Angela Hopper : Espoirs et Désillusions
Prologue
Spoiler :
Un jour, je me suis rendu compte que rien n’avait d’importance. Je vivais ma vie comme un rêve, riant d’un rien, inconsciente du monde qui m’entourait. Je ne pensais qu’à m’amuser, refusant que l’on vienne me prendre cette liberté qui était la mienne. Je pensais sincèrement que j’étais heureuse, entourée de mes amies et vivant comme bon me semblait avant de réaliser que je n'avais rien. Après tout, je n’étais qu’une fille normale et sans histoire. Du haut de mes quinze ans, je ne connaissais encore rien de la vie puisque mon plus grand échec avait été de perdre mon meilleur ami, mais jamais je n’avais connu une aussi grande tristesse que ce jour-là. J’avais deux amies : Maya et Ambre. Nous étions inséparables depuis la maternelle, mais également toutes aussi rêveuses les unes que les autres. Maya était la plus énergique du groupe, toujours prête à partir à l’aventure chercher des trésors enfouis ou escalader les plus hauts sommets. C’était une fille assez grande pour son âge aux longs cheveux noirs qu’elle tirait vers l’arrière, gardant néanmoins une sorte de frange du côté droit du visage, laissant une frange cacher à moitié son œil gauche. Ambre, quant à elle, était la plus raisonnable, toujours à peser le pour et le contre, réfléchissant toujours avant d’agir et cela se voyait dans son apparence. Toujours impeccablement coiffée, la jeune brune ne laissait dépasser que deux petites mèches de chaque côté de son visage fin et angélique pour m’imiter. La gentillesse et l’innocence se lisaient dans son regard vert émeraude et son sourire éclatant. Et enfin il y avait moi, Angéla, la blonde du groupe, celle qui les faisaient rire, qui égayait leurs journées, en quelque sorte le bouffon, mais cela ne me dérangeait pas. J’aimais le temps que nous passions ensemble et je tout le reste m’était égal et me paraissait futile. Et puis un jour, je fus ramenée à la réalité, de la façon la plus brutale qui soit. Je n’y étais pas préparée évidemment, personne ne l’aurait été à vrai dire. Lorsque notre vie bascule d’un seul coup, du jour au lendemain sans prévenir, passant du rêve le plus doux au cauchemar le plus atroce, nous nous brisons et nombreux sont ceux qui ne s’en relèvent jamais. « Je vous sauverai, coûte que coûte, même si pour cela je dois y laisser la vie. Je me relèverai autant de fois qu’il le faudra, j’affronterai les pires monstres, je vaincrai les pires adversaires, mais je vous retrouverai et je réparerai mes erreurs. Je refuse que d’autres paient pour ma stupidité et mon aveuglement. »
Si le destin s’acharnait contre moi, alors moi aussi, j’allais m’acharner contre lui. Je n’allais pas le laisser me vaincre aussi facilement. Ne pas savoir abandonner, être têtue et totalement déraisonnable, voilà ce qu’on me reprochait souvent mais si cela me permettait de retrouver ce que j’avais perdu, alors j’allais l’être, plus que jamais.
Et dire que tout cela avait commencé d’une façon tellement banale que c’en était presque risible…
Angéla : Une vie tranquille
Spoiler :
Enfin ! J’avais finalement réussi. Après tant d’effort et de dur labeur, j’étais finalement devenue membre de la prestigieuse Fédération Ether en ayant remporté le tournoi annuel !
Tandis que je m’avançais sur le podium afin de recevoir mon trophée, je saluai une foule en délire qui m’applaudissait à tout rompre. J’étais leur héroïne, celle étant partie de rien et qui, en à peine quelques mois, avait gravi tous les échelons jusqu’à devenir numéro un.
Mais, alors que la présidente Violet allait me remettre le badge officiel, une sonnerie retentit et le décor changea pour une banale salle de classe, après un cours de maths visiblement à en juger par les inscriptions étranges au tableau.
Comment m’étais-je retrouvée là ? Et où était mon badge ? Etait-ce un adversaire rancunier qui m’avait assommée de me trainer de force à l’école pour se venger d’avoir perdu contre moi ? C’était une théorie plus que probable…
Du moins…c’est ce que j’aurais aimé…
« Angela ! Me cria Ambre, tu viens ou on va encore déjeuner sans toi !
-Oui, oui, j’arrive, lui répondis-je d’un ton las tout en rangeant mes quelques affaires trainant sur ma table. »
Je me levai ensuite de ma chaise avant de m’étirer et bailler longuement. Les cours de maths n’étaient vraiment pas de tout repos, surtout avec notre professeur, Cloclo, qui ne nous lâchait jamais d’une semelle. La seule alternative que j’avais trouvée pour échapper à ses questions était de me réfugier dans le monde des rêves.
« Angela, tu crains vraiment, me lança Maya une fois que je l’eue rejointe.
-Tu vas me dire que tu as écouté toi-même en étant réveillée ? Rétorquai-je.
-Non, mais dis-toi qu’on a bien rigolé pendant ce cours de maths, tu as vraiment raté quelque chose.
-Vraiment ? M’exclamai-je, soudainement intéressée par les ragots.
-Oui, une marmotte endormie canardée de craie par un chasseur prof de maths en colère, railla Maya en éclatant de rire, suivie immédiatement d’Ambre. »
C’était donc pour ça que j’avais autant de poussière de craie sur toutes mes affaires et que mes mains étaient aussi blanches que de la soie…Depuis le temps, ce n’était plus quelque chose qui me dérangeait, surtout que la craie partait assez facilement sur l’uniforme de l’école.
« Au moins, il a utilisé du blanc cette fois, la dernière fois j’ai mis presque dix minutes avec le rouge, lui répondis-je en haussant les épaules. »
Mes deux amies repartirent dans un fou rire incontrôlable en me revoyant râler aux toilettes et repeindre les lavabos en rouge avant qu’une élève ne s’évanouisse pensant que j’avais du sang sur les mains. Ça m’avait pris dix minutes de plus pour la réanimer et évidemment, j’étais arrivée en retard au cours suivant…
Sur ces belles paroles, nous descendîmes à la cantine et sans grande surprise, il y avait une queue faisant trois fois le tour de la cour pour y accéder. Mais, même si j’avais une envie folle de repasser par les souterrains pour couper et manger immédiatement, Ambre me rappela à l’ordre avec la menace du surveillant général qui pesait sur moi depuis la dernière fois.
« Je te rappelle que ce type te traque, il doit sûrement attendre au bout pour t’attraper et te mener directement chez Chapy !
-Le surveillant général en boss final ? Rien de plus facile, non seulement tu pourras m’admirer à l’œuvre mais en plus tu auras un repas dans les cinq minutes ! Rétorquai-je, sûre de moi.
-Parfait, je te suis Angéla ! Je suis sûre que tu vas gagner haut la main ! S’exclama Maya en me poussant hors de la file d’attente »
Mais, alors qu’elle m’entrainait avec elle, quelque chose tomba de son sac : une boite de pansements et un kit de premier secours.
-Une minute, pourquoi tu as ça avec toi ? L’interrogeai-je, m’arrêtant brutalement.
-Ah, ça…Au cas où, on ne sait jamais, me répondit-elle avec le sourire le plus faux du monde.
-Bon, bah je vous attendrai ici moi, Maya, ramène Angéla entière si possible…en fait, ramène la tout court s’il te plait…
-Vous n’avez aucune confiance en moi ! M’écriai-je, vexée.
-Aucune, me répondirent-elle d’une seule voix. »
Devant cette solidarité incroyable, je me contentai de gonfler les joues et de me planter dans la file d’attente, frustrée.
Au bout d’une bonne demi-heure de queue dans le froid, les cris, l’agitation et les tentatives de passages en force, nous finîmes par enfin accéder au self.
Comme chaque jour, la diversité de choix invraisemblable me choqua tellement que je restai une bonne minute devant les plateaux à me demander si je n’aurais pas mieux fait de rester en classe et apporter un sandwich. Cependant, les cris d’élèves affamés et visiblement ayant perdu le sens du goût m’obligèrent à faire un choix et je pris le premier plat me passant sous la main.
« Tiens, tu prends des lentilles toi maintenant ? Me demanda Ambre, surprise en regardant mon assiette. »
Je soupirai. Encore un jour à sauter le déjeuner…Ils auraient quand même pu faire un effort et nous mettre quelque chose de comestible pour le jour où devait se dérouler la finale du tournoi de Spiritual de l’école histoire que les participants ne jouent pas le ventre vide. Et puis, pourquoi le poissons accompagnant les lentilles me paraissait aussi…indéterminé ?
Je renonçai rapidement à essayer de comprendre ce qu’il y avait dans mon assiette et je partis chercher une table pour trois.
Après cinq tours de cantine et avoir manqué de déraper trois fois sur au même endroit, nous finîmes par trouver trois places dans un coin, à côté de la fenêtre et nous nous installâmes.
