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[En Cours] Rising Hope : Les Spectres du Passé
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[En Cours] Rising Hope : Les Spectres du Passé posté le [25/10/2019] à 11:09

Chapitre 192 : Epilogue (1) : Les héros de la guerre


https://www.youtube.com/watch?v=E29MEUFb8e0


21 ans plus tard…


« Zahlia ramène ton cul, j’ai besoin de toi avec un des gamins.

– Wesh ma poule t’as cru j’étais ta bonasse ou quoi ? C’est ton taf ça, pas le mien tavu. »


Des années s’étaient écoulées depuis ce que l’on appelait aujourd’hui le Despair Requiem. La catastrophe n’avait pas épargné grand monde à l’époque. Elle avait emporté des milliers de vie en l’espace de quelques semaines, et avait plongé notre région dans la pénombre et le chaos. Moi, j’étais une enfant de cette guerre. J’avais été conçue avant, et je fus mise au monde pendant. Zahlia Leocaser était mon nom. Ma simple existence représentait des tas de choses : la résistance de l’espoir, le courage de mon père, l’incroyable sex-appeal de ma mère, sans oublier son intelligence, sa beauté, sa force, sa détermination… En gros, cette version n’était que de la merde. Forcément, elle venait de ma mère.


En vrai j’étais juste née au mauvais endroit, au mauvais moment. Parce que mes vieux ils avaient rien de mieux à faire que préparer un conflit en baisant, donc j’étais née en plein milieu, genre pile au moment où y’avait aucune maternité vu que tout était en ruines t’as vu. Alors on peut dire que j’ai vécu la grande guerre contre Zetsubô, celle qui réveille des souvenirs de terreur et qui fait grincer des dents quand on la mentionne.


Tout le monde avait été témoin de l’affrontement contre Zetsubô, jusqu’à ce qu’il fasse exploser les caméras dans la foulée. Le résultat de ce conflit mondial n’avait été connu que lorsque Ren Kurenai, leader de la fondation du futur, fit savoir au monde entier qu’il était mort. Le résultat ne se fit pas attendre, puisque l’ensemble des organisations de paix et de sécurité fêtèrent la victoire de l’espoir dès qu’elle fut annoncée.

On décréta un jour férié pour l’occasion. Ainsi, le 25 octobre était un jour de commémoration, et chaque année, nous en étions les invités d’honneur.


« Bon tu bouges ton cul ou ça se passe comment !? Me hurla ma mère déjà à bout de nerfs à 7h30.

– Eh oh, protestai-je. Déjà je te signale que je suis prête et toi pas, ensuite, si t’es pas contente, je peux très bien partir toute seule. C’est pas parce que t’es en froid avec Ether que je dois être ton bouc émissaire derrière lequel te cacher ma poule. »


Car oui, ma mère était en conflits avec Ether. A vrai dire, elle était en conflits avec tout le monde. Lors de la première commémoration, elle était allée cracher sur le cercueil de mon paternel, parce qu’apparemment il lui avait fait une crasse pendant la guerre, et elle le lui avait jamais pardonné. A chaque commémoration, Violet Leblanc guettait donc les agissements de Jessica Leocaser, afin qu’elle ne profane pas de nouveau sa tombe.


Ma mère était secrète lorsque l’on parlait de cette guerre. Elle me sortait sa version pourrie pour dévier la conversation, mais je sentais au fond de moi que quelque chose s’était cassé en elle. Outre le fait qu’elle avait vu sa baraque cramer pour la quatrième fois dans sa vie. J’essayais de comprendre, de savoir des choses que je ne pouvais connaître que de sa bouche, mais il n’en était rien. Il m’était impossible de trouver ce que cachait vraiment Jessica Leocaser en elle.

Elle semblait avoir guéri son malaise en devenant éducatrice. Depuis le drame, elle occupait cette position. Elle avait recueilli tous les mouflets ayant perdu leurs parents, pour leur donner un semblant de bases. En vrai, encore aujourd’hui je pense qu’il aurait mieux valu les laisser à la rue quand on voit ce qu’ils sont devenus en ayant son éducation. Ce n’était plus qu’un ramassis de branleurs, et comble du comble, j’étais la leader du groupe. Le pire dans l’histoire, c’est que l’actuel maire, Ronan Sawyer, s’obstinait à donner des gosses à garder à ma daronne. Du coup on devait s’occuper de cinq marmots abandonnés par leurs parents. Ma mère les avait nommés Ugo, Kosta, Jérôme, Alain, et Adam, et les appelait souvent « le gang des hohos ». Grâce à son intervention brillante, ce fut d’ailleurs le premier son qu’ils sortirent de leur bouche.


Mais je sentais que cela réparait quelque chose de cassé en elle. Alors quand je la voyais sortir comme aujourd’hui, avec un marmot devant, l’autre derrière, et les trois suivants dans une triple poussette, je ne pouvais m’empêcher de ricaner à son nez, avant d’au moins la soulager de celui qui était dans son dos.


Nous sortîmes de notre maison. J’y étais restée depuis ma naissance, car elle avait été reconstruite pour nous. Sagamihara avait été dévastée, mais l’ensemble de la ville s’y était mise pour la restaurer. Ether et la fondation du futur s’étaient alliés dans une récolte de fonds et un déploiement de main d’oeuvre suffisamment élevé pour remettre sur pieds tous les édifices les plus important, ainsi que pour construire un nouveau quartier habitable. Nous habitions donc dans cette résidence de luxe octroyée par notre statut de famille ayant sauvé le monde du chaos, même si ma mère s’en foutait royalement de ce titre. Elle avait accepté cette récompense uniquement pour honorer la mémoire de mon oncle qu’elle estimait énormément. Même pas celle de mon père. Quand j’abordais le sujet, elle l’esquivait, en disant que de toute façon, elle n’allait jamais pouvoir le pardonner. Tout ce que je savais de sa part, c’était qu’il s’appelait Reisuke, et qu’il était un gland. C’était tout de même un peu court pour me faire une idée du bonhomme, mais je ne voulais pas remuer des choses douloureuses pour ma mère, donc je ne cherchais pas à aller plus loin.


Je sortis, accompagnée par ma daronne et son gang des hohos. A peine sur le pallier, je frappai à la porte d’à côté. Quelques secondes passèrent : pas de réponse. Alors naturellement, je tambourinai en hurlant pendant quelques minutes, sans succès. Je dus retirer les tétines de la bouche des hohos pour qu’ils hurlent et qu’enfin la porte daigne s’ouvrir.


« Ne peux-tu pas attendre une minute lorsque tu sonnes à une porte !? S’écria la voix de l’individu m’ayant ouvert, comme prêt à me trucider.

– Ravie de te revoir moi aussi, Hirosuke. Raillai-je, sachant pertinemment que j’allais l’agacer.

– Ne m’appelle pas par ce nom. Grogna-t-il. Je ne suis pas un monument vivant à la gloire de mon père et mon oncle. Appelle moi Namatame tu veux. Et sinon, tu me veux quoi ?

– Ta mère est prête ? Parce que nous on est sur le point de sa casser tavu. C’est la corvée annuelle, le discours, les souvenirs, les cartes postales tout ça tavu. »


Il soupira, avant de se tourner derrière la porte. Je le suivis, en portant un mouflet accroché à moi, jusqu’à arriver dans la forêt de Hakaze. Car ouais, ce qui semblait être une clôture normale cachait en fait un long couloir qui menait à un coin vraiment sordide. Hirosuke et sa mère squattaient ça en mode Tarzan alors qu’ils pouvaient se payer une vie de richards pleins aux as. Tu parles d’une stupidité.


« Maman, entama Hirosuke agacé, pourrais-tu arrêter l’espace de trente secondes ta foutue expérience pour qu’on puisse faire semblant d’être tristes sur la tombe de papa !?

– Attends juste cinq minutes gamin. J’sens que c’est la bonne cette fois. Je te parie tout ce que tu veux que ça va être l’invention du siècle.

– L’invention du siècle, c’était la machine à remonter dans le temps de grand-père. Soupira son fils. Ca fait 15 ans que je t’apprends sans succès à allumer le grille pain.

– Ne parle pas comme ça à ta mère ! Railla la voix d’un vieux croûton qui nous rejoint. Hakaze, je suis certain que ton fils fait partie du CERN, pour toujours espérer notre échec.

– Je suis d’accord. Sourit la mère. Tiens Akame, attrape-moi ce bout d’uranium s’il te plaît. »


Je déglutis. Le vieux tremblait tellement qu’il semblait comme secouer frénétiquement ce truc qu’il tenait dans les mains. Je voulus l’aider, mais il m’assura que ce n’était pas nécessaire.


« Ce n’est pas comme si j’allais faire exploser Izrath une seconde fois ! Rit-il. Rien de grave ne se passera. »


Il lança un profond malaise. S’il y avait bien un sujet sensible avec Hakaze, c’était Izrath. La mort de Hiroki, elle était passée au-dessus. Elle s’était fait une raison en reportant tout son amour sur son fils. La destruction d’Izrath par contre, était quelque chose d’inconcevable pour elle. Il était impossible d’aborder ce sujet, tout comme parler de Reisuke à ma mère était voué à l’échec.


