Hoshino Asuna : La raison perdue
Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines et, raccrochant au nez de Kagari, je sortis en trombe de chez moi, composant le numéro de Drago tout en courant dans les rues. Cependant, mon téléphone sonnait dans le vide et une pensée encore plus horrible me traversa l’esprit : Drago était-il avec ses parents au moment de l’explosion ?
Non, je devais écarter cette possibilité. J’avais ressenti la douleur de mon ami alors que d’après les informations, l’accident s’était produit plus tôt dans la journée.
J’arrivai devant la maison que je connaissais si bien mais il n’y avait personne : les lumières étaient éteintes, la porte était fermée, et il n’y avait aucun signe de vie.
Je regardai frénétiquement de tous les côtés, à la recherche d’un indice, de policiers, de pompiers, d’une présence humaine, de n’importe quoi qui aurait pu me dire où se trouvait Drago mais l’endroit était désert et un silence de mort pesait sur la maison abandonnée.
-Drago ! Criai-je de toutes mes forces.
Ma voix résonna dans la nuit quelques instants avant de disparaitre au loin sans qu’aucune réponse ne me parvint. Pourtant, je savais qu’il était là, il ne pouvait pas être ailleurs. J’avais ressenti sa douleur, certainement celle que lui-même avait ressenti en apprenant la catastrophe.
Ne supportant plus de rester à chercher une solution, je décidai d’aller voir par moi-même ce qu’il en était.
Cependant, alors que je m’apprêtai à ouvrir la porte de la maison, une violente secousse ébranla la maison et je fis un pas en arrière, effrayée.
C’est là que je le vis. Du ciel provenait une étrange lumière en pleine nuit. Ce n’était ni la lune, ni un avion et encore moins un hélicoptère. C’était une sorte de…trou lumineux se trouvant juste au-dessus de la maison de Drago.
Puis, peu après, un rugissement semblable à celui d’un monstre tout droit sorti d’un film se fit entendre et mon cœur s’arrêta de battre lorsque je vis quelle créature en était l’origine.
Tout mon corps se mit à trembler, mes yeux étaient près à sortir de mes orbites et je tombai à la renverse, mes jambes ayant perdu toute leur force d’un seul coup à la vue de ce qui réveilla un sentiment de déjà vu en moi.
Au-dessus du toit de la maison planait l’ombre d’une créature gigantesque ressemblant à un Dragon. Cependant, il était comme divisé en deux parties distinctes, l’une se fondant dans le noir de la nuit, l’autre illuminant tout le quartier de sa lumière intense…exactement de la même façon que je voyais l’aura de Drago habituellement.
Le dragon, long de plus de dix mètres, s’engouffra dans le trou et, laissant une onde de choc derrière lui qui balaya tous les débris et renversa plusieurs objets, disparut instantanément, en même temps que la brèche se refermait, ne laissant qu’un ciel ordinaire.
Lentement, encore abasourdie, je me relevai, me pinçant pour être certaine de ne pas avoir rêvé mais les dégâts autour de moi confirmaient la réalité de l’événement…
Que se passait-il ? D’abord cette créature du nom d’Armageddon et maintenant un Dragon et une brèche dimensionnelle…Que se passait-il autour de Drago pour qu’autant d’événements impossibles se produisent…
Je fis un bond sur place en repensant à Drago. Etait-ce lui l’origine de ce phénomène étrange ? Il n’y avait qu’un seul moyen de le confirmer.
D’un coup puissant coup de pied, je défonçai la porte d’entrée et je pénétrai à l’intérieur. A première vue, tout semblait normal : les meubles étaient à leur place, les affaires bien rangées comme toujours et le sac de Drago me confirmait sa présence ici.
-Drago, tu es là ? L’appelai-je.
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Seul le silence me répondit et je décidai de passer à l’étage puisque c’était de là que venait le dragon. Je montai donc les escaliers et je passai devant la chambre de Théa, toujours aussi désordonné que d’habitude mais je m’arrêtai, voyant quelque chose qui attira mon attention.
