Serena: De nouveaux horizons
Spoiler :
J’avais entendu de nombreuses histoires sur ce Ramon, mais en vérité, je ne l’avais jamais vu de mes propres yeux et il était encore plus effrayant que tout ce que l’on racontait. Cependant, Hélios ne semblait pas impressionné le moins du monde devant l’homme qui faisait trembler le quartier oublié. Il le regardait simplement avec curiosité, comme s’il se demandait qui était ce type et ce qu’il lui voulait. Satoshi vint se placer devant moi, toujours dans cette optique de me protéger, et je dois avouer que j’étais bien contente qu’il le fasse cette fois-ci tellement j’étais terrifiée. Qui, à part Hélios bien sûr, n’aurait pas été terrifié devant cet homme dont la force était légendaire, cet homme ayant pris possession du quartier oublié en si peu de temps, cet homme ayant repoussé les armées ennemies tout en sacrifiant les autres habitants… Hélios s’avança alors d’un pas et prit la parole. -Bien, je suis ravi de vous rencontrer, mon nom est Hélios et… -Je me fiche de savoir qui tu es, tu es sur mon territoire sans mon autorisation, tu dois donc en payer les conséquences ! -Excusez-moi mais… Un couteau aiguisé fila vers lui à une vitesse fulgurante avant qu’il n’ait eu le temps de terminer sa phrase. Je fermai les yeux pour ne pas voir ce qui allait lui arriver. Je m’attendais à entendre un gémissement de douleur mais tout ce qui me parvint à l’oreille fut le bruit de deux bouts de métal s’entrechoquant. Je rouvris les yeux. J’avais totalement oublié qu’Hélios portait une armure sous sa cape ! Les exécuteurs eurent l’air aussi surpris que nous. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on tombe sur un type en armure d’or… Hélios ramassa le couteau au sol, l’air distrait et l’examina en long, en large et en travers avant d’éclater de rire. -Vous êtes sérieux ? S’exclama-t-il. De mon temps, les épées étaient bien plus aiguisées que ça, même les flèches faisaient plus de dégâts ! -Personnes ne se moque de moi ! Hurla Ramon rouge de colère. Exécuteurs, à l’attaque ! Le gang se précipita sur nous comme un seul homme, toutes armes en avant. Hélios jeta alors le couteau derrière lui comme on jette une peau de banane et dégaina son épée en souriant. Les hommes l’encerclèrent rapidement, mais cela ne semblait pas le déranger. Aucune inquiétude ne se laissait sur son visage, il n’y avait que de l’amusement, et peut-être également un certain dédain pour ces hommes ne respectant aucune règle de combat. -Dix contre un ? Vous ne semblez vraiment pas connaître le mot « fairplay » par ici. -Tous les moyens sont bons pour gagner une bataille ; répondit naturellement Ramon. Hélios se raidit lorsqu’il entendit cela et son regard se voila. Sa prise sur son épée sembla se refermer, comme s’il se contrôlait lui-même. -Non…ce n’est pas vrai…Murmura-t-il. -Que dis-tu ? Tu es en train de faire ton testament ? Lança Ramon de son perchoir. -Tu te trompes ! Reprit Hélios plus fort et plus fermement. Tous les moyens ne doivent pas être utilisés pour gagner un combat ! -Tu parles à l’homme qui a repoussé l’attaque du démon l’année dernière et qui est sorti vivant, alors un peu de respect je te prie ! Apparemment, évoquer le démon fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et Hélios releva brusquement la tête. A présent, ses yeux étaient devenus rouge sang et une immense rage se lisait à l’intérieur. Avec une vitesse et une force surhumaine, il sauta haut dans les airs, passant par-dessus ses adversaires et fonça droit sur Ramon. Hélios leva le bras et une vive lumière émana de son disque de duel. Le chef des exécuteurs eut à peine le temps de tomber à la renverse avant qu’un immense dragon bleu et or se tienne à quelques centimètres de lui, menaçant de l’écraser au moindre mouvement. -Tu…tu ne me fais pas peur avec ton hologramme ! Bégaya-t-il, peu sûr de lui. Pour toute réponse, le dragon rugit et cela suffit à soulever des rafales de vent qui obligèrent Ramon à s’accrocher à un siège pour ne pas s’envoler. A partir de ce moment-là, il devint réellement blême et cessa tout mouvement. Les autres membres du gang regardèrent leur chef impuissant avec une angoisse sans nom dans le regard. Un silence de mort s’installa sur le stade. Je n’entendais plus que bruit du métal de l’armure d’Hélios qui se déplaçait lentement vers Ramon ainsi que les battements de mon cœur. Le duelliste mit alors un genou à terre et s’adressa au chef de gang d’un ton poli, sans aucune haine, mais à glacer le sang par sa neutralité. -Alors, penses-tu toujours que tous les moyens sont bons pour gagner une bataille ? Tu sais que si je le voulais, je pourrais te tuer d’un seul claquement de doigt, n’est-ce pas ? Je sais que tu l’aurais fait sans hésiter si tu avais eu ce pouvoir, toi qui penses que tous les moyens sont bons pour gagner une bataille. Mais, penses-tu toujours cela quand c’est ton ennemi qui a ce pouvoir ? Ramon ne répondit rien, et Hélios continua son monologue. -Ecoute moi bien Ramon et retiens-bien ceci : ce n’est pas parce que tu as le pouvoir de faire trembler ciel et terre que tu dois le faire, seul le démon a ce pouvoir, et regarde à présent où il en est. Hélios se releva et se tourna alors vers Satoshi et moi, tout en gardant le chef du gang ennemi à l’œil. Il fit un signe de la tête et je compris que cela signifiait que l’entrainement était fini pour aujourd’hui. Il sauta du haut des gradins et atterrit gracieusement sur la pelouse du stade sous les yeux ébahis de toutes les personnes l’observant. Il faut dire que n’importe qui se serait brisé les jambes après un saut pareil, mais Hélios continua simplement son chemin et nous prîmes sa suite, tout en continuant à regarder derrière nous, méfiant. Mais le gang était totalement déstabilisé par la prestation d’Hélios et ne bougeait plus le petit doigt. Une fois sortis du stade, le visage d’Hélios se détendit et il reprit son air nonchalant. -Bon, ils ont compris la leçon je pense, ils ne nous embêteront plus ! Dit-il en souriant, ce qui contrastait nettement avec le personnage froid que j’avais vu quelques instants plus tôt. -Vous n’êtes donc pas avec eux ? Demanda soudainement Satoshi, comme ayant eu une révélation. -N’est-ce pas ce que je me tue à vous dire depuis tout à l’heure ? Je ne sais même pas qui ils sont et je m’en fiche…en fait, non, je ne m’en fiche pas, des types comme ça sont des dangers publics ! Je me mis alors à lui raconter comment Ramon avait rassemblé un groupe de fidèles s’inspirant de la légende des exécuteurs mais ayant par la suite pris possession du quartier par la force et éliminant tous ses adversaires potentiels avant de devenir le maitre absolu. Je lui racontai ensuite comment il avait survécu pendant la guerre en n’hésitant pas à sacrifier ses amis, mais surtout ses ennemis. Cette partie fut celle qui révolta le plus Hélios qui comprenait à présent d’où Ramon tirait sa méthode de combat. -Mais et vous alors ; demandai-je à la fin de mon récit, pourquoi êtes-vous si opposé à sa méthode ? -Voyez-vous, je vous ai dit que ma vie n’a pas toujours été glorieuse, et, comme lui, j’ai fait cette erreur de croire que je pouvais tout utiliser pour arriver à mes fins. Je voulais détruire un ennemi m’ayant tout pris, et pour cela, j’ai fait alliance avec le démon pour finalement le payer très cher… -Alliance avec le démon ? S’exclama mon frère en fronçant les sourcils, prêt à intervenir s’il faisait quelque chose de suspect. -Oui, j’ai… Il ne termina pas sa phrase car juste devant nous se tenait le boss qui semblait de très méchante humeur. Il nous attendait devant l’immeuble du gang, les bras croisés sur la poitrine, tapant du pied comme s’il attendait là depuis des heures. En nous voyant, son visage se durcit subitement et se dirigea vers moi d’un pas décidé. Je grimaçai, sachant ce qu’il s’apprêtait à faire. Il devait sûrement savoir pour le stade, rien ne lui échappait concernant les membres. Satoshi tenta bien de se mettre en travers de sa route mais il fut écarté d’un revers de la main. Quant à moi, arrivé à ma hauteur, je me pris un énorme coup de poing dans le ventre, si violent que je tombai à genoux en toussant, la respiration coupée. Et je savais que ce n’était pas fini. C’était le châtiment réservé aux membres allant créer des ennuis au boss, ou risquant de créer des ennuis. -Pourquoi avez-vous fait cela ? Demanda Hélios quelque peu étonné. -Elle a osé provoquer des tensions entre nos groupes et à présent, nous risquons par sa faute de nous faire attaquer à tout moment ! Rétorqua le boss, écumant de rage. Il me donna un coup de pied et je m’écrasai face contre terre dans la boue. Quelques autres membres du gang sortirent pour voir ce qui causait toute cette agitation, maltraiter l’un des nôtres étaient un des seuls divertissements que nous avions après tout. Satoshi vint m’aider à me relever tandis que je regardai le boss avec un regard empli de mépris envers lui. -Vous…vous n’êtes qu’une ordure ; articulai-je. -Répète un peu ce que tu as dit ? Me défia-t-il. -J’ai dit que vous étiez une ordure ! Répétai-je plus fort, sous les regards effarés de mes camarades. Peu de gens osaient tenir tête au patron, et les rares ayant essayé n’étaient plus là pour témoigner aujourd’hui. -Tu as du cran, petite ; dit-il avec un sourire carnassier. -Vous ne pouvez pas savoir à quel point je vous méprise ; continuai-je, le regard foudroyant tout le monde. Vous, vos méthodes, votre lâcheté permanente, cette vie de chien, ce quartier en ruine, je les déteste tous autant que vous êtes. Vous m’avez tout pris, mes parents, la vie que j’aurais dû avoir, ma jeunesse, mais rien n’égale la haine que je voue aux gangs qui se croient forts simplement parce qu’ils ont la force du nombre, parce qu’il… -Assez ! M’interrompit-il. Il leva le poing, je détournai le regard, mais je ne sentis rien, pas la moindre douleur. En retournant la tête, je vis Hélios lui tenant fermement le bras, le bloquant dans son geste. -Allons, je ne pense pas que la violence résolve votre problème. -Laisse-moi tranquille toi! Répliqua-t-il en se dégageant. Vous, les gens de Néo Domino City, ne pouvez pas comprendre nos motivations, vous ne pouvez pas comprendre à quel point la vie est difficile par ici et que tout pas de travers peut nous coûter la vie ! Le boss fit volte-face et repartit à l’intérieur, suivi de tous les membres, déçus que cela se soit fini aussi rapidement. Il ne restait plus que Satoshi, Hélios et moi à la fin. Mon frère ne cessait de me demander si tout allait bien, même si je lui répétais que j’avais enduré bien pire. Il était bien la seule personne se faisant réellement du souci pour moi parmi tous les imbéciles ne pensant qu’à eux et à leur propre survie. Hélios contemplait le bâtiment, perplexe par ce qu’il venait de voir. Pour quelqu’un de la ville, j’imagine que ce n’était pas courant de voir de telles choses. -Je ne l’imaginais vraiment pas comme ça ; finit-il par dire. -Vous savez, ici, personne n’est ce qu’il semble être, nous avons tous deux visages. -Cela tombe bien, moi aussi ! S’exclama-t-il avant de se rendre compte que cela ne se disait pas en public et que Satoshi était à nouveau sur ses gardes. Oui, enfin, ne prenez pas cela au premier degré, je veux simplement dire que personne ne peut connaître quelqu’un d’autre puisque nous ne nous connaissons même pas nous-mêmes en général. -Vous pensez réellement que nous avons tous deux facettes ? -E…évidemment, pour qui me prends-tu. Enfin, si vous avez besoin de moi, je serai dans ma chambre. Je pense d’ailleurs partir demain, je ne veux pas rester avec un tel homme. Lorsqu’il dit cela, mon cœur se serra. Au départ, je ne voulais qu’utiliser Hélios afin de me venger des exécuteurs et de mon gang, mais à présent qu’il m’avait sauvée deux fois de plus sans rien attendre en retour, je ressentais quelque chose d’autre pour lui. Je ne connaissais pas ce sentiment, mais mon cœur était lourd en pensant à son départ, en pensant au fait que je ne le reverrai plus jamais, en pensant que je n’avais rien pu faire pour le remercier. J’appris bien plus tard que ce sentiment était le regret, quelque chose qui nous était interdit si nous voulions survivre dans la rue. Cette nuit là, il me fut impossible de trouver le sommeil. D’une part car mes blessures me faisaient souffrir atrocement –entre le combat contre Hélios et les coups du boss – mais également car une idée saugrenue m’était venue en tête et il m’était impossible de ne plus y penser. Cette idée aurait pu être un ticket de sortie pour moi, une façon de recommencer à zéro, effacer toutes ces années de souffrance, rayer de ma mémoire le boss et toutes ces histoires de gangs. Plus j’y repensais, plus je me persuadais que c’était la meilleure solution et je finis par ne plus pouvoir la garder pour moi. Je me dirigeai vers la chambre de mon frère. Il devait être trois heures du matin et je compris qu’il ne fut pas très content d’être réveillé mais lorsque je lui annonçai mon plan, il fut tout de suite plus attentif. -Attends, répète un peu ; dit-il déboussolé. -Partons avec Hélios demain, fuyons cette vie misérable, j’en ai assez d’être maltraitée pour un rien, je veux vivre une vie normale et Hélios est la seule personne que nous connaissons capable de nous sortir de ce bourbier. -Réfléchis bien Serena, car une fois partie, tu ne pourras plus revenir en arrière. -C’est tout réfléchi, et qui aurait envie de revenir ici ? Nous n’avons déjà rien, comment pourrait-on devenir moins que rien ? -Tu n’as pas tort, mais au moins, nous sommes protégés ici, nous avons de quoi manger, de quoi dormir, que trouveras-tu de l’autre côté ? -Je ne sais pas, mais tout sera mieux que cette vie. Es-tu avec moi, ou bien vas-tu rester moisir ici ? Il marqua un temps d’arrêt et regarda par la fenêtre. La nuit était bien sombre dans le quartier oublié, nous ne voyions que les lumières de la ville de satellite, loin, comme des mirages inatteignables. Mon frère plongea son regard noisette dans le mien. Il était toujours si sérieux et imperturbable, jamais je ne l’avais vu rire, ou du moins, je ne m’en avais pas le souvenir. -C’est d’accord Serena ; déclara-t-il. J’ai fait le serment de te protéger et pour cela, je dois te suivre quoiqu’il arrive. -Avec un peu de chance, tu n’en auras même plus besoin. Notre nouvelle vie sera formidable, tu verras ! Fini les angoisses, fini les bagarres de rue, nous vivrons la vie que nous aurions dû vivre il y a maintenant sept ans ! Un léger sourire fendit le visage de Satoshi pour la première fois depuis des années et je le lui rendis, heureuse à l’idée de laisser nos ennuis loin derrière nous pour découvrir de nouveaux horizons, partir vers l’inconnu, partir vers Néo Domino City. Je retournai dans ma chambre presque en courant et je sortis un vieux sac poussiéreux afin de réunir le peu d’effets personnels que j’avais. La photo de mes parents fut bien entendu du voyage, après tout, c’était en partie grâce à eux que j’avais décidé de partir ce jour-là. Je pris également quelques vieilleries comme un pull troué en cas de froid, un vieux chapeau mangé par les mites pour le soleil et un bracelet très cher à mes yeux. Je n’avais pas besoin du reste, j’avais déjà lu tous les livres qui se trouvaient là, les draps et couvertures auraient été trop encombrants, et puis, je n’avais pas grand chose d’autre qui fût vraiment à moi.
