je ne veux pas que tu partes ! Reste avec moi ! Criait-elle d’une voix déformée par ses larmes.

-Akane, écoute-moi, tu dois…

-Lâche-moi Papa ! Il faut que j’aille la rejoindre ! Je veux rester à ses côtés ! Je veux… »

L’homme serra la petite fille dans ses bras dans un geste tendre mais rien ne pouvait effacer les pleurs déchirant de cette fillette de cinq ans.

Ce jour-là, la fillette comprit que ce monde ne lui donnerait jamais rien. Si sa propre mère l’avait abandonnée, alors elle abandonnerait le monde à son tour. Telle était la résolution qui animait désormais Yami Akane.

Cependant, alors que la fillette pensait être désormais seule au monde, elle ne put entendre les mots de sa mère alors qu’elle s’était retournée une dernière fois.

« Pardonne-moi, Akane…Je construirai un monde dans le lequel tu pourras enfin sourire…je t’en fais le serment. »


J’ouvris les yeux timidement. La lumière du soleil m’aveuglait et caressait tendrement ma peau. J’étais…en vie ?

Je levai mes mains devant mes yeux. Elles étaient si petites…Timidement, je me redressai sur mon lit et pus voir mon reflet dans le miroir.

Au même moment, la porte d’entrée s’ouvrir et ma mère pénétra dans la pièce. Puis elle vint s’asseoir sur mon lit et me lança un sourire radieux.

-Tu es réveillée, Akane ? Me dit-elle d’une voix douce.

Je restai quelques secondes à la regarder fixement, abasourdie et perdue. En me voyant ainsi, ma mère rit légèrement et passa lentement sa main dans mes cheveux en bataille.

-Et bien alors, tu as fait un rêve ma chérie ?

-Oui…Un long…très long rêve…J’étais dans un futur détruit…et avec Iori, combattu un démon…Avant de retourner dans le passé pour changer le futur…

Ma mère s’amusa d’entendre mon histoire et approcha son visage du mien sans cesser de me sourire.

-Tu fais de bien étranges rêves ma fille, me lança-t-elle. N’oublie pas que tu Iori t’attend aujourd’hui. Vous pourrez jouer aux aventurières toutes les deux.

-Oui !


Pardonne moi, Maman, d’avoir douté de toi…et merci…Merci de m’avoir offert ma vie.





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le bon temps…

heart earth
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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [05/09/2016] à 19:07

Je restai figée sur place pendant quelques secondes. Comment Saya avait-elle pu prédire qu’il viendrait à cet endroit à cette heure-là en ne l’ayant jamais vu auparavant ? Se pouvait-il qu’elle possède le même genre de pouvoir que j’avais reçu de Gariatron mais de la part d’un autre démon ? Mais dans ce cas, comment se manifestait-il chez elle ? En souffrait-elle comme j’en avais souffert par le passé ou avait-elle réussi à le maitriser par elle-même ? Il fallait que j’en ai le cœur net…

Mais pour le moment, je devais me concentrer sur Sunohara. Plus vite cette histoire serait terminée, plus vite j’aurais des réponses.

Lorsque le jeune homme arriva à environ cinq mètres de nous, ce dernier s’arrêta et releva la tête, nous adressant un regard perdu et je vis d’énormes cernes en dessous de ses yeux.

-Oncle…Euh, je veux dire Sunohara, c’est bien vous ? Bégaya Iori.

L’ami de Nagisa pencha la tête sur le côté, visiblement étonné que quelqu’un le connaisse dans cette ville.

-C’est moi…Répondit-il d’une voix dénuée de toute énergie. Enfin…je crois…Cela fait une éternité que personne n’a prononcé mon nom…Mais que me voulez-vous ?

-Quelqu’un que tu connais nous a envoyés te chercher et a très envie de te revoir ; lança Darksky avec un grand sourire.

-Quelqu’un…me cherchait ? Répéta-t-il, confus. Comment est-ce possible ? Toutes les personnes que j’ai connues ne sont plus de ce monde…

-Toutes, tu es sûr ? Reprit Saya, le regard malicieux.

Le jeune homme fronça les sourcils, pensant visiblement que nous lui faisions une mauvaise blague, lorsque soudain, son nom retentit à travers la plage et de nous entendîmes quelqu’un courir sur le sable.

Nous nous retournâmes et le visage si pâle de Sunohara s’illumina en un instant en voyant Nagisa accourir vers lui.

-Na…Nagisa ? Balbutia-t-il en se frottant les yeux comme s’il rêvait. Mais…

-Ce n’est pas un fantôme ; l’interrompis-je. Il s’agit bien d’elle mais elle te racontera mieux que nous.