Sur son bureau, un bout de papier était posé et, juste à côté se trouvait la veste de l’uniforme de l’école…
Il n’y avait plus aucun doute, Drago était passé par là et il devait s’y trouver encore peu de temps avant mon arrivée à en juger par le fait que la lettre était encore sur la table alors qu’elle aurait dû s’envoler à cause du vent s’infiltrant par la fenêtre ouverte.
Et pourtant, après avoir vérifié toutes les autres pièces, je fus obligée de me rendre à l’évidence : même s’il était passé par ici, Drago n’était plus là.
Dépitée, je m’assis sur une chaise et je me pris la tête dans les bras et je me mis à pleurer malgré moi.
Je le savais…Je le savais que je n’aurais pas dû prendre autant de temps. Tout était de ma faute. Je savais ce qui allait se passer, il aurait suffi que j’en parle à Drago la veille pour tout éviter…mais j’avais laissé mes émotions prendre le dessus sur moi et toute sa famille était morte, tandis que lui…je n’avais aucune idée de ce qu’il faisait à présent. Il devait déjà être loin pour que je ne ressente plus aucune douleur dans mon œil…
En disparaissant ainsi, Drago n’avait pas seulement emporté mes efforts avec lui, mais également les rêves de Kagari et, par extension, ceux d’Ichigo. C’était terminé, sans Drago, le club n’avait plus aucune raison d’exister. Et dire que je nous voyais déjà diplômés tous les quatre puis plus tard nous retrouvant pour les fêtes, nous remémorant nos années heureuses de lycée…tout cela n’était plus qu’une vague illusion loin derrière l’horizon à présent. Notre histoire commune…venait de prendre fin.
Après dix minutes passées à me lamenter, les larmes firent place à la colère. De rage, je balayai d’un revers de la main toutes les affaires se trouvant sur le bureau de Théa et ces dernières se brisèrent sur le sol. Il fallait que je déverse ma rage sur quelque chose, ma rage de n’avoir rien pu faire, ma rage de ne pas pouvoir retrouver Drago, ma rage d’avoir été impliquée dans ces histoires, ma rage d’avoir échoué…
-Tout ce que je voulais, c’était que mon ami soit heureux, était-ce trop demandé ! Le destin de Drago était-il donc de souffrir éternellement ! suis-je condamnée à voir que mes efforts étaient inutiles ! Hurlai-je à l’attention de ce prophète de mauvais augure qu’était Armageddon et qui m’entendait, j’en étais persuadée.
Pourquoi avais-je été aussi stupide ? Pourquoi avait-il fallu que cet Armageddon s’en mêle ? Pourquoi avait-il fallu que je tombe amoureuse de quelqu’un d’aussi étrange ? Pourquoi…avais-je perdu autant de temps si tout devait se finir de la sorte ?…
Oui…Tout ce que j’avais fait…n’avait servi à rien…J’avais consacré ma vie à rendre le sourire à Drago, à retrouver cet ami que j’appréciais tant, à effacer cette aura sombre planant autour de lui…et tous ces efforts venaient d’être réduits à néant en une fraction de seconde…
Je tombai sur les genoux, réalisant le vide qui venait de se créer en moi et une seule question revenait en boucle dans mon esprit : et maintenant ?
Drago ne reviendrait pas, je le savais, je le connaissais trop bien. Il devait être totalement détruit en ayant appris la mort de ses parents et, même si cet Armageddon avait affirmé qu’il vivrait, les chances de le revoir étaient quasi nulles après un tel incident…
Et moi dans toute cette histoire ? Qu’allais-je devenir sans lui ? Tout ma vie n’avait été consacrée qu’à cet acharnement à faire revenir cet ami que j’avais perdu…mais maintenant, qu’allais-je faire ? Quel allait-être mon but ? Quelle allait-être ma raison de vivre ?…
Peut-être était-ce pour cela que j’étais tombée amoureuse de Drago, parce que je craignais inconsciemment de perdre gout à la vie si je perdais cet objectif qui occupait toutes mes pensées…
Finalement, après une longue heure de débat avec moi-même, j’acceptai l’idée de vivre cette vie sans objectif et sans saveur. Que pouvais-je faire d’autre de toute façon ? Je ne pouvais quand même pas partir à la chercher de Drago à travers le monde sans même avoir une piste, d’autant plus si mon œil ne ressentait plus rien provenant de lui…
Lentement, je me relevai et, prenant sa veste avec moi, je redescendis les escaliers avant de sortir de la maison sans même prendre la peine de remettre la porte en place.