Je veillai jusqu’au lever de jour pour être sûre de ne pas manquer Hélios. J’étais également allée réveiller Satoshi aux aurores mais il semblait que lui non plus n’ait pas dormi de la nuit, puis nous attendîmes l’heure de vérité.
Hélios sortit de sa chambre vers huit heures du matin et nous nous précipitâmes sur lui. Encore à moitié endormi, il mit quelques secondes à comprendre notre demande puis ouvrit alors soudainement les yeux, effaré.
-Vous…vous voulez venir avec moi ? S’exclama-t-il.
-Moins fort, inutile d’alerter tout le monde ; répondis-je à voix basse. Mais oui, nous voulons vous suivre.
-Mais vous ne me connaissez à peine que depuis deux jours, c’est un peu tôt pour faire confiance à quelqu’un vous ne trouvez pas ? Et puis, je n’ai pas une vie facile, je voyage beaucoup et…
-Nous nous fichons de qui vous êtes et de où vous allez, ce qui importe, c’est que vous nous avez sauvé la vie deux fois hier et que nous n’avons rien pu faire pour vous rendre cela.
-Je ne suis pas d’accord avec tout ce que ma sœur dit, mais où qu’elle aille, j’irai, donc je la suis, même si je ne vous fais pas plus confiance qu’au boss ; dit mon frère en toute honnêteté.
-Et bien, je suis un peu à court d’arguments si vous vous fichez du danger ou de qui je suis réellement. Rien ne vous fera changer d’avis ?
Non répondîmes par un simple non de la tête et Hélios soupira.
-Dans quoi je m’embarque moi ; se lamenta-t-il. Vous savez, j’ai déjà du mal à me nourrir, donc…
-Nous avons l’habitude de sauter des repas ; dit Satoshi.
-Je loge souvent à la belle étoile également.
-Ca ne peut pas être pire qu’ici ; rétorquai-je.
-Un voyage n’est pas une partie de plaisir, il faut prévoir plein de choses comme…
-Dites-nous ce que vous voulez, nous ne changerons pas d’avis ! Répliquai-je. Tout ce que nous voulons, c’est partir avec vous.
-Tu es aussi têtue que Celestia toi ; ronchonna-t-il. Mais c’est d’accord, venez avec moi. De toute façon, je parie que vous me suivriez même si je vous disais non.
Nous acquiesçâmes et Hélios éclata de rire. Contrairement aux autres personnes que je connaissais jusque-là, le rire d’Hélios était sincère, pur, cristallin. Il ne se moquait pas du malheur des autres, ce n’était pas non plus un rire tyrannique montrant sa supériorité, non, ce n’était que de l’amusement devant notre réaction.
Il se mit alors à genoux et nous mit à chacun une main sur l’épaule, comme s’il parlait à de jeunes enfants.
-Bien, j’imagine que vous n’êtes jamais sortis d’ici, je me trompe ?
Non fîmes non de la tête et il sourit de plus belle.
-Et bien, dîtes-vous que je ne connais pas plus le monde que vous, et c’est pourquoi j’ai entamé ce voyage, donc il faudra nous entraider, compris ?
-L’entraide n’est pas vraiment un concept familier par ici ; dit mon frère. Mais nous ferons de notre mieux si cela nous permet de nous suivre.
-Ah et j’oubliais, il y a une chose que je ne supporte pas.
-Quoi donc ? Demandai-je angoissée.
-Les ronchons !
J’éclatai de rire à mon tour tandis que Satoshi grogna dans son coin. Je ne savais pas pourquoi, mais Hélios me faisait sincèrement rire, il était drôle et était certainement la seule personne que je connaissais qui avait un peu d’humour parmi cette bande de brutes sans cervelle composant le gang.
Au loin, j’entendis une porte s’ouvrir. Nos anciens camarades devaient certainement commencer à se réveiller.
Hélios se releva et nous fit signe de partir devant, quant à lui, il alla remercier le boss de son hospitalité. Nous l’attendîmes quelques instants. Il eut eu quelques rugissements, après tout, il laissait partir une mine d’or comme Hélios, mais il ne pouvait rien faire pour le retenir et il le savait.
Hélios nous rejoignit ensuite, toujours l’air amusé en regardant derrière lui.
-Bien, l’aventure commence maintenant, j’espère que vous êtes prêts ! Nous allons voir les merveilles que la nature a à nous offrir, des chefs d’œuvre de l’architecture humaine, des…
-Nous savons ce que nous allons faire ! Protesta Satoshi. On peut y aller maintenant ?
Devant l’expression consternée d’Hélios, je ne pus m’empêcher de rire à nouveau. Ce voyage s’annonçait décidemment très divertissant et certainement bien plus plaisant que cette vie misérable dans ce bidonville.
Nous marchâmes dans les rues du quartier oublié pendant une bonne demi-heure, il faut dire que notre repaire se trouvait en plein cœur, avant d’arriver enfin à la frontière du nouveau satellite. Lorsque je vis les magnifiques immeubles de verre et les rues entretenues remplies de passants, mon cœur s’accéléra soudain. Je me tournai vers mon frère, il ne semblait pas aller mieux que moi. C’était la première fois que nous mettions un pied en dehors du quartier oublié, nous n’avions qu’une vague idée de ce à quoi pouvait ressembler satellite, mais jamais nous n’aurions imaginé une telle chose.
Le futur côtoyait le passé ici, le neuf s’élevait au-dessus des ruines du Zero Reverse. Tout était si rutilant et si brillant, j’avais vraiment du mal à croire que Satellite ait un jour ressemblé au quartier oublié. Même le soleil brillait plus fort ici que dans nos ruines.
Mais voir cela ne fit qu’augmenter ma haine contre les gangs. C’était de leur faute si je n’avais pas pu voir cela plus tôt, si j’avais du vivre cette vie pendant sept longues années alors que la porte de sortie était si proche de nous…
Hélios nous poussa dans le dos, nous encourageant à sortir de la ruelle sale et délabrée dans laquelle nous nous trouvions. Mon premier pas sur le sol de satellite, le premier pas vers notre nouvelle vie…
Le sol était si lisse, pas une bosse, pas une fissure, le béton était juste parfaitement lisse, rien à voir avec les rues dévastées du quartier oublié.
Hélios inspira une bonne bouffée d’air. Sans savoir pourquoi, je fis comme lui et je fus stupéfaite. Nous avions beau être dans une grande ville, les senteurs de l’océan arrivaient jusqu’à nous. Je ne savais même pas comment j’arrivais à reconnaître ces odeurs inconnues jusqu’ici, mais c’était comme si je les avais toujours connues. Un mélange de sel, d’algues et de poissons parvenait jusqu’à mes narines. Ce n’était vraiment pas désagréable.
Je me tournais vers mon frère qui était visiblement bien plus attiré par les bâtiments, mais il n’avait jamais été très sensible aux odeurs de toute façon, et heureusement pour lui, cela lui avait évité de nombreux malaises…
-Voici Satellite, impressionnant n’est-ce pas ? Voyez l’architecture moderne qui s’élève jusqu’au ciel comme si elle voulait le toucher, admirez ces boutiques et ces cafés qui furent autrefois des repaires pour les malfrats ; dit alors Hélios comme un guide touristique. Tout cela est le fruit de la coopération des habitants et est né de l’espoir des hommes, d’ailleurs, j’ai quelque chose à vous montrer, suivez-moi.
Hélios nous emmena plus près de l’océan. Nous continuâmes à traverser de grandes avenues remplies de passants pressés mais surtout bien habillés. Je me sentis soudain vraiment comme une clocharde avec mes loques, et c’était certainement ce que pensaient toutes ces personnes en me voyant.
Bon, la vérité, c’était qu’Hélios attirait bien plus l’attention que nous avec son drôle de costume, si bien que personne ne prêtait attention à deux pauvres enfants ayant l’air de sortir de nulle part…Mais Hélios ne prêtait guère attention à tous ces regards, comme s’il était habitué et continuait sa route, imperturbablement, continuant à commenter tout ce qu’il voyait.
Enfin, nous fîmes face à une grande étendue d’eau semblant infinie. La terre s’arrêtait là pour faire place à la mer, bleue comme l’azur, brillante sous le soleil matinal. Je ne pouvais détacher mon regard de cette merveille. Je n’avais vu l’océan que dans des livres, sur de vieilles photos en noir et blanc, mais jamais je n’aurais imaginé un tel mélange de couleurs et de lumières.
Un grand pont reliait satellite à ce qui devait être Néo Domino City mais Hélios ne voulait pas nous montrer cela et désigna quelque chose à droite du pont.
Nous nous approchâmes et nous vîmes quelque chose d’étrange : une moitié de pont en bois. Il était très petit comparé à son voisin mais il semblait également bien plus vieux.
-En quoi ce truc est intéressant ? Demanda Satoshi à Hélios.
-Ce truc ? Un peu de respect je te prie. Il s’agit là du pont dédale. Il a été construit peu de temps après la séparation de Satellite et Domino city par un homme dont le nom est resté dans la légende, autant en bien qu’en mal.
-Rex Goodwin ? Proposai-je en me souvenant d’avoir lu quelque chose sur lui.
-Exact Serena. Goodwin fut le premier à avoir redonné de l’espoir aux habitants de Satellite en construisant ce pont, seul. Par la suite, c’est également lui qui a ordonné la construction de l’autre pont, achevant ainsi son travail et réparant les erreurs de son frère. Il est un modèle pour de nombreuses personnes encore aujourd’hui.
-Un peu comme vous ; dis-je alors.
-M…Moi ? Répéta-t-il surpris.
-Oui, vous nous avez donné un espoir en nous faisant sortir d’ici.
-Mais…mais non, vous vous méprenez, je n’ai rien d’un héros…je n’en ai plus la carrure depuis longtemps…
Son regard se posa tristement sur le sol lorsqu’il dit cela. Que lui arrivait-il ? Il était vrai que je ne connaissais presque rien de lui, mais ces deux jours passés en sa compagnie m’avaient appris de nombreuses choses, alors il pouvait dire ce qu’il voulait, avoir fait n’importe quoi, il restait un modèle pour moi, et certainement pour Satoshi également, même s’il ne l’aurait jamais avoué.
-Enfin, je ne sais pas pour vous, mais je n’ai pas pris de petit déjeuner et je commence à avoir un peu faim, pas vous ? Dit-il soudainement.
-Non merci, nous ne prenons qu’un seul repas par jour en général ; répondit mon frère.
-Allons, allons, des jeunes en pleine croissance doivent manger pour garder la forme !
Sans nous laisser le temps de répondre, il nous emmena dans un restaurant de luxe avec vue sur la mer. Le serveur eut l’air surpris en voyant deux gueux et un excentrique arriver dans son restaurant mais ne fit pas d’histoire et nous installa à une table à côté de la fenêtre. Nous avions une belle vue dégagée sur l’océan et sur la plage d’ici.
-Prenez ce que vous voulez, je vous l’offre ! Déclara Hélios en s’emparant du menu.
-Comme si nous avions les moyens de payer ; marmonna Satoshi.
Je pris le menu à mon tour et je fus effarée de voir tous les choix possibles. Il y avait vraiment de tout, même les exécuteurs n’avaient pas autant de choix dans leur garde-manger.
Le serveur revint, Hélios commanda quelques tranches de Bacon, des saucisses avec des œufs frais ainsi qu’une grande tasse de café. Satoshi se contenta d’une tartine de pain puisqu’il ne connaissait que ça. Quant à moi, je tentai les croissants qui avaient l’air bien appétissants sur la carte.
L’homme revint à peine cinq minutes plus tard avec notre commande qui me mit sérieusement l’eau à la bouche. Cependant…je ne savais vraiment pas comment manger ces croissants sans avoir l’air d’une sauvage et, imitant Hélios et ses saucisses, je me mis à les couper avec un couteau et une fourchette, mais son étrange expression lorsqu’il me vit faire cela me fit comprendre que ce n’était pas la bonne méthode.
-Euh…Serena, je peux savoir ce que tu fais ? Demanda-t-il amicalement.
-Ca ne se voit pas ? Je mange proprement…ou du moins, j’essaie ; me défendis-je tout en faisant tomber des miettes un peu partout.
-Tu sais que ça se mange avec les mains ? A moins que tu ne réussisses à planter ton couteau dedans et avoir quelque chose à la fin…
Je m’empourprai.
-Je…je le savais ! Protestai-je tout en empoignant le croissant à deux mains.
-C’est ce qu’on dit oui ; répondit Hélios, l’œil brillant.
J’engloutis mon croissant en deux ou trois bouchées puis je regrettai de ne pas en avoir profité comme le faisait Hélios et Satoshi, qui lui, semblait savourer toutes les miettes de sa tartine…
Le serveur amena l’addition, et je fus consternée de voir le prix, mais Hélios ne semblait même pas étonné. Il sortit simplement un énorme billet puis nous partîmes, le ventre plein pour la première fois depuis des lustres.
Notre prochaine destination était la ville de Néo Domino City. Nous traversâmes le grand pont reliant les deux parties de la ville. Je n’étais pas très à l’aise, perchée vingt mètres au-dessus du vide mais je pris mon courage à deux mains, après tout, traverser ce pont signifiait laisser définitivement derrière moi ma vie dans le quartier oublié.
-Si vous n’y voyez pas d’inconvénients, j’ai quelques affaires à régler à Néo Domino City, donc nous allons certainement passer la nuit ici.
-Pourquoi cela nous dérangerait-il ? Demandai-je.
-Je ne sait pas, on ne sait jamais, nous sommes encore très proches de satellite après tout ; répondit-il en haussant les épaules.
Cela me fit chaud au cœur de voir qu’Hélios se préoccupait de cela aussi. Je ne m’étais pas trompée sur son compte, il s’occupait vraiment du bien-être de tout le monde autour de lui, un peu comme un père l’aurait fait avec ses enfants…
La ville de Néo Domino City était assez peu différente du nouveau satellite. Il y avait ces mêmes gratte-ciels, les mêmes rues parfaitement lisses, les mêmes sortes de gens. Les deux parties de la ville étaient vraiment reliées à présent et le fossé qui les séparait semblait avoir disparu quand je regardais le nombre d’automobiles passant de l’une à l’autre sans arrêt.
Mais cette fois-ci, Hélios ne s’arrêta pas pour admirer la vue et se dirigea directement vers le centre-ville, plus précisément, en direction d’une immense tour surplombant la ville comme si elle la gardait.
Lorsque nous fûmes à son pied, elle me parut encore plus impressionnante, elle était si haute que j’en avais presque le vertige.
Hélios se dirigea directement vers les grandes portes qui étaient gardées par de nombreux policiers. Les forces de sécurité, me disais-je. Pourquoi Hélios venait-il dans un endroit pareil ?
Il put entrer sans difficulté mais il n’en fut pas de même pour nous. Deux gardes nous empoignèrent lorsque nous essayâmes de rentrer à sa suite.
-Où pensez-vous aller comme ça misérables ? Nous dit l’un des policiers sans une once de tact.
-Misérables ? Faites attentions à vos paroles ! Ripostai-je tout en sachant que c’était la vérité.
-Encore des voleurs de petite envergure ; soupira le policier. Des comme vous, on en a tous les jours, n’essayez pas de jouer au plus malins, vous le regretterez.