« Alors, vous avez lu les livres pour Calvere ? Demanda Ambre, entamant la conversation.
-Ouai, les trois hier entre vingt-heures et minuit, j’ai cru que je n’en verrai jamais le bout ! Se plaignit Maya engloutissant le poisson étrange d’un seul coup. »
Encore et toujours du travail…mes amies ne parlaient presque que de ça quand nous n’avions pas d’autre sujet de conversation, mais moi, je m’en fichais complètement. Ce que j'aimais, c'était l’aventure et plus particulièrement les actions de la fédération Ether. Je ne rêvais que d’une chose : pouvoir un jour m’engager à leurs côtés et combattre le mal telle une véritable héroïne…Malheureusement pour moi, personne dans ma classe ne semblait se préoccuper de cela. Tout le monde préférait regarder de loin leurs actions plutôt que de suivre de près leurs exploits. Parfois je me sentais bien seule à cause de cela…
« Et toi Angela ? Tu les as trouvés comment les livres ? Aussi intéressants que les dix derniers que tu n’as pas lus ? Railla mon amie aux cheveux d’ébène.
-On va dire ça, grimaçai-je, ne les ayant même pas achetés et ayant passé ma soirée à autre chose de plus important.
-Encore ? S’étrangla Ambre, écarquillant les yeux de surprise. La dernière fois Calvere ne l'a pas très bien pris…et si jamais il t interroge de nouveau, je sens qu'il va vraiment s'énerver…
-Ne t’inquiète pas, j'ai pris un résumé sur internet, je ne suis pas folle. Mais je ne comprends pas comment vous faites pour lire des livres aussi longs en deux semaines…voire même en une soirée comme certaine…
-Il suffit de s’y mettre mon Angie, c’est sûr que si tu n’achètes pas les livres, tu ne risques pas de les terminer, rigola Maya.
-Bon, ça va, j'ai compris et arrête avec ce surnom, c’est ridicule !
-Je trouve ça plutôt mignon moi, répliqua Ambre avec un grand sourire. »
Sous l’effet de la frustration et cherchant quelque chose d’autre à faire, je pris une cuillerée de ce que j’avais dans mon assiette avant d’avoir des nausées en me souvenant de ce que je venais de prendre. J’avalai donc avec grande difficulté et énormément d’eau les lentilles de la cantine tandis qu’Ambre et Maya faillirent s’étouffer tellement elles riaient devant mon air affolé.
Nous ne restâmes pas bien longtemps après cet incident et nous nous dirigeâmes vers les gymnases où se déroulait le traditionnel tournoi de Spiritual de l’école entre élèves et professeurs…tournoi duquel j’avais été bannie à cause de mes mauvais résultats scolaires…Franchement, ce n’était qu’un sport comme un autre, pourquoi ne pouvais pas participer à la seule activité qui me motivait à venir en cours ?
La rencontre du jour se jouait entre notre professeur de technologie, monsieur Horlogier, un grand maigre à lunette et aux crâne dégarni, et un première qui du nom de Erwan assez…massif et lourd, dans tous les sens du terme.
Lorsque nous prîmes place dans les gradins, le combat avait déjà bien avancé et Erwan était en bien mauvaise posture. Son spiritual ne lui procurait aucun autre pouvoir que de la force physique alors que celui du professeur utilisait les champs magnétiques à son avantage pour attaquer.
« C’est terminé, dit soudain une voix féminine à côté de moi alors que nous nous installions. »
Je me retournai, heureuse d’entendre enfin une fille s’intéresser au même sport que moi et je vis que celle qui avait prononcé cette phrase n’était autre qu’une grande fille blonde aux yeux verts répondant au nom de June Wheeler, la première de notre classe, juste devant Ambre.
Comme d’habitude, elle était impeccablement coiffée, avec simplement une petite mèche tombant au milieu de son front tandis qu’une plus grande descendait sur son épaule gauche tandis qu’une barrette maintenait le côté droit. Son visage était assez mature pour quelqu’un de notre âge, avec des traits et des expressions qu’on pouvait retrouver aussi bien chez un adulte et ses yeux reflétaient une intelligence et une réactivité hors du commun.
C’était une fille assez discrète dans la classe, à qui je n’avais jamais vraiment parlé à part pour demander des devoirs. Elle était d’ailleurs souvent dans son coin, préférant certainement ses livres à ses camarades de classe et c’est pourquoi, je n’aurais jamais imaginé qu’elle ait pu s’intéresser au combat de Spiritual.
Cependant, je n’eus pas le temps de faire plus ample connaissance car la jeune fille tournait déjà les talons pour retourner en classe vraisemblablement mais je notai dans un coin de mon esprit qu’elle pouvait se révéler être une potentielle partenaire de combat avant de me reconcentrer sur l’arnaque qui se déroulait sous mes yeux…
Effectivement, comme elle l’avait prédit, Horlogier, en une seule attaque, envoya son adversaire au tapis.
Alors que tout le monde applaudissait les deux combattants qui se serraient la main, visiblement fiers d’eux, je bouillonnais intérieurement devant ce spectacle ridicule.
« Quoi ?! C'est tout ce dont est capable un des meilleurs du tournoi ?! Fulminai-je de rage.
-Il fallait s'y attendre, Mr Horlogier est quand même un des meilleurs combattants de tout le lycée…
-Je ne parle pas de ça ! Non mais vous avez vu ce combat ? Même moi je l'aurais battu ! Il n’a même pas invoqué son Spiritual sous forme Physique !
-Vraiment ? Tu aurais pu faire mieux toi ? Me demanda Maya, sceptique.
-Evidemment, tu t’adresses à une des futures leaders de la fédération Ether ! Rétorquai-je fièrement.
-Dans ce cas, gagne un combat contre lui et je te croirai, me répondit-elle en haussant les épaules.
-Très bien, tu verras un affrontement comme tu n’en as jamais vu, répliquai-je, l’œil brillant. »
Sur cette déclaration de guerre, Ambre nous tira toutes les deux par la manche et nous força à courir pour arriver à l’heure en cours de français qui commençait moins de deux minutes plus tard.
Nous réussîmes néanmoins à rejoindre la classe avant l’arrivée de Calvere. Lorsque ce dernier entra à son tour, il portait son habituelle chemise noire s’assit sur sa chaise comme on s'assoit dans un fauteuil prêt du feu.
Ma place était vraiment la pire qu'on puisse imaginer : exactement dans le champ de vision de Calvere dès que celui-ci tournait un peu la tête, au dernier rang, là où le professeur regarde par réflexe.
« Bien, pour aujourd’hui vous aviez quelques livres sympathiques à lire n'est-ce pas, déclara-t-il d'un ton doucereux.
-Sympathique…façon de parler…, marmonnai-je assez bas pour qu'il n'entende pas.
-Donc voici les trois questions. »
Calvere posa ses habituelles questions stupides auxquelles je ne compris pas grand-chose, c’est pourquoi je sortis mon dossier "préparé" à la maison…ou plutôt imprimé depuis mon ordinateur.
Pendant que je regardai les mouches voler, faisant semblant de réfléchir, je voyais toutes mes camarades écrire, chercher des choses à dire, parler, et même…dessiner…
Après dix minutes sans rien faire, j'entrepris tout de même de lire ce que j'avais sorti, histoire ne pas paraitre trop suspecte…
En fait, il n'y avait rien de bien intéressant dans mon résumé et Je commençai à paniquer. Je sentais que Calvere allait m’interroger la première à en juger par son regard fixé sur mes notes. Je me mis à paniquer et je regardai autour de moi et je cherchai si par hasard, il n'y avait pas une bonne âme prête à me donner ses réponses ou lever la main mais ni Ambre ni Maya, ni personne d’autre n’avait l’air d’être d’humeur à répondre volontairement aux questions.
« Bon, j'ai comme l'impression que notre amie Hopper veut commencer, déclara Calvere en me voyant m’agiter dans tous les sens. Et bien allez-y.
-Euh…d'accord, bafouillai-je. Donc le bonheur des dames, c'est ça ?
-Oui, allez-y
-Bon alors… »
Je n'avais d'autre choix que de lire mon copier-coller mais il m’arrêta après le premier paragraphe.
« C’est très confus votre réponse. Imaginez, je dis bien imaginez que vous parliez à quelqu’un qui n'aurait pas lu le livre. »
Quand il dit cela, toute la classe éclata de rire. Tout le monde savait que personne ne lisait jamais en entier les livres de Calvere…ou alors une très petite minorité lorsque les livres n’excédaient pas les cents pages.
