Fuyuku Yuki : La naissance de la chasseuse
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=J6O3MnMPGIk&t=Une héroïne de la justice se devait-elle forcément de faire le bien ? Devait-elle, comme dans les comics et les mangas, apporter le sourire à ceux qu’elle sauvait et être acclamée partout où elle passait ? Ou bien devait-elle suivre ce qui lui semblait juste, et ce, malgré les pleurs et les cris de ceux qu’elle balayait sur son passage ? C’était la question que je me posais alors que je regardais droit dans les yeux l’invocateur dont je venais de terrasser le familier en forme de chien et qui me dévisageait, implorant ma pitié, le corps couverts de blessures et les habits en lambeaux. L’homme était à ma merci. Il me suffisait d’un claquement de doigts pour le faire disparaitre de ce monde à tout jamais et il le savait aussi bien que moi mais ne pouvait rien faire d’autre que de contempler la mort en face. « Qu…Que me voulez-vous ? Bégaya-t-il d’une voix déformée par la douleur. -Je suis à la recherche d’information ; répondis-je d’une voix glaciale. Avez-vous participé à la guerre entre Savior et ESP, invocateur ? -O…Oui… -Connaissez-vous un familier capable de changer ses victimes en pierre ? -Changer…Ses victimes en pierre ? Répéta l’homme, abasourdi. » Je soupirai et formait une sphère d’énergie noire dans le creux de ma main et la pointait vers l’homme qui tenta de reculer en rampant, tétanisé. « Je vois. Vous ne me servez donc à rien. Disparaissez… » La lueur produite par mon énergie s’intensifia et l’invocateur ferma les yeux, comprenant que sa dernière heure avait sonné mais je fus interrompue par un bruissement de feuilles derrière moi et je jurai. « Vous ne m’avez pas entendu ? Dégagez ! Disparaissez de ma vue ! Lui ordonnai-je. » https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE L’homme ne se fit pas prier et, ignorant ses nombreuses blessures, s’enfuit dans la forêt tandis que Riki surgit de l’épais taillis de feuilles en pestant contre la nature et le climat chaud et humide de cette région du Kasaï, au Congo.
« Sérieusement, de toutes les régions possibles dans le monde, tu as choisi la seule qui en plus d’être une fournaise, grouille de bestioles bizarres ; grogna mon ami en retirant une sangsue qui s’était collée à sa cheville.
-Je ne choisis pas où les familiers apparaissent ; me contentai-je de répondre en annihilant l’une de ces bestioles agaçante qui tentait de s’attaquer à moi.
-J’espère au moins que ce n’est pas qu’une légende cette histoire de Kasaï Rex…
-Nous verrons bien. »
Sans ajouter un mot, je repris mon chemin, à l’affut du moindre signe d’activité de familier ou d’invocateurs…autre que celui que je venais de laisser filer et qui n’était nul autre qu’un pauvre garde forestier.
Cela faisait maintenant un an que je m’étais engagée dans les forces spéciales d’ESP et, depuis mon entrée, j’avais gravi bien des échelons et étais désormais en mesure de partir en mission aux quatre coins du monde afin de combattre Savior dans l’ombre. Car, depuis la fin de la guerre, la fondation s’était mise en tête de détruire les familiers trop peu discrets et avait confié cette tâche aux forces spéciales.
Ainsi, j’avais fini par me forger un nom à force d’éliminer tous les familiers que je rencontrais. On me surnommait la chasseuse au sein de Savior car, de toutes les unités de combat d’ESP, j’étais celle qui avait éliminé le plus de familiers ces derniers mois.
Mais tout ceci n’était qu’un prétexte pour moi. Au cours de mes quelques explorations, évidemment, j’accomplissais les missions que l’on me donnait, mais j’en profitai surtout pour récolter des informations sur le meurtrier de mes parents.
J’avais demandé à voir le rapport d’ESP concernant leur mort et les dossiers étaient clairs : ils avaient été pétrifiés et changés en pierre. Malheureusement, les seuls familiers capables d’une telle chose, à savoir le basilic, le cocatrix et les gorgones, avaient été rayés de la carte plusieurs années avant ma naissance. Ce qui signifiait qu’un familier encore inconnu des services de renseignement d’ESP se baladait en liberté.
De plus, j’avais appris à mes dépend que je ne pouvais pas créer d’antimatière indéfiniment. Il fallait que je fasse attention, sans quoi mes pouvoirs empiétaient sur mon propre corps et commençait à transformer mes propres cellules. C’était d’ailleurs en ça que mon épée devenait bien utile car elle me permettait d’éviter d’en arriver à ce point critique. https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY Soudain, un rugissement me tira de mes pensées et je vis au loin tous les oiseaux s’envoler en piaillant, terrifiés alors que le sol se mit à trembler sous les pas d’une immense créature.
Riki serra les dents et instinctivement, je matérialisai mon épée dans ma main, prête à combattre.
Finalement, après deux jours de traque, le monstre daigna se montrer. Arrivant en abattant tous les arbres sur son passage, la créature s’arrêta à une dizaine de mètres de nous et nous dévisagea.
Il s’agissait d’un grand animal mesurant dans les dix mètres de long du museau à la queue, se tenant sur ses deux pattes arrières musclés et aux pattes avant quasi inexistantes. Il était entièrement rouge et sur son dos se dessinaient quelques rayures noires qui descendaient jusqu’à son ventre. Sa gueule, allongée et remplies de dents encore recouvertes de sang, était celle du roi des dinosaures : un tyrannosaure.
« Rang B, Kasaï Rex, ne possède pas d’aptitude particulières autre qu’une épaisse carapace et d’être un dinosaure…Murmura Riki, répétant mot pour mot la description du monstre dans les registres d’ESP.
-Finissons-en rapidement alors, j’ai pris une autre mission qui commence demain et je n’ai pas envie qu’un incapable me la vole.
-Quoi ? Encore une mission ? Gémit mon partenaire. Mais ça fait la quatrième en moins d’un mois ! »
Je ne répondis pas et m’élançai sur le monstre, l’épée pointée en avant, entourée de la protection procurée par le médaillon de ma mère.
Le dinosaure, voyant que je passais à l’attaque, fonça sur moi, la gueule grande ouverte, prêt à me déchirer la chair de ses crocs acérés mais je ne reculai pas et continuai ma course.
L’issue du combat se décida en un éclair. Comme si je coupais du papier, ma lame dorée traversa le corps du lézard de part en part et celui-ci s’écroula sur le sol. Son corps tomba rapidement en poussière pour ne laisser qu’un tas d’os fossilisés comme on pouvait en trouver partout dans le monde. https://www.youtube.com/watch?v=UTis2_h3cJ4 « Encore une mission accomplie j’imagine ; déclarai-je en essuyant les traces de sang qui restaient sur mon arme.
-O…oui, on peut dire ça…Me répondit Riki, légèrement gêné pour le pauvre invocateur qui avait dû mettre des années à créer ce familier. Quelle est notre prochaine destination donc ?
-l’Ecosse.
-L’Ecosse ? Répéta mon ami, intrigué. Mais là-bas, il n’y a rien à part…
-Nessie. »
Ainsi, le soir-même, nous fûmes dans l’avion qui devait nous emmener à plus de deux mille kilomètres du Congo. Riki commençait sérieusement à être fatigué par toutes nos missions à répétitions et le décalage horaire n’arrangeait rien. Nous ne prenions jamais le temps de visiter les pays dans lesquels nous passions et encore moins de faire du tourisme. Nous venions, nous trouvions le familier à détruire, puis nous repartions.
Cependant, la mission que j’allais accomplir cette fois-ci était spéciale. Je ne m’étais toujours pas pardonné de ce qui était arrivé à Kazumi par ma faute.
Malgré les traitements d’ESP, mon ancienne amie ne s’était toujours pas remise du choc et était devenue totalement paranoïaque à en croire les médecins, à tel point qu’ils avaient été obligés de l’enfermer dans une salle spéciale et confinée sur sa propre demande.
Certains pensaient à lui effacer totalement la mémoire mais je m’y étais formellement opposée. Il était hors de question que Kazumi en oublie jusqu’à son propre nom par ma faute. Ainsi, j’espérai qu’en détruisant définitivement le monstre du loch Ness, monstre qui avait été le début de tout, j’allais pouvoir la faire revenir à la raison…
Je serrai mon pendentif autour de mon cou tout en pensant à cela. Il le fallait. Elle était mon seul autre objectif désormais avec la vengeance de mes parents et je comptais bien lui faire accepter ce monde, qu’elle me voit comme un monstre ou non. https://www.youtube.com/watch?v=Td1D1jjvrdE Le lendemain, à peine après être descendus de l’avion et avoir dormi dans une auberge près du lac, nous commençâmes nos investigations non loin des ruines du château d’Urquhart, site très prisé des touristes et donc propice à d’éventuels témoignages.
A vrai dire, il ne restait plus grand-chose de cette citadelle à part quelques murs en mauvais état, des marches, un pont pour y accéder, et évidemment, une tour bien connue des visiteurs.
Le château en lui-même ne présentait pas beaucoup d’intérêt pour quelqu’un comme moi qui ne m’intéressait pas à l’histoire mais je devais avouer que le cadre était digne des plus beaux paysages de films fantastiques.
Le lac s’étendait à perte de vue et finissait par se confondre avec le ciel azuré à l’horizon. L’eau cristalline, presque transparente laissait voir de nombreux poissons nager près de la surface réfléchissant les rayons du soleil de midi. De temps à autres, quelques bateaux de promenades glissaient lentement sur le Loch Ness, me rappelant que nous n’étions qu’à quelques kilomètres de la ville malgré l’aspect sauvage des environs.
Les montagnes qui l’entouraient étaient entièrement recouvertes d’herbe qui semblait avoir été coupée la veille tant elle était régulière, à croire que nous nous trouvions dans un parc immense. Il y avait également de nombreuses fleurs en cette saison et les feuilles des arbres bruissaient et dansaient lentement au gré de la brise fraiche qui soufflait depuis le nord.
Tout cela était bien différent des paysages que l’on pouvait trouver au Japon et en même temps assez familier. Ce n’était pas la première fois que je voyais un lac entouré de montagnes, mais l’atmosphère, le climat et même les végétaux étaient différents.
Riki, contrairement à moi, courait dans tous les sens, émerveillé par le cadre et ces ruines qui, pour un passionné d’histoire, devaient être magnifique.
Par réflexe, je sortis mon téléphone et pris une photo du lieu puis l’envoyai sans réfléchir à Kazumi, comme j’avais l’habitude de le faire par le passé quand je partais en voyage avec mes parents avant de me souvenir de la raison qui m’avait amenée ici… https://www.youtube.com/watch?v=Ov1U1JLi8SU Soudain, un vieil homme portant un badge de guide touristique surgit derrière moi et me fit sursauter en prenant la parole dans un Anglais difficilement compréhensible pour moi qui n’avait fait que peu d’études de langue et qui avais encore du mal avec les accents.
Il devait avoir dans les soixante-dix ans à en juger par ses rides peu nombreuses. Son crâne était cependant déjà bien dégarni et il marchait à l’aide d’une canne. Son regard était doux mais ses yeux pétillaient encore de malice et d’amusement à la vue de tous ces touristes venus voir le fameux monstre du Loch Ness.
« Alors les jeunes, vous aussi vous êtes à la recherche du monstre ? Déclara-t-il en regardant le lac avec un large sourire.
-En quelque sorte, oui ; lui répondis-je d’un ton neutre. Vous possédez des informations peut-être ?
-Si j’en possède. Mon nom est Brandon Mills, je suis le président actuel du « Loch Ness Phenomena Investigation Bureau ». Cela fait plus de cinquante ans que je suis également à la recherche de ce monstre.
-Enchantée, monsieur. Mon nom est Fuyuku Yuki, étudiante japonaise en cryptozoologie. »
A ce moment-là, j’étudiai attentivement le visage de l’homme. Je lui avais volontairement donné mon nom car je savais qu’il était connu désormais parmi les forces de Savior mais le président de l’association n’eut aucune réaction et me salua comme l’aurait fait n’importe quel guide touristique.
« Oh, vous êtes une passionnée tout comme moi alors ? Dans ce cas, que diriez-vous de passer dans notre bureau d’étude ? Nous avons collecté de nombreuses preuves au fil des années. Peut-être vous seront-elles utiles dans vos recherches.
-Avec plaisir. »
J’appelai Riki pour qu’il arrête de jouer les touristes et, ensemble, nous suivîmes l’homme dans ce qui semblait être une sorte de musée au bord de l’eau, à quelques pas à peine du château.
Enfin, musée était un bien grand mot…Il s’agissait plus d’une cabane de pêcheur réaménagée que d’un véritable bâtiment.
Tout était fait en bois, y compris les murs et les parquets. A l’intérieur, quelques visiteurs admiraient les équipements utilisés par le passé dans le but de capturer Nessie : des filets de pêche gigantesques, des hameçons de plus d’un mètre, des sonars et même un mini sous-marin, le tout étant exposé à côté de photos d’époque du monstre et des textes relatant les explorations telles que Yellow Submarine ou Deepscan, deux missions s’étant soldées en échec.
Alors que Riki, ne prenant pas du tout notre mission au sérieux, continuait à jouer les touristes et parler longuement avec le président de l’association, des détails sur certaines photos m’interpellèrent.
En effet, ces photos étaient différentes de celles que l’on pouvait trouver sur internet. Elles semblaient même authentiques pour la plupart. Mais, chose étrange, j’avais l’impression que le jaunissement du papier n’était pas naturel…Comme si quelqu’un avait vieilli artificiellement ces photos…
« Excusez-moi, monsieur Mills, est-ce que je pourrais vous poser une question sur ce lac ? Demandai-je à l’homme, interrompant les discussions sans intérêt de Riki sur l’histoire du lac.
-Je suis là pour ça, mademoiselle.
-De quand datent ces photos exactement ? Je ne me rappelle pas les avoir déjà vues ailleurs…
-Evidemment, puisque ce sont des collègues à moi qui les ont prises à l’époque où nous avons commencé notre projet ; me répondit fièrement l’homme.
-Et, vous n’en possédez pas de plus récentes ? Je veux dire, depuis tout ce temps et avec les moyens modernes, vous auriez dû être capable d’en prendre de nouvelles et de meilleure qualité, non ?
-Il faut croire que toute l’agitation autour de sa légende fait fuir le monstre ; hasarda le président de l’association en riant légèrement.
-Mais vous n’avez pas pensé à sonder le lac entièrement ou à laisser des caméras tourner pendant plusieurs jours ? Intervint Riki qui avait enfin fini par s’y mettre.