Je vis le regard de Satoshi s’illuminer de colère, cependant, Hélios revint sur ses pas en voyant que nous ne le suivions pas et fut interloqué de nous voir comme ça.
-Satoshi, Serena, qu’avez-vous fait ?
-Mais rien, on essayait juste de rentrer quand ces bull-dogs nous ont sauté dessus !
-Oh, je vois…Et bien, vous pouvez les lâcher messieurs, ils sont avec moi.
A contre-coeur, les policiers nous laissèrent partir mais je voyais dans leur regard qu’ils gardaient un œil sur nous.
-Au lieu de sauter sur tout ce qui bouge, vous auriez mieux fait de sauver nos parents ! Criai-je avant de rentrer à l’intérieur.
Hélios s’excusa longuement de ce malentendu et promit de faire quelque chose pour nous une fois cette affaire réglée, ce à quoi Satoshi répondit que nous étions habitués à être maltraités, ce qui sembla l’outrager encore plus.
Une escorte nous fut donnée et nous emmena au dernier étage du bâtiment, dans le bureau du directeur des forces de sécurité où elle se retira.
Il ne restait que nous, ainsi qu’un étrange homme avec une tête de clown au milieu, un autre avec une énorme balafre sous l’œil et une femme aux cheveux bleus.
-C’est lui ; dit l’homme à la balafre en désignant Hélios.
-Agent Trudge, Mina, directeur Lazard, bien le bonjour.
-Vous donc celui qu’on appelle Hélios ? Vous savez, j’ai eu tout un tas de problèmes à cause de vous l’année dernière ; dit le dénommé Lazard avec une voix assez aigue.
-Oui, oui, désolé ; s’excusa Hélios visiblement confus. Mais je suis là aujourd’hui pour me racheter.
-Oh, vous êtes donc allé dans le quartier oublié comme convenu ?
-C’est exact. Il n’y a pas de grande surprise, le territoire est contrôlé par un certain Ramon. La famine et la terreur y règnent, bref, comme avant somme toute.
-Je vois, merci pour ces informations, nos équipes pourront intervenir bien plus facilement à présent.
-Intervenir ? Demandai-je soudain en prenant part à la conversation.
Le directeur sembla enfin remarquer notre présence et fronça ses sourcils violets.
-A qui ai-je l’honneur ?
-Elle s’appelle Serena, et voici son frère Satoshi. Je les ai rencontrés tous les deux dans le quartier oublié.
L’œil de l’agent balafré nommé Trudge s’illumina et il chuchota quelque chose à l’oreille de la femme à côté de lui qui sourit.
-Serena, Satoshi, vous connaissez le quartier oublié comme votre poche n’est-ce pas ? Nous demanda la jeune femme.
-Euh…En effet, pourquoi ? Demanda mon frère méfiant.
-Est-ce que vous accepteriez dans ce cas de nous guider afin d’arrêter les criminels qui y sévissent ?
-Vous…guider ? Vous voulez dire, retourner là-bas ?
Nous nous regardâmes avec Satoshi et voyant notre mal aise, Mina reprit gentiment :
-Vous n’êtes pas obligés, mais cela nous aiderait énormément, alors s’il vous plait, réfléchissez.
L’entretien se termina sur l’attaque future du quartier par les forces de sécurité. Apparemment, les exécuteurs commençaient à étendre leur influence sur Satellite, ce qui ne plaisait pas du tout aux forces de police en place. Hélios s’était proposé pour aller jeter un œil, c’est pourquoi nous l’avions rencontré cette nuit-là.
Cependant, je me fichai bien de savoir que tous ces idiots allaient être délogés. Ce qui me préoccupait l’esprit, c’était la demande de Mina. A peine sortie de la misère qu’on me demandait déjà d’y retourner. D’un côté, je mourrai d’envie d’accomplir enfin ma vengeance, mais d’un autre, retourner là-bas était chose impossible à présent, j’avais une nouvelle vie avec Hélios et Satoshi, ou du moins l’espoir d’une nouvelle vie. Retourner là-bas aurait signifié mettre fin à ces rêves…
-Ne t’en fais pas ; me dit alors Hélios une fois sortis du bâtiment. Vous n’êtes pas obligés d’y retourner, les services de police se débrouilleront très bien, j’en suis persuadé.
Il disait cela avec une telle conviction que j’avais peine à ne pas le croire, mais la possibilité de retourner dans le quartier oublié continuait à hanter mon esprit.
Voyant mon malaise, Hélios proposa quelque chose d’étrange.
-Et si nous allions faire les boutiques ?
-Pardon ?
Nous avions dit cette phrase en même temps et cela fit encore rire Hélios de nous voir synchros à ce point.
-Juste histoire de nous changer les idées, je suis sûr que ça nous fera du bien à tous !
Sans nous laisser le temps de discuter ou de protester, il entra dans le grand magasin qui se tenait en face du quartier général des forces de l’ordre et nous n’eûmes d’autres choix que de le suivre à l’intérieur.
En entrant, je crus passer dans un autre monde. Un vaste espace s’étendait devant moi, lumineux, brillant, rempli de monde. Il y avait tout autour de nous diverses boutiques allant de l’alimentaire jusqu’aux jeux vidéos, tout en passant par des vêtements, de l’électronique et d’autres choses que je ne connaissais pas. Des escaliers roulants permettaient de passer au deuxième étage, lui aussi rempli de boutiques en tout genre.
Je me mis à courir partout comme une petite fille. Je n’avais jamais connu d’endroit comme celui-ci, il n’y avait pas de magasins dans le quartier oublié, excepté la décharge publique.
Nous avions certainement l’air étranges tous les trois dans ce grand magasin, mais peut m’importait désormais puisque tout cela était sur le point de changer.
Nous entrâmes en premier lieu dans une boutique de vêtements car il était urgent que je me débarrasse de ces vieilles affaires qui faisaient vraiment malpropre à Néo Domino City. Mais il y avait tellement de choix, des robes à paillettes comme les princesses de contes de fée, des tenues de punk, de rocker et d’hippies, des maillots de bain en tout genre, je ne savais plus où donner de la tête.
Après avoir essayé la moitié du magasin et essuyé les critiques de mon frère, mon choix se porta finalement sur quelque chose d’assez simple et similaire à ce que j’avais déjà sur moi : un simple tee-shirt bleu et blanc, un pull rouge et un jean noir. J’en profitai cependant pour prendre également quelques bracelets, de nouvelles chaussures et d’autres vêtements de rechange, notamment des chemises, des jupes et une robe. On ne savait jamais…
Malgré le prix astronomique, Hélios ne dit rien et sortit simplement un autre énorme billet de son portefeuille. Il était milliardaire ou quoi ?
Lorsque ce fut au tour de mon frère, ce dernier rechigna un peu à acheter de nouveaux vêtements, disant que les siens lui allaient très bien. Finalement, il fit comme moi et acheta la même chose en neuf.
En sortant de la boutique, personne n’aurait pu dire que nous venions du quartier oublié. Nous ressemblions à tout le monde à présent…Enfin, à un détail près.
Ce fut au tour d’Hélios de changer sa garde-robe. Il fut certainement le plus obstiné, on aurait vraiment dit un enfant de six ans refusant d’aller à l’école.
-Vous n’allez pas vous balader en armure toute votre vie quand même ?
-Et pourquoi pas ? Je l’aime cette armure moi !
-Oui, mais avec vous, on ne peut pas passer inaperçu dans une foule, ce qui est quand même assez gênant ! Répliqua Satoshi.
Il continua à grogner une bonne dizaine de minutes avant de céder.
-Vous êtes bien trop têtus pour moi tous les deux ; soupira-t-il.
Nous entrâmes dans un nouveau magasin vendant d’élégants costumes pour homme. Nous prîmes celui qui semblait le plus normal : une chemise blanche, une veste noire et un pantalon noir, l’habit de monsieur tout le monde.
Lorsqu’Hélios sortit de la boutique, il était un autre homme. Fini l’excentrique en armure, il était à présent un honorable employé avec une coiffure étrange…
-Si je me fais tuer, ça sera de votre faute ; ronchonna-t-il tout en nous suivant.
Nous passâmes le reste de la matinée à faire les boutiques, rassemblant tout ce dont nous pourrions avoir besoin, et tout ce dont nous n’avions pas besoin également. Je ne pensais plus à rien, excepté au prochain magasin que nous allions visiter. Même le quartier oublié semblait un lointain souvenir se perdant dans la brume. J’avais certes le comportement d’une gamine à ce moment-là, mais je rattrapais tout le temps volé par le boss et son gang.
Les courses nous occupèrent jusqu’à trois heures de l’après-midi puis nous déjeunâmes dans un restaurant, de luxe encore une fois, où les serveurs nous traitaient comme n’importe qui. Ils ne nous regardaient plus avec cet œil méfiant avec lequel les gens nous observaient comme si nous étions des bêtes étranges sorties d’un autre monde. Nous avions simplement l’air de deux jeunes adolescents passant du temps avec quelqu’un qui aurait pu être leur père ou leur oncle, mais certainement pas de deux gueux accompagné d’un type tout droit venu du moyen âge.
Encore une fois, je fus surprise par la qualité de la nourriture et par son abondance. Rien que le fait de pouvoir choisir ce que l’on voulait m’étonnait. Dans le quartier oublié, nous nous contentions de ce que nous trouvions, que nous aimions ou non. Une fois de plus, je vis le fossé séparant les deux mondes pourtant si proches l’un de l’autre…
Nous passâmes ensuite le reste de l’après-midi à déambuler dans la ville comme de simples touristes, visitant les mêmes lieux qu’eux, achetant les mêmes souvenirs qu’eux, étant aussi insouciants qu’eux.
Le soir venu, Hélios nous proposa de rester dormir à l’hôtel et même de choisir celui que nous voulions. Lorsque je lui montrai celui du nom de « L’impérial », un cinq étoiles, il tiqua tout de même mais accéda à notre requête. Mon frère ne dit rien et se contenta de nous suivre.
C’était un grand bâtiment ayant l’air assez ancien, avec des colonnes de marbre blanc, une façade comme sur les temples grecs, sculptée et embellie par des plantes grimpantes en fleurs, même si l’on voyait clairement qu’il s’agissait d’une réplique moderne.
Pour y accéder, nous devions traverser un vaste parc à la française où de nombreuses personnes flânaient encore avant le diner. L’entrée était gardée par deux hommes en costume blanc qui nous ouvrirent la porte lorsque nous nous approchâmes. Tout cela m’intimidait un peu à vrai dire, je n’avais pas l’habitude d’autant de luxe et de décorations, mais l’extérieur n’était rien comparé à l’intérieur du palace.
Le hall était une immense salle circulaire avec un parquet verni reflétant le plafond, peint et représentant des scènes de banquet avec des anges, des dieux et des hommes. Je n’étais vraiment pas à l’aise, tout avait l’air si fragile tout en étant si beau, j’avais vraiment peur que le moindre de mes pas n’abime le magnifique sol. Satoshi ne semblait pas très sensible à tout ce luxe, il regardait simplement les gens qui se trouvaient là avec un peu de mépris. Il devait certainement penser qu’ils étaient privilégiés, qu’ils avaient toujours tout eu dans leur vie, contrairement à nous et cela devait le dégouter. Je comprenais très bien ce sentiment, j’aurais certainement ressenti la même chose si je n’avais pas essayé de me détacher de mon ancienne vie, ce que lui, semblait avoir du mal à faire…
Hélios prit deux chambres auprès de la réceptionniste pour une durée indéterminée. Après tout, il avait encore beaucoup de travail à faire pour les forces de sécurité.
Cependant, la dame de l’accueil posa une question étrange.
-Hélios…j’ai déjà entendu ce nom l’année dernière ; dit-elle comme perdue dans ses pensées.
-Oh, certainement madame, je suis quelqu’un d’assez connu ; répondit-il avec un grand sourire. Mais si je suis ici aujourd’hui, c’est pour un travail spécial avec les forces de l’ordre.
Il avait murmuré cette dernière phrase comme si le dire à voix haute pouvait compromettre sa couverture, s’il en avait eu une…
Pendant que la réceptionniste était perdue dans ses pensées, Hélios en profita pour s’éclipser discrètement vers les chambres et nous le suivîmes. Cependant, les paroles de cette femme avaient piqué ma curiosité. Qui était-il vraiment ?