Mais cela ne nous gênait pas, Hirosuke et moi. Ce gland et moi on était nés le même jour, et on avait grandi ensemble, du coup on se comprenait mieux que quiconque. Je le trouvais plutôt beau gosse, et il avait tendance à bien prendre la lumière quand il était à poil. Sa mère m’avait assuré que c’était de père en fils. Mais bon, c’était mon cousin, donc je ne pouvais pas me le foutre sous la dent. En plus, on avait un grand-frère en commun. Bon, c’était pas le mec le plus intelligent du monde, le Kentaro. Sérieusement, ce type ne savait que parler de cul et ressasser à quel point ma daronne avait servi à rien pendant la guerre. Je plaignais sa femme, cette Chitose. La pauvre était bien trop normale pour lui.


Mon gland réussit finalement à tirer sa mère de son expérience pour la forcer à porter une tenue respectable. Au fond, c’était la même pour tout le monde : se rendre sur une statue moche des descendants de Zetsubô ne ressemblait à rien d’autre qu’une corvée d’hypocrisie de laquelle on était obligés de s’acquitter.


Parce que oui, mon daron et son frère étaient des héros. Zetsubô avait détruit les caméras pendant son affrontement, mais Ren Kurenai, la leader de la fondation du futur, avait été formelle à sa sortie de Lithemba. Reisuke et Hiroki étaient deux héros ayant triomphé de Zetsubô au prix de leur vie. Grâce à leur sacrifice, le futur était désormais possible pour tous, et il fallait honorer leur mémoire peu importe l’investissement à y mettre. Sa sœur, Erika Kurenai, avait d’ailleurs sa statue en Australie elle aussi. C’était la leader de la fondation du futur elle-même qui s’en occupait, puisque les parents des deux jeunes filles à l’époque avaient été retrouvés tués d’une balle dans la tête peu après la fin de la guerre.


L’Australie avait trouvé un roi, en la personne d’Eikichi Azuma. Il était apparemment celui qui était destiné au trône avec Erika, et finalement, pour honorer sa mémoire, il avait décidé de ne pas prendre de reine. Leurs affaires se portaient plutôt bien, et ils nous aidaient parfois quand on galérait à telle ou telle chose.


Nous arrivâmes sur la place dite « place de l’espoir » située en plein cœur de notre ville. Déjà les personnalités influentes s’étaient rassemblées en cercle autour de la stèle représentant mon père et mon oncle, tandis que nous, les enfants de la nouvelle génération des Yamadas, nous étions chargés de renouveler les fleurs sur leur sépulture. Mais avant cela, il fallait que l’on salue tous ceux ayant fait le déplacement, avec les honneurs. Je m’avançai la première vers ceux qui nous attendaient, en ligne.


« Yo toi, ça gaze ? Tranquille ? Tu te fais pas trop chier ? Serious c’est long hein ?

– Zahlia, tu parles au président russe. Me sermonna Hirosuke en me donnant un coup de coude. »


Je passai mon chemin sans m’excuser. Lorsque mon cousin s’aperçut que ma mère, qui était derrière nous, salua le président de la même façon avec ses quatre mouflets qui braillaient, il posa sa main contre son visage en signe de dépit. Je ricanai. Les Leocaser étaient dans l’anticonformisme depuis Yiskha, ça n’allait pas changer de sitôt. Tous les invités affichaient des airs mielleux, ou des sourires d’hypocrites, tous, sauf une. La fille de la présidente française. Ma petite rouquine préférée. Oh je la kiffais cette fille.


« Salut ma chérie ! M’exclamai-je. T’es venue voir le bal des hypocrites ?

– Ne m’en parle pas. Soupira-t-elle. C’est la même chose quand on parle du conflit des démons en France. Je suis venue te soutenir un peu histoire que tu ne te sentes pas seule.

– Viens on se fait une virée avec les lascars après qu’on a fini de jouer les potiches ici, j’suis certaine tu kifferais voir ma nouvelle bécane.

– Avec plaisir. Sourit la rousse. »


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


Ca c’était ma rouquine à moi. Je la kiffais parce qu’elle était franche et que c’était pas donné à tout le monde. Et puis nos mères ne pouvaient pas se saquer. Elles se battaient dès qu’elles se voyaient, et c’était toujours sujet à des paris sur qui entre la présidente de la république et l’éducatrice de mes couilles allait frapper le plus fort. Hirosuke n’appréciait pas spécialement Akane, il était bien trop occupé ailleurs.


« Bonjour Iori. Lui dit-il, le sourire aux lèvres – elle était d’ailleurs la seule qui y avait droit. – Merci d’avoir fait le déplacement pour présenter tes hommages, une fois de plus.

– C’est naturel. Lui répondit-elle, toute aussi ouverte. Il est important que nous nous rappelons le pourquoi nous en sommes ici. Tous les sacrifices pour que l’on puisse vivre dans le présent qui nous est donné. C’est admirable de ta part, de ne jamais défaillir à honorer la mémoire des anciens.

– Cela serait comme un crime envers les âmes tombées au combat. Lui assura mon cousin qui crachait sur la cérémonie dix minutes plus tôt. »


Mais je n’eus pas le temps de m’attarder sur son crush. Ma mère avait déjà rencontré celle d’Akane, et il fallait que je lui rappelle qu’elle poussait quatre gosses avant qu’elle ne l’en lui balance un à la figure.


« Pourquoi tu viens ici grogniasse…grogna ma mère suffisamment bas pour que personne ne l’entende, en serrant la main de la présidente.

– Tu as de la chance que je suis en voyage officiel. Murmura celle d’Akane, en affichant un sourire diplomatique. C’est la seule chose qui me retient de te sauter dessus.

– Tu te calmes. Les interrompit le petit Jérôme, leur tirant à toutes les deux un soupir d’attendrissement.

– Hoho, c’est que ce petit garçon est mignon. Enchérit joyeusement l’un des gardes de la présidente. »


En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, chacun des gardes de la présidente venait d’adopter un des enfants que gardait ma mère. Je fus stupéfaite, mais moins que l’éducatrice et la présidente, qui, considérant les hommes en costard avec les enfants, furent atterrées par la tournure des évènements.


« Non mais j’hallucine. Soupira la mère d’Akane. Vous ne connaissez pas le code de conduite de la garde présidentielle ?

– Si je puis me permettre, s’avança le chef du groupe, il n’est nullement mentionné l’interdiction d’adopter un enfant durant nos missions.

– Je n’en peux plus. Vous êtes tous virés !

– Encore !? Protesta le plus jeune. C’est la quatorzième fois ce mois-ci. »


https://www.youtube.com/watch?v=U6Hg5tnJ3OA


La présidente soupira. Je la laissai, avant de présenter mes hommages à une autre femme. Alice Leblanc, la fille de Violet et de Soichiro – oui oui, de Soichiro, ce vieux pervers – était l’actuelle leader de la fédération de sa mère qui à l’époque avait aidé à tout reconstruire. Je me prosternai devant elle. Je n’aimais pas ravaler ma fierté, mais je devais tout à Violet Leblanc. Si j’avais pu vivre une enfance normale, c’était grâce à son intervention. Sans ses dons, sa force, et son courage, rien n’aurait pu redevenir comme cela était avant.


« Bien. Déclara Alice, solennelle. Mesdames, messieurs, merci de tous vous êtres rassemblés autour de ce vestige de la guerre ayant touché Sagamihara, 21 ans plus tôt. Cela me touche de constater que, deux décennies après cette catastrophe, sa cause, et ses conséquences, restent une partie de votre mémoire, de notre mémoire. Par ce rituel que l’on célèbre chaque 25 octobre, je tiens à rappeler à tous combien la vie est précieuse. Chacun de nous possède au plus profond son jardin secret, ses ambitions, ses désirs inavouables, mais aucun projet, aucune motivation, ne devrait avoir pour coût la vie d’autrui.


Rappelez-vous que qui que vous soyez, quoi que vous ayez sur le coeur, vous n’êtes pas seuls. Votre famille, vos amis, sont là pour vous. Parlez, extériorisez, et trouvez des solutions à vos problèmes. Et si personne n’est une oreille, la fédération Ether se chargera de vous aider à traverser les périodes sombres de votre vie. »


Son discours…était hypocrite. Ce qu’elle disait n’avait aucun sens, et c’était uniquement par respect pour sa mère que je la laissais déblatérer de telles conneries. Qui était-elle pour prétendre comprendre ce qui nous animait ? Elle n’était qu’une nana ayant hérité de milliards, avec un équilibre familial stable, et elle osait venir nous donner des leçons à nous, les enfants de la guerre.


Elle ne dupait personne. Nous, héritiers de la famille Yamada, alignés en avant devant la stèle à l’effigie de nos pères, nous la regardions tous avec des yeux qui ne mentaient pas sur notre réception. Elle ne le notifia pas. Elle avait révisé son discours pour qu’il soit parfait, et il allait l’être.