-Evidemment que nous y avons pensé, nous ne sommes pas des amateurs ; s’offusqua l’homme. Mais rien. C’est comme si le monstre avait des périodes d’hibernation et que nous étions en plein de dedans… »
Sans le savoir, notre interlocuteur venait de nous donner une information précieuse. Si le monstre ne se montrait que pendant un certain temps, cela signifiait soit que son invocateur n’était pas assez puissant pour le maintenir dans notre monde en permanence, soit qu’il possédait un puissant pouvoir de camouflage.
« Si vous voulez, je peux vous emmener sur les lieux de ma dernière rencontre avec le monstre ; continua Brandon Mills avec un large sourire.
-Vraiment ? Vous feriez ça pour nous ? S’étonna Riki.
-Evidemment ! Les étudiants en cryptozoologie sont toujours d’une grande aide dans notre enquête !
-Et bien…Merci beaucoup dans ce cas… » https://www.youtube.com/watch?v=h197QB5r_Cc C’est ainsi que, le soir même, alors que la nuit était déjà bien tombée et qu’une brume épaisse s’était levée sur le lac, nous sortîmes tous les trois sur un petit bateau de pêche aux allures de vieux rafiot rafistolé et flottant à peine.
On n’y voyait pas à plus de deux mètres tant le brouillard était épais. Même la rive, qui pourtant n’était jamais très éloignée, avait disparu de mon champ de vision. Le ciel, quant à lui, avait totalement été noyé dans cette purée de pois de vapeur et aucune étoile ne brillait au-dessus de nos têtes.
La seule chose qui me confirmait que nous nous enfoncions bel et bien dans le lac était le clapotis lent et régulier de l’eau sur la coque du bateau, ainsi que le vent frais de la nuit.
J’étais sur le pont arrière, en compagnie de Riki, tandis que Brandon Mills était au poste de pilotage, à la proue du « navire » et barrait en silence, l’air concentré, surveillant le moindre mouvement suspect dans le brouillard. Quant à moi, je n’arrivais pas à me détendre et parcourait frénétiquement les photos que nous avions prises, Kazumi et moi, pendant ces années de collège, avant que Savior et ESP ne détruisent cette amitié.
Nos sorties au café, nos soirées passées à regarder des films d’horreur au lieu de réviser, nos week-end au parc d’attraction…Tout cela me paraissait bien loin désormais.
« Encore à t’en vouloir pour ça, Yuki ? Déclara soudain mon partenaire en s’accoudant à la rambarde.
-Pourquoi demander alors que l’endroit où nous nous trouvons te donne la réponse ? Lui répondis-je en souriant légèrement.
-Je le sais bien ; s’amusa Riki. Mais je suis content de voir que tu es restée toi-même malgré tout.
-Que veux-tu dire ? M’étonnai-je.
-Je ne sais pas trop comment l’expliquer…Mais depuis ce jour…J’avais l’impression de ne plus te connaitre…Que tu étais une autre…
-Les gens ne peuvent rester éternellement les mêmes, Riki.
-Ce n’est pas ce que je veux dire…Continua mon ami en serrant les dents. Tu n’avais pas changé en tant que personne…Mais en tant qu’humaine…Ton comportement n’était pas celui de l’héroïne de la justice que tu aspirais à devenir mais…
-Celui d’un monstre ? Le coupai-je sans sourciller en prononçant ces mots.
-N…Non, ce n’est pas ce que je veux dire ! S’exclama le jeune garçon, tentant de se corriger. »
Mais il était trop tard. J’avais bien compris ce qu’il pensait réellement. Toutefois, je ne lui en voulais pas. Cela me rassurait presque qu’il pense cela de moi et je lui répondis donc d’un sourire à peine forcé.
« Je me fiche d’apparaitre comme un monstre ou non aux yeux des autres. Je ne fais que suivre ce qui me semble être juste…Et la mort de mes parents était une injustice que je me dois de corriger. Tout comme Kazumi. Elle n’aurait jamais dû être mêlée à ce monde mais il est trop tard pour faire marche arrière. Je lui montrerai qu’elle n’a rien à craindre des familiers car je suis là pour les exterminer.
-Et…Que feras-tu une fois que cela sera terminé ?
-Je n’y ai jamais réfléchi je dois t’avouer…Mais peut-être que j’ouvrirai réellement une agence de cryptozoologie. Après tout, ce n’est pas les preuves qui manquent quand on est une Esper ; lui répondis-je en souriant sincèrement cette fois-ci. »
Nous éclatâmes de rire tous les deux en même temps et je me rendis alors compte que, depuis la mort de mes parents, c’était la première fois que, l’espace d’un instant, j’oubliai ma rancœur et ma rage.
« Et toi, Riki ? Tu ne vas pas m’accompagner éternellement dans mes missions stupides, n’est-ce pas ?
-En effet. De toute façon, je ne tiendrais jamais ta cadence ; déclara mon ami, gêné. Mais je pensais m’engager dans les services d’histoire d’ESP, ceux qui retracent les légendes en y incluant les pouvoirs des Espers et des familiers qui les peuplent.
-Cela ne m’étonne pas. Je suis certaine que tu y arriveras. Tu en es largement capable.
-Je l’espère aussi. Les examens d’entrée sont dans moins d’un mois…
-Et bien, une fois que nous aurons retrouvé Nessie, nous retournerons tous les deux au Japon dans ce cas ! »
Le garçon hocha la tête, l’air heureux que je ne lui demande pas de m’accompagner davantage, autant pour sa santé physique que pour son avenir. Il était vrai qu’il m’avait promis de me venger de Savior et de retrouver leur meurtrier mais l’eau avait coulé sous les ponts depuis. Lui, comme moi, avions compris que je me débrouillai très bien seule. Ses pouvoirs, bien que puissants, étaient totalement inutiles dans les forêts ou dans les déserts que nous explorions. C’est pourquoi, je ne lui en voulais pas de tracer sa propre voie désormais.
Cependant, cette simple conversation aux allures banales m’avait ouvert les yeux sur un point : ma rage était tombée depuis bien longtemps à présent. Je détestais toujours les familiers, Savior et Esp pour ce qu’ils avaient faits à ma vie, mais ce n’était plus un désir de destruction sauvage et meurtrier. En y repensant, l’homme que j’avais épargné la veille en était la preuve vivante.
Soudain, notre bateau coupa ses moteurs et le président de l’association passa la tête par la fenêtre de sa cabine. https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4 « Désolé les jeunes, mais avec ce brouillard, je ne peux pas me permettre d’aller plus loin. Tous les appareils commencent à s’emballer dans la zone. »
Au même moment, je ressentis une nouvelle présence tout proche de nous et je me mis aussitôt sur mes gardes. C’était ténu, presque indiscernable, mais mes sens m’indiquaient la présence d’un familier dans les environs…
Non, ce n’était pas un familier…mais un invocateur…
« Riki…Murmurai-je en matérialisant mon épée.
-Toi aussi, tu la sens, Yuki ? Grogna le garçon, tous les muscles de son corps tendus. »
J’hochais la tête en guise de réponse et tirait un infime rayon d’antimatière dans le brouillard pour le dissiper un peu. Là, je vis que nous nous trouvions au beau milieu du lac, loin de toute terre émergée…Ce qui ne laissait qu’une seule possibilité.
« Tout va bien les jeunes ? Vous avez aperçu quelque chose ? »
Laissant mon intuition me guider, je sautai d’un bond jusqu’à la cabine de Brandon Mills et pointait mon épée juste sous sa gorge. Ce dernier déglutit, soudain pâle comme un linge.
« Finis la comédie, où est-ce familier ? Lançai-je d’une voix glaciale.
-Attends Yuki…Qu’est-ce tu fais ? Tu as perdu la tête ? S’étrangla Riki.
-Je sais très bien ce que je fais. Monsieur Mills, vous êtes un parent de Bertram Mills, celui qui aurait soi-disant aperçu Nessie pour la première fois, n’est-ce pas ? »
Le visage de l’homme se détendit soudain et ce-dernier haussa les épaules d’un air nonchalant.
« Je ne peux rien cacher à la chasseuse je vois ; soupira-t-il.
-Alors vous saviez depuis le début…
-Evidemment. Votre tête est mise à prix à Savior.
-Vous êtes donc membre de cette organisation ? Continuai-je en rapprochant un peu plus la pointe de ma lame de la gorge de l’homme qui ne se laissa pas démonter. https://www.youtube.com/watch?v=c1g2cbhuesQ -J’étais ; rectifia-t-il. J’ai été viré il y a bien longtemps de cela.
-Viré ? Répétai-je, méfiante.
-Qu’est-ce que Savior ferait d’un invocateur qui n’est même pas capable de maintenir son familier plus de quelques secondes dans ce monde ? »
Ignorant mon arme, l’homme claqua des doigts et la brume qui nous entourait se condensa en une immense créature au long cou de serpent sortant de l’eau, ressemblant à un plésiosaure géant. Riki, en voyant cela, sursauta mais moins de deux secondes plus tard, le monstre se dissipa et la brume reprit sa place autour du navire tandis qu’une goutte de sueur avait perlé du front de Brandon Mills sous l’effort.
Comprenant qu’il n’était pas une menace, je baissai mon arme et il reprit la parole plus sereinement.
« Vous voyez ? Les apparitions de Nessie ces dernières années ne sont dues qu’à mon incompétence en tant qu’invocateur.
-Et vous profitez de cela pour vous faire de l’argent avec votre association qui ne trouvera jamais ce monstre ? C’est plutôt malin ; déclara Riki, impressionné.
-Tous les membres de mon association sont des amis de longue date. Ils savent pertinemment que Nessie n’existe pas…Ou du moins, ne peut plus exister dans ce monde depuis que j’ai repris le flambeau.
-J’imagine que son créateur était ce fameux Bertram Mills, je me trompe ?
-Vous pensez bien, mademoiselle la chasseuse ; rit le vieil homme. Au départ, il a créé ce familier à partir d’un ossement fossile de plésiosaure trouvé au fond du lac pour faire parler un peu de son cirque, mais au fil des années, Nessie est devenu une légende urbaine et a attiré bien plus de clients qu’il ne l’avait prévu, alors il l’a fait disparaitre puis l’a transmis aux générations futures au cas où les finances de la familles viendraient à manquer.
-Et bah…Si on m’avait dit qu’être invocateur rapportait autant, je me serais engagé chez Savior ; ironisa Riki.
-Mais qu’allez-vous faire de moi maintenant ? Vous allez me tuer, comme vous avez tué nombre d’invocateurs ? Vous êtes ici pour détruire le familier de mon grand-père, n’est-ce pas ? Alors allez-y, faites votre travail.»
Pour toute réponse, je fis disparaitre mon épée et tournai le dos au vieil homme en croisant mes bras sur ma poitrine, regardant au loin dans le brouillard deux minuscules yeux rouges luisant dans l’obscurité à dix mètres au-dessus du sol.
« Tenez-vous vraiment à votre familier, monsieur Mills ? Le lac a-t-il réellement besoin de Nessie pour que sa légende subsiste ?
-Cela fait plusieurs années que je n’ai pas réussi à invoquer correctement ce familier, et pourtant, les cryptozoologues continuent à se masser ici en espérant le voir, donc j’imagine que non…
-Vous n’y êtes pas attaché ? M’étonnai-je.
-Nessie ne fait pas partie de ces familiers possédant une réelle conscience. Ce n’est que la coquille vide d’un animal ayant vécu il y a des millions d’années, une sorte de marionnette utilisée par mon grand-père il y a quatre-vingts ans.
-Je vois…C’est tout ce que j’avais besoin de savoir. »
Sans ajouter un mot de plus, je déployai mes pouvoirs tout autour du bateau et libérait des milliers de particules d’antimatière sur la brume sombre qui disparut instantanément dans une explosion de lueurs semblables à de la poussière d’étoile, de même que les deux yeux rouges de Nessie, tels deux petites flammes mourantes, qui s’éteignirent dans un silence absolu,
Sur notre bateau tomba alors un os fossilisé immense, passant presque à travers la coque du rafiot, dernière preuve tangible de l’existence de Nessie.
L’ex propriétaire de la légende disparue le ramassa avec un sourire tout en poussant un sourire de soulagement.
« C’est une belle aventure qui se termine aujourd’hui. J’imagine que les gens admettront que le monstre du Loch Ness a fini par mourir de vieillesse…
-Pourquoi mettre fin à ce mythe ? Rétorquai-je. Même si je déteste les familiers, celui-ci n’a apparemment jamais causé de tort à quiconque et est la principale attraction du coin. Il serait dommage de démystifier une telle créature.
-Vous avez sans doute raison, mademoiselle la chasseuse…Ou devrais-je dire, mademoiselle Fuyuku. Finalement, vous n’êtes pas ce monstre décrit par les rapports de Savior…
-Ca, c’est vous qui le dites…Murmurai-je.
-Et vous avez raison ; intervint Riki avec un large sourire. »
Je levai la tête vers le ciel désormais dégagé et parsemé d’une infinité d’étoiles et de constellations illuminant le lac tels des milliers de minuscules bougies se reflétant dans l’eau pure et limpide.
« Je l’ai fait, Yuki…J’ai vaincu le monstre du Loch Ness…Lançai-je dans le vent, espérant que mon amie de toujours entende ces paroles. » https://www.youtube.com/watch?v=zuIp-vaD7MI Sur ces sages paroles, nous revînmes à la rive et j’envoyai aussitôt un message à ESP pour leur confirmer l’accomplissement de notre mission et leur annoncer que je prenais une pause d’une durée indéterminée, ainsi que leur demander un moyen de rapatriement.
Ces derniers, même à une heure du matin, semblaient au taquet lorsqu’il s’agissait de récupérer leurs agents car moins de dix minutes après notre retour, un Jet silencieux piloté par un Esper possédant le pouvoir de lévitation, atterrit sur les bords du lac.
Brandon Mills, après avoir déposé l’os fossilisé à l’intérieur de son musée en tant que nouvelle pièce maitresse de sa collection, revint pour nous dire au revoir.
« J’ai quand même une question que je me pose depuis plus d’une heure maintenant ; déclara alors Riki, l’air sceptique, mais si vous saviez depuis le début que Yuki en avait après vous et qu’elle était capable de vous tuer, pourquoi avoir fait tout ce cinéma ?
-Tout simplement parce que les rapports de Savior sont formels : nul n’échappe à la chasseuse ; lui répondit le vieil homme en haussant les épaules. Alors je me suis dit, autant ne pas fuir et dépenser mon énergie pour rien. Vous savez, à mon âge, on en a assez de courir dans tous les sens…
-J’aimerais bien voir ce que les rapports de Savior racontent comme bêtise sur moi tiens ; grommelai-je, imaginant les pires descriptions possibles.
-Je peux vous assurer que vous ne voudriez pas savoir ; s’amusa l’ex invocateur. »
Sur ces belles paroles, nous nous saluâmes une dernière fois et nous montâmes dans le jet d’ESP devant nous ramener au Japon.
