Chapitre 18 : Je reviendrai, c'est une promesse
« – Je me souviens….Que dans le MMORPG « Collège Kibougamine » , Chiaki, Kôsei, et Arata étaient dans la même classe….Et le jour où Arata-kun et Kôsei-kun se sont alliés pour jouer dans le gymnase….Chiaki….Chiaki a appris ce qu'était l'espoir…..
Kôsei-kun….Je n'ai aucun cheat code pour te dire que je t'aime beaucoup depuis ce jour…… »
L'espoir…..Ce qui était pour eux une conviction, un ressenti, une raison de vivre ou de se battre…Pour moi, ce n'était plus qu'un simple mot. Je n'avais plus ressenti ce sentiment depuis bien longtemps maintenant….Les mots qu'avait prononcé Chiaki à mon égard n'avaient eu aucun impact sur ce ressenti. Elle s'était entichée de l'espoir que je représentais, même si elle clamait elle même que ce n'était pas de l'amour à proprement parler. Elle avait aimé mon combat quelques années plus tôt pour vaincre les tourments d'Onii-chan, mais elle était trop timide pour s'intégrer à notre groupe. Même le fait de savoir que mon combat n'était pas passé inaperçu ne suffisait pas à soulever la moindre émotion chez moi, et à ma grande surprise, même Onii-chan restait de marbre face à tout ça. Nous avions tout simplement discuté un peu avec Chiaki , parlant ensemble des années passées, et chacun était revenu à son business. J'étais de nouveau dans le quartier général de Yume-Nikki, là où je passais le plus clair de mon temps. Comme en chaque fin de journée, je m'abandonnai à la lassitude, à l'indifférence et à l'oubli, au pied de la falaise où se trouvait Nirasa, au cœur de ce que j'appelais mon monde.
C'était un monde fait de pénombre et de nuances de gris dans lequel je pouvais me réfugier quand j'en avais besoin. Dans cet espace, on ne pouvait ressentir la peine, la joie, le chagrin, la culpabilité, tout ce qui s'y trouvait était le vide, l'absence de toute émotion, de tout sentiment….Et ce monde c'était le mien. Je passais mon temps à rester assis sur cette plage faite de sable gris , face à ces eaux obscures semblant contenir tous les tourments du monde en leur sein. J'appréciais cette sensation de rien, cette sensation douce d'épaules légères et de respiration fluide. Tout était simple ici, bien plus que dans le monde extérieur. Je pouvais me laisser aller et oublier, l'espace de quelques instants.
Parfois, d'autres personnes venaient me parler. Eux aussi aimaient errer dans ce monde sombre et dénué de vie. C'était devenu quelque chose d'aussi indispensable pour eux que pour moi. Ces gens dans le désespoir étaient ma seule compagnie, en plus des autres membres de Yume-Nikki qui vivaient dans ce château au cœur du pays de l'oubli et de la morosité.
Mais alors que je me relaxais devant cette étendue d'eau obscure , comme à mon habitude, on vint me sortir de cet instant de quiétude et de vide d'un « Hitotsu ! » qui retentit dans l'espace sinistre. Déçu par le fait de m'être fait interrompu, je revins à moi , atterrissant de nouveau dans une réalité nauséabonde, et ce fut Juuni qui était face à moi. La numéro douze de Yume-Nikki , prit la parole à mon attention, me laissant distinguer de l'inquiétude dans sa voix malgré le masque cachant ses émotions qu'elle portait à ce moment-là.
– Hitotsu. Entama-t-elle solennellement. Vos craintes sont confirmées, ils ont attaqué sans le consentement de dame Laïla.
– C'était inévitable, Nanatsu a agi de son côté. Qui sont les personnes ayant donné l'assaut et où l'ont-elle donné ?
– Nanatsu, Yatsu , et Futatsu. La numéro 7 , le numéro 8 et le numéro 2. Ils se sont rendus chez Soichiro Namatame et sont en train d'affronter les personnes suivantes : Namatame Hakaze, Yamada Hiroki, Leocaser Jessica.
– Jessica…..Répondis-je avec hésitation avant de me reprendre. Bien. Je vais aller sur place arrêter ce conflit. Juuni, envoie moi Achra la numéro 10. Ne préviens surtout pas Dame Laïla de cet écart, si il venait à arriver malheur à Yamada Hiroki, qui sait ce qui pourrait arriver au monde….Même moi je ne peux répondre à ça.
– J'exécuterai vos ordres, Hitotsu. Reprit la femme d'un ton solennel.
– Tu sais que tu n'as pas besoin d'être aussi formelle avec moi, parle donc normalement. Je me mets donc en route, surtout envoie moi Achra. Si il y a des dégâts elle ne sera pas de trop pour m'aider à les réparer.