« Je vais maintenant laisser la place aux fils et filles de Reisuke et Hiroki, les héros de cette ville. »


Elle me tendit le micro. Alors je me tournai vers la foule, et je pris la parole.


« Quand je vous vois tous rassemblés autour de ce vieux caillou, je comprends pas vraiment ce qui vous motive. Mon père, et mon oncle, des héros ? Mon cul ouais ! Vous n’avez rien compris. Hiroki et Reisuke ne sont pas des héros, et s’ils le sont, il n’y a pas qu’eux qui le sont. Pourquoi nous mettre sur un piédestal, simplement parce que l’on a perdu nos parents, alors que des tas de péons ont vécu la guerre bien plus que nous, ont affronté des ennemis, et ont perdu leurs vieux aussi ? C’est tout simplement une manière de vous donner bonne conscience. Vous pensez honorer le passé en astiquant la bite à quelques fantômes, mais vous vous foutez bien de ce qu’il est advenu de deux qui sont sortis vivants du conflit, ou qui ont perdu des proches dans cette foutue guerre. Cette commémoration n’est qu’une exhibition médiatique, personne ne considère les choses qui ont vraiment de l’importance. »


Je vis Akane s’avancer vers moi pour me soutenir, mais sa mère l’arrêta en déployant son bras. J’pouvais comprendre. Je venais de créer un incident médiatique qui allait sûrement rester dans les annales. Je restai droite, rigide, face à cette foule, face à ma mère qui me dévisageait d’un air fière, et je fus rejointe par Hirosuke. Ce dernier se saisit de ma main, murmurant à Iori qu’il était désolé d’un air mal à l’aise. Mais il n’était pas le seul à m’avoir rejointe, Kentaro vint me donner la main, montrant à l’écran que les trois descendants connus désapprouvaient cette hypocrisie.


Ce fut la pire cérémonie de commémoration de l’histoire de l’humanité, et on nous assura que cela allait être la dernière. L’objectif était donc atteint. Outre la rage du président russe qui nous promit des représailles, nous n’avions de toute façon pas outragé qui que ce soit en disant la vérité.


https://www.youtube.com/watch?v=dvL6uZP6hcs


La véritable commémoration pouvait commencer. Une réminiscence qui n’avait rien d’une fête, bien au contraire. Hirosuke et moi partîmes de la place de l’espoir, laissant derrière nous ceux qui s’y étaient rassemblés, afin de nous diriger quelques avenues plus loin, à un kilomètre de là, jusqu’à nous rendre à la clinique Séradiel, là où se trouvait une toute autre facette de la fin de la guerre.


« Ah, vous êtes là les jeunes. Nous interrompit une voix grave et saccadée remplie de compassion. Vous êtes adorables. »


Nous nous retournâmes. L’inspecteur Masamune Nishijima était à la retraite depuis des années maintenant, mais nous étions certain de le trouver dans cet hôpital. Pourtant, le septuagénaire n’était ni malade, ni dépendant, au contraire. Il s’était désigné pour nous porter assistance en restant aux côtés de quelqu’un de particulièrement spécial à nos yeux.


Nous entrâmes dans la chambre blanche et froide, fidèle à la réputation des hôpitaux. Sur cette couche, se trouvait une existence scrutant l’extérieur d’un regard vide.


« Bonjour, tante Laïla. Lui lançai-je avec affection, sans vraiment espérer de réponse. »


Et effectivement, je n’en reçus pas. Ma tante était une rescapée de l’affrontement contre Zetsubô. Elle avait survécu à la même bataille dans laquelle avaient péri ses frères, non pas sans échapper de justesse à la mort. Après une opération chirurgicale, elle avait repris connaissance, mais elle était déjà brisée de l’intérieur. Elle ne trouva plus le sommeil : dès qu’elle fermait l’oeil, les souvenirs de mon père, mon oncle, mais aussi de Kôsei, le fils de Masamune, revenaient la hanter sans lui laisser une seconde de répit. Elle se réveillait toujours dans des crises de spasmes et de convulsions qui avaient plusieurs fois manqué de lui coûter la vie tant elles étaient violentes. Finalement, avec les années, elle s’était assagie, mais elle devint muette. Je n’avais jamais entendu le son de sa voix, alors qu’elle était la seule famille qu’il me restait de mon côté paternel.


Alors tous les jours, je venais la voir, en espérant qu’elle trouve la force, le courage, ou la détermination de s’adresser à moi. J’attendais ses mots, et je n’étais pas la seule, puisque Hirosuke ne manquait jamais l’occasion de rester à ses côtés. Nous étions tous les deux en quête de réponses, en quête d’espoir. L’espoir de conjurer ce mauvais sort et d’enfin guérir ma tante de ses tourments.


« Merci de veiller sur elle à notre place. Déclara Hirosuke en se prosternant devant Masamune. Si nous pouvons vivre en confiance, c’est bien parce que vous êtres présent à ses côtés.

– C’est naturel. Sourit l’ancien inspecteur. Après-tout, elle est la mère de ma première petite fille, et celle pour qui Kôsei s’est battu jusqu’au bout. »


Je ne ressentais aucune animosité en cet homme, alors que son fils avait trouvé la mort prématurément en restant aux côtés de ma tante. Non, Masamune était fier de Kôsei. Il disait qu’avoir élevé un fils ayant été jusqu’au bout pour protéger sa vision de la justice était tout ce dont un père pouvait rêver, et j’avais l’impression qu’il conjurait le mauvais sort en continuant ce que son fils aurait voulu accomplir.


Nous entendîmes des bruits de pas provenant du fond du couloir. Des claquements de talons que je ne connaissais que trop bien. En effet, lorsque je me retournai, je ne fus pas du tout surprise de l’identité de cette personne.


« Dis donc la romano, souris-je défiante, tu aurais pu venir nous aider à cette commémoration de merde. J’suis pas celle qui est faite pour les discours, c’est ton boulot ça.

– Tu t’en es très bien sortie. Sourit la jeune femme. J’ai été prise aux tripes en regardant le direct. »


Elle me serra dans ses bras, me laissant sentir son parfum de gitane qui puait la cocotte et me restait toujours dans les narines. Je réprimai une expression de dégoût, mais je passai au-dessus. La famille était la famille.

Car oui, Yasmine et moi étions cousines. L’espèce de bohémienne aux yeux verts perçants et à la longue chevelure noire était la fille de ma tante, et de Kôsei Nishijima. Ils lui avaient donné le nom de son père à titre posthume d’ailleurs, puisque Laïla, dans son seul instant de lucidité en 21 ans, avait refusé de signer une reconnaissance de père inconnu. Yasmine embrassa également Hirosuke, qui lui, n’avait rien contre cette eau de Cologne à dégueuler ses tripes. Elle se rendit ensuite dans la chambre de sa mère, nous laissant comme des cons dans le couloir.


« Ca doit pas être facile tous les jours de la supporter, pas vrai Izuru ? »


Le jeune homme aux cheveux marron et au regard gris perçant se contenta de hausser les épaules. Ce type était toujours avec elle, et ils semblaient s’entendre, mais question communication, il était impossible. Encore plus muet que ne l’était Hirosuke. Je soupirai. Moi et mon gars sortîmes de l’hôpital.


« Eh bien, on devrait aller au boulot je pense.

– Tu vas te prendre un savon quand tu arriveras. Souligna le monument vivant, sachant pertinemment que j’allais le payercher. »


https://www.youtube.com/watch?v=V4GQLAfThMo&


Mais je ne fis pas attention à ses paroles, puisque je savais qu’il prendrait ma défense si vraiment cela devenait crade. A la place, je me rendis jusqu’à la falaise Sekai, là où se trouvait désormais une base nautique et aérienne de laquelle partaient bateaux et hélicoptères destinés à un usage privé. La société Sunbird transport été devenue prospère, et elle nous réservait toujours des vols de qualité à nous, les agents de la fondation du futur.


« Bienvenue mes chers agents ! S’exclama le réceptionniste avec entrain. Anatole Porreau au rapport ! »


Ce rouquin aux cheveux désordonnés et au regard bleu pétillant comme l’océan sous les reflets du soleil n’était autre que mon neveu, le fils qu’avaient eu Dahlia Porreau et son petit ami de l’époque, Arata Kashiwagi avant que celui-ci ne décède tragiquement. Ils l’avaient eu très tôt dans leur jeunesse, ce qui expliquait que malgré le fait que Dahlia n’était âgée que de 37 ans, lui en avait déjà 23. Il était plus vieux que moi, alors que sa mère était plus jeune que la mienne. Ce joyeux lascar la protégeait d’ailleurs toujours comme si sa vie en dépendait. Il était le seul homme de sa vie, et il aurait pu donner tout ce qu’il possédait pour lui donner le sourire. Il était d’ailleurs un excellent chanteur : chaque fois qu’il usait de sa voix, ma sœur lui disait qu’il apaisait tous ses maux, alors il s’était entraîné jusqu’à faire carrière dans le domaine. Tout le monde connaissait les tubes d’Anatole.