Alors que nous volions haut au-dessus des nuages, là où la plupart des avions de ligne ne pouvaient pas monter, et que Riki s’était une fois de plus endormi, je repensais aux événements récents.
Qu’est-ce qui m’avait pris de me montrer amicale envers cet invocateur ? Je croyais m’être jurée d’exterminer Savior pour venger mes parents et voilà que je me retrouvais à éprouver de la sympathie pour l’un d’entre eux…
Jusque-là, jamais je n’avais eu de pitié ou de remords au moment de détruire les familiers…Mais pour la première fois, j’avais senti ma gorge se nouer en voyant ce monstre qui avait fait rêvé plusieurs générations, périr de ma main…
Je secouai la tête pour chasser ces idées absurdes de mon esprit. J’étais la chasseuse d’ESP. Je n’avais que faire des sentiments des gens liés de près ou de loin aux monstres que j’exterminais. Je ne faisais que rendre la justice de la mort de mes parents. https://www.youtube.com/watch?v=ajiyhH68Hm0 Lorsque l’avion nous déposa devant le QG d’ESP plus de dix heures plus tard, je pris une grande inspiration et levai la tête vers l’hôpital se trouvant juste à côté tout en serrant mon médaillon contre mon cœur.
Le soleil n’était pas encore totalement levé à l’horizon et seuls quelques timides rayons bas embrasaient le ciel et l’air frais et humide de l’aurore. Toutes les lumières des bâtiments étaient encore éteintes et la ville s’éveillait lentement sous nos yeux.
« Bien, Riki, je crois que nos chemins vont se séparer ici ; déclarai-je en me retournant vers le jeune garçon encore à moitié endormi.
-Tu es certaine que tu ne veux pas faire un bout de chemin avec moi ?
-Désolée, mais je suis attendue…Enfin, en quelque sorte ; lui répondis-je avec un sourire. »
Riki baissa la tête en haussant les épaules avant de me tendre la main chaleureusement.
« Bon, préviens-moi si tu as besoin d’aide dans l’une de tes missions. Même si je suis en examens, je répondrai à ta demande, tu peux compter sur moi.
-Concentre-toi sur ton avenir au lieu de me coller pour cette promesse espèce d’idiot ; rétorquai-je en riant.
-Tu as sans doute raison…Mais alors, promets-moi de ne rien faire d’imprudent…
-Tu t’inquiètes pour la plus puissante Esper de la fondation ? Raillai-je pour le rassurer. Inquiète-toi plutôt du sort de ces familiers que je vais détruire !
-Evite simplement d’attirer l’attention en te mettant dans des situations pas possible ; soupira le garçon.
-Je ne peux rien te promettre… »
Nous éclatâmes tous les deux de rire en chœur puis, ne souhaitant pas prolonger ces au-revoir davantage que nécessaire, je tournai les talons et lui adressai un dernier signe de la main
« Allez, Riki, à la prochaine et préviens-moi quand tes examens seront terminés qu’on se fasse un truc ! »
Puis je me précipitai vers l’hôpital où Kazumi se trouvait dans l’espoir de tout régler enfin entre nous.
Fuyuku Yuki : La naissance d’une héroïne
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=n01q7X16uzsToujours, j’avais rêvé d’être une héroïne de la justice. Sauver des vies, poursuivre des idéaux de paix, voir les sourires des gens, poursuivre le crime et détruire les ennemis du bien, tels étaient mes rêves en apprenant que je possédais des pouvoirs extraordinaires.
Pourtant, lorsque je me retournais, il n’y avait rien d’autre que du sang, des larmes, de la haine, de la destruction et un vide absolu.
Ces pouvoirs, au lieu de me donner, m’avaient pris. Je n’étais pas une héroïne aimée et acclamée des foules. J’étais une chasseuse impitoyable, crainte et détestée. Et la personne qui me détestait le plus dans ce monde était en face de moi.
Autrefois, nous étions amies, presque comme des sœurs mais, parce que j’avais eu la possibilité de réaliser mes rêves, j’avais perdu la seule personne qui me motivait encore à accomplir.
Là, derrière une paroi en verre de plusieurs centimètres d’épaisseur, les bras immobilisés par une camisole, la coiffure d’ordinaire si soignée, ce jour-là si négligée, et le regard dans lequel pouvait se lire une profonde haine et un profond mépris, se trouvait l’ombre de celle qui fut jadis ma complice et ma seule amie. https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4 « Oh, voilà que le monstre vient me rendre visite, je suis flattée ; ironisa-t-elle avec un faux sourire.
-Salut, Kazumi ; lui répondis-je en baissant les yeux, incapable de soutenir son regard. Ca faisait longtemps…
-A peu près aussi longtemps que la dernière fois que j’ai posé un pied dehors, ça fait longtemps, en effet ; continua-t-elle d’une voix tranchante.
-J’ai demandé à la fondation de te laisser sortir en leur promettant que tu ne dirais rien…Ils sont en train d’examiner ton dossier ; continuai-je sans oser la regarder dans les yeux.
-C’est inutile. Ils savent pertinemment que je ne me tairai pas. Quelque chose se trame dans notre dos et tu le sais aussi bien que moi, Yuki ; cracha mon ancienne amie. Mais que me vaut la visite de la chasseuse d’ESP ? Tu n’es pas venue pour parler de cela j’imagine, sinon, tu viendrais plus souvent me rendre visite si tu voulais simplement bavarder. »
Je déglutis, peu certaine de vouloir lui révéler une telle information à présent, voyant qu’elle n’était pas disposée à m’écouter mais il était trop tard pour faire marche arrière.
« J…J’ai élucidé l’affaire de Nessie ; m’exclamai-je en souriant. Ce n’était qu’un vieil invocateur qui voulait faire un peu de pub pour relancer son organisation ! »
Je me forçai à rire à ce moment-là mais Kazumi n’eut aucune réaction. Pas même le moindre sourire ne se dessina au coin de sa bouche.
« Et donc ?
-Je…Je pensais que tu aurais voulu savoir le fin mot de l’histoire depuis le temps, rien de plus ; gloussai-je nerveusement.
-Tu l’as détruit, n’est-ce pas ? »
Je me raidis immédiatement et, sans le vouloir, je croisai le regard de mon ancienne meilleure amie qui me glaça aussitôt le sang. Il n’y avait aucune admiration ni aucune joie dans ses yeux, simplement du mépris.
« C’est donc ça que tu appelles « être une héroïne de la justice » ? Poursuivit la brune d’une voix glaciale. Détruire des légendes urbaines qui ont fait rêver des millions de personnes simplement…à cause d’un seul familier ?
-L…Les familiers sont dangereux ; rétorquai-je timidement.
-Parce que tu ne l’es pas peut-être ? Toi, l’Esper de l’antimatière ? La chasseuse ? Le monstre de la fondation ?
-Je…
-Regarde-toi dans un miroir Yuki. Tu n’es pas plus humaine que ces créatures. Ni à l’extérieur, ni à l’intérieur. »
Mon cœur se serra dans ma poitrine. J’avais l’habitude de me faire traiter de monstre par les invocateurs que je combattais et même par certains membres de la fondation. Je l’avais moi-même accepté…Cependant, l’entendre de la bouche de mon ancienne meilleure amie était beaucoup plus dur à admettre que je ne l’avais pensé…
« Je ne fais que suivre ce qui me semble juste…Murmurai-je. Mes parents n’avaient jamais rien fait de mal…Je dois les venger…
-Je vois…tu es en train de me dire que je dois exterminer tous les Espers si un jour un membre de ma famille est tué, même par accident ? C’est ça ta morale ? Ta justice ?! J’appelle ça un caprice d’enfant moi ! »
Je grimaçai. Je n’avais rien à répondre à cela parce que je savais au fond de moi qu’elle avait raison mais je refusais de l’admettre maintenant. J’avais accompli trop de choses pour changer simplement de vision d’un claquement de doigts.
« Enfin bon, j’imagine qu’un monstre ne peut pas comprendre cela ; reprit Kazumi en soupirant.
-Je…Je ne suis pas un monstre…Bégayai-je, autant pour elle que pour moi.
-Vraiment ? Pourtant tu te comportes comme tel et tu leurs ressembles quand tu utilises tes pouvoirs ; objecta la jeune fille en haussant les sourcils.
-Je peux combattre sans mes pouvoirs…Et je peux délivrer la justice en détruisant en priorité des familiers ayant déjà fait des victimes si c’est cela que tu veux…Marmonnai-je en serrant les dents, regrettant déjà d’avoir dit cela.
-Vraiment ? Tu penses qu’avec une simple épée et tes talents de combattantes, tu serais capable de mettre au tapis des légendes comme Dracula ou Slender Man ? Ricana mon ancienne amie qui n’y croyait pas une seconde. Tu arriverais à délivrer une véritable justice au lieu de passer tes nerfs comme une gamine de dix ans sur le premier familier que tu rencontres ?
-T…Tout à fait !
-Très bien, j’attends de voir cela. Montre-moi que, derrière cette fille qui prônait la justice au lycée n’était pas qu’une façade, Yuki ; me lança-t-elle d’une voix de défi.
-Je te prouverai que je suis aussi humaine que toi, Kazumi ! M’exclamai-je en me levant brusquement, déterminée. »
Notre entretien se termina sur ces paroles et, le soir-même, je passai en revue tous les dossiers que je possédais chez moi concernant mes futures missions puis en jetai plus de la moitié à la poubelle, soit parce que je n’étais pas assez forte pour gagner sans pouvoir, soit parce que ces familiers n’étaient pas connus pour avoir causé des problèmes et n’étaient que de simples apparitions tels que le Yéti ou le Dahu.
Ainsi, je me fis une pile de cinq ou six dossiers sur mon bureau concernant les monstres qui méritaient réellement d’être arrêtés.
Cela m’était difficile de l’admettre mais Kazumi avait raison indirectement sur un point. Mes parents n’étaient certainement pas les seules victimes du familier qui avait pris leur vie. Il m’était donc inutile de chercher du côté des simples cryptides qui n’étaient connus que pour avoir été vus et rien d’autres. https://www.youtube.com/watch?v=C8CU46C7gnU C’est ainsi que, quelques mois plus tard, après la fin de ma pause et avoir repris un entrainement intensif d’escrime, j’étais de retour à l’autre bout du monde, cette fois-ci dans l’extrême sud de la Floride, sur une petite île du nom de Key West, afin d’enquêter sur un familier ayant étrangement échappé aux autorités d’ESP pendant plusieurs dizaines d’années, une poupée soi-disant maudite du nom de Robert, entreposée dans le musée local.
Personnellement, je ne croyais que très peu aux histoires de fantômes, du moins, pas aux histoires traditionnelles. Les fantômes existaient, je le savais. Mais pas en tant qu’âme de défunts. Il ne s’agissait souvent que de familiers pouvant se dématérialiser et pour la plupart inoffensifs.
Je n’avais d’ailleurs jamais compris comment les gens pouvaient s’arranger pour se faire tuer par une poupée…Mais bon, j’allais certainement trouver la réponse très bientôt.
Pour l’heure, j’attendais simplement la fermeture du musée dans un café du coin, à l’ombre d’une terrasse, patientant tranquillement en relisant une fois de plus les rapports d’ESP au sujet de cette poupée maudite et sirotant un jus d’oranges pressées de Floride.
Apparemment, ce bout de chiffon avait été offert par un serviteur pratiquant le vaudou à son maitre et depuis, elle avait tenté de tuer plusieurs de ses propriétaires avant d’être enfermée dans ce musée et surveillée en permanence.
Je ne voyais vraiment pas pourquoi tout le monde faisait un foin de ce familier. Ce n’était pas comme si des milliers d’invocateurs avaient raté la conception de leur familier.
Cependant, il y avait tout de même quelque chose de surprenant dans ces rapports car la poupée semblait, non seulement capable de télékinésie mais en plus, ne s’était manifestée qu’à la mort dudit serviteur et était toujours en activité.
Je croisai mes bras sur ma poitrine, sceptique. Normalement, un familier devait disparaitre avec la mort de son invocateur s’il n’était pas transmis à quelqu’un d’autre…Se pouvait-il que ce Robert Eugène Otto, l’homme ayant hérité de la poupée, fût également un invocateur ? Dans ce cas, que penser des attaques étant survenues après sa mort ?
Plus je cherchais et plus j’avais l’impression de m’éloigner de la réponse. Mais après tout, je m’en fichais un peu. J’avais juste à couper cette horreur en deux avec mon épée et le tour serait joué. Le seul point négatif de cette mission était ma tenue…Vraiment peu adaptée à une infiltration : Jupe courte, débardeur blanc, sandales, lunettes de soleil coups de soleils sur tout le corps…
C’était dans ces moments-là que je regrettais d’être seule. Riki, lui, aurait pu me rappeler d’emporter une tenue de rechange…
Alors que le soleil commençait à décliner à l’horizon et embrasait une mer scintillante et projetait son ombre immense sur une plage de sable blanc et fin comme du sel, je vis un homme aux allures louches entrer à l’intérieur du café auquel j’étais.
Il portait évidemment des lunettes de soleil et un chapeau mais également un énorme manteau noir et des gants en cuir…Ce qui, par les trente-cinq degrés à l’ombre, était tout sauf normal.
Je pris tout de même le temps de finir mon jus d’orange puis rentrai à l’intérieur du café pour payer. Cependant, la porte ne s’était même pas refermée entièrement que je sentis un embout métallique contre ma tempe et une voix grave me parvint aux oreilles. https://www.youtube.com/watch?v=yR70cGJ09pM « A terre Jeune fille, ceci est une prise d’otage. »
Je baladai rapidement mon regard à l’intérieur et je vis qu’effectivement, tout le monde, clients, staff et même passants, était roulé en boule sur le sol, les mains derrière la nuque, leurs visages contre le plancher.
L’homme que j’avais vu entrer un peu plus tôt était accompagné à présent de deux complices, certainement déjà présent dans le bar et tous pointaient un révolver dans ma direction.
« Tu es sourde ? Je t’ai dit à terre ! Répéta l’homme à ma gauche en appuyant un peu plus fort. »
Je levai les yeux à l’horloge murale : 16h10. Il ne me restait plus que vingt petites minutes avant la fermeture…Je n’avais vraiment pas le temps de jouer avec ces guignols…
Lâchant un soupir, je retirai ce canon désagréable de mon visage comme on chasse une mouche agaçante et m’adressai à l’homme qui possédait cette arme sans même le regarder.
« Désolée, je suis pressée, j’ai une poupée démoniaque à détruire. »
En entendant ces mots, l’homme au manteau se leva et vint se placer juste devant moi, l’air amusé par ma résistance.