Serena : Nouvelle vie
Spoiler :
J’oubliai rapidement mes interrogations au sujet d’Hélios lorsque ce dernier nous montra nos chambres. Je trouvais déjà que notre immeuble de satellite était miteux en y habitant, mais en comparaison avec ça, notre taudis se transformait en dépotoir. La chambre que j’avais devant les yeux s’ouvrait en vérité sur un véritable appartement de plusieurs pièces. Le plafond était haut, culminant à au moins quatre mètres au-dessus du sol et étant décoré par de belles peintures et sculpté sur les bords. Au milieu pendait un grand lustre doré, illuminant le reste de la pièce. Les meubles qui se trouvaient là n’étaient pas en rade. Il n’y avait que des fauteuils et des tables dorés tels que je les connaissais dans les livres sur les familles royales, tandis que de beaux tapis de velours recouvraient le parquet luisant et ciré. Aux murs, de nombreux tableaux venaient égayer la chambre. Sur le côté, une grande cheminée de marbre blanc s’élevait sur laquelle une glace tout aussi impressionnante donnait l’impression d’agrandir encore cette pièce déjà immense. J’étais bouche bée face à tant de luxe et à vrai dire, j’avais également un peu peur. Je ne me sentais pas vraiment à ma place dans cet environnement. Ma chambre de satellite me paraissait déjà grande alors qu’elle ne faisait que six mètres carrés, tandis qu’ici, un véritable palace s’ouvrait rien que pour moi puisqu’Hélios et Satoshi prenaient une chambre à part. Je me mis à trembler. C’était exactement comme ça que j’imaginais la vie en dehors de satellite, c’était de ça que j’avais toujours rêvé, et pourtant, maintenant que j’y étais, je n’arrivai plus à faire un pas, j’étais coincée devant la porte, à contempler un palace dans lequel je ne pouvais pas entrer, comme un rêve si proche et si lointain à la fois… Que se passait-il ? Je voulais quitter Satellite définitivement, faire une croix sur toute cette misère et aller de l’avant, cet espoir d’une vie meilleure était devenu ma seule raison de vivre, mais maintenant que j’y faisais face…je l’appréhendais, j’avais peur de cet inconnu se dressant devant moi, j’en venais presque à vouloir me réfugier dans mon satellite que je connaissais si bien… -Alors Serena, tu n’entres pas ? Me demanda soudainement Hélios avec une grande tape dans le dos. Cela me déstabilisa et je fus bien obligée d’entrer dans la grande chambre pour ne pas me casser la figure sous le coup de la surprise. -Hélios, je me disais…vous n’étiez pas obligés de prendre la chambre la plus luxueuse pour nous, je me serais très bien contentée de… -La plus luxueuse ? Tu rigoles Séréna, j’ai pris l’entrée de gamme ! Je suis peut-être roi, ma fortune n’en reste pas moins limitée ! Je fis les yeux ronds. Je n’avais pas du tout envie de voir à quoi ressemblaient les plus belles suites de cet hôtel de peur de me sentir encore plus misérable. -Tu devrais te dépêcher de t’installer, nous n’allons pas tarder à Diner. Et évite de casser quelque chose, ton frère a déjà fait tomber un vase, je préfère garder quelques sous pour plus tard… Je ne pus m’empêcher de sourire. Satoshi n’avait jamais été très adroit, mais dans le quartier oublié, ce n’était pas un problème, tout était déjà en ruine. Mais ici, je lui donnais moins de dix minutes avant de créer des problèmes à Hélios. Le roi retourna dans sa chambre et me laissa seule, mais cette petite conversation eut pour effet de me détendre et je pus visiter le reste de la suite joyeusement. Ma chambre était assez comparable au salon, mais un grand lit à baldaquins trônait au milieu. Ma première réaction fut de sauter dessus. Il était parfait, ni trop dur comme le sol de mon immeuble, ni trop mou comme les matelas troués que nous avions. La salle de bain me laissa également sans voix, rien que la baignoire était aussi grande que ma chambre de satellite…Si on pouvait appeler ça une baignoire et non une piscine… Je me mis ensuite au balcon qui donnait sur ma chambre et je fus impressionnée par la vue. Devant moi s’étendait la mer ainsi que la ville et au loin, Satellite. Le tout s’harmonisait plutôt bien, on ne voyait pas le quartier oublié d’ici, et certainement de nulle part depuis la ville. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait le quartier oublié… Je sortis ces pensées de ma tête. Non, je n’avais plus rien à voir avec ces gens. J’étais Séréna, j’avais une nouvelle vie avec Hélios et Satoshi, il n’y avait rien avant, tout n’était qu’un cauchemar de quinze ans duquel je venais de me réveiller… Je fis couler un bain pour me changer les idées. Cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas lavée dans autre chose qu’une bassine d’eau sale que cela ne pouvait me faire que du bien. Et effectivement, lorsque je trempai mon pied dans l’eau, je fus comme aspirée à l’intérieur de la baignoire et en moins de dix secondes, j’étais complètement immergée. L’eau était si chaude et si agréable, je n’avais pas connu cette sensation de calme et d’apaisement depuis une éternité. Cela me rappelait l’époque où ma mère me faisait prendre mes bains dans des bassines alors que je n’avais que cinq ou six ans. Je restai donc dans cette eau chaude pendant dix, puis vingt, puis trente minutes, à simplement savourer la sensation de chaleur se répandant dans mon corps au contact de l’eau claire et pure. Puis, après un bon shampoing dont j’avais vraiment besoin, je me mis à repenser à cette journée. Dire que la veille encore, je me trainais dans ce taudis de satellite, à craindre la réaction du boss et à me demander si j’allais manger le lendemain, et que maintenant, je me prélassais dans cette magnifique baignoire, l’esprit tranquille, attendant le diner d’Hélios… Tout était allé si vite, j’avais encore du mal à croire que tout cela était réel. J’avais peur de me réveiller à tout instant sous les coups du boss et être ramenée à mon quotidien de chien. Je voulais tellement que le rêve ait été ces quinze années et non ce jour magique, mais cette peur ne s’en allait pas et grandissait même. Jamais je n’avais connu le bonheur simple de vivre paisiblement, tout cela m’était totalement inconnu et m’effrayait tout en me fascinant. Je sortis le bras de l’eau et je vis plusieurs cicatrices. Je me souvenais de chacun des coups ayant provoqué ces marques indélébiles ; des bagarres, des accidents, des disputes avec le boss, il y avait de tout. J’en avais également sur les jambes, sur le torse et dans le dos, seul mon visage avait été épargné comme je le protégeai plus que n’importe quoi. Chacune d’entre elle me rappelait un tourment différent, une autre souffrance. Je me souvenais que j’avais même voulu me couper exprès dans l’espoir qu’elles disparaissent tellement je les détestais, mais je n’avais pas d’autre choix que de vivre avec désormais… Lorsque l’eau fut enfin devenue froide, je me décidai à sortir puis je m’habillai avec ce que nous avions acheté le jour même : une chemise blanche assez légère et un Jean classique. Je mis plusieurs minutes à démêler mes cheveux qui, sous le poids des semaines, avaient fini complètement en bataille. Je ne touchais pas cependant aux deux mèches me tombant entre les yeux, elles étaient une partie de moi, la seule chose dont j’étais fière d’avoir réussi à les former. En passant devant la glace dans l’entrée, j’eus du mal à me reconnaitre. Moi, qu’on appelait couramment « Gravrochette » dans le gang à cause de mon apparence négligée et des cheveux longs qui le faisaient ressortir, je ressemblais maintenant à une fille de la ville, allant à l’école et ayant des amis, le genre de fille que j’aurais rêvée d’être. Lorsque je sortis de ma suite, je retrouvais Hélios et Satoshi qui m’attendaient visiblement depuis un bon bout de temps à en juger par leurs expressions. -Serena, est-ce que tu sais ce que c’est qu’une heure exactement ? Me demanda Satoshi, l’air encore plus ronchon que d’habitude. -Bah quoi, j’ai fait aussi vite que j’ai pu ! Protestai-je. -C’est pour ça que tu n’as pas répondu quand je t’ai appelée il y a une demi-heure ? Rétorqua-t-il. -Tu es marrant toi, nous ne sommes pas à Satellite, les murs ne sont pas en carton je te signale ! -J’étais devant la porte de la salle de bain. Je m’empourprai, me rappelant que je n’avais pas pris la peine de fermer cette dernière. -Tu…Tu…Tu…Bafouillai-je, ne réussissant pas à aligner deux mots. -Depuis quand ça te dérange ? On a grandi ensemble je te signale et ça ne t’a jamais posé problème ; déclara mon frère en haussant les épaules. -Parce qu’on était à satellite, idiot, je n’avais pas le choix ! Répliquai-je toujours plus rouge. Mais il avait raison. D’habitude cela ne me gênait pas du tout, mais pour une raison qui m’échappait, cette fois-ci, je me sentais mal à l’idée qu’il m’ait vue dans mon bain. Devant notre dispute futile, Hélios se mit à rire. -Vous me rappelez vraiment Celestia et moi tous les deux, vous savez ? -Vous aussi vous aviez l’habitude de regarder les filles prendre leur bain ? Rétorquai-je, toujours mécontente. Ce fut au tour du roi de s’empourprer. -Je…Je n’ai pas dit cela voyons ! Bref, dépêchons-nous d’y aller, sinon le repas va nous passer sous le nez, en toute mauvais troupe ! Là-dessus, Hélios prit la tête et nous entraîna au rez-de-chaussée où se trouvait le restaurant. Je fus une nouvelle fois bouche bée lorsque je franchis la porte. Devant moi s’étendait un immense buffet sur lequel des dizaines…non, des centaines de plats étaient posés et dont les senteurs diverses me donnaient déjà faim. Satoshi fronça les sourcils en voyant cela. Certainement devait-il maudire ces gens ayant toujours tout eu alors que nous n’avions rien dans satellite. D’un côté, il n’avait pas tort, mais nous n’étions pas non plus exempts de reproches puisque depuis la reconstruction de Satellite, n’importe qui pouvait passer d’un côté à l’autre et tenter sa chance. Nous ne pouvions nous en prendre qu’à nous même de n’avoir jamais essayé… Un homme portant un costume blanc de réception vint nous accueillir et nous donna une table, puis, après avoir bu un grand verre d’eau et m’être assurée que je pouvais bien prendre ce que je voulais, je me précipitai sur le buffet. Je ne savais plus où donner de la tête, tout semblait si appétissant, je voulais goûter de tout, découvrir toutes ces choses qui m’étaient passées sous le nez pendant toute ma vie. Cependant, devant l’impatience des autres clients et ayant peur de me faire remarquer, je me contentai d’une assiette de frites et un steak haché. Je savais que c’était un repas totalement banal, voire bas de gamme pour un hôtel comme celui-ci, mais j’avais toujours voulu essayé. Lorsque je revins à ma place, il n’y avait que Satoshi qui s’était contenté du strict minimum comme à son habitude : une simple salade avec quelques légumes. -Sérieusement Satoshi, tu aurais pu prendre mieux quand même ! Lui fis-je remarquer. -Je n’ai pas besoin de plus moi, de toute façon, je n’ai pas faim ; me répondit-il sans décroiser les bras. -Au fait, où est passé Hélios ? Demandai-je en remarquant l’absence du roi. Mon frère me désigna alors un énorme plateau se déplaçant parmi la foule et se rapprochant de nous. Je n’eus aucun mal à deviner qui se cachait derrière cette pile de plats… -Dites-moi, vous allez vraiment manger tout ça ? -Evidemment Serena, j’ai besoin de prendre des forces pour demain ! -Demain ? C’est vrai. J’étais tellement heureuse de fuir satellite que je n’avais pas pensé une seule seconde à ce que nous ferions le lendemain, comme si pour moi, ce jour de bonheur devait durer éternellement. -Oui, j’ai quelques affaires à régler en ville avant de donner le feu vert pour l’assaut. D’ailleurs les enfants, j’espère que vous ne m’en voulez pas de détruire votre maison ? Dit le roi en avalant une cuisse de poulet. -Non, vous pouvez même raser le quartier, ça serait encore mieux ! -Serena ! Protesta mon frère. -Bah quoi ? De toute façon il n’y a rien qui vaille la peine d’être gardé là-bas, donc autant tout démolir pour faire un nouveau satellite ; ripostai-je. -Ne vous inquiétez pas, la mission prévoit simplement de remettre un peu d’ordre en délogeant ce Ramon de son poste, et ainsi, il sera plus facile de tout réhabiliter. -J’espère bien que vous ne toucherez pas à un seul cheveu des gens qui sont là-bas hormis les exécuteurs ; le menaça mon frère. Je le regardai avec surprise. Etait-il devenu fou ? Evidemment qu’il fallait arrêter tous les chefs de gangs et pas seulement Ramon ! Ces types n’avaient aucune morale, ils ne voyaient dans leur gang que des hommes de main pour arriver à leur faim et se fichaient éperdument de leur survie ! Pourquoi Satoshi restait-il si attaché à cette poubelle nous ayant détruit notre enfance à tous les deux ? Je ne comprenais vraiment pas ses motivations… Le soir, seule dans ma chambre, ne trouvant pas le sommeil, je sortis faire un tour sur le balcon afin de m’aérer un peu l’esprit. Ce lit était bien trop confortable, je n’arrivais pas à me vider l’esprit, contrairement à mon matelas de satellite qui m’achevait dès que je me mettais dessus.
Tout était calme le soir en ville, mais ce n’était pas le silence oppressant et effrayant qui régnait dans satellite où le moindre aboiement faisait sursauter tout le quartier. C’était un calme serein, celui d’une ville dormant sous la protection de cette grande tour surplombant Neo Domino City, veillant à sa sureté, tandis, qu’au loin, plongé dans l’obscurité, en plein cœur de satellite, le quartier oublié se démarquait par son absence totalement d’éclairage.
Je ne voulais pas m’attarder dessus, mais je n’arrivai pas à détourner le regard. Pourquoi ? Je détestai ce quartier, je détestai ma vie là-bas, je détestais les gens qui s’y trouvaient…et pourtant…comme le disait Satoshi, c’était notre maison, là où nos parents nous avaient donné la vie et élevés…
Alors que j’étais perdue dans mes pensées, j’entendis la fenêtre de la chambre voisine s’ouvrir et Satoshi sortit de sa chambre.
-Tiens, Serena, qu’est-ce que tu fais là ?
-Je pourrais te poser la même question tu sais !
-Hélios ronfle.
Sa remarque, combinée à son air désinvolte habituel m’arracha un fou rire.
-Donc, je répète ma question, qu’est-ce que tu fais là Serena puisque tu ne t’es sûrement pas faite réveiller par tes propres ronflements ?
-Comment ça mes propres ronflements ? Répétai-je, mécontente.
-Tu as très bien entendu ; répondit mon frère en baillant.
J’allai lui répondre quelque chose de cinglant, mais il enchaina aussitôt :
-Au fait Serena, désolé d’avoir été méfiant hier. Tu avais raison.
Je fus tellement choquée que Satoshi reconnaisse ses torts que j’en oubliai immédiatement mes insultes et je le regardai droit dans les yeux.
-J…J’avais raison ? Répétai-je, abasourdie. Je veux dire, évidemment que j’avais raison !
-Hélios est quelqu’un de bien.
-Pourquoi est-ce que tu dis ça maintenant toi ?
-Il est assez facile à cerner, il ne cache que très peu son jeu. Il est honnête avec lui-même si tu veux.
-Je suis contente que tu ne regrettes pas d’être parti ; lui répondis-je avec un large sourire.
Mon frère respira un grand coup et je vis qu’il était heureux de sentir autre chose qu’une vieille odeur de poubelle et de moisi.
-Il se fait vraiment tard Serena, je vais tenter de dormir malgré l’autre.
-Bonne chance, tu en auras besoin ; lançai-je, l’œil brillant.
Satoshi rentra dans sa chambre et je fis de même. Cette conversation, pour une raison étrange, m’avait détendue et je ressentis d’un seul coup toute la fatigue des nuits passées sans dormir retomber sur moi et je m’endormis aussitôt dans ce lit si confortable.
Lorsque je me réveillai le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel et projetait ses rayons à travers les rideaux de ma chambre pour venir caresser doucement ma peau. C’était une sensation vraiment étrange de se réveiller encore plus fatiguée qu’en s’endormant tout en ayant passé une longue nuit. D’habitude, la faim, le froid ou les cris du boss me tiraient de mon sommeil et mon lit de pierre me réveillait aussitôt mais là, je n’avais qu’une seule envie : me rendormir pour profiter davantage de ce lit moelleux.
-Bien le bonjour Serena ! S’exclama soudain la voix d’Hélios.
Immédiatement après, la lumière s’intensifia et mon premier réflexe fut de passer ma couette sur ma tête pour ne pas être aveuglée et tenter de prendre quelques heures supplémentaires.
-Laissez-moi dormir encore un peu s’il vous plait…Baragouinai-je encore à moitié endormie.
Puis je réalisai une chose et je sortis la tête de dessous les draps, furieuse.
-Hélios, je peux savoir ce que vous faites ici ? M’écriai-je, rouge comme une tomate.
-J’ouvre tes rideaux, ça ce ne voit pas ? Me répondit le roi en haussant les épaules. Et sinon, bien dormi ?
-Que…que…Quoi ? Mais je ne vous ai pas autorisé à rentrer ! Sortez d’ici, c’est ma chambre ! Et puis d’ailleurs, d’où vous avez les clefs ?
-Ah, ça…c’est une longue histoire…quoique pas si longue en fait…
-Et je m’en fiche, fichez-moi le camp ! Répliquai-je en lui lançant mon oreiller qu’il esquiva facilement.
-Bon, je vais prévenir ton frère que tu as enfin émergé. Si tu me cherches, je serai dans la salle des petits déjeuners avec Satoshi. Ne traine pas trop, j’ai beaucoup de pain sur la planche aujourd’hui.
-Vous êtes boulanger ? Demandai-je avec ma naïveté habituelle.
De sa poche, Hélios sortit un petit livre qu’il me lança, l’œil brillant avant de sortir. Je lus le titre : mille et une expressions communes….
Encore plus en colère et plus honteuse, je le jetai par terre avant d’aller prendre une douche pour me calmer. Cela marcha plutôt bien. Prendre une douche le matin était une chose à laquelle je n’étais pas habituée et j’appréciais chaque nouveauté qui s’ouvrait à moi depuis le début de ce voyage…sauf voir Hélios dans ma chambre à mon réveil…
Je rejoignis ensuite le roi et mon frère au petit déjeuner, même si en vérité, il était presque midi…Je pris donc un bon brunch puis Hélios nous emmena vers notre prochaine destination.
-Les enfants, si vous voulez faire un tour en ville plutôt que de m’accompagner, vous pouvez. Ce que je vais faire est assez ennuyeux.