« Salut mon neveu. Ricanai-je. T’as un hélico pour l’Australie ?

– Attends voir. Il faut que je demande à Maman si le Sunbird X45 est disponible. »


Il se tourna.


« Maman ! Y’a tata qui veut un Sunbird !

– Si tu m’appelles encore tata une seule fois, tu rentres en corbillard, vu ?

– Hoho ! Rit ma frangine en arrivant dans la pièce. Tu es le portrait craché de notre mère Zahlia, tu le sais ? »


J’étreignis ma frangine. C’était bon de la revoir.


« Tu es cependant plus affectueuse lorsqu’il s’agit de famille. Se moqua-t-elle.

– Ta gueule la rousse. Défoule-toi pas sur moi juste parce que t’es débile. »


Elle rit, puis elle m’invita à la suivre. Elle nous désigna l’engin que nous allions prendre. Un oiseau mécanique coloré de rouge, de jaune, et de violet que nous n’utilisions que pour les vols de client importants ou de la famille.


« Bon, soupira Dahlia. Eh bien montez, je vais vous montrer ce que c’est qu’une pilote ayant du skill. »


En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, nous arrivâmes dans les quartiers de la fondation du futur. Leader Ren était déjà revenue dans les quartiers de l’organisation, il suffisait de voir son hélicoptère dans le hangar pour le comprendre. Je soupirai. J’allais encore me prendre toute la haine du monde.


« Hello, miss Leocaser et mister Namatame. S’exclama une voix faite de légèreté qui me cassait les couilles en permanence.

– C’est ça c’est ça, bonjour Akemi. Soupirai-je.

– Pour toi c’est capitaine. Railla la femme. Je suis la leader de la troisième branche de la fondation du futur, marvellous isn’t it ?

– Je t’appellerai par ton titre le jour où tu nous appelleras par les nôtres.

– Ow ! J’oubliais que j’avais affaire à Hirosuke Namatame capitaine de la treizième, et Zahlia Leocaser, de la quatorzième. Eh bien, roulez jeunesse ! La réunion nous attend ! Let’s go, folks ! »


Elle n’en avait pas l’air, mais elle aussi avait été touchée par la catastrophe. Son frère n’était autre que Kôsei, et sa disparition avait fait souffrir des tas de personnes, dont Akemi. Elle s’était engagée dans la fondation du futur trois ans avant sa disparition, et elle semblait regretter ce choix, mais il était impossible pour elle d’y renoncer puisque c’était tout ce qu’il lui restait pour se raccrocher à la vie.


« Eh bien, s’exclama la voix grave du capitaine de la seconde branche, Kenny Delacour. Voici celle qui a fait trembler les médias avec son incident diplomatique ! Salut les jeunes !

– Ce n’était pas vraiment professionnel, ajouta Marc Seiu, le capitaine de la sixième branche. Quand on est membre d’une organisation gouvernementale, on fait profil bas, Leocaser.

– Vos gueules les vieux. Pensez à recruter plus de sang neuf, vous sentez le formol à cent mètres. »


Rachel, ou plutôt Brittany la leader de la première branche, éclata de rire face à ma réponse. Elle était toujours aux aguets de ce que je claquais aux autres et se régalait de chacune de mes réparties. Lysandra de la onzième lui donna un coup de coude qui la fit se reprendre.


Je m’installai autour de la grande table qui servait d’espace de discussion pour nos opérations, suivie par Hirosuke qui était toujours aussi sociable. Je scrutai les sièges. Tout le monde était présent, sauf Ren. Même le roi actuel d’Australie : Eikichi de la huitième, était à nos côtés. En fait non, il manquait quelqu’un. Le leader de la dizième était absent.


Pedro Toppolino, leader de la douzième, se leva. Le rouquin, l’air sérieux, cachait son caractère de fragile quand il était au boulot en se donnant des airs de mâle alpha. En vrai, derrière son expression rigide, il se réjouissait sûrement encore d’avoir fêté ses 15 ans d’union avec Ren Kurenai.


« Bien. Entama-t-il, confiant. Nous sommes tous réunis, enfin presque, mais le leader de la dizième ne viendra sûrement pas de sitôt. »


Il appela Ren, comme à chaque réunion. Elle attendait que nous soyons tous réunis avant de daigner se montrer. Cela faisait toujours soupirer l’ensemble de l’équipe, en particulier Jordan Sankels et sa fille Rita, les capitaines respectifs de la branche 5 et 7.

Elle fit une entrée théâtrale qui laissa tout le monde de marbre, dont Suzuha Delacour, capitaine de la neuvième branche et accessoirement, la femme de Kenny.


https://youtu.be/tZPPmbGZM_w


« Bonjour à tous. Déclara-t-elle avec un charisme de leader. Zahlia tu as de la chance que l’ordre du jour est urgent, autrement je me serais bien entretenue avec toi à propos de ta conduite.

– En vrai ça t’arrange parce que j’te fais peur ma poule. Raillai-je en essayant de masquer qu’elle me foutait les pétoches. »


Elle me lança un regard glacial que je tentai de soutenir tant bien que mal. Ren était une personne qui faisait flipper. Elle n’en avait pas l’air, mais j’étais certaine que quelque chose en elle était brisé au point de pouvoir faire d’elle une meurtrière pour un oui ou un non. J’avais plusieurs fois remis en cause le fait qu’on laisse une personne au regard si instable gérer une fondation comme celle du futur, mais aucun de ces glands ne m’écoutait.


Elle alluma l’écran géant qui montra quelques profils de crapules type, avant de reprendre la parole.


« Ces gens sont des sous-fifres. Ils sont les larbins de Yakuzas qui sont eux-mêmes au service d’une organisation supérieure pratiquant entre autres le terrorisme. Ils ont déjà organisé quatre attentats qu’ils ont tous revendiqué. Deux au Japon, deux en Australie. Et ils se sont nommés – »


L’écran sur lequel Ren retransmettait se brouilla, avant de virer au noir. Deux secondes plus tard, une image revint, nous montrant le portrait d’un jeune homme dont l’identité ne faisait aucun doute pour tous. Ces cheveux marron ordonnés en mèches pointues lui tombant sur le visage, ce regard vert expressif, cette musculature de sportif…Tout le monde connaissait le portrait de cet homme, qui pourtant n’avait pas pris une ride après deux décennies d’absence.


« Nous nous sommes nommés « Purple Revolution » déclara l’individu ayant usurpé l’identité de mon père. Et nous sommes revenus pour continuer l’oeuvre de Zetsubô. Je suis Reisuke Yamada, leader de ce mouvement, et je vous promets à tous d’amener le chaos et le désespoir sur ce monde. »


Ce fut le premier acte d’une nouvelle guerre à laquelle nous allions tous prendre part une fois de plus, sachant très bien que les conséquences allaient encore être lourdes.


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[En Cours] Rising Hope : Les Spectres du Passé posté le [25/10/2019] à 17:14

Chapitre 193 : Epilogue (2) Disparaître pour toujours


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


« Mais oui, tout va bien ici Papa ne t’en fais pas. Je suis une grande fille maintenant, je sais me prendre en charge toute seule. »


Une voix lui répondit à l’autre bout du fil.


« Oui je me nourris bien. Tu sais, j’ai appris à faire de la cuisine grâce à Hirosuke. C’est fou ce qu’il se débrouille bien aux fourneaux, un vrai cordon bleu ! »


Son interlocuteur haussa le ton.


« Mais non pas il ne faut pas t’en faire !! Elle n’a rien fait exploser, je te le promets. Elle n’a pas non plus fait une expérience ayant mis notre vie en danger. Je t’assure.



Pour la centième fois, Hakaze n’est pas aussi irresponsable que tu ne le penses !



D’accord…Je te la passe… »


Ma sœur me tendit le téléphone. Enfin, ma cousine, enfin, qu’importe. Itoe Namatame correspondait aux deux termes. Elle était la fille de Soichiro Namatame, mon père, et de Sirie Bhorn, ma tante, ce qui faisait d’elle à la fois ma cousine et ma sœur. La jeune fille qui partageait ma couleur de cheveux, mais aux yeux varions bleus et rouges, soupira en me disant qu’il râlait encore.


« Allo ? Lâchai-je en soupirant.

– J’ose espérer que tu n’as rien fait exploser en mon absence gamine? Me sermonna la voix dure et vieille de mon père.

– Papa, je te rappelle que j’ai 46 ans et toi 72, et tu m’appelles encore gamine.

– Tu resteras aussi gamine que ta sœur à mes yeux.

– Tu abuses, c’est moi qui la prends en charge depuis qu’elle est petite parce que tu es toujours en voyage depuis que tu as retrouvé Violet ! »


Car oui, depuis qu’il était marié avec Sirie, et que Violet était revenue dans sa vie, les trois coulaient des jours heureux en faisant le tour du monde. Certes, ils le méritaient. Après tout ce qu’ils avaient vécu, il était bon pour eux de prendre du repos. Je ne m’inquiétais pas non plus pour le couple de mon père. Il ne bandait plus à cet âge, j’en étais certaine, il ne risquait donc pas d’être infidèle à Sirie ou de faire un enfant ailleurs.