Alors que son ami était encore sous le choc, la jeune fille se jeta dans ses bras, le déstabilisant et l’obligeant à reculer de quelques pas pour ne pas tomber.

-Alors tu es vraiment en vie ! J’y ai toujours cru, je savais que tu ne mourrais pas dans cette forêt ! S’exclama Nagisa, des larmes de joies coulant de ses yeux.

-Je…Je n’en crois pas mes yeux…C’est vraiment toi, Nagisa ?

-Qui veux-tu que ce soit d’autre ? Un fantôme ?

Le blond s’apprêtait à répondre quelque chose mais il s’abstint et se contenta de sourire à la jeune fille, lui aussi ayant les larmes aux yeux.

-Non…Mais tu as changé…Je ne pensais pas te revoir un jour…Lui répondit Sunohara d’un ton doux et affectueux où se lisait un immense soulagement.

Je ne pus m’empêcher de sourire également devant cette scène et d’avoir un pincement au cœur. J’étais vraiment heureuse pour Nagisa. Je savais que même si elle prétendait souvent être passée à autre chose, elle ne s’était jamais vraiment remise de la disparition de ses proches durant la guerre. Voir que son ami était toujours en vie allait peut-être l’aider à laisser définitivement son passé derrière elle pour qu’elle puisse enfin aller de l’avant, comme Miyako l’avait fait grâce aux UWS…

-C’est un nouveau départ pour Nagisa ; déclara cette dernière qui venait de nous rejoindre.

-Un nouveau départ ? Répéta Darksky, intrigué.

-Oui. Jusque-là, elle n’avait aucune attache à son passé, tout comme moi lorsque Denys et Julie ont été transférés. Nous vivions toutes les deux enfermées dans le présent, incapables de voir l’avenir et cherchant à tout prix à retrouver nos passés perdus. C’est peut-être pour ça que nous nous entendions si bien…

Miyako leva la tête et fixa les deux amis avec un léger sourire avant d’ajouter :

-Tout comme les UWS et Hiroki l’ont fait avec moi, Sunohara vient de libérer Nagisa de sa prison en raccrochant son passé à son présent. Il ne tient plus qu’à elle de bâtir son avenir.

-Elle…Elle y arrivera ; dit Iori. Je sais que Nagisa s’en sortira !

-Je l’espère sincèrement ; ajoutai-je.

Au fond de moi, j’étais vraiment soulagée de voir que tout s’arrangeait petit à petit depuis la fin de la guerre. Même si tout n’était pas rentré dans l’ordre immédiatement, voir Nagisa retrouver son ami plus d’un an après la catastrophe de Gariatron me redonnait espoir. D’autres personnes ayant souffert et perdu des proches comme mon amie avaient peut-être une chance de retrouver leur vie d’antan.

Tout ce que j’avais fait n’était peut-être pas irréversible…Même si certaines choses étaient perdues à jamais et rien de ce que je pouvais faire ne pouvait arranger les choses…

Une fois leurs retrouvailles passées, Sunohara sembla enfin remarquer que nous étions toujours là et reprit la parole.

-Vous devez être les amis de Nagisa, n’est-ce pas ? Nous demanda-t-il chaleureusement.

-Nagisa est notre présidente plus exactement ! Répliqua Saya, ce qui fit rougir la jeune fille.

-Attends Saya, ce…

-Présidente ? Je crois que j’ai raté un épisode moi ; répondit Sunohara en se prenant la tête dans les mains.

Darksky se mit alors à lui raconter comment s’était formé le club, ce que nous avions vécu mais ne lui parla pas du coup de déprime que Nagisa avait eu l’année passée, certainement pour ne pas inquiéter le jeune homme alors qu’il voyait son ancienne compagne de route en pleine forme, telle qu’il l’avait toujours connue.

Lorsqu’il eut enfin terminé, Nagisa avait disparu derrière Miyako, rouge comme une tomate tandis que la rousse se frottait les yeux, l’air lasse de toutes ces histoires.

-Je vois, donc tu es présidente de ton propre club de duel maintenant Nagisa, félicitations ; lui lança le blond avec un grand sourire, ne faisant qu’augmenter la gêne de la cadette du groupe.

-Je…je n’ai rien fait de particulier, c’est Miyako la vraie présidente du club ! Répondit-elle en vitesse. C’est une idée du vieux en plus !

-Oh, le vieux est toujours là ? S’étonna-t-il.

Sunohara hésita quelques instants avant d’ajouter :

-Et ta famille ?

Nagisa tiqua et baissa les yeux au sol.

-Ils…Non, ils ne sont plus là…Lui répondit-elle d’une petite voix.