« Je dis imaginez parce que, bien entendu, tout le monde dans cette classe les a lus. Reprenez et soyez claire cette fois ci. »
J’essayai tant bien que mal de gagner un peu de temps en faisant tomber mes feuilles, faisant semblant de me tromper de question et Ambre et Maya m’aidèrent un peu en se plaignant de leurs voisines. Je les remerciai d’un geste rapide avant de chercher ce qui pouvait se rapprocher le plus d’une réponse pas trop stupide à la question de Calvere mais je n’eus pas besoin de simuler d’avantage car la cloche sonna et me sauva.
« On reprendra ça la prochaine fois. Et c'est vous que j'interrogerai en première, dit-il en s'adressant à moi, donc tachez de faire quelque chose de mieux. »
Sur ces belles paroles, il sortit et je m’effondrai sur ma chaise, consciente d’avoir frôlé la catastrophe cette fois-ci. Encore une fois, j'avais réussi à passer entre les gouttes, mais pour combien de temps encore…
Je n'eus même pas le temps de ranger mes affaires de français et de me plaindre auprès de mes amies que le professeur d'histoire, monsieur Lareine, entra dans la classe, visiblement assez énervé puisqu’il jeta son sac sur le bureau à peine arrivé.
« Bonjours mesdemoiselles et messieurs, asseyez-vous. Aujourd’hui est un jour très spécial. Savez-vous lequel ? »
Personne ne répondit évidemment. Il en avait de bonnes lui…
« Aujourd’hui, nous allons parler de l'Egypte ancienne. Vous allez me demander pourquoi. Et bien c'est très simple, j’ai fait quelques découvertes intéressantes que j’aimerais partager avec vous. Donc est ce que quelqu'un ici pourrait me faire un bref résumé de l'histoire d'Egypte qu’on se mette dans le bain ? »
Silence dans la classe. J’aurais bien levé la main puisque l’Egypte était l’un des piliers concernant les Spirituals et Izrath, mais si quelqu’un me voyait faire ça, ma réputation risquait d’en prendre un coup alors je me contentai de bailler.
« Personne ? Allez, un peu de courage quand même ! Tenez, June, pouvez-vous me parler de l’Egypte ? »
La première de la classe se leva et prit la parole d’une voix assurée, comme elle le faisait toujours. Elle devait certainement agacer beaucoup de monde dans la classe à toujours tout savoir, mais ça ne me dérangeait pas plus que ça. Cela me faisait même rire de voir Ambre se plaindre tout le temps d’avoir été détrônée depuis maintenant deux ans.
Après un long exposé de choses que je savais déjà, Lareine interrompit ma camarade, sortit un papier et reprit la parole au moment où June commençait à évoquer la fin de la guerre contre les soldats du désespoir.
-Bien tout ça, mais avez déjà entendu ceci : « Lorsque la lune deviendra le soleil, elle déploiera ses ailes mortelles. Le monde plongera alors dans un nouvel âge de ténèbres. Le roi des ombres renaitra de ses cendres et étendra son voile de terreur sur la terre. Tous les peuples n’auront d’autre choix que de se soumettre et il règnera pour l’éternité… Cependant lorsque la puissance des ténèbres s’alliera à celle de la lumière, l’exilé reviendra. Il rétablira l’équilibre des pouvoirs et reprendra la place de souverain qui lui est due, mettant un terme à ce règne de terreur et de destruction… »
-Non, jamais et pourtant mes parents s'y connaissent en vieilles histoires farfelues, répondit June, pensive. »
Je tendis l’oreille. Ce cours d’histoire commençait enfin à devenir intéressant…Cette sensation nouvelle, cette envie de découvrir de nouvelles choses, ce désir d’en savoir toujours plus et cette peur de la cloche qui aurait interrompu cette discussion…Etait-ce cela…que ressentaient Ambre et June chaque jour ?
« D ou tirez-vous cette…cette prophétie je pense, non ? Demandai-je d’une petite voix, ce qui surprit Lareine.
-C’est exact Angela, il s'agit bien là d'une prophétie. Et si vous voulez savoir d'où elle vient, elle a été redécouverte dans les ruines d'un ancien royaume, le royaume d'Héliopolis
-Jamais entendu parler…
-C’est bien normal, reprit June, ce royaume s'est très vite éteint avec la disparition de son roi. Mais je croyais qu’Héliopolis n’était qu’une vieille légende poussiéreuse.
-Mais cette prophétie…elle fait froid dans le dos…Frissonnai-je.
-C’est une prophétie de fin du monde mademoiselle Hopper, elle doit forcément être un peu obscure.
-Mais monsieur, continua la première de la classe, pourquoi nous parler de ça aujourd’hui ? Je veux dire, je ne crois pas avoir vu une quelconque information dans les journaux ou à la télévision…
-Je voulais simplement vous en parler pour voir vos réactions, répondit-il.
-Mais c’est ridicule, plus personne ne croit aux prophéties de nos jours ! Vous n’allez pas me dire que vous y croyez ? M’exclamai-je, interdite.
-Je n'ai jamais dit qu'elle était réelle. Mais je suis historien, je ne fais qu’énoncer des faits et je les analyse ensuite ma chère Angéla. »
La conversation dériva rapidement sur d’autres sujets et Pendant tout le reste du cours, nous parlâmes de l'Egypte et des premiers Spirituals apparus sur terre. Enfin, nous n'étions que deux à participer : June et moi.
Comme je m’en doutais, elle partageait la même passion que moi pour les combats de Spirituals et pour les actions de la fédérations Ether. Tous les autres parlaient ensemble de choses et d'autres mais pas de l'Egypte. Pour la première fois, je trouvais un réel intérêt pour un cours d'histoire et à la fin de l'heure, ma soif d’en savoir plus n’était toujours pas étanchée.
Le professeur de sport étant absent, nous avions la permission de sortir plus tôt. Personne ne s'en priva. Après tout, ce n'était pas tous les jours que nous pouvions sortir à seize heures au lieu de dix-huit heures…
Saisissant cette occasion, je laissai Maya et Ambre sur la touche. Cela les surprit un peu mais elles ne protestent pas. Il fallait que je parle à June, elle semblait en savoir beaucoup plus sur toutes ces histoires qui me passionnaient. Elle pouvait peut-être m’éclairer un peu plus sur la prophétie.
Je la repérai au coin de la rue, sur le point de prendre le bus pour rentrer chez elle. Je me mis à courir pour la rattraper avant qu'elle ne monte dedans.
« June ! Attends, il faut que je te parle ! Lui criai-je en faisant de grands signes pour qu’elle me voie. »
Mais alors que je courais, je me pris les pieds dans une branche qui trainait sur le trottoir. Heureusement June réussit à me retenir avant que je ne m’étale face contre terre.
-Merci, lui dis-je un peu honteuse.
-Ce n'est rien. Je suis contente que tu ne te sois pas fait mal, me répondit-elle en souriant. Donc tu voulais me parler d'après ce que j'ai entendu. Tu as oublié de noter des devoirs ou il te manque des cours ?
-Pourquoi pas…mais non, je voulais te demander plus de précisions au sujet de…de ce dont nous avons parlé tout à l'heure en cours.
-Tu sais, tu devrais demander directement à Lareine, c’est lui le spécialiste en la matière, pas moi, continua-t-elle très humblement.
-Oui, mais je me disais que pour avoir une telle culture, tu devais avoir de bons livres chez toi. Peut-être qu’il y aurait des informations auxquelles tu n’aurais pas prêté attention et…
-Oh, dans ce cas-là, Tu devrais demander à mon père, il s'y connait plutôt bien dans toutes ces histoires de fin du monde. Enfin, c'est ce qu'il prétend. Il dit l'avoir sauvé plein de fois quand il avait notre âge et…
-Parfait, présente-le-moi ! L’interrompis-je, des étoiles dans les yeux.
-Bon, je t’aurais prévenue, ne vient pas te plaindre qu'il est assommant ou autre chose comme ça…Soupira June en retournant attendre le bus. »
A ce moment-là, je pensais simplement rencontrer un historien farfelu en suivant June chez elle. Cependant, j’ignorais totalement qu’en cherchant à en savoir plus sur cette prophétie, je venais de mettre les pieds dans une histoire qui allait me couter bien plus cher que ma propre vie.
Angéla : June Wheeler
Spoiler :
A l’arrêt et pendant le trajet, j’en profitai pour faire plus ample connaissance avec cette fille que j’avais dans ma classe depuis déjà deux ans mais à que je n’avais jamais appris à connaitre plus que ça.
Je me rendis compte à quel point j’étais passée à côté d’une personne formidable. Non seulement, elle montrait une sympathie plus que surprenante à mon égard alors que je devais avoir moins de la moitié de sa moyenne, mais en plus elle s’intéressait de près à la fédération Ether, tout comme moi. Elle avait même déjà remporté quelques petits tournois de qualifications sans jamais aller plus loin.
Le temps passa incroyablement vite aux côtés de June qui me racontaient des anecdotes plus folles les unes que les autres si bien que je failli rater notre station.