-Mais non, je viens moi ! Rétorquai-je.
-Même si je vais chercher des papiers dans un bureau pendant trois heures ?
Je me ravisai. Finalement, j’allai peut-être suivre son conseil et me balader ce jour-là. Cependant, Satoshi, lui, insista pour venir, prétendant ne trouver rien d’intéressant à une visite touristique et nous nous séparâmes là-dessus.
Hélios et mon frère prirent la direction du quartier des affaires de la ville, tandis que moi, je me retrouvai seule, plantée au milieu d’une grande rue, ne sachant pas très bien où aller. Hélios m’avait peut-être donné un plan, mais ne m’avait pas expliqué ce qui était intéressant ou non…
Je soupirai, regrettant d’avoir voulu m’amuser. Je balayai du regard mon nouvel environnement. Il y avait du monde dans les rues, les voitures passaient et repassaient sans cesse sur la route et les immeubles, hauts et scintillants, cachaient presque le ciel. Tout était décidément bien différent de Satellite, où tout était si petit et délabré…
Je me mis alors à déambuler dans les rues, flânant devant les boutiques et leurs vitrines colorées, rêvassant en passant près des cafés et des restaurants, et finalement, après avoir tourné pendant une demi-heure dans les rues, je me rendis compte que j’étais perdue…
J’avais beau regarder dans tous les sens, lire tous les panneaux et chercher l’avenue d’où je venais, je ne reconnaissais rien. Au fond de moi, je me maudis d’avoir été si flemmarde et de ne pas avoir suivi Satoshi, car à présent, si je ne retrouvais pas rapidement le chemin du retour, ce n’était pas dans satellite que j’allais finir la nuit, mais dans une ruelle sombre de Néo Domino City, ce qui n’était pas forcément mieux…
Je commençai vraiment à fatiguer et pour couronner le tout, mon ventre se mit à gargouiller, et évidemment, je n’avais pas un sous sur moi…
Ce n’était pas l’envie qui me manquait de voler un ou deux croissants mais…non, je devais écarter cette pensée de ma tête, seul un habitant de satellite ferait une telle chose !
Refreinant ma faim, je réussis à me trainer jusqu’à un grand parc que j’avais repéré quelques instants auparavant et je m’affalai sur un banc.
Franchement, quelle idée avais-je eu de partir seule dans cette grande ville que je ne connaissais pas ? Et surtout, quelle idée d’Hélios de l’avoir proposé…
Tentant de ne pas y penser pour éviter de casser quelque chose, je focalisai mon attention sur le parc dans lequel je m’étais posée quelques instants. En face de moi, un vaste étang s’étendait sur lequel de nombreux canards, cygnes et autres oiseaux nageaient paisiblement entre les nénuphars, dans une eau cristalline.
Ce lac était entouré d’une grande pelouse inclinée, descendant en pente douce vers l’étendue d’eau, sur laquelle les touristes venaient prendre le soleil. Au-dessus, là où je me trouvais, un chemin terreux, bordé d’arbres offrant un peu d’ombre aux passants, faisait le tour du lac et donnait une vue imprenable sur le parc.
Tout était si calme. Le doux clapotis de l’eau parvenait jusqu’à mes oreilles et m’apaisait. Les oiseaux chantaient une douce mélodie dans laquelle se mêlaient les rires lointains des enfants s’amusant près de l’eau. C’était vraiment l’endroit idéal pour se détendre, Satoshi aurait aimé venir ici, lui qui ne supportait pas l’agitation.
Le décor me paraissait d’autant plus somptueux que, dans satellite, il n’y avait aucun parc. Les derniers étaient tombés en ruines et, même s’ils avaient été beaux par le passé, ne laissaient désormais voir qu’une impression de misère intense. Alors qu’ici, tout était si bien entretenu, si vert, je me serais certainement endormie instantanément si je n’étais pas aussi angoissée à l’idée de devoir passer la nuit dans ce parc. Aussi beau fût-il, je préférais tout de même rentrer à l’hôtel…
-Tiens, mais qui vois-je, ne serait-ce pas Serena ? Dit une voix dans mon dos.
Surprise, je me retournai précipitamment, sur mes gardes, m’attendant à voir débarquer le patron ou un autre membre du gang, mais je me détendis en voyant l’agent de sécurité de la veille.
-Vous êtes…L’agent Trudge n’est-ce pas ?
-En effet, c’est bien moi. Hélios n’est pas avec toi ? J’essaie de le contacter depuis une heure, mais rien à faire.
-Non, il avait du travail et il est parti du côté du quartier des affaires.
-Je vois, je réessaierai plus tard dans ce cas.
Voir l’agent de sécurité fit soudain remonter en moi la discussion de la veille avec Hélios au sujet de l’attaque de Satellite.
-Dites-moi Trudge, cette attaque de satellite, c’est du sérieux ?
-Evidemment, cela fait bien longtemps que nous aurions dû nous en occuper, mais avec Zone et tout le reste, nous avons manqué de temps.
-Et…qu’allez-vous faire exactement ? Demandai-je, tremblante.
-Pour le moment, nous allons rétablir l’ordre. Et ensuite, il me semble que le directeur Lazar a prévu une grande réhabilitation, mais notre priorité est de déloger ce Ramon qui fait sa loi.
-Hélios m’a répondu la même chose hier…
-Que veux-tu qu’on te dise de plus ? La dernière fois que nous avons essayé de réhabiliter satellite, qui s’appelait zone BAD à l’époque, la mission s’est terminée en échec.
-La dernière fois ? Répétai-je, sans comprendre de quoi l’agent parlait.
-Tout cela s’est passé il y a un peu plus de dix ans, mais les forces de sécurités, sous les ordres d’un certain Jeffrey, avaient été infiltrées et tout cela s’est fini en bain de sang…
Trudge regarda au loin, pensif. Je n’avais vraiment aucun souvenir d’un tel événement mais cela expliquait pourquoi Satellite avait été laissé à l’abandon pendant tant d’années malgré le recul des gangs dans la zone. Et mes parents, ils avaient certainement dû connaitre ce drame eux aussi…
-C’est pour cela que nous avons besoin de guide cette fois-ci ; reprit Trudge. Nous ne voulons pas subir un autre échec comme celui-ci, alors, plutôt que d’attaquer à l’aveugle, nous irons directement trouver le chef, et ainsi nous éviterons les combats inutiles.
Oui, ce plan me paraissait bien, retirer la vermine régnant à satellite en la personne des exécuteurs puis intégrer la zone oubliée au reste de la ville et ainsi supprimer les inégalités…C’était exactement ainsi que Satoshi voyait les choses également, et, même si cela me coutait de l’admettre, je ne voyais aucune faille. Cependant…Je ne voulais pas jouer les guides. Je m’étais promis de ne plus jamais remettre les pieds à satellite en quittant ma misère avec Hélios…
-Enfin, j’arrête de te bassiner avec ces histoires. Prends ton temps pour réfléchir, je ne te force absolument pas. Hélios sera suffisant si vous refusez tous les deux, ce que je comprendrai, moi-même, j’ai eu énormément de mal à revenir à satellite lors de sa reconstruction.
-Vous venez de satellite vous aussi ? Lui demandai-je, surprise.
-Tu crois qu’elle vient d’où cette marque ? Me répondit-il en me désignant la cicatrice qu’il avait sur la joue.
Cet homme…s’il venait de satellite, à en juger par son âge, il devait être un rescapé de Zero Reverse, et avait donc connu le tout premier satellite, lorsque ce n’était pas qu’une zone, mais l’ile entière qui était une poubelle géante et lorsqu’aucun pont ne reliait les deux parties de la ville à l’exception du conduit à ordures…Et pourtant, il avait réussi à surmonter cela à présent…Alors…Pourquoi continuai-je à rejeter ce qui avait été ma maison pendant quinze ans ?…
-Bien, je vais te laisser sur cela Serena, j’ai encore beaucoup de travail. A bien…
-Agent Trudge, attendez !
-Il y a un problème ?
-Est-ce que…vous pourriez m’indiquer le chemin pour rentrer ?
L’agent à la balafre éclata de rire, ce qui me fit me sentir encore plus honteuse devant lui et finalement, ce dernier me raccompagna jusqu’au bureau principal de la sécurité qui se trouvait non loin de notre hôtel.
Je finis par rentrer, totalement épuisée et affamée, et évidemment, Hélios et Satoshi m’attendaient depuis un bon moment. Cependant, l’expression que mon frère affichait me paraissait étrange. Il fronçait les sourcils et dévisageait Hélios avec méfiance, comme au premier jour.
-Serena, j’ai besoin de te parler cinq minutes ; déclara mon frère en me prenant par le bras et m’entrainant dans ma chambre.
Il verrouilla la serrure et s’assura qu’Hélios ne nous suivait pas. Je le regardai faire sans comprendre et, après m’être mis quelque chose sous la dent, je m’assis dans l’un des fauteuils pour l’écouter, mais il resta debout à faire les cents pas autour de moi, me donnant rapidement le tournis.
-Bon, Satoshi, ce n’est pas que tu me donnes mal à la tête, mais pas loin, alors, quelle mouche t’a piqué cette fois ? Celle de la paranoïa ou celle de la folie lente ?
-Ce n’est pas le moment de faire du mauvais humour Serena, je suis très sérieux ! Répliqua-t-il.
-Tu es tout le temps sérieux, tu devrais apprendre à te détendre un peu ; soupirai-je.
Mon frère s’arrêta juste devant moi et me regarda droit dans les yeux, avec ce regard froid dont lui seul avait le secret. Je détestais quand il faisait ça, en général, c’était toujours avant une mauvaise nouvelle…
-Serena, nous sommes allés dans les bureau du mouvement Arcadia aujourd’hui.
-Arcadia ? Ce n’était pas ces cinglés de duellistes psychopathes qui ont été vaincus il y a plus de dix ans ?
-Télépathe Serena, des duellistes Télépathes.
-On s’en fiche, c’est pareil. Et donc, qu’est-ce qu’ils ont de particulier ces bureaux ?
-Je me suis perdu en partant de mon côté pendant un moment et j’ai fini par atterrir dans le bureau du directeur, un certain Sayer et c’est là que je l’ai trouvé.
Je déglutis. Je craignais ce que Satoshi allait m’annoncer, et je m’attendais déjà au pire, mais ce qu’il me dit dépassait totalement mon imagination.
-Serena, je sais qui a tué nos parents. Mon sang se glaça. Si Satoshi évoquait quelque chose d’aussi grave et d’aussi tabou entre nous, c’était que sa découverte devait être effrayante. Nous nous étions mis d’accord pour mettre la faute sur le dos des gangs de Satellite afin de les détester mais au fond de moi, j’avais toujours su que c’était faux, même si je me persuadais du contraire pour continuer à vivre dans cette haine de satellite, pour trouver une raison à ma vie…
-Les gangs ont bien tué nos parents…
Je me détendis. Satoshi faisait tout un plat de pas grand-chose, comme d’habitude. J’allais pouvoir continuer à vivre ma vie en haïssant satellite…mais dans ce cas, pourquoi étais-je déçue ? Pourquoi la vérité me paraissait-elle si…banale ?
-Mais ce que j’ai appris, c’est la raison pour laquelle ils ont fait ça Serena.
-Parce que nous allions partir vers Néo Domino City en les laissant en plan comme les chiens qu’ils sont ? Tentai-je en poursuivant mes convictions.
-Non, tu es très loin Serena. Les gangs n’ont pas agi d’eux-mêmes, ils ont été manipulés…Par Sayer
-Sayer tu dis ? Mais…Pourquoi ? M’étranglai-je.
-Nous étions visés Serena, ceux qu’il voulait, ce n’étaient pas nos parents, c’était nous !
-N…Nous ? Mais…Pourquoi ? Bégayai-je, abasourdie.
-Je ne sais pas, le rapport ne mentionnait que nos deux nom…Mais il doit y avoir une raison et je compte bien la trouver ! Demain, Hélios retourne là-bas, et je jure que je trouverai cette raison !
J’avais du mal à en croire mes oreilles. Alors que j’avais toujours pensé que les gangs agissaient d’eux-mêmes en représailles contre nos parents, voilà maintenant que cet homme du nom de Sayer se retrouvait en plein cœur du drame…Mais pire que tout, nous étions responsables de leur mort…
Pourquoi…Pourquoi la vérité ne pouvait-elle pas être ce qu’elle semblait être ? Pourquoi ne pouvais pas vivre simplement mon rêve de quitter satellite ? Pourquoi la réalité me rattrapait-elle maintenant ? Pourquoi ne pouvais-je pas continuer dans l’illusion qui avait été la mienne ?…
-Satoshi, je viens avec vous…Je veux connaitre la vérité moi aussi…
Il ne s’y opposa pas. A partir de là, je savais que mon rêve allait s’arrêter et que j’allais devoir retourner à la dure réalité, mais peu m’importait. Maintenant que je connaissais la vérité, je ne pouvais plus laisser passer une telle occasion de vengeance. Même si je devais renoncer à Hélios, à une vie normale et heureuse, j’étais prête à tout risquer si cela me permettait de détruire Satellite et les gangs une bonne fois pour toute…Si personne ne pouvait rendre justice, j’allais le faire moi-même. Après tout, je faisais partie de ces ordures et j’allais régler ce problème comme telle.
La soirée passa, Hélios ne remarqua pas mon attitude plus renfermée que d’habitude, et tant mieux, je ne voulais pas l’impliquer davantage dans nos histoires. Il avait tant fait pour nous, je n’avais pas le droit de lui imposer un fardeau supplémentaire.
Finalement, après une nuit de sommeil très courte, l’aube se leva, l’aube qui allait marquer un nouveau jour pour nous deux, l’aube d’une vengeance datant de plus de huit ans…
Je descendis au restaurant où Hélios et Satoshi m’attendaient déjà, et, après un gros petit déjeuner, nous partîmes pour le bâtiment principal d’Arcadia.
C’était un immense building tout en verre, qui avait dû être très beau par le passé mais qui désormais, était complètement à l’abandon. La plupart des vitres étaient brisées, les mauvaises herbes s’accumulaient tout autour, les portes restaient ouvertes mais l’intérieur était sombre. Cela me faisait vraiment penser à ces bâtiments de satellites, ils étaient dans le même état…
Nous entrâmes à l’intérieur, et le hall d’entrée n’était pas en meilleur état. C’était une grande pièce carrée depuis lequel on pouvait voir des escaliers faisant le tour, monter jusqu’au sommet du building. Partout, des papiers trainaient au milieu des meubles cassés et des portes défoncées. Pourtant, l’endroit avait dû être beau par le passé à en juger par les restes de dorures des murs et les lustres brisés au sol.
-Bien les enfants, je n’en ai pas pour longtemps, on se retrouve ici dans une demi-heure. Evitez de vous perdre ceci-dit, je n’aime pas spécialement cet endroit…
Après avoir dit cela, le roi partit dans une direction, et Satoshi prit l’opposé. Je le suivis sans dire un mot, aucun de nous deux n’était vraiment d’humeur à parler.
Nous passâmes devant de nombreuses pièces, des chambres abandonnées, des terrains d’entrainement, la salle à manger, des salles de classe, des laboratoires avant de finalement arriver au dernier étage.