Le regard de Sunohara s’assombrit instantanément et un sourire triste se dessina sur sa figure mais aucune larme ne coula le long de ses joues.

-Evidemment, ton frère aurait tout fait pour me contacter s’il était encore de ce monde après la guerre…

Ce dernier se retourna vers la mer et leva les yeux au ciel.

-J’y ai cru pendant un instant en te voyant, mais ça aurait été un miracle de tous vous revoir…Que tu sois encore en vie Nagisa est déjà amplement suffisant…

Personne ne bougea pendant quelques instants, ne laissant que le bruit des vagues s’écrasant sur la plage et le souffle du vent fendre le silence de la nuit tombante.

Je serrai le poing. Même si Sunohara semblait avoir accepté la mort de son ami et des parents de Nagisa, il était facile de deviner qu’il cachait sa propre tristesse derrière la joie de retrouver la jeune fille.

Je ne pouvais pas rester comme ça sans rien faire. C’était en grande partie de ma faute, il fallait que je me rattrape de mes erreurs passées. Pour cela, j’étais prête à tout. De toute façon, jamais ma douleur ne serait aussi grande que celle des personnes ayant souffert de mes actions.

-Sunohara…Je suis désolée ! M’exclamai-je en m’inclinant devant lui.

Le jeune homme se retourna, l’air intrigué de mon comportement étrange tandis que Darksky failli s’étrangler en comprenant ce que j’allais faire.

-Tout est de ma faute, si Nagisa a perdu toute sa famille, c’est à cause de moi !

-Je ne comprends pas…Tu as voyagé avec elle après mon départ ? Me demanda le blond, perdu.

-Attends Laura, ce n’est pas la peine de…

Je ne laissai pas Nagisa terminer sa phrase et je révélai tout à Sunohara.

-Je m’appelle Laura Garden, j’étais la seconde de Shadow pendant la guerre, lui-même bras droit du démon Gariatron.

Sunohara s’approcha alors de moi lentement et Darksky tenta d’intervenir mais fut retenu par Miyako. Mon cœur s’accéléra mais je ne bougeai pas. J’avais décidé d’arrêter de me cacher derrière Darksky et me chercher des excuses. J’avais fait tout ça de moi-même, il était temps que j’assume les conséquences de mes actes.

-C’est donc toi qui es à l’origine de tout ça ? Lança le blond sans grande conviction.

-Sunohara, Attends, Laura n’a pas…Commença Nagisa avant que je l’interrompe.

-Oui, mais je ne chercherai pas à me justifier, je n’ai aucune excuse.

Je fermai les yeux, m’attendant à subir les foudres de Sunohara comme j’aurais dû les subir d’Hiroki si Darksky et Miyako ne m’avaient pas protégée mais rien ne vint. Lorsque je rouvris les yeux, je vis simplement le jeune homme me fixer, l’air surpris.

-C’est étrange, je n’imaginais pas une seule seconde rencontrer un jour la personne qui a participé à la destruction de nos vies ; déclara-t-il d’un ton totalement neutre.

-Mais…C’est tout ce que ça te fait ? Tu as l’occasion de te venger et…

-Me venger ? J’ai toujours été un non violent. Même pendant la guerre j’ai cherché à éviter au maximum les combats inutiles.

Sunohara plongea son regard ébène dans le mien mais je n’y trouvai aucune haine ni rancune, simplement de la compassion et une pointe d’amusement.

-Si Nagisa avait voulu se venger, elle l’aurait fait depuis longtemps, mais si tu es toujours en vie, cela signifie qu’elle t’a pardonné et en plus tu es du même club qu’elle. Pourquoi irai-je à l’encontre de sa volonté alors qu’elle a été la plus touchée dans cette guerre ?

Je ne savais pas quoi répondre. En apprenant que j’étais la source de ses problèmes, Hiroki avait voulu me tuer sans autre sommation, au même titre que Miyako. Mais Sunohara était définitivement différent.

Lentement, je relevai la tête à mon tour et Sunohara regarda la mer sombre en face de nous.

-Seconde de Shadow ou pas, cela n’a plus aucune importance maintenant. Tomoya est mort, me venger n’apportera que de la tristesse à d’autres personnes qui voudront se venger à leur tour dans un cercle de haine sans fin. Nagisa a pu passer outre, alors moi-aussi.