Une fois arrivées, je me retrouvai complètement perdue. Nous étions dans un arrondissement qui m’était totalement inconnu : Montmartre. Il y avait la beaucoup d'animations, des peintres, des mimes, et même des souffleurs de bulles de savon géantes, le tout dans un décor assez ancien me faisant penser à ces villages d’autrefois que l’on peut voir dans les livres. Même les boutiques me semblaient vieillottes avec leurs babioles en bois et leurs produits fantaisistes.
« C’est la première fois que tu viens à Montmartre ? Me demanda June devant mon air perdu.
-Euh…oui, je ne sors pas beaucoup de mon quartier…
-Oh, donc tu n’as jamais vu ça !
-Ça ? Répétai-je, intriguée. »
Sans en dire plus, la jeune fille me prit par la manche et me conduisit devant la basilique. De là, nous avions une vue vraiment magnifique. Nous pouvions apercevoir presque tout Paris depuis notre perchoir : l'arc de triomphe, la tour Eiffel et Montparnasse, désormais tour Ether, le Louvre, la Seine, les ponts et bien d’autres monuments historiques.
J'étais émerveillée. Je ne regrettai vraiment pas d'avoir demandé à June de m’emmener ici. Il fallait que j’emmène Ambre et Maya ici aussi. J’étais persuadée qu’elles adoreraient, elles qui aimaient tout ce qui sortait un peu de l’ordinaire.
Après être restées quelques minutes devant ce spectacle splendide, June m’amena enfin chez elle. Elle habitait un petit appartement juste a cote de la basilique, sur la place carrée de l’arrondissement qui était assez animé, surtout par des artistes quand on regardait bien. En même temps, l’endroit ressemblait tellement à une peinture que je les comprenais de venir exercer leur art ici.
« Bon, reste là, je vais voir s’ils sont déjà rentrés ou si… »
June laissa sa phrase en suspend quand elle entendit le bruit d'un verre qui se brise provenant de la cuisine. Je sursautai mais cette-dernière resta très calme.
« Ça c'est surement maman qui a essayé de cuisiner… Me dit-elle en soupirant. Suis-moi, je vais te la présenter. »
Nous entrâmes à l’intérieur et ma nouvelle amie se dirigea directement à la cuisine…Même si celle-ci ressemblait plus à un champ de bataille qu'a une cuisine. Il y avait de la farine un peu partout. Tous les appareils étaient sortis : mixeur, grille-pain, batteur, et même une friteuse et la mère de June était à genoux en train de ramasser les débris de ce qui avait dû être un saladier.
« Maman ! S’exclama la blonde, mécontente.
-Oh, c'est toi, je ne t’avais pas entendue entrer. Tu es rentrée tôt aujourd’hui June. »
Sa mère se releva, manquant de faire tomber d'autres ustensiles au passage. Elle lui ressemblait beaucoup, elle avait les mêmes cheveux blonds comme l’or ainsi que les mêmes yeux, à l’exception de leur couleur qui tirait plus vers le mauve chez sa mère. Je remarquai également que June possédait la même mèche que sa mère au milieu du front, ce qui ne faisait qu’accentuer leur ressemblance même si mon amie était bien mieux coiffée. Ce qui les différenciait par contre, c’était leur regard. Autant celui de June était pur et innocent, autant celui de sa mère dégageait quelque chose d’autre que je ne pouvais pas bien cerner…mais peut-être était-ce simplement dû à l’âge.
« Oui, le prof de sport n'était pas là. Mais ce n'est pas le plus important, j'ai ici une amie qui voudrait parler à papa. Est ce qu'il est là ? »
D’abord hésitante devant un tel carnage et sortant de mes pensées, je finis me présenter convenablement.
« Bonjour madame, je m’appelle Angela Hopper, lui dis-je en lui serrant la main.
-Enchantée. Je suis la mère de June. Mais entre nous tu peux m’appeler May, je n'aime pas qu'on m’appelle madame. Et pour répondre à ta question June, ton père est sorti mais il doit revenir d'une minute à l'autre. »
Au même moment, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir, un bruit sourd m’indiquant qu’un objet venait de tomber suivi d’un gémissement.
« Quand on parle du loup, c'est surement lui qui revient. Je vais le prévenir que vous êtes là, prenez ce que vous voulez, il y a tout ce qu'il faut. »
Le père de June arriva quelques secondes après. C'est un grand homme blond, comme June et May, à l’air assez niais mais dégageant la même gentillesse que sa fille dans son regard. Une paire de lunettes carrées surmontaient son nez droit tandis que quelques poils de barbe mal rasés peignaient ses joues et son menton rond. Il portait une blouse blanche ainsi qui n'était apparemment plus toute neuve à en juger par les nombreux trous un peu partout et l’odeur de brûlé qui s’en dégageait.
« Papa, dit June, je te présente Angela, une amie.
-Bonjour Monsieur, désolée du dérangement.
-Mais ce n’est rien, c’est un plaisir de faire ta connaissance ! Je suis le professeur John Wheeler, archéologue et accessoirement invocateur de talent ! Est-ce que par hasard tu aurais déjà vu mon nom dans un livre relatant l’histoire des Spirituals dans notre monde ? Sache qu’il s’agissait bien de moi et…
-Bon, c'est très intéressant, râla sa fille en lui coupant la parole, mais Angela n'est pas venue ici pour parler de ton livre bidon ou de je ne sais quoi. Mais par contre, as-tu déjà entendu ceci ?
June lui récita mot pour mot la prophétie dont Lareine nous avait parlée, ce qui me laissa bouche bée. Elle avait une de ces mémoires…je ne me souvenais que de bribes de phrase et de l’idée générale alors que Lareine en avait parlé moins de trois heures plus tôt…
Quand elle eut fini, son père croisa les bras sur son torse et fronça les sourcils, perplexe.
« Hum…intéressant tout cela. D'ailleurs, ton histoire me rappelle une de mes aventures…
-Et voilà, c'est parti…soupira June.
-C’était à l'époque où nous habitions Tokyo. Nous avions emménagé là-bas sur la demande de Violet qui…
-Violet ? Attendez, vous voulez LA Violet Leblanc ? Fondatrice de la fédération Ether ? M’exclamai-je, le cœur battant à tout rompre et des étoiles dans les yeux à l’évocation de mon héroïne.
-A l’époque, elle n’était qu’une ancienne camarade de classe de May, s’amusa l’homme. D’ailleurs, savait que Violet…
-Mais elle s'en fiche de tes histoires à dormir debout papa ! Elle est venue pour en savoir plus sur une prophétie, pas pour entendre ça ! S’impatienta alors la jeune fille, tapant du pied frénétiquement sur le sol.
-Comment ça, à dormir debout ? Tout cela n'est que la pure vérité. Tu verras si c’est agréable quand tu auras des enfants à ton tour et que tu leur raconteras tes aventures pour sauver le monde !
-Je préférerais ne jamais avoir à faire ça, lui répondit-elle en s’affalant sur un fauteuil.
-Mais ça m’intéressait moi ! Protestai-je. Alors, quelle était cette anecdote sur Violet ?
-Tu vois June ? Enfin quelqu’un qui aime mes histoires ! Nous allons bien nous entendre toi et moi, jeune fille !
-J’en peux plus, prévenez-moi quand vous aurez fini… »
Sur ces mots, la jeune fille ferma les yeux et fit semblant de dormir pendant que son père continuait à me raconter ses aventures et les anecdotes du temps passé avant le Purple Requiem. J’étais littéralement passionnée, j’avais l’impression de vivre moi-même le récit. J’aurais tellement voulu être à sa place, avec Ambre et Maya, elles auraient adoré elles aussi, j’en étais persuadée.
Finalement, je ne vis pas les heures passées et pendant plus d’une heure, je restai dans l’entrée de cet appartement, à écouter le père de June.
« Je n’aurais jamais imaginé que quelqu’un ait pu vivre de telles aventures, lui dis-je, soufflée, une fois qu’il eut terminé.
-Et ma fille qui dit que je radote ! S’exclama-t-il, fier de lui. Enfin quelqu’un qui sait apprécier mes histoires à leur juste valeur. Et sur ce, je crois qu’il est temps que nous nous occupions-nous de cette prophétie sinon ma fille va encore me bouder toute la semaine. »
Le père de June se leva et alla fouiller une dans une étagère très poussiéreuse remplie de livre tous plus gros les uns que les autres tandis que sa fille rouvrit les yeux en baillant.
Le professeur Wheeler revint quelques instants plus tard avec un énorme livre qui, visiblement, n’avait pas été ouvert depuis des lustres. Sur la couverture, on pouvait voir un étrange symbole, une sorte de paire d’ailes dorées en forme de V, entourée de deux traits courbés épousant la forme arrondie de la lettre.
C’était étrange. Jamais je n’avais vu un tel symbole jusqu’ici alors qu’il était pourtant ridiculement simpliste.