« Écoute, si tu fais des conneries, Itoe me le dira donc fais attention elle te surveille.

– C’est à elle que tu devrais dire ça ! Protestai-je, qui est l’adulte dis-moi !?

– Elle est bien plus rationnelle que toi. N’oublie pas le nombre de paradoxes que tu as créé pour moi.

– Excuse-moi de songer à ton bonheur ! »


Je raccrochai au nez de mon père. Il était décidément gonflé celui-là. Je prenais soin de sa fille depuis des années maintenant pour qu’il fasse ses voyages, et il me voyait encore comme une gamine irresponsable. Cela me faisait rager du plus profond de mon âme. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir cependant. J’étais celle qui l’avait poussé à partir. Rester dans ces lieux vides alors que plus rien n’existait n’aurait fait que le tuer à petits feux.


Car oui, la forêt dans laquelle j’avais toujours habité avec ma famille n’avait jamais été aussi vide que depuis la disparition d’Izrath. Toutes les créatures qui nous cotoyaient étaient mortes avec ce monde, faisant de notre maison un refuge de dépression permanente. J’avais fait la vaine promesse de garder ces lieux plutôt que de laisser la ville tout raser, mais je sentais que j’étais devenue une autre depuis que je l’occupais. Hiroki était mort, tout comme Medrawt. Leurs duels à l’épée n’existaient plus, tout comme leurs commentaires stupides sur mon choix de vêtements, ou leur camaraderie d’idiotie. Il ne restait d’eux qu’une tombe de fortune que j’avais construite en plantant dans le sol leurs épées l’une à côté de l’autre.


J’étais restée forte, toutes ces années. Les gamins avaient besoin de moi. Mon fils et ma sœur étaient plus ou moins du même âge, et j’avais fait mon possible pour qu’ils puissent grandir de manière équilibrée. Tout comme mon homologue du futur – que j’étais devenue – me l’avait dit, mon fils avait un caractère super difficile. Il était impossible à mettre de bonne humeur, mais contrairement à ce futur où Zetsubô avait gagné, il avait trouvé un canalisateur en la présence de Zahlia. Elle l’entraînait dans son optimisme, et cela lui faisait du bien. Il ne faisait plus ses réflexions dévalorisant la vie, et il prenait soin de lui. C’était tout ce dont je pouvais rêver pour son bien être.


« Je sors, grande sœur ! S’exclama Itoe, joyeuse. Je vais retrouver des copines pour préparer un devoir en chimie sur des cours que j’ai du mal à maîtriser.

– Tu ne veux pas que je t’aide ? Lui demandai-je. Sur quoi bloques-tu ?

– Sur l’utilisation du trinitrotoluène dans l’amatol. »


Je restai figée quelques secondes en entendant ce mot, trinitrotoluène. Cela me rappela une foule de souvenirs datant de cette fameuse période dans laquelle Hiroki et les autres étaient encore en vie. Itoe, voyant le problème, posa son sac et vint me serrer dans ses bras.


« Ne te force pas trop, grande sœur. Je n’ai pas connu la guerre, mais je sais qu’il reste des cicatrices dans le coeur de tout le monde, y compris le tien. Alors garde en mémoire que je suis là si tu as besoin de moi.

– Itoe… »


Je lui souris. Elle était une bonne gamine, cette gamine. Elle repartit à l’entrée de notre chez nous, avant de reprendre.


« Si tu vois Hirosuke, dis-lui que sa tata l’aime de tout son coeur. s’amusa-t-elle en tirant la langue. »


https://www.youtube.com/watch?v=DKiMtdKOP1A


Puis elle partit, me laissant soupirer. Hirosuke détestait l’appeler par ce nom et elle le forçait toujours. J’étais désormais seule. Édouard était parti voler de l’uranium quelque part, et en attendant son retour, tout était vide. Alors je quittai le laboratoire de la forêt, celui que mon père utilisait à l’époque, pour revenir dans la forêt. J’enjambai la rivière qui était bien plus difficile à traverser maintenant que j’avais passé la quarantaine, jusqu’à me rendre sur la tombe de fortune des deux amours de ma vie.


Et là, je n’avais plus besoin d’être forte.

Plus personne ne me regardait. Aucune âme ne pouvait me juger pour être faible, alors je pouvais me lâcher. Comme à mon habitude, je laissai couler le torrent d’émotions sur mes joues, avant de me jeter sur les épées plantées dans la pelouse. Etreignant quelques bouts de ferraille comme s’ils allaient me ramener mes hommes, je laissai libre cours à ma tristesse que j’extériorisai en pleurant le martyr. Je n’avais jamais oublié. Faire le deuil ? C’était une invention factice pour se donner une bonne conscience, en refermant une cicatrice par un pansement autocollant. Le deuil ne pouvait pas exister. Il était impossible de passer à autre chose, tout du moins, pour moi.


Je maudissais chaque jour depuis que l’on m’avait enlevé le père de mes enfants, mon inestimable partenaire, mon grand-père et cet univers ayant accueilli l’ensemble de ma famille en lui. Depuis ce jour j’avais tout abandonné, et je m’étais investie dans la fédération dirigée par ma sœur aînée Alice qui me rémunérait pour cela. Mais l’argent qu’elle m’octroyait ne me servait pas à vivre. Cela contribuait à la réalisation de mes expériences.


Car oui, je faisais encore des expériences. Je n’avais pas renoncé. Cela faisait désormais 21 ans que j’essayais de trouver le moyen de rendre sa gloire à Izrath, et j’approchais du but. Je n’étais plus qu’à un iota de pouvoir entreprendre un projet, aussi fou était-il. Rien qu’un détail pour parvenir à mon objectif qui était de restaurer purement et simplement cet univers qui avait tout emporté dans sa chute.


« Eh bien ma poule, railla Jessica qui venait d’arriver. Faudrait vraiment que tu prennes des vacances tavu.

– Tu sais très bien qu’aucun repos ne me sera donné tant que je respirerai l’oxygène qu’Izrath ne pourra pas expirer à son tour. »


Jessica était la seule à savoir dans quel état d’esprit je me trouvais. Elle était dans les mêmes tourments que moi d’ailleurs. Elle avait elle aussi perdu des tas de personnes en devant renoncer à Izrath. Elle gardait la face devant tout le monde, excepté moi. Lorsque nous nous retrouvions ensemble, nous savions que nous n’étions que deux femmes brisées de l’intérieur.


« J’ai vu Laure. Lâcha-t-elle, le sourire aux lèvres. Elle pourchasse Édouard parce qu’il a piqué l’uranium d’ETHER Japon. Tant qu’il sera vivant elle ne prendra jamais sa retraite celle-là.

– Et il risque de durer, soupirai-je, figure-toi que l’autre jour il s’est pris de l’acide par mégarde, eh bien il l’a absorbé. Il a été irradié au point de ne plus réagir comme nous face aux éléments chimiques. »


Un silence s’installa. Les conversations ne duraient jamais longtemps entre Jessica et moi. Chaque fois, le vide prenait place et nous nous rappelions ces moments funestes. Alors je retournai dans mon laboratoire, elle me suivit, non pas sans insulter la tombe de sale gland avant cela.


Finalement, mon expérience était encore là, et je ne pouvais plus avancer. J’étais coincée. Acculée dans une spirale temporelle qui bloquait mon progrès. Et Jessica ne pouvait rien pour moi. Elle m’avait beaucoup aidée avec cette expérience, mais il y avait des limites à sa compétence. Je ne pouvais pas lui en vouloir.

Je baissai la tête.


« Dis, Jessica. Murmurai-je. Tu ne penses pas qu’il vaudrait mieux que je me résigne à cette éventualité ?

– Ah ouais, t’en est à ce point-là… Eh bien écoute ma poule, tu sais déjà mon avis sur le sujet, mais si cela te rend heureuse, alors fonce, on est tous libres.

– Tu prendras soin de Hirosuke et Itoe en mon absence ?

– Tu le sais bien. Je serai toujours derrière toi. Tu es la seule amie qu’il me reste, Hakaze. »


Ces mots me firent chaud au coeur. Avoir une amie qui me supporte même dans une telle décision, c’était la meilleure consolation face à ce m’arrivait. Ainsi, je l’étreignis, avant de reprendre, la voix gorgée d’émotions.


« Alors adieu, Jessica. Je ne t’oublierai jamais. Pour tout ce que tu as fait, et ce que tu feras pour moi, merci.