-Mais je…

-Tu sais, quand je suis parti de mon côté en essayant d’attirer les hommes de Gariatron, je pensais vraiment que c’en était fini de moi, j’avais accepté l’idée de ma mort…Et pourtant, rien ne s’est passé comme prévu. Je suis simplement arrivé jusqu’à un village où j’ai été recueilli en tant que réfugié. Cependant, je ne pouvais pas rester dans l’incertitude, alors je suis reparti sur les routes, cherchant dans toutes les villes une trace quelconque de Tomoya mais personne n’a pu me renseigner jusqu’à ce soir. Et pendant mon périple, j’ai eu le temps de réfléchir et j’en suis arrivé à cette conclusion : si un jour j’avais l’occasion de me venger, alors je ne le ferai pas.

J’écarquillai les yeux, abasourdie par la déclaration de Sunohara qui reprit, l’air amusé devant ma réaction.

-Les guerres sont souvent issues de représailles, ce n’est pas en combattant inconsidérément qu’une paix durable pourra s’installer. Et puis, j’avais fait une promesse à ton frère Nagisa il y a longtemps.

-Une promesse…A Tomoya ? Répéta cette dernière, surprise.

-Celle de veiller sur toi s’il lui arrivait malheur.

La jeune fille, qui était redevenue normale, s’empourpra à nouveau en un instant et Sunohara éclata de rire tandis que Nagisa commençait à le frapper gentiment et même Miyako finit par sourire sincèrement devant cette scène si banale mais à la fois unique pour la jeune fille ayant vécu seule pendant plus d’un an après la guerre.

Le bruit du ventre de Saya résonna tout à coup dans la nuit et, devant l’heure avancé, il fut décidé à l’unanimité que tout le monde dinerait chez Nagisa pour nous remercier de l’avoir aidée.

Mais, alors que mes amis avaient déjà quitté la plage, je restai seule quelques instants de plus pour réfléchir devant la vaste étendue noire que j’avais devant les yeux, avec le vent pour seul compagnon.

Que devais-je faire ? Devais-je raisonner comme Sunohara et considérer que tout appartenait au passé mais dans quel cas j’apparaitrais aux yeux de tous comme une sans cœur, ou bien alors devais-je suivre le raisonnement d’Hiroki et culpabiliser jusqu’à la fin de mes jours, en ayant au moins cette autosatisfaction de ne pas avoir oublié les victimes de la guerre ?

Si seulement j’avais le pouvoir de changer le passé et d’effacer toutes mes actions, tout serait tellement plus simple…

-Laura, il y a un problème ?

Je sursautai en voyant que Iori était toujours là et m’attendait.

-Je…Non, ce n’est rien, pars devant avec les autres, je vous rejoins très vite.

La jeune fille hésita quelques instants mais finit par rester.

-Je…je sais que c’est toi qui me dis ça en général…Mais si tu as des problèmes, n’hésite pas à m’en parler…

Je ne pus m’empêcher de sourire devant la gentillesse de la jeune fille et cette dernière s’affola.

-Enfin, tu n’es pas obligée de m’en parler à moi hein, je ne suis ni la mieux placée pour aider, ni la plus proche de toi…Mais ce que je veux dire, c’est que moi aussi j’ai fait de nombreuses actions dont je ne suis pas fière encore aujourd’hui mais je sais que, si je continuais à culpabiliser sans cesse, alors tout ce pour quoi je me suis battue n’aurait servi à rien.

Ce pour quoi je m’étais battue…Tout ce que je voulais, c’était me venger de Darksky par simple jalousie et retrouver mon père tel que je l’avais toujours connu…mais y avait-il quelque chose d’autre ? N’était-ce pas qu’un prétexte pour chercher à revoir Darksky ? N’avais-je pas cet espoir d’un jour le rencontrer à nouveau en accomplissant cette vengeance ?

Sans savoir pourquoi, je fus prise d’un fou-rire incontrôlable qui fit sursauter Iori.

Peut-être avais-je enfin trouvé ce que je cherchais, la véritable raison m’ayant poussée à commettre toutes ces folies. C’était tellement évident que je ne pouvais plus m’empêcher de rire devant mon propre aveuglement.

-Tout…Tout va bien Laura ? S’inquiéta Iori.

-Ce n’est rien, mais rejoignons les autres, ils vont finir par s’inquiéter ; lui répondis-je en tentant de me calmer et me dirigeant vers la ville.

Je quittai donc la plage en laissant mes interrogations en suspens. Cependant, je commençai à entrevoir certaines réponses. Peu à peu, je sentais le poids me peser sur le cœur s’alléger et je savais que ce n’était qu’une question de temps avant de pouvoir être libérée de ce fardeau que je portais depuis trop longtemps maintenant et la première chose à faire pour cela était de sauver mon frère des griffes d’Armageddon…




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Aron
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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [06/09/2016] à 22:45

Je sens quelque chose de louche derrière Sunohara. Hum……….


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