« Je pense qu’on trouvera tout ce dont on a besoin dans ce livre très particulier, déclara le professeur d’une voix mystérieuse qui fit bailler June une nouvelle fois.
-Et…qu’a-t-il de si spécial ? Demandai-je, déconcertée.
-Voyez-vous, il n’existe que deux exemplaires de ce livre. L’original a été retrouvé dans des ruines au milieu du désert. J’ai réussi à avoir une copie grâce à mes recherches en collaboration avec la fédération Ether et avec l’aimable accord de Violet. Mais trêve de bavardage, mettons-nous au travail ! »
Le scientifique ouvrit l’ouvrage et commença à feuilleter la table des matières avant de s’arrêter sur un point précis et de passer directement à la page qui devait l’intéresser. Il lut encore pendant quelques minutes et cria un « Euréka » qui nous fit sursauter, June et moi.
« J’ai trouvé ce qui nous intéresse, déclara-t-il fièrement sous les yeux ébahis de sa fille.
-V…Vraiment ? Bégaya June, surprise que son père ait obtenu l’information aussi vite.
-Pour qui me prends-tu, rétorqua ce dernier fièrement. Mais je crois que votre professeur vous a raconté une histoire incomplète.
-Que voulez-vous dire ? Repris-je, perplexe.
-Il n'a pas mentionné le contexte dans lequel cette prophétie a été écrite. Et il se trouve qu’elle date, non pas de la fin du règne d’Hélios, non pas de la chute de son prédécesseur Solaris…mais bien d’un temp beaucoup plus ancien…Un temps où Izrath et la terre n’étaient pas encore séparés. »
Angéla : Tout Change
Spoiler :
Je restai figée plusieurs secondes. Même June, qui jusque-là dormait à moitié, sursauta au moment où son père prononça ces mots. Le professeur Wheeler abandonna son air détendu et fronça les sourcils, me paraissant tout de suite bien plus professionnel qu’avant.
Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? D’accord, personne ne savait exactement quelle relation liait Izrath à la terre mais il était admis par toute l’humanité que ces deux mondes avaient toujours vécu en harmonie, et ce, depuis la nuit des temps. Alors apprendre qu’ils avaient été une seule et même dimension à une époque…Cela bouleversait totalement mes croyances.
Alors que John Wheeler relisait plusieurs fois la page qui évoquait cette possibilité folle, sa fille s’impatienta et lui arracha simplement le livre des mains. Mais cela ne sembla pas mécontenter son père plus que cela – alors que le mien m’aurait coupé mon abonnement téléphonique pendant un mois – et il se contenta de nous regarder avec un immense sourire aux lèvres.
« C’est…fascinant ! Déclara-t-il alors joyeusement. De toute mon existence, je n’étais jamais tombé sur quelque chose de semblable. Je sens que l’on va s’amuser ! »
Le professeur se mit à rire et je me tournai vers June, totalement déconcertée par les changements d’attitude de son père et elle se contenta de hausser les épaules en levant les yeux au ciel.
« Les enfants ! Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère ! Izrath et la terre ne formant qu’un…Vous comprenez ce que cela implique ?!
-Nous avions ce livre chez nous depuis tout ce temps et tu viens juste de l’ouvrir, tu es désespérant, soupira sa fille. Et donc, est-ce que tu pourrais être un peu plus précis sur ta « découverte » ?
-Malheureusement, le livre reste très vague mais apparemment, quelqu’un, ou quelque chose, aurait séparé nos deux mondes il y a bien longtemps. Pour quelle raison ? Je l’ignore, ce n’est pas précisé. Cependant, nous connaissons l’auteur de cette prophétie.
-Et…Qui est-il ? Demandai-je d’une petite voix.
-Armageddon, le Spiritual du destin. »
Un frisson me parcourut l’échine lorsqu’il prononça ce nom. Je savais que les dieux des mythologies antiques prenaient souvent leurs origines dans des Spirituals bien plus puissants que la moyenne. Mon Spiritual d’ailleurs, Athéna, était apparemment une relique grecque très ancienne que l’un des clients de mon père lui avait offerte dans sa jeunesse. Mais de là à penser qu’il existait une entité capable de contrôler le cours même du destin…Même moi qui aimais rêver, j’avais du mal à y croire…
« Tu penses que ces histoires sont vraies ? Demandai-je à June, hésitante.
-Tu crois vraiment que je vais gober des bêtises pareilles ? Ce n’est qu’un tissu de sornettes, tout juste bon à raconter aux enfants pour leur faire peur ! Il n’y a que mon père pour fantasmer encore là-dessus !
-Oui…Tu as sans doute raison…Lui répondis-je, essayant de me rassurer moi-même. »
Mais il n’y avait rien à faire. J’avais beau essayer de me convaincre, une partie de moi voulait continuer à y croire…Ou du moins ne pouvait pas se résigner à tout abandonner. C’était un sentiment étrange que je n’avais jamais ressenti auparavant.
D’habitude, lorsque je me m’impliquais dans un projet fou comme prouver l’existence du triangle des Bermudes ou trouver le trésor enfoui de barbe rousse, je savais moi-même que c’était impossible, mais cette fois-ci, je ne pouvais me l’expliquer, mais j’y croyais, dur comme fer.
Je regardai soudain l’heure : Dix-huit heures ! Il fallait que je rentre absolument chez moi avant 18 heures 30, sans quoi mon père allait encore passer un savon !
Je me levai d’un bond et remerciai précipitamment les parents d’Angéla pour leur accueil et pour m’en avoir appris un peu plus sur la prophétie tout en m’excusant de devoir partir aussi vite mais ils semblèrent comprendre immédiatement à en juger par leurs mines amusées.
Je rassemblai mes affaires en vitesse et June me raccompagna jusqu’au métro. Sur le quai, nous parlâmes un peu et nous en profitâmes pour échanger nos numéros ainsi que nous donner rendez-vous le lendemain pour le déjeuner.
Même si j’allais me faire sermonner comme jamais, j’étais contente d’avoir voulu creuser un peu plus cette histoire. Grâce à cela, j’avais pu apprendre à connaitre un peu mieux June à qui je n’aurais jamais adressé la parole de la même façon sans ces histoires. Il fallait vraiment que je la présente à Ambre et Maya, j’étais certaines qu’elles s’entendraient à merveille. Et puis, depuis le départ d’Aymeric, il nous manquait quelqu’un et June était la candidate idéale.
J’étais tellement absorbée dans mes pensées que je faillis rater la station et je sortis du wagon au moment même où les portes du métro se refermaient, manquant de me coincer les cheveux à l’intérieur.
Dix-huit heures vingt-cinq. Je pouvais encore arriver à l’heure chez moi !
Galvanisée par cet espoir insensé, je me mis à courir dans les rues, bousculant quelques passants mais je réussis néanmoins à arriver à l’heure chez moi…ou presque…
Je m’arrêtai quelques instants devant le portail, hésitante. Je n’avais aucune raison de m’inquiéter, je n’avais que cinq minutes de retard…dix en fait…
A moins que mon père n’ait passé une très mauvaise journée et que ma mère fût sortie, je ne risquais rien…
J’inspirai un bon coup et je poussai le lourd portail qui s’ouvrit en grinçant. Pour la discrétion, je pouvais déjà repasser plus tard. Mais je ne m’arrêtai pas là et je traversai rapidement la petite cour tout en cherchant les clés dans mon sac.
Lorsque j’arrivai devant la porte, mon cœur rata un battement. Je ne les avais pas ! Il n’y avait rien non plus sous le paillasson, ce qui signifiait que ma mère avait dû sortir et évidemment, elle n’avait pas laissé la porte ouverte…
Je n’avais plus qu’une seule solution : sonner et affronter mon père…Mais je pouvais le faire ! Après tout, je n’étais pas si en retard que ça et il ne savait pas que je sortais à seize-heures, peut-être qu’une petite histoire comme une panne de métro suffirait à le calmer…
Tremblante cependant, j’approchai le doigt de la sonnette, me préparant au pire et quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit, me laissant voir le visage rouge de colère de mon père qui m’attendait, les bras croisés sur le torse. Il faisait vraiment peur quand il s’énervait, c’était presque comme si je pouvais voir de la fumée sortir de ses narines et son crâne surchauffer…
« C’est à cette heure-là que tu arrives Angéla ?! Me cria-t-il en guise de bienvenue.
-C’est bon papa, je n’ai que dix minutes de retard, protestai-je.
-Dix minutes ! C’est comme ça tous les soirs maintenant ! Dix minutes par-ci, quinze minutes par-là, tu peux comprendre que j’en ai assez maintenant ! Rétorqua mon père, toujours en me hurlant dessus.
-C’est faux, d’habitude je sors à 18 heures ! Comment veux-tu que je sois ici en même pas une demi-heure !