Sans vraiment savoir pourquoi, je regardai le ciel au-dessus de ce qui était autrefois la maison de mon ami et de ses parents, comme m’attendant à revoir cette brèche s’ouvrir et ce dragon en ressortir avec Drago…
Cependant, je n’avais même pas fait trois pas à l’extérieur que deux hommes qui se trouvaient là se postèrent devant moi et me bloquèrent le passage. Ils étaient grands, portant des blouses blanches et des dossiers à la main. Leur expression était neutre mais je sentais de la méfiance émaner d’eux à ma vue. Certainement des collègues du père de Drago, pensais-je.
-Une minute mademoiselle, que faisiez-vous dans cette maison ? Me demanda le premier.
-J’étais venue perdre le peu d’espoir et de raison qu’il me restait ; leur répondis-je d’une voix dénuée de tout sentiment.
Les deux hommes me regardèrent avec étonnement mais, alors que je tentai de m’éclipser pour ne pas avoir à répondre à plus de questions ennuyeuses, le second reprit la parole :
-Connaissiez-vous les propriétaires de cette maison ?
-J’aurais préféré ne jamais les connaitre ; répondis-je aussi sec.
-Nous allons prendre cela pour un oui.
L’homme me tendit le dossier qu’il avait dans les mains mais je ne réagis pas. Après tout, je n’avais aucune raison d’accepter, je ne faisais pas partie de la famille et je n’avais aucun lien avec le laboratoire. Cependant, il insista.
-Ce sont les derniers documents laissés par le professeur Mio ; continua-t-il. Apparemment, il savait que l’expérience risquait de mal tourner et il a rédigé ce dossier puis nous l’a confié juste avant l’incident.
-En quoi cela me concerne-t-il ? Vous feriez mieux de les jeter directement si vous tenez tant que ça à vous en débarrasser, de toute façon, je n’ai plus rien à voir avec cet endroit.
-Le professeur nous avait donné comme instruction de le transmettre à la première personne que nous croiserions en sortant de sa maison. Nous n’en savons pas pourquoi ni comment il savait que quelqu’un viendrait, mais nous avons promis, alors s’il vous plait, veuillez accepter ces documents.
J’eus un moment d’hésitation. Rien ne m’empêchait de prendre ces papiers pour les jeter ensuite si cela me permettait de me débarrasser de ces deux types, même si une petite voix au fond de moi me disait que je n’y arriverai pas…
-Et ai-je le droit de savoir de quoi ces papiers parlent au moins ?
-Nous ne le savons pas nous-même, mais il y a de fortes chances qu’il s’agisse de ses derniers travaux.
En grognant, je finis par attraper le dossier que les hommes me tendaient.
-Bon, vous allez me laisser tranquille maintenant ? Râlai-je une fois les papiers en mains.
-Nous avons accompli la dernière volonté du professeur Mio donc oui, nous allons prendre congé à présent.
Sur ces mots, les deux scientifiques s’éloignèrent et je repris le chemin de la maison sans me retourner, le dossier dans une main, la veste de Drago dans l’autre, ces deux objets étant les derniers restes de ces dix dernières années passées à me battre pour redonner le sourire à mon ami.
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Comme je l’avais prévu, Drago ne revint pas ni le lendemain, ni les jours qui suivirent et je ne ressentais plus aucune douleur dans mon œil.
Le lendemain de la tragédie, tout le monde ne parlait que de ça à l’école et Kagari avait tenté de me consoler en cachant sa propre peine derrière un faux sourire mais elle ne pouvait pas comprendre qu’aucun de ses mots ne pouvait plus m’atteindre. Ichigo faisait de son mieux pour étouffer les ragots à ce sujet mais il n’y avait rien à faire, l’explosion à la centrale et la disparition de Drago étaient sur toutes les lèvres.