– Ca roule ma poule. Approuva Juuni, bien plus détendue cette fois.
Juuni me donna les clés d'une moto avec laquelle elle aimait se déplacer. La remerciant, je me mis en route, tournant ainsi le dos à la femme masquée. Mais alors que j'allais partir définitivement, quelque chose me vint en tête. Me retournant précipitamment vers ma collaboratrice, je repris la parole , la mettant en garde sur le plan du jour.
– J'allais oublier. Déclarais-je machinalement. Surtout, tu ne te rends pas sur les lieux. Cela serait dommage de compromettre ta couverture à ce stade et pire, cela pourrait créer d'avantage de conflits. Donc je compte sur toi, Juuni.
– T'en fais pas mec ~ Je ne comptais pas jouer pour le moment ~ Je sais que j'aurai mon heure de gloire un jour, il suffit d'attendre. Me répondit Juuni avec enthousiasme.
Je me retournai en silence, soupirant devant l'attitude légère venant de la femme. Je lui étais malgré tout assez reconnaissant , puisque dans tout l'escouade anti-espoir, elle était peut être la meilleure alliée que je possédais. En effet, depuis quelques temps, certains membres de l'escouade prenaient trop de libertés dans leurs actions , allant même jusqu'à transgresser les ordres de dame Laïla lorsqu'ils estimaient qu'ils en avaient le droit. La principale source de cette désinvolture générale était Nanatsu, la numéro 7 plus connue sous le nom de Cécilia Marciella. Elle était peu suivie, mais j'avais le sentiment qu'elle commençait à gagner de plus en plus de fidèles dans notre mouvement, et voir Yatsu et Futatsu avec elle n'était qu'un signe de plus de cette rébellion progressive. Je devais donc m'assurer de réduire en pièces ce petit escadron se formant progressivement, que ce soit en tant que leader de l'escouade anti-espoir, ou en tant que meilleur élément de dame Laïla.
Je pris donc la route , quittant les terres du désespoir dans lesquelles se trouvait Nirasa, pour regagner ce qu'était pour moi le véritable monde illusoire. La clarté ambiante m'aveuglait bien que la seule source de lumière provenait du coucher de soleil laissant planer une ambiance assez chaude dans l'espace vivant autour de moi. Onii-chan voulut me rejoindre lorsque je quittai le monde, mais je lui demandai de rester au château pour éviter de le mettre en danger inutilement. Ce combat, c'était le mien, celui de Hitotsu, leader de l'escouade anti-espoir, pas le sien.
J'arrivai enfin jusqu'à la moto de Juuni que j'enfourchai avec force pour me rendre sur les lieux de la bataille entre Nanatsu et Jessica. Déterminé à punir cet écart envers dame Laïla, je ne tardai pas sur la route, roulant bien plus vite que la limite autorisée. Slalomant entre les voitures, je prenais des risques considérables pour arriver plus vite. Je manquai plusieurs fois de me faire écraser par un camion ou une voiture, mais je n'avais pas assez d'estime envers ma vie pour privilégier la prudence à la performance. Tout ce qui comptait était de faire se réaliser le projet de dame Laïla, rien d'autre.
Je m'enfonçai de plus en plus dans le côté campagne de notre ville, cherchant ardemment le repère de Soichiro Namatame dont j'ignorais la localisation exacte. Juuni m'avait déjà bien mâché le travail, elle m'avait noté la position du sentier des Lilas où habitait un ami à elle, et ce n'était pas très loin des lieux du conflit interne que je devais régler.
Je n'eus pas à chercher bien longtemps une fois arrivé dans le quartier puisque je distinguai au dessus de moi un immense dragon blanc pourchasser le destructeur des ténèbres kozmo de Nanatsu. C'était un combat entre Jessica et Cécilia qui se déroulait juste au dessus de ma tête. Ne pouvant pas arrêter cet affrontement pour le moment, je me hâtai en scooter jusqu'au prochain affrontement qui cette fois opposait Hiroki à Jordan, le numéro 8. Tous les deux munis d'une arme blanche, ils se donnaient des coups et en paraient d'autres. Déjà bien amochés, les deux protagonistes semblaient vraiment pris du désir de faire mal à l'autre. Cependant, devant mes yeux marqués par la lassitude , je vis quelque chose d'inhabituel provenant de l'adversaire de Yatsu.