-Ne traine pas après la sortie des cours et rentre tout de suite et là, tu pourras être à l’heure, l’école n’est qu’à vingt minutes d’ici ! Et puis, aujourd’hui, tu n’as aucune excuse, tu sortais à seize heures ! »
Zut, j’ignorais comment, mais il savait, j’allais devoir lui dire la vérité…
« J’étais chez une amie si tu veux savoir ! Mais ça ne te regarde pas !
-Bien sûr que si, ça me regarde. Je m’inquiète pour toi Angéla…tes résultats ont fortement baissés ce trimestre et…
-Et alors ? C’est ma vie, je la vis comme je l’entends ! Répliquai-je, commençant à bouiller intérieurement moi aussi à force d’entendre ses reproches.
-Et alors ? Eh bien, ne compte pas sur nous pour venir t’aider plus tard, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même ! Tu ferais mieux d’étudier au lieu de t’amuser !
-Si tu veux savoir, j’étais chez June, cette fille que tu admires tellement depuis deux ans, mais j’imagine que tu t’en fiches aussi. »
Je ne laissai pas à mon père le temps de répondre et je filai dans ma chambre sans rien ajouter de plus. Tandis que je montai les marches, je l’entendais s’égosiller derrière moi mais je ne me retournai pas. Je savais exactement ce qu’il allait me dire et je ne voulais pas l’entendre.
Je m’enfermai dans ma chambre à double tour et je me jetai sur mon lit. J’enviais vraiment June. Elle avait tout ce dont j’aurais rêvé : des parents drôles et ouverts, de bonnes notes en classe, du talent avec son Spiritual…Alors que moi, mon père ne rigolait presque jamais tant il était absorbé par son travail, j’étais dans les dernières de classe et même si je rêvais d’intégrer les rangs d’Ether, je n’avais jamais réussi à matérialiser mon Spiritual et l’adversaire le plus puissant que j’avais affronté était Aymeric, mon ex, certainement le pire invocateur de cette planète.
Je reçus au même moment un message de la part d’Ambre pour me rappeler le devoir de Calvere, m’envoyant en pièce jointe ses propres réponses aux questions et je souris malgré moi. Au moins, j’avais de la chance d’avoir Ambre et Maya…
Sur cette pensée, je me mis au travail puisque je n’avais pas le choix. Si Ambre m’envoyait ses notes, c’était qu’elle sentait que je n’allais pas m’en tirer avec seulement les rires des autres et un zéro pointé.
Ne pas avoir lu les livres était tout de même assez problématique, mais, comme Calvere posait toujours le même genre de question, je savais à peu près comment répondre tout en lisant quelques résumés trouvés sur internet.
Une heure…deux heures…je continuais d’écrire encore et toujours. J’avais même sauté le repas, me contentant de quelques gâteaux trainant dans ma chambre. Chapy aurait été content de moi pour une fois, lui qui voulait que l’on travaille trois heures par soir.
Vers vingt-trois heures, je posai enfin mon stylo et je m’affalai sur ma chaise. J’avais mal aux doigts à force d’écrire et mes yeux me piquaient mais j’étais plutôt fière de moi et j’espérais que Calvere le serait aussi.
Je dus m’endormir juste après avoir terminé car le lendemain, je me réveillai sur mon bureau encore en désordre et habillée.
Je m’étirai et baillai un bon coup avant de rassembler tout cela dans mon sac. Il était sept heures et demi. J’avais encore largement le temps avant de partir pour l’école.
Pour une fois, je pris le temps de bien regarder si toutes mes affaires étaient en ordre, si j’avais bien mes clefs et j’eus même le temps de prendre mon petit déjeuner et d’arriver avec dix minutes d’avance en cours.
Maya et Ambre n’en revenaient pas. Lorsqu’elles arrivèrent à leur tour et me virent déjà assise à ma place, les affaires sorties, prête à me mettre au travail. J’éclatai de rire devant leurs yeux exorbités et le bond en arrière que fit Maya en entrant dans la classe.
« Pincez-moi, je rêve, murmura cette dernière en se frottant les yeux.
-Angéla, tu es sûre que tout va bien ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette, me dit Ambre, inquiète. »
Je m’apprêtai à leur répondre en feignant l’incompréhension mais je vis au même moment June pénétrer à son tour dans la salle de classe et s’installer à sa place, au premier rang, là où personne ne voulait aller à part les malchanceux comme elle.
« Excusez-moi une minute les filles, je reviens, déclarai-je en me levant. »
Mes amies se regardèrent, pensant vraiment que je devais couver quelque chose pour les envoyer balader de la sorte mais je n’y prêtai pas attention et je rejoignis June que je saluai avec entrain.
« Salut June, comment ça va aujourd’hui ? Lançai-je joyeusement.
-Pour tout te dire, ça pourrait aller mieux, me répondit-elle, gênée. Après ton départ, mon père m’a bassinée avec ses histoires toute la soirée…
-Pour me faire pardonner, qu’est-ce que tu dirais de venir te joindre à nous pour le cours d’allemand ? Les parties commencent à devenir monotones à force ! »
June se retourna vers Ambre et Maya qui étaient toujours au dernier rang, se demandant visiblement ce que je fabriquais avec June à qui je n’adressais jamais la parole en temps normal et cela eut l’air de contrarier ma nouvelle amie.
« Je ne voudrais pas vous déranger et puis, je ne suis pas très forte pour…
-Parfait, tu remplaceras ce boulet d’Aymeric ! L’interrompis-je »
Je pris son sac et ses affaires que j’amenai au fond de la classe, à côté de moi, en accolant une table à la mienne pour pouvoir être quatre sur le même rang. June soupira mais vint cependant me rejoindre et s’assit à côté de moi.
« Angéla, après avoir corrompu la deuxième de la classe, tu t’attaques à la première ? Tu es vraiment maléfique ! S’exclama Maya, l’air affolée.
-J’étais première aussi à l’époque ! Rétorqua Ambre en gonflant les joues. »
Elle n’aimait vraiment pas qu’on lui rappelle qu’elle avait perdu la première place et Maya s’amusait sans arrêt à remettre ça sur le tapis mais les réactions d’Ambre étaient si amusantes que je ne pouvais pas m’empêcher de rire à chaque fois.
Le professeur, monsieur Beauchardassaut, entra dans la classe quelques minutes plus tard et la réaction commença. Même si en théorie il devait nous faire cours d’Allemand, personne n’écoutait les rares moments où il suivait vraiment le programme, racontant sa vie le plus souvent, ses conquêtes amoureuses, des blagues plus ou moins drôles qu’il recyclait chaque année et de temps en temps, une vraie anecdote sur l’Allemagne.
Nous avions pris l’habitude depuis le temps de n’écouter que d’une oreille ses cours, prenant des notes d’un côté d’une feuille et faisant des bacs de l’autre côté. Cette fois-ci, le thème des Spirituals était tombé.
En général, Ambre nous battait largement grâce à ses nombreuses connaissances dans à peu près tous les domaines, mais cette fois ci, nous étions sur mon terrain et celui de June, ce qui nous donnait un énorme avantage.
Nous décidâmes de compter les points au bout d’une dizaine de lettres. Maya, comme d’habitude n’en avait presque aucun. Moi j’avais la moitié du maximum quand à Ambre…même pas un tiers de points alors que June les avaient presque tous. Nous la regardâmes avec admiration, sauf la deuxième de la classe qui boudait, vexée d’avoir été battue si facilement et surtout, d’avoir été battue encore une fois par June.
« C’est impossible ! Je demande une revanche, dit-elle peut être un peu trop fort à mon goût… »
Au même moment, Beauchardassaut sortit sa phrase préférée :
« Ach ! Du felst mir auf dem vecher !
-Désolée monsieur…commença Ambre devenue rouge de honte avant de comprendre qu’il ne lui parlait pas à elle mais à Julie qui était tombée de sa chaise en se balançant, entrainant avec elle toutes les affaires de sa voisine de derrière. »
La sonnerie retentit juste après et il ne se passa rien en fait puisque tout le monde était déjà en train de se balader dans la classe.
Suivait l’heure d’un cours soporifique avec monsieur Barrat-Soda, professeur d’économie. Pour être franche, je me fichais complètement de ce qu’il racontait, de toute façon je ne comptais pas prendre économie en première et ils ne voulaient certainement pas de moi non plus.
Comme nous nous l’étions promis, June déjeuna avec nous ce jour-là et elle en profita pour faire plus ample connaissance avec Maya et Ambre. Heureusement, le courant passa immédiatement entre elles et nous discutâmes comme si nous nous connaissions depuis toujours.
Il fallait dire que June possédait autant de connaissances qu’Ambre qui trouvait enfin quelqu’un avec qui parler de cours, et en même temps le même humour douteux que Maya quand il s’agissait de lancer des piques.