Dans la pièce, on aurait dit qu’une tornade s’était abattue. Le bureau au fond était fendu en deux tandis que toutes les vitres étaient brisées. Au sol, quelques cartes trainaient encore, des monstres normaux de type elfe, mais elles étaient injouables désormais. Les étagères prenaient la poussière, de même que tous les dossiers posés là. Il y en avait tellement…
J’en pris un au hasard et je lus le nom de Jessica Leocaser, un membre du mouvement. Sa tête me rappelait vaguement quelque chose mais je n’y prêtai que peu d’attention. Je n’étais pas venue pour ça…
Je remis donc le dossier à sa place et je continuai à fouiller dans les archives. Il y en avait tellement, je pensais ne pas en voir le bout, jusqu’à ce que Satoshi m’appelle. Immédiatement, j’arrêtai les recherches pour voir ce qu’il avait trouvé.
Je retins ma respiration lorsque je vis sur le dossier les visages de nos parents.
-Alors, c’était vrai, ce Sayer est vraiment derrière tout ça…Murmurai-je.
Tremblante, j’ouvris le porte documents. A l’intérieur, toutes sortes d’informations étaient réunies, un peu comme dans un casier judiciaire. Cependant, j’avais beau tourner les pages, je ne trouvai rien nous concernant. Il n’y avait que des anecdotes sans intérêt, jusqu’à ce qu’une feuille glisse d’entre deux pages.
C’était une lettre, écrite par Sayer à un certain maitre dans lequel il parlait de l’avancement des projets, la capture de la famille Leocaser et…
Je lâchai la feuille lorsque je lus la dernière ligne.
-Qu’y a-t-il Séréna ? Tu as trouvé quelque chose ?
Pour toute réponse, je lui tendis la lettre et ses yeux s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise.
-La mission a échoué, les enfants de l’Armageddon nous ont échappés. Cependant, nous les retrouverons et nous les tuerons, pour le bien de nos projets…Qu’est-ce que cela signifie ? Murmura mon frère, livide.
-Je ne sais pas ; lui répondis-je, tout aussi abasourdie. Est-ce que ces documents parlent de nous déjà ? Nous n’avons aucune preuve…
-Evidemment Serena ! Ce sont nos parents là, qui veux-tu que ce soit d’autre ?
-Je ne sais pas, il y a tellement d’enfants dans satellite, cela pourrait très bien être…
-Arrête de te voiler la face ! Ce Sayer…Il voulait notre mort !
-Dans ce cas, pourquoi sommes-nous encore là ? Et pourquoi ? Qu’avons-nous fait ? Qu’est-ce que c’est que ces histoires d’Armageddon Satoshi !
-Justement, c’est ce que j’aimerais bien savoir…Et je sais où trouver des réponses…
Mon frère se leva, l’air déterminé, et me laissa seule dans la grande salle, au milieu des papiers nous concernant. Je n’arrivais à faire le moindre geste, je restai les yeux fixés sur la lettre de ce Sayer, sans même la lire, simplement perdue dans mes pensées.
Je ne comprenais plus rien. J’avais l’impression d’avoir mis le pied dans une histoire qui me dépassait largement, alors que je ne voulais qu’une chose, une seule et unique chose : pouvoir vivre une vie normale, comme n’importe quelle fille de mon âge, loin des troubles de satellite…
Ce Sayer…C’était lui le responsable…Et pourtant, même en sachant cela, ma haine contre les gangs ne s’affaiblit pas. Au contraire, cette dernière venait de s’amplifier. Sayer était mort, et il me fallait des responsables sur qui passer ma colère…Les gangs faisaient une cible particulièrement alléchante…Oui, il était grand temps pour moi de prendre ma revanche sur ces ordures pour m’avoir tout pris…Toute cette haine, cette colère, cette rage, cette tristesse accumulées depuis tant d’années, tous ces sentiments que je ne pouvais plus contenir au fond de moi étaient sur le point d’exploser.
Mon frère avait raison. Je devais arrêter de me voiler la face, de fuir tous mes problèmes. Hélios m’avait peut-être donné une nouvelle vie, il m’avait redonné espoir alors que j’étais au fond du gouffre…mais le boulet que je trainais derrière moi était bien trop lourd pour émerger. Malgré tout l’espoir d’Hélios, ce n’était pas suffisant…
Je voulais pouvoir profiter pleinement de ce rêve…Non, je voulais faire de ce rêve ma réalité et c’est pourquoi…je devais effacer tout ce qui m’enchainait à mon cauchemar…
Lentement, je me relevai et je me mis à la fenêtre pour regarder au loin la poubelle qui me servait de maison autrefois. Quelle misère s’étendait là, j’en avais presque pitié…Si seulement cette même misère ne m’avait pas tout pris !
La dernière intervention d’Arcadia et Jeffrey avait peut-être fini en bain de sang…Mais ce n’était rien face à ce que j’allais faire subir à Ramon et son gang. Il était grand temps que Satellite ait une nouvelle reine, une reine ordonnant la suppression de son royaume…
Serena: Vengeance
Spoiler :
Alors que Satoshi et Hélios se trouvaient toujours dans l’ancien bâtiment d’Arcadia, je sortis de l’immeuble en ruines et je me dirigeai résolument vers le siège des forces de l’ordre. Je savais que je n’allais pas pouvoir vaincre tout Satellite à moi seule, c’est pourquoi, j’avais besoin de soutien et par chance, la police avait besoin du mien. J’avais déjà prévu toutes les éventuelles réponses ou réticences de Trudge mais j’étais déterminée à en finir au plus vite avec cette poubelle. Rapidement, je fus au pied de la grande tour de verre où deux agents de sécurité montaient la garde. Je passai simplement devant eux sans les regarder et cette fois-ci, ils ne firent rien pour m’arrêter. Cela me fit sourire intérieurement puisque cela signifiait que je n’avais plus le style que j’arborais lors de mon premier passage. Serena de Satellite n’était plus, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Je pris l’ascenseur principal pour me rendre au dernier étage où se trouvait le bureau du maire de la ville, ainsi que les quartiers de Trudge. Sans grande surprise, je les trouvai là et ces derniers furent étonnés de ma visite impromptue, mais je n’avais pas le temps de parlementer et, avant qu’ils n’aient eu le temps de poser la moindre question, j’en vins au fait. -Trudge, Directeur Lazar, vous m’avez demandé il y a deux jours si je voulais être votre guide dans satellite et je vous apporte ma réponse : oui. Je vous conduirai à travers le quartier oublié, mais j’ai cependant une condition. -Serena, nous sommes ravis que tu acceptes, mais pourquoi un tel changement d’attitude ? Quelque chose s’est passé depuis hier ? Me demanda Trudge, inquiet. -Ne vous occupez pas des détails Agent Trudge, j’ai mes raisons. -Dans ce cas Serena, quelle est cette condition ? -Laissez-moi diriger les opérations. Le directeur Lazar et l’agent Trudge se dévisagèrent, interdits. Visiblement, ils ne s’attendaient pas à une telle requête, mais, ayant anticipé leur réaction, je continuai. -J’ai l’habitude de ce quartier, je connais les moindres recoins, les moindres cachettes, les moindres ruelles. En me donnant le commandement, vous serez en mesure de compenser le désavantage lié à l’environnement, qu’en pensez-vous ? -Tu es consciente que prendre en charge une telle opération est une lourde responsabilité ? Nous ne pouvons pas…Commença le directeur. -Je sais très bien et je suis prête à finir le reste de mes jours en prison si j’échoue, mais soit vous courez le risque, soit vous trouvez un autre guide, à vous de voir. Les deux hommes se concertèrent quelques instants dans leur coin, mais je n’étais pas inquiète. Je savais qu’ils voulaient mener à bien cette opération coute que coute et que j’étais leur seul espoir, ils n’avaient pas d’autre choix que d’accepter. Finalement, au bout de quelques minutes de réflexion, Lazar reprit la parole : -Bien Serena, nous acceptons tes conditions, cependant, l’agent Trudge supervisera le projet en parallèle. Nous ne pouvons vraiment pas confier un projet d’une telle envergure à une civile, mineure qui plus est. -Cela me convient parfaitement ; répondis-je, triomphant intérieurement. -Donc Capitaine Serena, pour quand prévoyez-vous l’attaque ? -Dès demain. -De…Demain ? S’étrangla le directeur. Mais nos hommes ne sont pas prêts, ils… -Je n’ai pas besoin d’hommes pour ce plan, du moins, pas autant que vous ne le pensez. -Et cela signifie ? -Donnez-moi simplement la plus petite unité à disposition, je ferai avec. -C…C’est de la folie ! S’exclama l’homme à la tête de clown. -Serena, es-tu réellement consciente des enjeux de cette mission ? Me demanda Trudge, dubitatif. -Oui, et c’est justement pour cela que je le minimum sera suffisant. -Que comptes-tu faire ? -Faites confiance à votre Capitaine, Agent Trudge. Je tournai les talons sans en dire plus, laissant les deux hommes dans l’incompréhension la plus totale et, au moment où l’ascenseur arriva, je me retournai pour ajouter : -Dites à vos hommes de se regrouper demain à l’entrée nord du quartier oublié, je les y attendrai. Je ne leur laissai pas le temps de répondre et je refermai les portes de l’ascenseur derrière moi. Cela avait été plus facile que prévu, je m’attendais à plus de réticence de leur part, mais au moins, j’avais économisé un peu d’énergie dont j’aurais eu besoin le lendemain. Je ne m’attardai pas plus longtemps dehors et je rentrai ensuite à l’hôtel, où Hélios et Satoshi m’attendaient. Même si le soi-disant roi semblait normal, Satoshi regardait par le fenêtre, l’air pensif. Je tentai de paraitre le plus normal possible devant Hélios pour ne pas l’inquiéter avec ces histoires de Satellite et il n’y vit que du feu. Je n’avais pas le droit de le mêler à tout ça, il n’avait pas besoin de se salir les mains pour des gens comme nous. C’était une histoire entre le quartier oublié et nous, une vengeance qui aurait dû être accomplie depuis longtemps déjà. Le soir, alors que je regardai le quartier oublié depuis mon balcon en pensant au lendemain, la fenêtre de la chambre voisine s’ouvrit et je vis mon frère sortir également. Cependant, il semblait plus froid que d’habitude si cela était possible et me regardait avec un des yeux qu’il réservait aux autres membres des gangs en général. -Serena, arrête cette folie ; déclara-t-il gravement. -Alors comme ça tu t’opposerais à moi, alors que tu sais ce que ces gens nous ont fait ? Rétorquai-je violement. -Je ne m’oppose pas à ce que tu veux faire, mais à ce que tu prévois de faire. Les gangs nous ont détruits, mais là, tu vas trop loin Serena ! Sayer est déjà mort, cela ne te suffit pas comme châtiment ? -Tu connais la devise de notre gang : si les poings ne marchent pas, c’est que tu n’as pas frappé assez fort. -Justement, si tu rejettes ces types comme tu le dis, pourquoi appliquer leur code à la lettre ? -Parce que…Que je le veuille ou non, tant que le quartier oublié continuera à exister, Gravrochette ne pourra pas mourir… -Serena, tu détestes vraiment…satellite à ce point ? Murmura mon frère, abasourdi. -Ne me fais pas croire que tu y es attaché, Satoshi. Qu’est-ce que cette poubelle nous a apporté à part de la souffrance et la misère ? Mon frère se mordit la lèvre, comme s’il voulait ajouter quelque chose qu’il ne pouvait pas dire. Cependant, j’interprétai cela comme un manque d’argument de sa part. Il savait que j’avais raison et pourtant, il restait fidèle à notre poubelle, même à court d’argument. Vraiment, j’avais l’impression que nous ne nous comprenions plus depuis quelques temps. N’ayant plus rien à ajouter de plus, je tournai les talons et je m’apprêtai à rentrer dans ma chambre, profiter des quelques heures de sommeil qu’il me restait avant l’attaque lorsque Satoshi m’interpella juste avant que je ne referme la fenêtre : -Tu continues à te voiler la face Serena ; me lança-t-il, froidement. Je l’ignorai simplement et je m’enfermai dans ma chambre. Il pouvait penser ce qu’il voulait, jamais je n’avais été aussi lucide. Pour la première fois, je décidai d’enfin écouter mes envies, de ne plus me cacher, de laisser exploser ma rage et ma haine accumulées toutes ces années, de prendre ma vengeance sur ces ordures. J’étais déçue par l’attitude de Satoshi, lui qui toutes ces années, rejetait les gangs ouvertement en se refermant sur lui-même, maintenant qu’il avait l’occasion d’agir, ne faisait rien du tout. Mais peu importait, mon frère pouvait faire ce que bon lui semblait, j’étais résolue à aller jusqu’au bout. https://www.youtube.com/watch?v=qSvpN72u9F8 Le lendemain, je me levai aux aurores, bien avant Hélios et Satoshi. C’était le grand jour, le jour où tout allait se jouer, le jour ou tout allait commencer et le jour où tout allait prendre fin.
Discrètement, je sortis de ma chambre et je pris la direction de Satellite. A cette heure-ci, il n’y avait que peu de monde dans les rues, seuls quelques rares travailleurs matinaux étaient déjà debout et couraient dans les rues pour arriver à leur travail, mais j’étais globalement seule.
Je remontai la rue principale sans prêter grande attention aux immeubles qui m’entouraient alors que quelques jours plus tôt, j’étais fascinée par l’architecture et la modernité des lieux, moi qui sortais tout juste du quartier oublié.
J’arrivai ensuite au pont reliant les deux villes que je traversai en vitesse, sans prendre le temps d’admirer le lever de soleil qui était certainement magnifique. Mais je n’avais pas l’esprit à m’extasier sur quelque chose d’aussi banal alors que je n’étais qu’à quelques heures de l’assaut qui allait marquer la fin de l’ère de terreur de Ramon.
En arrivant dans satellite, j’eus un léger pincement au cœur en repassant devant le pont dédale. C’était à ce même endroit que, trois jours plus tôt, Hélios m’avait redonné l’espoir dont j’avais besoin, l’espoir de cette nouvelle vie loin de satellite, l’espoir d’un avenir meilleur.
Je détournai le regard, incapable d’en voir davantage. J’avais peur qu’en restant trop longtemps ici, ma détermination ne s’émiette et c’est pourquoi, je pris résolument la direction de l’entrée nord du quartier oublié sans lever le regard vers le nouveau satellite, porteur de tant de rêves.
Après dix minutes de marche, je finis par arriver à destination. Devant moi se trouvait la limite entre Satellite et le quartier oublié, entre ma nouvelle vie et mon ancienne vie, entre l’espoir et le désespoir, entre la vie et la mort.
La misère et la crainte se mêlaient deux mètres plus loin. Ces immeubles sales, délabrés, au bord de la ruine, tenant debout par miracle, comment avais-je pu vivre là-dedans moins d’une semaine auparavant encore ? Et il y avait cette odeur de poubelle omniprésente m’agressant les narines, j’en avais presque la nausée. Pour couronner le tout, la lumière du soleil ne perçait pas encore à travers les décombres si bien que le quartier entier était encore plongé dans le noir, le rendant encore plus sinistre.
Pourquoi Satoshi tenait-il tant à cette poubelle ? Même en essayant de le comprendre en ayant l’atrocité sous les yeux, je ne trouvais aucune qualité, aucun mérite, aucune beauté dans cet endroit lugubre et macabre. Seule la misère me faisait face et me narguait.
J’attendis ainsi une bonne heure avant que les hommes envoyés par Trudge n’arrivent. Il n’y en avait que très peu, une petite dizaine tout au plus, mais c’était ce que j’avais demandé après tout. Ils semblaient tous néanmoins très bien entrainés et déterminés à remplir leur mission.
Soudain, je vis un visage connu aux côtés de Trudge et je jurai intérieurement.
-Satoshi, qu’est-ce que tu fabriques ici ?