L'homme en lequel dame Laïla était intéressée semblait être un tout autre individu. Affichant un air marqué par un profond mépris , c'était clairement lui qui était l'attaquant dans cette bataille entre lui et l'homme appartenant à la même filiation que moi. Il semblait même prendre du plaisir à attaquer de plus en plus rapidement, acculant Yatsu qui se laissait peu à peu dépasser par la force et la vivacité de celui qui était dix ans plus jeune que lui. Je pris quelques secondes pour regarder qui était l'autre Hiroki, celui qui ne mentionnait pas le mot espoir , celui qui prenait du plaisir à attaquer à l'arme blanche quelqu'un d'autre….Ce contraste entre ces deux personnalités que je n'avais vu qu'une fois dans toute ma vie en la présence d'Arata…C'était vraiment étrange qu'un homme si accroché à cette notion futile qu'est l'espoir soit capable d'afficher un visage aussi sombre et respirant la haine.
Je m'avançai finalement vers les deux protagonistes du combat, bloquant avec mon poing protégé par des gants métalliques l'attaque provenant de Hiroki. Les regards des deux hommes furent aussitôt marqués par la surprise face à mon arrivée soudaine au beau milieu de leur conflit. Sans parler, je rétorquai en donnant un coup de poing au protégé de dame Laïla, ce qui eut pour effet de le propulser plus loin. Yatsu poussa alors un cri de surprise face à mon action, mais n'eut pas le temps de réagir d'avantage avant de se prendre le même coup de poing de ma part, le propulsant au sol à son tour.
Les deux hommes se relevèrent péniblement, digérant plus ou moins bien l'impact qu'ils avaient pris en pleine face. Ils grimaçaient tous les deux face à mon intervention, mais s'arrêtèrent lorsque je pris la parole, jouant l'arbitre dans cet affrontement ennuyeux.
– Hiroki, Yatsu, si l'un de vous bouge, je n'hésiterai pas à l'attaquer. Déclarai-je froidement aux deux protagonistes. Yatsu, je peux savoir ce que tu fais ici , sans le consentement de dame Laïla, attaquant la personne capitale dans ses plans ?
– Je…..J'étais venu régler un compte avec Soichiro Namatame….Bégaya mon sujet face aux faits.
– Jordan….Il est temps que je te remette en mémoire les fondements de notre guilde, au cas où tu aurais oublié…..Déclarai-je, sinistre.
M'avançant vers mon sujet, je le fixai du regard, laissant afficher ma profonde colère face à l'acte impardonnable qu'était la désobéissance à Dame Laïla. Lorsque je fus face à son regard désemparé, je le giflai d'une force telle qu'il perdit l'équilibre avant de se retrouver les fesses au sol. De ma posture supérieure je lui lançai un regard glacial avant de reprendre la parole à son attention.
– Jordan. Repris-je , glacial. Tu vois pour Dame Laïla , tu entends pour Dame Laïla, tu combats pour Dame Laïla , tu respires pour Dame Laïla, tu vis pour Dame Laïla….Aurais-tu oublié ça…. ?
– Non…Je……Bégaya l'homme, cherchant ses mots.
– Et pourquoi sommes-nous les outils de Dame Laïla… ? Continuai-je sans prêter attention à sa réponse.
– …..Parce qu'elle seule….Peut éradiquer l'espoir….Admit enfin mon subordonné.
– Bien. Je vois que tu possèdes encore du bon sens.
Je me retournai, laissant enfin Jordan exprimer le soulagement de ne plus être confronté à la pression de mon regard. Hiroki quant à lui était debout sur ses deux jambes, me perçant d'un regard méprisant auquel je n'avais jamais fait face auparavant lorsque j'étais face à l'homme fascinant dame Laïla. Lorsqu'il reprit la parole, ce fut avec une extrême animosité à notre égard.
– Pousse toi de là, je n'en ai pas fini avec lui. Lâcha l'individu avec détermination.
– A partir du moment où cet homme décide d'oeuvrer pour les objectifs de dame Laïla, il est sous ma protection. Essaie donc de t'en prendre à un membre de l'escouade que je dirige.
– Cet homme veut m'enlever quelqu'un de cher. Je ne reculerai pas tant qu'il ne sera pas hors d'état de nuire. Déclara Hiroki tout aussi froidement que moi.
– Cette personne chère que tu défends est en train d'affronter un autre de mes hommes. Si tu arrêtes ce combat et que tu t'allies avec moi, nous irons arrêter ce combat ensemble. Qu'en dis-tu, monsieur espoir ?
– Je ne sais pas si te faire confiance est un bon choix pour être honnête.
– Cela ne me plaît pas plus que cela ne te plaît. Mais c'est pour dame Laïla…..Et pour Jessica. Ce combat ne me plaît pas plus qu'à toi. Je n'ai pas envie de causer des morts inutiles pour des vieilles rancoeurs inutiles.