Il devait faire au moins deux têtes de plus que mois et était aussi large qu’une cheminée. Son visage était carré et un grand sourire stupide était dessiné sur ses lèvres…Exactement le genre de type que je détestais…
Cependant, je fus bien obligée de reculer en me bouchant le nez tellement il empestait le vieux cigare.
« Tu as du cran pour une gamine de douze ans ; déclara-t-il avec un fort accent italien.
-J’en ai eu quinze il y a trois semaines ; rétorquai-je, vexée d’être prise pour une gamine.
-Peu importe ton âge. Il nous fallait justement une victime pour montrer aux autorités que nous sommes déterminés et… »
Je soupirai une nouvelle fois et je me contentai de contourner le gros homme sans l’écouter davantage puis déposai mon argent sur le comptoir, ainsi que mon verre, sous les yeux exorbités des trois hommes et de certains clients.
« Mademoiselle…Vous devriez vous partir tant que vous le pouvez et…Commença l’une des serveuses avant que je ne l’interrompe en baillant.
-Ah bah ça, oui, je ne compte pas rester ici. Je n’ai plus que vingt minutes et le musée est à dix minutes de marche.
-Je crois qu’on ne s’est pas très bien compris tous les deux ; reprit l’homme à l’accent italien. Mon nom est Bernito Berlu…
-Peu importe votre nom. Il me fallait justement une cible pour m’échauffer et vous tomber à pic tous les trois.
-Sale petite… » https://www.youtube.com/watch?v=SaeXN-MByjU Une fois de plus, il n’eut pas le temps de terminer sa phrase car l’un de ses acolytes, exaspéré, tira sur moi. La serveuse qui se trouvait à côté de moi poussa un cri de terreur mais je ne bougeai, me perdue dans mes pensées en essayant de trouver comment rentrer dans le musée avec ces idiots qui me bloquaient le passage.
Je ne pouvais quand même pas forcer le passage et ensuite détruire la vitrine, j’allais être repérée bien trop facilement…
Lorsque la balle en fer entra en contact avec ma peau, au lieu de la traverser et de me tuer sur le champ, elle se désintégra purement et simplement sous les yeux exorbités des trois hommes tandis qu’un picotement aussi désagréable qu’une piqure de moustique se propagea le long de mon bras.
Pensant qu’ils m’avaient simplement raté, les hommes se remirent à tirer sur moi jusqu’à vider leurs chargeurs mais, comme la première, toutes les balles se désagrégèrent sans me faire plus de mal que si on me jetait des balles de ping-pong.
Lorsque les terroristes furent à court de munitions, ces derniers commencèrent enfin à paniquer tandis que je me rapprochai d’eux pour sortir de ce café où je n’avais perdu que trop de temps.
Cependant, alors que je n’étais plus qu’à quelques mètres de la porte d’entrée, le chef des attaquants se saisit de l’un des clients du café et braqua une seconde arme contre sa tempe.
« Je ne sais pas qui tu es mais je te préviens, reste en dehors de tout ça ou… »
Sans lui laisser le temps de finir, avec une vitesse surhumaine, je dégainai mon épée et tranchai le canon de l’arme à feu.
« Vous me faites vraiment perdre mon temps, bande de guignol ; lançai-je d’une voix glaciale. »
Je lançai un regard assassin aux deux acolytes qui, comprenant que leurs vies étaient menacées, se rendirent aussitôt tandis que le chef tomba à la renverse, lâchant son otage et c’est à ce moment-là qu’une idée folle me passa par la tête.
Je m’approchai un peu plus de l’homme corpulent avec un sourire digne d’un prédateur ayant repéré une proie puis l’attrapai par le col de sa chemise.
« Que diriez-vous de me rendre un petit service en dédommagement ? Lui demandai-je d’une voix doucereuse.
-Un…Un dédommagement ? Répéta l’homme, pâle comme un linge.
-Vous ferez un très bel otage pour Robert je pense… »
J’entendis le chef des terroristes déglutir de terreur à l’évocation de ce nom. https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE Ainsi, après avoir fermement ligoté les deux autres hommes et les avoir laissés aux bons soins des clients du magasin, je sortis par l’arrière de la boutique avec mon prisonnier alors que les sirènes de police se rapprochaient rapidement et m’arrêtai à quelques pas de ma destination finale, tapie derrière deux arbres.
Je regardai l’heure et, évidemment, il était bien trop tard pour rentrer dans le musée en tant que simple visiteuse…
Musée qui, d’ailleurs, ne donnait vraiment pas envie. Il s’agissait d’une sorte de gros bloc de briques rouges, à la façon d’une prison – ce qu’il devait être, une prison pour le familier de la poupée – et devant, la décoration ne se composait que d’une grosse ancre rouillée et d’une statue de l’attraction principale.
Je me tournai vers l’homme et enlevai son bâillon.
« Vous…Vous allez regretter d’avoir tenu tête à la plus grande famille de…
-Dites, est-ce que vous courez vite ? L’interrompis-je.
-Je ne vous permets pas de…
-Ecoutez-moi bien : vous allez vous introduire à l’intérieur de ce musée et vous allez éteindre toutes les caméras de surveillance, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?
-Pourquoi, moi, Bernito Ber… »
Une fois de plus, je ne le laissai pas terminer et, l’agrippant par le col de sa chemise, je lui fis faire un vol plané de plusieurs mètres. Le gros homme tomba lourdement sur les pavés et commença à m’insulter dans une langue que je ne comprenais pas. Pour toute réponse, je lui lançai un regard noir et il cessa aussitôt ses jurons puis rentra à l’intérieur du musée.
Il ne fallut que quelques secondes avant que des cris ne se fassent entendre et que trois membres du personnel ne s’enfuient en courant. Visiblement, cet homme était plutôt connu dans le coin et tant mieux pour moi.
Une fois que le silence fut revenu, je m’introduisis à mon tour à l’intérieur du musée mais je ne vis personne. Mon prisonnier s’était volatilisé.
Après tout, tant pis s’il avait pris la fuite par une porte arrière. Il avait fait son travail, c’était tout ce qui m’importait.
Je pénétrai donc dans le musée, seule, à la recherche de la poupée maléfique. Au début, j’enchainai les pièces sans grande conviction, n’étant absolument pas intéressée par les pièces exposées ici mais, plus je m’enfonçai dans le musée et plus je sentais que je n’étais pas seule.
Par prudence, j’activai la protection du médaillon de ma mère et matérialisai mon épée, juste au cas où.
Finalement, un panneau immense m’indiqua que j’allais enfin m’engouffrer dans la pièce consacrée à Robert. https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8 Je poussai la porte qui était légèrement entrouverte. Dès que j’eus posé un pied à l’intérieur, je ne pus m’empêcher de grimacer. Au sol, une énorme marre de sang recouvrait la pierre blanche tandis que le présentoir où aurait dû être enfermé la poupée…avait été ouvert et la vitre brisée.
Je soupirai en découvrant le corps sans vie du terroriste à quelques mètres de là. Son ventre était déchiqueté, ses yeux crevés et un trou béant se logeait à la place de son cœur.
Ce n’était vraiment pas beau à voir. Même moi, je ne m’amusais pas à jouer de la sorte avec les cadavres de mes ennemis.
Au moins, cela prouvait qu’il existait plus monstrueux que moi dans ce monde et que les familiers étaient de réels dangers…
Je pris une seconde pour observer les environs. Hormis le présentoir, la pièce était entièrement vide et aucune trace de la poupée. La seule issue possible était une autre pièce du musée, certainement la dernière et un cul de sac également.
Je ne savais pas à quoi jouait ce familier mais il ne me semblait pas être spécialement intelligent pour un rang A. Sans possibilité de fuite, il était à ma merci. https://www.youtube.com/watch?v=6VtewUF9yJU Lorsque j’entrai dans la dernière sale du musée, il faisait entièrement noir. Pas une fenêtre, pas une lampe, pas une veilleuse, aucune lumière. Il y faisait froid également, très froid en comparaison avec les trente degrés de l’extérieur, comme si quelqu’un avait réglé la climatisation sur le mode Sibérie.
Prudemment, je fis quelques pas à l’intérieur et ceux-ci résonnèrent longuement, comme si cette pièce était immense, spacieuse…Et vide…
Soudain, la porte d’entrée se referma violement derrière moi et un bruit de clés tournant dans une serrure se fit entendre, rapidement suivit de petits bruits de pas tout autour de moi, ainsi que des grattements contre les murs, comme si un prisonnier essayait de s’échapper de sa cellule.
« Qu’est-ce que c’est encore que cette attraction pour touristes…Grommelai-je. »
Commençant à en avoir assez, je créai une petite sphère d’énergie au creux de ma main, faisant office de bougie suffisamment puissante pour éclairer la pièce qui, finalement n’était pas si grande que ça…
En réalité, elle était même minuscule, à peine plus grande qu’une cellule de prison. Et évidemment, toujours aucune trace de la poupée.
Les grattements se rapprochaient lentement de moi mais j’avais beau regarder, j’étais seule ici, et il n’y avait aucun mobilier où l’on aurait pu se cacher.
Je fronçai les sourcils et me mis à réfléchir un instant. Si j’avais réellement à faire à une poupée maléfique, alors cette pièce devait être bourrée de pièges mortels, comme dans les films.
Voulant m’en assurer, je fis un pas et un déclic se fit entendre au loin. J’activai mes pouvoirs comme un bouclier, juste à temps pour me protéger d’une hache sortant directement d’un mur et assez aiguisée pour trancher n’importe quelle armure.
Prudemment, je fis un autre pas et cette fois-ci des piques tentèrent de jaillir du sol mais se désagrégèrent au contact de mon bouclier.
Finalement, ce familier n’était pas aussi stupide qu’il ne le laissait croire. N’importe qui, y compris certains Esper, serait déjà mort face à ces pièges. Je comprenais mieux pourquoi personne n’avait jamais tenté d’affronter cette poupée depuis sa capture qui avait certainement dû la rendre très agressive…
Ainsi, j’avançai au milieu de ces pièges, protégée par mon bouclier et finis par arriver au mur d’en face. Il n’y avait aucune issue possible dans cette pièce et pourtant, elle semblait immense et Robert ne s’y trouvait pas…
Il n’y avait pas des dizaines d’explications possibles. Soit ce monstre était invisible, ce dont je doutais fort, soit…J’étais trompée par une illusion.
Partant plutôt sur la deuxième option, je touchai le mur du bout de mes doigts et ceux-ci passèrent à travers comme s’il n’y avait rien.
Je souris et traversai le mur illusoire pour me retrouver enfin dans la véritable dernière salle de ce musée des horreurs. https://www.youtube.com/watch?v=Fl0c9wApUeg&t Elle était là, devant moi, sagement assise sur une chaise, dans un uniforme entièrement blanc comme celui porté par les enfants dans le temps, une paire de chaussure rouge et un bonnet trop grand pour lui. Dans ses bras, la poupée tenait une sorte de petit chiot en peluche d’un côté, et le cœur encore dégoulinant de sang de sa victime…
Robert devait mesurer près d’un mètre, et son visage avait été à moitié effacé par les années. Seuls deux boutons en guise d’yeux lui restaient et me fixaient.
Le reste de la pièce était la reconstitution fidèle de ce qu’avait dû être la chambre de Robert dans sa première demeure : quatre murs sans fenêtre, un lit dur, quelques jouets, une commode, un cheval à bascule, un tapis, et rien d’autre.
Je m’arrêtai et lançai un regard de mépris à ce familier bien moins impressionnant que tous ceux que j’avais pu combattre jusque-là.
« Tu es venu nous tuer, n’est-ce pas ? Déclara soudain le familier par télépathie, d’une voix à la fois adulte et enfantine.
-Tu as bonne intuition, vieux bout de chiffon ; raillai-je.
-Pourquoi ? Pourquoi veux-tu nous tuer ? Nous voulons simplement vivre en paix ; continua la voix double.
-Comment un familier peut-il encore être en vie plusieurs années après la mort de son invocateur ? Enchainai-je, en ignorant sa question.
-Nous ne sommes plus un familier. Nous sommes Robert. Nous avons notre propre conscience. Nous sommes vivants.
-Soit, vous n’êtes pas un familier, vous êtes juste totalement schizo… Cependant…»
A ce moment-là, je perdis mon attitude décontracté et bandai tous les muscles de mon corps pour me mettre en position de combat. https://www.youtube.com/watch?v=Y8sQu1N406c « Je suis Fuyuku Yuki. Ma mission est de t’éliminer, toi, le familier se faisant passer pour un fantôme et ayant déjà fait bien trop parler de toi pour un morceau de chiffon. »
Sans autre sommation, je me jetai sur la poupée, bien décidée à l’embrocher de la pointe de ma lame. Le familier brilla faiblement et du plafond sorti un immense pendulier suffisamment aiguisé pour trancher même la pierre du sol. Cependant, je ne ralentis pas et réactivai mon bouclier qui ne fit qu’une bouchée de l’arme d’acier.
Le bras du bout de chiffon se leva légèrement et soudain la pierre du sol se fissura. Un torrent de lave en jailli et déferla sur moi mais je n’en tins pas compte et passai au travers comme s’il ne s’agissait que d’une simple vaguelette.
Devant ma persévérance, le familier leva son autre bras et je sentis comme des griffes se heurter à mes pouvoirs. Comme je le pensais, une partie du corps de ce monstre était invisible mais je n’en avais que faire. Il me suffit d’augmenter un peu le niveau de mon bouclier pour repousser l’attaque de ce monstre.
J’avais peut-être promis à Kazumi de ne pas me servir de mes pouvoirs pour détruire les familiers mais rien ne m’empêchait de les utiliser de manière défensive.
Enfin, lorsque je ne fus plus qu’à quelques centimètres de la créature, d’un coup du tranchant de ma lame, je décapitai la poupée maudite.
Celle-ci perdit immédiatement de son éclat et tomba au sol, comme le vulgaire jouet qu’elle était. Mais j’étais loin d’être au bout de ma peine et je le savais. Ce combat était trop simple. Même sans mes pouvoirs j’aurais pu me débrouiller en étant excessivement prudente.
J’avais raison de me méfier car, de la tête coupée de la poupée s’éleva une épaisse fumée noire. Ne sachant pas à quelle sorte d’ennemi j’avais réellement à faire, je reculai d’un pas, toujours sur mes gardes.
Dans un crissement infernal, la masse informe se précipita vers le cheval à bascule et pénétra à l’intérieur du jouet pour enfant. Celui-ci ne tarda pas à se métamorphoser, passant de l’innocent jouet en bois à un effrayant cheval aux dents pointues et aux pattes dotées de griffes acérées.
Le cheval démoniaque se jeta sur moi et tenta de m’asséner un coup de patte au visage mais mon bouclier était toujours actif. Tout ce qu’il réussit à faire fut de perdre l’un de ses membres.
Je le repoussai donc sans trop de difficulté avant de lui planter l’épée directement dans le cœur.