Les professeurs ne parlèrent pas de cet incident, faisant semblant de ne pas savoir et considérant l’absence de Drago comme normale, certainement pour ne pas affoler la classe mais cela n’avait aucun effet. Tout le monde savait que Drago était parti quelque part, loin d’ici s’il ne s’était pas suicidé.
Quant à moi, la morosité et l’ennui du quotidien me gagnèrent rapidement. Je n’avais plus aucune volonté pour faire les choses, plus aucune réaction face à ce qui m’entourait, plus aucune sympathie pour tous mes camarades de classe. A quoi bon tout cela si de toute façon, je pouvais tout perdre d’une seconde à l’autre ?
Dans le même temps que mon moral périssait, ma santé se dégrada. Comme je vivais seule, personne n’était là pour me rappeler de m’alimenter correctement ou même de dormir suffisamment si bien que, au bout d’un mois, j’étais devenue méconnaissable et Kagari, ayant pitié de moi, me recueillit chez elle. Je pense que sans la jeune fille, je serais rapidement morte ou du moins, j’aurais fini à l’hôpital avec de graves séquelles physiques.
Les parents de Kagari prirent soin de moi, comprenant la situation et me traitant comme un membre de leur famille, me proposant même de participer aux diners d’affaire ou aux réunions familiales mais je déclinai toutes leurs offres.
Ichigo passait souvent me voir, semblant se préoccuper vraiment de mon état et tentant de lancer des piques de temps à autre pour voir mes réactions mais à chaque fois, je me contentai d’hocher la tête ou de répondre par un grognement.
Contrairement à ce que je pensais, le club ne fut pas dissout par le conseil des étudiants et la présidente Chizuru nous autorisa à conserver la salle pour nos usages personnels mais cela ne me faisait ni chaud ni froid.
Au bout de deux mois, pensant que la nouvelle avait eu le temps de circuler, les professeurs annoncèrent la mort de Drago à la classe même si je savais pertinemment qu’il était toujours vivant quelque part.
Une cérémonie fut organisée en son honneur et je vis beaucoup de nos camarades pleurer ce jour-là. Kagari était peut-être la plus atteinte évidemment mais de nombreux regards étaient également tournés vers moi qui restais en arrière, n’exprimant aucune émotion ni durant le discours du directeur, ni pendant la veillée. Je ne pouvais pas pleurer quelqu’un qui était vivant mais qui vivait sa vie loin de nous, mais ça, nul ne pouvait le savoir.
Les jours passèrent, puis les semaines, puis les mois et peu à peu, je finis par oublier la raison même de ma morosité permanente. Je savais juste qu’il était inutile de s’impliquer dans quelque chose qui était voué à l’échec si bien que je devins malgré moi la personne qui j’avais essayée de changer toutes ces années. Je finis même par me complaire dans cet état. Je n’attendais rien de personne et personne ne comptait plus sur moi et, de cette façon, personne ne perdait plus sa vie à une cause perdue comme je l’avais fait avec Drago.
Cependant, le cours de choses s’inversa brutalement à nouveau alors que je pensais que tout était fini. En effet, un jour, mon œil me fit souffrir à nouveau…
Nous nous trouvions tous les trois, Ichigo, Kagari et moi dans la salle de club qui ne servait plus qu’à flâner sans but après les cours. La jeune fille regardait la télévision, Ichigo faisait ses devoirs et j’avais le regard perdu au loin, regardant le ciel gris à travers les fenêtres, l’esprit totalement vide de toute pensée lorsque cela se produisit.
Sans que je m’y attende, je fus prise d’une douleur abominable à l’œil et je poussai un cri de douleur qui réveilla les deux délégués.
-Qu…Qu’est-ce qu’il se passe Asuna ? S’exclama Kagari, affolée.
Pour toute réponse, je tombai à genoux sur le sol, ma main cachant mon œil droit tandis qu’Ichigo cherchait frénétiquement la trousse de soin dans la salle.