Hiroki s'arrêta quelques secondes, réfléchissant à mes paroles. Mais le temps était compté, je ne pouvais pas me permettre d'attendre d'avantage. Ainsi, je m'avançai vers lui en courant, me préparant à dégager le passage, mais contre toute attente….L'homme s'écarta avant de prendre la course à mes côtés. Même si le fait de penser que je faisais alliance avec l'espoir me donnait envie de vomir, l'urgence nous faisait face et je ne pouvais refuser de l'aide, quelle qu'elle soit. Ainsi, Hiroki et moi nous enfonçâmes d'avantage dans le périmètre de bataille.
Alors que nous pénétrâmes dans l'endroit, une attaque assez puissante fonça sur nous. J'eus de justesse le temps de plaquer Hiroki contre le sol, l'empêchant de se faire atomiser par ce qui semblait être un torrent de glace. Lorsque mon camarade improvisé se releva, il me regarda, les yeux ronds, comme choqué par ce que je venais faire.
– Tu…Tu m'as sauvé…Bégaya-t-il, consterné par ce que je venais de faire.
– Tu es capital dans le plan de Dame Laïla. Je ne veux pas la décevoir. Rétorquais-je machinalement.
Mais notre conversation fut interrompue par l'action en cours. En effet, l'attaque que nous venions d'éviter venait d'un monstre de duel dont l'énergie était amplifiée par l'Ener-D concentrée dans les alentours. L'homme aux ailes de glace d'où semblait provenir l'attaque se dressait fièrement aux côtés de Soichiro Namatame qui portait d'un bras le corps de sa fille, inconsciente. Toute la haine du monde se dégageait du regard du patriarche tandis que le numéro deux de la brigade anti-espoir lui faisait face, armé de son monstre habituel, Garunix.
– J'attendais ça depuis tellement longtemps ! Déclara le plus vieux des hommes avec assurance. Il est temps pour moi de terminer le boulot que j'ai commencé il y a maintenant 56 ans !
– A cause de toi, mère a souffert. A cause de toi, ma fille vient de souffrir. Le simple fait de penser à son regard dénué de franchise lorsqu'elle se réveillera me donne envie de te faire la peau. Trishula ! On y retourne !
– Garunix ! Montre lui la force que tu as développé depuis tout ce temps !!!
Les deux monstres se ruèrent l'un contre l'autre, sous les regards acharnés de leurs propriétaires. L'air entourant Trishula se glaça, devenant une fine couche de glace tourbillonnant encore et encore tout autour du guerrier, tandis que Garunix était atteint du même syndrome par le biais de ses flammes. Plus ils avançaient l'un vers l'autre, plus ils chargeaient de la puissance, si bien qu'à un moment même la nature alentour se faisait happer par les attaques des deux monstres.
Mais alors que Hiroki ferma les yeux, redoutant le pire, pour ma part je me rendis au milieu du terrain, déployant mes mains pour anéantir l'attaque des deux monstres en les encaissant dans chaque paume, les réduisant à néant d'un seul geste.
– Co…Comment… !!? Bégaya le numéro deux de la brigade. Comment as tu pu détruire Garunix, Hitotsu !?
– Crois-tu vraiment que je suis le leader de cette brigade sans avoir de quoi gérer les conflits ? Pauvre de toi, Namatame Fujii. Ces gants que je porte réduisent à néant l'ener-D dès que je la touche. C'est une création pour laquelle dame Laïla a donné dix ans de sa vie.
– Dame Laïla a toujours fait du bon travail, c'est vrai. Déjà quand j'étais avec elle.
– Silence, Onii-chan. Ils peuvent t'entendre. En tout cas, je viens mettre un terme à cette bataille, Futatsu. Cet acte que vous avez commis n'est pas un ordre de Dame Laïla, vous allez payer pour l'affront que vous avez fait à notre reine à tous.
– Et pourquoi devrais-je obéir à un gamin de ton espèce dis moi !? Rétorqua mon subordonné.
– Sérieusement….Tu es ennuyeux, Fujii. Regarde plutôt pourquoi tu dois m'obéir.
Je claquai des doigts devant l'homme me défiant du regard. Les membres de Glory for Hope, quant à eux, restaient dubitatifs.Quelques secondes passèrent, sans succès apparent. Mais alors que l'homme étant à mes ordres s'apprêtait à se moquer de mon incompétence, il vit enfin le fruit de mon action. Cécilia qui affrontait Jessica au dessus de nous avait vu son vaisseau disparaître subitement, la laissant s'écraser au sol devant les regards effarés de tous les spectateurs du combat actuel. Regardant le spectacle avec satisfaction, je repris la parole , plus menaçant cette fois.
– Tu rentres avec moi, où tu tiens à disparaître à ton tour ? Lâchai-je à l'homme.
– Tss….Tu ne me laisses pas le choix, Hitotsu. Un jour, je vais te mettre en pièces. Sois en certain.