Une fois de plus, la brume sombre s’échappa du corps du jouet délabré pour se précipiter dans un autre objet, l’armoire qui prit vie sous mes yeux.
Ce spectacle était tellement grotesque que j’avais l’impression de me retrouver dans le cauchemar d’un enfant de quatre ans…
Pendant que le meuble se jetait sur moi, un nouveau déclic se fit dans ma tête. Je venais de comprendre quelle était l’origine de la longévité de ce familier.
Après avoir fracassé le bois de l’armoire d’un coup de pied retourné, la brume sombre refit surface mais je profitai de ce court laps de temps pour détruire tous les objets présents dans cette pièce d’une seule attaque, ne lui laissant aucune cachette possible.
« C’est terminé, Robert. Il est temps de te réveiller, Eugène Otto.
-Eugène n’est plus ! Nous sommes Robert ! Hurla la voix mi enfantine, mi adulte dans mon esprit. »
Alors que je pensais que le familier allait finir par périr sans hôte, comme tous les familiers spectraux, la brume sombre se précipita vers moi et passa à travers les mailles de mon bouclier avant de me rentrer dans le corps par la bouche. https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0 Je tombai immédiatement à genoux et me mit à tousser du sang tandis que je sentais l’esprit s’engouffrer droit vers mon cœur. Je n’arrivais plus à respirer. Tous mes membres étaient paralysés et mes sens devenaient flous.
« Tu ne peux pas nous résister, chasseuse, nous allons prendre ton corps comme nous avons pris celui d’Eugène et nous n’allons faire qu’un ! »
Lentement, je sentais ma main bouger toute seule et pointer mon épée vers mon cœur. Cette saleté devait avoir pris possession de mon système nerveux et je la sentais prendre la direction de mon cerveau désormais…
« Désolée…Kazumi…Je ne vais pas pouvoir tenir ma promesse…Pensai-je.
-Tu te rends face à nous ? Murmura l’entité.
-Cours toujours, monstre. »
Je fermai les yeux et abandonnai le contrôle de mon corps à la créature qui s’y répandit à grande vitesse. Je l’entendais triompher dans mon esprit qui luttait encore pour garder le contrôle pendant que mes jambes, mes bras et ma têtes bougeaient sans que je ne leurs aie donné d’ordre.
« Nous avons pris possession de ton corps, Esper, nous allons maintenant…
-Meurs, familier. »
D’un seul coup, je cédai les dernières parties de mon esprit à la créature qui s’y précipita. Cependant, puisque je n’étais plus aux commandes, les particules d’antimatières me servant encore de bouclier retournèrent immédiatement à l’intérieur de moi et l’infime partie de mon cerveau encore active entendit le monstre hurler à l’intérieur de moi avant de s’en échapper le plus vite possible.
Lorsque je repris le contrôle, tous mes membres étaient déchiquetés par ma propre attaque mais j’étais en vie alors que la chose en face de moi n’était plus qu’un minuscule nuage noir, pas plus grand qu’un rond de fumée de cigarette.
Heureusement pour moi, les dégâts de l’antimatière n’avaient touché aucun point vital et je me régénérai rapidement grâce à cette même antimatière coulant dans mes veines.
Mais le familier se régénérait rapidement aussi et le temps jouait contre moi. Il fallait que j’en finisse en une seule attaque. https://www.youtube.com/watch?v=IngdqLS16DQ Prenant mon épée à deux mains, je concentrai mon énergie dans sa lame. Celle-ci fut entourée d’un halo de lumière noire tandis que mes yeux virèrent au doré.
« Désolée, Kazumi…Mais seul un monstre…Peut vaincre un monstre… »
L’air se mit à tourbillonner autour de moi et la brume sombre fit de son mieux pour rester en un seul morceau, utilisant les parties invisibles de son corps pour se cramponner aux murs.
« Ce…Cette lumière…Cette épée…Ca ne peut pas être ! Rugit l’entité, terrifiée. »
« Anti-Matter Sword…Dark…Excalibur ! »
Un immense rayon de lumière noire s’échappa de la lame de mon épée et fusa droit sur le nuage sombre, traversant les murs et le plafond du musée comme du papier et se perdant au loin dans les cieux. Le familier fut happé dans la lumière et hurla de douleur alors que, lentement, toutes les particules qui composaient son corps de fumée disparaissaient dans la vague d’énergie noire.
Lentement, mon attaque se dissipa et je me retrouvais seule au milieu d’un immense cratère encore fumant. Il ne restait plus rien de la pièce créée par le familier…et plus grand-chose non plus du musée en lui-même… https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I Et pourtant, au milieu de ses ruines, flottant devant moi tel un fantôme, se tenait la silhouette translucide d’un petit garçon brun, aux cheveux coupés courts et aux grands yeux verts, portant les mêmes habits que Robert et tenant la poupée dans ses bras en me souriant.
« Merci, mademoiselle Yuki, de m’avoir délivré de ce long cauchemar ; déclara joyeusement l’enfant.
-Mais, de rien, je ne faisais que remplir ma mission ; répondis-je, gênée.
-Je pensais rester prisonnier pour l’éternité mais vous l’avez fait. Merci pour tout ! Vous êtes une véritable héroïne ! »
Dans une nuée de poussière scintillante, la silhouette du garçon se dissipa lentement et je m’écroulai sur le sol en riant légèrement.
C’était la première fois que quelqu’un me remerciait d’avoir détruit un familier…et ce n’était vraiment pas désagréable.
A ce moment-là, je me rappelai de ces héros qui m’avaient inspirée quand j’étais plus jeune. J’étais comme Robert, prisonnière de la peur de mes pouvoirs mais ces membres d’ESP faisant régner la justice m’avaient sortie de là…Alors j’avais voulu être comme eux et aider les autres.
Kazumi avait raison, j’étais devenue un monstre sans m’en rendre compte…Mais pas à cause de mes pouvoirs, mais à cause de ma haine… Quelques jours plus tard, alors que j’étais de retour au Japon et que j’avais invité Riki pour l’aider à se détendre après ses nouveaux examens, la télévision passa en revue l’arrestation mystérieuse d’une mafia Italienne sévissant aux Etats Unis depuis des années, ainsi que le mystérieux « bombardement » du musée de Key West et la disparition de Robert.
« Alors, Yuki, quel était le fin mot de l’histoire avec cette poupée Hantée ? Un démon ? Un fantôme ?
-Il n’y avait pas de de démon ni de fantôme. Ce n’était qu’un familier ayant été créé pour emprisonner un gamin dans un cauchemar.
-Hein ? Quoi ? J’ai raté quelque chose je crois…Grimaça Riki.
-Le serviteur ayant créé cette poupée lui avait conféré les pouvoirs de faire faire des cauchemars, ainsi que de prendre possession des objets qui l’entouraient. C’est pourquoi l’esprit de Robert Eugène Otto a été copié par le familier. Visiblement, ce serviteur n’y connaissait rien en conception de familiers et a mélangé deux pouvoirs incompatibles. C’est comme ça que « Robert » a survécu aussi longtemps. Il n’était plus un simple familier, il était un enfant enfermé dans un cauchemar éternel. Tant que le véritable Robert était en vie, cela ne devait pas poser de problème mais à sa mort, le familier a dû perdre le peu de raison qu’il possédait…
-Ca fait froid dans le dos quand même ; frissonna mon ami. Mais ça n’explique pas pourquoi il a attaqué tous ces gens…
-J’imagine que, piégé dans son cauchemar, nous étions des sortes de monstres pour lui et qu’il essayait simplement de s’en sortir en détruisant ce qu’il prenait pour des abominations.
-C’est quand même assez triste pour ce pauvre petit en y repensant…Murmura le futur historien en regardant son verre.
-Oui, mais c’est bien pour le sauver qu’il y a des héros non ? » Peu importe ce si j’étais vue comme un monstre. Peu importe si mes pouvoirs effrayaient. Peu importe si Kazumi me détestait pour cela. Mais j’allais continuer à chasser les familiers, autant pour retrouver le meurtrier de mes parents que pour redonner le sourire à des gens terrifiés.
Tel était le devoir d’une héroïne de la just…Non, tel était mon devoir en tant qu’Esper. C’est ainsi que, deux ans durant, j’enchainais les missions de destructions de familiers dangereux comme Robert : Kamaitachi, Cupacabra, et bien d’autre périrent sous la lame de mon épée. Parfois, les habitants des régions étaient effrayés qu’un monstre ait réussi à détruire un monstre les terrifiant déjà, mais la plupart du temps, tous étaient soulagés d’être débarrassés de ces fléaux.
J’avais également quitté les forces spéciales de Savior. Celles-ci ne correspondaient pas à l’idée que je me faisais d’elles et aucun des héros que j’admirais n’en faisait partie. Ce n’était qu’un ramassis de soldats inexpérimentés et tout juste bons à utiliser leurs pouvoirs. La fondation prétendait que nous allions répandre le bien en suivant leurs instructions mais la seule chose que j’avais répandue était l sang. Je ne voulais pas qu’on m’associe davantage à eux.
Plus généralement, je m’étais beaucoup éloignée de la fondation au fil du temps. Je ne croyais plus en leur politique de protection de l’humanité et d’évolution de l’homme grâce à nos pouvoirs et mon seul lien qu’il me restait avec eux était Riki à qui je rendais visite de temps en temps.
C’est pourquoi, je traçais ma propre voie, dénichant moi-même les informations et me rendant sur les lieux par mes propres moyens tout en continuant à percevoir de l’argent via les quelques missions payées que j’effectuais pour le compte de particuliers ou même de certains gouvernements.
Quant à Kazumi, après lui avoir confirmé que je n’allais pas cesser d’utiliser mes pouvoirs si cela me permettait de sauver des vies, elle avait refusé de me voir davantage et restait enfermée dans sa chambre d’hôpital, délirant un peu plus chaque jour selon les médecins…Mais je ne pouvais rien faire d’autre que d’œuvrer auprès des vétérans pour obtenir leur accord afin de faire sortir mon amie de cette situation…
Cependant, plus le temps passait et plus j’avais l’impression que ce familier que je recherchais avec tant d’ardeur avait tout simplement péri durant la guerre, comme bien d’autres…
Mais, un jour, peu de temps avant la rentrée scolaire, alors que je passais en revue tous les nouveaux dossiers de chasse, l’un d’entre eux attira particulièrement mon attention.
Il s’agissait d’une mission assez banale de la banale destruction du familier nommé Lindorm mais la localisation réveilla en moi des souvenirs enfouis depuis longtemps : Viridian, la ville où mes parents s’étaient rencontrés et où nous avions passé énormément de temps ensemble lorsque je n’étais qu’une enfant…Une ville si paisible que je me devais de préserver cette paix si elle était menacée…
Fuyuku Yuki : La renaissance de Yuki
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=5KMzDVf2Bx4J’avais aimé Viridian et même maintenant, cette ville gardait une place particulière dans mon cœur. Elle était pleine de souvenirs que je ne voulais pas oublier, de moments agréables passés avec mes parents. Arriver en voiture au début des vacances d’été, jouer avec les enfants de l’orphelinat désormais fermé et profiter de l’air pur de la montagne et de la mer du Japon, c’était les vacances parfaites pour une enfant.
Si on m’en avait donné l’occasion, je ne serais jamais revenue à Tokyo et j’aurais fini ma vie ici, dans cette bourgade perdue entre mer et montagne, loin de toute l’agitation de la ville et des complots de Savior et ESP…
Je n’avais jamais parlé de cet endroit ni à Riki, ni à Kazumi. C’était mon trésor, mon jardin secret, là où personne ne pouvait venir me déranger et où je me sentais réellement libérée de toutes mes obligations.
Cependant, nous avions arrêté de venir ici peu de temps lorsque mes pouvoirs s’étaient manifestés et après la fermeture de l’orphelinat. J’avais toujours trouvé cet événement étrange. La police disait que la dame qui s’en occupait était tombée malade et que personne n’avait voulu le reprendre mais, pour une fois, je pensais réellement que Savior ou ESP étaient derrière toute cette histoire. Malheureusement, je n’avais jamais eu le temps de poursuivre mes recherches puisque nous ne venions plus…
Voir le nom de cette ville dans les dossiers de la fondation avait réveillé quelque chose en moi. Je ne voulais plus vivre à Tokyo où ESP et Savior se faisaient la guerre. Je ne voulais plus vivre dans cet appartement où j’avais appris la mort de mes parents. Je ne voulais plus passer chaque jour devant une chambre d’hôpital qui ne m’ouvrirait plus ses portes. Je ne voulais plus courir à travers le monde.
Je voulais vivre comme une lycéenne, rire avec mes camarades de classe, me disputer avec eux, intégrer un club, suivre des cours ennuyeux, et angoisser à l’approche d’examens, et ce, je voulais le vivre dans cette ville où mes parents avaient vécu heureux avant moi, loin de tout et des problèmes.
C’est pourquoi, j’avais finalement fais le pas et déchiré ma carte de membre d’ESP puis je m’étais inscrite en tant que Fuyuku Yuki dans le lycée de la ville, laissant derrière moi complots, risques, et aventure l’espace de quelques semaines, voire de quelques mois.
J’étais un peu comme ces héros abandonnant temporairement leur masque pour vivre la vie de monsieur tout le monde somme toute…si je pouvais réellement me considérer comme une héroïne… https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I Je marchai lentement dans les rues de la ville, perdue dans mes pensées, me remémorant chaque bâtiment, chaque commerce, chaque nom de rue que j’avais pu connaitre par le passé.
Peu de choses avaient changé, un peu comme si Viridian avait été piégée dans le temps au cours de ces dix dernières années.
Finalement, j’arrivais devant une petite maison un peu à l’écart du quartier résidentiel et je m’arrêtai. La bâtisse, s’inscrivant parfaitement dans le style traditionnel de la ville, était restée intacte elle aussi. Seules quelques mauvaises herbes avaient poussé sur le chemin autrefois si bien entretenu et les vitres étaient recouvertes d’une épaisse couche de poussière. A part cela, tout était exactement comme le jour où nous l’avions laissée.
Je passai rapidement dans le minuscule jardin entourant notre maison et, avec difficulté, je fis coulisser la porte d’entrée. Celle-ci s’ouvrit en grinçant et la poussière qu’elle souleva me fit tousser longuement.
Mais, une fois la surprise passée, je redécouvris, non sans nostalgie, l’intérieur de cet endroit dans lequel j’avais passé de si bon moments par le passé.
« Je suis rentrée, papa, maman ; déclarai-je dans le vide. »
Seul le bruissement du vent dans les arbres du jardin me répondit tandis que je restai là, figée sur le pas de la porte, comprenant soudainement à quel point j’étais seule désormais. https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw Les jours et les semaines qui suivirent, je m’attelai à remettre tout en état dans ma nouvelle demeure. Faire le ménage, débroussailler le jardin, réparer les fissures dans le bois, acheter de nouveaux appareils ménagers, redécorer l’intérieur, toutes ces choses me prirent tellement de temps que je ne pensai pas une seule seconde aux familiers ni à ma mission.