Je fermai les deux yeux, n’ayant pas d’autre solution que d’attendre que la douleur ne cesse comme je l’avais toujours fait mais, alors que je pensais me retrouver dans le noir le plus total, mes yeux se rouvrirent tous seuls me laissant découvrir que je n’étais plus dans la salle de club mais dans un grand palais de glace.
Je tournai la tête, regardant attentivement autour de moi, totalement dépassée par la situation et mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Juste à côté de moi se trouvaient cinq personnes à terre et parmi elles se trouvait Drago…
J’écarquillai les yeux et je me mis à trembler. C’était bien mon ami qui était à terre, dans un sale état, un étrange dispositif au bras et en face de lui un gigantesque Dragon noir au corps serpentin faisait trembler le sol et les murs de la forteresse.
Mais, même si tout ce qui m’entourait semblait directement sorti d’un film, ce qui m’étonna le plus fut l’expression sur le visage de Drago : il n’avait plus ces yeux vides de vie et ce teint pâle. Au contraire, la détermination la plus profonde se lisait dans ses yeux et un léger sourire se dessinait sur sa bouche.
-Allons-y, Théa ! S’exclama-t-il.
Je n’eus pas le temps d’en voir plus car un instant plus tard, la douleur disparut et je revins dans la salle de club. Tout mon corps était en sueur, ma respiration était saccadée et j’étais allongée sur le sol tandis qu’Ichigo appliquait une compresse sur mon front brûlant.
-Oh, tu reviens enfin à toi ! S’exclama Kagari avec un air de soulagement.
Lentement, je tentai de m’asseoir mais Ichigo m’ordonna de rester allonger et j’étais bien trop épuisée pour le contredire.
-Ne fais pas de mouvement brusque Asuna, tu t’es déjà évanouie, je ne tiens pas à t’envoyer à l’hôpital ; grogna le délégué adjoint.
-J…J’ai vu Drago…Articulai-je.
Mes mots eurent l’effet d’une bombe et Ichigo lâcha la compresse qu’il tenait dans sa main tandis que Kagari ouvrit la bouche avant de la refermer aussitôt.
-Drago tu dis ? Tu as dû délirer Asuna, tu es encore brûlante ; rétorqua le grand gaillard.
-Non, je ne délirais pas…tout cela était réel…tout…Murmurai-je en essayant de me remémorer ma vision.
-Mais…Drago est mort, n’est-ce pas ? Comment…
-Drago n’est pas mort ! M’exclamai-je, coupant net la phrase de Kagari qui sursauta au ton de ma voix.
-Qu’est-ce que tu racontes Asuna ? Je sais que tu meurs d’envie de le revoir mais c’est fini ! Drago n’est plus là et il ne reviendra plus…Rétorqua Ichigo en serrant la compresse dans sa main.
-Non, vous vous trompez, il est vivant, je le sais !
Même si ce n’était qu’une vision alors que j’étais dans le coma, les mots d’Armageddon restaient gravés dans mon esprit et cette douleur était la preuve de leur véracité. Drago était vivant, et plus encore, il semblait avoir abandonné de lui-même cette carapace que je m’efforçais de briser depuis si longtemps.
Je n’avais aucune idée de ce qu’il avait vécu ni où se trouvait ce palais de glace et ce qu’étaient ces créatures mais j’étais certaine d’une chose : ce n’était pas grâce à moi qu’il avait changé.
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Lorsque je réalisai cela, quelque chose se transforma en moi. Du plus profond de mon cœur, un nouveau sentiment naquit, plus fort et plus envahissant que tout ce que j’avais pu ressentir jusque-là : la haine.
Toutes ces années…toutes ces années, Drago avait passé son temps à fuir la réalité, à refuser l’aide que je lui proposais, à ignorer toutes les mains qu’on lui tendait et alors qu’il aurait dû s’enfermer encore plus sur lui-même, voilà qu’il avait retrouvé le sourire et une envie de vivre !
Toutes ces années n’étaient-elles donc que des façades ? Drago n’avait-il jamais changé mais faisait-il simplement semblant pour se débarrasser de moi pour une raison que j’ignorais ?