Sur ces paroles, l'homme ramassa la folle qui venait de s'écraser au sol, avant de tout simplement repartir d'où il venait, à savoir notre monde de ténèbres éternelles. J'étais satisfait par le fait d'avoir réglé les conflits internes, je restais néanmoins dégoûté par les perspectives d'avenir que l'on pouvait apercevoir à cet instant. Cécilia commençait à gagner de plus en plus de partisans dans notre guilde qui semblait voir en dame Laïla une femme de pensée plutôt qu'une femme d'action. Cependant, malgré toute la volonté du monde, ma dame les surpassait sur tous les points et elle seule pouvait réaliser notre idéal, celui de détruire l'espoir. Et ce n'était pas Onii-chan qui allait me contredire là-dessus puisqu'il aimait notre leader depuis 5 ans maintenant.
Débattant de ce conflit avec mon frère, je fis mine de reprendre la route lorsque je fus interpellé par une vois grave venant de derrière moi. En me retournant, je me rendis compte que c'était l'ex leader de ma guilde qui avait pris la parole à mon intention.
– Que me voulez-vous ? Déclarai-je froidement. Je n'ai plus rien à faire ici.
– Je n'arrive pas à cerner tes intentions gamin. Me rétorqua alors l'homme d'âge mûr. Tu es venu ici mettre un terme à un conflit qui aurait été profitable à votre guilde en cas de victoire de votre camp. Quelles sont vos vraies motivations, ou plutôt non, quelles sont les tiennes ?
– Je n'ai pas besoin de me justifier à quelqu'un dont l'existence m'indiffère. Cependant, sachez que vous êtes tous en danger. Chacun des membres de notre équipe possède une rancoeur contre l'un de vous, vous avez du le voir, entre Jordan, Fujii et Cécilia. Vous devriez rester en dehors de nos histoires, nous ne voulons pas faire couler le sang, mais la prochaine fois j'arriverai peut être trop tard.
– Et qu'est-ce qui te fait croire que j'aurai perdu le combat gamin ? Lâcha l'homme d'un sourire défiant se dessinant sur son visage.
– Vos convictions sont faibles. En vous entraînant les uns les autres dans quelque chose de factice comme l'espoir, vous vous reposez sur la force de l'autre mutuellement, empêchant ainsi le vrai potentiel de s'exprimer. C'est ce que Reisuke a compris lorsqu'il a rejoint Yume-Nikki.
– Ne me fais pas croire que ce crétin t'a rejoint de gré , pauvre tâche ! Cria alors ma vocaliste descendant de son dragon.
– Tiens, Jessi-chan ! N'oublie pas que le concert arrive bientôt, sept jours et on met le feu !!!! Nous coupa alors Onii-chan plein d'entrain. Et n'oublie surtout pas que tu dois t'y tenir si tu veux connaître la vérité. Enchéris-je alors froidement, reprenant le contrôle de ma personnalité.
– Et ça va être so wonderful guys ~ Je compte sur vous pour mettre le paquet et let the public melt before your eyes ! ~ Cria alors une voix venant de loi, résonnant jusqu'à nous.
Tout le monde regarda d'où venait la voix en question, tandis que ma vocaliste, elle, posa sa main face à son visage en affichant un air dépité. Achra se montra enfin, sans faire attention au fait qu'elle avait gardé cette longue cape mauve qu'elle portait ainsi que son masque qu'elle arborait lorsqu'elle était présente en tant que Yume-Nikki. Elle ne s'en rendit même pas compte lorsqu'elle s'avança vers Jessica, lui parlant comme Akemi Abarai le professeur de musique lui parlait habituellement.
– Tu….Tu es chez Yume aussi…Akemi ? Bégaya Jessica.
– Euh…Non pas du tout ! Je suis juste mon frère dans ses escapes comme les super héros masqués Batman in the city peaaaace !!!! Déclara ma sœur, s'enfonçant dans le ridicule.
– Akemi Abarai, aussi connue sous le nom de Achra, dixième membre de la brigade anti-espoir chez Yume-Nikki. Enchéris-je alors, essayant de conserver le peu d'honneur qu'il restait à Akemi.
– Eh ouais , norage les gens, norage ! From now i'm the despair queen folks ~ Enchéris ma sœur, réduisant tous mes efforts à néant.
Devant les regards consternés de mes interlocuteurs, j'attrapai ma sœur que je traînai avec moi regagnant ainsi notre demeure, ce grand château sinistre dans le monde du désespoir total. Je repensai en chemin à tout ce que j'avais fait ce jour et pourquoi je le faisais. Nous avions beau le crier haut et fort, Onii-chan et moi n'étions pas suffisant pour arrêter la menace nous faisant face. Il nous fallait plus de force de frappe, plus de puissance , et plus d'acharnement pour tenir tête à Cécilia et sa bande. Même si Juuni était une alliée comme l'on n'en avait pas deux, elle n'était pas suffisante pour m'aider à contenir les déboires de l'équipe.