– Ce fut un plaisir ma poule. Tu diras à Hiroki et Reisuke que je les emmerde, une fois que tu les verras. »


Elle me tira un sourire. Ainsi, je tournai les talons, en disant adieu à tout ce que je laissais derrière moi. Il fallait que j’évite de penser à ma famille, et à mes amis. Ils allaient souffrir de mon absence, c’était un fait, mais je ne pouvais plus vivre dans de telles conditions. J’étais prête à faire le grand saut, l’ultime acte de ma vie qui allait enfin tout résoudre. Ne plus vivre dans ces tourments. Ne plus être prise au piège à regarder des tombes…


Je partis de mon quartier, dévalant quelques rues, à moitié vidée par mon acte. J’essayais tant bien que mal de rester entière au fur et à mesure de ma progression, afin d’éviter de m’écrouler sur les genoux et de renoncer en route. Personne ne me regardait. Hirosuke avait un boulot stable, des gens pour l’aider, mon père était entouré de ses deux groupies, je les savais tous heureux et en bonne santé. Je pouvais partir tranquille.


https://www.youtube.com/watch?v=2zkMJ5zD8G0


J’arrivai devant un bar. Ce fameux pub tenu par Daisuke : le Quindecim. J’y entrai pour prendre un verre avant le départ fatidique.


« Bonjour, chère cliente. Me lança une voix jeune et tendre. Que puis-je pour vous ? »


Je me tournai, faisant face à un jeune garçon aux cheveux blonds et aux yeux aussi pétillants que ceux du barman. Je m’avançai vers lui qui était fièrement dressé derrière son comptoir, avant de m’asseoir, comme une cliente normale. D’un geste de la main il m’invita à commander ce que je voulais, me montrant la liste des cocktails disponibles.


« Je ne sais pas quoi consommer. Avouai-je, le timbre à moitié mort. Que me conseillerais-tu pour préparer un long voyage duquel on ne revient pas ?

– Hmm. Hésita le jeune homme qui devait avoir dix-sept ans, me laissant constater une frappante ressemblance avec Daisuke. Pourquoi pas « Farewell, dear existence » ? C’est un breuvage que j’ai conçu moi-même. J’y ai ajouté de la nostalgie, une profonde réminiscence faite de souvenirs chaleureux et de bonheur perdu.

– Tu fais vraiment ce genre de cocktails ? Souris-je. C’est la carte de la déprime.

– Chaque client venant consommer dans l’humble bar de mon père attend des sensations différentes d’un autre. Il est de mon devoir de composer des breuvages correspondant à tout type d’émotions. »


Je soupirai. Il était exactement comme son père. Aussi attendrissant qu’agaçant. Il était cependant un poil plus maladroit que lui. Il préparait son cocktail avec moins de professionnalisme, cela donnait un certain charme à sa personnalité. Lorsqu’il me tendit sa boisson, je ne l’avais pas remarqué, mais quelqu’un d’autre s’était déjà assis à côté de moi : Louis, le pianiste du Quindecim, et accessoirement le meilleur ami de Daisuke.


« Bonjour Hakaze, me sourit joyeusement celui qui avait arrêté Daisuke dans sa folie vingt ans plus tôt. C’est rare de te voir ici.

– Vous n’avez pas quitté ce bar en 20 ans ? Répondis-je amusée. Il serait temps de penser à faire ta vie aussi Louis. »


Nous n’eûmes pas le temps de démarrer une conversation qu’un « HIKACHU !! » aigu se fit entendre de derrière. Il soupira, avant de prendre congé en s’excusant. Je le vis retourner avec une femme semblant être la sienne, ainsi que quelques enfants qui me prouvèrent que j’avais tort.


« Votre boisson. M’interrompit le barman qui voulait vraiment recevoir un avis sur sa mixture, comme un enfant. »


Je soupirai, avant de me saisir de sa préparation. Là je la goûtai, et je ressentis quelque chose de particulier. Je ne pus savoir comment il avait fait, mais des tas de sensations contradictoires me pénétrèrent, me rappelant différents goûts que j’avais oublié jusqu’alors. Un parfum de spiritualité provenant d’Izrath, le même qui donnait goût aux breuvages de Maximus le sixième. L’odeur des champs de fleurs de la colline du sanctuaire céleste, la délicatesse de chaque fruit que l’on y trouvait, et l’amour se dégageant de tous leurs projets, de toute leur création.


Je m’écroulai sur le bar de ce jeune homme, versant toutes les larmes que je retenais en mon for intérieur. Si Medrawt avait été là, il m’aurait traitée de couarde ou de gueuse, mais je n’en avais pas la moindre gêne. J’étais de toute façon résignée. Tout allait s’arrêter avec ce voyage à sens unique. Je n’avais plus grand-chose à supporter pour enfin être libre.


« Papa, je crois que j’ai fait pleurer une cliente. Bredouilla son fils qui était parti dans la réserve.

– Je m’en charge, ne t’en fais pas. Reprit le père, d’une voix calme et chaleureuse. »


Il arriva vers moi, je le sentais. Pourtant, je ne pouvais pas lever la tête. J’étais bien trop occupée à sangloter en repensant à tout ce que j’avais perdu. J’étais détruite, irréparable, brisée, impossible à sauver.


« Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus, Hakaze. Entama Daisuke d’une voix douce. Mais je savais qu’un jour, tu finirais par venir.

– Ton fils est charmant…Répondis-je, sans confronter son regard.

– N’est-ce pas ? Je n’aurais jamais cru pouvoir espérer à un tel bonheur que celui d’avoir mis au monde Auguste. La vie est quelque chose de paradoxal. La femme que j’ai essayé d’utiliser afin d’ouvrir les portes d’Izrath allait devenir la mère de mon fils. Finalement, j’imagine que le cours du temps est imprévisible pour nous, simples mortels. »


J’essuyai mes larmes. Daisuke et moi nous mîmes à entreprendre une conversation faite de réminiscences, de confessions, de sentiments, et de larmes. Nous nous rappelâmes à quel point les séparations avaient été douloureuses, en commençant par Kôsei jusqu’à Hiroki et Reisuke, sans oublier tous ceux qui étaient tombés en silence, dans l’indifférence la plus totale.


Nathan avait finalement décelé le best-seller à publier, et il avait gagné énormément de notoriété. Ce « Best-seller » n’était en fait que la nouvelle édition du Bescherelle, édition spéciale « Nazi de la grammaire » supervisée par Alexis. Les ventes avaient explosées et les deux étaient devenus riches. Le critique s’était donc reconverti et avait ouvert un musée de la porte dans lequel il gardait tous les specimens rares de portes ayant décoré des grands bâtiments de l’histoire. A vrai dire, je n’y croyais qu’à moitié, mais Daisuke m’assura que c’était la stricte vérité, et il n’avait aucune raison de mentir. J’appris également qu’Esteban et Sylvio, les deux inséparables du Quindecim, s’étaient finalement lancés dans la musique à leur tour. Ils étaient des rivaux récurrents de Shameless Fandubbers du Quindecim. Ils avaient également chacun trouvé une épouse qui supportait leur rivalité et leurs délires à foison.


Finalement, tout le monde était passé à autre chose. Même Juuni et Cécilia. Les deux femmes avaient totalement fait la paix et ouvert la fondation Christophe qui voyageait dans le monde afin de recueillir les orphelins dans le besoin. C’était d’ailleurs cette fondation qui envoyait les plus jeunes en famille d’accueil chez Jessica afin qu’elle ne s’en occupe. Avec l’aval du maire, ils étaient devenus une organisation non gouvernementale financée dans l’ombre par la commune.


Je grimaçai. Pour une amie, Jessica ne m’avait même pas mentionné ce détail. Peut-être parce qu’elle avait tout simplement honte d’être une femme normale éprouvant un instinct maternel. Elle avait toujours été très dure de caractère, affichant comme faiblesse le fait d’être prise pour une personne sentimentale. C’était plutôt amusant, finalement.


https://www.youtube.com/watch?v=ghwcWiLahdU


« Ce fut une merveilleuse aventure, n’est-ce pas, Hakaze ?

– Si seulement elle avait eu une autre fin. Murmurai-je, n’affrontant pas le regard de l’homme. Il n’y a que toi qui es assez pur pour te réjouir d’un tel épilogue, Daisuke.

– Oh ne te méprends pas. Parfois, moi aussi je me surprends à regretter mes choix. »


Il me sourit. Je lui rendis l’expression. Devinait-il à cet instant précis, quel acte je m’apprêtais à commettre ? Non, il lui était impossible de le faire. Même pour Daisuke, cela aurait été bien trop difficile à comprendre. Quoique, peut-être était-il le seul qui pouvait le faire. En repassant ses motivations au crible dans mon esprit, nous étions finalement assez similaires lui et moi.


« Auguste est un bon garçon. M’interrompit l’homme aux cheveux grisonnant, en fixant sa progéniture. Il a la même bonté d’âme que sa mère, ne trouves-tu pas ?

– Sa mère… ? L’interrogeai-je. De qui parles-tu ?

– Hikari. Me sourit-t-il. Nous avons prénommé notre fils en l’honneur de sa défunte amie, July. Après avoir fait tant de mal, elle m’a tendu la main, et j’ai saisi l’occasion pour l’aimer en guise d’excuses. Nous nous sommes aimés, et Auguste est né.