Je profitai de cette occasion pour aménager à ma façon puisque cette maison m’appartenait dorénavant. Ainsi, je jetai la plupart des meubles ayant mal vieilli et les remplaçai par du neuf tout en conservant précieusement ce qui avait de la valeur aux yeux de mes parents. De plus, à force de voyager, j’avais fini par prendre gout à la mode occidentale et installai des tables hautes, des chaises et plusieurs fauteuils européens.
J’aménageai également un petit autel près de l’entrée, non loin de la fenêtre où mes parents aimaient passer du temps le soir à observer les étoiles en écoutant le bruit des cigales l’été tout en se chamaillant.
Les travaux prirent bien plus de temps que prévu et ainsi, je manquai la rentrée scolaire ainsi que tout le premier mois de cours. Heureusement, en tant qu’élève transférée, je bénéficiais d’un statut spécial me permettant de rentrer, en théorie, n’importe quand dans l’année en fonction de la date de mon supposé déménagement.
Ainsi, la première fois que j’enfilai mon uniforme de lycéenne fut en Mai. Je n’aimais pas particulièrement la couleur, une veste noire au-dessus d’une chemise blanche et d’une jupe rouge, mais je n’allais pas me plaindre pour si peu. https://www.youtube.com/watch?v=83nhbdl00V8 Lorsque je rencontrai mon professeur principal pour la première fois, mon cœur accéléra dans ma poitrine. Je me réalisai que cela faisait maintenant plus de cinq ans que je n’avais pas mis les pieds à l’école et que la dernière fois…je me faisais passer pour une cinglée obsédée par les OVNIS…Peut-être allais-je adopter une autre attitude cette fois-ci pour éviter de reproduire le même incident qu’avec Kazumi…
Le professeur, après une longue série de papiers administratifs à remplir, m’invita à le suivre. Plus je me rapprochais de ma salle de classe et plus mon cœur battait fort. Ces dernières années, je n’avais côtoyé que des Espers, des monstres et des fous…Allais-je réellement être capable de m’intégrer au milieu d’une foule de gens normaux ? Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir.
Lorsque nous rentrâmes dans la salle de classe, des murmures s’élevèrent en me voyant mais je tentai tant bien que mal de cacher ma gêne devant cette trentaine de personne me regardant fixement.
Soudain, alors que je me présentai à la classe, mes instincts de chasseuse s’éveillèrent d’un seul coup. Je parcourus la salle du regard et m’arrêtai sur un garçon au fond de la classe puis fronçai les sourcils. https://www.youtube.com/watch?v=-6GtvPzCZv0 Mes sens ne pouvaient pas se tromper. Il dégageait la même aura que ces monstres que j’avais affrontés au cours de mes explorations. Pourtant, son apparence était totalement humaine : un visage plutôt quelconque, des cheveux coupés plutôt court et tombant en une frange irrégulière sur son œil gauche ainsi qu’une carrure assez peu imposante…
Cependant, je n’avais aucun doute : ce garçon se faisant passer pour un élève était un familier…et donc un potentiel danger au milieu de tous ces innocents.
Voyant que je le fixai, il tressaillit et détourna le regard mais il était trop tard. Toute la journée durant, au lieu d’aller sociabiliser avec mes nouveaux camarades de classe, je suivis de près ce familier pour tenter de déceler les intentions de son invocateur mais aucun de ses gestes ne le trahit.
C’était étrange. Aucun rapport d’ESP ne mentionnait qu’un familier humain existait encore. Le dernier à ma connaissance, ainsi que le plus puissant d’entre eux, avait été tué lors de la guerre contre Savior…Etait-ce parce que ce familier était vraiment faible qu’il n’était même pas répertorié ou bien était-il une nouvelle créature ?
Dans tous les cas, je ne pouvais pas le prendre à la légère…Pas en considérant la puissance du dernier familier humain qui avait à lui seul, exterminé un bataillon entier d’Espers…Et de familiers…
En fin de journée, je crus que ce monstre allait m’échapper après la fin des cours puisque je ne pouvais pas agir au grand jour mais, heureusement pour moi, ce dernier fit tomber ses affaire entre les marches des escaliers et entra dans une pièce isolée, loin de tout regard et de tout témoin. https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8 Je ne pus m’empêcher de sourire en arrivant devant la pièce qui allait être le tombeau de ce familier. Peu importe les intentions de son maitre, il ne devait pas être très malin pour agir aussi imprudemment.
Au bout de dix minutes à l’observer chercher ses affaire, le familier se retourna enfin et sursauta en me voyant, comprenant certainement que sa dernière heure était venue.
Toutefois, alors que je pensais qu’il allait m’attaquer pour se défendre, comme le monstre sauvage qu’il était, celui-ci engagea la conversation, tremblant.
« Salut ! Lança-t-il d’un ton se voulant amical et naturel mais trahissant sa peur. Tu es Fuyuku Yuki n’est-ce pas ? Que fais-tu dans un endroit aussi insolite que celui-ci ? Tu t’es perdue ? »
Je fronçai les sourcils, de plus en plus perplexe. J’étais vraiment tombée sur un cas particulier apparemment…Mais cela n’allait pas m’empêcher de me débarrasser de lui, peu importait son apparence d’étudiant.
« Tu…Tu n’es pas humain, n’est-ce pas ? Rétorquai-je froidement. »
Le monstre humanoïde tressaillit en entendant. J’avais visé juste. Néanmoins, alors que tous les autres invocateurs ou familiers que j’avais démasqués m’avaient attaquée, celui-là restait immobile, cherchant regard un moyen de s’enfuir et cela m’interpella. Quelque chose n’allait vraiment pas avec lui…
« Pas…pas humain ? Qu…Qu’est-ce que tu racontes ? Bafouilla-t-il en tremblant comme une feuille. » https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM Je ne savais pas à quoi il jouait mais je commençai à en avoir assez des formalités. Je sortis sur le champ mon médaillon afin de canaliser mes pouvoirs. Le vent se mit à souffler, les feuilles volantes tourbillonnèrent autour de moi tandis que mon corps absorbait lentement l’énergie de ce lieu pour créer mon antimatière.
Le monstre
« A nous deux, Familier ; murmurai-je.».
Je m’élançai aussitôt sur le familier, visant son visage avec mes poings. Mon champ d’action était vraiment limité à cause de tous ces cartons trainant au sol et les meubles m’empêchaient d’utiliser mon épée sans laisser de traces suspectes. J’étais obligée d’y aller au corps à corps.
Le monstre réussit à esquiver mon coup malgré mes capacités physiques décuplées, ce qui eut le don de m’énerver et je sortis un petit canif de ma poche que je réservais pour les missions de ce genre.
Mon ennemi se saisit d’un pauvre couvercle de poubelle en guise de bouclier et je le tranchai aisément avant de repasser à l’attaque.
Mais je n’avais pas prévu que ce soit-disant élève aux allures de gringalet fût capable de se saisir d’un fauteuil et de me l’envoyer.
Je ne pus esquiver le projectile qui m’écraser pendant que le familier en profita pour prendre la fuite.
C’en était trop. J’étais maintenant réellement hors de moi ! Si tout ce que ce monstre était capable, c’était de me lancer des gros objets, alors j’allais en finir en un seul coup !
Dans un cri de rage, et oubliant où je me trouvai, je matérialisai mon épée et tranchai le meuble qui m’écrasai puis, puisant dans l’énergie de mon médaillon, je sortis de ce sous-sol crasseux en un seul bond, brisant au passage le plafond pour ré atterrir lourdement sur le sol de la cour.
Heureusement, il n’y avait plus personne pour me voir, à l’exception de ce familier qui courait en tapotant frénétiquement sur son téléphone.
Je fis un autre bond et, pendant que j’étais en vol, tirai un rayon d’antimatière directement sur l’écran du monstre qui vola en éclat avant de me poser légèrement sur un muret, juste derrière le familier, terrifié.
C’était terminé…Du moins, je le croyais.
Le garçon, un instant plus tôt tremblant de peur comme une brindille, semblait avoir repris ses esprits et me faisait désormais face, le visage serein, fronçant les sourcils…et entouré d’une puissante aura bleutée. https://www.youtube.com/watch?v=lX-iQi5qudU Je reculai d’un pas, surprise par ce changement radical. Je pouvais le sentir…Le pouvoir de ce familier était bien supérieur à celui de toutes les créatures que j’avais pu affronter jusque-là…
Pour la première fois depuis que j’avais commencé ma chasse, j’avais l’impression que mon adversaire était réellement dangereux…
Le garçon prit une pose typique des sports de combats et je repris mes esprits, bien décidée à ne pas me laisser impressionner.
J’abattis ma lame sur le familier mais, avant même que je n’aie pu l’atteindre, celui-ci avait sauté en arrière pour esquiver aisément cette attaque qui avait toujours touché sa cible par le passé…
Je fronçai les sourcils, déconcertée par sa vélocité. Si ce familier avait pu esquiver ce coup, alors il devait au moins être de rang A, voire bien plus haut…Comment cela se faisait-il qu’il ne fût dans aucun rapport connu à ce jour ?…
Alors que j’étais perdue dans mes pensées, le familier repassa à l’attaque et voulu me frapper dans le dos. A la dernière seconde, je me retournai et réussi à parer son poing de ma lame et il fut obligé de reculer vivement.
A ce moment-là, je me mis vraiment à prendre au sérieux ce combat et à craindre pour ma vie. Ce n’était pas normal. Tout être normalement constitué aurait dû, au moins, perdre sa peau au contact de mon antimatière…Mais lui, rien, pas même une égratignure…
« Qu’est-ce que tu me veux à la fin ? S’exclama-t-il en reprenant son souffle. »
Furieuse qu’un monstre tienne tête à mes pouvoirs, je me jetai sur lui, optant sur les capacités physique de ma lame plus que sur mes pouvoirs afin de le découper en rondelles.
Mais j’avais beau attaquer, aucun de mes coups ne fut à bout portant. Et plus j’échouai et plus ma rage prenait le dessus sur ma réflexion, jusqu’à me faire attaquer au hasard, cherchant simplement à le toucher par n’importe quel moyen.
Tout à coup, le familier fit un bond pour esquiver mon arme et tenta d’atterrir dessus comme dans les films. Néanmoins, cette action me surprit et je n’eus pas la force de maintenir ma prise.
Le garçon perdit l’équilibre et s’écrasa sur le sol, la respiration coupée.
Je profitai de cette occasion pour l’immobiliser avec mon pied et pointai le bout de mon épée sur sa gorge.
Je n’avais aucune idée de qui était ce familier mais je m’en fichais à présent. Il était bien trop puissant pour être laissé en liberté.
« C’est terminé Familier. »
Alors que j’allais le terminer, le garçon se saisit de ma lame entre ses deux mains et arrêta mon attaque sous mes yeux d’incompréhension.
C…Ce n’était pas possible…Personne ne pouvait rester en contact avec de l’antimatière aussi longtemps sans se désintégrer…
« Non, ce n’est pas terminé ; déclara le familier en me repoussant. »
Je bandai tous les muscles de mon corps afin de le faire céder mais il n’y avait rien à faire, ma lame était bel et bien coincée…
Soudain, alors que je ne m’y attendais pas, le familier desserra légèrement sa prise et le métal glissa le long de ses bras sans réussir à atteindre sa gorge. Celui-ci attrapa mon poignet au dernier moment et m’arrêta net dans mes mouvements.
Non…Ce n’était vraiment pas possible…En plus de mes pouvoirs, je possédais le sort de protection du médaillon de ma mère…Et ce monstre ne semblait même pas ressentir la douleur…
J’avais…Peur…Pour la première fois, j’avais réellement peur dans un combat et je sentais que ma vie pouvait m’échapper à tout moment alors que je n’avais même pas vengé mes parents…
« Co…Comment ? Bafouillai-je, interdite.
-Tu l’as dit toi-même, je ne suis pas humain ; répliqua-t-il d’une voix ironique.
-Non…Tu n’es pas humain…mais tu n’es pas non plus un familier ; continuai-je, tremblante.
-Aux dernières nouvelles, j’en suis un…
-Non, tu n’en es pas un, aucun familier ne devrait pouvoir me toucher avec mon sort de protection ! Qu’es-tu réellement ?
-Si seulement…j’avais la réponse moi-même…Murmura-t-il.
Tout à coup, je sentis mes forces s’envoler. C’était comme si mon énergie était drainée par quelque chose. Mes pouvoirs disparurent, mon cœur ralentit et je sombrai dans l’inconscience avant même de comprendre ce qui m’arrivait… https://www.youtube.com/watch?v=Pv4_DTAn03U Lorsque je repris mes esprits, je n’étais plus dans la cour de l’école mais dans un lit assez dur. Tout mon corps me faisait mal, je ne sentais même plus mes jambes et c’était à peine si je pouvais lever mon bras tant j’étais épuisée.
Que s’était-il passé ? Je me souvenais d’avoir affronté ce familier…et puis plus rien, le trou noir…
« Où…où suis-je ? Murmurai-je, sans m’attendre à une réponse.
-A l’infirmerie ; Déclara soudain une voix près de la fenêtre. Tu t’en évanouie après m’avoir attaqué, je t’ai donc amenée ici. »
Lorsque je tournai la tête, mon cœur rata un battement. J’en oubliai aussitôt mon état lamentable et voulus bondir hors de mon lit pour combattre le monstre qui se tenait à quelques pas de moi, mais tout ce que je réussis à faire fut de m’écrouler au sol, incapable de faire un pas.
« Doucement ; continua-t-il sans animosité, tu viens à peine de te remettre, c’est un peu trop tôt pour essayer de me tuer tu ne penses pas ?
-Attends un peu…que je sois rétablie…et tu regretteras d’avoir eu ce ton avec moi…Grimaçai-je, toujours furieuse d’avoir été vaincue. »
Je tentai de frapper le familier mais celui-ci m’esquiva facilement.
« C’est comme ça que tu me remercies ? J’aurais pu te laisser au milieu de la cour, tu aurais eu l’air maligne ; rétorqua-t-il en fronçant les sourcils.
-Je n’ai pas besoin de ton aide, familier, je peux me débrouiller seule ! Crachai-je, refusant de m’abaisser à cela. »
Je rejetai la main tendu par le garçon et voulus me remettre debout pour partir et oublier cette histoire mais c’était inutile, je n’avais vraiment plus aucune force…Mais je ne comprenais pas…Pourquoi ce familier ne m’avait-il pas tué ? Pourquoi ne s’était-il pas enfui en me laissant pour morte au milieu de la cour ? Pourquoi avait-il des réactions si…Humaines ?…
« Franchement, dans quelle situation je me suis mise encore moi ? Soupirai-je en regardant fixement le carrelage de l’infirmerie.