Lorsque l'on rentra ensemble, je donnai leur punition à Cécilia, Jordan et Fujii. Je leur interdis de sortir du monde des ténèbres en leur en coupant l'accès pendant dix jours, les laissant ainsi ruminer dans leur coin pendant que je préparais d'avantage de dispositifs pour empêcher les trois individus de nuire. Les jours passèrent, rythmés par les ordres quotidiens, l'école, et la musique, et tandis que la date fatidique de notre concert se rapprochait, dame Laïla menait tranquillement ses opérations, convertissant de plus en plus d'élus locaux, départementaux, régionaux, à suivre notre leader dans sa conviction déterminée à supprimer l'espoir de ce monde. Reisuke se montrait bien plus utile que ce que j'aurais pensé au départ, puisqu'il était un argument pesant dans la balance, lui qui pouvait faire appel à tout moment à une créature colossale qu'il appelait « Héritier de l'Enerdy ». C'était souvent déterminant lorsqu'un collaborateur éventuel refusait de se joindre à ma dame. Dans ces cas-là, c'était Reisuke ,armé de son dragon d'énergie constante, qui menaçait les éléments récalcitrants afin qu'ils acceptent les conditions imposées par ma dame.
De mon côté, je surveillais d'avantage la bande improvisée de Cécilia, qui était bien plus dangereuse que ce que l'on pouvait imaginer en la regardant. C'était Juuni qui m'avait alerté de cette épée de Damoclès pesant sur la guilde, et elle avait raison puisque la femme était clairement prête à tout pour un objectif que je ne pouvais comprendre : la vengeance.
Surveillant ce qu'il se passait, je ne vis pas passer les jours qui m'amenèrent jusqu'au soir fatidique, le soir où Jessica ma vocaliste allait m'aider à assouvir les désirs de mon grand-frère….Le soir du concours annuel de musique inter écoles.
L'hôte de la cérémonie s'installa, récitant le même discours sur les bons sentiments et les capacités de chacun , comme il le faisait tous les ans, tandis que moi, Jessica, Masu et Kenichi écoutions sans sourciller. Tout se bousculait dans ma tête et dans celle d'Onii-chan face à ce qui représentait pour nous le soir le plus important depuis que nous ne faisions qu'un. Yume-Nikki n'existait plus, Dame Laïla n'existait plus, toutes les actions contre l'espoir n'existaient plus, il n'y avait plus que moi, Onii-chan, et cette scène sur laquelle nous devions nous lever, montrer à tous nos détracteurs que nous n'étions pas morts et que nous nous relevions, portés par la lumière d'Arata qui nous portait déjà lorsqu'il était encore en vie.
Lorsque le nom de notre groupe fut prononcé, « The Fallen Moon » attira aussitôt les regards et les chuchotements de la foule qui n'était pas sans savoir que notre vocaliste dont ils avaient oublié le nom depuis le temps, était mort. Ce fut donc face à un public mitigé que nous fûmes sollicités pour ouvrir le bal de ce festival annuel dans lequel nous avions brillé quelques années plus tôt, et que nous n'avions jamais plus approché depuis.
– Bonsoir à tous. Déclarai-je alors solennellement. Nous sommes « The Fallen Moon ». Nous retrouvons ce soir des visages familiers que nous n'avions pas vu depuis quelques temps. Depuis quelques années, nous avons traversé des passes difficiles, le groupe et moi. Notre principal vocaliste est parti loin de nous, et en conséquence nous avons donc essayé de tirer un trait sur notre temps passé avec lui. Nous refusons cependant de nous résoudre à ce procédé, et ce soir, c'est la musique de notre leader que nous vous transmettons, parce qu'il n'y a que lui qui est capable de faire de nous un groupe grandiose. Voici donc Kenichiro, Masuda, Jessica, et moi, Kôsei, et nous allons vous jouer « Million Star ».
https://www.youtube.com/watch?v=6TF80pu7Le4
Je me retournai , laissant Jessica prendre place devant un public franchement dubitatif tandis que j'attrapai la guitare que j'avais laissé plus loin ainsi que le micro. Ce soir, nous étions en duo, moi et ma vocaliste, sur un air de guitare et de basse assez lourd composé par Kenichiro. « Million Star » était une chanson dont les lyrics n'étaient pas spécialement élaborés, mais dont la composition musicale était un franc message pour la renaissance de « The Rising Sun »
La voix rauque que Jessica travaillait depuis maintenant des mois reflétait en elle tout l'entraînement qu'elle lui avait prêté. Le son qu'elle émettait n'était plus comparable à celui qu'elle produisait lorsqu'elle avait rejoint le groupe. Elle était comme une fleur s'étant épanouie au fil du temps, laissant éclore un torrent de violence agrémenté d'une pointe de douceur , et ma voix qui était légèrement plus aigue que la sienne se fondait dans celle de ma vocaliste à la perfection, exactement comme l'on le voulait en écrivant la chanson. Masuda et Kenichiro quant à eux n'avaient jamais été aussi violents avec leurs instruments. Ils donnaient tout ce qu'ils avaient, conformément à la chanson, pour produire un son plus fort et ayant plus d'impact que nos autres chansons. C'était après tout, tout ce que l'on cherchait dans cette soirée : crier haut et fort le fait que l'on n'est pas mort, et que tout est encore debout.