Pour la première fois depuis longtemps, nous ne vîmes pas le temps passer et nous restâmes pendant toute la pause déjeuner à la cantine à parler de choses et d’autres si bien que nous faillîmes arriver en retard au cours que je redoutais tant, le cours de français.
Lorsque Calvere arriva, il posa comme d’habitude sa veste noire sur le bureau et prit place sur sa chaise comme dans un fauteuil avant de croiser les bras tout en me regardant, attendant visiblement que je reprenne le piètre exposé que j’avais commencé la veille.
Cependant, cette fois-ci, je ne me laissai pas déconcerter et je me mis à lire ma nouvelle réponse à la question.
Un grand silence régna alors sur la classe et tout le monde écouta ce que je disais, consterné que j’aie vraiment fait mon travail pour une fois…ou alors pensant que je l’avais volé à Ambre encore une fois…
A la fin de ma présentation qui dura bien dix minutes sans interruption, Calvere fronça les sourcils. Une goutte de sueur perla de mon front. C’était mauvais signe. Cependant, il n’ajouta rien et il prit son carnet de notes pour noter quelque chose avant de déclarer :
« Oui…c’est bien Angéla ce que vous m’avez fait là. Vous voyez que lorsque vous vous y mettez, vous êtes capable de faire de bonnes choses. Les autres, avez-vous quelque chose à ajouter ?
-Moi j’aurais quelque chose à ajouter, dit Ambre qui refusait d’être battue sur son propre terrain. »
Je ne l’écoutais pas vraiment, après tout, c’était elle qui m’avait envoyé ses notes, je les connaissais déjà. Du côté de Maya, elle n’en revenait toujours pas que j’aie fait ça toute seule et me regardait bizarrement, comme si j’avais un énorme bouton sur le front ou autre…
La journée se termina sans encombre majeure, mis à part Maya qui continuait à garder ses distances avec moi, pensant certainement que je devais couver quelque chose pour agir de la sorte.
Mais, alors que nous allions nous séparer au métro comme nous le faisions chaque jour, June prit la parole.
« Ambre, Maya, j’ai cru comprendre que vous n’aviez aucun Spiritual, je me trompe ?
-Je ne suis jamais plongée dans ces histoires pour être franche, lui répondit Maya en haussant les épaules.
-Pareil pour moi, j’ai un emploi du temps assez chargé en plus, ajouta Ambre, l’air désolée. Mais pourquoi cette question tout à coup ?
-Je me disais juste que ça serait plus sympa si vous étiez Summoner vous aussi. On pourrait s’inscrire en tant que team comme ça. »
Mes deux amies se concertèrent quelques instants avant de répondre :
« Pourquoi pas, j’ai du temps à tuer et Ambre a toujours voulu essayer. »
J’écarquillai les yeux. En presque dix ans, jamais je n’avais réussi à les convaincre de ne serait-ce toucher mon amulette et June venait en dix secondes de le faire…En plus, elle était bien meilleure combattante que moi. Si nous devions nous affronter pour une démonstration ou autre, Ambre et Maya n’allaient pas manquer l’occasion…
Le soir à mon bureau, je restai plusieurs heures, le regard dans le vague, à faire tourner le bracelet en forme de chouette que je portais au poignet. Il paraissait que plus le Spiritual contenu dans un Artefact était puissant et plus il était difficile à maitriser. J’ignorais si j’étais simplement très mauvaise ou si Athéna était la vraie déesse de la guerre mais dans tous les cas, je ne comptais pas en rester là. Il fallait que je prouve à tout le monde mon talent en tant qu’invocatrice pour qu’enfin, on me laisse tranquille avec mes notes. Je devais leur montrer que les résultats scolaires n’étaient pas tout dans la vie.
Ma décision était prise. C’était peut-être stupide, dangereux et insensé, mais il fallait que je le fasse.
C’est ainsi qu’une semaine plus tard, je mis mon plan suicidaire en marche. J’allais me faire passer pour quelqu’un d’autre…et combattre à sa place.
Angéla : Une Erreur fatale
Spoiler :
Une semaine avait passé. June s’était incroyablement bien intégrée dans notre groupe et plus personne ne s’étonnait de la voir trainer avec nous. Ces quelques jours en sa compagnies furent peut-être les plus heureux de ma vie. La jeune fille était exactement ce qu’il nous manquait depuis le départ d’Aymeric après notre rupture. Mieux, elle donnait un nouveau souffle à toutes nos activités et son dynamisme me poussait même à travailler en sa compagnie certains soirs.
Cependant, ce jour-là, quelque chose d’autre me préoccupait. En effet, un match du tournoi d’invocateur devait avoir lieu à la pause de midi et je ne comptais pas le laisser me filer entre les doigts.
« Tu vas quelque part ? Me demanda Ambre, intriguée en me voyant me lever de table avant elles.
-Oui, j’ai quelque chose…d’important à faire, répondis-je, détournant le regard.
-Plus important que regarder un match ? Tu dois vraiment avoir envie d’y aller, rétorqua Maya, l’œil pétillant.
-Mais arrête tes bêtises, j’ai le droit d’avoir des choses à faire ? Répliquai-je en rougissant.
-En tout cas, on te gardera une place de choix, mais ne traine pas trop, les gens n’ont rien d’autre à faire que de venir voir donc ça sera difficile à la longue…Fit remarquer June en regardant déjà dans la cour la foule rassemblée.
-Ne vous faîtes pas de soucis, je reviens très vite ! »
Sur ces mots, je filai ranger mon plateau et je remontai mais je ne pris pas la direction de ma classe mais celle du bâtiment d’en face.
Au bout de cinq minutes de recherche, je trouvai enfin ma cible et je me cachai derrière un pilier. Aymeric était en train de parler à d’autres garçons que je ne connaissais pas. Il semblait confiant en sa victoire alors que cet idiot savait à peine activer les pouvoirs de son Spiritual. Et dire que je l’avais un jour aimé…J’avais été vraiment stupide de lui faire confiance. Mais pour le coup, j’allais avoir besoin de son aide.
J’attendis encore quelques minutes avant que ce dernier ne se décide enfin à descendre et c’est là que j’intervins.
Rapide comme l’éclair, je lui assénai un bon coup dans la nuque alors qu’il était seul et cet imbécile s’évanouit aussitôt. Ce n’était qu’une maigre compensation pour ce qu’il avait fait mais ce n’était pas le moment de penser à ça…
Je lui retirai son uniforme avant de l’enfermer dans un placard à balais, attaché et bâillonné au cas où il se réveillerait puis je me changeai rapidement aux toilettes, m’attachant soigneusement les cheveux et mettant un large chapeau pour les dissimuler. Heureusement que les uniformes des garçons étaient vraiment larges, l’illusion n’en était que plus parfaite.
Je me regardai dans la glace et je fus plutôt satisfaite de moi. Ainsi, ces intellos allaient voir qui était la meilleure élève dans cette école.
Je me rendis ensuite sur le terrain du gymnase où mon adversaire m’attendait déjà et ce n’était personne d’autre que notre professeur d’histoire, Lareine. Il était vraiment invocateur, lui ?
J’eus un moment d’hésitation. Et s’il me reconnaissait ? Ou pire, et si je perdais lamentablement face à lui ?
Je chassai ces pensées négatives de ma tête. Tout allait bien se passer, il n’y avait aucune faille. Seules Ambre et Maya étaient susceptibles de me reconnaitre et je savais qu’elles ne diraient rien.
Je les cherchai d’ailleurs du regard tout en m’avançant vers mon adversaire et je finis par les apercevoir. Lorsque nous regards se croisèrent, Ambre devint livide et Maya se prit la tête dans les bras en soupirant. Je me contentai de leur lancer un sourire assuré en guise de réponse puis je pris place face à Lareine.
C’était la première fois que je disputais un combat en public, et pour tout dire, j’avais un peu le trac. D’habitude, je n’affrontais que des idiots en sachant pertinemment que j’allais gagner sans aucune difficulté, mais cette fois-ci, c’était différent. Non seulement je ne connaissais rien de mon adversaire mais en plus si je perdais, j’allais en entendre parler pendant des années…
Je serrai le poing. Non, j’allais gagner, j’avais confiance en mes capacités. Ce n’était que la première étape avant de devenir la meilleure.
Je relevai la tête fièrement et je lançai à Lareine d’une voix grave :
« Aymeric ne pourra pas disputer ce duel, il a eu un imprévu et par conséquent, je vais le remplacer !
-Tu n’es pas un de mes élèves il me semble, me répondit Lareine, un peu déconcerté.
J’hésitai une seconde, cherchant une bonne couverture.
-En effet, mon nom est…Angelo ! »
Au loin, je vis Maya pouffer et Ambre détourner le regard, gênée tandis que June me sourit, visiblement curieuse de savoir comment les choses allaient tourner.