C’était la seule explication possible. Personne dans son état n’aurait été capable de se relever de la mort de sa famille qui était certainement la seule chose qui comptait pour lui.
Je fus prise soudainement d’un rire nerveux qui surpris mes deux amis. J’avais été bien naïve de croire à ses mensonges. Sans même m’en être rendue compte, je m’étais laissée embobiner jusqu’à consacrer tout ma vie à ce type, simplement par souvenir de l’amitié que j’avais pour lui avant tout ça.
Si c’était vraiment ce que Drago voulait, j’allais le faire, j’allais continuer à consacrer ma vie pour lui mais cette fois-ci, pas pour le changer mais pour le détruire.
Je venais de trouver un nouvel objectif, un nouveau sens à ma vie. Immédiatement, je sentis à nouveau cette chaleur de la vie parcourir mon corps et me donner de l’énergie.
Toujours en riant, je me relevai en titubant et un sourire mauvais s’inscrivit sur ma figure, sourire qui fit frissonner Kagari.
-T…Tout va bien Asuna ? Me demanda la petite fille, les yeux ronds.
-Oui, Kagari, tout va bien…Tout va même trop bien…Lui répondis-je dans un murmure. Mais vous avez raison, Drago est mort…
-Asuna, nous sommes tous tristes que…
-Non Kagari, tu n’as pas besoin de parler, la réalité est la réalité, je dois l’accepter, c’est tout. Drago est mort, il n’y a rien d’autre à dire.
Sans ajouter un seul mot, je sortis de la salle de club en claquant la porte derrière moi, laissant mes deux amis totalement désœuvrés face à mon attitude.
Contrairement aux autres soir, je ne pris pas la direction du manoir de Kagari mais je me dirigeai vers cet endroit que je connaissais si bien et où j’avais perdu tant d’heures de ma vie.
Lorsque j’arrivai devant la maison de Drago, je constatai que rien n’avait changé, tout était dans le même état que lorsque j’y étais entré le soir de la catastrophe. Personne n’avait dû oser saisir la mairie par crainte que Drago ne revienne mais je savais désormais qu’il ne reviendrait plus et j’allais m’en assurer personnellement.
Cependant, alors que je pensais être seule, je vis deux personnes portant des capes rouges et semblant tout droit sortis d’une foire devant la maison et ces derniers se retournèrent en m’entendant arriver, me laissant voir que leur visage étaient recouverts partiellement d’un masque pourpre.
-Vous là-bas, que faites-vous ici ? Les hélai-je alors qu’ils tentaient de s’enfuir.
Le premier ouvrit la bouche mais le second l’interrompit aussitôt et me pointa du doigt en hochant la tête. Mécontente, je croisai les bras sur ma poitrine et je commençai à taper du pied pour montrer mon impatience.
-Alors ? J’attends et n’essayez pas de me mentir, j’ai déjà assez donné.
L’homme ayant interrompu son camarade enleva alors son masque, me laissant voir son visage qui était celui d’un homme devant approcher de la quarantaine, aux cheveux noirs et coupés assez court, faisant ressortir les rides naissantes de son front. Ses yeux ébènes dégageaient quelque chose d’étrange mais je ne pouvais pas dire explicitement quoi mais j’étais mal à l’aise rien qu’en leur faisant face.
-Tu es des nôtres, n’est-ce pas ? Me demanda-t-il alors.
-Des vôtres ? Répétai-je en fronçant les sourcils. Je n’ai aucune idée de qui vous êtes et je m’en fiche, tout ce que je veux savoir c’est ce que vous faites ici.
-Nous sommes à la recherche d’un garçon nommé Drago Mio et nous avons eu vent qu’il habitait ici, le connaitrais-tu par hasard ?
-Cela fait un bon bout de temps qu’il n’est plus là et je n’ai aucune idée d’où il se trouve mais n’espérez pas le rencontrer, il va bientôt mourir je pense.
Un sourire mauvais se dessina sur le visage de l’homme lorsque je dis cela.