Notre prestation se passa plutôt bien. Le groupe était plus que jamais en forme. Depuis ces quatre années, nous avions tous pris du galon, que ce soit Masu, Kenichi ou moi. J'eus une pensée pour Arata à cet instant. Peut être nous aurions réussi notre pari, si nous nous étions présentés aujourd'hui tous les quatre plutôt qu'il y a 4 ans. Je ne pouvais cependant pas le savoir, et cela ne m'avançait à rien d'y penser d'avantage. Arata était mort aux yeux de tous, excepté aux miens. Même si il était toujours avec moi, je ne pouvais pas le faire resurgir de nulle part, personne ne le pouvait.
Nous regagnâmes le public devant une foule mitigée par notre prestation. Nous avions laissé une forte impression dans leurs cœurs, mais le malaise prenant concernant l'histoire de notre groupe ne se détachait pas de l'esprit du public. Ils n'arrivaient pas à se mettre dans l'ambiance, ce qui était normal après tout lorsque l'on connaissait sur quelles pierres était bâti notre alliance.
Nous nous rassîmes donc ensemble, non loin d'un arbre sous lequel nous nous posâmes. Jessica semblait satisfaite de sa prestation, là où Kenichiro et Masuda se contentaient de me fixer, cherchant à savoir dans quel état d'esprit je me trouvais.
– C'était une belle prestation, leader. Déclara alors le roux du groupe avec satisfaction.
– Yesh ! On a mis le paquet c'était beau ! Approuva alors Kenichi, le blond.
– Je suis aussi satisfaite. Je n'aurais pas imaginé chanter dans un festival il y a un an de ça. Le futur nous réserve des surprises. Dit Jessica avec nostalgie.
– Au niveau du concours, nous sommes vraiment à la traîne. Déclarai-je, impassible. Nous n'avons clairement pas le niveau face aux géants des années précédentes. Quand on voit la prestation qu'est en train d''effectuer « Le Bard » est d'un tout autre niveau que la notre.
– Ko-cchi, tu devrais arrêter de ne penser qu'en termes de résultats…..Rétorqua le blond, gêné par mes arguments négatifs.
– Je ne pense pas qu'en terme de résultats. Au contraire.
Je me levai, faisant face à mes trois camarades qui furent surpris par mon changement soudain de comportement. Face au groupe dont Onii-chan était le leader, je compris alors une chose très importante. Ils étaient tous autant touchés que moi par la mort de notre camarade….Mais il se préoccupaient tout autant de moi qu'ils tenaient à lui. Tout ce temps, ils avaient masqué leur peine afin de me faire voir des sourires plutôt que des larmes, alors que je me renfermais de plus en plus sur moi-même. Mais leurs sentiments eux….Ils étaient bien à l'intérieur, je les avais ressenti lors de notre prestation. Ainsi, rassemblant le peu d'émotions positives qui subsistaient en moi, j'affichai un franc sourire à l'intention de mon groupe ; en totale coordination avec Onii-chan, et ensemble nous prononçâmes ces quelques mots qui eurent l'effet d'une bombe pour mes camarades.
– Merci pour tout ce que vous avez fait….déclarai-je, poussé par les sentiments d'Onii-chan.
– Kô…..Kôsei….. ? Bégaya alors Masuda. Tu…Tu es revenu….?
– Désolé les mecs….J'ai encore énormément de choses à faire….Et Onii-chan aussi….Pour détruire ce qui nous a fait tous sombrer. Mais….Ce soir grâce à vous j'ai pu voir une étincelle de lumière dans les obscures ténèbres de ce monde. Cela renforce ma détermination à vouloir corriger ce monde qui nous a fait du mal. Un jour on pourra de nouveau rire de rien et profiter de la vie ensemble…Et cela sera moi et Dame Laïla qui créerons ce monde.