-Je suis venu m’assurer que tu ne feras aucune folie ; me répondit mon frère, froidement.
-Fais comme bon te semble tant que tu ne me gêne pas. Bien, Agent Trudge, vos hommes connaissent le plan ?
-Tout à fait, nous irons droit au but en encerclant le quartier général des exécuteurs. Nous nous diviserons par petits groupes de deux et une fois en place, nous les obligerons à se rendre.
-Parfait, nous pouvons y aller dans ce cas.
Sur ces mots, les hommes se dispersèrent lentement, prenant chacun leur tour une rue différente pour arriver à leur destination jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Satoshi, Trudge et moi sur place.
-Bien Serena, il ne reste plus qu’à espérer que cela ne se passe pas comme la dernière fois ; déclara Trudge, anxieux.
-Il n’y a aucune raison d’avoir peur, ma sœur ne fera aucun mal aux civils ni aux autres gangs, n’est-ce pas ?
Je détournai le regard. Je n’avais en effet aucune raison de m’en prendre aux civils et je ne comptais pas les impliquer, mais j’avais des comptes à régler avec les gangs, et j’avais envoyé les hommes de Trudge droit sur les différentes bases de ces malfrats. Il ne restait plus qu’à espérer que ces idiots ne se croient attaqués et frappent les premiers.
Trudge partit à son tour et je restai seule avec mon frère à l’entrée du quartier oublié. Nous restâmes en silences plusieurs bonnes minutes, sans faire un geste, jusqu’à ce que, ne supportant plus cette tension, je ne décide de briser le silence.
-Satoshi, je ne comprends toujours pas pourquoi tu tiens autant à ce quartier, mais une fois cette opération terminée, satellite ne sera qu’un mauvais souvenir.
-Non en effet Serena, jamais tu ne pourras comprendre, puisque tu as toujours vécu dans le déni et que tu n’as jamais osé regarder la vérité en face.
-Qu’est-ce que tu veux dire Satoshi ? J’ai vécu, comme toi, au milieu de la misère pendant quinze ans, j’ai côtoyé chaque jour les pires ordures sur cette terre, j’ai lutté pour continuer à vivre, tout comme toi, jamais je n’ai fermé les yeux sur notre situation !
-Et pourtant, toute ta vie n’a été qu’un long cauchemar, puis un doux rêve avant de replonger dans le cauchemar. Quand vas-tu enfin te réveiller Serena ? Quand vas-tu enfin comprendre que la vie n’est pas faite de noir et de blanc ? Quand vas-tu comprendre que les gens ne sont pas ceux qu’ils prétendent être ?
Je m’arrêtai net. Plus je parlais avec mon frère, plus je me rendais compte qu’il semblait en savoir bien plus que moi sur le monde qui nous entourait. Cependant, je refusais d’admettre qu’il avait raison, car, en faisant cela, je savais que je serais incapable de regarder à nouveau le monde comme je l’avais fait trois jours plus tôt, aux côtés d’Hélios…
Satoshi n’ajouta rien de plus et tourna les talons pour s’enfoncer vers le cœur du quartier oublié.
-Attends, ou vas-tu ? La base des exécuteurs…
-Je vais retrouver une de ces personnes que tu méprises tant et qui pourtant mériteraient leur chance, tout comme toi, tout comme moi, tout comme Hélios.
Sa réponse me laissa sans voix tandis qu’il disparaissait dans les ténèbres du quartier oublié. Malgré l’assaut en cours de l’autre côté du quartier auquel je me devais de participer, je voulais comprendre par-dessus tout mon frère. Je détestai cette distance qui s’était installée entre nous alors que nous n’avions aucun secret l’un pour l’autre lorsque nous étions dans la misère.
C’est avec cette nouvelle détermination que je m’élançai sur les pas de mon frère, tout en sachant pertinemment qu’en trouvant cette raison le poussant à protéger le quartier, j’allais sans nul doute me ranger de son côté… Je suivis donc mon frère pendant cinq bonnes minutes en prenant soin à ce qu’il ne remarque pas ma présence, ce qui était un exploit connaissant sa paranoïa mais étrangement, il semblait bien moins méfiant que d’habitude. Il ne prenait même pas la peine de se retourner pour vérifier ses arrières et avançait résolument en ligne droite.
Finalement, il s’arrêta devant un bâtiment avec un aspect spécialement lugubre. Il n’y avait plus de porte ni de fenêtre. Les murs étaient parsemés de fissures et même de trous par endroits. En levant la tête, je ne vis aucun toit pour protéger, il n’y avait plus que la charpente, du moins, ce qu’il en restait. Je devinais aisément que cet endroit avait dû être une sorte de grand magasin par le passé à en juger par le parking juste devant.
Satoshi n’hésita pas une seconde et pénétra à l’intérieur et je fis de même. L’intérieur n’était vraiment pas en meilleur état. Je me serais crue au siège du mouvement Arcadia, mais en plus délabré encore puisqu’ici, la peur se mêlait au décor de fin du monde.
Mon frère passa dans une pièce voisine mais je décidai de rester cachée dans l’entrée. Je ne comprenais toujours pas ce qu’il venait faire dans un endroit pareil, jusqu’à ce qu’il prononce un nom.
-Hakaze, tu es là ? Demanda mon frère dans le vent.
Aucune réponse ne lui parvint mais j’entendis quelques bruits de pas provenant de l’étage supérieur et, quelques secondes plus tard, une petite fille débarqua et se jeta dans les bras de mon frère qui l’étreignit longuement.
A en juger par son apparence, elle devait avoir aux alentours de huit ou neuf ans. De longs cheveux brun foncé lui arrivaient jusqu’aux hanches et tombaient en partie sur ses grand yeux verts comme l’émeraude. La petite fille portait des loques, un peu comme moi à son âge : une sorte de robe ou de tee-shirt trop déchirée et trop long pour elle ainsi qu’un pantalon troué de partout.
Cependant, malgré son apparence qui trahissait une grande pauvreté, elle arborait un immense sourire en voyant mon frère.
-Satoshi, tu es revenu finalement, j’ai eu peur qu’il ne te soit arrivé malheur ! S’exclama la petite fille.
-Non, ne t’inquiète pas Hakaze, je vais très bien, mais tu dois pas rester ici, c’est dangereux.
-Pourquoi donc ? Tu es là et tu m’as toujours dit que tant que tu serais à mes côtés, je ne craindrai rien ! Rétorqua-t-elle sans quitter son sourire innocent.
Satoshi s’agenouilla pour se mettre à sa hauteur et la regarda droit dans les yeux avec un sourire compatissant que je ne lui connaissais pas.
-Ecoute-moi bien Hakaze, les gangs vont se faire démanteler et le quartier oublié va être rénové. Tu verras, tout sera plus beau dans quelques temps, il faut simplement que tu le quittes en attendant…
-Non ! Répliqua la petite fille immédiatement.
-Mais Hakaze…
-Ici, c’est la maison de papa et maman, je resterai ici jusqu’à ce qu’ils reviennent et ils seront fiers de moi ! Ils verront que je me suis bien occupée de leur maison !
-Hakaze…Murmura mon frère.
J’eus un pincement au cœur en comprenant la situation. Etrangement, cette petite fille me faisait penser à moi-même, lorsque nous avions perdu nos parents. Satoshi avait tenté de me consoler et de cacher leur mort pendant un moment pour me protéger et avait agi comme avec cette petite avec moi.
-Je ne laisserai personne venir ici, personne ne touchera à ma maison ! Tu m’aideras Satoshi, hein ?
-Je…Oui Hakaze, je ne laisserai personne te faire du mal, pas même Serena…
Je fis un pas en arrière lorsque je l’entendis dire cela. Qu’est-ce que…cela signifiait ? Comment mon frère pouvait-il accorder autant d’importance à cette fille, à tel point qu’il aurait été prêt à m’affronter pour la protéger ?
Je ne comprenais plus rien. Satoshi avait-il raison ? Avais-je vécu dans le rêve pendant toute ma vie ? Avais-je fermé les yeux sur le monde qui m’entourait simplement pour pouvoir trouver une raison pour le détester ? M’étais-je moi-même enfermée dans ce cycle infernal de haine et de vengeance ?
En reculant vivement, je marchai sur un lustre écrasé au sol et cela les alerta de ma présence et ils se retournèrent immédiatement dans ma direction.
Lorsqu’il me vit, mon frère fronça les sourcils et me lança un regard noir tandis que la petite fille se cacha derrière lui, tremblante.
-Serena, je croyais que tu avais un assaut à mener, qu’est-ce que tu fabriques ici ? Déclara-t-il, froidement.
-Je…Satoshi…Qu’est-ce que…
-Dis, Satoshi, Onii-chan, tu connais cette fille ? Lui demanda la dénommée Hakaze, craintive.
-Ne t’occupe pas d’elle, ce n’est qu’une fille de la ville qui s’est perdue.
-Qu…Quoi ? M’étranglai-je en l’entendant dire cela. Ce n’est pas…
-Ce n’est pas ce que tu es Serena ? Ou du moins, ce que tu rêves d’être ? A moins que tu n’aies encore changé d’avis ?
Je me mordis la lèvre. A quoi Satoshi jouait-il ? Pourquoi était-il si froid avec moi tout à coup ? Plus je m’interrogeais, moins je comprenais mon frère…
La jeune fille, en voyant mon frère me parler, finit par sortir de sa cachette et s’avança vers moi, toujours effrayé, mais également intriguée.
-Dis, tu es de la ville, vraiment ? Tu n’en n’as pas l’air, tu as peut-être de beaux habits, mais ton apparence me dit que tu es d’ici !
-Co…Comment ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Bégayai-je.
-Tes cicatrices, les gens de la ville n’en n’ont pas ! Répliqua-t-elle en me montrant mes jambes.
Au moment même où cette petite fille évoqua ces marques sur ma peau, j’entrai dans une colère noire et incontrôlable, mais pas contre elle. Non, ses mots avaient touché mon point sensible, mon attache indélébile à ce quartier infect et cette vie de chien, ma dernière et éternelle appartenance au quartier oublié.
Ces cicatrices que je portais me rappelait toute la souffrance que j’avais dû supporter durant toutes ces années. Satoshi pouvait dire ce qu’il voulait, ce n’était ni un rêve, ni un cauchemar. Je n’avais pas non plus fermé les yeux face à mes combats de rue. J’étais parfaitement éveillée et consciente, et c’est pour cela que je détestais tant ce quartier.
Ma haine n’était pas qu’une illusion créée pour me chercher des excuses, elle était devenue réelle au fil des années, grandissant en moi et se rependant comme la peste avant d’exploser.
Cependant, quand je regardai cette petite fille, innocente et pure en face de moi, je compris presque pourquoi Satoshi tenait tant à ce quartier, contrairement à moi.
Nous étions peut-être frères et sœur, jumeaux même, ayant élevés dans la même famille, ayant grandi dans la même misère, ayant traversé les mêmes épreuves durant la guerre, et pourtant, nos réalités étaient sensiblement différentes, et c’est pourquoi, nous étions aussi sourds aux conseils de l’autre.
Je tournai alors les talons, comprenant qu’il était inutile de continuer ce débat puisqu’aucun d’entre nous ne pouvait imaginer la vie de l’autre. Mais, alors que j’allais sortir du bâtiment en ruine, mon frère me rappela.
-Serena !
Je me retournai et je lançai à mon frère ce même regard glacial qu’il m’avait adressé quelques instants auparavant. Cependant, toute once d’agressivité avait disparu dans ses yeux. Il n’y avait plus que cette inquiétude à mon sujet qu’il avait toujours eu depuis la mort de nos parents.
-Fais attention à toi, Ramon n’a aucun honneur. Si jamais tu as un problème, n’hésite pas à m’appeler, je viendrai te protéger comme je l’ai toujours fait.
Je ne pus m’empêcher de sourire en retrouvant le frère protecteur que j’avais toujours connu.
-Idiot, nous sommes des enfants de Satellite, nous n’avons pas de téléphone portable ; lui répondis-je en haussant les épaules.
Pour toute réponse, mon frère sortit un petit objet de sa poche qu’il me lança. Je le rattrapai au vol et j’écarquillai les yeux en reconnaissant le dernier modèle de portable.
-Un petit cadeau d’Hélios. Allez, file maintenant, et reviens en un seul morceau si possible.
En riant intérieurement, je rangeai son présent dans ma poche et je lui rendis son sourire bienveillant puis mon regard se posa sur la fillette présente à ses côtés. Elle tenta de se cacher derrière mon frère mais, devant mon expression, passa tout de même la tête pour me regarder.
-Tu…
-Allez Hakaze, souhaite bonne chance à ma sœur, une tâche difficile l’attend.
-Bo…Bonne chance Mademoiselle de la ville ! Si Satoshi Onii-Chan vous fait confiance, alors moi aussi ! Revenez vite ! S’exclama la fille avec un sourire angélique.
Voir cette petite rayonner me fit chaud au cœur mais attisa encore plus ma haine pour les gangs. Je refusais qu’elle subisse le même destin que moi, à maudire ce quartier et se maudire elle-même et pour cela, il n’y avait qu’une seule solution : détruire les Gangs et Ramon et ramener la paix dans le quartier oublié une bonne fois pour toute. Je n’allais plus me battre simplement pour assouvir ma vengeance contre Arcadia et les gangs, mais pour cette petite fille et toutes les personnes dans la même situation qu’elle, ne connaissant pas encore le désespoir et la haine dans le quartier.
Finalement, comme je le pensais, j’avais perdu ce combat contre mon frère. Je venais de perdre ce mépris que j’avais pour toutes les personnes vivant ici autres que les gangs. C’était comme si un poids venait de disparaitre.
C’est ainsi que je repris la route du repère de Ramon, plus sereine mais pas moins enragée qu’avant. Ce type avait pourri la vie de tellement de personne et allait en pourrir tellement qu’en aucun cas ma rage n’aurait pu être éteinte par autre chose que par sa mort. https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8 Après dix minutes de marche à travers le quartier oublié, le repère de ces ordures fut enfin en vue. C’était un grand bâtiment qui était autrefois un hôtel de luxe mais où il ne restait plus de sa majesté d’antan que la façade ressemblant à celle d’un temple grec et quelques fenêtres brisées. Même le jardin était méconnaissable, ce n’était plus qu’une décharge où s’entassaient divers objets tels des voitures rouillées ou de vieux pneus.
Il n’y avait pas un bruit. Tout était calme…Bien trop calme. Normalement, Ramon aurait dû être aux abois devant un tel rassemblement de forces de l’ordre et pourtant, je ne voyais personne.
Quelque chose ne tournait pas rond. J’envisageai la possibilité que mon plan se soit retourné contre moi et que les gangs aient pris le dessus mais je repoussais rapidement cette éventualité. Je devais avoir confiance en Trudge, ce n’était pas un débutant.
Ne pouvant pas attendre davantage devant ce taudis où se trouvait l’homme que je détestais le plus sur cette terre, je me décidai à agir par moi-même. Après tout, ce n’était pas la première fois que je m’introduisais chez ces malfrats par effraction, je pouvais bien le refaire une fois de plus.
Furtivement, je passais donc dans le parc entourant leur repère sans croiser un seul membre du gang et je me faufilai à travers une fenêtre donnant directement sur l’ancien hall de réception.
Il n’y avait toujours personne au milieu des décombres. Je sentais le piège à plein nez, mais je ne pouvais pas attendre. Je devais évacuer cette rage accumulée au fond de moi et je m’enfonçai donc davantage dans l’antre de l’ennemi.