– Je sais comment on fait un enfant, ris-je, merci pour l’information Daisuke. »


Il pouffa lui aussi, me laissant pour la première fois entendre son rire enfantin et viril à la fois. Daisuke était un homme étrange finalement. Plus il me faisait décompresser, plus cela me faisait mal en retour.


« Je sais ce que tu es venu faire, Hakaze. Me murmura-t-il, convaincu.

– Vraiment ? Rétorquai-je, les yeux écarquillés. Mais, comment ?

– J’imagine que nous sommes similaires. J’ai longtemps pensé à comment tu aurais pu accomplir ton œuvre, et je savais que tu avais cette pensée en tête, mais que tu aurais tout fait pour ne pas t’y résoudre. Mais finalement, tu as perdu espoir, et tu t’es dit que c’était la seule solution pour mettre fin à tes tourments, n’est-ce pas ?

– Tu lis en moi comme un livre ouvert. »


Il esquissa un petit rire, avant de répondre.


« Attends simplement que mon fils parte, histoire qu’il n’assiste pas à un si triste spectacle. »


J’accédai à sa requête. Ainsi, j’attendis quelques dizaines de minutes afin qu’Auguste ne décide de s’absenter, suivi par les autres clients du Quindecim. Une fois en tête à tête avec le barman, il reprit la parole.


« Jessica a donc perdu tous ses pouvoirs, comme je l’avais imaginé. Elle t’a aidé pour le prototype, n’est-ce pas ?

– Oui. Jamais je n’aurais cru que les pouvoirs des ESPers auraient subsisté après la disparition d’Izrath. A partir des pouvoirs de Jessica, j’ai pu entreprendre des tas d’expériences, et j’ai donné naissance à un prototype. Alors j’ai fait des recherches pour utiliser l’énergie la plus proche du kvantiki : l’uranium. Mais je suis dans une impasse.

– Alors tu es venu pour me prendre mes pouvoirs et accomplir ton œuvre. Comme je l’avais prévu. C’est bien pour cela que j’ai entrepris ce projet, avec Hikari.

– Comment ça ?

– Ne l’as-tu pas remarqué avec Jessica ? Le simple fait qu’elle avait un enfant avec Ugo Porreau a suffit à ce que l’univers se distorde pour être certain qu’elle le rencontre, car donner la vie est un processus irréversible, peu importe la ligne temporelle. Je me suis donc lié dans la chair avec Hikari, afin d’être certain que pour Auguste, le temps se plierait à ma volonté.

– Tu veux dire que… »


Le regard de Daisuke s’illumina d’une lueur malsaine. Il me dévisagea d’un air carnassier, me laissant comprendre qu’il était bien en avance sur mes ambitions.


« Hakaze Namatame. Me lâcha-t-il avec intérêt. Je savais que de toutes ces personnes, tu n’allais pas te résoudre à un tel échec. Tu me l’as prouvé par une fois, lors de ton retour dans le temps. N’oublie pas que j’ai la faculté de garder les souvenirs de chaque ligne temporel, alors je me suis assuré que cette fois, je retrouverai Hikari, et j’accomplirai mon œuvre.

– As-tu été si loin dans ton anticipation ? Bredouillai-je, mal à l’aise.

– En effet, je l’ai prévu. Alors exécute-toi, et prends ma vie comme tu es venue le faire.

– Je…

– Et garde en tête que cette fois, je serai celui qui détruira Izrath, et avec lui, j’accomplirai le reset menant à mon monde parfait. »


Je lui transperçai le coeur d’un poignard caché dans ma poche en réflexe à ce qu’il venait de me dire. Il s’écroula au sol, nageant dans son propre sang en me dévisageant, satisfait par la tournure des choses. Il bégaya quelques mots.


« La troisième manche de notre lutte acharnée vers le passé commence…Hakaze…Et sois certaine que j’en sortirai vainqueur… »


Puis il rendit son dernier souffle, sous le poids de mes sentiments accumulés. Je venais d’entreprendre la première étape d’un voyage duquel il n’y avait pas de retour, et j’étais prête à m’y jeter corps et âme.


Je récupérai l’énergie de Cécilia contenue dans les organes de Daisuke ayant cessé de fonctionner. Comme nous l’avions deviné, Jessica et moi, sa réserve n’était pas aussi entamée que l’on aurait pu le croire. Il ne s’en servait que pour vivre, donc il avait économisé le maximum possible. Alors je sortis la machine que j’avais emportée. Je la jetai au sol, pour la laisser prendre la forme d’un projecteur vidéo, puis j’y introduis le pouvoir que j’avais récupéré de Daisuke Leocaser, ma victime.


S’ouvrit alors un portail comme je n’en avais pas vu en vingt ans. Je déglutis. Des tas de sentiments remontèrent jusqu’à mon coeur. J’allais une fois de plus tout laisser derrière-moi. Encore une fois, j’allais renoncer à mes proches, à mes amis, à ce que j’avais entrepris, pour tout recommencer. La Hakaze qui était venue me voir dans le passé était finalement celle que j’étais devenue, et à mon tour j’allais devoir revenir en arrière afin de sauver ce présent, son futur.


Alors je m’avançai d’un pas lourd, repensant à tous les enjeux de ce voyage. Au fond je le savais, c’était pour ça que mon père me surveillait en permanence par téléphone. Il savait que si j’avais la moindre possibilité de tout recommencer, je m’en saisirais à pleines mains pour retenter ma chance.


Je me laissai engouffrer dans le portail, sachant que derrière lui se cachait cette maudite guerre que j’allais revivre, ces grincements de dents, ces souffrances, le désespoir, Hiroki, Reisuke, Daisuke, mais surtout Izrath et tous ses habitants espérant une main salvatrice pour les délivrer de leur sort funeste.


« Attendez-moi, je vais changer le passé une nouvelle fois. »


Puis je disparus pour ne plus jamais revenir de ce voyage, laissant à Jessica le soin de veiller sur ma famille.


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[En Cours] Rising Hope : Les Spectres du Passé posté le [26/10/2019] à 09:51

Chapitre Final : RESET


https://www.youtube.com/watch?v=USCmVflxOfY


Le soleil brûlait en ce jour d’été. Les vacances arrivaient à grand pas et nous avions terminé notre année, Erika et moi. Nous avions tous les deux bien étudié, ce qui nous valut de valider notre diplôme d’études secondaires, nous ouvrant ainsi les portes vers les études supérieures. Pour ma part, je rêvais d’être pompier. Erika, elle, se voyait déjà être une infirmière. Elle avait le talent pour être une chanteuse, ou une athlète, mais elle préférait donner de sa personne pour les plus faibles d’entre nous dans leur labeur.


Ce jour-là, je devais la rejoindre, ainsi que The Fallen Moon, notre groupe de musique, pour une représentation live qui allait nous servir d’entraînement. En effet, nous comptions participer à un concours intercommunal regroupant tous les lycées du département, et c’était la première étape pour réussir à nous faire un nom. Cela ne m’intéressait pas à vrai dire, mais Kôsei et Erika semblaient y tenir.


Je sortis de chez moi afin de passer la prendre chez sa tante : Marie Kurenai. Mais alors que j’allais sonner chez elle, je sentis quelque chose d’étrange derrière moi. Je me retournai brutalement, mais il n’en était rien. Personne ne se trouvait aux alentours, mais j’avais l’impression d’avoir été observé toute la journée.


Alors je sonnai. Marie Kurenai sortit de sa maison, l’air désolé en me considérant.


La tante m’expliqua qu’Erika était déjà partie bien avant moi, je dus donc courir pour la rattraper. Cependant, alors que je me hâtai jusqu’à la place de l’espoir, je sentis encore cette chose me suivre, comme si une présence abstraite ne voulait pas me lâcher. Cela devait être mon imagination. Non, cela ne pouvait pas être mon imagination. Il y avait forcément quelque chose qui me scrutait, comme attendant le moment propice pour se jeter sur moi.


« Qui es-tu !? Lâchai-je au vent, comme parlant dans le vide. Montre-toi, qui que tu sois ! »


Personne ne me répondit. En surveillant les alentours, je repris ma course, guettant d’un œil discret ce qui se trouvait derrière moi. Mais je ne remarquai rien. Cette sensation désagréable ne partait pas. Elle me collait à la peau comme si ma vie en dépendait, comme si quelque chose de malsain et de destructeur voulait absolument me voir m’éteindre.


Lorsque je fus sur les lieux, nous pûmes enfin commencer notre concert. Nous jouions une musique qui comptait beaucoup pour nous : « Let her go », de Passengers. La voix claire et cristalline d’Erika enivrait l’auditoire de son talent et son éclat, tandis que je me laissais aller à la guitare sans la moindre fausse note.