– C'du bullshit ce que tu racontes. M'interrompit la blonde. Ta connasse se sert de toi pour faire le sale boulot. J'connais ça t'en fais pas, moi aussi je croyais construire quelque chose de meilleur, et ce fils de pute utilisait simplement tout ce qu'il pouvait utiliser pour ses projets égoïstes. Kôsei, tu crois que je ne connais pas la douleur de perdre un proche ? J'ai perdu mes parents, tous mes amis….Et mon oncle…Et tout ça en une seule nuit.
Je fus abasourdi par les révélations de ma vocaliste, et je n'étais pas le seul. Onii-chan, Masuda et Kenichiro étaient effarés par ce que venait de dire la blonde. Pour toute réponse, je ne pus que bégayer des excuses devant une Jessica s'étant perdue l'espace de quelques secondes dans ses pensées. Mais alors que j'allais reprendre la parole, elle me la coupa.
– J'ai longtemps pensé que la destruction était le principal remède à la douleur. Quand tu te retrouves dans la merde du jour au lendemain, tu te dis que détruire est le choix le plus logique….Mais cette pauvre tâche m'a montré que l'espoir était aussi quelque chose de beau, surtout lorsque l'on a expérimenté la peine avant ça. T'sais Kôsei, j'pense que ce sont les personnes dans le désespoir qui sont les mieux placées pour connaître le véritable sens de l'espoir.
– Jessica…..
– Et d'ailleurs, enchaîna-t-elle, je pense que chercher après les motivations de Reisuke serait peine perdue, donc à la place, promets moi de veiller sur cette tête de gland. Il est tellement un boulet profond qu'il serait capable de se faire trouer par le premier abruti qui passe. Ricana ma camarade , cassant l'ambiance.
– D'accord. Je veillerai à ce qu'il conserve sa vie. Promis-je alors machinalement, laissant Hitotsu reprendre le dessus.
L'instant était intense entre moi et ma vocaliste. Les deux autres membres de mon groupe semblaient satisfaits par le fait que je me sois ouvert à eux l'espace d'un instant, et Onii-chan partageait leur satisfaction à mon égard. Tous les trois me fixaient avec le sourire , ce qui me mit un peu mal à l'aise sur le moment….Mais ces instants que nous passions tous ensemble étaient très précieux, chaque fois que je repensais à ceux passés avec Arata, un sentiment de profonde chaleur m'envahissait tout le corps…Et c'était cette chaleur que je ressentais actuellement.
– Quand j'aurai fini tout ça….Je reviendrai , je vous le promets…..Murmurai-je alors.
– Qu'as-tu dit Ko-cchi !? Me demanda Kenichiro, enthousiaste.
– R…Rien du tout. Bégayai-je en guise de réponse.
L'ambiance du moment fut interrompue par l'annonce du prochain groupe qui allait entrer en scène. Nous nous retournâmes tous, regardant la scène sur laquelle se trouvait le doyen du lycée Kibougamine, lui donnant toute notre attention. Cependant, à notre grande stupeur, ce qu'il déclara à cet instant nous prit par surprise, sortant de nulle part.
– Votre attention. Déclara-t-il alors. Il est temps d'accueillir notre prochain groupe, un des favoris de cette édition annuel du festival de musique ! Je vous laisse donc accueillir chaleureusement « The Rising Sun » menés par leur leader le talentueux « Kashiwagi Arata » !
– Co…Comment !!? Bafouillais-je alors, abasourdi par ce qu'il venait de dire.
Sans que l'un de nous ne sache que dire face à cette déclaration, nous nous contentâmes du silence, rivant nos yeux sur la scène d'où sortit un groupe de quatre personnes. Tandis que les musiciens prirent place face à leurs instruments respectifs, leur leader s'avança vers le micro. De cette voix, de cette prestance, de cette démarche et de ce charisme tous familiers pour moi, il prit la parole, abaissant son chapeau pour que l'on puisse voir son visage familier vieilli de quelques années.
– Merci à tous de nous accueillir ce soir. Déclara celui qui semblait être notre camarade avec assurance. « The Rising Sun » est fier de vous présenter la chanson sur laquelle nous avons tous travaillé.Notre seconde vocaliste, June n a attrapé froid, nous avons donc décidé de lui dédier cette chanson ! Que l'espoir gagne vos cœurs par le biais de notre chanson, voici Angéla à la batterie, Maya à la basse, et Ambre à la guitare, et enfin moi même, Kashiwagi Arata au chant, nous vous présentons « Heartily Song »
Devant nos mines décomposées par ce qui semblait être une blague de très mauvais goût nous désignant se produisait « The Rising Sun » , soulevant d'avantage de questions concernant Onii-chan et cet homme qui semblait être notre ami, qui semblait être notre frère.
Serrant les poings, je regardais la prestation avec hésitation, l'esprit perdu dans ce qui semblait être une réalité factice.
– Onii-chan….Lâchai-je alors dans un soupire se noyant dans le bruit généré par le festival.
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