J’arrivai devant les chambres des membres du gangs mais je n’y trouvais que des lits défaits, des affaires éparpillées et des meubles brisés, comme si tout le monde avait dû s’enfuir précipitamment. Je me dirigeai ensuite vers la cuisine et les mêmes scènes de délaissement s’offraient à moi. Partout, des assiettes brisées, des verres et de la nourriture s’entassaient sur le sol au milieu des débris et d’objets du quotidiens comme des montres ou des bracelets.
Ma rage se transforma petit à petit en crainte, puis en peur. Quelque chose ne tournait définitivement par rond ici. En temps normal, Ramon et ses hommes auraient défendu cet endroit au péril de leur vie mais devant moi, il n’y avait rien d’autre que les traces d’un départ précipité.
Cependant, il y avait encore un endroit que je n’avais pas encore inspecté : la salle d’entrainement du gang, là où Ramon s’amusait à recevoir les autres chefs et où il leur montrait sa force à leurs dépens…
Je pris les escaliers menant au sous-sol et je vis enfin une petite lueur au fond du couloir menant à cet ancien gymnase souterrain. Je pressai le pas, presque heureuse de voir un peu de vie dans cet endroit déjà lugubre en temps normal, cependant, lorsque j’ouvris la grande porte, ce que je vis me sidéra.
Ramon était bien là, mais il semblait épuisé et sa respiration était haletante. De plus, il n’était pas seul. En face de lui se tenait un homme, grand, blond, portant un élégant costume noir, une épée à la main et un disque de duel au bras tandis qu’à ses côtés, un grand dragon doré rayonnait et émettait cette lumière m’ayant attirée.
-Hélios ! M’exclamai-je, interdite.
L’homme m’ayant donné une nouvelle vie se retourna et son visage s’adoucit en me voyant.
-Tiens, Serena, je me doutais que tu viendrais ici tôt ou tard ! S’exclama-t-il en souriant.
-Mais…Qu’est-ce que…
-Qu’est-ce que je fais là ? Laisse-moi réfléchir : Tu as pris les commandes d’une opération que je devais mener, tu as menacé Satellite d’extermination et ton frère m’a demandé d’éviter le carnage. Cela répond à ta question ?
-Mais…
-Ah oui, je me suis déjà occupé des hommes de Ramon, ils se sont tous rendus sauf lui là-bas, mais ça ne saurait tarder. Assieds-toi et profite du spectacle ma chère Serena.
Je serrai le poing. J’avais peut-être énormément de respect et de considération pour Hélios depuis que ce dernier nous avait sorti de notre misère et je le considérais presque comme notre grand frère, voire notre père, mais cette fois-ci, je ne pouvais pas le laisser faire, lui n’ayant aucun lien avec satellite. Ramon était à moi, c’était ma vengeance pour avoir souffert toutes ces années, et je ne comptais en aucun cas laisser ce plaisir de vaincre cette ordure de Ramon à un autre, même s’il s’agissait d’Hélios.
Ignorant le soi-disant roi, je m’avançai au milieu du gymnase pour faire face à Ramon. Il était pitoyable, affaibli, à bout de souffle et sur le point de s’écrouler, mais il restait debout, le visage déformé par la douleur.
Je dévisageai l’homme m’ayant pris ces huit années avec des yeux où devait se lire tout le mépris du monde, ainsi qu’une haine brûlante. Enfin, enfin j’allais pouvoir détruire la source de mes problèmes, accomplir ma vengeance sur satellite, laisser cette rage accumulée en moi exploser.
Cependant, Ramon ne tremblait pas devant moi. Il me tenait tête, malgré sa faiblesse. J’avais attendu ce jour depuis si longtemps, le jour où les rôles s’inverseraient enfin, où je ne serais plus l’oppressée mais l’oppresseur, où Ramon plierait devant moi, Serena, la nouvelle reine de Satellite.
Cependant, alors que je m’apprêtai à frapper l’ancien roi de la poubelle, une main retint mon bras et m’empêcha d’asséner mon coup.
Je me retournai, furieuse contre Hélios qui affichait ce même air désolé que lorsqu’il avait empêché le boss de me frapper en public. Malheureusement pour mon sauveur, contrairement à ce lâche, j’étais résolue à en finir une bonne fois pour toute. Personne ne pouvait se mettre en travers de ma route.
D’un geste vif, je réussis à me défaire de sa prise et je fis face à l’homme nous ayant recueillis trois jours plus tôt.
Intérieurement, je bouillonnais de rage, mais Hélios, lui, restait incroyablement calme et serein. Pensait-il que je n’allais pas oser l’attaquer ? Si cela était le cas, il était bien naïf.
Rapide comme l’éclair, je tentai de le mettre au sol le temps d’en finir avec Ramon, mais il semblait avoir anticipé mon attaque, car il n’eut aucun mal à éviter mon coup en sautant deux mètres en arrière. Au même moment, Ramon, vidé de ses forces, finit enfin par s’écrouler.
Je voulus profiter de cette occasion pour l’achever une bonne fois pour toute, mais, alors que j’avais le dos tourné, quelque chose passa entre mes jambes et me déstabilisa.
Furieuse, je fis volte-face, prête à en découdre avec Hélios s’il s’obstinait à me mettre des bâtons dans les roues, cependant, je que je vis alors me stupéfia.
Autour d’Hélios flottait une sorte d’aura noire, refroidissant l’air autour de nous tandis que ses yeux étaient devenus rouges comme le sang. Sa couronne surgit de nulle part et vint se placer sur sa tête tandis que son disque de duel se mit à luire de la même lueur inquiétante.
Malgré l’enchainement des événements, je n’étais nullement effrayée, et encore moins impressionnée. Tout ce que je voyais, c’était un nouvel ennemi se dressant sur mon chemin, un ennemi que j’allais devoir neutraliser.
-Hélios, je ne sais pas à quoi vous jouez, mais écartez-vous de mon chemin si vous ne voulez pas être blessé ! M’exclamai-je, guidée par la haine.
-Blessé ? Moi ? Ma pauvre Serena, sais-tu au moins à qui tu as à faire ? Répliqua-t-il d’une voix grave, résonnant dans tout le bâtiment.
-Vous ne me faites pas peur, ce ne sont pas vos petits tours de passe-passe qui vont m’impressionner, je ne suis plus la même qu’à notre rencontre Hélios !
-Et pourtant, tu devrais. Sais-tu qui je suis vraiment ? Mon nom est Hélios, Seigneur soleil d’Héliopolis, ancien hôte de Gariatron, le démon Originel, véritable leader du mouvement Arcadia.
Mon cœur s’arrêta de battre lorsqu’il me fit cette révélation. Alors comme ça, cet homme à qui je devais tout, cet homme ayant fait naitre tous ces rêves au fond de moi, cet homme m’ayant donné le bonheur auquel je n’avais jamais eu droit n’était autre que celui me les ayant retirés huit ans auparavant ?
Tout cela était tellement ironique en y repensant, et tellement logique et prévisible. Pourquoi une personne comme Hélios aurait-elle pris la peine de recueillir deux minables comme nous sans aucune raison ? Il voulait simplement s’assurer que nous étions les bonnes personnes avant de terminer le travail commencé plus de huit ans auparavant.
J’aurais dû m’effondrer et pleurer, être anéantie en apprenant que tous mes rêves n’étaient que des illusions, de faux espoirs, des chimères, cependant seules les paroles de Satoshi me revinrent en tête et je me mis à rire nerveusement. Il avait vraiment raison sur toute la ligne, je m’enfermai encore et toujours dans mes propres illusions…
Je n’étais même pas déçue de l’attitude d’Hélios, lui que je considérai presque comme mon père depuis trois jours. Non, la seule émotion que je ressentais vis-à-vis de lui à présent était la colère, mais pas pour son mensonge. Je lui en voulais pour ses actions passées. Peu importait le présent, c’était lui, la cause de toutes mes souffrances et de mon malheur.
Malheureusement pour lui, je n’étais plus cette petite fille sans défense du jour de la mort de nos parents. Je savais me battre, il m’avait appris lui-même, et il allait gouter à sa propre médecine. Hélios allait payer pour ce qu’il nous avait fait à Satoshi, mes parents et moi. https://www.youtube.com/watch?v=5n7hG02hTng Je laissai complètement tomber Ramon pour me concentrer sur la véritable ordure ici qui n’avait toujours pas fait un geste pour m’attaquer.
-Et bien Hélios, vous avez peur de moi maintenant ? Où sont passées vos fanfaronnades ? Etait-ce du cinéma aussi cette assurance que vous aviez en combat ?
-Serena, ma petite, tu n’as rien retenu de ton entrainement je vois, je vais devoir te rafraichir la mémoire, je le crains.
A peine eut il fini sa phrase que le roi disparut de mon champ de vision. Mais je m’y étais préparée et je bondis sur le côté instinctivement tandis qu’une seconde après, une épée s’abattit à l’endroit où je me trouvais précédemment.
Tentant de profiter du temps de réaction d’Hélios, je passai à l’attaque à mon tour alors que son épée était encore au sol. Au dernier moment, ce dernier leva son bras gauche, parant mon coup de pied avec son disque de duel et je fus obligée au dernier moment d’utiliser mon élan pour me propulser à l’autre bout de la pièce, évitant de juste un autre coup d’épée du roi.
J’étais déjà essoufflée alors que mon adversaire ne transpirait même pas. Je n’avais vraiment pas l’habitude de me battre ainsi. En affrontant Hélios, je ne pouvais pas simplement foncer dans le tas en espérant que l’un de mes coups atteigne sa cible, j’étais obligée d’anticiper ses mouvements et être imprévisible…Mais je refusais de perdre. La trahison d’Hélios était bien trop grande, il m’était impensable de le laisser s’échapper.
Avec cette résolution en tête, je repassai à l’attaque, attrapant une barre de fer trainant sur le sol et la projetant sur mon ennemi qui la dévia sans aucune difficulté. Mon leurre avait marché. Hélios, se concentrant sur mon projectile, n’avait pas fait attention à mes mouvements et j’en avais profité pour me rapprocher jusqu’à ses jambes et je réussis à lui faire un croche-pattes.
Malheureusement pour moi, Hélios, avec un salto arrière, réussit à retrouver son équilibre et se remettre debout.
Néanmoins, l’avoir touché au moins une fois me redonna confiance en moi. En continuant à esquiver ses coups ainsi, je pouvais peut-être l’avoir à l’usure.
Sans autre sommation, je sautai en l’air et Hélios, levant la tête pour me suivre, fut immédiatement aveuglé par les lampes du plafond, si bien qu’il fut obligé de détourner le regard. Ce moment d’inattention lui fut fatal car, en retombant, je lui assénai un violent coup de pied sur le torse et le roi voltigea quelques mètres plus loin. Mon adversaire roula plusieurs fois sur le sol avant de réussir à s’arrêter.
-Ce n’est pas très intelligent de votre part d’entrainer vos ennemis Hélios. Si vous vouliez nous tuer, vous auriez mieux fait de le faire tout de suite !
-Oh, mais j’avais mes raisons ma chère Serena ; me répondit le roi d’une voix assurée. Et si nous nous asseyions au tour d’une table pour en parler, comme des personnes civilisées et responsables ?
-Civilisé ? Laissez-moi rire, je suis Serena de Satellite, et par votre faute, jamais je ne serai quelqu’un d’autre ! Je suis condamnée à rester dans cette poubelle pour toujours !
-Ce n’est pas toi qui m’a demandé de te sortir de ce trou ? Tu peux toujours m’accompagner tu sais…
-Taisez-vous ! Je vais vous tuer ici et maintenant ! Vous allez payer pour ce que vous avez fait à nos parents et à notre futur !
Sans lui laisser le temps de répondre, je fonçai sur le roi et j’essayai de le frapper à la tête mais il para facilement avec son épée. J’enchainai immédiatement avec un coup de pied en direction de son ventre, coup qu’il stoppa net en m’attrapant la jambe.
Un large sourire me fendit le visage lorsqu’il fit cela. C’était exactement ce que j’attendais. Prenant appui sur sa prise ferme, je levai l’autre jambe et lui assénai un violent coup dans les côtes.
Hélios me lâcha en grimaçant tout en reculant.
-Je ne comptais pas m’en servir, mais tu ne m’en laisses pas le choix Serena…
Le roi plaça son épée juste devant lui et cette dernière se mit à luire d’un éclat noir. Sans comprendre comment, une sorte de brume sombre s’en détacha et fila vers moi.
Je sautais pour l’esquiver et mon cœur s’emballa lorsque, en me retournant, je vis une énorme fissure dans le mur. J’avais raison, Hélios essayait bel et bien de me tuer…Dans ce cas, nous étions deux à jouer à ce petit jeu.
Repassant à l’attaque, je slalomai entre les salves entre les vagues noires projetées par l’épée d’Hélios et, lorsque je fus à un mètre de lui, je bondis aussi haut que je pus dans l’espoir de l’avoir à la tête cette fois-ci.
Je me rendis compte à la dernière seconde de la stupidité de mon acte, lorsque mon ennemi brandit son épée au-dessus de lui. Dans les airs, j’étais une cible vulnérable, je ne pouvais ni me défendre, ni esquiver. Je ne pouvais que recevoir son attaque de plein fouet.
Je vis l’épée d’Hélios noircir lentement, jusqu’à ce qu’un halo sombre l’entoure complètement avant de se détacher et foncer vers moi.
Etait-ce la fin ? Allais-je mourir comme ça, sans avoir rien accompli dans ma vie ? Allais-je devoir briser ma promesse envers Satoshi et Hakaze ? Mon destin était-il de ne connaitre que le malheur et de mourir, le cœur chargé de regrets ? Le regret de n’avoir pas écouté Satoshi, le regret d’avoir cru Hélios, le regret de ne pas avoir pu venger nos parents, le regret de ne pas avoir pu aider la petite Hakaze et tous les autres de Satellite, le regret d’avoir toujours vécu dans l’illusion…
Je fermai les yeux, incapable d’affronter la mort en face, et c’est à ce moment que cela se produisit.
-Non Serena, tu ne mourras pas aujourd’hui, ce n’est pas ce que le destin a prévu pour toi ; résonna une voix grave et lente dans ma tête.
-Qui…Est là ? Demandai-je, tremblante.
-Mon nom est Armageddon.
Armageddon…encore ce nom…C’était à cause de lui qu’Hélios voulait me tuer…Mais je n’avais toujours aucune idée de qui il pouvait bien être, et cela m’était bien égal puisque j’allais mourir de toute façon.
Dans les ténèbres m’entourant, la silhouette d’une créature se dessina. Elle était floue, mais je voyais quelque chose luisant dans le noir. La chose me tendait un objet ressemblant à une lance.
Sans savoir pourquoi, je la pris dans mes mains et je rouvris les yeux. Etrangement, l’attaque ne m’avait toujours pas tranchée, comme si le temps s’était figé.
Instinctivement, je mis mes bras devant moi pour me protéger, même en sachant que c’était totalement inutile, et pourtant, ma parade fonctionna et l’attaque fut stoppée net tandis que je retombais quelques centimètres à côté d’Hélios.
Abasourdie, je regardai mes mains et, sortant de nulle part, une double lance prit forme au même moment.
Je serais bien restée plantée là à me demander d’où venait cette chose, mais j’étais en plein combat et à présent, j’avais moi aussi une arme pour lutter à égalité avec Hélios.
Je fis volte-face et, en voyant ma lance, Hélios blêmit tandis qu’un sourire sadique fendit ma figure lorsque je brandis ma nouvelle arme devant moi.
-A nous deux Hélios, il est temps de voir ce que vous valez vraiment !
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