Cependant, un imprévu vint court-circuiter notre concert. Un bruit sourd qui résonna au loin, comme si une explosion venait de retentir. Je lâchai quelques fausses notes tandis qu’Erika, perturbée, était sur ses gardes. Mon amie la blonde grimaçait en chantant faux, bien trop occupée à scruter d’où venait cette particularité que l’on ne pouvait pas définir. Je déglutis, notre évènement partait à vau-l’eau sous nos yeux, sans que l’on ne puisse faire quoi que ce soit, et je sentais en Erika quelque chose qui clochait. Cette créature allait sûrement revenir des entrailles de la jeune fille que j’aimais sans crier gare.


https://www.youtube.com/watch?v=AfkSACIjc4w


Mais alors que je surveillais Erika, quelque chose vint se planter sur notre estrade, sans nous laisser le temps d’éviter. Je réagis en vitesse, bousculant mon amie avant même qu’elle ne puisse réagir. Elle tomba de l’estrade, tandis que la menace se fit apercevoir. Une existence semblant humanoïde flottait dans les airs. Une personne portant une espèce d’armure sombre aux rayures claires étincelantes. Un casque nous empêchant de voir son visage, elle laissait une cape pourpre flotter au gré du vent.


Elle se rapprocha de nous à la vitesse de la lumière avant d’atterrir pile devant Erika. Mes yeux s’écarquillèrent. Mon sang se glaça d’un seul coup. Quelle était cette chose ? Comment accomplissait-elle de telles prouesses ? Et que nous voulait-elle ? Je n’eus même pas le temps de prendre la parole. L’intrus avait saisi Erika à la gorge, la surélevant d’une main comme si elle n’était qu’une plume que l’on soufflait au vent. Je me jetai spontanément sur elle, suivi par les membres de notre groupe de musique, en vain. L’individu nous repoussa d’une facilité déconcertante, comme de vulgaires insectes. Choqué, je tentai de prendre la parole afin de comprendre ce qu’était cette chose.


« Qu’est-ce que…grognai-je. C’est toi m’a suivi depuis ce matin !

– Kurenai Erika. Reprit la voix semblant trafiqué de l’individu sous cette armure. Yamada Reisuke. Je suis venu pour vous détruire. Aujourd’hui est le jour de votre mort. »


L’être fut surpris par des coups de feu venant de derrière. Un policier balafré, accompagné d’une escouade de trois personnes, dont un jeune homme au teint mat et aux yeux bleus semblant furieux de nous voir dans cette situation venait de tirer sur elle. Erika fut relâchée quelque temps, tandis que notre assaillant, lui, se tourna vers ceux qui avaient osé porter atteinte à sa vie.


Il leva la main au ciel, chargeant une énergie étincelante suffisamment puissante pour raser la ville entière. Erika et moi, ainsi que toutes les personnes présentes sur les lieux, nous fûmes tous subjugués par ce qui se déroulait sous nos yeux. Je déglutis. Personne n’allait pouvoir nous sauver d’une telle puissance.


« Zéphyra ! Retentit une voix féminine pleine d’assurance. Time Freeze ! »


Le temps s’arrêta autour de nous, pour presque tout le monde. Moi et Erika étions encore capables de nous mouvoir, mais il semblait que personne d’autre ne le pouvait, excepté notre adversaire. D’un seul coup, alors que je ne m’y attendais pas, surgit une jeune femme semblant quelques années plus vieille que moi. Une superbe brune aux cheveux marron et aux yeux verts éclatants bondit dans les cieux afin de s’attaquer directement à ce qui attentait à nos vies. L’existence projeta la puissance sur elle, et contre toute attente, la nouvelle venue déjoua l’attaque.


« Décline ton identité. Lui lança celle qui nous avait porté assistance. »


L’armure s’ouvrit légèrement pour nous laisser apercevoir le regard de notre assaillant. Deux grands yeux rouges presque inanimés qui me firent frémir de peur. Des mèches de cheveux en pointes noires lui tombaient sur le regard.


« Zetsubô. Lança la voix modifiée par je ne savais quelle technologie. Appelle-moi Zetsubô. Je suis le destructeur de civilisation. Celui qui va plonger le monde dans le chaos et le désespoir. Je déclare en ce jour que cette ville m’appartient, et qu’elle n’est que la première étape dans mon ascension vers la toute puissance. Tremble, Sagamihara. Écoute le désespoir qui est à ta porte ! »


Le ciel s’obscurcit tandis qu’il gronda comme si un orage se préparait. Notre adversaire éclata de rire face à la situation, devant nos mines abasourdies et incrédules.


« J’ai traversé le temps pour venir changer l’histoire et créer un monde issu de MA volonté ! Revendiqua l’être flottant devant nous. Personne ne viendra entraver mes objectifs ! Peu importe combien de fois vous devrez tous mourir pour créer l’univers auquel j’aspire ! Je recommencerai encore et encore, jusqu’à ce que ce monde se plie à ma volonté ! »


Cette qui était vraisemblablement de notre côté courut alors pour se ruer sur cette personne se proclamant le destructeur de civilisation. Elle fut stoppée dans sa course par un autre individu portant un masque lui aussi, mais dont on pouvait discerner une longue chevelure grise flotter au vent. S’ensuivit une bataille qui fit rage entre elle et l’homme aux pouvoirs de feu, bataille qui fut interrompue par Zetsubô lui-même.


« Il suffit, Silver. Si ETHER est déjà présente sur les lieux, alors nous ne pouvons plus rien faire pour le moment. Rentrons en Lithemba, serviteur.

– Bien maître. Répondit machinalement la voix masculine sous le masque. »


Mais alors que je pensais qu’il allait user d’une ruse pour nous attaquer, il se contenta de disparaître au loin, laissant tout le monde sortir de cette espèce de prison temporelle. Je restai abasourdi. Cependant, avant même que je ne puisse me poser des questions, la jeune femme en cuir nous ayant porté secours se rua vers moi, m’agrippant.


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« Il faut qu’on parle, Reisuke. Suis-moi. »


Elle nous entraîna, moi et Erika, dans une course sans fin pour arriver jusqu’à la plage, à quelques rues de la place d’où nous venions. Elle scruta la mer d’un air agacé, mais sans surprise. Comme si elle était au courant de tout ce qu’il se passait. Elle sortit un téléphone de sa poche, débutant ainsi une communication avec quelqu’un dont l’identité était un secret pour moi.


« Nous avons un problème, Laïla. Zetsubô a encore frappé. J’ai réussi à sauver Reisuke et Erika, je vais te les ramener. »


Erika afficha un air concerné en entendant le nom de « Zetsubô ». Elle grimaçait même, comme si quelque chose au plus profond d’elle était décontenancé par ce qu’elle venait d’entendre. Elle devait sûrement être encore sous le choc de l’attaque. Pour ma part, je ne réalisai toujours pas ce qu’il s’était passé. Je devais être dans un rêve, et on allait me réveiller, ce n’était pas possible autrement.


La jeune femme se tourna vers moi et me sourit. Elle me tendit la main maladroitement, comme si elle n’avait remarqué ma présence que maintenant.


« Excuse mes manières, Reisuke. Sourit-elle. Je ne me suis même pas présentée. Je m’appelle Hakaze. Namatame Hakaze. Ne t’en fais pas, je suis ton alliée. J’avais un œil sur toi et Erika, car je connais le monstre qu’elle a en elle et je voudrais l’aider à régler ce problème, mais l’heure n’est pas à cet objectif pour l’instant. »


Elle marqua une pause, avant de reprendre, sérieuse et pressante.


« Écoute, Reisuke, il faut absolument que tu me suives. Cet individu en a après toi et ta famille, et j’ai justement un contact très proche avec ta sœur. Si tu veux survivre et protéger Erika, exécute-toi et viens rencontrer Laïla. »


C’était soudain. Terriblement soudain. Je ne comprenais absolument rien, mais je n’avais de toute façon pas le luxe de réfléchir. Une terrible menace planait sur Erika, et cette brune venait manifestement de nous sauver la vie, à moi et elle. Alors je lui fis confiance, la suivant de très près tandis qu’elle nous menait je ne savais où.


Mais pour une étrange raison, je sentais que je pouvais lui faire confiance. Ses ambitions ne semblaient pas perfides, j’avais une bonne intuition à propos de cette personne.


Je devais faire confiance à cette lumière qui me guidait sur mon chemin de vie.


***

Car toute vie commence par une lumière. Une fine particule étincelante parcourant un océan de péripéties, traversant la vie elle-même en tentant de garder intacte sa luminosité. Lorsque cette étincelle en rencontre une autre, elle s’unit alors et grossit, se rassurant elle-même sur la difficulté de son parcours amoindrie par cette alliance. Confiante en sa force et sa luminosité, elle s’avance, encore et encore, habitée par un sentiment d’espoir profond : celui de changer les choses et d’aboutir à un feu d'artifices des plus magnifiques.


Parfois, l’ombre frappe un grand coup de nulle part, et l’étincelle unifiée se divise alors en de faibles particules luttant pour vivre, pour survivre, mais ce n’est que temporaire.


Car chaque existence se battant pour écrire son histoire, pour trouver son idéal, s’unifiera alors de nouveau avec les autres, sans jamais se laisser abattre.




Jusqu’à parvenir à ses fins.

Encore, et encore.

Dans un cycle éternel.

Fin.

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