-Je le savais, tu es bien des nôtres, toi aussi tu veux l’avènement de maitre Hélios sur ce monde et pour cela, tu as besoin de tuer Drago, je me trompe ? N’essaie pas de nier, tu possèdes toi aussi ce pouvoir provenant de l’autre monde, le pouvoir d’un esprit de duel.
-Je n’ai aucune idée de quoi vous parlez ni même qui est cet Hélios et encore moins ce qu’est un esprit de duel mais oui, vous avez raison, je vais le tuer et je ne laisserai personne m’en empêcher.
-Et que dirais-tu d’accepter notre aide dans ce cas ?
Le penchai la tête sur le côté, intriguée par la proposition de cet homme. Tout me disait qu’il y avait une arnaque derrière et que je ne pouvais pas lui faire confiance mais j’avais ressenti de la sincérité dans ses paroles lorsqu’il parlait de tuer mon ami.
-Que je le tue ou que vous le fassiez, cela revient au même j’imagine donc vous me laissez faire le sale boulot, c’est ça ? Lui demandai-je froidement.
-Tu es perspicace jeune fille, alors, qu’en dis-tu ? Vas-tu accepter notre aide ?
-Que voulez-vous en échange ? Enchainai-je immédiatement.
-Simplement que tu ramènes Drago ici avant de t’en débarrasser, nous avons quelques questions à lui poser.
J’eus à mon tour un sourire mauvais sur les lèvres.
-Et qu’est-ce qui vous dit que je vous le ramènerai comme convenu ?
-Tu as l’esprit bien tordu pour quelqu’un de ton âge ; s’étonna l’homme.
-Je me suis assez faite avoir dans la vie, j’ai l’habitude des coups tordus ; répondis-je en haussant les épaules.
L’homme à la cape pourpre rit légèrement tandis que son camarade sortit quelque chose de sa poche, une sorte de paquet de cartes ainsi qu’un bout de papier qu’il me donna.
-Tu ne nous trahiras pas si tu as toi-même été trahie.
-Qui sait et aurais-je le droit de savoir à qui je parle au moins avant de m’allier avec vous ?
-Mon nom est Fujii Makoto, je suis le chef de l’avant-garde de maitre Hélios dans ce monde, notre but est de…
-Je me fiche de votre but, je veux simplement que vous me donniez ce dont j’ai besoin pour que j’aille faire ce que j’ai à faire ; le coupai-je.
-Un peu de patience, mademoiselle, nous réunissons encore des informations pour le localiser et…
-J’ai compris, je ferai mieux de chercher moi-même dans ce cas ; grognai-je en faisant demi-tour.
-La question n’est pas de le localiser dans ce monde mais dans une autre dimension.
Je m’arrêtai net et je le regardai comme s’il essayait de blaguer mais il avait l’air très sérieux.
-Tu peux le chercher autant que tu veux, tu ne le trouveras pas dans ce monde.
Tout à coup, un détail me revint en mémoire. Le père de Drago avait parlé d’ouvrir un portail avec Armageddon, était-ce de cela qu’il s’agissait ? Une sorte de passerelle permettant de passer de notre monde à celui contenant ce palais de glace ? Cela aurait expliqué la présence de ces monstres…
Un autre détail me revint ensuite. Le soir de la tragédie, les collègues de son père m’avait confié un dossier contenant les derniers travaux. Avais-je en main les clés pour retrouver Drago moi-même et lui faire payer pour toutes ces années ? Je devais y croire en tout cas.
-Ce n’est pas un problème ; continuai-je, ce qui surprit les deux hommes. Je trouverai moi-même un moyen de traverser les dimensions et je vous ramènerai Drago, parole d’Hoshino Asuna.
Le dénommé Fujii Makoto regarda son camarade avec étonnement et je m’éclipsai sur ces belles paroles mais cette fois-ci, ils n’essayèrent pas de me retenir davantage.
En arrivant chez moi, je ressortis immédiatement le vieux dossier que m’avaient confié les scientifiques et je ne pus m’empêcher de rire follement en lisant le titre : Projet Cerberus : Transporteur interdimensionel par Mio Arata.
-Apparemment nous allons bientôt nous retrouver mon cher Drago…
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