-Et bien Angelo, ne perdons pas plus de temps et commençons ! Déclara Lareine en activant les pouvoirs de son amulette. »
Je fis de même tout en essayant de ralentir les battements de mon cœur et arrêter le tremblement de mes mains. J’allais leur montrer à tous !
J’activai à mon tour les pouvoirs de mon bracelet et, enveloppée d’une douce lumière dorée, je me jetai tête baissée vers lui. Le professeur ne bougea pas et se contenta de me regarder en souriant.
Ce type était idiot ou quoi ? S’il prenait l’attaque de plein fouet, il allait se faire éjecter d’un seul coup. Pensant simplement qu’il ne savait pas comment réagir, j’accélérai et, lorsque je ne fus qu’à quelques centimètres de lui, je tentai de lui asséner un violent coup de pied dans les côtes.
Néanmoins, alors que ma chaussure allait percuter sa chemise, je me heurtai à une partie solide de son habit, comme une sorte de barre métallique. L’onde de choc se propagea dans mon corps comme dans une cloche et je reculai, chancelante.
A ce moment-là, en voyant son costume luisant comme du métal au soleil, je compris la nature de ses pouvoirs. Il pouvait changer son corps et ce qu’il touchait en véritable mur de fer. Il était d’un niveau clairement différent des gamins que j’avais affrontés jusqu’à maintenant. Cependant, mon pouvoir, avant d’être utile pour l’attaque, était hautement défensif. Je n’avais donc rien à craindre d’une potentielle riposte pour le moment.
Ainsi, j’érigeais tout autour de moi une sphère de lumière protectrice afin de gagner un peu de temps et d’analyser ses mouvements. Mais, à ce moment-là, Lareine se mit à courir dans ma direction, droit sur le bouclier, tel un rugbyman tentant une percée.
Même si je me trouvais à l’intérieur d’un cocon protecteur, je n’étais sereine…Et mon intuition ne me trompa pas. L’homme brisa mon bouclier comme une vitre fragile et passa au travers, sous mes yeux ébahis.
L’impact créa une onde de choc si violente que je dus m’accrocher au sol pour ne pas être emportée. Cependant, le professeur n’attendit pas sagement que la bourrasque se dissipe et m’envoya valser hors du terrain de combat.
Mes pouvoirs se dissipèrent en une fraction de seconde et je m’écroulai au sol. Pourquoi ? Pourquoi avais-je perdu aussi lamentablement ? J’avais toujours gagné tous mes combats en claquant des doigts…alors pourquoi devais-je perdre maintenant ? Maya et Ambre ne semblaient pas en revenir non plus.
Lareine s’avança vers moi, souriant et me tendis une main chaleureuse.
« Je suis désolé d’y avoir été aussi fort mais j’avais une si belle main, j’espérais que tu aurais une réponse. J’espère que tu ne m’en veux pas. »
Je ne voulais pas de sa pitié. J’avais perdu comme une débutante, c’était tout, il n’y avait rien de plus à dire, alors pourquoi venait-il remuer le couteau dans la plaie ?
Au même moment, tous les regards se tournèrent dans une même direction et en relevant la tête, mon sang se glaça et mon cœur rata un bêtement. Aymeric avait réussi à se libérer et était visiblement furieux.
Je tentai de m’éclipser avant qu’il ne me voie mais la foule était tellement dense que je ne pus même pas faire trois mètres.
« Toi…tu vas me le payer ! »
Aymeric s’élança vers moi, prêt à me frapper mais je réussis à esquiver son coup en me jetant sur le côté.
Un grand silence régna dans la cour. Mon élastique venait de sauter et mon chapeau s’était envolé. Je n’osais même plus relever la tête, je n’osais même plus bouger, je n’osais même plus respirer. Le pire s’était produit…non, même moi je n’avais pas envisagé un tel scénario : me faire humilier et découvrir…
« Alors c’était toi Angéla ! Rugit Aymeric. Tu es encore à me pourrir la vie mais comme toujours tu récoltes ce que tu as semé ! »
Je ne pouvais même pas lui répondre puisqu’il avait raison sur toute la ligne.
« Angéla…je ne comprends pas…pourquoi avoir fait ça ? Me demanda Lareine, perdu. »
Malgré la situation, je souris faiblement.
« Je ne sais même plus pourquoi…Murmurai-je. »
Ambre, Maya et June tentèrent de me rejoindre mais le surveillant général arriva en premier et me traina de force chez le directeur. Je n’opposai aucune résistance. De toute façon, c’était inutile. J’étais préparée aux conséquences de mon plan, mais même en sachant ce qui allait m’arriver, j’espérais au plus profond de moi que le seul résultat serait d’initier mes amies à ce jeu que j’aimais tant…
Mon père arriva dix minutes plus tard mais passa devant moi sans même me regarder et entra directement dans le bureau de Chapy.
J’attendis que l’entretien se termine, regardant fixement le mur blanc en face de moi, sachant très bien ce qui allait se passer mais je ne voulais pas y penser.
Finalement, après une demi-heure qui me sembla être l’éternité, mon père ressortit avec le directeur, un énorme dossier à la main, mon dossier qui grossissait chaque année mais qui venait d’atteindre sa taille maximale.
Sans me dire un mot, il sortit du pavillon de direction et je le suivis. Ambre, Maya et June m’attendaient à l’extérieur, terrifiées, mais je n’osai pas les regarder et je passai simplement à côté d’elles.
Le chemin du retour me parut interminable. Je marchai dans la rue, la tête basse, tandis que mon père m’ignorait. Il aurait pu être en colère, me frapper, m’insulter, mais il se contentait de faire comme s’il était seul, ce qui était pire que tout.
Lorsque nous fûmes enfin arrivés, mon père jeta le dossier sur la table du salon et, sans se retourner, il m’adressa la parole pour la première fois de la journée mais sa voix était glaciale, dénuée de toute empathie ou de pitié pour moi.
« Angéla, prépare tes affaires. J’en ai plus qu’assez de me démener pour toi pour n’avoir aucun résultat. Mais j’imagine que je suis le problème dans cette histoire. C’est pourquoi, à la fin de la semaine, tu partiras en pension dans le sud. »
Je me contentai d’acquiescer. Mon père m’avait menacée plus d’une fois, je m’étais préparée à ça depuis longtemps.
Je remontai dans ma chambre d’un pas lourd et je m’effondrai sur mon lit puis me mis à pleurer.
J’avais beau dire que les cours m’ennuyaient, j’aimais mon lycée, j’aimais passer du temps avec Ambre et Maya à rire et passer du bon temps, j’aimais faire rire la classe lorsque les professeurs m’interrogeaient, j’aimais parler avec June, j’aimais cette vie si paisible et si heureuse…
Pourquoi m’étais-je sentie obligée de prouver quoique ce soit à mes amies ? Pourquoi avais-je pris un risque aussi stupide simplement pour leur montrer que j’étais la meilleure ? Pourquoi avais-je du me sentir au-dessus de tout le monde ?
J’étais en colère contre moi-même mais je ne pouvais rien faire à part pleurer et regretter ma bêtise et mon inconscience qui m’avaient finalement détruite.
Mon portable vibra et je reçus un message d’Ambre mais je ne regardai pas son contenu. Je n’avais pas le cœur de leur dire la vérité qu’elles découvriraient bien assez tôt en remarquant la place vide à côté d’elles.
Je me revoyais encore une semaine avant, annonçant à Maya et Ambre que June nous rejoignait. Je repensais à un passé bien plus lointain, au jour où j’avais rencontré Ambre en maternelle.
Elle était nouvelle et moi aussi, nous ne connaissions personne et elle s’était installée à côté de moi puis nous étions rapidement devenues amies et inséparables. C’était ce jour-là, sous ce cerisier en fleurs que nous nous étions fait la promesse de rester ensemble pour toujours…une promesse que je venais de briser…
Il y avait Maya aussi. Notre rencontre avait été plus mouvementée puisque je l’avais défiée à un jeu stupide et je l’avais battue. Depuis ce jour, nous trainions ensemble.
Alors pourquoi…nos routes devaient-elles se séparer de la sorte, sans même avoir pu leur dire adieu ?
Ma mère frappa à la porte de ma chambre mais je fis semblant de m’être endormie. Je savais bien qu’elle était venue me réconforter, mais je n’avais pas envie de voir qui que ce soit. Même si ma mère avait toujours réussi à me remonter le moral par le passé, elle ne pouvait rien y faire cette fois-ci. Après tout, c’était elle qui m’avait appris à vivre ma vie de telle sorte à ce que je sois heureuse, je ne voulais pas finir par regretter tout ce que j’avais fait jusque-là grâce à elle…
Après deux heures à pleurer sans discontinuité, je finis par m’endormir, vidée de mes forces tout en sachant pertinemment qu’à mon réveil, rien ne serait plus pareil…mais je n’imaginais pas un tel bouleversement.
Oui, c’est le lendemain que ma vie changea du tout au tout…
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