-Tu as besoin d’aide peut-être ?
-Ne t’approche pas de moi, monstre…je peux…je peux me débrouiller seule…
-Tu es têtue, soupira le familier, dans ton état, tu n’iras pas plus loin que la porte de l’infirmerie. Pourquoi refuses-tu mon aide ?
-Tu n’es pas humain, comment pourrais-je te faire confiance ? Rétorquai-je violemment.
-Je ne vois pas quelle différence tu fais entre l’infirmière et moi, excepté mes compétences en médecine peut-être. Je suis peut-être un familier, et alors ? Cela fait-il forcément de moi quelqu’un de mauvais ? »
Je me mordis la lèvre. Je ne devais pas me laisser embobiner par les paroles de ce monstre. Il en avait peut-être l’apparence à l’extérieur…mais il n’était pas humain…Il était un familier, il faisait partie de ceux qui avaient tué mes parents, je ne pouvais pas lui faire confiance…
Alors pourquoi agissait-il avec plus d’humanité que je ne l’avais jamais fait ? Qu’est-ce qui ne tournait pas rond avec moi ?…
Je détournai le regard, refusant de voir ce monstre comme un être humain. Ce n’était forcément qu’une apparence, une coquille vide, une illusion créée par les ordres de son maitre afin qu’il se fonde dans la masse, il n’y avait pas d’autre explication possible.
Cependant, même en essayant de me persuader de cela, je me sentis obligée de lui répondre, comme à une véritable personne se posant la question.
« Un familier n’est pas mauvais en lui-même, mais on ne peut pas lui faire confiance, il n’a aucune volonté propre une fois que son maitre lui a donné un ordre, un peu comme un chien à qui on ordonnerait d’attaquer un intrus, c’est ainsi, on ne peut rien y faire…
-Pas de chance pour toi, mais je n’ai pas de maitre ! Je suis Hikaru Hinata, premier familier libre ; Rétorqua-t-il fièrement en bombant le torse. »
Je faillis m’étrangler en entendant cela.
« Qu’est-ce que tu me chantes là ? C’est impossible, un familier a besoin soit d’une source d’énergie, soit d’un maître pour maintenir sa présence dans ce monde, et dans les deux cas, il n’agit pas de lui-même !
-Je crois bien que je suis l’exception qui confirme la règle ; rit-il légèrement. »
J’étais tellement interloquée par sa déclaration que je ne trouvai rien d’autre à faire que de le fixer bêtement. Et c’est alors que l’article que j’avais trouvé lors de cette fameuse infiltration avec Kazumi me revint en mémoire et je ne pus m’empêcher de sourire bêtement.
« Un familier libre tu dis ? Cela semble tellement fou ; dis-je d’une voix presque inaudible.
-Je suis pourtant devant toi, cela ne suffit-il pas à te convaincre ?
-Et qui me dit que ce n’est pas ton maître qui te demande de dire ça pour m’embobiner pour mieux m’attaquer quand j’aurais le dos tourné ? Ripostai-je, toujours sceptique.
-En effet, cela pourrait être vrai, et je ne peux pas te prouver le contraire. Mais je peux te jurer que ce que je viens de te dire est la stricte vérité. S’il te plait, crois-moi ! »
Le familier s’inclina alors devant moi, l’air réellement sincère et je me sentis gênée par autant de formalités…
« Tu…tu n’as pas besoin d’être aussi solennel, je te crois ; bégayai-je, déconcertée.
-Vraiment ? Me demanda-t-il avec espoir.
-Non, mais j’aimerais y croire…Terminai-je, nostalgique. »
Savior…Pouvaient-ils avoir finalement réussi leurs expériences ? Avaient-ils dépassé cette barrière emprisonnant les familiers afin d’en faire des créatures vivantes à part entière ? Se pouvait-il qu’ils aient enfin décidé d’œuvrer pour la paix ?
Je passai mon regard par la fenêtre, perdue dans mes pensées, toute ma colère ayant soudainement disparue pour laisser place à un infime espoir. Si ce familier disait vrai, cela signifiait que peut-être, pour la première fois de ma vie, je pouvais considérer une de ces créatures autrement que comme une machine à tuer et une simple arme pour son invocateur…
« J’aimerais y croire, c’est pourquoi, je vais te faire confiance, familier. Montre -moi que ce monde n’est pas fait de noir et de blanc, donne-moi l’espoir que tous les familiers ne sont pas du mauvais côté.
-Cela veut-il dire que tu ne vas pas essayer de me tuer à nouveau ? Me demanda-t-il avec soulagement. »
Je ne pus m’empêcher de rire légèrement en entendant cela. Décidemment, ses réactions étaient, en plus d’être humaines, bien naïves et innocentes, exactement comme celles de n’importe quel lycéen.
« Pour l’instant, je vais garder un œil sur toi, au cas où tu me raconterais des histoires. Mais tant que tu ne représentes pas une menace potentielle, je ne brandirai plus mon épée contre toi.
-Je suis heureux de l’entendre ! Et maintenant, acceptes-tu enfin mon aide, à moins que tu ne comptes passer la nuit sur le sol de l’infirmerie. » https://www.youtube.com/watch?v=ajiyhH68Hm0 Me rendant compte que j’étais toujours allongée sur le sol, je ne pus m’empêcher de rougir de honte et le familier me tendit une main chaleureuse pour m’aider à me relever, main que je pris sans arrière-pensée.
Pendant qu’il m’aidait à traverser la cour, j’en profitai pour l’examiner de plus près. A part ses yeux rouges, tout était humain chez lui : son corps, ses réactions, ses émotions, il était exactement le lycéen typique…mais c’était un familier.
Ses paroles et ses actes étaient plus humaines et remplies de plus d’humanité que celles de nombreux Espers et invocateurs…mais c’était un familier.
Il montrait plus de gentillesse et de compassion pour une totale inconnue ayant essayé de le tuer que je n’en avais jamais montré pour Kazumi ou Riki…Mais il était un familier.
Il était certainement bien plus humain que moi sur tous les plans…Mais il restait un familier… Lorsque nous arrivâmes à la grille, mes forces semblaient être finalement revenues. Je le lâchai et fis quelque pas avant de me retourner vers lui, souriant bêtement à l’idée d’avoir été aidée par l’un de ceux que j’avais toujours pourchassés sans relâche.
« -Je crois que ça ira à partir de maintenant, merci…euh…
-Hinata, Hikaru Hinata.
-Oui, c’est ça, merci Hikaru… Même si en fait, je ne sais pas si je devrais vraiment te remercier puisque c’est toi qui m’a mise dans cet état là…Murmurai-je en gonflant les joues, me rendant compte que c’était vraiment de sa faute.
-Ah, mais je n’ai pas demandé à ce que tu m’attaques aussi ! Rétorqua-t-il en montrant les grosses entailles dans son uniforme.
Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Je ne pouvais pas le nier…ce familier était humain, peu importe de quelle façon je le regardais.
Je le saluai rapidement et commençai à m’éloigner lentement, riant encore intérieurement de l’ironie du destin.
« Attends un peu toi, et mon portable alors ! Je l’ai payé une fortune ! Me cria-t-il soudain au loin. »
Je m’arrêtai et, l’espace d’un instant, la petite collégienne innocente et moqueuse que j’étais par le passé reprit le dessus.
« Ah oui, je suis désolée pour ça, j’espère que tu ne m’en veux pas ! »
Puis je repris le chemin de la maison, me sentant légère, comme libérée d’un poids qui me pesait sur le cœur depuis cinq ans. https://www.youtube.com/watch?v=Tqf6CTvQMI8 Les jours qui suivirent, je ne lâchai pas ce soit disant familier libre d’une semelle, d’abord pour m’assurer qu’il n’était réellement pas une menace, puis j’en vins rapidement à oublier ce détail, finissant par le considérer comme un simple camarade de classe. J’aimais néanmoins le taquiner ou l’énerver, ne cessant de m’amuser de voir à quel point ses réactions étaient bien plus humaines que celles de n’importe qui.
Même si le courant ne passait pas toujours très bien entre nous…voire même pas du tout, et que j’avais l’impression qu’il faisait tout pour m’énerver parfois, j’aimais bien passer du temps avec lui et ses deux autres amis, Sora Daichi, un bon boulet bien collant, ainsi que Hoshino Miki, une fille encore plus insupportable que moi quand elle s’y mettait.
Je n’oubliais toutefois pas ma mission et le Lindorm rôdant dans les environs, c’est pourquoi, je décidai de monter un club de résolution de mystères comme couverture avec Hinata. Celui-ci insista pour que son boulet l’intègre également, ce qui ne me plaisait pas plus que cela, me souvenant de l’erreur que j’avais commise avec Kazumi mais je me disais que je n’étais plus une débutante désormais et je finis par accepter.
Quant à Miki sur qui j’avais des soupçons, elle révéla rapidement sa nature d’invocatrice et pourtant, une fois de plus, je fus incapable de ressentir de la haine ou de la colère contre la jeune fille. J’acceptai son ancienne appartenance à Savior, et même sa parenté avec l’homme qui avait participé au vol de la raison de Kazumi comme un fait…Et puis, elle était dans la même situation que moi en quelque sorte.
La folie meurtrière dont j’avais fait preuve en chassant frénétiquement les familiers ne semblait être désormais plus qu’un lointain souvenir…
Les jours passèrent sans se ressembler, puis les semaines et même après avoir retrouvé le Lindorm, je continuai à vivre ma vie de lycéenne en compagnie d’Hinata, le familier, Miki l’invocatrice et Daichi, le garçon normal.
Notre groupe comportait tous les éléments qui, autrefois m’avaient fait tant de mal mais qui désormais faisaient partie de mon quotidien.
Finalement, Hinata était devenu en quelque sorte mon nouveau partenaire d’exploration, celui qui m’accompagnait dans mes aventures stupides et dangereuses, ce que ni Kazumi, ni Riki n’avaient supportés par le passé.
C’est pourquoi, je décidai de ne pas rentrer à Tokyo même après la fin de ma mission. Ici, je pouvais enfin vivre la vie que j’avais toujours rêvé de vivre : présidente d’un club, lycéenne, loin des complots, vue comme une humaine y compris par ceux qui connaissaient mes pouvoirs…Enfin, en partie du moins. Même si je m’étais confié au monstre quant à mon passé, je redoutais toujours d’être crainte par lui, Miki ou même Daichi. C’est pourquoi, je n’insistai jamais et essayai de m’en servir le moins possible.
Cependant, de nombreuses questions me taraudaient au sujet d’Hinata, questions auxquelles lui-même n’avait pas de réponse : comment faisait-il pour résister à l’antimatière ? Quel était son rôle dans le projet de familier libre du professeur ? Quelle était son affiliation avec Savior ? Comment était-il devenu familier ?
Lorsque Sasaki Ryuga réapparut, je pensais pouvoir enfin comprendre qui il était réellement mais cela ne fit qu’amplifier le mystère qui planait autour de ce « roi » des familiers.
Cependant, lorsque Miki se fit enlever par son père, je repris conscience que tout ce que je faisais était loin d’être un simple jeu de piste et je fus obligée de réactiver mes pouvoirs à leur pleine puissance pour la première fois depuis mon retour à Viridian. https://www.youtube.com/watch?v=HVPZ-KZNlrQ « Hinata…Daichi…Eloignez-vous s’il vous plait ; demandai-je aux garçons en gardant mon sang froid. »
Ceux-ci, prudent, s’exécutèrent tandis que je pris mon épée à deux main. Une sinistre aura noire et dorée entoura tout mon corps tandis que la lame de mon épée noircit.
Le monstre à tentacules, ne se souvenant certainement pas que j’avais causé la destruction du bureau principal de Savior, repassa à l’attaque. D’un geste ample, je tranchai son membre qui se désintégra sur le champ.
« Co…Comment ? Hurla le père de Miki, fou de rage. »
Lentement, je levai mon arme au-dessus de ma tête et fermai les yeux. Le monstre repassa plusieurs fois à l’attaque mais, à peine entrait-il en contact avec mon bouclier d’antimatière que ses membres se désagrégeaient sans pouvoir repousser.
C’était étrange…ce sentiment que je ressentais au fond de moi…Cette fois-ci, je n’utilisai pas mes pouvoirs en tant que chasseuse, mais bien en tant que protectrice. Je ne m’en servais pas pour détruire et me venger mais pour préserver quelque chose que je chérissais plus que tout…Je ne recourais pas à eux comme un monstre aveuglé par la rage, mais comme cette justicière que j’avais toujours rêvée d’être.
« Je ne comptais pas me servir de mon pouvoir une nouvelle fois…Mais il n’y a aucun autre moyen…Murmurai-je tandis que le vent tourbillonnai autour de moi.
-C’est une feinte ! Je ne peux pas perdre ce combat ! Hurla Slender Man, redoublant de violence dans ses attaques.
-Anti-Mater Sword…Dark Excalibur !! »
Un rayon de lumière noire fusa s’échappa de mon épée et fusa droit sur le familier qui disparut en une fraction de seconde en hurlant de douleur, ne laissant rien de son passage, pas même des cendres.
Cependant, cela faisait une éternité que je ne m’avais pas libéré toute ma puissance et mon manque d’entrainement se fit aussitôt ressentir.
Vidée de mes forces, le monde se mit à tourner autour de moi, ma vision se brouillai et mes jambes cédèrent sous mon poids. Je lâchai mon arme et tombai à terre, rattrapée de justesse par Daichi.
« F…Fuyuku…Balbutia Hinata. Qu’est-ce que c’était que…
-Mon…Mon joker…On va dire…Articulai-je.
-Mais alors, ton pouvoir…ce n’est pas cette épée…
-Bien vu…Le monstre…Je peux créer…De l’antimatière… »
Je n’ajoutai rien et me laissai happer par le sommeil de l’inconscience.
Fuyuku Yuki, Epilogue
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=n01q7X16uzs Un jour, je me suis posé cette question : que signifie réellement « être humain », et j’ai réalisé que j’étais tout, sauf humaine.
J’ai exposé ma meilleure amie au danger, je l’ai faite pleurer, je lui ai tout pris sans jamais rien lui rendre et j’ai même fini par l’abandonner à son sort pour accomplir une vengeance peut être vide de sens.
Et pourtant, je continuai à chasser ceux que j’appelais « monstres » sans même me rendre compte que j’étais désormais l’une des leur…Non, que j’étais bien pire qu’eux. Moi qui possédais les capacités de réfléchir à mes actions, je n’en faisais rien et agissais, non pas comme une héroïne de la justice, mais comme une simple tueuse à gages, ne vivant que pour exterminer ces monstres qui avaient pris la vie de mes parents…
Cette pensée était la dernière émotion humaine qu’il me restait.
Cependant, alors que je pensais avoir atteint le point de non-retour et avoir renoncé à mon humanité, je me rendis compte de ce que j’étais devenue rencontrant mon exact opposé, mon image en négatif.
Si j’étais l’antimatière, alors Hinata était la matière. Je détruisais les liens avec mes amis et lui les construisait. Je faisais partie d’ESP et lui de Savior. J’étais devenue un monstre dans mon cœur tout en conservant mon apparence humaine…et lui était un monstre au cœur d’humain.
Je voulais le comprendre…Apprendre à le connaitre, l’aider à se souvenir de qui il était. Je voulais qu’il devienne ce héros de la justice que j’avais échoué à être. Je voulais qu’il me montre à quel point j’étais dans l’erreur et tue définitivement le monstre qui avait pris racine en moi. Je voulais…redevenir humaine grâce à lui…Mais j’étais bien trop fière pour le lui avouer… https://www.youtube.com/watch?v=FTWusN3Q1qw Lorsque j’ouvris les yeux, je me retrouvais dans un lit moelleux et tiède, sous deux couvertures qui me maintenaient au chaud. Mon corps souffrait encore de mon combat contre le père de Miki et en portait toujours les traces…Encore des marques qui allaient être difficiles à faire partir, soupirai-je intérieurement.
Je tournai légèrement la tête vers l’origine d’une douce brise me caressant doucement le visage. Non loin du lit, un faible rayon de lumière passait à travers une fenêtre entrouverte éclairant faiblement le visage endormi d’Hinata, assoupi sur son bureau à quelques mètres de moi.
Il n’y avait pas à dire…J’avais beau le lui répéter en boucle, j’étais désormais incapable de le voir comme un monstre.
Après un rapide coup d’œil, je compris que je me trouvais dans sa chambre, au dortoir.
Je bougeai légèrement pour m’asseoir sans faire de bruit mais le bruissement des couvertures fut suffisant pour réveiller le jeune garçon. Celui-ci entrouvrit timidement un œil et me sourit en me voyant.
« Bonjour Fuyuku. Bien dormi ? Me demanda-t-il d’une voix tendre.
-As-tu vraiment besoin de poser la question ? Raillai-je en montrant les blessures infligées par le Slender Man sur mes bras.
-Question stupide j’imagine, oui ; rit-il légèrement. »
Je détournai le regard, gênée par sa sympathie puis je repensai soudain à ma dernière action avant de sombrer dans l’inconscience et baissai les yeux, craignant la réaction de mon ami.
« Dis…Hinata…Pour ce qu’il s’est passé sur la montagne avec Slender Man…
-L’antimatière…hein ? S’amusa-t-il en se relevant lentement.
-Toi aussi tu vas me dire que c’est un pouvoir de méchant et que je suis dangereuse ? Murmurai-je avec un sourire triste.
-Ca, je ne vais pas dire le contraire ; lança-t-il en haussant les épaules. »
Alors que je soupirai déjà, pensant qu’il me prenait lui aussi pour un monstre, mon ami reprit la parole.
« Mais c’est un beau pouvoir ; termina le monstre d’une voix confiante.
-Un beau pouvoir ? Celui de détruire tout et n’importe quoi ? M’étranglai-je, interdite. Il n’y a rien de beau dans la destruction !
-Tu maitrises une énergie que même les plus grands savants de ce monde ne comprennent pas, qui sait tout ce que tu peux faire avec ! Continua-t-il, émerveillé.
-C’est vrai mais…
-Si les gens te prenaient pour un monstre à cause de cela, alors ils n’en avaient jamais vu un. Demande à Daichi ou Miki, ils seront d’accord avec moi. »
Au même moment, la porte de la chambre s’ouvrit avec fracas et laissa rentrer Miki qui se précipita sur moi pour m’enlacer, tandis que Daichi la suivait, légèrement déconcerté.
« Yuki, tu es vivante ! Ne me refais plus jamais ça tu m’entends ! Sanglota la blonde.
-Et toi alors…quelle idée de te faire enlever par ton père…Murmurai-je en lui rendant son étreinte. »
A côté de moi, Daichi se dandinait d’une jambe sur l’autre, pensant visiblement qu’il n’était pas à sa place ici…alors que c’était sa chambre également…
« Je…Je ne sais pas trop comment dire…Mais Miki m’a tout expliqué…désolé de m’être mêlé de ce qui ne me regardait pas…S’excusa le blondinet en se grattant la joue.
-Tu…Tu n’as pas à t’excuser, nous sommes aussi fautifs pour ne pas t’avoir parlé de tout ça avant ; bégayai-je, ne sachant pas comment réagir non plus.
-Du coup…si vous ne voulez plus de moi dans le club, je comprendrai très bien et je saurai tenir ma langue…Je sais que tu n’avais pas très envie de m’avoir dans vos pattes de toute façon…
-Puisque tu es au courant maintenant, à toi de voir si tu veux continuer à risquer ta vie ; lui répondis-je en haussant les épaules. Je ne voulais juste pas t’exposer au danger comme je l’avais fait par le passé.
-Et dis, Fuyuku ; nous interrompit Miki. Mon père m’avait parlé d’une Esper aux pouvoirs hallucinants il y a quatre ans…C’était toi, n’est-ce pas ?
-O…Oui…Pourquoi ?
-Mais c’est génial ! S’exclama la jeune fille, des étoiles dans les yeux. Tu as remis à sa place ce prétentieux d’Iskandar ! Depuis le temps que j’attendais ça, tu es mon héroïne, vraiment !
-C’est ironique de penser que ce même jour, je me suis faite traiter de monstre…Grimaçai-je, mi amusée, mi contrariée.
-De monstre ? Sérieusement ? Répéta la blonde en écarquillant les yeux. Comment on pourrait te traiter de monstre alors que tu m’as sauvée ? C’est ridicule !
-C…C’est ridicule…Oui…Me forçai-je à rire.
-Ca fait plus super vilain de Comics que monstre si tu veux mon av… »
Daichi n’eut pas le temps de terminer sa phrase car Hinata écrasa violemment son pied et le blondinet se mit à sautiller sur place en jurant.
« Qu’est-ce qu’il y a encore Hinata ? C’était en quel honneur ça ? Gémit-il.
-Je vais te montrer qui est le vrai vilain de Comics, moi si tu n’apprends pas à tenir ta langue ; riposta Hinata, ses yeux lançant des éclairs au pauvre garçon dans l’incompréhension. »
Je ne pus m’empêcher de pouffer devant cette scène ridicule et banale du quotidien et tous les regards se tournèrent vers moi.
« Bon, sinon Fuyuku, tu n’as pas quelque chose à dire en tant que présidente du club ? Reprit le monstre en se raclant la gorge. »
J’hésitai un instant mais je me résolus bien vite en voyant les trois regards de mes amis braqués sur moi et me dévisageant, attendant que je prenne la parole. Ainsi, ne voulant pas paraitre pitoyable et faible devant eux, je me levai du lit et fit quelques pas dans la chambre avant de me retourner vers eux d’un air déterminé.
« Nous avons échoué à prouver l’existence de ce Ropen, c’est pourquoi, demain, je vous attends tous en salle pour une nouvelle réunion stratégique ! Soyez à l’heure !
-Hein ? Quoi ? Mais ce n’était pas du tout ce que tu étais censé dire ! Riposta Hinata en se prenant le visage dans les mains, désespéré.
-Ah, vraiment ? Tu t’attendais à quoi ? Lui demandai-je en penchant légèrement la tête sur le côté.
-J’imagine…qu’il attendait un « mission accomplie » ; Hasarda Miki en riant. » https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I Tout le monde éclata de rire, sauf moi qui me mis à bouder dans mon coin et nous passâmes le reste de la soirée à discuter de Savior et Esp pour apprendre les bases à notre boulet de club.
C’était étrange…ce sentiments que je ressentais à ce moment-là. C’était comme si…je revivais mon passé tel que j’aurais voulu qu’il fût ce jour où tout avait basculé.
J’aurais voulu que mes pouvoirs nous sauvent de ce phénix…et ils nous avaient sauvés de Slender Man. J’aurais voulu que Kazumi m’accepte telle que j’étais…Et Daichi l’avait fait. J’aurais voulu trouver des alliés dans Savior et comprendre leur façon de penser…et Miki et Hinata y parvenaient.
Cependant, mon passé continuait à me hanter et je craignais que ce présent idyllique ne bascule à son tour en un futur cauchemardesque…Daichi n’avait vu qu’un seul familier pour le moment mais rien ne m’assurait qu’il n’allait pas sombrer comme Kazumi au fur et à mesure des expéditions…Il fallait que je réfléchisse à son cas plus tard.
Les heures défilèrent sans que nous nous en rendions compte et rapidement, la nuit tomba. Alors que Daichi raccompagnait Miki chez elle et qu’Hinata allait faire de même, je le retins par la manche avant qu’il ne sorte de la chambre.
« Un problème Fuyuku ? S’étonna-t-il.
-Oui, déjà, arrête de m’appeler comme ça. Appelle-moi Yuki, comme tout le monde, je voulais te le dire depuis un bout de temps déjà. Et deuxièmement, j’ai une question d’ordre philosophique pour toi le monstre.
-Ca ne peut pas attendre ? Dit-il en fronçant les sourcils.
-Réponds sincèrement, Hinata : Pour toi, je suis quoi ? Une humaine aux pouvoirs de monstres, ou un monstre aux apparences humaines ? »
Le garçon me dévisagea un instant, comme si j’étais devenue folle mais je ne reculai pas et je soutins son regard.
« Qu’est-ce tu veux que je te réponde exactement ? Tu es toi et…
-N’esquive pas la question. Dis-moi, quelle est ta définition de l’être humain et si je rentre dedans. »
Mon ami, comprenant qu’il ne s’en tirerait pas si facilement, croisa les bras sur son torse et réfléchit quelques secondes avant de me répondre.
« Je n’ai aucun souvenir de ma vie humaine et je suis un familier, donc ma réponse sera surement faussée…mais d’après ce que j’ai pu voir autour de moi, un être humain est celui qui est capable de se demander s’il en est toujours un.
-Que veux-tu dire ?
-La nature humaine est faite de telle sorte à ce que l’on se pose des questions…C’est ce que m’a dit le professeur lorsque je lui ai demandé qui j’étais réellement…Et on ne trouve malheureusement pas toujours, voire jamais de réponse. C’est pourquoi, je pense que, tant que l’on continue à se questionner, on est humain. Mais ceux qui affirment être dans le vrai sans se remettre en cause ne font pas mieux que les animaux suivant leur instinct…Enfin, c’est ce que je pense… »
Il y eu un moment de silence après sa déclaration pendant lequel ni Hinata ni moi, nous ne trouvâmes comment enchainer. Cependant, j’étais d’accord avec lui. Le monstre en moi était né alors que je poursuivais aveuglément mes idéaux de vengeance…
« Et pour répondre à ta première question : tu es une humaine aux pouvoirs d’Esper ; finit-il par dire avec un sourire. Peu importe ce que tu fais, si tu as peur de perdre ton humanité, alors c’est que tu ne la perdras pas.
-Tu as sans doute raison ; concédai-je finalement en soupirant. Je ne pensais pas qu’un monstre était capable d’autant de réflexion.
-Il faut croire que si, comme quoi, les croyances ne sont jamais absolues ; rétorqua-t-il en haussant les épaules. »
Nous éclatâmes de rire une nouvelle fois puis nous rejoignîmes Miki et Daichi à l’extérieur, profitant de la fraicheur du soir avant de partir chacun de notre côté. https://www.youtube.com/watch?v=vlgwgEVBRUk « Et voilà, Papa, Maman. Vous savez tout maintenant. Qu’est-ce que vous diriez si vous étiez encore là ? Est-ce que vous me blâmeriez d’avoir cherché à vous venger alors que vous ne vouliez que la paix ? Ou bien auriez-vous été fiers de moi ? Je suis prête à parier sur la première option moi…
Mais vous savez, je n’ai pas renoncé. Je trouverai votre meurtrier et vous serez vengés. Mais pas parce que je suis aveuglée par la haine…Mais parce que la haine est humaine elle aussi.
Je me demande aussi…Est-ce que vous êtes heureux à présent ? Est-ce que le monde dans lequel vous vivez est en paix comme vous le désiriez ? Est-ce que les pouvoirs servent enfin à autre chose que se battre ? En tout cas, je l’espère du plus profond de mon cœur…J’aimerais dire que je vous rejoindrai bientôt…mais c’est la dernière chose dont vous avez envie. Et puis, comme vous le voyez, j’ai fini par trouver mes racines moi aussi. Tout comme vous, j’ai pu refaire ma vie ici, à Viridian, loin de l’agitation de Savior et ESP. Je comprends à présent quand vous me disiez que vous rêviez de revenir ici…
Si je le pouvais, je passerais le restant de ma vie en sécurité, dans cette bourgade perdue entre mer et montagne… »
Je rouvris les yeux et me relevai lentement pour raviver la petite flamme de la bougie éclairant faiblement l’autel de mes parents puis passait mon regard à travers la fenêtre. Au loin, le soleil se levait et il allait bientôt être l’heure de partir à l’école.
Je souris et rassemblai mes affaires puis je pris le chemin désormais familier pour me rendre au lycée. Comme d’habitude, je me postai à un endroit stratégique près de l’entrée et y attendit Hinata.
Celui-ci arriva avec son boulet cinq minutes avant la sonnerie comme toujours et, pour me venger, je ne manquai pas de l’afficher.
« Alors le monstre, prêt à partir chasser ce Ropen ? Cette fois on l’aura ! M’exclamai-je suffisamment fort pour que tous les regards se braquent sur nous. »
Mon ami grimaça et protesta vigoureusement jusqu’à ce que la cloche sonne puis nous rentrâmes en classe et dès la pause de midi, nous nous retrouvâmes tous les quatre en salle de club pour une réunion inutile mais désormais habituelle pour nous.
Telle était ma nouvelle vie à Viridian, dans mon club de résolution de mystère, avec Hinata, le familier libre, Miki, la fille du président de Savior, Daichi le boulet normal et moi, Yuki, l’ancienne chasseuse d’ESP.
J’ignorai combien de temps j’allais pouvoir profiter de ma vie paisible à Viridian en compagnie de tout le monde mais une chose était sûre : je n’étais plus ce monstre craint par la fondation et Savior. J’étais redevenue Fuyuku Yuki, la fille bizarre du lycée ne parlant que de cryptides. Enfin, je pouvais faire tomber le masque de la justice derrière lequel je me cachais depuis cinq longues années et j’espérais ne jamais avoir à le remettre autrement que pour plaisanter avec tout le monde au sein de notre club.
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